Page précédenteTable des matièresPage suivante

L'éthique dans l'alimentation et l'agriculture

La production, la transformation et la distribution des produits alimentaires et agricoles sont généralement considérées comme des aspects de la vie quotidienne allant de soi à travers le monde. C'est la raison pour laquelle elles ont rarement été analysées sous l'angle de l'éthique. Or l'alimentation et l'agriculture, ainsi que les avantages économiques qui découlent des activités alimentaires et agricoles, ne sont que des moyens pour parvenir à des fins qui, par nature, revêtent une dimension éthique. Ce n'est qu'en de rares occasions que la FAO s'est penchée sur les questions d'éthique, pourtant inscrites dans le préambule de l'Acte constitutif de l'Organisation (voir encadré). En l'absence de telles valeurs, dont nous analyserons les plus importantes ci-après, la FAO perdrait presque sa raison d'être.

L'importance de l'alimentation. L'homme ne peut se passer de nourriture; la faim est le résultat de la privation du droit universel à la nourriture. Dans toute société, la nécessité de donner aux personnes, qui en sont capables physiquement, les moyens de se procurer de la nourriture et de subvenir directement aux besoins de celles qui en sont incapables est prescrite à la fois par les codes moraux et par l'éthique la plus élémentaire. Le non-respect de ce devoir apparaît comme une injustice, un acte immoral, tandis que l'élimination de la faim et de la malnutrition est jugée salutaire. Plusieurs textes internationaux proclament le bien-fondé de ce principe bien établi, en particulier la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948) et la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale (1996).

L'importance d'une amélioration du bien-être. Aujourd'hui, presque tous les États-nations reconnaissent la nécessité d'accroître le bien-être de leurs citoyens. Cette amélioration du bien-être rend aussi l'homme plus digne et favorise le respect de soi. Si une certaine dose de charité est parfois indispensable pour répondre à des situations désespérées et pressantes, elle ne permet pas d'améliorer le bien-être de façon durable. Des progrès dans ce domaine ne sont possibles que si la population a accès à des moyens d'acquérir des compétences, au capital, à l'emploi, à l'éducation et aux opportunités. De surcroît, l'agriculture et les campagnes ne peuvent se développer durablement en l'absence d'infrastructures rurales viables et de politiques favorisant la responsabilisation des populations.

L'importance de la santé. L'élimination de la faim et de la malnutrition entraîne une amélioration de l'état de santé de la population. Des êtres en bonne santé sont plus à même de prendre part aux activités humaines et davantage capables de mener des existences productives et utiles. De plus, la protection de la santé suppose que l'on garantisse un niveau nutritionnel adéquat et que l'on se protège contre les aliments dangereux. Sur ces deux points, les pays se rejoignent, en tant que membres de l'Organisation mondiale de la santé (Constitution de l'OMS, 1946) et de la Commission du Codex Alimentarius (1963).

Extrait du Préambule de l'Acte constitutif de la FAO

Les États qui adhèrent au présent acte, résolus à développer le bien-être général par une action particulière et collective, afin:

  • d'élever le niveau de nutrition et les conditions de vie des populations placées sous leur juridiction respective;
  • d'améliorer le rendement de la production et l'efficacité de la répartition de tous les produits alimentaires et agricoles;
  • d'améliorer la condition des populations rurales;
  • et ainsi de contribuer à l'expansion de l'économie mondiale et de libérer l'humanité de la faim;
  • constituent par les présentes l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture...

L'importance des ressources naturelles. Toutes les sociétés humaines reconnaissent l'importance des ressources naturelles, cette composante de la nature utilisée pour produire de la nourriture et d'autres biens précieux et indispensable à notre survie et à notre prospérité. À l'évidence, aucune utilisation particulière de ces ressources ne doit mettre en péril les autres utilisations auxquelles elles peuvent être légitimement consacrées, aujourd'hui ou à l'avenir. En particulier, aucune utilisation présente ne doit condamner nos descendants à un labeur incessant ou au dénuement.

L'importance de la nature. Enfin, la nécessité d'apprécier la nature elle-même est de plus en plus largement reconnue. À mesure que notre capacité de la modifier s'accroît, on reconnaît également de plus en plus sa beauté, sa complexité et son intégrité, ainsi que les limites de la modification par l'homme du monde naturel. La Convention sur la diversité biologique (1992) reconnaît non seulement la valeur qui peut être conférée à des organismes en particulier, mais aussi, comme l'ont fait d'innombrables cultures, que la nature doit être appréciée pour ce qu'elle est.

* * *

En résumé, ces valeurs nous révèlent en partie ce que nous sommes et ce qu'il nous faut accomplir, et s'il est vrai que toutes les cultures ne les interprètent pas de la même façon, chacune en reconnaît l'importance. Les valeurs en question ne sont en aucune façon nouvelles et se situent aussi au cœur de la mission de la FAO. Comment se fait-il, par conséquent, qu'elles suscitent à nouveau un débat? Pourquoi la FAO s'estime-t-elle tenue de soulever la question de l'éthique dans le secteur de l'alimentation et de l'agriculture?

Page précédenteDébut de pagePage suivante