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9. CONCLUSIONS ET ORIENTATIONS


Ce livre a passé en revue les tendances et les défis auxquels doivent faire face les systèmes d’exploitation agricoles des six régions en développement du monde. Il propose des priorités stratégiques pour la réduction de la pauvreté, l’accroissement de la sécurité alimentaire et la croissance agricole. Puisque la moitié de la population des régions en développement - et une majorité de pauvres et d’affamés - sont des agriculteurs et leur famille, la mise en œuvre réussie de ces recommandations contribuerait grandement à atteindre les objectifs internationaux de développement de réduire de moitié la faim et la pauvreté d’ici à 2015.

Ce dernier chapitre commence par souligner les principaux résultats présentées au chapitre 8. Il examine ensuite les implications des priorités proposées pour les rôles des principales parties prenantes ainsi que les différentes façons de poursuivre ces analyses aux niveaux nationaux et au niveau mondial. Ce chapitre se termine par une note qui tente de montrer les principaux changements que l’adoption des recommandations entraînerait dans les pratiques de développement.

Mise en lumière des résultats

SOURCES DE RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ AGRICOLE

Une partie de la pauvreté la plus pitoyable du monde concerne les communautés agricoles. De nombreux agriculteurs, femmes, enfants et hommes, dépendent d’un équilibre précaire de multiples moyens de subsistance; la faim fait partie du quotidien de leur vie; l’accès aux services de base, éducation, santé et eau, est pour eux encore plus difficile que pour les pauvres des centres urbains. Contrairement à ce que l’on pense généralement, une majorité des familles agricoles pauvres vit dans des zones où la pluviométrie est moyenne à élevée et où il existe un potentiel de développement agricole important. La pauvreté est aussi très forte dans les zones sèches et isolées qui ont un faible potentiel de développement agricole; toutefois, les densités de population y sont beaucoup plus faibles. Très souvent, le monde rural des pauvres est concentré dans les zones à forte densité de population, où les exploitations sont de petite taille et où le niveau d’intensification des productions vivrières est faible à moyen. Le revenu hors exploitation représente souvent une part importante des moyens de subsistance de ces ménages.

L’analyse présentée dans les chapitres 2 à 7 a montré combien les changements dans les populations, les marchés, les technologies, les politiques, les institutions et les flux d’information font à la fois peser de nouvelles pressions sur les communautés des petits agriculteurs et leur ouvrent de nouvelles possibilités. Lorsque la terre est disponible, la croissance de la population et la demande du marché entraînent une expansion des terres cultivées, malheureusement pas toujours dans des zones capables de supporter une agriculture durable. Toutefois, dans la plupart des endroits la terre est rare et les incitations à une bonne gestion des ressources sont absentes; les sols sont en train de s’épuiser, la taille des exploitations diminue et les agriculteurs s’enfoncent de plus en plus dans la pauvreté. Aussi les familles d’agriculteurs doivent-elles avoir de plus en plus recours à la migration saisonnière puis permanente pour rechercher des moyens de subsistance de remplacement. Mais, lorsque des structures d’appui existent et que les politiques font la promotion d’une gestion efficace des ressources, les petits agriculteurs réussissent à intensifier et à diversifier leur production, à renforcer leurs ressources de base et à augmenter leurs revenus hors exploitation au moyen d’emplois familiaux dans les agro-industries locales.

L’importance relative de ces stratégies varie d’une catégorie de système à l’autre. Dans le but de faciliter la formulation des politiques et des programmes nous avons indiqué dans le tableau 9.1, pour chaque catégorie de système agricole, les trois stratégies les plus importantes de réduction de la pauvreté. En général, la contribution à la réduction de la pauvreté des améliorations au niveau de l’exploitation (diversification, intensification et accroissement de taille) est plus importante que celle provenant des activités hors exploitation (augmentation des revenus hors exploitation et sortie de l’agriculture). Dans le contexte des améliorations au niveau de l’exploitation, la diversification est une stratégie essentiel de réduction de la pauvreté dans les huit catégories de systèmes, tandis que l’intensification est importante dans les systèmes à fort potentiel, notamment les systèmes irrigués et dualistes. L’augmentation de la superficie, de la taille du troupeau ou des activités commerciales n’est importante que pour les systèmes dualistes et urbains.

Encadré 9.1 Stratégies des ménages pour réduire la faim et la pauvreté

· Intensification des modèles de production agricole existants.

· Diversification de la production, par une orientation de la production de plus en plus marquée vers les marchés et par des activités après récolte porteuses de valeur ajoutée.

· Accroissement de la taille des exploitations, par le regroupement des exploitations existantes ou par l’extension vers des terres neuves.

· Augmentation des revenus hors exploitation pour complémenter les activités agricoles.

· Sortie de l’agriculture, impliquant le départ des zones rurales.

Tableau 9.1 Principales stratégies de réduction de la pauvreté par catégorie de système de exploitation

Stratégies de réduction de la pauvreté

Périmètres irrigués (petits propriétaires)

A base de riz aquatique

Pluvial humide

Pluvial des hautes terres

Pluvial sec/froid

Dualiste (grand/petit)

Pêche artisanale côtière

Urbain

Intensification

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Diversification

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Augmentation de la taille des exploitations






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Augmentation des revenus hors exploitation

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Sortie de l’agriculture




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Note:Voir le tableau 8.2 pour les détails. Les stratégies sont classées premières, secondes ou troisièmes pour chaque catégorie de système.

Des millions d’agriculteurs devraient pouvoir échapper à la pauvreté en augmentant leurs revenus hors exploitation. Cette stratégie est, pour sept des huit catégories de système, la deuxième meilleure stratégie de réduction de la pauvreté, après la diversification. La sortie de l’agriculture devrait devenir un phénomène de plus en plus courant, particulièrement pour les petits agriculteurs des systèmes à faible potentiel, hautes terres et systèmes secs/froids.

Nous avons montré qu’il existe des complémentarités importantes entre les stratégies de réduction de la pauvreté. En fait, de nombreux agriculteurs simultanément intensifient et diversifient leurs productions. L’intensification et la diversification agricoles créent les conditions facilitant le développement de l’économie hors exploitation et l’accroissent des revenus hors exploitation qui, à son tour, stimule la croissance agricole. Petit à petit, les ménages agricoles les plus pauvres pourront progressivement augmenter leurs activités hors exploitation jusqu’à ce qu’ils abandonnent tout à fait l’agriculture.

STRATÉGIE MONDIALE DE RÉDUCTION DE LA FAIM ET DE LA PAUVRETÉ

Le chapitre 8 a défini les éléments les plus courants pour une stratégie mondiale de réduction de la faim et de la pauvreté. Ces éléments sont résumés dans les paragraphes suivants et dans l’encadré 9.2.

Encadré 9.2 Eléments d’une stratégie mondiale de réduction de la faim et de la pauvreté

RECENTRER LES INSTITUTIONS, LES POLITIQUES ET LES BIEN PUBLICS

  • Etablir des droits d’usage équitables, sûrs, transférables et souples pour les ressources.

  • Fournir des infrastructures durables aux zones pauvrement desservies.

  • Assister les périmètres irrigués gérés par les petits agriculteurs.

  • Continuer les réformes des politiques agricoles et le renforcement des institutions de niveau intermédiaire.

  • Renforcer les filets de protection ciblés.

TIRER PROFIT DE LA LIBÉRALISATION DU COMMERCE ET DU DÉVELOPPEMENT DES MARCHÉS

  • S’assurer que la libéralisation du commerce fonctionne dans les deux sens.

  • Axer la production des petits agriculteurs sur des productions exigeantes en main-d’œuvre ou sur des créneaux spécifiques.

  • Satisfaire les besoins en sécurité alimentaire des ménages pendant la période de transition.

  • Favoriser la compétitivité commerciale, spécialement pour les petites entreprises.

  • Aider le développement des marchés agricole.

RENFORCER L’INFORMATION AGRICOLE ET LE CAPITAL HUMAIN

  • Assurer une large diffusion de l’information agricole.

  • Fournir, particulièrement aux femmes, une formation générale sur les systèmes agricoles.

  • Renforcer les qualifications professionnelles en dehors de l’exploitation, spécialement pour les jeunes.

UTILISER LA SCIENCE ET LA TECHNOLOGIE POUR RÉDUIRE LA PAUVRETÉ

  • Mettre l’accent sur les technologies obtenues à l’aide de recherches et de développements participatifs.

  • Accroître la productivité de la terre et du travail dans les zones à haut potentiel.

  • Accroître la productivité du travail dans les zones à faible potentiel.

  • Promouvoir l’adoption de biotechnologies offrant suffisamment de garanties.

ARRIVER À UNE UTILISATION PLUS DURABLE ET PLUS PRODUCTIVE DES RESSOURCES NATURELLES

  • Mettre l’accent sur une utilisation durable des ressources naturelles.

  • Recapitaliser la fertilité du sol.

  • Améliorer la gestion des ressources en eau.

  • Accroître la capacité de réponse aux changements climatiques.

Recentrer les institutions, les politiques et les biens publics

La création et la fourniture effective de biens publics internationaux, nationaux et locaux en faveur des pauvres, dans un environnement où la loi et l’ordre règnent et où les politiques et les institutions fonctionnent est le défi majeur à relever pour permettre la réduction de la faim et de la pauvreté des ménages agricoles. Les petits agriculteurs ont besoin de droits d’usage des ressources équitables, sûres, transférables et souples et d’infrastructures durables - comprenant les routes et les structures d’appui à l’irrigation gérée par eux-mêmes. Pour pouvoir gérer leurs ressources de façon durable tout en bénéficiant de la libéralisation économique, les agriculteurs ont besoin d’institutions locales et de niveau intermédiaire plus fortes et d’une collaboration efficace entre toutes les parties prenantes. Les pauvres continueront à avoir besoin de filets de protection ciblée afin de surmonter les catastrophes naturelles; ces filets serviront aussi à aider les petits agriculteurs incapables de s’adapter suffisamment rapidement aux changements des conditions du marché mondial.

Tirer profit de la libéralisation du commerce et du développement des marchés

La réduction de la pauvreté rurale dépend pour une grande part de l’habileté des petits agriculteurs à répondre effectivement aux changements apportés par la libéralisation du commerce et par le développement des marchés locaux. Ces changements peuvent être bénéfiques à de nombreux petits agriculteurs pour échapper à la pauvreté s’ils se concentrent sur des activités à travail intensif pour lesquelles ils ont un avantage comparatif. Les agriculteurs incapables de s’adapter peuvent eux aussi bénéficier de ces changements grâce aux emplois créés par les acteurs de la transition. Dans les deux cas, il est crucial de préserver la sécurité alimentaire des ménages durant le processus d’ajustement. Il est important de veiller à ce que l’environnement soit favorable au développement des marchés grâce à des mesures d’encouragement aux petites entreprises rurales qui représentent souvent les principales sources pour les marchés et pour les emplois des ménages de petits agriculteurs. Il sera aussi nécessaire de mettre en place des mécanismes afin d’éviter les faillites commerciales, spécialement face aux monopoles et aux importations.

Il existe dans les pays en développement un sentiment général que la libéralisation internationale du commerce n’a pas été un processus réciproque, car de nombreux marchés agricoles et non agricoles essentiels des pays industrialisés demeurent très protégés. De leur côté, les agriculteurs du monde industrialisé - souvent généreusement subventionnés - utilisent la libéralisation du commerce pour approvisionner les marchés urbains des pays en développement. L’échec de la communauté internationale à trouver une solution à ce déséquilibre pourrait avoir des conséquences très négatives sur la réduction de la pauvreté et menacer l’ensemble du processus de libéralisation.

Renforcer l’information agricole et le capital humain

Une information largement accessible est nécessaire aux petits producteurs et aux entreprises pour leur permettre d’échapper à la faim et à la pauvreté. Les groupes pauvres et vulnérables - dont les femmes chefs de ménage agricole - ont besoin d’assistance pour pouvoir bénéficier de la révolution de l’information.

Ce processus ne sera durable qu’avec la participation du secteur privé. D’autre part, il ne sera possible de tirer le maximum d’avantages de la disponibilité de l’information qu’en renforçant le capital social et humain des familles agricoles pauvres grâce à l’éducation rurale et la formation des agriculteurs. De nombreux enfants ruraux n’entreront jamais dans l’agriculture et leur formation doit les préparer à leur futur emploi dans l’industrie et les services. Seuls les pays qui sauront investir dans les formations appropriées des techniciens et des cadres de l’agriculture et les actualiser pourront bénéficier du potentiel de la révolution de l’information.

Améliorer la technologie et la gestion des ressources naturelles

Il est important d’avoir pleinement conscience du fait que les différents systèmes d’exploitation agricole ont des besoins technologiques très différents. La productivité de la terre et la diversification des exploitations sont les deux stratégies capables de promouvoir la croissance dans les zones à forte densité démographique; par contre, dans les zones à faible potentiel et à faible densité de population, les technologies permettant d’augmenter la productivité du travail sont à préconiser. La biotechnologie devrait avoir des retombées très importantes en matière de sélection des plantes et des animaux, et de contrôle des maladies; toutefois, il est nécessaire de s’assurer que les biotechnologies offrent suffisamment de garanties pour que les pauvres puissent bénéficier de ces changements. La réduction de l’écart entre les rendement des zones à fort et à faible potentiel est possible; cette réduction pourra bénéficier aux pauvres dont les rendements sont généralement en dessous de la moyenne.

La révolution de la technologie agricole qui s’est produite au cours des dernières décennies a permis à un certain nombre de petits agriculteurs d’améliorer leurs moyens de subsistances; toutefois, elle a laissé de côté un grand nombre d’entre eux. Certaines nouvelles technologies - particulièrement les nouvelles variétés - ne sont pas liées à la taille de l’exploitation, mais d’autres, telles que de nombreux types de machines agricoles, n’ont aucun intérêt pour les petits agriculteurs des pays en développement. Le fait que les technologies tiendront de plus en plus compte de la complexité des systèmes d’exploitation agricole auxquels elles seront destinées, entraînera une tendance de plus en plus marquée vers des pratiques de production intégrée et une participation de plus en plus importante des agriculteurs à leur propre développement et au processus d’adoption. Il est nécessaire d’aider les communautés rurales afin qu’elles soient capables de prendre en main la planification, la mise en œuvre et l’évaluation des activités de développement agricole. Cependant, les gouvernements doivent veiller à assurer un juste équilibre entre les objectifs à court terme des agriculteurs pour des lieux spécifiques et les investissements à long terme dans des biens publics nécessaires au bien-être des générations futures (préservation de la biodiversité, captation du carbone).

La gestion durable des ressources sera à la base de la réduction à long terme de la pauvreté au cours des décennies à venir. La fertilité des sols et l’amélioration de la gestion des ressources en eau deviennent des domaines essentiels. Finalement, toute stratégie de réduction de la pauvreté serait incomplète si elle ne mettait pas en place des mécanismes permettant d’accroître la capacité internationale et locale à gérer et à répondre aux changements climatiques, qui devraient avoir des impacts substantiels sur de nombreuses zones agricoles pauvres au cours des prochaines décennies.

Recentrage des contributions des parties prenantes

La réduction de la faim et de la pauvreté rurales dépend en dernier lieu des décisions et des actions de 500 millions de ménages agricoles qui constituent la communauté agricole des régions en développement. Cependant, il est évident qu’en l’absence d’un environnement socioéconomique qui sollicite, encourage, soutient et protège leurs aspirations, leurs idées et leurs initiatives, leurs contributions ne pourront se réaliser complètement. La présence d’un secteur privé fort est la composante essentielle de cet environnement; sa création est la pièce maîtresse d’un grand nombre d’efforts récents de promotion de la croissance agricole. Néanmoins, en dépit de tout ce qui a été écrit au sujet de la nécessité de réduire l’influence du gouvernement dans le processus du développement rural, nous sommes convaincus que la fourniture de biens publics appropriés est encore l’élément essentiel du processus de développement. Un développement réel basé sur les agriculteurs exigera la participation d’une grand nombre d’acteurs: les agriculteurs pauvres et leurs communautés, le secteur privé et la société civile, les gouvernements locaux et nationaux et les agences internationales. Le recentrage des rôles de chacune de ces parties prenantes est discuté dans les sections suivantes, et résumé dans l’encadré 9.3.

Libérer le potentiel des agriculteurs pauvres et de leurs communautés

La capacité de prise de décision, le savoir-faire technique, le travail physique, l’accumulation de capital, l’initiative et la créativité des communautés agricoles est à la base de tout programme réussi de réduction global de la pauvreté. Cependant, les conditions socioéconomiques spécifiques des différentes communautés affectent grandement leurs relations avec les autres acteurs - secteur privé, gouvernement et société civile.

A une extrémité de l’éventail, les communautés agricoles tournées vers les productions commerciales, dépendent fortement du secteur privé. Néanmoins, elles continuent de dépendre du gouvernement pour la mise en place d’un environnement politique favorable - dont les réglementations - et pour une bonne partie du développement technologique et de l’information agricole nécessaire à l’amélioration de l’efficacité des opérations. A l’autre extrémité de l’éventail, se situent les communautés qui ont de faibles ressources en terre et en financement, et très peu de relations avec les marchés. La fourniture de biens publics à ces zones pourrait accélérer considérablement leur développement et rendre la participation du secteur privé plus attractive. Pour ces agriculteurs, le rythme du futur développement dépend beaucoup de l’appui du gouvernement aux infrastructures, à la recherche agricole, à la diffusion de l’information et au développement des marchés, et de la fourniture de filets de sécurité en ce qui concerne les catastrophes naturelles ou économiques.

Encadré 9.3 Recentrage des contributions des parties prenantes dans la réduction de la pauvreté

LES AGRICULTEURS PAUVRES ET LEURS COMMUNAUTÉS

  • Identifier les contraintes et planifier le développement rural au niveau local.

  • Gérer les ressources naturelles.

  • Développer une technologie durable.

  • Financer le développement à partir de l’épargne.

  • Transformer et commercialiser les produits agricoles.

  • Réduire la vulnérabilité aux catastrophes naturelles et aux crises économiques.

ORGANISATION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

  • Articuler les besoins des agriculteurs pauvres.

  • Construire le capital social en mettant l’accent sur les femmes et la jeunesse.

  • Créer des innovations en matière de développement et favoriser l’esprit d’entreprise.

  • Diffuser les technologies et l’information sur les marchés.

COMMERCE ET AFFAIRES

  • Développer les marchés et introduire des technologies de production et de transformation.

  • Créer de l’emploi et de la valeur ajoutée pour la production agricole.

  • Financer et fournir l’information sur les marchés et la vulgarisation.

  • Fournir une gamme plus étendue de services en remplacement des prérogatives du secteur public.

GOUVERNEMENTS LOCAUX ET NATIONAUX

  • Maintenir un environnement législatif, politique et fiscal favorable.

  • Mettre à disposition des incitations pour une gestion durable des ressources.

  • Répondre aux initiatives des agriculteurs en matière d’enseignement et aider le développement technologique.

  • Décentraliser les services publics ruraux pour répondre aux besoins locaux.

  • Créer des alliances de développement et des partenariats.

  • Fournir une éducation et une formation répondant aux besoins des zones rurales.

AGENCES INTERNATIONALES

  • Sensibiliser les principales parties prenantes aux problèmes relatifs à la réduction durable de la pauvreté.

  • Arbitrer les discussions sur les mécanismes transnationaux et mondiaux de gestion durable des ressources, des maladies et des infestations.

  • Mobiliser les ressources pour des programmes environnementaux orientés vers les problèmes de pauvreté.

  • Suivre les tendances climatiques et d’environnement et leurs impacts sur la pauvreté.

  • Sceller des partenariats public/privé pour le développement technologique.

  • Sponsoriser l’élaboration de codes de conduite internationaux, de normes et de cadres réglementaires.

  • Encourager les investissements de capitaux étrangers qui pourraient bénéficier aux agriculteurs pauvres.

La participation et les actions des communautés dépendent beaucoup des conditions socioéconomiques. Les communautés les plus avantagées mettent plutôt l’accent sur l’environnement et la gestion des ressources naturelles. En revanche, les communautés désavantagées s’attacheront probablement plus au développement des infrastructures sociales de base. Les communautés capables d’identifier les contraintes locales et de planifier ensuite leur propre développement rural sont particulièrement intéressantes. Cependant, la participation des communautés agricoles des régions en développement à la planification du développement rural est faible. L’encouragement de comités de gestion communautaires dans lesquels les parties prenantes locales, dont le gouvernement et le secteur privé, sont représentées et la mise à disposition de ces communautés des outils dont il ont besoin pour identifier, formuler et mettre en œuvre les actions capables d’accélérer leur développement sont de véritables défis. La gestion locale des ressources est aussi un domaine dans lequel les communautés peuvent prendre leur part de responsabilité. L’intérêt des décisions des agriculteurs sur la gestion des ressources - nonobstant le fait que les décisions des agriculteurs sont à plus court terme que celles des gouvernements - est qu’elles tiennent mieux compte des conditions locales. Il peut être utile de mettre en place des mécanismes de gestion conjointe lorsque l’intérêt national est assez divergeant des intérêts locaux.

Un autre rôle des communautés pauvres est de mettre en place des mesures capable de réduire systématiquement les risques, particulièrement en matière de vulnérabilité aux catastrophes naturelles et économiques des ménages agricoles pauvres. C’est probablement dans le domaine de l’innovation, du développement technologique et de sa diffusion que le rôle des communautés agricoles a été jusqu’à maintenant le plus limité. Les possibilités sont considérables dans ce domaine; elles ont été mises en évidence par de nombreuses expériences de recherches sur les systèmes d’exploitation agricole ou de développement participatif de technologies au niveau du terrain. Ce type d’initiative pourrait être à l’origine d’un développement technologique efficace du secteur public et privé.

La capacité des agriculteurs à accumuler de l’épargne et à financer le développement - même dans les zones de grande pauvreté - est souvent sous-estimée. Le financement basé sur l’épargne a généralement démontré son efficacité au niveau microéconomique; il devrait être promu partout où cela est possible. De cette manière, les initiatives locales peuvent devenir des noyaux autonomes de systèmes financiers ruraux, reliés aux institutions financières extérieures. De tels mécanismes sont à l’origine d’une plus large participation des agriculteurs pauvres dans la transformation et le commerce des produits agricoles.

AIDER LES PARTENAIRES DE LA SOCIÉTÉ CIVILE À S’ENGAGER

Quand on interroge les agriculteurs pauvres, ils répondent souvent qu’une caractéristique importante de la pauvreté est la difficulté qu’ils ont à se faire entendre. Dans de nombreux pays en développement, les ONG ont traditionnellement joué un rôle important dans l’expression claire des besoins des agriculteurs pauvres et d’autres groupes vulnérables. Les organisations d’agriculteurs prétendent souvent représenter aussi les agriculteurs pauvres, mais dans beaucoup de pays les agriculteurs tournés vers les productions commerciales ont habituellement dominé les débats et les activités de ces groupes. Renforcer la capacité des ONG et des organisations de petits agriculteurs pour leur défense et la fourniture de services, comme le font le FIDA et la FAO en Afrique du Sud, est aujourd’hui prioritaire.

Les ONG et les organisations d’agriculteurs ont fait leurs preuves dans une grande variété de domaines de développement au niveau du terrain; leur rôle principal, en matière de réduction de la pauvreté devrait se concentrer sur le renforcement du capital social (par exemple, groupes et réseaux d’agriculteurs, associations de petites entreprises), afin de catalyser l’esprit d’entreprise et de diffuser l’information publique. L’amélioration du capital social, renforcement des groupes d’agriculteurs et des organisations communautaires, est à la base de nombreux aspects du développement agricole du futur. Quelques organisations de la société civile peuvent elles aussi y contribuer par leurs innovations en matière de développement. Un grand nombre des meilleures pratiques actuelles de développement agricole ont été initiées par des ONG; de tels efforts devraient être systématiquement étendus.

FAVORISER LA COMPÉTIVITÉ DE L’AGRO-INDUSTRIE ET DU COMMERCE, INSTRUMENT DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ

Le futur rôle du secteur privé devrait couvrir les activités suivantes: commercialisation, transformation et autres formes de valeur ajoutée, création d’emploi, financement, transfert de technologie et diffusion de l’information. L’expérience en particulier montre, que le secteur privé peut, dans le cadre d’activités commerciales et des associations, étendre son rôle à des activités telles que l’inspection phytosanitaire, l’information sur les marchés et la vulgarisation - qui furent considérés à une certaine époque comme du seul ressort du secteur public. Néanmoins, en dépit de leur variété, les initiatives privées doivent se dérouler dans un cadre législatif, politique et fiscal mis en place par le secteur public. Le secteur privé peut alors être responsable d’un accroissement de la pauvreté chez les petits agriculteurs lorsque les normes et réglementations sont inexistantes ou non appliquées et lorsque des acteurs économiques se permettent d’élever des barrières à l’entrée de nouveaux venus sur les marchés. La situation idéale est la réalisation de profits grâce à l’accélération de la réduction de la pauvreté.

Lorsque les exploitations sont très petites et principalement orientées vers la subsistance, les sociétés privées importantes sont peu incitées à s’engager dans la commercialisation, car le volume et la variété des produits agricoles à commercialiser sont très limités. Dans ces zones, les commerçants locaux et les petites entreprises - parfois créées par les agriculteurs eux-mêmes - opéreront probablement avec plus de succès; elles pourront traiter des petits volumes et souvent pratiquer des avances pour l’achat des intrants nécessaire à la production. Même dans ces cas, les entreprises locales agiront souvent comme agents d’entreprises régionales ou nationales plus importantes, qui, elles, auront les capacités financières et techniques pour la fourniture des intrants nécessaires ou pour la commercialisation des produits agricoles sur les marchés urbains et internationaux. En raison de la complexité et des restrictions imposées par les législations et les politiques des gouvernements, les entreprises de petite taille doivent trop souvent opérer à la limite du secteur formel. La suppression des obstacles aux activités des petites entreprises aiderait beaucoup les petits producteurs à développer des liens commerciaux.

Des grandes sociétés ont directement investi dans la production agricole (cultures industrielles) de certains systèmes d’exploitation agricole. Cependant, les restrictions politiques et légales sur la propriété foncière, les risques et les revenus relativement bas du capital, ont de, plus en plus, conduit les grandes sociétés à se désengager de leurs activités de production et à se concentrer principalement sur un rôle d’intermédiaire. Ce retrait du secteur privé a souvent été utilisé pour justifier les investissements importants du secteur public dans des équipements de transformation pour des activités conduites auparavant par des entreprises internationales. Dans un certain nombre de pays, les gouvernements maintiennent encore de telles entreprises gérées par l’état, dans la transformation, la commercialisation, l’approvisionnement en intrants ou dans d’autres domaines. Ces entreprises se sont montrées inefficaces et monopolistiques; leurs pertes ont entraîné de lourdes ponctions dans les caisses des gouvernements. Beaucoup d’entre elles ont été privatisées ces dernières années; les gouvernements doivent achever le processus de transfert de ces entreprises inefficaces au secteur privé.

AUGMENTER L’EFFICACITÉ DES ACTIONS LOCALES ET NATIONALES DES GOUVERNEMENTS EN FAVEUR DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ

Les agriculteurs, la société civile et le secteur privé sont appelés à jouer un rôle de plus en plus important dans la réduction de la pauvreté, toutefois la contribution des gouvernements au niveau local et national demeurera cruciale. Cette contribution doit créer un environnement favorable pour les parties prenantes et doit permettre la fourniture de biens publics aux agriculteurs pauvres, dans le domaine des connaissances, en particulier technologie et éducation. Ces points seront examinés dans la section suivante. Les apports de biens publics et de services ont souvent été des échecs; nous aborderons aussi ce sujet dans une prochaine section.

Priorité des biens publics en matière de réduction de la pauvreté agricole

Le terme biens publics est souvent employé pour désigner des infrastructures telles que les routes, les hôpitaux et les ports. Cependant, il existe un ensemble très important de biens publics immatériels associés à la création d’un environnement favorable au développement et à l’établissement de la capacité nécessaire à la mise en place de services publics efficaces. Ces biens sont: i) la sécurité publique; ii) les réglementations telles que les quarantaines et le contrôle sanitaire des aliments; iii) les mécanismes efficaces pour encourager la concurrence et la résolution des conflits; iv) l’éducation et la formation; v) la recherche et la diffusion de l’information; et vi) les filets de sécurité.

Le rôle du gouvernement en matière de réduction de la pauvreté rurale devrait être de faciliter et de complémenter, et non de contrôler et de donner des ordres. La décentralisation des services gouvernementaux vers les régions permettra de mieux adapter les programmes de développement aux besoins locaux. Le gouvernement a aussi l’importante responsabilité de créer des accords entre les parties prenantes au niveau local et d’aider au développement des capacités locales, pour la planification et la mise en œuvre des actions - soit directement, soit indirectement au moyen de contrats avec les ONG. La mise à disposition des biens publics se fera mal si les organisations sont paralysées par des manques de financement ou par des procédures bureaucratiques qui limitent leur capacité de soutien efficace des services publics aux zones rurales.

Deux tâches du secteur public sont essentieles: assurer la régulation du fonctionnement des entreprises privées dans un cadre normatif approprié; et mettre en place un système d’administration des terres capable de garantir aux agriculteurs pauvres l’usufruit de leur travail, de faire fonctionner le marché de la terre et de faciliter le regroupement des terres. De la même façon, le secteur privé et la société civile doivent jouer un rôle essentiel dans la diffusion de l’information, et les gouvernements doivent créer un environnement favorable et s’assurer que l’information nécessaire atteint les groupes vulnérables.

Un enseignement primaire et secondaire de qualité est certainement le bien public le plus important que peut fournir un gouvernement. L’éducation, dans le cadre des processus participatifs et d’apprentissage conduit par les agriculteurs eux-mêmes, leur donne la capacité de devenir des partenaires dynamiques du développement, plutôt que des bénéficiaires passifs. La plupart des études montrent que le niveau scolaire est fortement corrélé avec l’adoption des technologies, le développement local des moyens de subsistance de remplacement et la migration vers des emplois plus rémunérateurs. L’éducation rurale doit tenir compte du fait que de nombreux enfants ruraux gagneront leur vie en dehors du secteur agricole; elle doit donc leur fournir une formation professionnelle capable de leur faciliter l’accès à des emplois hors de l’exploitation.

Fourniture efficace de biens publics

La réduction de la pauvreté dépend non seulement du financement adéquat des biens publics, mais aussi de la façon dont ils sont mis à disposition; l’encadré 9.4 liste certaines modalités efficaces de mise à disposition. Une approche intégrée est souvent un facteur de succès, aussi bien pour les systèmes d’exploitation agricole intensifs et complexes des zones à fort potentiel que pour les systèmes sujets à des risques dans des environnements de plus faible potentiel. Des réussites récentes avec des approches très participatives et de nombreuses parties prenantes montrent qu’un nouveau modèle de mise à disposition de services intégrés peut être particulièrement intéressant, alors que les projets de développement rural intégré mis en œuvre durant les années 70 et 80 se sont avérés institutionnellement difficiles à gérer et ont donné peu de résultats à long terme. Les succès observés démontrent que l’amélioration des moyens de subsistance des ménages et la gestion des ressources demande une coordination des actions.

Lorsque la décentralisation permet un meilleur contrôle local sur les ressources et le renforcement des capacités locales, elle peut rendre le niveau de décision plus proche des ménages agricoles et assurer ainsi la pertinence de la planification et de la fourniture de biens publics. Un système décentralisé peut être mieux adapté aux divers besoins des systèmes d’exploitation agricole locaux. Cependant, la réussite de la décentralisation exige des ressources appropriées et une bonne expertise au niveau local; les responsabilités et la gestion des budgets correspondants doivent alors être données aux autorités régionales et locales. Il est très important de veiller à ce que les élites locales ne s’approprient pas les ressources et les services.

Encadré 9.4 Quelques caractéristiques de modalités efficaces de mise à disposition de biens publics

· faciliter et complémenter;
· intégrer la fourniture des services;
· être décentralisé et répondre aux besoins locaux;
· appliquer des méthodes participatives;
· impliquer les parties prenantes et des modèles de partenariat;
· s’appuyer sur les groupes d’agriculteurs et les associations;
· utiliser des allocations extérieures de complément;
· encourager l’apprentissage dirigé par les agriculteurs eux-mêmes;
· donner la parole aux groupes vulnérables, spécialement les femmes et la jeunesse.

L’allocation de ressources extérieures pour complémenter des financements réalisés par les bénéficiaires eux-mêmes représente un autre mécanisme prometteur pour assurer que les biens publics répondent aux besoins locaux. Les bénéficiaires n’apporteront leurs propres ressources que s’ils sont d’accord avec l’intervention prévue. En même temps, ces allocations sont un moyen de canaliser les ressources vers des priorités publiques bien définies établies par catégories spécifiques de financement. Les contributions des bénéficiaires représentent aussi des ressources additionnelles, qui n’auraient pas été disponibles en l’absence de ce type de programme. Les critères transparents et le procédé de sélection conduisent à des propositions qui permettent généralement d’aboutir à une gamme améliorée d’activités. L’émulation apportée peut renforcer l’efficacité de ce système.

Les ménages agricoles ont une grande capacité d’expérimentation, d’apprentissage et d’échange d’expérience; ce type d’innovation et d’étude est au cœur de l’évolution des systèmes d’exploitation agricole. L’investissement dans l’aide systématique à tous les types d’apprentissage conduits par les agriculteurs eux-mêmes offre de grandes possibilités, par exemple pour le testage et l’adaptation des technologies et la vulgarisation directe d’agriculteur à agriculteur. Il est évident qu’il n’est pas possible de planifier le développement d’innovations spécifiques; toutefois, un certain nombre de mesures peuvent accélérer ce processus. Parmi ces mesures, nous pouvons mentionner: l’encouragement à l’étude pour les adultes, les cercles d’innovations, les prix et autres formes de reconnaissance, le renforcement de l’évaluation systématique et de la documentation des innovations.

La création d’associations ou de groupes d’agriculteurs pauvres ou de petits commerçants peut leur permettre de renforcer leur pouvoir économique - spécialement face à des agents économiques puissants tels que les grands commerçants ou les sociétés de l’agro-industrie. Les associations peuvent contribuer à diminuer les barrières à l’entrée et les coûts d’opération, et peuvent faciliter le développement des capacités endogènes telles que: l’identification et l’adoption de technologies, l’accès au financement, ou simplement l’amélioration de la connaissance des conditions du marché et des besoins. De tels groupes représentent aussi des points d’entrée pour planifier et concevoir une large gamme de biens publics.

Une grande partie de la diversité existant à l’intérieur des systèmes d’exploitation agricole est due aux différences dans la composition des familles. Les ménages dont le chef d’exploitation est une femme ont souvent moins d’actifs et moins de disponibilité en travail, ils représentent souvent et de façon chronique un nombre disproportionné de pauvres. On devrait reconnaître, au cours de la réalisation des programmes, que les femmes sont souvent confrontées à des contraintes plus sévères que les hommes dans les mêmes situations, et qu’elles ont un accès plus limité aux institutions rurales traditionnelles. On s’aperçoit aussi aujourd’hui que le rôle de la jeunesse et des enfants doit souvent être étudié avec beaucoup d’attention.

ACCROÎTRE LE ROLE DES BIENS PUBLICS INTERNATIONAUX

Les institutions publiques régionales et mondiales ont un rôle crucial à jouer dans le développement agricole durable et la réduction de la pauvreté. Dans le contexte actuel de changement rapide des politiques et des problèmes de développement, les agences internationales peuvent agir comme un bureau central d’informations et d’expériences permettant de créer une prise de conscience publique mondiale et de tenir les principales parties prenantes informées des problèmes cruciaux qui apparaissent. La mondialisation a augmenté le besoin de modes de conduite internationalement reconnus et de normes pouvant contribuer à la justice, à la transparence et à la sécurité dans les relations commerciales internationales. L’établissement de codes de conduite internationaux dans des domaines tels que les pêches est un progrès; il en va de même de l’accord sur l’obtention de l’assentiment préalable en ce qui concerne le marché des organismes génétiquement modifiés et des pesticides. Le travail de la commission du Codex alimentarius sur les standards alimentaires est aussi de première importance pour sauvegarder la qualité sanitaire des aliments et pour fournir des normes qui puissent être appliquées aux produits commercialisés, réduisant ainsi les coûts de transaction. La nécessité de développer la portée et l’étendue de tels forums et de tels accords devrait se développer assez rapidement. La mise au point d’un code de bonne pratique agricole pourrait bien être une de ces contributions.

L’un des plus grands défis de demain sera de créer des moyens pratiques de médiation transnationaux et des mécanismes mondiaux en matière de ressources, de gestion des ravageurs et des maladies - par exemple pour la mouche méditerranéenne, l’onchocercose et la mouche tsé-tsé. La mise en place de mesures pour inciter les agriculteurs à adopter des pratiques de gestion plus durable de la terre pourrait inclure la capture des gaz à effet de serre grâce à des modifications des méthodes de travail du sol et à la reforestation. Le mécanisme pour un développement propre propose des moyens qui pourraient s’avérer attractifs pour accroître les transferts entre pays développés et pays en développement; toutefois, le développement de méthodes de vérification sûres et bon marché s’avère difficile.

Les dispositions pour diminuer les risques de conflit au niveau international, comme par exemple le financement d’accords sur le partage des ressources en eaux internationales, représentent une des séries de mesures capables de réduire la vulnérabilité des populations rurales aux catastrophes. Ces mesures comprennent aussi: i) l’amélioration des systèmes d’avertissement en matière d’évènements climatiques dangereux; ii) les interventions en temps voulu pour empêcher la propagation transfrontalière de maladies et de ravageurs des animaux et des cultures; et iii) les accords sur les mesures capables d’assurer une productivité durable des écosystèmes marins et agricoles partagés.

La création du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) est une reconnaissance de la nécessité de mobiliser des ressources internationales afin d’encourager les pays à entreprendre, en accord avec les objectifs des conventions internationales (sur le développement durable, la biodiversité, etc.), des actions bénéfiques pour l’environnement au-delà de leurs propres frontières et de compenser les coûts marginaux entraînés par de telles actions. Les résultats de cette organisation sont toutefois très modestes comparés à l’étendue des menaces sur l’environnement. Il est aussi nécessaire de fournir une assistance technique et d’augmenter la capacité du suivi mondial des ressources naturelles, en particulier la situation des océans et des forêts, et de s’assurer que les constatations peuvent se traduire en mesures efficaces pour la limitation des dégâts.

Les efforts de la recherche internationale impliquent aujourd’hui de nouveaux partenariats pour le partage des coûts et des expériences en matière de développement technologique. La biotechnologie va sans doute engendrer une grande variété de modèles de partenariat public-privé aux niveaux national et international. La définition des priorités de recherche régionales et mondiales nécessitera aussi des partenariats de recherche internationale, peut-être axés sur des problèmes communs aux systèmes d’exploitation agricole présentés dans ce livre.

Aujourd’hui, les flux d’investissement direct étranger vers les pays à revenu moyen sont en augmentation; certains sont alloués à la production agricole (comme par exemple la production intensive de volaille) et aux services agricoles (création de variétés, approvisionnement en intrants et transformation). Toutefois, il semble, que dans l’ensemble, l’impact des investissements directs étrangers sur la sécurité alimentaire ou sur la réduction de la pauvreté soit assez limité. Les institutions financières peuvent jouer dans l’avenir un rôle important en encourageant de nouveaux flux de capitaux étrangers vers les pays les moins développés dans des investissements au profit des agriculteurs pauvres.

Orientations: Aller plus loin à partir de ce livre

L’analyse contenue dans ce livre est basée sur une grande variété d’avis d’experts, de données secondaires sélectionnées et sur les dernières données disponibles en matière de population, d’utilisation des ressources et de climat. Le cadre analytique est en accord avec les prévisions mondiales récentes généralement largement admises. Cependant, ces prévisions pourraient être radicalement modifiées par des événements mondiaux inattendus. Les facteurs les plus importants apparus au cours de ces dernières années ont été les changements de climat, le SIDA et la mondialisation.

Le consensus entre le grand nombre d’experts qui participèrent aux évaluations est remarquable en ce qui concerne les aspects qualitatifs; les donnés quantitatives ont été, par contre, beaucoup plus difficiles à rassembler. Les zones agroécologiques de la FAO et les bases de données statistiques ont fourni un excellent point de départ pour cette analyse. Les données sur les ressources naturelles, les populations, le climat et l’irrigation proviennent en grande partie des images satellites et des bases de données regroupées aujourd’hui disponibles. L’information concernant les systèmes d’exploitation agricole analysés en détail a été tirée d’études locales et des zones administratives représentatives pour être ensuite extrapolée à tout le système. Cependant, la qualité des données locales disponibles varie grandement d’une région à l’autre; il a été pratiquement impossible d’avoir accès aux données des pays de l’ex-Union soviétique.

Fait étonnant, il s’est avéré invariablement impossible de trouver des données statistiques locales ou des bases de données du système d’information géographique (SIG) pour cartographier au niveau national l’étendue de la pauvreté ou de la faim[253] dans le monde en développement; c’est probablement là la plus importante lacune à laquelle les auteurs aient été confrontés. Face à ces insuffisances, l’avis des experts fut, dans le cadre des données locales et nationales disponibles, considéré comme la meilleure estimation de la pauvreté. Les données géographiques concernant les populations animales ne furent disponibles que pour certaines régions.

Des bases de données géographiques précises sur la faim, la pauvreté, les populations humaines et animales et les superficies des cultures devraient être disponibles d’ici deux à trois ans. La mise à jour de cette analyse à l’échelle mondiale fournira alors une image plus détaillée des nouvelles tendances et problèmes et des priorités stratégiques. Ces analyses pourraient être ensuite enrichies par la modélisation dynamique des systèmes d’exploitation agricole sélectionnés, permettant ainsi aux planificateurs de comprendre l’impact probable des principaux paramètres (revenus des ménages, rendements et prix des produits agricoles essentiels, etc.) sur la faim, la pauvreté et les taux de croissance économique. Un certain nombre d’analyses utiles supplémentaires pourraient déjà être conduites à partir des données existantes. Ces analyses pourraient concerner l’impact des changements climatiques mondiaux, de la capture du carbone à différents niveaux, des priorités de la recherche ou du renforcement des institutions locales sur la sécurité alimentaire et la pauvreté.

L’analyse conduite dans ce livre a été menée au niveau régional et mondial. L’approche analytique appliquée au niveau des systèmes d’exploitation agricole enrichirait grandement ce travail aux niveaux national et infranational. La structure des objectifs pourrait être exprimée avec plus de précision au niveau national; d’autre part, de nombreuses données biophysiques et socioéconomiques supplémentaires sont disponibles. Il est possible d’enrichir le nombre réduit de systèmes d’exploitation agricole régionaux en définissant des sous-systèmes à l’intérieur des frontières naturelles (de préférence en consultation avec les pays voisins, de façon à éviter la duplication et les contradictions dans les définitions) afin de les utiliser pour affiner les priorités nationales et locales.

D’autres perfectionnements dans la description des systèmes régionaux d’exploitation agricole mentionnés dans ce livre pourraient s’avérer utiles. Au cours des dernières années un nombre croissant d’investissements pour le développement rural ont été réalisés sur plusieurs pays à la fois; il serait utile de reconnaître l’importance des systèmes d’exploitation agricole dans la détermination du modèle d’utilisation des ressources et de la croissance économique. Ceci est particulièrement important en ce qui concerne l’utilisation de l’eau pour les pays qui dépendent étroitement des crues saisonnières des fleuves et de la recharge des nappes phréatiques. Certains des problèmes les plus litigieux du Moyen-Orient et de Asie du sud concernent les ressources transnationales. Le pastoralisme a aussi un caractère transnational dans un certain nombre de zones - spécialement en Afrique. Finalement, certaines zones particulièrement importantes pour lesquelles on prévoit une croissance agricole au cours des prochaines décennies sont transnationales - c’est le cas des savanes humides de l’Afrique de l’Ouest, des Llanos du nord-ouest de l’Amérique du Sud et des plaines fertiles de tchernoziom de l’ex-Union soviétique.

Note de clôture

Le message le plus important de ce livre est que l’amélioration des systèmes d’exploitation agricole des petits agriculteurs pourrait grandement contribuer à réduire la faim et la pauvreté. Non seulement la pauvreté et la faim sont beaucoup plus fréquentes dans les zones rurales que dans les zones urbaines, mais le nombre des pauvres est plus élevé dans les zones à haut potentiel que dans les systèmes d’exploitation agricole disposant de peu de ressources et peu tournées vers les marchés. Le potentiel d’accroissement de la productivité existe, aussi les objectifs internationaux de diminuer de moitié la faim et la pauvreté sont-ils tout à fait réalisables si la volonté politique et les ressources nécessaires au financement des grandes stratégies et des investissements sont au rendez-vous.

L’analyse des différents systèmes d’exploitation agricole a montré la grande diversité des défis à relever. De plus, les modèles de moyens de subsistance des ménages varient, non seulement entre systèmes d’exploitation agricole, mais aussi d’une zone à l’autre d’un même système et même d’un ménage à l’autre. Cependant, cette diversité peut être une grande force que les gouvernements peuvent utiliser au cours de la réalisation des programmes de développement rural. Les agriculteurs, femmes et hommes, prendront les décisions qui conviennent pour favoriser la croissance agricole, l’utilisation durable des ressources naturelles et la réduction rapide de la faim et de la pauvreté, si les gouvernements se montrent capables de mettre en place des politiques appropriées et des environnements institutionnels ainsi que la fourniture effective de biens publics. Ceci implique de donner la direction du développement rural aux agriculteurs pauvres et à leurs communautés, et de garantir une participation locale de qualité dans le cadre de systèmes s’appuyant sur un partenariat entre les parties prenantes publiques et privées. Ceci nécessitera, à son tour, un financement national et international des biens publics.

La réduction rapide de la faim et de la pauvreté est la première étape incontournable pour permettre un développement durable de l’agriculture et des sociétés rurales en général. Il s’agit non seulement d’éradiquer la faim et la pauvreté mais aussi d’assurer aux communautés agricoles la sécurité d’accès à l’alimentation, à l’eau, au revenu et à l’information. Dans un tel futur idéal, les agriculteurs seront bien éduqués et pourront jouir des mêmes services de base que les populations urbaines. La diversification des moyens de subsistance et l’existence de filets de sécurité sociale, permettront de minimiser leur vulnérabilité aux catastrophes climatiques et aux crises économiques. Bien que dans la plupart des pays en développement la taille des exploitations devrait généralement rester petite à moyenne, les agriculteurs auront à leur disposition un beaucoup plus grand nombre de technologies pour la production et pour la gestion durable des ressources; ils les enrichiront de nouvelles technologies provenant de l’apprentissage actif, de l’innovation et des échanges entre agriculteurs. Ils recevront, comme cela a commencé à se faire dans les pays industrialisés, des compensations pour leurs services en faveur de l’environnement et d’autres biens publics. L’amélioration des infrastructures et la mécanisation rendront le travail des femmes moins pénible. Les communautés rurales auront à leur disposition des mécanismes efficaces et équitables pour permettre la gestion durable des biens communs; les ménages participeront activement et sur une base plus égalitaire, aux prises de décisions publiques, aux processus démocratiques et aux négociations avec les institutions et les entreprises commerciales. En outre, les communautés agricoles prendront la direction de la planification, de la réalisation et de l’évaluation des activités de développement local.

Cette vision des systèmes d’exploitation agricole durables, sans pauvreté, avec des agriculteurs ayant des moyens de subsistance sûrs pour leurs ménages, devrait guider la formulation des stratégies de développement rural à tous les niveaux.


[253] Un travail innovateur entrepris par la Banque mondiale et la FAO a conduit à la mise au point de techniques de statistique afin de combler ce manque de données; les études n’ont été, jusqu’à maintenant, réalisées que sur un nombre relativement restreint de pays. L’Atlas de la pauvreté du sud de l’Afrique, financé par la Banque mondiale, est le premier ouvrage de ce type à fournir des données sur la pauvreté avec des références géographiques complètes.

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