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Contexte régional


CARACTÉRISTIQUES DE LA RÉGION

L’Afrique subsaharienne[41] regroupe 626 millions d’habitants dont 384 millions (61 pour cent) travaillent dans l’agriculture. Cette région est relativement bien dotée en ressources naturelles. Sa superficie totale est de 2 455 millions d’hectares, dont 173 millions sont sous cultures annuelles ou permanentes[42] - soit environ un quart des terres arables potentielles. Les zones agroécologiques de l’ensemble de la région se répartissent de la façon suivante: les zones arides et semi-arides[43], plus de 43 pour cent de la superficie; la zone sèche subhumide, 13 pour cent; et les zones subhumides et humides, 38 pour cent. Soixante-dix pour cent de la population totale de l’Afrique de l’Ouest vivent dans les zones subhumides et humides; seule la moitié de la population de l’Afrique de l'Est et du Sud vit dans de telles zones.

En dépit de l’abondance des ressources naturelles, le produit national brut (PNB) par habitant était, en monnaie constante, plus bas à la fin des années 90, qu’au cours des années 70[44]. Dix-neuf des 25 pays les plus pauvres[45] du monde se trouvent en Afrique subsaharienne et l’inégalité des revenus y est très forte. Environ 16 pour cent de la population de la région vivent dans des pays où le PNB par tête est inférieur à 200 dollars EU, 36 pour cent où il est inférieur à 300 dollars EU et 75 pour cent où il est inférieur à 400 dollars EU. On estime que 43 pour cent de la population totale de la région vivent sous le seuil de pauvreté internationale exprimé en dollars ou sous des seuils de pauvreté définis localement. On considère que la pauvreté rurale représente en Afrique de l’Est et du Sud jusqu’à 90 pour cent de la pauvreté totale. Bien que les zones éloignées, dotées de ressources agricoles marginales, soient plus pauvres que les autres, elles ne représentent qu’une faible proportion de la population pauvre en raison de leurs faibles densités de population.

L’agriculture représente 20 pour cent[46] du PIB de la région, elle emploie 67 pour cent de la force totale de travail et elle est le principal moyen de subsistance de la population pauvre. La part du PIB agricole décroît dans plus du tiers des pays de la région, elle est par contre croissante dans un quart d’entre eux[47]. La baisse de la part du PIB agricole est le plus souvent le résultat d’une croissance rapide des secteurs non agricoles, alors que l’accroissement de sa contribution au PIB national provient soit de la valeur ajoutée agricole soit, plus généralement, du déclin de la production du secteur non agricole.

Bien que l’Afrique subsaharienne ne représente qu’un pour cent du PIB mondial et seulement 2 pour cent du commerce mondial (alors qu’elle représentait 4 pour cent en 1970), la contribution du commerce international au PIB régional est relativement importante. L’agriculture est le principal secteur d’exportation de l’Afrique de l’Est (47 pour cent des exportations totales) et représente une source importante d’exportation pour les autres zones de la région (14 pour cent des exportations pour l’Afrique du Sud et 10 pour cent pour Afrique de l’Ouest)[48]. Les principaux produits d’exportation de la région sont le cacao, le café et le coton. Les exportations agricoles représentent 16 pour cent du total des exportations de l’ensemble de la région et les importations agricoles - principalement les céréales - représentent 11 à 15 pour cent du total des importations. Au cours des trois dernières décennies, la région a vu sa contribution au commerce mondial diminuer d’une façon très importante, cette diminution a été aggravée par la détérioration des conditions de commercialisation.

Les principaux systèmes d’exploitation agricole de la région sont brièvement décrits dans la prochaine sous-section de ce chapitre. Puis, après avoir discuté des tendances influant sur l’évolution de ces systèmes au niveau régional, les plus importants d’entre eux sont décrits en détail. La section finale résume les priorités stratégiques pour la région.

PRINCIPAUX SYSTÈMES D’EXPLOITATION AGRICOLE DE L’AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Quinze principaux systèmes d’exploitation agricole ont été identifiés et retenus (voir carte)[49] pour l’analyse générale. Le tableau 2-1 présente les caractéristiques principales de ces systèmes d’exploitation agricole, superficies, pourcentage de la population agricole, principaux moyens de subsistance et fréquence de la pauvreté.

Les paragraphes suivants donnent une brève description de chacun des systèmes d’exploitation agricole; cinq d’entre eux sont analysés plus en détail dans des sections ultérieures.

Principaux systèmes de production - AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Déni de responsabilité de la FAO

Les dénominations utilisées et les informations figurant sur les cartes n'impliquent de la part de la FAO aucun jugement concernant le statut légal ou constitutionnel d'un pays, territoire ou étendue maritime ni aucune approbation ou acceptation de ses frontières

Notes:
Projection = Géographique(Lat/Long)

Système d’exploitation agricole irrigué

Ce système comprend de grands périmètres irrigués comme le périmètre de Gezira au Soudan, l’irrigation à partir des crues en bordure des fleuves dans les zones fadama de l’ouest africain et le Wabi Shebelle en Somalie. Il ne couvre que 35 millions d’hectares (1,4 pour cent) des terres de la région, mais représente 2 millions d’hectares (29 pour cent) de la superficie irriguée[50] et abrite une population agricole de 7 millions d’habitants (près de 2 pour cent du total régional). Le reste de la superficie irriguée de la région se trouve dans d’autres systèmes d’exploitation agricole - en particulier le système des grandes exploitations commerciales et des petits exploitants de l’Afrique du Sud et de la Namibie, et le système riz-arboriculture de Madagascar.

Le système irrigué est très complexe, particulièrement en raison de ses aspects institutionnels. Dans de nombreux cas, la culture en sec et l’élevage apporte un complément à la culture irriguée (le périmètre de Gezira est une exception notable). Le contrôle de l’eau peut être partiel ou total. La taille des exploitations irriguées varie de 22 ha par ménage à Gezira à moins de 1 ha. Les pertes de récolte sont rares mais les conditions de subsistance sont sujettes aux pénuries d’eau, aux incidents techniques sur les périmètres et à la détérioration du rapport coût des intrants/prix des produits. De nombreux périmètres d’état sont aujourd’hui en crise; toutefois, ils représenteront un bon potentiel de croissance lorsque les problèmes institutionnels auront été résolus. La fréquence de la pauvreté est moins forte dans ce système que dans les autres et le nombre absolu de pauvres y est faible.

Système d’exploitation arboricole

Ce système s’étend de la Côte d’Ivoire au Ghana, et du Nigeria et du Cameroun jusqu’au Gabon, plus quelques petites poches au Congo et en Angola, principalement en zone humide. Il couvre 73 millions d’hectares (3 pour cent) des terres de la région, dont 10 millions d’hectares (6 pour cent) des terres sont cultivées; il fait vivre une population agricole de près de 25 millions de personnes (7 pour cent du total régional).

Ce système est basé sur la production de cultures arboricoles industrielles, principalement cacao, café, huile de palme et hévéa. Les cultures vivrières sont intercalées entre les arbres et sont surtout destinées à l’autoconsommation; l’élevage est peu important. Il existe aussi dans ces zones des grandes exploitations commerciales arboricoles (surtout palmier à huile et hévéa); elles fournissent des services aux petits exploitants arboricoles dans le cadre d’arrangements entre les petits et les grands propriétaires. La fluctuation des prix des cultures industrielles constitue la principale source de vulnérabilité de ce système où les pertes des productions arboricoles et vivrières sont rares. Les différences socioéconomiques sont considérables. La fréquence de la pauvreté est faible à moyenne, elle se rencontre surtout parmi les très petits agriculteurs et les ouvriers agricoles; toutefois, le potentiel de croissance de ce système est modérément élevé.

Tableau 2.1 Principaux systèmes d’exploitation agricole de l’Afrique subsaharienne

Systèmes d'exploitation agricole

Superficie (% de la region)

Pop. agricole (% de la region)

Principales activités

Fréquence de la pauvreté

Irrigué

1

2

Riz, coton, maraîchage, cultures pluviales, bétail, volaille

Faible

Arboricole

3

6

Cacao, café, huile de palme, hévéa, igname, maïs, travail hors exploitation

Faible à moyenne

Basé sur la forêt

11

7

Manioc, maïs, haricots, taro

Forte

Riz-arboriculture

1

2

Riz, banane, café, maïs, manioc, légumineuses, élevage, travail hors exploitation

Moyenne

Cultures pérennes des hautes terres

1

8

Banane, banane plantain, enset, café, manioc, patate douce, haricots, céréales, élevage, volaille, travail hors exploitation

Forte

Mixte des hautes terres tempérées

2

7

Blé, orge, tef, pois, lentilles fève, colza, pomme de terre, ovins, caprins, bovins, volaille, travail hors exploitation

Moyenne à forte

Cultures de racines

11

11

Igname, manioc, légumineuses, travail hors exploitation

Faible à moyenne

Mixte céréales-racines

13

15

Maïs, sorgho, mil, igname, manioc, légumineuses, bétail

Faible

Mixte maïs

10

15

Maïs, tabac, coton, bovins, chèvres, volaille, travail hors exploitation

Moyenne

Des grandes exploitations et des petits exploitants

5

4

Maïs, légumineuses, tournesol, bovins, ovins, caprins, virements de l'étranger

Moyenne

Agropastoral à base de mil et de sorgho

8

8

Sorgho, petit mil, légumineuses, sésame, bovins, ovins, caprins, volaille, travail hors exploitation

Forte

Pastoral

14

7

Bovins, camélidés, ovins, caprins, virements de l'étranger

Forte

Dispersé (aride)

17

1

Maïs irrigué, maraîchage, palmier dattier, bétail, travail hors exploitation

Forte

Basé sur la pêche côtière artisanale

2

3

Poisson de mer, noix de coco, noix de cajou, banane, igname, fruits, chèvres, volaille, travail hors exploitation

Moyenne

Urbain

peu

3

Fruits, maraîchers, produits laitiers, bovins, chèvres, volaille, travail hors exploitation

Moyenne

Source: données FAO et avis d’experts.

Système d’exploitation agricole basé sur la forêt

Ce système couvre 263 millions d’hectares, soit11 pour cent de la superficie totale de la région; il compte 6 millions d’hectares (4 pour cent) de terres cultivées et fait vivre une population agricole de 28 millions de personnes (7 pour cent de la région). On le trouve dans la zone humide forestière de la République démocratique du Congo, de la République du Congo, du sud-est du Cameroun, de la Guinée équatoriale, du Gabon, du sud de la Tanzanie, et du nord de la Zambie, du Mozambique et de l’Angola.

Les agriculteurs pratiquent la culture itinérante, défrichant chaque année un nouveau champ, le cultivant pendant 2 à 5 ans (d’abord des céréales ou de l’arachide, puis du manioc) et le laissant ensuite en jachère pendant 7 à 20 ans.

Cependant, on assiste à une réduction progressive de la durée des jachères, en raison de l’augmentation des densités de population. Le manioc est la principale culture vivrière, complémentée par le maïs, le sorgho, les haricots et le tarot. Les populations humaines ainsi que celle des bovins et des petits ruminants sont peu nombreuses dans ce système. L’isolement, et le manque de routes et de marchés posent de sérieux problèmes. Les produits de la forêt et le gibier sauvage représentent la principale source de revenu monétaire de ce système où seul un petit nombre de ménages pratique des cultures de rente; les débouchés sur les marchés sont éloignés. La pauvreté est très fréquente et, parfois très forte. Le potentiel de croissance agricole est moyen, il s’appuie sur l’existence de grandes zones non cultivées et bénéficiant d’une pluviométrie abondante; toutefois, les accroissements de rendement devraient être faibles dans un proche avenir. Le développement requiert une prise en compte sérieuse des risques sur l’environnement - fragilité des sols et perte des habitats de la faune sauvage.

Système d’exploitation agricole basé sur le riz et sur l’arboriculture

Ce système de production est limité à Madagascar, principalement dans les zones agroécologiques subhumides et humides. Il ne couvre que 31 millions d’hectares dont 2,2 millions d’hectares de terres cultivées (1 pour cent du total régional), mais il fait vivre une population agricole de sept millions de personnes (2 pour cent du total régional). Bien que la taille des exploitations soit réduite, l’irrigation y est relativement développée, elle représente 10 pour cent de la superficie irriguée de la région. Les cultures de la banane et du café sont complémentées par celles du riz, du maïs, du manioc et du maraîchage. L’élevage est peu important.

La fréquence de la pauvreté est moyenne. En raison de ses ressources naturelles et de son climat, le potentiel de croissance agricole de ce système est important.

Cependant, les possibilités de croissance agricole et de réduction de la pauvreté sont, à court terme, faibles en raison de la petite taille des exploitations, du manque de technologies appropriées et du développement limité des marchés et des activités non agricoles.

Système d’exploitation agricole des hautes terres à base de cultures pérennes

On trouve ce système de production en Ethiopie, en Ouganda, au Rwanda et au Burundi où il couvre 32 millions d’hectares (seulement 1 pour cent de la surface régionale), principalement dans les zones agroécologiques subhumides et humides.

Il totalise 6 millions d’hectares (4 pour cent de terres cultivées) et fait vivre une population agricole de 30 millions de personnes (8 pour cent du total régional). Ce système a la plus forte densité de population rurale de la région (plus d’une personne par ha). L’utilisation de la terre est intensive et les exploitations sont très petites (la moyenne de la superficie cultivée par ménage est légèrement inférieure à un hectare, mais plus de 50 pour cent des exploitations ont une surface inférieure à 0,5 ha). Le système repose sur des cultures pérennes comme la banane, la banane plantain, l’enset[51] et le café, complémentées par le manioc, la patate douce, les haricots et les céréales. Onze millions de têtes de bétail sont élevées pour le lait, le fumier, la dote de mariage, l’épargne et la sécurité sociale. La tendance actuelle est à la diminution de la taille des exploitations, à la baisse de fertilité des sols et à l’accroissement de la pauvreté et de la faim. La population essaie de compenser en travaillant plus intensivement la terre, mais les revenus du travail sont faibles.

La pauvreté est importante, à la fois en termes de sévérité et de nombre absolu.

En dépit de conditions favorables en matière de ressources naturelles et de climat, les possibilités de croissance de la production agricole et de réduction de la pauvreté paraissent très faibles, en raison de la taille réduite des exploitations, de l’absence de ressources sous-utilisées, et du manque de technologies appropriées, d’infrastructure, de marchés et de possibilités de travail en dehors des activités agricoles.

Système d’exploitation agricole mixte des hautes terres tempérées

Ce système de production s’étend sur 44 millions d’hectares de la région (soit seulement 2 pour cent) et compte 6 millions d’hectares de terres cultivées (soit 4 pour cent), mais il fait vivre une population agricole de 28 millions de personnes (soit 7 pour cent du total régional). La plus grande partie de ce système est située à une altitude comprise entre 1800 et 3000 mètres sur les hautes terres et les montagnes d’Ethiopie. De plus petites zones existent en Erythrée, au Lesotho, en Angola, au Cameroun et au Nigeria, généralement dans des zones agroécologiques subhumides ou humides. La densité de population est élevée et la taille moyenne des exploitations est réduite (1 à 2 ha). Le bétail est abondant (le nombre de têtes est estimé à 17 millions), il est utilisé pour les labours, la production de lait, de fumier, pour la dote en vue du mariage, l’épargne et la vente en cas d’urgence. Les céréales - blé et orge - sont les principales cultures vivrières, elles sont complémentées par les pois, les lentilles, les fèves, le colza, le tef (en Ethiopie) et les pommes de terre. La vente de moutons et de chèvres, de laine, de bière locale, d’orge, de pommes de terre, de légumineuses et d’oléagineux représente les principales sources de revenu.

Certains ménages reçoivent des salaires de soldats (Ethiopie et Erythrée) ou des envois d’argent de l’extérieur (Lesotho), mais ces zones montagneuses n’offrent que peu de possibilités d’emplois locaux non agricoles. Il n’y a généralement qu’une seule saison de culture; toutefois, on observe dans certaines parties de l’Ethiopie une seconde saison plus courte que la première. Les principaux problèmes rencontrés dans ce système de production sont: la baisse de fertilité des sols en raison de l’érosion, le manque de biomasse et le manque d’intrants dans le cas de la production céréalière. Toutefois, les possibilités de diversification à partir de cultures tempérées sont très importantes.

La vulnérabilité des ménages résulte surtout des risques climatiques: les gelées précoces et tardives en haute altitude peuvent réduire considérablement les rendements et les pertes de récolte ne sont pas rares en année froide et humide.

Comme c’est souvent le cas dans les systèmes d’exploitation agricole basés sur des cultures vivrières, une «saison maigre» s’étend de la période des semis à la période des récoltes. La pauvreté est, comparée aux autres systèmes de la région, moyenne à forte (surtout durant les périodes de sécheresse qui affectent régulièrement la Corne de l’Afrique[52]). Le potentiel de réduction de la pauvreté et d’accroissement de la production agricole est faible.

Système d’exploitation agricole à base de cultures de racines

Ce système s’étend de la Sierra Leone à la Côte d’Ivoire, au Ghana, au Togo, au Bénin, au Nigeria et au Cameroun, généralement dans les zones agroécologiques subhumides et humides. Il est limité, dans sa partie la plus humide au sud, par les systèmes d’exploitation arboricole et forestière et, dans sa partie la plus sèche au nord, par le système d’exploitation agricole mixte céréales et racines. On rencontre une bande semblable en Afrique centrale et du Sud, sur la partie sud de la zone forestière - en Angola, en Zambie, dans le sud de la Tanzanie et au nord du Mozambique - et sur une petite région au sud de Madagascar. Ce système couvre 282 millions d’hectares de la région (soit environ 11 pour cent), 28 millions d’hectares de terres cultivées (soit 16 pour cent) et abrite 44 millions de personnes, soit 11 pour cent de la population agricole régionale. La pluviométrie est de type bimodal ou pratiquement continue et le risque de perte des récoltes est faible. Le système comprend environ 17 millions de têtes de bétail.

La fréquence de pauvreté est faible à moyenne. Les possibilités de croissance agricole et de réduction de la pauvreté sont moyennes, en effet les technologies appropriées n’ont pas encore été complètement développées. Néanmoins, ils existe des possibilités d’exporter de l’huile de palme, la demande urbaine de racines et tubercules est en pleine expansion, et les relations entre l’agriculture et les activités non agricoles sont relativement meilleures qu’ailleurs.

Système d’exploitation agricole mixte céréales-racines

Ce système s’étend de la Guinée au nord du Cameroun à travers le nord de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Togo, du Bénin et du Nigeria; il existe une zone similaire dans le centre et le sud de l’Afrique. L’ensemble du système couve 312 millions d’hectares de la région (soit 13 pour cent) - principalement en zone sèche subhumide - 31 millions d’hectares des terres cultivées (soit 18 pour cent) et fait vivre une population agricole de 59 millions de personnes (soit 15 pour cent de la population de la région). L’élevage est important (quelque 42 millions de têtes). Ce système partage un certain nombre de caractéristiques climatiques avec le système mixte à base de maïs; il s’en différencie toutefois par les caractéristiques suivantes: altitudes plus basses, températures plus élevées, densités de population plus faibles, abondance des terres cultivées, plus grand nombre de têtes de bétail par ménage et infrastructures de transport et de communication moins développées. Bien que la culture des céréales telles que le maïs, le sorgho et le millet soit très répandue, celle de racines, telles que l’igname et le manioc, est prédominante partout où la traction animale est absente. La culture intercalaire est courante et une large gamme de cultures sont pratiquées et commercialisées.

Le principal risque est la sécheresse. L’incidence de la pauvreté est faible, le nombre de pauvres reste modeste et le potentiel de réduction de la pauvreté est moyen. Les perspectives de croissance agricole sont excellentes et, comme cela est expliqué dans la section où ce système est analysé en détail, il pourrait devenir le grenier de l’Afrique et une importante source de revenus d’exportation.

Système d’exploitation agricole mixte à base de maïs

Ce système est le plus important de l’Afrique de l’Est et du Sud. Il s’étend sur les zones de plateaux et de montagne de 800 à 1500 mètres d’altitude du Kenya et de Tanzanie jusqu’en Zambie, au Malawi, au Zimbabwe, en Afrique du Sud, au Swaziland et au Lesotho[53]. Il couvre 246 millions d’hectares (soit 10 pour cent des surfaces) dont 32 millions d’hectares cultivés (soit 19 pour cent des terres cultivées); sa population agricole est de 60 millions de personnes (soit 15 pour cent du total de la région). Le climat varie du type sec subhumide à subhumide. Les zones les plus typiques ont une pluviométrie monomodale, mais certaines sont de type bimodal.

La densité de population est moyenne et la taille des exploitations plutôt faible - souvent moins de 2 ha. Le système de production inclut aussi des périmètres irrigués, en général de petite taille, qui ne représentent que pour 6 pour cent de la superficie irriguée régionale. La pluviométrie bimodale permet deux saisons de culture alors qu’une seule culture n’est possible dans les zones plus sèches. La culture vivrière principale est le maïs. Les principales sources de revenus proviennent des envois d’argent des expatriés et de la vente des productions agricoles et de l’élevage (bovins, petits ruminants, tabac, café, coton, et cultures vivrières comme le maïs et les légumineuses). Environ 36 millions de têtes de bétail sont élevées pour le labour, la production de lait et de fumier, la dote, l’épargne et la vente d’urgence. En dépit d’un habitat dispersé, les institutions communautaires et les liens avec les marchés y sont relativement mieux développés que dans les autres systèmes d’exploitation agricole.

En raison des migrations et de la crise générale de ce système de production - baisse d’utilisation des intrants due au manque de semences, d’engrais, et de pesticides, et au prix élevé de l’engrais par rapport à celui du maïs - les différenciations socioéconomiques sont très fortes. En conséquence, les rendements baissent, la fertilité des sols décroît et les agriculteurs se tournent vers des pratiques de production extensives. La sécheresse et l’instabilité des prix sont les deux principales causes de vulnérabilité des agriculteurs. Il existe un certain niveau de pauvreté chronique, lié à la petite taille des exploitations et à l’absence de traction animale et de revenu extérieur. Récemment, la pauvreté transitoire s’est considérablement accrue en raison de la réduction des possibilités de travail hors exploitation et des réformes de la politique concernant le maïs. En dépit de la crise actuelle, les perspectives à long terme sont relativement bonnes et le potentiel de réduction de la pauvreté reste important.

Système d’exploitation agricole des grandes exploitations et des petits exploitants

Ce système s’étend à travers la partie nord de la République d’Afrique du Sud et la partie sud de la Namibie, principalement en zones semi-aride et sèche subhumide.

Il couvre 123 millions d’hectares (soit 5 pour cent de la superficie régionale) dont 12 millions d’hectares cultivés (soit 7 pour cent des terres cultivées). Sa population agricole est de 17 millions de personnes (soit 4 pour cent de la population agricole de la zone). Il comprend deux types distincts d’exploitations: des petites exploitations dispersées et des exploitations commerciales de grande taille. Les deux types sont des systèmes mixtes céréales-élevage, le maïs dominant dans le nord et l’est, le sorgho et le mil dans l’ouest. L’élevage comprend des bovins (environ 11 millions de têtes) et des petits ruminants; le niveau d’intégration agriculture élevage reste faible.

Bien que la fréquence de la pauvreté soit modérée, elle est souvent sévère parmi les familles de petits exploitants qui survivent la plupart du temps grâce à des revenus hors exploitation, principalement d’autres secteurs en dehors de la zone.

La vulnérabilité est élevée, car une grande partie de ce système de production se fait sur des sols pauvres et sujets à la sécheresse. Les familles de petits agriculteurs sont soumises à une pauvreté chronique importante. Les perspectives de croissance agricole sont modérées, et les possibilités de réduction de la pauvreté limitées à moyennes.

Système d’exploitation agropastoral à base de mil et de sorgho

Ce système occupe 198 millions d’hectares de la superficie régionale (soit 8 pour cent), généralement dans les zones semi-arides de l’Afrique de l’Ouest, du Sénégal au Niger, et dans des parties importantes de l’Afrique de l’Est et du Sud, depuis la Somalie et l’Ethiopie jusqu’à l’Afrique du Sud. La population agricole s’élève à 33 millions de personnes (soit 8 pour cent de la population agricole de la région) et sa densité est relativement faible; toutefois, la pression sur les terres cultivées, dont les surfaces sont limitées, est très forte. Les cultures et l’élevage ont la même importance. Presque 22 millions d’hectares sont cultivés (soit 12 pour cent des terres cultivées de la région). Le sorgho pluvial et le petit mil sont les deux principales cultures vivrières, elles sont rarement commercialisées tandis que le sésame et les légumineuses sont parfois vendus. La préparation des terres s’effectue à l’aide de bœufs ou de chameaux; la culture à la houe est commune sur les berges des fleuves.

Ce système abrite près de 25 millions de têtes de bovins ainsi que des chèvres et des moutons. L’élevage sert à la subsistance (lait et produits laitiers), à la reproduction, au transport (chameaux, ânes), à la préparation des terres (bœufs, chameaux), aux ventes ou échanges, à l’épargne, à la dote pour le mariage et à l’assurance contre les pertes de récolte. La population vit généralement en permanence dans des villages, à l’exception d’une petite partie d’entre-elle qui effectue des déplacements saisonniers avec le bétail.

La première source de vulnérabilité est la sécheresse, qui peut entraîner la destruction des récoltes, l’affaiblissement des animaux, et finalement les ventes de biens. La pauvreté est très répandue et souvent forte. Les possibilités de réduction de la pauvreté sont limitées. Le potentiel de croissance agricole est aussi assez faible et représente un vrai défi.

Système d’exploitation pastoral

Ce système est situé dans des zones arides et semi-arides qui s’étendent de la Mauritanie au nord du Mali, du Niger, du Tchad, du Soudan, de l’Ethiopie, de Erythrée, du Kenya et de l’Ouganda. On trouve aussi des aires pastorales dans les zones arides de la Namibie et dans certaines parties du Botswana et du sud de l’Angola. Ce système occupe 346 millions d’hectares (soit 14 pour cent de la superficie de la région), mais sa population n’est que de 27 millions de personnes (soit 7 pour cent de population agricole de la région). Il compte 21 millions de têtes de bovins, ainsi que des moutons, des chèvres et des chameaux. Pendant la saison la plus sèche de l’année, les pasteurs sahéliens se déplacent au sud vers les zones du système mixte à base de céréales et les tubercules pour revenir vers le nord à la saison des pluies.

Le principal risque est lié à la grande variabilité du climat qui entraîne de nombreuses périodes de sécheresse. Les différences socioéconomiques sont très fortes - de nombreux éleveurs perdent parfois presque tous leurs animaux à cause des sécheresses ou du vol de bétail. La pauvreté est importante et les possibilités de la réduire sont faibles. Le potentiel de croissance agricole est limité.

Système d’exploitation agricole dispersé (aride)

Ce système couvre 429 millions d’hectares de la superficie de la région (soit 17 pour cent). Il s’étend principalement sur six pays: Soudan, Niger, Tchad, Mauritanie, Botswana et Namibie. Son importance agricole est faible, et sa population s’élève à environ six millions de personnes (soit 1,5 pour cent de la population agricole de la région). Il compte huit millions de têtes de bétail. Les wadis et ses zones environnantes étant considérés comme faisant partie du système de production pastoral, le pâturage à l’intérieur du système de production agricole dispersé (aride) est limité. Il existe quelques périmètres irrigués dispersés dans ces zones arides (correspondant à 0,7 million d’hectares de cultures), le plus souvent utilisés par les éleveurs pour améliorer leurs moyens de subsistance[54].

La pauvreté est très fréquente et souvent forte, spécialement après les périodes de sécheresse. Les possibilités de croissance de la production agricole et de réduction de la pauvreté sont faibles.

Système d’exploitation agricole basé sur la pêche côtière artisanale

En Afrique de l’Est, ce système s’étend vers le sud, du Kenya au Mozambique et inclut les zones côtières du Zanzibar, des Comores et de Madagascar. En Afrique de l’Ouest, il s’étend vers le sud, de la Gambie à la région de Casamance au Sénégal, le long des côtes de Guinée Bissau, de Sierra Leone, du Liberia, de Côte d’Ivoire et du Ghana vers le Nigeria, le Cameroun et le Gabon. Ce système occupe près de 38 millions d’hectares (soit 2 pour cent de la superficie de la région) et abrite une population agricole de 13 millions de personnes (soit 3 pour cent de la population agricole de la région). La densité moyenne de la population est assez forte. Les populations qui dépendent de la pêche en lac et rivière ne sont pas incluses dans ce système.

Ce système de subsistance est basé sur la pêche artisanale à laquelle s’ajoute parfois la production de cultures étagées dans les jardins, les cultures de racines sous les cocotiers, les arbres fruitiers et l’anacardier (noix de cajou) et un peu d’élevage. Cinq millions d’hectares sont cultivés (soit 3 pour cent du total de la région). Environ 4 pour cent des terres cultivées sont irriguées. La pêche artisanale inclut la pêche en mer sur des embarcations, la pêche au filet (seine) à partir du rivage, la pose de filets et de pièges le long des estuaires et dans les lagunes, et la pêche aux crustacés dans les marécages de mangroves. La volaille et les chèvres sont les principaux animaux d’élevage. Les bovins sont rares, particulièrement à cause de la présence de la mouche tsé-tsé, aussi la préparation des terres se fait-elle à la main. Les stations de tourismes le long des plages et les grandes exploitations arboricoles représentent l’essentiel des possibilités de travail hors exploitation. On trouve plus de riz de bas-fonds et très peu ou pas d’anacardier en Afrique de l’Ouest, du fait du climat humide.

Bien qu’il existe des différences socioéconomiques très importantes, la pauvreté est à l’heure actuelle assez peu importante. Les possibilités de réduction de la pauvreté et de croissance de la production agricole sont limitées.

Système d’exploitation agricole urbain

Un nombre important d’agriculteurs vit dans les villes et les grandes agglomérations de la région qui abritent une population urbaine totale estimée à plus de 200 millions de personnes. Dans certaines villes, on estime qu’au moins 10 pour cent de la population s’occupent d’agriculture urbaine[55]. Le total des producteurs agricoles des zones urbaines est estimé à 11 millions de personnes.

Ce système d’exploitation est très hétérogène. Il comprend le maraîchage commercial à petite échelle mais intensif en capital, l’élevage laitier et l’engraissement de bétail, et l’agriculture à temps partiel pratiquée par les urbains pauvres pour couvrir une part de leurs besoins alimentaires. Le niveau d’intégration de l’agriculture et de l’élevage est souvent faible, et il existe un certain nombre de problèmes d’environnement et de qualité des produits associé à l’agriculture urbaine.

Le potentiel de réduction de la pauvreté est limité en raison du nombre limité de pauvre. La croissance de la production agricole se fera probablement spontanément, même en l’absence de support du secteur publique, en réponse à la demande du marché urbain en produits frais. L’adoption de technologies améliorées de production devrait être rapide si elle n’est pas freinée par les effets négatifs qu’elle pourrait avoir sur l’environnement. Dans l’ensemble, ce système de production est très dynamique et possède un potentiel de croissance considérable.

GRANDES TENDANCES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE[56]

Préparée à partir de la discussion du chapitre 1 sur les possibilités d’évolution des systèmes d’exploitation agricole, cette section présente une vue d’ensemble sur les tendances communes de la plupart des systèmes d’exploitation agricole de la région.

Celles-ci sont analysées sous les rubriques suivantes: population, faim et pauvreté; ressources naturelles et climat; science et technologie; libéralisation du commerce et développement des marchés; politique, institution et biens publiques; et informations et capital humain.

Population, faim et pauvreté

Il est prévu que la population de l’Afrique subsaharienne augmente de 78 pour cent au cours des trois prochaines décennies. Ce taux est bien plus élevé que celui prévu pour l’ensemble des pays en développement. La population rurale devrait s’accroître de 30 pour cent au cours de ces 30 ans. Le taux de croissance de la composante agricole devrait être un peu plus faible en raison de la croissance urbaine. La population urbaine - actuellement 33 pour cent - devrait atteindre 50 pour cent de la population totale en 2030. L’Afrique subsaharienne est la seule région qui ait connu un taux d’urbanisation rapide en période de récession économique.

Le SIDA a déjà entraîné une diminution des taux de croissance de la population dans de nombreux pays d’Afrique de l’Est et du Sud[57]. Il est responsable de grandes souffrances; les taux d’infestation sont déjà en hausse en Afrique de l’Ouest. Si le SIDA s’étend plus vite que prévu, l’Afrique de l’Est et du Sud pourrait connaître une diminution très importante de leur force de travail parmi les classes d’âge les plus jeunes (à l’exception de l’Afrique du Sud, la croissance nette des populations devrait se poursuivre). De plus en plus de gens seront dépendants et le nombre d’orphelins nécessitant une assistance augmentera fortement. Les protections sociales traditionnelles sont déjà incapables d’assister les orphelins. Le coût pour la société - en perte de travail productif, coûts médicaux et support aux orphelins - est probablement énorme. Jusqu’à présent, les systèmes d’exploitation agricole les plus touchés ont été ceux des cultures pérennes des hautes terres et des cultures mixtes axés sur le maïs, mais le système dualiste des grandes exploitations commerciales et des petits exploitants a aussi perdu beaucoup de ses cadres. Les besoins en main-d’oeuvre pour la production de manioc étant mieux répartis tout au long de l’année que ceux pour la production des céréales, les agriculteurs réagissent en augmentant la superficie cultivée en manioc au détriment de celle en céréales. Les négligences concernant la production de café et de bananes du système des cultures pérennes des hautes terres sont partiellement le résultat du manque de main d’œuvre dû au SIDA. De plus, le SIDA touche aussi le personnel gouvernemental et les fournisseurs de services du secteur privé. La rotation du personnel est tellement importante que la plupart des investissements humains des projets agricoles, y compris la formation à l’extérieur, pourraient avoir été gaspillés.

On a assisté, au cours des 30 dernières années, à une augmentation importante du nombre de personnes sous-alimentées dans la région. Ce nombre était estimé à 180 millions en 1995-1997. A cette même époque le régime moyen journalier était de 2 188 kcal/personne/jour en Afrique subsaharienne, comparé à 2 626 dans l’ensemble des pays en développement. On estime que 33 pour cent de la population régionale sont actuellement sous-alimentés; l’incidence de cette sousalimentation est plus forte en milieu rural qu’en milieu urbain. Il est prévu que l’apport énergétique moyen augmente de 18 pour cent au cours des trente prochaines années, pour atteindre 2 580 kcal/personne/jour. Malgré l’offre accrue de calories, on estime qu’environ 15 pour cent de la population (environ 165 millions de personnes) resteront sous-alimentés - représentant un accroissement en nombre absolu - à moins que des mesures appropriées ne soient prises pour un meilleur accès à la nourriture.

La région a la plus forte proportion de personnes vivant sous le seuil de pauvreté estimé en dollar de toutes les régions du monde. La pauvreté rurale représente 90 pour cent de la pauvreté totale de la région. Approximativement 80 pour cent de ces pauvres dépendent encore de l’agriculture ou du travail agricole pour leur subsistance. Le nombre total de pauvres des 11 pays les plus concernés augmente.

Ressources naturelles et le climat

Les forêts couvrent encore aujourd’hui environ 400 millions d’hectares (presque 17 pour cent de la superficie). Le taux de déforestation annuelle est de 0,7 pour cent et la diminution de surfaces forestières va probablement continuer. Les systèmes d’exploitation agricole qui se trouvent les plus liés à la déforestation sont: le système d’exploitation agricole basé sur la forêt; le système d’exploitation arboricole; le système d’exploitation agricole à base de cultures de racines; et le système de production agricole mixte céréales et racines. De nos jours, les agriculteurs du système d’exploitation agricole à base de maïs, ceux du système d’exploitation agricole des hautes terres à base de cultures pérennes et du système d’exploitation agricole mixte des hautes terres tempérées manquent cruellement de bois de chauffage.

La surface cultivée est passée de 123 millions d’hectares en 1961-1963 à 173 millions d’hectares (cultures annuelles et permanentes) en 1999. Cela représente une lente expansion annuelle de 0,73 pour cent, principalement par la mise en culture des forêts et des prairies et par la réduction de la durée des jachères. D’ici à 2030, la croissance des terres cultivées devrait se ralentir; toutefois, le taux réel d’expansion dépendra de l’évolution future des systèmes d’exploitation agricole.

Les superficies dégradées augmentent, les causes de cette situation sont complexes. Cette dégradation des sols est liée à l’érosion, à la diminution de la matière organique et à la baisse de fertilité et de biodiversité. Bien que la dégradation des sols soit visible dans la majorité des systèmes d’exploitation agricole, elle est particulièrement importante dans le système des cultures pérennes des hautes terres et dans le système tempéré des hautes terres. En l’absence de mesure incitant à une meilleure gestion des terres, la densité de population entraîne une pression excessive sur celles-ci.

La région possède assez peu de ressources en eau renouvelable. Toutefois, elle n’utilise que deux pour cent des ressources disponibles pour l’irrigation (comparé à 20 pour cent pour l’ensemble des pays en développement). Aujourd’hui, 6,5 millions d’hectares seulement sont irrigués. La croissance des surfaces irriguées d’ici 2030 devrait être inférieure à 2,1 pour cent par an, c’est-à-dire plus faible que celle réalisée durant les 40 dernières années.

Les systèmes d’exploitation agricole les plus menacés par l’accélération du réchauffement général sont probablement ceux des zones aride, semi-aride et sèche subhumide[58]. L’augmentation de la fréquence et de la sévérité des sécheresses va sans doute entraîner: des pertes de récolte, une hausse des prix des céréales, une baisse des prix du bétail, des ventes forcées d’animaux, la décapitalisation des exploitations, l’augmentation de la pauvreté, de la faim, et éventuellement des famines. Les ménages essaieront de compenser leur manque d’argent et de nourriture en coupant et en vendant du bois de chauffe - accentuant ainsi la dégradation des terres et accélérant la désertification - et en migrant de façon temporaire ou permanente vers des zones plus favorables. En conséquence, les conflits entre agriculteurs sédentaires et pasteurs deviendront plus fréquents.

Le système d’exploitation agricole basé sur la forêt, pourrait bénéficier d’une réduction de l’excès d’humidité, mais il risque d’avoir à faire face à un afflux de population des zones voisines. Les nouveaux arrivants vont couper et éclaircir la forêt pour mettre en place leurs cultures; ce qui pourrait réduire l’effet bénéfique de capture de l’oxyde de carbone par les forêts tropicales. L’accroissement de la pression démographique entraînera une diminution de la durée des jachères, rendant plus difficile le maintien de la fertilité des sols et le contrôle des mauvaises herbes. Non seulement les rendements pourraient baisser, mais la biodiversité pourrait aussi en souffrir.

Science et technologie

La superficie des cultures annuelles et permanentes était d’environ 173 millions d’hectares en 1999; on s’attend à ce qu’elle augmente fortement d’ici à 2030. La production de l’ensemble des cultures était à peine supérieure à 250 millions de tonnes en 1995-1997; elle devrait doubler d’ici 2030 si les tendances actuelles se confirment. Les prévisions de la FAO suggèrent que cet accroissement serait associé à une augmentation moyenne de 60 pour cent du rendement des cultures[59]. La croissance importante prévue pour la productivité au cours des futures décennies contraste avec la croissance de la production réalisée pendant les 30 dernières années, au cours desquelles la surface en maïs s’est accrue de 1,5 pour cent par an tandis que le rendement n’a augmenté que de 1,2 pour cent (voir tableau 2.2). Les principales augmentations sont attendues des terres lourdes des bas-fonds sous les tropiques humides et subhumides et des terres irriguées de plusieurs systèmes d’exploitation agricole. Néanmoins, l’agriculture pluviale continuera à fournir la majorité de la production de l’Afrique subsaharienne.

Tableau 2.2 Evolution des superficies des cultures, des rendements et des productions en Afrique subsaharienne 1970-2000

Culture

Superficie 2000 (m ha)

Rendement 2000 (tonnes/ha)

Production 2000 (m tonnes)

Variation annuelle moyenne
1970-2000 (%)





Superficie

Rendement

Production

Riz

7

1,6

11

2,4

0,6

2,9

Maïs

26

1,5

38

1,5

1,2

2,7

Mil

20

0,7

14

1,4

0,4

1,8

Sorgho

21

0,8

18

1,2

0,5

1,6

Oléagineux

24

0,3

6

0,9

0,7

1,6

Racines et tubercules

18

8,4

154

1,7

1,0

2,8

Légumineuses

16

0,4

7

1,6

0,2

1,9

Légumes

3

6,6

22

1,9

0,8

2,6

Fruits

8

6,2

47

1,6

0,0

1,6

Source: FAOSTAT.

L’apport d’engrais chimiques est très bas malgré la perte de fertilité des sols notée ci-dessus. La consommation régionale n’est que de 1,3 millions de tonnes d’unités fertilisantes, correspondant à une moyenne de 8 kg/ha comparée à 107 kg/ha pour l’ensemble des pays en développement. On estime que, d’ici à 2030, la consommation régionale d’engrais ne devrait augmenter que lentement[60]. Même si l’utilisation d’engrais augmentait rapidement en Afrique, les taux d’application resteraient encore bien inférieurs à ceux des autres régions. L’emploi de compost ou d’autres amendements du sol ne compense pas les très faibles niveaux d’utilisation des engrais chimiques.

La région possède aujourd’hui 219 millions de bovins, 19 millions de chèvres et 189 millions de moutons (voir tableau 2.3). La présence de la mouche tsé-tsé est le principal facteur limitant l’expansion du bétail dans les différents systèmes d’exploitation agricole. Cette mouche se rencontre surtout dans les bas-fonds subhumides et humides et dans les parties plus sèches, près des réserves naturelles.

Néanmoins, des quantités croissantes de bétail sont élevées dans des zones de climat subhumide et sec subhumide où prédominent les systèmes d’exploitation agricole à base de cultures de racines et mixtes céréales et racines, qui étaient, à l’origine, infestées par la mouche tsé-tsé. Cette tendance devrait se poursuivre. Toutefois, le nombre de têtes de bovins par ménage à tendance à être plus élevé dans les systèmes en zone sèche que dans les systèmes en zone humide. Depuis 1970 le nombre de bovins, caprins et ovins a peu augmenté au niveau de la région; par contre, celui des volailles et des cochons a connu une croissance beaucoup plus importante (environ 3 pour cent par an). Entre 2000 et 2030, les augmentations du nombre de têtes de bétail et de volaille devraient connaître un taux de croissance modéré en réponse à la demande urbaine croissante en viande, lait et œufs.

Tableau 2.3 Evolution des populations animales et de la production en Afrique subsaharienne 1970-2000

Espèces

Millions de têtes 2000

Variation annuelle moyenne 1970-2000 (%)

Bovins

219

1,5

Moutons

189

1,4

Chèvres

194

2,3

Cochons

19

3,2

Volailles

809

2,9

Produits

Production 2000
(million tonnes)

Variation annuelle moyenne
(%)

Viande totale

8

2,0

Lait total

19

1,8

Oeufs total

1

3,7

Peaux (Bovins)

0,5

1,7

Source: FAOSTAT.

Libéralisation du commerce et développement des marchés

Bien que les exportations agricoles aient augmenté en valeur absolue depuis 1961, la part de marché de la région dans le commerce agricole mondial a diminué. En valeur absolue la chute la plus importante a été celle de l’Afrique du Sud, dont la part de marché dans le commerce agricole mondial est passée de 9 pour cent en 1961 à 3 pour cent en 1998. Toute proportion gardée cependant, les autres sousrégions d’Afrique n’ont pas fait beaucoup mieux. On trouve une plus grande stabilité dans la part des importations mondiales de l'Afrique, qui représentent une plus petite partie du commerce mondial que celle des exportations (de 0,2 pour cent pour l’Afrique centrale à un pour cent pour l’Afrique de l’Ouest).

En 1998, l’agriculture représentait encore 47 pour cent des exportations totales de l’Afrique de l’Est. En Afrique de l’Ouest ce chiffre est tombé de 70 pour cent en 1961 à seulement 9 pour cent en 1988, en partie à cause du développement des exportations pétrolières. Sur la même période, les exportations agricoles du sud de l’Afrique sont passées de 59 pour cent à 14 pour cent du total des exportations à cause de l’expansion des secteurs non agricoles. Les principales exportations agricoles de la région sont le cacao, le café et le coton. Le cacao représente 22 pour cent du total des exportations agricoles en Afrique centrale et 48 pour cent en Afrique de l’Ouest. Le café, quant à lui, représente 12 pour cent des exportations de l’Afrique de l’Ouest et 15 pour cent de celles de l’Afrique de l’Est. Pour le coton, ce pourcentage varie de 5 pour cent en Afrique de l’Est à 26 pour cent en Afrique centrale. Dans le sud de l’Afrique, par contre, les principales exportations sont le sucre, le vin, et les fruits, principalement à partir de la République d’Afrique du Sud.

Durant les trois dernières décennies, la part des importations agricoles dans les importations totales de la région a été particulièrement stable. Cette part des importations agricoles représente aujourd’hui 20 pour cent en Afrique centrale, 15 pour cent en Afrique de l’Est et de l’Ouest, et de 8 à 12 pour cent dans le sud de l’Afrique. Les principales importations agricoles sont les céréales (blé, riz et maïs).

Durant les 30 années dernières, ces importations sont passées de 5 pour cent à 14 pour cent de la consommation totale de céréales. Si ces tendances continuent, la région aurait besoin d’importer le sixième de ses besoins totaux en céréales en 2030.

La majorité des importations de céréales correspond à des achats, le reste provenant de l’aide alimentaire. A l’exception de certaines années, l’aide alimentaire a représenté moins de la moitié des importations de céréales. Elle était plus faible en 1995-1998 où elle ne représentait que 17 pour cent des importations, qu’en 1975-1978 où elle représentait 25 pour cent des importations. Néanmoins en 1998, l’aide alimentaire par tête était en Afrique trois fois plus importante qu’en Asie et en Amérique latine.

Politique, institutions et biens publics

Des programmes d’ajustement structurel ont été mis en oeuvre dans de nombreux pays de la région. Ces programmes ont apporté la stabilité macroéconomique à de nombreuses économies; toutefois, les conséquences pour les agriculteurs ont été particulièrement négatives: détérioration des conditions de commercialisation, accès plus difficile à beaucoup d’intrants agricoles tels que les semences améliorées et les produits phytosanitaires, baisse et irrégularité du prix des céréales.

Ces effets sont particulièrement marqués pour le système mixte à base de maïs où, pendant des années, l’investissement considérable du secteur public a été dirigé vers la distribution d’intrants. Par exemple le Farmers Marketing Board (FMB) du Malawi a mis en place, dès la fin des années 50 et au cours des années 60 des dépôts d’achat et de commercialisation de céréales de grande qualité dans tous les principaux centres du pays. Il changea de nom avec l’apparition de nouvelles diversifications et s’impliqua dans un certain nombre d’activités de type commercial, y compris la production et la transformation de cultures non traditionnelles, les plantations, la conserverie et d’autres activités spécialisées du même genre.

Les effets de l’ajustement structurel sur les producteurs de cultures de rente ont été plus nuancés et ont dépendu, en grande partie, des variations de prix des produits sur le marché international. L’anacardier (noix de cajou) en Tanzanie, par exemple, a subi un boom cyclique: la production augmenta rapidement en réponse aux prix internationaux élevés des années 90 et s’écroula de façon spectaculaire au début de la décennie suivante quand les prix chutèrent.

Dans le cadre des ajustements structurels, les gouvernements ont mis l’accent sur le rôle de facilitateur des ministères de l’agriculture. Malgré les efforts de décentralisation, les structures des gouvernements locaux ont progressivement souffert des réductions budgétaires qui ont entraîné des réductions de personnels et de capacité de fourniture de services. Dans la plupart des cas, le secteur privé n’a pas rempli le vide laissé, et personne ne sait combien il lui faudra de temps[61]. Afin d’améliorer cette situation, on a apporté, par l’intermédiaire du secteur public et de la société civile, une aide extérieure au développement des petites entreprises, y compris des entreprises villageoises.

Dans de nombreux pays africains, les zones rurales ont, au cours des 30 dernières années, bénéficié d’un accroissement lent mais régulier de leur dotation en biens publics. Cependant, la transition vers l’implication du secteur privé et le recouvrement des coûts des services ont été difficiles dans de nombreux pays. En général, la réduction des dépenses publiques a entraîné immédiatement une détérioration de la maintenance des infrastructures (par exemple celles des routes et des hôpitaux) et une diminution des services essentiels fournis aux populations rurales - dont les écoles et les dispensaires - ce qui aura un effet particulièrement négatif sur le capital humain.

Information et capital humain

La réduction des dépenses gouvernementales en matière de vulgarisation et de formation agricole à laquelle nous avons assisté dans de nombreux pays au cours de la dernière décennie a freiné l’accès des agriculteurs aux nouvelles technologies et à l’information commerciale. On espère que des sources d’information déjà existantes se développeront et que de nouveaux canaux d’information agricole (dont Internet) toucheront les zones rurales. Dans de nombreux pays, des organisations d’agriculteurs ont renforcé leurs activités de vulgarisation et de formation; le raccordement à Internet a été encouragé dans le cadre de ces activités. Le secteur privé devrait être appelé à jouer un rôle de plus en plus important dans la diffusion de l’information technique et commerciale au cours des trois prochaines décennies.

Sélection de systèmes d’exploitation agricole pour une analyse plus approfondie

Sur la base, d’une part, de leur capacité à réduire la pauvreté et à favoriser la croissance agricole[62] et d’autre part, de leur importance en terme démographique, les cinq systèmes d’exploitation agricole suivants ont été retenus pour l’analyse des priorités stratégiques:

A court terme, le système d’exploitation agricole irrigué et le système d’exploitation agricole mixte céréales et racines ont les plus forts potentiel de croissance de production. Les tendances, problèmes et priorités de chacun de ces systèmes sont étudiés ci-après. Le développement des deux premiers systèmes devrait avoir des effets directs à la fois sur la croissance agricole et sur la réduction de la pauvreté. Le développement du troisième et du quatrième devrait avoir un impact plus grand sur la croissance agricole et une réduction plus limitée de la pauvreté. Le cinquième système devrait permettre une réduction modeste de la pauvreté et une croissance limitée.


[41] Voir l’annexe 3 pour la liste des pays.
[42] FAOSTAT.
[43] Voir l’annexe 5 pour une explication des zones agroécologiques.
[44] Banque Mondiale, 2000b.
[45] Parmi ceux classés par la Banque Mondiale (2000a) (sont exclus les pays de petites îles et ceux dont les données sont incomplètes).
[46] Calculé sur la base des totaux publiés par la Banque Mondiale (2000f) pour les pays dont les données sont disponibles.
[47] Les baisses les plus fortes concernent l’Erythrée, l’Angola, l’Ouganda, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Mozambique, la Mauritanie et le Lesotho et les hausses les plus fortes la République du Congo, le Cameroun, le Rwanda, le Togo, le Niger, le Bénin, la Namibie, la République centrafricaine, le Zimbabwe et le Mali.
[48] La contribution de l’agriculture aux revenus d’exportation a baissé en Afrique de l’Ouest, au cours des trois dernières décennies, en raison de l’expansion de l’industrie pétrolière. Au sud de l’Afrique, elle a baissé en raison de la croissance des secteurs non-agricoles.
[49] Voir le chapitre 1 pour une explication de l’approche de la délimitation des systèmes d’exploitation agricole.
[50] La surface irriguée se réfère à la superficie équipée, qui excède généralement la superficie cultivée.
[51] «Fausse banane» d’Ethiopie.
[52] L’impact de la sécheresse est souvent plus important dans les zones pastorales et agropastorales de basse altitude.
[53] Il existe une ressemblance avec l’écologie du système mixte axé sur les céréales et les tubercules.
[54] Les plus grands périmètres, cependant, sont classés dans le système irrigué.
[55] On ne fait souvent pas la distinction entre agriculture urbaine et agriculture périurbaine. L’agriculture urbaine désigne la production à l’intérieur des limites des villes (y compris la banlieue); il existe de nombreuses définitions de la limite externe de l’agriculture périurbaine. Dans ce livre, les agriculteurs à l’extérieur des limites des villes et des cités sont inclus dans le système de production agricole correspondant.
[56] Sauf indication contraire, les données proviennent de la FAO (2000a).
[57] Voir la Division de la population des Nations-Unies (2000) pour une analyse de l’impact démographique du SIDA.
[58] Voir Fischer et al. (2001) pour des évaluations récentes de l’impact des divers scénarios sur l’agriculture.
[59] FAO 2000a.
[60] Les raisons comprennent le retrait récent des subsides, des prix élevés à cause des dévaluations des monnaies, des coûts des transports en hausse, des conditions de commercialisation désavantageux, les risques de pertes de récoltes élevés, la cessation des prêts de crédit saisonniers pour les petits exploitants.
[61] La politique peu claire des gouvernements, comme par exemple la fourniture de kits de démarrage au Malawi et la discussion de réintroduction de subventions pour la distribution d’engrais par l’intermédiaire des coopératives en Zambie, à renforcé l’hésitation du secteur privé à investir dans l’offre d’intrants et dans la commercialisation des produits.
[62] Les systèmes sélectionnés ont soit une forte pauvreté et un potentiel de croissance modéré, soit un fort potentiel de croissance en dépit d’une pauvreté limitée.

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