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II. ENVIRONNEMENT ÉCONOMIQUE EXTERNE:
POSSIBILITÉS ET DÉFIS

100. Étant donné la rapidité de la mondialisation, l'environnement économique extérieur crée des défis majeurs mais aussi d'importantes possibilités pour l'agriculture dans les PMA. Si un accès plus large aux marchés les plus vastes et les plus riches peut, par le biais des échanges, encourager la croissance et le développement, les PMA se heurtent, par suite de leur sous-développement économique, à un grand nombre de contraintes internes sur le plan de l'offre qui nuisent à la compétitivité de leurs exportations. L'on trouvera ci-après un examen des principales tendances et des schémas du commerce de produits agricoles de ces pays ainsi que des principaux facteurs qui les affectent.

A. PLACE OCCUPÉE PAR LES PAYS LES MOINS AVANCÉS DANS LE COMMERCE MONDIAL
DE PRODUITS AGRICOLES

1. Tendances marquantes

1.1 La marginalisation des PMA sur les marchés agricoles mondiaux

101. La participation des PMA au commerce international de produits agricoles est insignifiante et ne cesse de diminuer. Leur part des exportations mondiales de produits agricoles a constamment baissé, tombant de 3,3 pour cent en 1970-79 à 1,9 pour cent en 1980-89 et à 1,5 pour cent seulement en 1990-98 (tableau 3). Leur part des importations mondiales s'est contractée aussi, bien que de manière beaucoup moins prononcée, ne reculant que de 1,8 pour cent en 1970 à 1,6 pour cent en 1998. Si le commerce mondial de produits agricoles (y compris les échanges entre pays de l'Union européenne) s'est développé à un rythme annuel moyen de plus de 5 pour cent pendant la période 1990-98, les exportations des PMA n'ont progressé que de 3,9 pour cent, contre 6,6 pour cent pour les pays en développement dans leur ensemble. Leur part du marché d'un grand nombre de produits agricoles clés s'est nettement contractée entre les années 80 et 90 dans des proportions allant jusqu'à plus de 30 pour cent pour des produits comme le bois d'oeuvre, le café, le thé et le cacao et d'environ 20 pour cent pour le bétail.

Tableau 3. Tendances des exportations de produits agricoles des PMA et des autres pays en développement

  PMA Tous pays en développement
Taux annuel moyen d'augmentation des exportations (en pourcentage)    
1970-79 9,5 16,0
1980-89 -1,4 2,4
1990-98 3,9 6,6
Part des exportations mondiales de produits agricoles (en pourcentage) 1    
1970-79 3,3 33,8
1980-89 1,9 31,0
1990-98 1,6 30,0

1 Y compris les échanges entre pays de l'Union européenne.

Source: FAOSTAT (2000).

1.2 Concentration par produit et par région des exportations

102. Outre qu'elles ne représentent qu'une part de plus en plus réduite du commerce mondial de produits agricoles, les exportations des PMA se composent pour l'essentiel d'un petit nombre de produits primaires à faible valeur ajoutée. En moyenne, les trois produits d'exportation qui viennent en tête, qui sont essentiellement des produits agricoles primaires, sont à l'origine de plus de 65 pour cent du total des recettes d'exportation. Les principales exportations agricoles des PMA sont notamment le café, le coton, le jute, le poisson et les fruits de mer, les bois tropicaux et les bananes, principalement sous forme non traitée. De plus, ces exportations se dirigent vers un nombre très limité de marchés, dont l'Union européenne est de plus loin le plus vaste (36 pour cent) suivie par les États-Unis et le Canada (21 pour cent) et par le Japon (6 pour cent). Les conditions d'accès aux marchés de ces pays revêtent par conséquence une importance critique du point de vue des possibilités d'exportation qui s'offrent à eux.

1.3 Dépendance à l'égard des importations de produits alimentaires

103. Les PMA sont de plus en plus tributaires de leurs importations pour couvrir leurs besoins en produits alimentaires de base. Par exemple, le ratio des importations céréalières (y compris l'aide alimentaire) par rapport au total des approvisionnements en céréales alimentaires est passé de 5 pour cent pendant les années 60 à quelque 15 pour cent pendant les années 90. Pour 25 des 42 PMA pour les quels des données sont disponibles pour la période 1990-98, ce ratio a dépassé 30 pour cent.

104. En outre, les importations de produits alimentaires des PMA dans leur ensemble ont représenté 15 pour cent du total des importations de marchandises pendant la période 1996-98 (annexe, tableau 12). Les céréales dominent la facture des importations de produits alimentaires avec quelque 52 pour cent du total. Le volume de l'aide alimentaire sous forme de céréales est tombé d'environ 5,4 millions de tonnes en 1989-91 à 3,6 millions de tonnes en 1997-99.

105. Selon les projections de la FAO pour la période s'étendant jusqu'à 2010, le déficit vivrier continuera de se creuser et devra être comblé par des importations, y compris sous forme d'aide alimentaire. La question de savoir si les PMA pourront financer ces importations croissantes dépend de différents facteurs, dont le plus important est souvent le montant de leurs recettes d'exportation et les apports de ressources extérieures. Dans la plupart de ces pays, cette exportation stagne depuis 20 ans par suite, principalement, de la baisse des cours des produits de base. De 1980-82 à 1995-97, les recettes d'exportation de marchandises par habitant des PMA dans leur ensemble n'ont augmenté que de 2 pour cent par an (passant de 35 à 37 dollars), tandis qu'elles ont doublé pour les autres pays en développement pendant la même période pour atteindre 394 dollars par an. Le fardeau représenté par la dette étrangère a également limité la capacité d'importer de nombreux PMA. En 1995, la moyenne simple du ratio du service de la dette était de 23 pour cent pour 41 des PMA pour lesquels des données sont disponibles.

2. Éléments déterminants et contraintes

106. La marginalisation des PMA dans le commerce mondial des produits agricoles se reflète dans la lenteur de l'expansion de leur secteur agricole ainsi que de leur croissance économique en générale, qui est plus lente encore que dans les autres pays en développement. Comme on l'a vu dans la section I, une raison en sont les contraintes structurelles et technologiques inhérentes auxquelles se heurtent ces pays ainsi que des politiques appropriées et différents facteurs socio-politiques internes. La lenteur de la croissance de ces pays et leur faible participation à l'activité sur les marchés mondiaux reflètent également l'environnement économique extérieur dans lequel ils doivent opérer.

2.1 Les marchés des produits de base et les termes de l'échange

107. La demande mondiale des produits agricoles primaires dont sont lourdement tributaires nombre de PMA (boissons tropicales et matières premières agricoles) a été morose et leurs prix réels ont eu tendance à baisser. Deux éléments sont à l'origine de ce déclin à long terme des produits de base: i) la faible élasticité de ces produits, surtout des produits alimentaires, par rapport au revenu; et ii) la moindre intensité de matières premières dans l'industrie manufacturière. En outre, les PMA qui exportent essentiellement des matières premières sont particulièrement vulnérables aux fluctuations sur les marchés des produits. Le Bénin, le Mali et le Tchad, par exemple, ont perdu 25 pour cent du total de leurs recettes d'exportation entre 1990 et 1992 après que les cours mondiaux du coton ont chuté de 34 pour cent.15

108. Des études récentes montrent que les activités de commercialisation, de transport et de distribution de certains produits agricoles sont dominées par un petit nombre d'entreprises multinationales, dont une poignée représentent 85 pour cent ou plus du commerce mondial de blé, de café, de cacao, de céréales, de jute, de tabac et de thé.16 Étant donné le coût élevé de ces activités en aval, le prix à l'exploitation représente une très faible proportion de celui du produit final, allant de 4 à 8 pour cent pour le coton brut et le tabac à 11 à 24 pour cent pour le jute et le café.

2.2 Assistance extérieure à l'agriculture

109. Dans presque tous les PMA, l'aide publique au développement (APD) est le principal catalyseur des investissements dans l'agriculture. Toutefois, l'assistance extérieure à ce secteur ne cesse de baisser depuis le début des années 90, son montant annuel moyen ayant reculé de 20 pour cent entre 1981-1990 et 1991-99 (annexe, tableau 13). Bien que le montant total de l'APD fournie aux PMA ait augmenté pendant la même période, la part reçue par le secteur agricole a reculé de 20 pour cent à 13 pour cent. Pendant la période qui s'est écoulée entre 1995 et 1999, les engagements multilatéraux ont légèrement augmenté, en particulier de la part du FIDA et des banques régionales de développement, tandis que les engagements bilatéraux ont un peu diminué (annexe, tableau 14).

110. Il importe au plus haut point d'inverser cette tendance à la baisse si l'on veut pouvoir mener à bien à l'avenir des stratégies appropriées d'intensification de l'agriculture. En particulier, une assistance extérieure suffisante est essentielle pour améliorer la productivité agricole, ce qui dépend de la disponibilité de nouvelles technologies et de nouvelles pratiques de culture durables qui ne continuent pas à dégrader la base de ressources naturelles.

111. Étant donné l'importance que le secteur agricole revêt dans les PMA pour la réduction de la pauvreté et l'expansion économique, les initiatives actuelles visant à fournir une assistance financière au moyen de mesures ciblées d'allégement de la dette et de mesures d'autres types pourraient tendre en partie à appuyer les efforts qui sont faits par ces pays pour exploiter durablement leur potentiel agricole.

2.3 Préférences commerciales

112. Tous les PMA bénéficient du Système généralisé de préférences (SGP). En outre, la plupart d'entre eux reçoivent un traitement préférentiel en application d'autres programmes, par exemple de la Communauté européenne dans le contexte de la Convention de Lomé et de l'"Accord de Cotonou" qui lui a succédé et qui est décrit plus loin, ou par les États-Unis dans le cadre de l'Initiative pour le bassin des Caraïbes, encore que ce régime ne profite qu'à un seul PMA.

113. Dans la mesure où les Accords conclus lors du Cycle d'Uruguay ont réduit les droits de douane, la marge préférentielle dont jouissaient les PMA s'est trouvée érodée. Les appréciations varient quant à l'étendue de cette érosion et son effet sur les courants commerciaux et le bien-être, mais l'on considère généralement que son impact net est très réduit. Quoi qu'il en soit, les statistiques disponibles permettent de penser qu'à l'exception d'un petit nombre de pays, les régimes de préférences n'ont guère contribué à accroître les exportations des pays bénéficiaires ou la part qu'ils détiennent dans le commerce mondial. Si cela a été dû en partie aux différentes restrictions dont ces régimes sont assortis (par exemple pour ce qui est des produits visés, des contingents et des règles d'origine), il semble que les contraintes rencontrées du côté de l'offre aient joué un rôle plus important.

114. En juin 2000, l'Union européenne et les États ACP ont signé pour faire suite à la Quatrième Convention de Lomé un accord appelé "Accord de Cotonou" qui met l'accent sur la compatibilité avec le régime commercial de l'OMC et envisage de remplacer des arrangements commerciaux préférentiels non réciproques prévus par la Convention de Lomé par des zones régionales de libre-échange entre l'Union européenne et des groupements régionaux de pays ACP après une période de transition. L'un des traits marquants de l'Accord de Cotonou est qu'il étend l'accès préférentiel sans réciprocité de certains produits agricoles et autres des pays ACP aux marchés communautaires pour une période transitoire de huit ans (de mars 2000 à fin 2007). Les protocoles concernant les différents produits (sucre, boeuf, bananes et veau) traditionnellement annexés à la Convention de Lomé ont été inclus dans le nouvel accord. En outre, celui-ci prévoit une coopération entre les pays ACP et l'Union européenne dans des domaines intéressant le commerce comme la politique de la concurrence, les droits de propriété intellectuelle, les normes de certification, les mesures sanitaires et phytosanitaires, le commerce et l'environnement, les normes applicables en matière de commerce et de travail, la protection des consommateurs et la santé publique. L'on a considéré que remplacer les préférences accordées dans le cadre de la Convention de Lomé par la création de zones régionales de libre-échange pourrait être un rude coup pour les PMA d'Afrique. Cependant, étant donné les nombreuses dispositions de l'Accord de Cotonou qui tendent à renforcer les capacités des pays ACP dans les domaines de la production, de l'offre et des exportations, l'on a fait valoir que cet accord pourrait offrir de plus grandes possibilités d'accélérer la croissance des exportations des PMA en général.

115. En outre, les PMA d'Afrique peuvent également bénéficier de la Loi relative au commerce et au développement promulguée par les États-Unis en 2000, qui étend certains avantages commerciaux aux pays d'Afrique subsaharienne. Cette loi a une portée bien moindre que l'Accord de Cotonou et la principale difficulté qui risque de se poser dans la pratique a trait aux conditions à remplir pour pouvoir prétendre à ses avantages et aux règles d'origine.

116. Plus récemment, l'Union européenne a annoncé une concession commerciale unilatérale qui éliminerait tous les droits de douane et contingents existants sur toutes les importations en provenance des PMA. Appelée proposition "tout sauf les armes", celle-ci a pour but, sous réserve d'une période transitoire de trois ans pour les produits "sensibles", c'est-à-dire les bananes, le sucre et le riz, d'accorder un accès en franchise totale à toutes les exportations des PMA, sauf les armes et les munitions.

2.4 Accords commerciaux régionaux

117. L'intégration régionale demeure une question qui préoccupe beaucoup les PMA et est considérée comme un moyen de resserrer la coopération dans l'agriculture et d'améliorer la sécurité alimentaire aux échelons national, sous-régional et régional. Pour les PMA dans leur ensemble, il existe des possibilités de participation au commerce intrarégional de produits agricoles qu'ils n'ont pas pleinement exploitées et qui pourraient être particulièrement bénéfiques étant donné l'exiguïté de leurs marchés intérieurs.

118. Les PMA ont été parties à de nombreux accords commerciaux régionaux, dont la grande majorité entre pays d'Afrique. En dépit de leurs nombreuses dispositions visant l'élimination des barrières commerciales, le niveau du commerce agricole intrarégional dans le contexte de la plupart des accords commerciaux régionaux auxquels les PMA sont parties ont stagné à un niveau peu élevé. Cela est particulièrement vrai en Afrique, où les PMA prédominent, (voir annexe, tableau 15).

119. Tous ces efforts de promotion des échanges se sont heurtés à des obstacles structurels et politiques. À quelques rares exceptions près, il n'y a guère de différences entre les dotations en ressources naturelles des pays membres de la plupart des accords commerciaux régionaux existants. La complémentarité des ressources et les différents avantages comparatifs sont plus clairs entre eux à l'intérieur des différents groupes de pays. Les autres difficultés rencontrées sont notamment l'insuffisance des moyens de communications et de transports internationaux et le manque d'information sur les marchés et les possibilités d'investissements. De plus, l'absence de systèmes normalisés de conditionnement, de classement par qualité et de contrôle de qualité au plan régional, ou leur insuffisance, continuent de frustrer les efforts entrepris pour élargir les échanges et établir des systèmes d'information transparents. L'amélioration et l'harmonisation des systèmes d'inspection et de certification sont au nombre des éléments qui manquent pour pouvoir promouvoir le commerce intra- et extra-régional. L'insuffisance des systèmes de financement et de garantie des exportations et des importations régionales a également contribué à cet état de choses.

120. Les conditions essentielles qui devront être remplies si l'on veut promouvoir un commerce intrarégional dont les PMA puissent bénéficier sont par conséquent l'ouverture des marchés régionaux des produits agricoles, l'établissement de normes d'exportation et de services d'infrastructure et une coordination plus étroite entre les PMA en général ainsi qu'à l'intérieur des différents groupes sous-régionaux existants et entre eux.

B. LES PERSPECTIVES DE L'AGRICULTURE À LA LUMIÈRE DES ACCORDS DE L'OMC
ET DE LEURS INCIDENCES

121. Le principal problème extérieur auquel se heurtent les PMA tient à leur capacité d'exercer leurs droits et de s'acquitter de leurs obligations en vertu du nouveau système commercial multilatéral. Étant donné qu'elles sont lourdement tributaires de l'agriculture dans des domaines comme l'emploi, l'alimentation, le revenu national et les recettes d'exportation, les négociations en cours et les futures négociations commerciales concernant l'agriculture sont extrêmement importantes pour eux. Les réformes multilatérales entreprises dans le contexte de l'OMC ont pour effet à la fois d'élargir les possibilités qui s'offrent à eux et d'alourdir le coût de leurs faiblesses structurelles inhérentes et des politiques mal avisées qu'ils ont suivies.

122. Aujourd'hui, 29 des 48 PMA sont membres de l'OMC. Six autres sont en voie d'y entrer et trois ont le statut d'observateur. L'Accord sur l'agriculture conclu à l'issue du Cycle d'Uruguay a lancé un processus tendant à soumettre aux règles et disciplines multilatérales les distorsions du commerce international causées par les politiques agricoles des pays développés.17 L'on examinera dans cette section les incidences de cet accord ainsi que des autres accords de l'OMC sur l'agriculture des PMA.

123. Les principaux facteurs qui expliquent l'importance que revêtent les négociations et les accords multilatéraux sur l'agriculture sont: i) le rôle prédominant que joue l'agriculture dans l'économie des PMA; ii) le degré relativement élevé d'ouverture de la plupart de leurs économies; et iii) leur dépendance croissante à l'égard du commerce international pour satisfaire la demande intérieure de produits alimentaires.

1. Impact de l'Accord sur l'agriculture

124. Pour différentes raisons, il est difficile d'évaluer en termes quantitatifs, ou du point de vue de ses incidences en matière de politiques générales, l'impact probable que l'Accord sur l'agriculture aura sur le secteur agricole des PMA.18 Au plan des politiques générales, les PMA, de même que tous les autres membres de l'OMC, ont dû éliminer les mesures non tarifaires et consolider toutes les lignes tarifaires agricoles, mais ils ont été exemptés de l'obligation de réduire les droits de douane. La plupart des PMA ont généralement consolidé leurs droits à des niveaux plus élevés que les droits appliqués (annexe, tableau 16). Tous ont déclaré qu'ils n'ont appliqué aucune mesure de soutien à l'agriculture qui soit sujette aux obligations de réduction. En fait, nombre d'entre eux ne subventionnent pas l'agriculture du tout mais en fait la taxent expressément en imposant la production et l'exportation de nombreux pays ou implicitement en accordant une protection plus élevée à l'industrie. Globalement, les PMA auraient de larges possibilités de soutenir l'agriculture au moyen de mesures exemptes des obligations de réduction (y compris au titre des politiques de la "catégorie verte" et de la disposition de minimis); néanmoins, de telles mesures exigent des dépenses qui sont au-delà de la plupart des PMA.19

125. Les recherches entreprises par la FAO et par d'autres montrent que, dans l'ensemble, la libéralisation des échanges prévue par les accords du Cycle d'Uruguay pourrait dégrader les termes de l'échange des PMA, qui sont pour la plupart importateurs nets de produits alimentaires et exportateurs nets de produits tropicaux. Du côté des exportations, les changements touchant les conditions d'accès aux marchés résultant du Cycle d'Uruguay ne sont pas considérés comme pouvant beaucoup contribuer à accroître les échanges mondiaux et à relever les prix reçus pour la plupart des produits agricoles primaires traditionnels exportés par les PMA. D'un côté, cela risque de n'avoir qu'un impact modeste sur les produits tropicaux exportés par les PMA étant donné que le niveau de protection était déjà relativement faible pour la plupart d'entre eux. D'une autre côté, pour les produits de zones tempérées, comme les légumes, les fruits et les céréales, la libéralisation des changes pourrait avoir un impact plus marqué, mais ces produits ne figurent pas au nombre des principaux produits d'exportation de la plupart des PMA.

126. Comme dans le cas des produits alimentaires, l'augmentation escomptée des prix sur les marchés mondiaux de produits alimentaires de grande consommation et d'autres produits agricoles sélectionnés ne devrait guère avoir d'effet sur la production vivrière nationale dans les PMA étant donné les graves contraintes qui existent sur le plan de l'offre, sauf que la facture de leurs importations de produits alimentaires s'alourdira.

2. Possibilités de diversification des exportations

127. Il est généralement admis que les problèmes qui se posent du côté de l'offre ont été parmi les principaux éléments qui ont limité la diversification des exportations des PMA dans des produits non traditionnels et des produits traités. En fait, nombre des pays en développement qui ont aujourd'hui des exportations agricoles diversifiées étaient jadis lourdement tributaires de produits agricoles primaires. Tel est notamment le cas de la Malaisie, de la Thaïlande, de l'Indonésie et du Chili. Ces pays ont réussi à se diversifier alors même qu'ils se heurtaient au même environnement commercial externe que tous les autres pays en développement; en fait, cet environnement était même pire à certains égards étant donné que, dans une large mesure, ils ne bénéficiaient pas d'arrangements commerciaux préférentiels. Nombre de PMA n'ont pas réussi à diversifier leurs exportations alors même qu'ils bénéficiaient de préférences commerciales de la part des pays développés.

128. Le Cycle d'Uruguay a lancé le processus d'ouverture de nouvelles possibilités de diversification des exportations dans l'agriculture, notamment par des réductions généralisées des droits perçus sur la base du traitement de la nation la plus favorisée sur les produits de l'agriculture; à une réduction, bien que progressive, de la progressivité des droits; et au renforcement des règles commerciales, particulièrement celles qui touchent les mesures sanitaires et phytosanitaires et les obstacles techniques au commerce. Comme indiqué ci-dessus, les perspectives de croissance dans les PMA sont plus prometteuses pour les nouvelles récoltes et les produits traités que pour les produits primaires traditionnels.

129. Bien que la demande mondiale d'importations de produits primaires traditionnels provenant des PMA ait été lente et que les prix réels de ces produits sur les marchés mondiaux aient baissé, les échanges mondiaux de plusieurs produits agricoles non traditionnels, en particulier mais non exclusivement les produits de l'horticulture, ont augmenté relativement vite et les exportations de ces produits prennent une importance de plus en plus grande pour quelques pays en développement.20

130. Un autre aspect potentiellement bénéfique des accords de l'OMC pour ce qui concerne le développement des industries à valeur ajoutée dans les PMA est la réduction de la progressivité des droits. Les droits ont généralement été plus élevés sur les produits agricoles traités que sur les produits primaires. Cette différence de droits entre un produit traité (par exemple le jus d'orange) et le produit primaire correspondant (les oranges) a été l'un des obstacles qui a empêché les pays exportateurs de produits primaires de créer des industries de traitement pour pouvoir exporter des produits de plus grande valeur. Une analyse de la progressivité des droits a montré que la différence, qui était en moyenne de 23 pour cent avant le Cycle d'Uruguay n'est plus aujourd'hui que de 17 pour cent.21

131. Si les PMA exportent effectivement toute une série de produits traités, comme des extraits de café, des pâtes de cacao, des huiles végétales brutes et du cuir, la plupart des droits qui s'appliquent à ces produits depuis le Cycle d'Uruguay sont relativement peu élevés et la réduction de la progressivité des droits ne créera donc pas beaucoup de nouvelles possibilités d'exportation. D'un autre côté, la progressivité a été considérablement réduite pour un nombre d'importants produits traités que les PMA n'exportent pas à l'heure actuelle mais qu'ils pourraient fort bien exporter étant donné la nouvelle situation. Ces exportations potentielles sont notamment les cigarettes, quelques produits laitiers et certains produits animaux vers l'Union européenne; le vin, quelques produits laitiers et produits à base de viande vers le Japon; et des jus d'orange et certains produits laitiers vers les États-Unis. Les normes sanitaires et phytosanitaires jouent un rôle de plus en plus important dans les échanges de produits traités, et spécialement de denrées alimentaires, et il s'agit là d'un domaine dans lequel les PMA devront redoubler d'efforts s'ils veulent pouvoir exploiter les nouvelles possibilités qui s'offrent à eux.

132. La mise en oeuvre des accords du Cycle d'Uruguay a soulevé bien d'autres problèmes, et tel est également le cas des nouvelles négociations sur l'agriculture, qui préoccupent particulièrement les PMA qui souhaitent améliorer leur accès aux marchés et développer leurs capacités nationales d'exportation. Certains de ces problèmes sont résumés ci-dessous.

Amélioration de l'accès aux marchés des exportations de produits agricoles

133. Selon nombre de PMA, l'Accord sur l'agriculture n'a pas vraiment amélioré l'accès aux marchés de leurs exportations de produits agricoles, principalement par suite de l'érosion des préférences tarifaires dont ils bénéficiaient, de la persistance de crêtes tarifaires et de droits progressifs dans certains secteurs présentant un intérêt particulier pour eux et des normes SPS imposées dans les pays importateurs. Dans le contexte des négociations en cours sur l'agriculture, ils cherchent à obtenir une réelle amélioration de l'accès aux marchés, spécialement pour les produits de grande valeur qui ont un fort potentiel de croissance. Ils cherchent par conséquent à obtenir une réduction de la protection à la frontière et de la progressivité des droits dans les pays développés et dans les pays en développement et à faire en sorte que les bénéficiaires d'arrangements préférentiels soient indemnisés de la perte ou de l'érosion de ces préférences et aidés à s'adapter à un environnement plus compétitif.

Traitement spécial et différencié

134. La situation des PMA a, dans les accords de l'OMC, été prise spécialement en considération pour ce qui est de l'accès aux marchés, de l'exécution envers divers engagements et de l'appui technique et financier. Ces pays ont néanmoins été déçus de la portée limitée des dispositions desdits accords relatifs au traitement spécial et différencié dont ils doivent faire l'objet, spécialement en matière d'assistance financière et technique. Tel est particulièrement le cas des Accords SPS et OTC. Comme les dispositions relatives au traitement spécial et différencié ont souvent été couchées sous forme d'obligations de moyens et non de résultat, nombre de PMA ont fait valoir que ces dispositions devraient être transformées en engagements contraignants dans le contexte des politiques de développement.

Normes de qualité et d'innocuité des produits alimentaires

135. Un autre des principaux problèmes auxquels se heurtent les PMA consiste à relever les normes SPS/OTC de leurs exportations pour les porter au moins aux niveaux reconnus au plan international. Étant donné qu'ils manquent de moyens dans les domaines de la recherche scientifique, des analyse, de la conformité et des équivalences, il leur est difficile de répondre aux normes internationales en matière d'innocuité et de qualité des produits, d'autant que les pays développés, pour des motifs de précaution, appliquent des normes plus élevées que celles qui sont actuellement reconnues par les organes normatifs internationaux. De plus, la crainte de plus en plus vive éprouvée par les consommateurs des pays riches quant à l'innocuité et à la qualité des produits alimentaires aggrave la difficulté qu'ont les pays en développement à répondre à des normes toujours plus rigoureuses. Il est donc important pour eux que les promesses d'assistance technique et financière aux PMA et aux autres pays en développement concernant l'application des normes SPS et OTC soient respectées.

Respect de l'Accord sur les ADPIC

136. L'obligation qu'ont les pays d'assurer la protection des variétés végétales et animales, soit au moyen de brevets, soit au moyen de mesures sui generis efficaces, soulève un certain nombre de problèmes pour les pays en développement. L'absence de protection des variétés de plantes et l'insuffisance des moyens qui permettraient d'assurer rapidement une telle protection dans la plupart des pays en développement risque de les empêcher de s'acquitter de cette obligation. En outre, la possibilité de breveter des variétés végétales et animales soulève un certain nombre de questions controversées quant à ses incidences pour la sécurité alimentaire, les droits des communautés locales et des populations autochtones, la sécurité biologique et les droits souverains sur les ressources génétiques. Les dispositions de l'Accord sur les ADPIC sont importantes aussi pour les industries qui produisent des intrants et peuvent, dans une perspective à court ou moyen terme, accroître le coût de la mise au point et de l'acquisition de technologies agricoles. De même, les débats qu'ont suscités les produits génétiquement modifiés, qui relèvent également du champ d'application des Accords SPS et OTC, exigeront des analyses plus poussées de leurs incidences sur la mise au point et la diffusion de technologies nouvelles et sur les effets qu'ils auront sur les petits agriculteurs et les pays à faible revenu.

3. Sécurité alimentaire

137. La situation particulière dans laquelle se trouvent les PMA a été reconnue dans la décision ministérielle concernant les mesures relatives aux effets négatifs que peut avoir le Programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires. À ce jour, cette décision n'a pas encore été appliquée alors même que l'aide alimentaire est tombée à des niveaux très faibles et que la facture des importations de denrées alimentaires des PMA et des PFRDV a augmenté. Son application a jusqu'à présent été entravée par plusieurs facteurs, dont la nécessité d'apporter la preuve que le processus de réforme a suscité des difficultés et la diversité des instruments envisagés par cette décision pour répondre aux besoins desdits pays sans que les responsabilités respectives de toutes les parties intéressées soient clairement spécifiées. L'élément fondamental est néanmoins que cette décision porte sur un problème transitoire tandis que le problème de la sécurité alimentaire dans les PMA est une question complexe et à longue échéance qui englobe des aspects du développement dépassant de loin les échanges.

138. Les changements qui caractérisent l'économie mondiale rendent plus impérative une réforme des politiques agricoles nationales dans les PMA. L'on craint surtout que si le régime de l'OMC soumet les exportations des produits agricoles subventionnés à une certain discipline, il n'en risque pas moins d'affecter les agriculteurs pauvres des PMA, qui deviendront plus vulnérables à l'instabilité des prix mondiaux à mesure que la protection à la frontière est abaissée. Bien que l'instabilité des cours sur les marchés mondiaux affaiblit tous les pays, ses conséquences peuvent être beaucoup plus marquées pour les PMA, et ce pour deux raisons: i) une proportion importante des populations rurales continue de tirer leur subsistance de la production de denrées alimentaires; et ii) l'alimentation absorbe une large part des dépenses des ménages.


15 OCDE, "Market access for the LDCs: Where are the obstacles?" OECD/GD (97) 174, Paris, 1997.

16 Ibid.

17 Les autres accords qui ont un impact sur l'agriculture sont notamment l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires ((SPS), l'Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC), l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) et la Décision relative aux mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires.

18 Une de ces raisons est le fait qu'il est difficile d'élaborer un scénario contrefactuel qui permette de comparer les résultats effectifs, la période relativement brève sur laquelle devrait porter l'analyse et l'absence de réduction marquée des mesures de soutien et de protection.

19 Voir FAO, Rome (2000), Multilateral Trade Negotiations on Agriculture. A Resource Manual: II - Agreement on Agriculture.

20 Par exemple, une étude de la FAO sur l'Union européenne, le Japon et les États-Unis a estimé que la valeur totale du commerce de ce type de produits, qui représentait 19 pour cent des importations agricoles mondiales en 1994, a augmenté à un rythme de 10,9 pour cent par an pendant la période 1985-94, contre 5,8 pour cent par an pour les autres importations de produits agricoles. (FAO, Comité des produits, Impact of the Uruguay Round on Agriculture: Follow-up Activities, CCP 97/16, février 1997).

21 Voir Lindland J. (1997), The impact of the Uruguay Round on tariff escalation in agricultural products, FAO, ESCP/No. 3.

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