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Système d’exploitation agricole mixte des hautes terres


CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME

Les principales productions du système d’exploitation agricole mixte des hautes terres sont les céréales, les tubercules, les légumineuses, les fourrages, les arbres à fourrage et l’élevage (voir encadré 5.8). Il s’étend sur une bande étroite des hautes terres du Pakistan, de l’Inde, du Népal et du Bangladesh, située entre d’une part les plaines, à plus basse altitude, et les zones montagneuses généralement inhabitées au-dessus. Il couvre aussi une petite zone au Sri Lanka. Ce système couvre environ 13 pour cent des terres de la région. Dans les parties les plus isolées, où les engrais minéraux sont très chers ou introuvables et les marchés éloignés, l’apport d’éléments nutritifs aux cultures provient uniquement du pâturage ou de la coupe d’arbres à fourrages des zones boisées en d’altitude. Cependant, dans les parties plus accessibles, telles que les hautes terres du centre du Sri Lanka, le succès de la production maraîchère, en particulier les pommes de terre, a entraîné le développement d’un système de production commercial très intensif. De même, la production horticole, vergers de pommes surtout, s’est développée dans les collines de l’Himachal Pradesh.

Encadré 5.8 Données de base: système d’exploitation agricole mixte des hautes terres

Population totale (m)

82

Population agricole (m)

53

Superficie totale (m/ha)

65

Zone agroécologique

humide subhumide

Superficie cultivée (m/ha)

19

Superficie irriguée (m/ha)

3

Population bovine (m)

45

Les ruminants, qui fournissent la traction animale, le lait, le fumier et les revenus monétaires, forment généralement une part importante du système. Un ménage agricole typique de ce système est décrit dans l’encadré 5.9.

Dans la plupart des cas, les communautés vivent dans ces zones depuis des millénaires, sociétés souvent tribales, qui à l’origine pratiquaient la culture itinérante. En fait, les deux tiers des populations indigènes du monde vivent en Asie, beaucoup d’entre elles dans le système d’exploitation agricole mixte des hautes terres. La plupart d’entre elles ont maintenant adopté un mode agriculture plus sédentaire. Dans certaines zones, ces communautés d’origine ont été rejointes par des populations venues de la vallée, repoussées vers les hauteurs sous l’effet de la pression démographique; ce phénomène a conduit, dans certains cas, à des tensions ethniques. Il existe aussi des exemples de spéculation foncière: les zones forestières sont alors déboisées par les «agriculteurs» avec l’appui d’un propriétaire terrien local ou d’un homme d’affaire.

Dans la plupart des cas les agriculteurs de ces zones n’ont pas de titre de propriété et certaines communautés vivent à l’intérieur des limites de la forêt avec l’assentiment du département des forêts. Le problème majeur est l’accroissement de la pression démographique, causé à la fois par la réduction du taux de mortalité et par l’arrivée des agriculteurs venant de la vallée, ce qui peut, à terme, rendre non durable ce système déjà fragile.

TENDANCES ET PROBLÈMES DU SYSTÈME MIXTE DES HAUTES TERRES

La principale tendance pour ces hautes terres, particulièrement dans les zones où l’assistance au développement a été limitée, est la détérioration générale des revenus, des niveaux de vie et de l’environnement dans son ensemble. La réduction de la couverture forestière sur les pentes les plus hautes, l’absence de progrès en agriculture et la culture continue sur de fortes pentes, souvent dans des sols fins et pauvres, ont conduit à l’appauvrissement des communautés, qui survivent difficilement aujourd’hui. Elles n’ont pratiquement pas de revenu monétaire et les femmes doivent marcher de plus en plus loin pour trouver l’eau et le bois de chauffe. La conservation de l’eau et du sol est, dans ces conditions, mal assurée; l’érosion et la baisse de fertilité des sols peuvent menacer gravement la survie des ménages.

Encadré 5.9. Un ménage typique du système d’exploitation agricole mixte des hautes terres

Un ménage pauvre typique du système d’exploitation agricole mixte des hautes terres du Népal central est composé de cinq personnes; il possède 0,5 ha de terre dont 0,2 sont cultivés en riz irrigué en rotation avec une culture de blé mal irriguée (toutes les deux pour l’autoconsommation), les 0,3 ha de terre restant sont cultivés en maïs pour l’alimentation humaine et en mil pour la préparation d’alcool. L’exploitation a quelques arbres fruitiers et produit un peu de maraîchage. Elle possède un bœuf, une vache et plusieurs chèvres qui dépendent pour leur nourriture des parcours communaux surpâturés et de la forêt. Il vend quelques oranges et des veaux. Seule la migration saisonnière au Teraï ou en Inde, à la recherche d’un travail salarié, peut permettre de constituer un capital.

Les possibilités d’emploi des jeunes sur place sont limités, aussi sont-ils souvent obligés d’aller trouver du travail ailleurs, laissant derrière eux une population résidente âgée. Les difficultés rencontrées par les agriculteurs itinérants devenus sédentaires sont un autre facteur de départ. Comme dans d’autres systèmes, l’insécurité générale du régime foncier a empiré la situation; la plupart des familles se sont installées soit sur une terre communale soit à l’intérieur des limites de la forêt. Dans certaines zones la cohésion sociale est absente ou très faible - chaque famille faisant sa propre loi, sans contact avec la hiérarchie établie des conseils de village et des chefs. Le manque de cohésion sociale rend difficile la résolution des disputes individuelles sur les propriétés ou l’obtention d’un accord sur l’utilisation et la gestion des terres communales. La solution de ces types de problèmes - préalable au développement - est indispensable pour l’introduction de technologies améliorées, de conseils d’utilisation des terres, et pour l’application des méthodes de conservation des sols et des eaux. Plusieurs autres facteurs, comme le faible niveau d’éducation et la pauvreté des moyens de communication, aggravent encore le manque de cohésion sociale.

Il existe cependant quelques résultats prometteurs qui méritent d’être mentionnés. L’apparition de petites zones de cultures de rente ou de production animale démontre la possibilité d’améliorer l’ensemble des systèmes agricoles. Ces exemples comprennent les productions de pommes dans le Himanchal Pradesh, de citrus à l’est du Népal, de plants de pommes de terre exempts de virus au Pakistan et de semences de cultures maraîchère au Népal. Dans ces exemples, la production a été associée à des systèmes de collecte et de commercialisation bien organisés, souvent avec l’implication du secteur privé. La qualité de l’information technique et commerciale est à l’origine de tous ces succès. L’accès routier a constitué un facteur déterminant du développement de la production laitière et, dans une moindre mesure, de celui de productions non périssables telles que les semences maraîchères.

PRIORITÉS DU SYSTÈME MIXTE DES HAUTES TERRES

La mise en œuvre des stratégies suivantes, citées par ordre d’importance, pourrait permettre de réduire substantiellement la pauvreté des ménages de ce système: sortie de l’agriculture; diversification; augmentation du revenu hors exploitation; et intensification de la gamme des productions existantes. La migration peut être facilitée par des mesures entraînant l’amélioration du fonctionnement des marchés ruraux et urbains de l’emploi, et par la délivrance d’un enseignement de base et la formation technique pour les plus pauvres du système.

Les réussites en matière de diversification et d’intensification, mentionnées cidessus et décrites dans l’encadré 5.10, indiquent le type d’interventions stratégiques à suivre. Dans des zones dispersées, ayant un assez bon accès au marché on une assez bonne cohésion sociale, par exemple le long des routes de collecte de lait des principales villes des hautes terres telles que Katmandu, l’intensification de la production laitière est facile. Au nord-est de Katmandu, la production de maraîchage s’est développée et le revenu monétaire engendré a permis d’accroître l’utilisation d’intrants sur les autres cultures. Dans certaines zones, la plantation extensive d’arbres pour le fourrage et le bois, en réponse à l’interdiction de l’accès aux ressources forestières, améliore les ressources des exploitations et favorise le recyclage des éléments nutritifs grâce à l’association agriculture élevage[156]. D’autres exemples ont montré comment le renforcement des pouvoirs de la communauté peut améliorer la gestion des ressources et les revenus, même pour les villages les plus pauvres. Cela peut se réaliser par la gestion commune des ressources communales et par la création de groupes d’action pour accroître la production, grâce à l’acquisition de variétés améliorés et d’intrants associée à une meilleure commercialisation[157].

L’arrêt de la dégradation des terres, grâce à la conservation des sols et des eaux, est l’élément prioritaire de tout programme d’ensemble destiné à améliorer les niveaux de vie. Les techniques traditionnelles de conservation des sols étant onéreuses et souvent non durables, il nécessaire de mettre en route un ensemble d’activités biologiques intégrées. Ces activités pourraient être: l’intégration de l’agriculture et de l’élevage; l’agroforesterie; l’introduction de cultures de rente pérennes comme le café ou les arbres fruitiers (lorsque cela est faisable et qu’un marché existe); la plantation de cultures fourragères; l’alimentation des animaux avec de la paille; les services de santé animale gérés par la communauté; et la provision d’eau potable. Les résultats de ces mesures pourraient être encore renforcés par le semis, en culture relais, de légumineuses fourragères, telles que le trèfle d’Egypte (Trifolium alexandrianum), dans les terres humides du riz avant que celles-ci ne s’assèchent. Cette pratique améliorerait la fourniture d’aliment du bétail et procurerait un engrais vert pour la culture suivante.

Encadré 5.10 Interactions culture-élevage-forêts dans le système d’exploitation agricole mixte des hautes terres[158]

Un certain nombre d’innovations ont été démontrées avec succès au Népal. Celles-ci pourraient faire partie de la stratégie pour relever les défis posés par l’amélioration du système d’exploitation agricole mixte des hautes terres: terres en pente, sols pauvres, stress hydrique saisonnier, cycles végétatifs limités, pression démographique importante, fragmentation des exploitations (plus de 60 pour cent des exploitations de ce système ont, au Népal, une surface inférieure à 0,5 ha), ainsi que l’éloignement des marchés. L’une des innovations étudiées les plus prometteuses a été le passage du pâturage extensif à l’élevage à l’étable avec l’alimentation en fourrage coupé et transporté, pour les gros ruminants. L’alimentation à l’étable a eu un impact bénéfique sur toute une série de facteurs, dont la disponibilité en travail, la présence des enfants à l’école, l’amélioration des races et la réduction du nombre d’animaux. Il a, de plus, permis la production de plants d’arbres fruitiers sur de plus grandes surfaces au fur et à mesure de la réduction des surfaces consacrées au pâturage. La coopération intra-communautaire et le pouvoir des institutions locales ont été renforcés par la nécessaire mise en place, à l’intérieur de la communauté, de comités de développement de l’élevage pour gérer les programmes de reproduction, de clôtures pour protéger les zones fourragères et de soins vétérinaires.

D’autres types d’interventions sont aussi très prometteurs: i) l’évaluation des variétés par les agriculteurs, permettant ainsi la sélection pour un grand nombre de caractères recherchés et la diffusion plus rapide des variétés; ii) la gestion participative intégrée des bassins versants pour améliorer les niveaux de vie et encourager la recherche d’autres activités de subsistance; iii) la location de terres forestières dégradées des collines à des ménages se trouvant en dessous du seuil de pauvreté, payés pour leur remise en état; et iv) la gestion communautaire des forêts, par le transfert de forêts nationales du Népal à des communautés locales.

L’éloignement et les coûts de transport élevés rendant l’utilisation des engrais minéraux difficile ou impossible dans les zones des hautes terres, le développement des activités d’élevage, telles que la production laitière ou de chèvres avec alimentation à l’étable, l’amélioration de la nutrition animale et la collecte du fumier, paraît être une bonne façon de s’attaquer à la pauvreté. Les chances de réduire la pauvreté sont augmentées lorsque il est possible d’associer les activités décrites ci-dessus à des productions commerciales capables de procurer un revenu monétaire (verger d’arbres fruitiers ou maraîchage). Cependant, il est parfois difficile de trouver des cultures de rente adaptées aux zones isolées. Toutefois, il existe des productions de valeur et peu encombrantes qui peuvent être faites même dans ces zones éloignées, comme par exemple les semences maraîchères, les épices et les plantes médicinales.

L’ensemble du programme devra être mis en œuvre d’une manière participative, en impliquant complètement la communauté locale, avec l’appui conjoint du gouvernement et des ONG partenaires. La mise en œuvre d’une politique en faveur de l’environnement, qui devra être créée si elle n’existe pas, facilitera les prises de décision au niveau local et permettra le développement local de la gestion des ressources, spécialement en raison des difficultés de communication avec les autorités centrales et même celles du district. Le transfert des prises de décision aidera aussi à renforcer la cohésion sociale, qui manque parfois chez les populations des collines. La recherche participative et les services de vulgarisation seront nécessaires pour aider les ménages et les communautés pendant la période d’adoption et d’adaptation. Les projets actuels de développement des bassins versant des hautes terres insistent sur l’importance de l’entière participation des communautés dans tous les aspects de la formulation et de la mise en œuvre. De tels projets prévoient aussi d’aider les communautés locales à développer leur capacité à prendre en charge leurs propres affaires et à gérer leurs ressources en terres et en eaux, tout en continuant à demander des conseils techniques aux agences gouvernementales concernées lorsque cela est nécessaire.

Dans certains cas, les interventions de développement rural doivent, en plus, inclure l’éducation et les soins de santé. La création d’écoles d’apprentissage de bons niveaux facilitera les revenus hors agriculture, qui constituent une source importante de revenus des ménages ruraux et contribuera à limiter la fragmentation des exploitations et à maintenir des tailles d’exploitation viables.


[156] Plusieurs paquets technologiques ont été testés avec succès, par exemple à Pakribas et à Lumle au Népal, ainsi que la culture permanente à Jajarkot, Népal. Le développement de l’industrie des pommes dans l’Himanchal Pradesh est souvent cité comme un grand succès, il souffre maintenant de la concurrence des pommes importées de l’Asie de l’Est.
[157] Comme cela est démontré par le Programme FAO/UNDP de gestion des ressources au niveau de l’exploitation.
[158] Kiff et Pound, 2001.

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