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Système d’exploitation agricole riz-blé


CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME

Le système d’exploitation agricole rizblé couvre 19 pour cent de l’ensemble des terres de la région (voir encadré 5.6); il occupe une large bande de terre allant du nord du Pakistan, à la plaine de l’Indus et du Gange comprenant le Teraï du Népal et la plaine du Gange en Uttar Pradesh, le Bihar et le sud du Bengale, pour finir au nord-ouest du Bangladesh. Ce système d’exploitation agricole est caractérisé par une culture de riz en été (saison de mousson) sur les terres humides et une culture de blé en hiver (saison sèche) - parfois suivie par une courte culture maraîchère de printemps (voir encadré 5.7).

Encadré 5.6 Données de base: système d’exploitation agricole riz-blé

Population totale (m)

484

Population agricole (m)

254

Superficie totale (m/ha)

97

Zone agroécologiqu

sèche subhumide

Superficie cultivée (m/ha)

62

Superficie irriguée (m/ha)

48

Population bovine (m)

119


Encadré 5.7 Un ménage typique du système d’exploitation agricole riz-blé

Un ménage représentatif des métayers pauvres du système riz-blé de l’Uttar Pradesh, en Inde se compose de deux adultes et de trois enfants, il cultive 0,8 ha de terre irriguée. La culture de riz de kharif (mousson) est suivie par celle du blé, et parfois par une culture maraîchère courte. Les variétés modernes de riz produisent normalement un rendement de 1,9 tonnes/ha dont le métayer conserve les deux tiers. Les rendements du blé sont en moyenne de 2,5 tonnes/ha. Le ménage possède une part de vache laitière et le lait est livré chaque jour au village à un centre de collecte. La vache est nourrie avec de la paille, des herbes coupées dans les champs et en bordure des chemins. Les adultes travaillent environ 160 jours par an comme ouvriers dans de grandes exploitations voisines et dans l’usine locale. Le ménage possède un revenu total moyen juste en dessous du seuil de pauvreté internationale, il est à la merci de mauvaises récoltes, de la perte de sa vache laitière et de l’absence de revenu hors exploitation.

La pauvreté et l’insécurité alimentaire des ménages sont très fréquentes, principalement parmi les ouvriers agricoles sans terre et les métayers. Dans certaines zones, la culture du coton fait partie du système; toutefois, ses besoins importants en main-d’œuvre et son cycle végétatif très long limitent son expansion. Le système bénéficie normalement d’une certaine forme d’irrigation. Les populations de bovins, ovins et caprins sont plus importantes que dans le système d’exploitation agricole riz; souvent les animaux ne font par strictement partie du système, mais appartiennent, sous forme de grands troupeaux, à des propriétaires terriens ou à des hommes d’affaires. Ils paissent la paille après récolte et retournent dans les terres incultes ou les hautes terres pendant la saison culturale. Il existe des inégalités importantes dans ce système d’exploitation agricole, principalement en ce qui concerne l’accès aux ressources en terre et en eau.

Le développement de variétés améliorées de riz et de blé, associé à l’utilisation de l’irrigation et des l’engrais, a entraîné un accroissement très important de la production du système d’exploitation agricole riz-blé. Cependant, au cours des dernières années, la diminution ou la stagnation des rendements et des facteurs de productivité du système est devenue inquiétante. L’actuel programme de recherche du Consortium riz-blé pour les plaines de l’Indus et du Gange cherche des solutions.

Le système est plus mécanisé et possède généralement moins d’animaux dans la partie ouest du Pakistan. Dans les zones irriguées, hors des districts sujets aux grandes inondations, la vulnérabilité est engendrée par les variations de prix, les ravageurs et l’incapacité de trouver des revenus suffisants hors exploitation. La gestion de ce système est difficile; pour permettre un rendement satisfaisant, le semis du blé doit suivre immédiatement la récolte de riz. Avec le temps, le système s’est étendu à des zones où l’eau souterraine n’est pas facilement accessible, aussi l’irrigation n’étant pas sure, les agriculteurs doivent-ils repiquer le riz au début de la mousson. Afin de maintenir une certaine souplesse dans le système, ils continuent à utiliser des variétés traditionnelles, tardives. En conséquence, le blé est, trop souvent, semé trop tard et les fortes températures au moment de la formation des grains entraînent des baisses de rendement.

TENDANCES ET PROBLÈMES DU SYSTÈME RIZ-BLÉ

La taille moyenne des exploitations continuera à progresser en raison des migrations permanentes et saisonnières des jeunes gens. La disparité dans la taille des exploitations devrait s’accentuer au cours de la prochaine décennie. Le nombre des métayers et des petites exploitations devrait ensuite diminuer. La terre proche des centres urbains prendra rapidement de la valeur, et certains observateurs pensent que le nombre des propriétaires absents de leur terre devrait augmenter. Le métayage présente des avantages; toutefois, son gros inconvénient est de maintenir en place un système traditionnel et immuable à l’intérieur duquel l’innovation est difficile ou impossible à promouvoir.

Le déclin de la productivité du sol dû, entre autre, à des fumures déséquilibrées, va probablement continuer encore quelques temps, entraînant des baisses des rendements du riz et du blé. La recherche n’a, jusqu’à maintenant, apporté aucune réponse à ce problème.[153] De même, l’accroissement de la salinité et de l’alcalinité des zones sèches de l’ouest du système, dû à la mauvaise gestion de l’eau, continuera jusqu’à ce que des mesures appropriées soient prises pour améliorer le contrôle de l’eau au niveau de l’exploitation. Le renversement de ces tendances dépendra autant des futurs succès de la recherche et de la vulgarisation que des décisions politiques favorisant l’application de fumures équilibrées et l’utilisation efficace de l’eau.

Le rapide développement des forages dans certaines zones, telles que l’ouest et le centre de l’Uttar Pradesh, a entraîné une baisse des nappes phréatiques. En raison du grand nombre de propriétaires de forages (quelques millions) il a été pratiquement impossible de mettre en place une réglementation (autorisations) et d’en assurer le suivi, aussi les efforts pour réglementer l’extraction de l’eau souterraine ont-ils eu des très effets limités. Ce qui s’est passé dans le Gujarat et le Rajasthan[154] montre que lorsque les nappes phréatiques sont épuisées ou dégradées, les agriculteurs dépendant de l’eau souterraine pour leur irrigation n’ont d’autre choix que de se convertir entièrement ou partiellement à la culture pluviale. La mécanisation, qui est déjà répandue au Pendjab pakistanais où la plupart des bœufs de trait ont disparu, devrait se développer, spécialement pour le premier labour. L’exploitation typique va se diriger vers plus de production laitière, d’horticulture et de céréales pour l’alimentation animale. En raison de la disponibilité en céréales pour les animaux, de la présence de sous-produits de récolte et de la proximité des marchés urbains importants, ce système d’exploitation agricole devrait attirer la production industrielle de volaille à grande échelle, aujourd’hui en expansion.

La plupart des ménages d’agriculteurs devraient parvenir à assurer leur sécurité alimentaire et à accroître leur revenu d’ici à 2030. La hausse des salaires pourrait entraîner une diminution progressive de la pauvreté des paysans sans terres, même si le nombre d’emplois agricoles diminue. Les infrastructures, particulièrement le réseau routier, devraient s’améliorer. La décentralisation rapprochera les centres de décision; grâce à ce processus, le rôle des femmes dans l’administration locale est appelé à augmenter. Les organisations d’agriculteurs devraient se renforcer. Le financement public de la recherche et de la vulgarisation devrait diminuer; le rôle du secteur privé et des organisations d’agriculteurs dans l’expérimentation et les services de conseil devrait se développer; ce processus devrait améliorer l’efficacité de la diffusion de l’information technique. La croissance de l’économie rurale hors exploitation devrait rester modeste.

PRIORITÉS DU SYSTÈME RIZ-BLÉ

Les stratégies suivantes doivent être considérées comme prioritaires pour réduire la pauvreté dans ce système d’exploitation agricole: diversification; accroissement des revenus hors exploitation; intensification du modèle de production existant; augmentation de la taille des exploitations; et départ de l’agriculture. Il existe un certain nombre d’options qui pourraient appuyer la lutte contre la pauvreté et favoriser la croissance agricole; toutefois, le coût de la main-d’œuvre sera déterminant pour leur mise en application.

La prise en compte des problèmes de conservation des ressources est la priorité des priorités. Elle doit s’attaquer au déclin de la fertilité des sols, à l’accroissement des problèmes de salinité et d’alcalinité sur les terres irriguées des zones ouest et à épuisement des eaux souterraines en zones irriguées à l’aide de forages. Des activités de recherche sont en cours pour permettre de développer des technologies capables d’améliorer le niveau de fertilité des sols, qui a baissé à la suite des pratiques intensives de production céréalière depuis le début de la révolution verte. Cependant, les gouvernements poursuivent parfois des politiques qui vont à l’encontre des efforts de la recherche. Par exemple, la poursuite des fortes subventions de l’urée en Inde, accompagnée de la dérégulation du prix des engrais P et K, entraîne un déséquilibre dans les fumures utilisées par les agriculteurs, en particulier chez les plus pauvres qui pratiquent la rotation riz-blé. Ces pratiques conduisent à un épuisement des sols en éléments nutritifs P et K, avec des conséquences à long terme sur la productivité.

Un facteur important du développement de la salinité et de l’alcalinité des sols de ce système en zones irriguées est, comme nous l’avons déjà dit, l’utilisation inefficace de l’eau, particulièrement au niveau de l’exploitation. La sousévaluation du prix de l’eau distribuée par les canaux, les fortes subventions (jusqu’à 100 pour cent pour les forages et 25 à 50 pour cent pour les pompes) et les divers tarifs de l’électricité pour le pompage, sont autant d’éléments qui stimulent une consommation exagérée de l’eau de la part des agriculteurs, avec pour conséquence l’apparition de phénomènes d’engorgement des terres. Les mêmes subventions et l’absence de contrôle et de mécanismes de régulation sont responsables de l’épuisement des nappes phréatiques par les pompages inconsidérés mis en place. En attendant que les gouvernements prennent directement en main ces problèmes politiques, une autre option consisterait à améliorer la conservation de l’humidité en utilisant toute une série de techniques telles que le non travail du sol, l’utilisation de plastic et autres mulchs et la plantation de brise vents. L’amélioration de la sécurité de l’irrigation améliorerait aussi le système, en permettant l’adoption de variétés de riz à cycle court, les semis du blé en temps voulu et la production de maraîchage de printemps.

Beaucoup de ces technologies de gestion des ressources ne dépendent pas de la taille de l’exploitation, aussi les petits agriculteurs pauvres, non métayers, auraientils tout à gagner à les utiliser. La nécessité de coordonner étroitement la gestion de l’eau, l’utilisation des engrais, le contrôle des maladies et les autres pratiques culturales a conduit à développer le concept de système de gestion intégrée des cultures (GIC)[155]. La dissémination des pratiques de la GIC auprès des agriculteurs permettrait d’accroître les rendements du riz et de réduire les coûts de la production rizicole de l’Asie du Sud. Dans certains pays, la participation active des femmes à ces pratiques constituera un défi à relever. Une autre approche qui pourrait être adoptée, particulièrement pour les zones de cultures pluviales sensibles à l’érosion ou lorsque les coûts sont élevés, est l’agriculture de conservation (AC) avec travail minimum du sol afin de maintenir une meilleure conservation de l’humidité et des sols. Les agriculteurs pourraient choisir eux-mêmes les approches et les pratiques convenant le mieux à leurs conditions d’exploitation.

La rentabilisation des résidus de récolte, l’utilisation plus intensive du fumier et la possibilité de tirer un revenu régulier de la production laitière sont autant de raisons qui militent en faveur d’une meilleure intégration des ruminants dans les systèmes d’exploitation agricole des petits agriculteurs. Le traitement de la paille à l’aide d’urée ou d’autres produits chimiques pour accroître sa valeur, va sans doute être adopté plus largement. L’expansion de la production animale, gourmande en main-d’œuvre, dans les systèmes d’exploitation agricole des petits agriculteurs augmentera la production finale et réduira la pauvreté. La production animale industrielle à grande échelle, surtout pour le lait et la volaille, devrait aussi se développer. L’expansion des entreprises de production animales stimulera la production et l’industrie des aliments du bétail. Le choix de la localisation de la production industrielle devrait permettre de minimiser les coûts de transport de l’alimentation et de limiter les problèmes d’environnement liés à la transformation. La production industrielle animale entraînera une augmentation de la production mais aura peu d’impact sur la réduction de la pauvreté, aussi sera-il nécessaire d’encourager la coopération entre la production industrielle animale et les petits producteurs, pour le bénéfice des plus pauvres d’entre eux. Les investissements dans la production industrielle animale dans cette zone seront sans doute pour le court terme, car à moyen et long terme l’implantation de la production d’aliments du bétail et la production industrielle animale pourra se déplacer vers le système d’exploitation agricole mixte pluvial, où la valeur des terres et les densités de population sont plus faibles.

Le système peut aisément incorporer de nombreuses autres formes de diversification, y compris l’introduction de l’arboriculture fruitière et de cultures de rente lorsque le propriétaire exploite lui-même ses terres; toutefois, ce type de diversification ne serait normalement pas possible pour les métayers. La diversification nécessitera des investissements dans la commercialisation, l’infrastructure des transports, la recherche, la vulgarisation et d’autres services d’appui. Les gouvernements devraient pouvoir continuer à fournir certaines catégories de semences et de plants; toutefois, les coopératives d’agriculteurs et le secteur privé devraient prendre progressivement le relais dans ce secteur. De même, la fourniture d’informations techniques et commerciales pourrait être assurée par un partenariat public privé.


[153] Cependant, des technologies prometteuses d’agriculture de conservation (minimum et non travail du sol) ont été testées aux champs et se diffusent rapidement. On estime que 40 000 ha bénéficieront de ces méthodes d’amélioration cette année à Haryana (Mololos, communication personnelle).
[154] Moench 2001.
[155] La GIC a été efficacement utilisée pour augmenter le rendement et la productivité du riz en Australie, en Egypte, en République de Corée et dans le projet BGD/89/045 de la FAO intitulé «Identification et transfert de technologie pour la production des céréales au Thana, Bengladesh».

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