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Les OGM et la
santé humaine


Analyse du risque

Une grande confusion règne à propos des risques que les OGM posent pour la sécurité alimentaire et l'environnement. Les organismes de réglementation élaborent leurs normes d'après les évaluations scientifiques des risques. Beaucoup sont d'avis que la prise de décisions fondée sur des critères scientifiques est la seule façon objective de définir la politique à adopter dans un monde où il existe une grande diversité d'opinions, de valeurs et d'intérêts. L'analyse du risque comporte trois éléments: l'évaluation du risque, la gestion du risque et la communication du risque.

Évaluation du risque

Dans le contexte de la sécurité sanitaire des aliments, le risque inclut deux éléments: i) le danger potentiel, un facteur intrinsèque (par exemple un agent biologique, chimique ou physique présent dans une denrée alimentaire ou l'état de cette denrée susceptible de porter préjudice à la santé) qui indique les dégâts que pourrait causer un événement donné; et ii) la probabilité que cet événement se produise. Ainsi, pour ce qui est des substances chimiques, on considère que le risque est le danger potentiel x la probabilité d'exposition; dans le cas de la quarantaine, c'est l'éventuel dommage pouvant être infligé par le ravageur x la probabilité d'introduction, etc.

L'évaluation du risque est un processus fondé sur des données scientifiques comportant les étapes suivantes: i) l'identification du danger potentiel; ii) la caractérisation de ce danger; iii) l'évaluation de l'exposition; et iv) la caractérisation du risque. Les dangers potentiels, et leur probabilité de concrétisation, sont donc étudiés ainsi, et des modèles sont élaborés pour prévoir le risque. Ces prévisions peuvent aussi être vérifiées ultérieurement, par exemple au moyen d'études statistiques (épidémiologiques).

Les consommateurs ont besoin d'être sûrs que leurs aliments sont sains et nourrissants

- FAO / 19520 / G. BIZZARRI

Les deux composantes du risque présentent un degré d'incertitude faisant l'objet de nombreux débats. Par exemple, on peut se demander si les méthodologies utilisées pour estimer le risque relatif à d'autres facteurs connexes (présence de résidus de pesticide dans les denrées alimentaires et introduction de ravageurs) ont une valeur prédictive suffisante pour les OGM. La composante de l'analyse du risque concernant le danger potentiel fait, en particulier, l'objet d'un examen attentif.

Gestion du risque et analyse des options

La gestion du risque5, qui est distincte de l'évaluation du risque, consiste à examiner les différentes mesures pouvant être prises en consultation avec toutes les parties intéressées, tout en tenant compte de l'évaluation du risque et autres facteurs pertinents pour la protection de la santé des consommateurs, et pour la promotion de pratiques commerciales équitables de même que, le cas échéant, en sélectionnant les options appropriées en matière de prévention et de contrôle.

Le danger pour l'environnement est probablement moins facile à quantifier que le danger pour la santé. Il porte également sur un bien commun plutôt que sur un bien privé (la santé). Dans les deux cas, seule une expérience à long terme pourra déterminer si l'évaluation et la gestion du risque ont donné de bons résultats. Quand une stratégie de gestion du risque appropriée est appliquée à des problèmes environnementaux, et non pas à des problèmes concernant la sécurité sanitaire, il faut commencer par décrire un problème ainsi que les buts, les objectifs et les valeurs qui guident la recherche de la solution à ce problème. On procède alors à une analyse des options pour envisager le plus grand nombre possible de solutions, ce qui permet de créer de nouvelles options ou combinaisons d'options au lieu de réduire le champ de l'analyse. Quand on peut comparer les avantages et les inconvénients d'une vaste gamme de solutions envisageables, il est davantage possible d'assurer la pleine participation de la société concernée.

Communication du risque

La communication du risque est l'échange interactif d'informations et d'idées entre les évaluateurs, les gestionnaires du risque, les consommateurs, l'industrie, la communauté universitaire et d'autres parties intéressées par l'entremise du processus d'analyse du risque. L'échange d'informations concerne les facteurs liés au risque, ainsi que les façons dont celui-ci est perçu, et inclut la présentation des conclusions de l'évaluation du risque et l'explication des raisons sur lesquelles sont fondées les décisions en matière de gestion du risque. La communication établie avec le public au sujet du risque doit absolument venir de sources crédibles et inspirant confiance.

Sécurité des aliments génétiquement modifiés

Les aliments sont des mélanges complexes de composés caractérisés par la grande diversité de leur composition et de leur valeur nutritionnelle. Les priorités varient, mais la sécurité sanitaire des aliments préoccupe les consommateurs de tous les pays. Ils aimeraient être sûrs que les produits transgéniques commercialisés ont été testés de façon adéquate et contrôlés pour assurer leur sécurité et pour déceler les problèmes dès qu'ils surviennent. Étant donné la complexité des produits alimentaires, on continue de penser que la recherche sur la sécurité sanitaire des aliments transgéniques est plus difficile que les études sur leurs composantes comme les pesticides, les produits pharmaceutiques, les substances chimiques industrielles et les additifs alimentaires. Les pays discutent des normes applicables aux OGM et des façons d'assurer leur sécurité dans le cadre de la Commission du Codex Alimentarius et d'autres tribunes. Une méthode que l'on utilise pour évaluer les risques posés par les OGM repose sur le concept de l'équivalence substantielle.

L'étiquetage des produits alimentaires transgéniques: deux approches en matière de réglementation

Les différences entre les façons dont les États-Unis et l'Union européenne envisagent l'étiquetage des OGM illustrent certaines des questions en jeu.

Aux États-Unis, la loi exige que l'information relative aux produits alimentaires soit claire et dépourvue d'ambiguïté. L'étiquetage est censé fournir des renseignements utiles servant à mettre en garde et informer le consommateur. Tout autre renseignement trompeur ou inutile est considéré comme portant atteinte au droit des consommateurs à pouvoir procéder à des choix raisonnés, et réduisant l'efficacité de l'information essentielle fournie par l'étiquetage. Si les OGM ne sont pas différents de leurs homologues traditionnels pour ce qui est de leur valeur nutritive, de leur composition ou de leur sécurité, on considère que l'étiquetage spécial est inutile et peut être trompeur.

Dans l'Union européenne, l'étiquetage est considéré comme une façon de garantir le droit des consommateurs à connaître tout fait qu'ils jugent important. C'est un moyen de permettre aux consommateurs d'exercer un choix et de les informer au sujet des OGM. L'approche adoptée par l'Union européenne en matière d'étiquetage cherche à établir un compromis entre les secteurs industriel, scientifique et public. Dans l'Union européenne, la question n'est pas de savoir s'il faut étiqueter les produits de biotechnologie, mais comment on doit les étiqueter.

L'équivalence substantielle reconnaît que le but de l'évaluation n'est pas de garantir une sécurité absolue, mais d'examiner si l'aliment transgénique ne présente pas plus de risques que son homologue traditionnel, s'il existe. On convient généralement qutelle évaluation nécessite une approche intégrée, ponctuelle et graduelle. Les facteurs pris en considération quand on compare un aliment transgénique à son homologue conventionnel sont notamment:

Si l'aliment dérivé d'un OGM est jugé substantiellement équivalent à son homologue traditionnel, il est alors considéré comme ne présentant pas plus de risques que ce dernier. Dans le cas contraire, d'autres tests sont réalisés.

Étiquetage des produits transgéniques

Les consommateurs ont le droit d'être informés à propos des produits qu'ils achètent. Toutefois, la question de savoir si l'étiquetage des aliments transgéniques est la façon la plus appropriée et la plus réaliste de permettre aux consommateurs de procéder à des choix éclairés à propos de ces produits suscite constamment de vifs débats dans de nombreux pays. La Commission du Codex Alimentarius se penche également sur cette question. Plusieurs gouvernements ont adopté des politiques et des procédures concernant l'étiquetage des OGM, entre lesquels il existe d'importantes différences.

Les protocoles d'étiquetage de la production à la consommation peuvent poser des problèmes insurmontables aux pays dotés de capacités limitées qui souhaitent obtenir des revenus sur les marchés internationaux.

Les OGM et les allergènes

La modification génétique offre la possibilité de réduire ou d'éliminer la quantité de protéines allergènes présentes naturellement dans certaines denrées alimentaires. Pour assurer la sécurité des aliments, une attention particulière est portée aux risques que pourraient entraîner des modifications génétiques qui ajouteraient des allergènes aux aliments commercialisés. Tous les produits contenant des allergènes, quelle que soit leur origine, devraient être gérés de la même façon - par exemple en recourant à l'étiquetage - pour garantir aux consommateurs le droit à un choix éclairé et la possibilité d'éviter les aliments contenant des allergènes.

Le cas du soja modifié par addition d'un gène issu de la noix du Brésil (voir encadré) montre comment les tests réalisés avant la commercialisation ont permis d'éviter un problème potentiel pour la santé6.

Les allergènes de la noix du Brésil

La possibilité d'un transfert d'allergènes causé par le génie génétique est apparue au grand jour lorsqu'un gène producteur de méthionine provenant de la noix du Brésil a été incorporé au soja pour améliorer sa teneur nutritionnelle par la société Pioneer Hi-bred aux États-Unis. Les tests que les chercheurs de cette entreprise ont réalisés sur les allergènes ont toutefois confirmé que la consommation du soja transgénique pouvait causer, chez les sujets sensibles, une réaction allergique identique à celle que la noix du Brésil déclenche chez les mêmes sujets. Cette société a donc décidé de ne pas mettre en vente ce soja transgénique. Ce cas a fortement contribué à faire prendre conscience des dangers potentiels associés au transfert de gènes dont les caractéristiques fonctionnelles ne sont pas suffisamment connues.

Le riz doré et la lutte contre la carence en vitamine A

Un riz transgénique a récemment été mis au point en insérant trois gènes (provenant de la jonquille et de bactéries) producteurs d'enzymes sous l'effet desquelles les grains de riz produisent du bêta-carotène, qui peut se transformer en vitamine A dans le corps humain. Ce riz transgénique a des grains de couleur doré qui contiennent du bêta-carotène en quantité suffisante pour couvrir les besoins quotidiens de vitamine A.

La possibilité de créer du riz ayant une teneur accrue en micronutriments est présentée comme un exemple de la contribution potentielle du génie génétique à la réduction de la malnutrition. La carence en vitamine A, très répandue dans les pays en développement, peut accroître la morbidité, causer la cécité et contribuer à la mortalité infantile.

Il existe plusieurs façons différentes de s'attaquer au problème de la carence en vitamine A: la promotion d'aliments naturellement riches en vitamine A, la distribution de suppléments vitaminiques et l'enrichissement de certains aliments. Ces technologies sont déjà utilisées et, même si aucune d'elles ne fait l'unanimité parmi les experts, elles ont fait leurs preuves pour lutter contre cette maladie. Il est nécessaire d'évaluer l'intérêt que présente le riz doré transgénique par rapport à ces autres options.

L'utilisation d'OGM pour résoudre
les problèmes de nutrition

Quand il a été annoncé récemment qu'il était possible de mettre au point des variétés de plantes transgéniques produisant le précurseur de la vitamine A (voir l'encadré sur le riz doré), beaucoup ont pensé que les produits issus de ces cultures pourraient contribuer à résoudre le grave problème de santé publique que pose la carence en vitamine A. Ces attentes ont relancé le débat public sur le rôle des OGM dans le cadre de stratégies visant à régler les problèmes que pose la nutrition dans le monde.

Les scientifiques utilisent aussi les techniques du génie génétique à des fins expérimentales pour prévenir divers problèmes concernant la sécurité sanitaire des aliments. On a ainsi constaté une diminution de la contamination par les mycotoxines dans le cas du maïs Bt génétiquement modifié pour acquérir une résistance contre les moisissures productrices de toxines. Les mycotoxines sont des carcinogènes qui peuvent causer le cancer du foie chez les êtres humains. On pense que le maïs Bt présentant un nombre réduit de perforations pratiquées par les insectes pour se nourrir, le nombre d'ouvertures pouvant donner lieu à une infection est plus limité.


5 Source: Rapport de la 23e session de la Commission du Codex Alimentarius , Rome, 28 juin - 3 juillet 1999.
6 Cet article est basé sur les informations recueillies jusqu'à juillet 2000. En septembre 2000, un maïs transgénique contenant un gène d'une souche particulière de Bt, autorisé pour l'alimentation animale mais non pour l'alimentation humaine, a été mis en vente dans un produit destiné à la consommation humaine. La réponse réglementaire des pouvoirs publics a été rapide et on évalue actuellement les incidences à long terme de cette affaire.

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