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1 Introduction


Photo FAO

L'objectif de ce document est de fournir un ensemble de principes directeurs qui favorisent la prise en compte de la sécurité alimentaire dans les programmes de recherche des Systèmes nationaux de recherche agricole (SNRA). Pour les institutions souhaitant améliorer leur programme de recherche, ces lignes directrices constituent une référence dans leurs efforts de planification stratégique à court ou à long terme. Ces lignes directrices s'adressent tout particulièrement aux décideurs, gestionnaires et scientifiques des Systèmes nationaux de recherche agricole, ainsi qu'à leurs partenaires institutionnels.

1.1 La Conférence électronique et la préparation des documents

Le mandat de développer ces lignes directrices découle du Sommet mondial de l'alimentation des Nations Unies (SMA) qui a eu lieu en 1996. Le Sommet a débouché sur La Déclaration de Rome sur la Sécurité Alimentaire, et sur le Plan d'action du SMA. Des leaders politiques du monde entier se sont engagés à assurer la sécurité alimentaire pour tous, et à éradiquer la faim dans le monde avec comme perspective immédiate, la réduction de moitié du nombre de personnes sous-alimentées d'ici 2015. Le Plan d'action du SMA a prévu plusieurs engagements en faveur de la promotion d'une sécurité alimentaire durable. L'Engagement Numéro Trois prévoit que les Instituts nationaux de recherche agricole incluent la question de la sécurité alimentaire dans leurs programmes de recherche. Afin d'en déterminer les modalités, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le Forum mondial de la recherche agricole (GFAR), et le Programme de recherche en collaboration pour la Gestion de l'agriculture durable et des ressources naturelles (SANREM CRSP) ont organisé un dialogue entre les membres de la communauté de recherche et de développement internationale.

La FAO a considéré que les conférences électroniques étaient l'une des façons les plus appropriées pour aborder l'Engagement Trois, Objectif 3.4. Les Conférences électroniques constituent l'un des moyens les plus adaptés pour rassembler des données et des idées provenant de collaborateurs répartis dans le monde, qui autrement ne pourraient peutêtre pas participer à ces délibérations. Ces lignes directrices ont été conçues durant un débat électronique qui a duré six semaines, structuré autour d'un ensemble de questions (Appendice) et fondé sur une méthodologie participative.

La Consultation électronique (3-21 avril 2000)

La FAO, en partenariat avec le SANREM CRSP et en collaboration avec le GFAR, a organisé une consultation électronique en préparation de la conférence électronique. Pendant cette consultation, une trentaine d'experts représentant diverses parties prenantes ont défini les résultats attendus, un cadre conceptuel, les questions-clefs ainsi que les aspects organisationnels de la Conférence électronique.

La Conférence électronique (5 juin-14 juillet 2000)

La Conférence électronique a réuni 400 personnes originaires de 50 pays. Y ont participé: chercheurs, décideurs, administrateurs et scientifiques impliqués dans la gestion des SNRA, et ceux concernés par les priorités de recherche, la mise en œuvre et le suivi des programmes de recherche agricole au niveau national et/ou régional. Des représentants du Groupe consultatif sur la recherche agricole internationale (GCRAI), des organisations non gouvernementales (ONG), des groupes de producteurs, les meilleures institutions de développement et de transfert de technologies, ainsi que la communauté des donateurs y ont également participé.

Les idées, les analyses, les dialogues et les débats qui sont ressortis de cette conférence électronique ont donné matière à l'élaboration des principes directeurs et ont fourni le cadre de la présentation.

A partir des ces deux évènements, la littérature récente et des études de cas ont été passés en revue. Une commission d'experts externes des Forums des SNRA, de la Conférence électronique et de la FAO ont passé en revue les lignes directrices. Celles-ci exposent des principes généraux et fournissent des références aux approches pratiques pour traiter la sécurité alimentaire durable à travers un programme de recherche. Elles n'ont pas la prétention de fournir une thèse en profondeur ni un compte rendu de ce qui se fait de mieux sur le sujet.

1.2 La sécurité alimentaire mondiale: une question de développement durable

Bien qu'il y ait eu plusieurs définitions de la sécurité alimentaire, il s'agit en général de «l'accès pour tous et à tout moment à une quantité de nourriture suffisante pour permettre une vie active et saine». (Food Consumption and Nutrition Division (FCND), 1999; FAO, 1997a; World Bank, 1986). Dans la Déclaration du SMA, les chefs d'Etat et de gouvernement ont réaffirmé «... le droit de chaque être humain d'avoir accès à une nourriture saine et nutritive conformément au droit à une nourriture adéquate et au droit fondamental de chacun d'être à l'abri de la faim». En même temps, il a été promis une volonté et un engagement politiques «.. d'éradiquer la faim dans tous les pays et, dans l'immédiat, de réduire de moitié le nombre des personnes sous-alimentées d'ici à 2015 au plus tard».

A l'approche du bilan quinquennal du Sommet mondial de l'alimentation, il est évident qu'il n'existe pas de solution unique qui permettrait d'assurer une sécurité alimentaire durable. Dans les pays en développement, on estime que 826 millions de personnes n'ont pas assez à manger. Malgré une baisse globale du nombre de gens en situation de précarité alimentaire, la réduction actuelle n'implique pas un progrès mondial uniforme (FAO, 2000a). En effet, les données montrent que pendant la première moitié de cette décennie seuls 37 pays sont parvenus à une réduction du nombre de gens sous-alimentés. Dans les pays en développement, le nombre de gens affamés a même augmenté.

La Déclaration de Rome a formulé sept engagements permettant d'aborder les multiples aspects de la sécurité alimentaire. L'Engagement Trois stipule que «Nous poursuivrons des politiques et des méthodes participatives et durables de développement alimentaire, agricole, halieutique, forestier et rural dans les régions à potentiel élevé comme dans celles à faible potentiel, qui sont essentielles pour assurer des approvisionnements alimentaires adéquats et fiables au niveau des ménages ainsi qu'au niveau national, régional et mondial, et lutterons contre les ravageurs, la sécheresse et la désertification, considérant le caractère multifonctionnel de l'agriculture». Par conséquent, il faudrait que les politiques et programmes agricoles énoncent clairement des mesures de protection et de restauration des ressources naturelles, de renforcement du pouvoir d'achat des populations urbaines et rurales, et de promotion de la diversification économique et d'une intégration propice des circuits de commercialisation.

La sécurité alimentaire, auparavant une question nationale et internationale de provisions et de flux alimentaires, est devenue aujourd'hui une question s'inscrivant au micro-niveau de l'accès, de la vulnérabilité, du droit et de la répartition à travers des groupes sociaux (Sen, 1981; Berry, 1984). Maxwell et Frankenberger (1992) ont analysé les hypothèses de la définition de la sécurité alimentaire et ont trouvé quatre concepts implicites dans la notion d'«accès sûr à une nourriture suffisante à tout moment», à savoir:

  1. la quantité suffisante de nourriture, définie comme le nombre de calories nécessaires pour mener une vie active et saine;
  2. l'accès à la nourriture, définie comme le droit de produire, d'acheter ou d'échanger de la nourriture, ou encore de la recevoir en tant que don;
  3. la sécurité, définie comme l'équilibre entre la vulnérabilité, le risque et l'assurance;
  4. le temps, où la précarité alimentaire peut être chronique, provisoire ou cyclique.

Il est communément admis que c'est le niveau global de développement du contexte dans lequel les individus et les ménages travaillent pour gagner leur vie qui détermine la disponibilité, l'accès et l'utilisation de la nourriture (USAID, 1995). La sécurité alimentaire dépend, non seulement de la production, des importations et des transferts, mais également des opportunités d'emploi et des revenus, des processus de prise de décision au sein du foyer, de l'allocation des ressources des ménages, de l'utilisation de services de santé, des pratiques relatives à la protection de l'enfance et des rapports entre les sexes (genre) (Johnson- Welch et al., 2000). Les mesures et les effets de la sécurité alimentaire doivent prendre en compte les plus vulnérables au sein des ménages (par exemple les enfants, les femmes et les personnes âgées), en même temps que les groupes sociaux et les régions géographiques plus ou moins privilégiés. Par conséquent, la sécurité alimentaire doit être traitée comme une question de développement multidimensionnel qui exige des interventions de façon intégrée prenant en compte la globalité, la diversité des besoins humains et la disponibilité des ressources.

Une approche holistique récente qui cherche à lier les questions de développement, de durabilité, d'équité et de sécurité alimentaire est le concept de cadre de conditions de vie durables (Ashley et Carney, 1999). Dans ce cadre, la sécurité alimentaire (définie à la fois comme quantité et qualité) est l'un des résultats souhaités des conditions de vie durables en même temps que d'autres aspects du bien-être environnemental et humain. Les conditions de vie durables supportent et survivent aux chocs extérieurs, se reproduisent sans être dépendants de l'aide extérieure, permettent d'entretenir une productivité à long terme des ressources naturelles et ne nuisent pas aux conditions de vie des autres. Ce concept intègre plusieurs composantes des approches participatives de la recherche et du développement, mais il est innovateur dans la mesure où il met l'accent sur une analyse multiniveaux de la pauvreté, et souligne l'importance de la nécessité de travailler aux niveaux politique et communautaire. Au lieu d'être centré sur les ressources matérielles, il élargit son analyse aux personnes et aux rapports humains en insistant sur les institutions culturelles, le capital social et les capacités humaines dans la détermination du bien-être. Il souligne également le caractère dynamique et divers des conditions de vie, et comment la sécurité alimentaire est plus une fonction des stratégies des ménages qu'une dotation de ressources fixes (Scoones, 1998).

1.3 Rôle des SNRA dans la sécurité alimentaire

L'Engagement Trois, Objectif 3.4 du Plan d'Action de La Déclaration de Rome préconise formellement «... des mesures radicales, en coopération avec le secteur public et le secteur privé, pour renforcer et élargir la recherche et la coopération scientifique dans l'agriculture, la pêche et la foresterie à l'appui des politiques et de l'action menée aux niveaux international, régional, national et local en vue d'accroître le potentiel de production et de conserver la base des ressources naturelles de l'agriculture, des pêches et des forêts, et à l'appui des efforts déployés pour éradiquer la pauvreté et promouvoir la sécurité alimentaire».

Une clause de l'Objectif 3.4 stipule que «les gouvernements, en collaboration avec la communauté internationale et scientifique des secteurs public et privé, selon qu'il conviendra, (...) renforceront les systèmes nationaux de recherche agricole de façon à développer des programmes coordonnés à l'appui de la recherche pour la promotion de la sécurité alimentaire». Les Systèmes nationaux de recherche agricole ont été identifiés comme étant l'un des mécanismes clefs pour répondre au mandat d'améliorer la sécurité alimentaire durable de la Déclaration de Rome.

Des changements significatifs dans la structure organisationnelle de la recherche agricole sont en cours à cause de divers facteurs parmi lesquels: la diversification des institutions de recherche, l'arrivée de nouveaux acteurs (par exemple les ONG, la communauté civile et celle des affaires), et une recherche agricole dont la complexité et les coûts augmentent sans arrêt à cause des nouveautés scientifiques. Nous sommes les témoins du passage, d'un modèle organisationnel basé sur une grande institution de recherche publique ou Institut national de recherche agricole (INRA), à celui basé sur une infrastructure institutionnelle diversifiée (Byerlee et Alex, 1998). Dans ce nouveau scénario, c'est un ensemble d'institutions qui jouent des rôles différents mais complémentaires pour générer, adapter et disséminer les technologies destinées à améliorer l'agriculture. Ce deuxième modèle renvoie aux Systèmes nationaux de recherche agricole (SNRA). Les SNRA, comme concept idéal, comprennent toute une panoplie d'institutions et d'activités publiques et privées. Par conséquent, toutes les institutions et entités d'un pays, engagées à présent ou à l'avenir, dans la génération, l'adaptation, la validation, le transfert et l'utilisation des technologies liées à l'agriculture, la sylviculture et la pêche constituent le SNRA de ce pays. Cela inclut les INRA, les instituts spécialisés en matières premières, les universités, les laboratoires de recherche, les organisations de développement, les organisations non gouvernementales, les services de vulgarisation et les utilisateurs de technologie.


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