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3. DISCUSSION

3.1 Etat actuel des pêcheries au filet dérivant

Il ressort clairement de la section précédente que les pêcheries au filet dérivant sont à la fois très répandues. A l'exception de quelques zones insulaires, comme le sud-ouest de l'océan Indien, certaines parties des Caraïbes et el Pacifique central, où les filets dérivants ne sont pas beaucoup utilisés, les pêcheries ayant recours à ce type d'engins continuent de pratiquer leur activité dans la plupart des mers du monde ou y ont étendu leur effort; elles contribuent ainsi à augmenter sensiblement le rendement de ces pêcheries.

Dans le Tableau 33, les pêcheries dont il a été question ci-dessus sont classées par zones géographiques. Il n'a pas pour but de faire un inventaire de toutes les pêcheries mondiales au filet dérivant, car il n'existe que peu de documentation sur beaucoup d'entre elles, mais il permet de souligner plusieurs points sur la nature des pêcheries au filet dérivant d'aujourd'hui.

Tout d'abord, le nombre de bateaux pratiquant cette pêche est très important, mais la plupart d'entre eux sont de petites embarcations côtières déployant peut-être une centaine de mètres de filets chacune. Afin d'avoir une idée de l'ampleur des diverses pêcheries, une estimation grossière a été effectuée, chaque fois que possible, à partir des informations rappelées ci-dessus; elle porte sur la quantité de nappes pouvant être déployées pendant chaque opération de pêche par un bateau type. Ce chiffre multiplié par le nombre de bateaux engagés donne une idée très approximative de la longueur des nappes (en millier de kilomètres) pouvant être déployées dans chaque pêcherie.

Ce n'est certes pas la méthode idéale pour comparer ces pêcheries, étant donné surtout que le nombre d'opérations par unité de temps n'est pas inclus; il n'existe pas non plus de moyen pour apprécier l'extension réelle de la plupart de ces pêcheries, mais le manque de données pertinentes interdit toute comparaison plus détaillée.

En conséquence, le Tableau 33 fait apparaître l'importance approximative des diverses pêcheries mentionnées ci-dessus. Bien qu'une grande partie de l'effort de pêche global soit à l'évidence déployée par des bateaux industriels pêchant au filet dérivant, notamment en haute mer pour les calmars et les thons, des longueurs comparables de nappes peuvent être déployées par des artisans pêcheurs, par exemple au Sri Lanka et dans les pays voisins. Le déploiement, depuis les années 70, de grandes quantités de nappes de filets dérivants par les flottes industrielles dans des zones de mer ouverte représente toutefois en grande partie un élément nouveau et un changement important dans la méthode d'utilisation des filets dérivants.

A l'époque où les filets dérivants étaient largement utilisés dans les pêcheries industrielles pour la capture d'espèces pélagiques naviguant en bancs comme le hareng, les filets étaient normalement installés dans des zones de haute densité de poissons, où l'on savait que les bancs d'espèces ciblées se concentraient. Aujourd'hui, d'autres types d'engins sont généralement employés dans ces zones, tandis que les filets dérivants peuvent être déployés dans des zones où les espèces ciblées ne se présentent qu'à des densités relativement peu basses.

TABLEAU 33

Guide sommaire concernant les quantités de nappe de filet maillant dérivant utilisées dans certaines pêcheries à travers le monde
Pays/pêcherie,Nombre de bateauxLongueur normale de filet (km)Nappe disponible (milliers de km)Espèces non visées (captures supposées)
Japon/bateaux gigogne/saumons43150.65Marsouin de Dall Puffin à queue courte Macareux à aigrettes
Japon/basée à terre/saumons156152,34
Japon/basée à terre/saumons678106,78
Japon/calmar46340?18.52Lagénorhynques à flancs blancs du Pacifique, dauphins à dos lisse boréal, phoque à fourrure du nord, marsouins de Dall, tortue luth
Corée/calmar15450?7.7
Taïwan/calmar16650?8.3
Japon, Pacifique Nord/thon45912?5.5Dauphin bleu et blanc, commun et dauphin à dos lisse boréal
Taïwan, Pacifique Nord/thon130?40?4.0?
E.-U., Pacifique/grande maille30910.3Lagénorhynque à flancs blancs du Pacifique
E.-U., CÔtière/saumon7 000?0.32.1Pinnipèdes, alcidés, marsouins communs
Japon, côtière-?-?-??
Chine, côtière>4 000-?-?Marsouin aptère
Japon, Pacifique Sud/thon20400.8Dauphin commun
Taïwan, Pacifique Sud/thon24400.96Dauphin commun
Chili/espadon5001,50.75Tortue luth
Pérou/côtière-?-?-?Lagénorhynque obscur
Taïwan, océan Indien13940?5.56?
Indonésia, côtière>48 000-?-??
Malaisie, côtière18 0000.254.5?
Thaïlande, côtière365?41.46?
Bangladesh, côtière3 300?26.6?
Sri Lanka3 500414.00Dauphins à long bec, tacheté, de Risso
Inde, côtière156 0000.069.36Cétanés côtière
Iran, côtière2 5964?6.66?
Etats du Golfe, côtière>2001.2?>0.24?
Mozambique, côtière4380.20.87?
Taïwan, Atlantique Sud/thon170?40?6.8?Pingouin
Taïwan, Atlantique Nord/thon21?-?-??
France/germon374.251.57Dauphin bleu et blanc et commun
Italie/espadon700128.4Dauphin bleu et blanc et cachalot
Maroc, côtière303.50.1?
Grèce, côtière143.50.05?
France, Méditerranée/thon23<0.01?
Espagne/thon70?20.14?
Ghana, Nigéria, artisanale-?0.4-??
Baltique/saumon?21 Guillemot, marsouin commun
Irlande, côtière/saumon>9000.50.45Dauphin commun, marsouin commun
RU. côtière/saumon>1000.50.05Marsouin commun
E.-U., Atlantique/espadon302.50.07 
Groenland, côtière/saumon3301.20.47Marsouin commun et Guillemot de Brunnich
E.-U., Floride/requin24-?-??
E.-U., Floride/sériole132.70.0Poissons uniquement
Trinidad/sériole>1000.620.06?
Brésil, côtière>5 0000.1>0.5?

Seules sont énumérées, à titre indicatif, certaines espèces non visées, fréquemment capturées.

Par exemple, au début du XXe siècle, les bateaux britanniques utilisant le filet dérivant pouvaient espérer capturer environ 1 000 harengs par virage de filet de 32 m de long (11 m de profondeur, 600 000 mailles) et jusqu'à 2 000–3 000 dans une bonne pêche (Butcher 1979). L'étude de récents registres de captures de saumons lors de missions japonaises (FAJ 1989b) montre qu'une capture de plus d'un millier de poissons dans une nappe de 2.5 km est inhabituel et que les prises moyennes pendant les missions de 1988 ont été de cing poissons par filet seulement (45 m de long). De même, dans le Pacifique Nord, les captures de la pêcherie au filet dérivant au calmar ne se sont élevées qu'à environ 45–50 calmars par kilomètre de nappe de filet dans la flotte commerciale. Même en tenant compte des différences dans la taille des mailles et les espèces visées, il est clair que ces dernières pêcheries recherchent une ressource plus dispersée. En pareil cas, les taux de captures nécessaires pour effectuer un profit ne sont atteints qu'en employant une quantité bien plus importante de filets. La possibilité de se procurer des files en matière plastique bon marché depuis les années 50 a permis le recours à ce procédé.

Ce changement dans la méthode d'utilisation des filets dérivants semble être la principale raison de la controverse actuelle, qui paraît se situer sur le plan de la concurrence avec les autres pêcheries. Les critiques qui sont résumées dans l'introduction sont de nouveau examinées ci-dessous en corrélation avec d'éventuelles mesures d'aménagement.

3.2 Les critiques à l'encontre des pêcheries au filet dérivant et les procédures possibles d'aménagement

3.2.1 Concurrence avec d'autres pêcheries

3.2.1.1 Efficacité accrue

Les pêcheries existantes qui recherchent des stocks relativement dispersés ont estimé que les filets dérivants étaient susceptibles de capturer plus de poissons à un coût plus bas, ou que les bateaux utilisant des filets dérivants pouvaient capturer les poissons dans des zones où leur pêche ne serait pas rentable avec d'autres techniques. De cette facçon, les pêcheries au filet dérivant peuvent concurrencer d'autres pêcheries, tout comme, dans les dix premières années de ce siècle, les chalutiers ont concurrencé les bateaux pêchant au filet dérivant pour les poissons qui se rassemblent en bancs plus denses.

En fait, on ne sait presque rien des performances relatives sur le plan économique des bateaux utilisant le filet dérivant comparées à celles d'autres bateaux recherchant les mêmes espèces, même si l'on prétend souvent qu'il représente un atout. En fait, les avantages économiques relatifs dépendent de nombreaux facteurs, comme le prix du fuel, et surtout la densité des ressources halieutiques. Plus le poisson se concentre, plus il peut être capturé de manière rentable par les sennes tournantes ou les chaluts. La profondeur à laquelle se trouve le poisson peut aussi influer sur la relative efficacité économique des engins en compétition.

La concurrence entre les bateaux employant différents engins est une caractéristique commune de nombreuses pêcheries à travers le monde, et se trouve habituellement régie par une législation visant à faire la distinction entre engins en concurrence (comme au Japon entre les bateaux utilisant le filet dérivant et les palangriers) ou résolue par une interdiction de l'un ou l'autre des engins. En pareil cas, ce ne sont pas nécessairement les filets dérivants qui sont interdits. Dans les eaux côtières anglaises, les chalutiers ne peuvent pas pêcher les harengs qui. fraient dans certaines zones de l'estuaire de la Tamise, afin de permettre à la pêcherie artisanale traditionelle au filet dérivant de continuer à capturer le hareng. Dans les pays où ce genre de mesures n'est pas pris, la pêcherie la moins rentable finit par disparaître.

Dans les eaux sous juridiction nationale, de telles décisions sont relativement faciles à prendre. La situation devient plus problématique lorsqu'il s'agit de zones où des flottes de plusieurs pays pêchent la même ressource avec différents engins dans les eaux internationales. Dans ce cas, il n'y a que deux solutions possibles: ou il existe une autorité régionale qui a compétence pour réglementer les pratiques de pêche; ou sinon, les pays intéressés concluent des accords bilatéraux. A titre d'exemple, on citera la réglementation régissant l'utilisation du filet dérivant pour la pêche au saumon dans le Pacifique Nord.

3.2.1.2 Epuisement des ressources

On a aussi fait valoir que la rentabilité relative des filets dérivants lorsqu'ils sont employés pour la capture de ressources dispersées pouvait plus facilement provoguer une surexploitation de ces ressources. Ainsi, on peut dire qu'à mesure que le stock de poisson s'épuise, il devient plus dispersé, tandis que le taux de capture d'autres engins diminue rapidement, le taux de capture du filet dérivant peut se maintenir à un niveau encore rentable, de sorte que les pêcheries au filet dérivant peuvent continuer leurs activités et, partant, contribuer à un épuisement plus rapide des ressources.

En fait, un tel argument peut être avancé exactement en sens inverse pour des engins comme les sennes tournantes, qui reposent sur une concentration du poisson. Certains poissons comme le pilchard et le thon, continue de se concentrer même si leur nombre total décroît; les densités restent localement élevées même si la biomasse est dangereusement basse. Des senneurs pouvaient autrefois maintenir de bons taux de capture, même à de très bas niveaux de stock, à condition que le poisson puisse être localisé de manière rentable.

Par ailleurs, étant donné le coût relativement bas du déploiement du filet dérivant, des taux de capture rentables sont possibles à des niveaux d'effort de pêche dangereusement élevés. Au contraire, des engins qui coûtent plus cher à déployer et qui deviennent non rentables au-delà d'un effort de pêche relativement bas, permettent un certain degré d'autorégulation. Toutefois, de telles considérations ne sont valables qu'en l'absence de toute gestion rentable laissant aux pêcheries toute latitude pour s'autocontrôler.

Lorsqu'une gestion réelle s'exerce, il n'y a pas de grande différence entre les filets dérivants et les autres engins dans leur capacité à épuiser les stocks. Le niveau d'épuisement est déterminé par le niveau d'effort, et c'est le travail des organismes de gestion des pêcheries de contrôler le niveau de l'effort de pêche. Encore une fois c'est une tâche théoriquement simple dans les eaux nationales, mais qui n'est pas toujours facile en haute mer, où des organismes internationaux de régulation des pêches sont nécessaires et où l'application des règlements est habituellement difficile. Quelques organismes de ce type sont actuellement en place, bien qu'en vertu des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS), les pays pratiquant la pêche hauturière soient tenus de coopérer pour que les mesures de conservation appropriées soient prises et que des organisations réginals soient créées à cette fin.

3.2.1.3 Gaspillage des ressources

Bien que la Convention des Nations Unies ait clairement établi les responsabilités concernant la gestion durable des ressources de haute mer, aucune disposition ne prévoit l'usage rationnel de ces ressources. La pratique du filet dérivant est souvent accusée d'être à l'origine du grand gaspillage des ressources halieutiques. Le principal sujet d'inquiétude concerne le gaspillage durant les opérations de pêche.

Le gaspillage se situe à quatre niveaux. Tout d'abord, les poissons qui sont capturées dans les filets dérivants sont souvent laissés dans l'eau plusieurs heures avant d'être déversés sur l pont, une proportion assez élevée de la capture est avariée et doit être abandonnée. Ce genre de perte est probablement très importante dans les eaux les plus chaudes.

La proportion de poisson avarié et abandonné dans les pêcheries aux filets dérivants n'a pas été souvent signalée, mais les observations faites sur des bateaux japonais du Pacifique Sud permettent d'évaluer les pertes à environ 2 pour cent, ce qui représente un pourcentage important. La pêcherie expérimentale dans les eaux de Yap aurait eu une forte proportion de poissons avariés; mais cette proportion n'a pas été estimée.

En second lieu, des espèces de poisson qui, en d'autres circonstances, seraietn sans doute considérées comme utiles et qui se trouvent dans les prises, sont peut-être abandonnées. Les filets dérivants ne sont donc pas sélectifs. On peut se rendre compte de la médiocre dsélectivité de cette méthode de pêche en se reportant aux tableaux 8, 16, 24, 31 et 32, où on observera le grand nombre d'espèces capturées. Les résultants de campagnes de recherche océanographique confirment ce point. Murata et al. (1989) ont fait un rapport sur une série de quatre missions océanographiques axées sur l'encornet volant dans le Pacifique Nord en 1988. Trois de ces campagnes se sont faites au filet dérivant et une à la turlutte. Plus de la moitié des calmars ont été pris à la turlutte, mais tandis que pendant cette campagne quatre espèces seulement ont été capturées, tous des calmars, dont 97 pour cent appartenaient à l'espèce recherchée, durant la campagne au filet dérivant, plus de 36 espèces de poissons, calmars, oiseaux et mammifères ont été capturées et 35 pour cent seulement du nombre total appartenaient à l'espèce recherchée, même s'il y a liue de noter que plusieurs tailles de maille ont été utilisées dans les campagnes au filet dérivant.

On ne trouve pas nécessairement des niveaux élevés de captures non utilisées dans toutes les pêcheries aux filets dérivants. Des observateurs francais de la pêcherie aux germons dans l'Atlantique Nord, par exemple, ont cité des captures de 90,5 pour cent de germon en nombre d'individus capturés, et de 3,5 pour ent de thon rouge. Il faut aussi rappeler que certains autres engins, comme les chaluts démersaux, peuvent souvent ramasser de très faibles proportions d'espèces ciblées dans leurs mailles.

La capture de multiples espèces, quelque soit l'engin utilisé, ne peut être considérée comme source de gaspillage que lorsque de nombreuses espèces sont abandonées. Il faut se souvenir que dans de nombreuses pêcheries artisanales au filet dérivant une grande proportion d'espèces capturées peuvent être conservées pour la ventre ou la consommation; c'est sans doute moins vrai dans le cas de pêcheries au filet dérivant de plus grande importance ou industrielles. Dans ces pécheries, la définition de ce qui constitue les espèces visées est plus étroite, et en général seules les espèces de haute valeur, comme les calmars et les thons, sont susceptibles d'être retenues. Il peut donc y avoir un taux d'abandon plus élevé dans ces pêcheries.

La troisième forme de gaspillage dans les pêcheries aux filets dérivants vient de la chute des poissons lors du virage du filet. Il est difficile de dire ce que l'on entend exactement par chute, mais on considère généralement que c'est la proportion de poissons qui tombe du filet durant la remontée. Cette quantité a été mesurée par des observateurs travaillant sur un certain nombre de bateaux. Dans le Pacifique Sud, un taux moyen de 8, 7 pour cent (classé de 0 à 20,8 pour cent) a été observé durant une marée et 3,7 pour cent (0 à 8,1 pour cent) durant une autre. Dans une pêcherie du Pacifique Nord capturant les calmars aux filets dérivants, on a enregistré des taux de chute à 3–10 pour cent.

Le taux de chute mesuré à partir du pont est de toute évidence une estimation minimale de la perte totale de poisson. Le poisson peut se détacher du filet lorsque celui-ci est remonté, mais avant qu'il soit sorti de l'eau; il peut tomber du filet ou en être retiré par des requins ou des mammifères marins pendant que le filet est immergé. On ne peut dire avec précision si de telles pertes sont incluses dans les taux de chute. La quatrième source de gaspillage est donc due au poisson qui tombe du filet pendant sa remontée.

Les estimations concernant ces pertes sont très difficiles à obtenir. D'après une expérience faite en Angleterre, 5 pour cent environ de saumons ont été retirés des filets dérivants par des phoques avant que le filet ne soit viré. L'enlèvement par des requins se produit aussi fréquemment dans les eaux plus chaudes, et Goldblat (1989) a noté que la proportion de requins dans les filets était d'autant plus élevée que le séjour dans l'eau avait duré plus longtemps, ce qui laisse supposer que les requins avaient été attirés par les filets. Dans cette catégorie, figurent des poissons pris dans ces filets qui s'échappent vivants après avoir perdu des écailles, ou s'être endommagés la peau ou les muscles. Certains d'entre eux peuvent en mourir par la suite. Là encore, il est difficile d' estimer une telle mortalité. Dans certaines zones cependant, il est clair qu'une forte proportion de poissons est prise dans les filets dérivants; dans la zone tropicale du Pacifique Sud, on a pu constater que certains filets maillants capturaient jusqu'à 19 pour cent des poissons à la traîne (1988–89) (Hampton et al. 1989).

Le gaspillage des ressources halieutiques a été considéré comme un problème dans différentes autres pêcheries à travers le monde, notamment dans les pêcheries de crevettes tropicales capturées au chalut et les pêcheries industrielles destinées à la farine de poisson dans les zones tempérées. Dans certaines d'entre elles, des mesures de gestion ont été adoptées pour limiter le gaspillage. Toutefois, très peu d'initiatives de cette nature ont été prises dans les pêcheries aux filets dérivants. Le dommage causé au germon par les filets dans le Pacifique Sud a certainement été un sujet de préoccupation pour les pays de la région, ce qui explique partiellement l'élimination du filet dérivant dans cette partie du monde. Le gaspillage de ressources halieutiques dans les autres pêcheries au filet dérivant n'a pas été abordé, mais il s'agit peut-être d'un problème que les pays pratiquant la pêche dans les eaux internationales se doivent maintenant d'affronter.

3.2.1.4 Captures annexes de ressources halieutiques de valeur

La médiocre sélectivité qui caractérise souvent les filets dérivants a également posé un problème là où les pêcheries utilisant ce type d'engins ont des captures annexes qui constituent la cible principale d'autres pêcheries. Du saumon d'origine nord-américaine a par exemple été pris dans le Pacifique Nord par des pêcheries au filet dérivant recherchant du calmar ou d'autres espèces, tandis que du thon rouge austral a été pris dans des pêcheries taïwanaises au filet dérivant dans le Pacifique Sud et dans l'océan Indien, ce qui peut ainsi réduire la valeur potentielle du thon rouge qui aurait pu être attrapé par d'autres méthodes et vendu sur le marché lucratif du sashimi. Dans ces deux cas, les captures annexes ont été un bon complément aux prises. Il ne s'agit donc pas ici d'un problème de gaspillage, mais d'une source d'antagonisme considérable entre pêcheries. Dans le Pacifique Nord, des mesures de gestion ont été appliquées après que l'on eut constaté que l'encornet volant et le saumon se répartissaient dans des masses d'eau de températures différentes. En s'assurant que les bateaux restent hors de la zone de capture des saumons, des prises importantes de calmar peuvent être maintenues, tout en permettant de réduire au minimum la capture annexe.

Dans les zones où coexistent des espèces ciblées et des espèces non recherchées, la solution n'est pas évidente, encore que ce soit un problème courant en matière de gestion pour lequel il existe toute une panoplie de mesures. Les zones où se trouvent les concentrations les plus vulnérables de captures annexes peuvent être fermées à la pêcherie qui contrevient aux règlements; des saisons de fermeture peuvent être instaurées pour assurer la protection des concentrations d'espèces annexes destinées au frai ou à l'alimentation; l'effort global ou les captures totales de la pêcherie coupable peuvent être restreints afin de limiter la capture d'espèces annexes; ou, en dernière extrémité, lorsqu'il s'agit d'espèces particulièrement vulnérables, la pêcherie coupable peut être entièrement interdite de pêche.

De telles mesures de gestion peuvent facilement être adoptées pour les eaux sous juridiction nationale, et peuvent l'être aussi pour les zones sous contrôle d'organismes régionaux de gestion. Le problème est moins facile à résoudre en ce qui concerne la haute mer et les zones non soumises à un véritable régime de gestion régional.

3.2.1.5 Obstacles physiques

On ne dispose que de peu d'informations au sujet des obstacles que peuvent constituer physiquement les filets dérivants pour les autres pêcheries et les autres bateaux en général. Il y a de nombreuses anecdotes concernant des hélices ou des quilles de bateaux prises dans des filets dérivants, mais il ne semble pas y avoir d'étude détaillée sur la fréquence de tels incidents, ni sur leurs conséquences économiques. Par ailleurs, étant donné le coût de ces incidents en terme de perte de nappes, on pourrait s'attendre à ce que les filets dérivants soient posés loin des lignes de navigation et des zones où d'autres grandes pêcheries exercent leur activité. Dans les eaux côtières, il existe souvent des zones qui permettent de réduire au minimumce genre de conflit. Le recueil systématique d'informations sur les incidents qui se produisent avec les filets dérivants permettrait dans une certaine mesure d'apprécier l'ampleur de ce problème.

3.2.1.6 Synthèse

La plupart des difficultés mentionnées ci-dessus entraînent une compétition entre différentes pêcheries, qui fait l'object d'études par les organismes de gestion des pêches depuis très longtemps. Les pêcheries au filet dérivant, qui opèrent dans les eaux internationales et hors du contrôle des organismes régionaux n'ont fait qu'étendre les problèmes de compétition entre engins et entre pêcheries à de nouvelles zones. La plupart de ces problèmes pourraient être résolus par l'extension de véritables régimes de gestion à ces zones, à condition que les bases de données appropriées soient créées de manière fiable et que des modalités d'application soient élaborées.

3.2.2 Impact sur l'environnement

Même si une grande partie des controverses auxquelles donnent lieu les filets dérivants est liée habituellement aux rivalités entre pêcheries utilisant des types d'engins différents, tel n'est pas le cas sur un point important. On a déjà fait état des nombreuses espèces capturées dans des filets dérivants en corrélation avec le gaspillage des ressources halieutiques, mais ce problème est aussi un sujet de préoccupation à d'autres points de vue. Le retrait d'un grand nombre d'animaux qui ne sont pas considérés comme des ressources halieutiques a suscité de grandes inquiétudes en matière d'environnement dans plusieurs régions.

Bien que la capture d'un grand nombre d'espèces non ciblées ne soit pas le seul fait des filets dérivants, ces derniers pêchant près de la surface, des animaux respirant de l'air (mammifères, oiseaux et reptiles) se trouvent dans les captures annexes en nombre relativement plus important que dans les captures non ciblées des chaluts démersaux par exemple.

En outre, les pêcheries hauturières au filet dérivant opérant dans l'environnement relativement peu productif de l'océan ouvert, risquent de mettre en péril la stabilité de cet écosystème, en capturant, dans des proportions excessivement élevées, des animaux rares qui ont une faible capacité de recouvrement après exploitation.

Il est difficile de dire si l'écosystème de l'océan ouvert est ou non plus vulnérable à des dommages irréversibles que celui des eaux côtières par suite de pratiques de pêche aveugles, et il serait encore plus difficile de quantifier cette vulnérabilité. Les communautés des eaux côtières ou du plateau continental ont tendance à être plus diversifiées (et en conséquence peutêtre plus stables) que celles de l'océan ouvert, mais elles peuvent encore contenir des espèces ou des groupes d'espèces hautement vulnérables à des méthodes non spécifiques. De telles espèces sont aussi souvent dépendantes d'habitats critiques très localisés pour leur nourriture ou leur reproduction et peuvent être facilement menacés par la dégradation de ces habitats par le biais de la pêche côtière ou de la pollution. Des mammifères marins côtiers, comme les “siréniens”, et des communautés résidant dans des herbiers marins en sont deux exemples.

Toutefois, les habitats de l'océan ouvert sont en général moins productifs ue ceux des eaux côtières, et peuvent donc contenir plus d'espèces à longue durée de vie, à croissance lente et à taux de fécondité peu élevé. Plusieurs espèces pélagiques semblent aussi très rares (poissons lunes ou mésoplodons par exemple). Par ailleurs, les espèces pélagiques peuvent être réparties plus largement que certaines espèces côtières, et ainsi, en tant qu'espèce du moins, être moins vulnérables à l'épuisement consécutif à un taux de mortalité locale élevé, même si les populations indigènes puissent aussi être vulnérables dans l'un ou l'autre habitat.

On ne sait pas très bien si les rapport et les liens entre espèces ou communautés dans l'océan ouvert peuvent être interrompus ou brisés plus facilement que ceux qui existent en milieu côtier. Il est donc pour le moment impossible de donner une idée générale de la vulnérabilité relative des deux milieux. En fait, on ne peut absolument pas aujourd'hui évaluer l'impact global des pêches au filet dérivant sur les écosystèmes, côtiers ou océaniques.

L'incidence de la pêche au filet dérivant sur certaines espèces individuelles est peut-être plus facile à établir, en théorie si ce n'est en practique. Les animaux venant respirer à la surface sont une source particulière de préoccupation. Ils se caractérisent par un taux de fécondité relativement faible, une croissance lente et une production durable faible, surtout si on les compare avec ceux d'espèces à forte croissance, comme le calmar et le thon. Ils sont donc, davantage que la plupart des espèces exploitées, affectés par l'accroissement de leur taux de mortalité. Certaines des espèces qui ne sont géaéralement pas considérées comme ressources halieutiques peuvent aussi poser des problèmes.

Etant donné les difficultés que soulève l'impact des pêches au filet dérivant sur l'ensemble de l'écosystème, il faut donc étudier le problème en s'attachant à chaque espèce individuellement. Certaines des espèces, qui ont eu à subir les effets des pêches au filet dérivant, sont reprises ci-dessous, mais on constatera que dans la plupart des cas les données sur ces taux de capture ou les dimensions des populations sont nettement insuffisantes.

3.2.2.1 Impact sur les espèces

Le marsouin de Dall phoncoenoides dalli

La principale victime des captures annexex des pêcheries japonaises de saumon du Pacifique Nord est le marsouin de Dall. Une attention considérable a été accordée aux dommages causés par les pêcheries au filet dérivant à cette espèce. Les marsouins de Dall sont répartis sur une grande partie du Pacifique Nord, ainsi que dans les mers de Bering et d'okhotsk, tandis que leur limite méridionale est matérialisée par les 17° ou 18° paralèlles. Au moins deux formes sont reconnues, la forme truei qui se trouve principalement le long de la côte Pacifique japonaise, et la forme dalliqui peut se trouver sur presque toute l'étendue. Jusqu'à six stocks hétérogènes de type dalli peuvent exister, ainsi qu'un stock séparé de truei

Les estimations de population de marsouins de Dall sont problématiques du fait de l'habitude de cette espèce d'approcher les bateaux, ce qui rend les études de population basées sur des “coupes transversales” difficiles à interpréter. Les estimations de population totale sont comprises entre 1,5 et 2,1 millions d'animaux. Les taux de capture cités se situent dans une fourchette allant de 0,79 par 1 000 km de nappe par mise à l'eau dans les pêcheries basées à terre à 58 par 1 000 km de nappe par mise à l'eau dans les pêcheries de haute mer dans la ZEE américaine. Les captures totales, évaluées par des scientiques américains, s'échelonnent de 12 000 (1982) à 3 100 (1986) pour les deux pêcheries de saumons. Les prises citées sont parfois moins élevées (Tableau 4). Aucune tendance dans la taille de population n'a été observée entre 1980 et 1984 (Jones et al. 1986). Le stock de la mer de Bering est, selon les estimations, compris entre 78 et 94 pour cent de sa taille avant exploitation, tandis que le stock dans le Pacifique Ouest se situe entre 66 et 91 pour cent de ses dimensions d'origine.

L'impact de la pêcherie au filet dérivant de calmars reste à évaluer, mais si les taux de capture observés dans le cadre du programme d'observation de 1989 sont représentatifs de la plupart des années, alors on peut supposer qu'environ 6 000 marsouins de Dall de plus ont été capturés dans cette pêcherie. Il y aurait donc eu une capture totale pouvant aller jusqu'à 8 400 animaux, d'aprés les estimations américaines des prises dans les pêcheries de saumons de ces dernières années.

Toutefois, les taux de capture observés précédemment dans les pêcheries de calmar sont plus élevés (Tableau 17), de sorte qu'une prise totale plus importante est possible. L'impact de la pêche au filet maillant de grande taille n'est pas connu, mais du fait de sa répartition généralement plus méridionale, il devrait être inférieur à celui de la pêcherie de calmar au filet maillant.

Bien que l'impact de la pêcherie de saumon au filet dérivant sur le marsouin de Dall ait été particulièrement bien étudié sur plusieurs années, le résultat de ces études ne fournit pas de réponse concluante sur la manière dont cette espèce a été touchée par les pêcheries au filet, dérivant.

Le phoque à fourrure du nord Callorhinus ursinus

Les phoques à fourrure du nord sont répartis dans le Pacifique Nord, généralement dans les eaux de plus de 15°. La taille de la population a subi une réduction d'environ 50 pour cent entre 1972 et 1980, pour des raisons qui ne sont pas claires; plus récemment la population semble s'être plus ou moins stabilisée aux environs de 1,2 million.

Les phoques à fourrure du nord sont aussi touchés par les pêcheries au filet dérivant de saumons, mais les quantités sont peu élevées, environ 200 par an si l'on se fonde sur les observations de la ZEE américaine (Cranmore 1988). Il est à noter cependant que les taux de capture de phoques à fourrure du nord lors des missions de recherche de saumons se sont situés sur le long terme à une moyenne légèrement inférieure à la moitié de celle des marsouins de Dall (Tableau 5); les captures pourraient donc être un peu plus importantes, même s'il faut se souvenir que les résultats des missions océanographiques ne sont pas directement comparables à ceux de la pêche commerciale.

Les taux de capture dans la pêcherie de calmar avaientété de 0, 73 à 1,6 par millier de km de nappe en 1988 et 1989 (Tableau 17)., suggérant qu'environ 2 200 à 4 800 animaux pourraient avoir été tués. Des captures supplémentaires sont probables dans la pêcheris à grande maille, peut-être là encore à un niveau moindre que dans la pêcherie de calmar.

Le dauphin à dos lisse boréal Lissodelphis peronii

Cette espèce est confinée aux eaux tempérées du large du Pacifique Nord, avec sembl-t-il deux centres de concentration, au large de la Californie et au large du Japon. La taille des populations est inconnue, mais Cranmore (1988) avec un chiffre total, au large de la Californie d'environ 80 000 animaux (estimations de Dohl et al. 1980 et 1983). La taille de la population sur la côte ouest du Pacifique et dans le pacifique central n'est pas connue.

Cette espèce est à l'évidence extrêmement touchée par la pêcherie de calmar aux filets dérivants. Si l'on se fonde sur les taux de capture observés dans le cadre du programme d'observation de 1989, on peut calculer une capture totale légèrement inférieure à 20 000 (Tableau 17). Les taux de capture observés lors d'études précédentes étaient soit plus bas, soit plus élevés. Cette espèce peut aussi être capturée dans la pêcherie à grande maille du Pacifique, mais les taux de capture sont inconnus. L'ampleur de la capture totale supposée est véritablement un sujet de préoccupation, mais son impact global ne peut être évalué en l'absence de toute information complémentaire sur la taille de la population totale et de meilleures estimations des prises globales.

Le lagénorhynque à flancs blancs du Pacifique Lagenorhynchus obliquidens

Cette espèce est aussi confinée au Pacifique Nord tempéré, vers le nord du Japon et de la Basse Californie. On a évalué une population de pointe au large de la côte américaine pendant l'automne d'environ 86 000 animaux. La répartition de la population n'est pas connue, et il ne semble pas y avoir d'autres populations ailleurs dans le Pacifique. Les taux de capture du programme d'observation de la pêche aux filets dérivants de calmars étaient en 1989 relativement élevés, (3,56 par 1 000 km de filet fixé), ce qui laisse supposer une capture totale légèrement supérieure à 10 000. Les taux de capture en 1988 étaient un peu plus bas (2,89), mais donneraient une capture totale de plus de 8 000. Là encore, l'ampleur de ces captures, malgré l'insuffisance des estimations, est une source de préoccupation.

Le dauphin commun Delphinus delphis

Les dauphins communs constituent une espèce cosmopolite que l'on trouve dans toutes les eaux tropicales et tempérées du monde. Ils auraient figurés parmi les captures de la pêcherie aux filets dérivants, mais on n'a guère évalué les prises totales. La taille des populations et la répartition des stocks ne sont pas très connues, mais, comme son nom l'indique, c'est une des nombreuses espèces de cétacés.

Des captures de dauphins communs ont été signalées dans la pêcherie au filet dérivant de calmar du Pacifique, captures qui ont été estimées à plusieurs centaines (Tableau 17); il est peu probable que l'une quelconque des populations du Pacifique soit mise en péril, même si l'on ne peut exclure l'existence possible de populations locales vulnérables. En ce qui concerne le Pacifique Sud, Coffey et Grace (1990) ont évalué une capture de quelque 4 600 dauphins (essentiellement des dauphins communs) dans la mer de Tasmanie en 1989/90. L'impact de ces prises sur les populations locales n'est naturellement pas connu non plus. Des dauphins communs seraient pris dans la plupart des autres pêcheries au filet dérivant (voir section 2). Ils auraient figuré parmi les prises des pêcheries au filet dérivant à grande maille d'Irlande, de France, des Etats-Unis (Atlantique et Pacifique), du Japon et dans celles du Pérou, mais on ne dispose d'aucune estimation du taux de capture.

Le cachalot Physeter macrocephalus

Les cachalots constituent également une espèce cosmopolite, que l'on trouve aussi bien dans les eaux tropicales que dans les eaux polaires. La dimension des populations n'est guère connue. La grande taille du cachalot rend fort improbable sa prise dans des filets dérivants. On ne dispose en général que de peu de documentation faisant état de prises de cachalots dans la plupart des mers du monde. La capture de cachalots a été enregistrée dans la pêcherie chilienne d'espandons au filet dérivant, mais leur nombre n'est pas connu. En Méditerranée toutefois, cette espèce est parmi l'une des plus fréquemment prises dans les pêcheries d'espadons. Au moins 23 cachalots auraient été emmêlés dans les filets dérivants de pêcheries italiennes au cours des trois dernières années (Notarbartolo di Sciara, 1990), et on pense que leur nombre total est probablement supérieur à ce chiffre. Di Natale (1990b) estime que les filets dérivants en Méditerranée sont certainement une cause importante de mortalité. La taille des populations, ou la reìation avec d'autres espèces, n'est pas connue.

Le dauphin de Thétis (ou dauphin blanc et bleu) Stenella coeruleoalba

Répartis dans les eaux tempérées et tropicales autour du monde, les dauphins de Thétis ont été pris dans la pêcherie italienne au filet dérivant plus fréquemment que d'autres espèces (44 pour cent des cas d'emmêlement de cétacés). Selon les informations rappelées ci-dessus, les captures semblent avoir atteint le millier par an, mais l'impact sur la population méditerranéenne n'est pas connu.

Dans la pêcherie du Sri Lanka, environ 6 à 11 pour cent des 13 000 à 40 000 cétacés emmêlés dans l'année sont probablement des dauphins Thétis (c'est-à-dire 780 à 4 400 au total: Tableau 29). Là non plus, l'impact sur l'une quelconque des populations locales ne peut être évalué.

Autres mammifères marins

En général, pour les espèces marines restantes, les informations disponibles ne sont pas suffisantes pour donner une bonne idée de l'impact de telle ou telle pêcherie spécifique. Dans la pêcherie du Sri Lanka, des dauphins à long bec sont fréquemment capturés (33–47 pour cent), ce qui suppose une capture pouvant s'élever à 18 800. Même si ce chiffre semble élevé, on ne dispose d'aucune donnée pouvant servir de comparaison. D'autres potentialités de captures importantes sont évidentes pour les cachalots pygmées et les cachalots nains, qui sont généralement considérés comme des espèces rares, mais qui représentent 2–6 pour cent des captures du Sri Lanka.

Il convient aussi de mentionner les mésoplodons. Ce sont des mammifères d'eau profonde qu'on ne rencontre généralement pas, et certaines espèces ne sont connues que par quelques rares animaux échoués. Des mésoplodons non identifiés ont été enregistrés dans les filets dérivants du Sri Lanka, et deux ou trois dans les filets dérivants à germon dans le Pacifique Sud. Les baleines mésoplodons sont également l'un des cétacés les plus communément rencontrés dans la pêcherie atlantique américaine d'espadons capturés au filet dérivant. Le nombre d'animaux emmêlés est peu élevé, mais il se peut que les effectifs soient eux aussi en nombre limité, si bien que le taux de mortalité est certainement un sujet de préoccupation.

Ce qui frappe à la lecture du Tableau 33, c'est le manque d'informations sur les captures annexes dans un si grand nombre de pêcheries côtières au filet dérivant. Cette situation est inquiétante, car de nombreuses espèces de petits cétacés, vivant dans une aire réduite, sont confinées dans les eaux côtières au sujet desquelles les données disponibles sont rares. Lorsque ces espèces se trouvent dans des zones d'intenses activités de pêche au filet dérivant, on peut craindre pour leur survie. On citera à ce propos les marsouins optères (Neophocaena phocoenoides) qui se trouvent confinés dans les eaux côtières de la région Indo-Pacifique, elle-même zone d'intenses activités au filet dérivant. Il serait évidemment utile d'avoir aussi une idée plus précise de l'impact de ces pêcheries côtières au filet dérivant.

Oiseaux

Les captures d'oiseaux dans les pêcheries au filet dérivant ne sont pas bien comptabilisées, excepté dans les pêcheries de saumons et dans celles de calmars du pacifique Nord. Ici, les principales espèces concernées sont les puffins sombres (fuligineux et à queue courte) (Puffinus griseus, P. tenuirostris) des macareux à aigrettes et des macareux cornus (Lunda cirrhata, Fratercula corniculata) des albatros de Laysan (Diomedea immutabilis) et des albatros à pieds noirs (Diomedea nigripes).

Si l'on se fonde sur des estimations approximatives concernant les captures totales des pêcheries au calmar (Tableau 18) et sur celles de Jones et DeGange (1988) (Tableaux 6 et 7), les prises de puffins sombres dépassent les 40 000 dans les deux pêcheries, mais la population totale mondiale de ces deux espèces est d'environ 50 millions (puffins fuligineux) et 40 millions (puffins à queue courte) (Anon 1988a). Les macareux à aigrettes et les macareux cornus se comptent aussi par millions (6 et 2 millions respectivement, Anon 1988a) si bien qu'avec des captures de 38 000 et 9 000 respectivement, il semble peu probable que ces populations soient en danger de disparition. Les captures d'albatros à pieds noirs se sont sans doute élevées à 5 000 environ, chiffre qui est à rapprocher de la population totale évaluée à quelque 198 000 oiseaux. Le nombre d'albatros de Laysan est estimé à 2,5 millions au total (Fefer et al. 1984), tandis que les captures, calculées par extrapolation des taux de captures observées, approchent sans doute les 14 000, soit 1,8 pour cent de la population. La structure et la dynamique de la population sont trop peu connues pour pouvoir évaluer l'impact de ces captures.

Des pingouins sauteurs (Eudyptes moseleyi) auraient été capturés en grand nombre dans la pêcherie qui s'est récemment développée autour de Tristan da Cunha. Des études sur place ont révélé qu'une colonie au moins de pingouins avait décliné ces dernières années, mais on pense que ce déclin est dû en partie à des prises illégales servant d'appât pour les casiers à langoustes (B. Fines comm. pers.). L'impact des pêcheries péruviennes au filet dérivant sur les pingouins de Humboldt (Spheniscus humboldti) n'est pas non plus connu.

Les tortues

Les tortues n'apparaissent pas en grand nombre dans la plupart des rapports d'observation de la pêche au filet dérivant, et parmi celles qui le sont, beaucoup ne sont pas identifiées au niveau des espèces. Les taux de capture observés dans la pêcherie expérimentale de Yap étaient certainement très élevés. Faute d'informations systèmatiques sur d'autres pêcheries tropicales, on ne connaît que le taux des captures enregistrées dans les eaux plus tempérées du Pacifique Nord et du Pacifique Sud. La tortue luth (Dermochelys coriacea) est l'espèce la plus souvent identifiée, bien qu'une tortue verte (Chelonia mydas), une olive Ridley (Lepidochelys olivacea) et des tortues carettes (Caretta caretta) aient aussi été répertoriées (Gjernes et al. 1990).

Les tortues luth ont une répartition mondiale et leur zone géographique enregistrée va du 47°S au 71°N (Pritchard et Trebbau 1984). Les plus importantes colonies du Pacifique sont confinées au Mexique oú, selon les estimations de Pritchard (1982), quelque 75 000 femelles (plus de la moitié de la population mondiale connue) pondent sur les plages de Michoacan à Oaxaca; 12 000 autres pondent probablement ailleurs dans le Pacifique Est; 13 000 autres nids de tortues luth ont été répertoriés sur une plage de 17,8 km en Irian Jaya (Bhaskar 1984). Le nombre de femelles pondant chaque année à Terangganu en Malaisie, qui était d'environ 1 800 est tombé dans les années 50, à moins de 100 en 1988. Les femelles font en moyenne 4–5 pontes par an et retournent aux mêmes zones de ponte par cycle de 2–3 ans (Marquez 1990). D'importantes zones de nourriture et de ponte existent aussi dans le Pacifique Est et Ouest pour d'autres espèces de tortues de mer, mais aucune ne se trouve, comme on pouvait s'y attendre, au nord du 40°N.

Les taux de capture observés de tortues luth (tuées) dans la pêcherie aux filets dérivants de calmar permettent de penser qu'au moins 250 animaux sont pris chaque année (les tortues n'ont pas toutes été identifiées au niveau de l'espèce, aussi s'agit-il d'une estimation prudente). Balazs (1982) a répertorié 5 tortues luth mortes dans des sections de filet dérivant à calmars, flottant à la surface, apparemment entre les 35°–45°N dans le Pacifique. Plusieurs centaines supplémentaires sont probablement tuées chaque année dans la pêcherie chilienne au filet dérivant, et en Malaisie, Chan et al. (1968) ont évalué les captures dans les filets maillants à 77 et 33 tortues luth en 1984 et en 1985 respectivement. Les filets à grandes mailles ont en conséquence été interdits en Malaisie. D'après les premières données recueillies au cours de 1990, en quatre mois d'observation de la pêcherie au filet maillant au large de la Californie, une tortue luth a été tuée (Scott Eckert, US NMFS, comm. pers.). Il est évident que lorsque l'on considère les taux de mortalité supplémentaires dans la pêcherie au filet à grandes mailles du Pacifique et l'impact potentiel d'autres pêcheries côtières à filet dérivant, il est impossible de ne pas tenir compte de cette importante mortalité due à cette pratique de pêche.

Poissons

Parmi les poissons, les requins bleus (Prionace glauca) sont, semble-t-il, les espèces capturées en plus grand nombre, mais les informations dont on dispose sur les paramètres de longévité et de mode de vie de l'espèce ne sont pas suffisantes pour permettre une évaluation de l'ampleur probable de l'impact des taux de mortalité. Il se peut évidemment que ces taux suscitent une certaine inquiétude. D'autres espèces, comme les poissons lune (Molidae), sont aussi trop peu connues pour que l'on puisse évaluer l'effect de captures accidentelles, mais l'impact sur des poissons plus rares n'a pas jusqu'ici failt l'objet d'une grande attention.

Conclusion

En conclusion, on peut dire que pour la plupart des pêcheries mondiales de filets maillants, l'information sur les taux de capture est trop fragmentaire pour permettre une estimation raisonnable du volume total de captures annexes. Toutefois, chaque fois que l'information existe, comme Pour les saumons et les calmars du Pacifique Nord et les cétacés du Sri Lanka, l'estimation des prises totales est difficile en raison de l'extrême diversité des taux de capture obtenus pour la plupart des espèces non recherchées, taux qui varient selon la saison et la zone. il est clair néanmoins que les estimations dont on dispose, aussi imparfaites soient-elles, concernant les captures totales possibles de certaines espèces n'accréditent nullement l'idée d'un impact négligeable.

3.2.3 Considérations concernant la gestion de l'environnement

L'aménagment des pêcheries visant à réduire à un minimum leur impact sur l'environnement a été largement étudié dans de nombreuses régions. Parmi les mesures adopées, on citera l'interdiction de certains engins dans des zones spécifiques afin de préserver des espèces ou des types d'habitat; la limitation de l'utilisation de certains types d'engins, comprenant notamment la fixation de quotas pour des espèces non recherchées. et la mi9se au point d'engins modifiés afin d'atténuer au maximum leur impact sur les espèces annexes.

Toutefois, les mesures de gestion doivent s'inscrire dans un ensemble d'objectifs. En ce qui concerne l'impact des pêcheries sur l'environment, plusieurs objectifs paraissent appropriés. Par exemple, le maintien de la stabilité de l'écosystème océanique serait peut-être un objectif tout à fait approprié, ou l'on pourrait aussi envisager l'élimnation des captures d'escèces particulières de tortues.

Bien que l'une d4s critiques formulées à l'encontre de la pêche au filet dérivant de haute mer concerne son impact sur l'écosystème océanique, il a été souligné que toute prévision sur l'effect à long terme d'une pêcherie sur ce système serait extrêmement difficile à établir. Les relations fonctionnelles entre les diverses composantes de l'écosystème océanique sont encore si mal connues que toute tentative visant à modeler ou gérer les effets de telle ou telle pêcherie de haute mer serait vouée à l'échec. Ce serait encore plus problématique pour une pêcherie côtière, car les eaux côtière sont tellement exploitées avec des engins de pêche si différents, ou tellement influencées par d'autres facteurs anthropogéniques, qu'il est impossible de prévoir avec précision l'incidence d'une pêcherie au filet dérivant sur l'écosystème côtier.

Un autre objectif consisterait donc à aménager une pêcherie au filet dérivant de telle sorte que l'on puisse maîtriser son impact sur certaines espèces ou populations individuelles. C'est l'approche qui a été retenue en méditerranée où la italienne au filet dérivant à grande maille a été interdite en raison de son impact non sélectif sur les populations de cétacés. Cependant, même cette approche est problématique. Il y a au moins trois méthodes possibles pour aborder ce problème: 1) supprimer l'impact, 2) le limiter à des niveaux acceptables 3) ne pas en tenir compte.

La première de ces trois stratégies, en dernière extrémité, pourrait être adoptée afin que des mesures soient prises pour interdire la capture des espèces concernées. Là où une espèce de mammifères marins est répartie au même moment et dans la même zone où une pêcherie exerce wson activité, une interdiction totale de pêche serait certainement nécessaire. Une telle approche serait très difficile à justifier, surtout parce que, dans un souci de cohérence, il faudrait interdire presque toutes les autres pêcheries. Des mammifères marins sont occasionelement tués dans la plupart des pêcheries, et l'impact sur l'alimentation et les revenus des populations côtères humanines serait inacceptable pour la majorité des gouvernements.

Une interprétation plus appropriée de la stratégie “impact nul” consisterait à adopter des mesure de gestion qui réduiraient les probabilités de mortalité dans une période de temps donné à un bas niveau spécifié, afin de maintenir les taux d'abondance les plus élevés possibles pour les espèces concernées. C'est là l'objectif ultime de l'Acte américain de protection des mammifères marins, en vertu duquel les captures de mammifères marins de quelque espèce que ce soit ou les blessures qui leur sont infligées, doivent être réduites à “des niveaux insignifiants approchant une mortlaité et un taux de blessures sérieuses nuls”. Les mesures de gestion pourraient ensuite comprendre la fermeture temporaire de zones, ou une réglementation concernant la longueur des filets et le nombre des bateaux. Cependant, il convient de souligner là encore que lorsqu'il s'agit d'un mammifère marin, les mesures de gestion doivent inclure de très sévères restrictions, si ce n'est une interdiction totale de la pêche au filet dérivant.

La deuxième approche consiste à aménager la pêcherie de façon à maintenir indéfiniment une certaine dimension de population d'espèces non visées. Des informations complémentaires doivent être obtenues avant de pouvoir élaborer des mesures de gestion. Il faut tout d'abord créer un programme de recherche indépendant pour connaître le nombre et la dynamique des populations de l'espèce concernée. L'effet de l'accroissement de taux de mortalité doit être confirmé, la taille de la population “originale” doit être évalué et la structure de cette population doit être bien comprise (en termes de répartition des stocks et d'interrelations génétiques).

Il est évident que ces tâches soulèvent des difficultés considérables. L'estimation des taux de capture, par exemple, peut être extrêmement malaisée, car des estimations de ce type sont souvent extrêmement différentes d'une étude à l'autre. Comme les captures annexes ne sont pas activement recherchée par la pêcherie, et lorsqu'il y a peu de corrélation entre la répartition des espèces recherchées et celles qui ne le sont pas, il risque d'y avoir évidemment de grandes variations selon les années, dues à l'évolution des schémas de répartition de la pêcherie et des captures annexes. L'estimation des taux de capture de phoques à fourrure du nord dans les pêcheries de calmar au filet dérivant dans le Pacifique Nord constitue un bon exemple en la matière (Tableau 17). On ne peut pas non plus partir nécessairement de l'hypotyhèse qu'il existe une taille de population d'un équilibre parfait qui puisse servir de paramètre pour comparer la taille des populations actuelles. Il sera également nécessaire de décider du niveau auquel la diminution de population est “acceptable”, de déterminer les critères pour l'établissement des niveaus “acceptables” de diminution, et d'appliquer des programmes de contrôle aussi bien de la pêcherie que des captures annexes. Les mesures de gestion pourraient inclure des restrictions temps/zone, des modifications d'engins, des limitations d'effort ou même des fermetures de la pêcherie si aucun autre moyen efficace d'atteindre cet objectif n'est trouvé. On peut essayer de gérer une pêcherie de cette façon, comme cela a été fait pour la pêcherie américaine de thon à nageoire jaune capturé à la senne tournante par exemple, mais il faut se rappeler que le coût d'une telle opération, si elle est pleinement réalisée, peut en définitive dépasser la valeur de la pêcherie, et si elle est financée par la pêcherie elle-même, celle-ci risque alors, dans certains cas, de n'être plus rentable.

Avec l'une ou l'autre de ces deux stratégies, il est nécessaire aussi de déterminer quelles sont les espèces ou populations touchées par la pêcherie qui doivent être étudiées. Si les populations les plus vulnérables sont utilisées comme indicateurs des dommages causés à l'environnement, il faut alors pouvoir disposer d'un certain volume d'informations générales avant de choisir telle espèce ou telle population. C'est là un travail préliminaire important parce que l'on peut facilement méconnaître l'épuisement d'espèces peu connues ou rares, ou ignorer l'existence de populations hétérogènes. En prenant des mesures à l'égard des pêcheries existantes, il faut aussi avoir en mémoire les effets cumulés qu'elles ont peut-être déjà eus sur des populations non recherchées et, en fait, se demander si elles n'ont pas d'ores et déjà modifié l'équilibre écologique d'un système en prélevant des poissons prédateurs et permis ainsi à des mammifères marins d'accroître leur population au-delà de son état “premier”.

La troisième approche - celle du “laissez faire” - est parfaitement simple sur le plan de la gestion. On laisse les pêcheries au filet dérivant poursuivre leur activité sans se préoccuper de leur impact sur les espèces non recherchées. C'est ce qui s'est passé jusqu' à une date récente dans la plupart des pêcheries. Les préoccupations actuelles au sujet de la pêche au filet dérivant - on peut mentionner à cet égard la Résolution des Nations Unies (44/225) sur les grandes pêcheries pélagiques au filet dérivant - autorisent à penser que, pour la haute mer du moins, une telle approche n'est plus acceptable.

Ce type de pêche génère une autre inquiétude, celle de voir les filets dérivants perdus ou abandonnés continuer à “effectuer des pêches fantômes”, en piégeant des animaux pendant un certain temps. Là où de grandes quantités de nappes ont été déployées, un taux d'abandon ou de perte même faible peut se traduire par un volume important de nappes perdues qui subsistent un certain temps, car le nylon est long à se décomposer. Eisenbud (1985) a estimé que plus de 17 km de nappe pourraient être perdues chaque nuit dans le Pacifique Nord, c'est-à-dire plusieurs milliers de kilomètres par an.

Une grande partie des débris d'engins de pêche abandonnés sur les plages dans le golfe de l'Alaska consistait en fragments de chaluts, les fragments de filets n'en représentant que 1 pour cent de débris en 1989 (Johnson 1990). La proportion assez faible de nappes de filet dérivant est peut-être simplement due à la relative proximité des deux types de pêcherie. Une mission canadienne bénévole d'étude sur les filets dérivants a répertorié des débris de filet dérivant abandonnés le long de la côte ouest canadienne depuis 1986. On peut comptait 25 en 1987, 6 en 1988 et 89 en 1989; l'accroissement de cette dernière année est probablement dû à un effort d'observation accrue. Si aucun animal emmêlé n'a été trouvé en 1989, un oiseau l'a été en 1988. On suppose que ces filets dérivants perdus provenaient de la pêcherie de calmars aux filets dérivants (Hargreaves et Carter 1988, 1989). Après avoir procédé à des expériences concernant les filets dérivants flottant librement dans l'eau, les Japonais ont constaté qu'une nappe abandonnée est remontée par l'action de l'eau et du vent, et que des segments de 2 km de filet sont enroulés complètement en pelote après environ 20 jours, rendant la poursuite de la pêche impossible (Mio et al. 1988).

Bien que, jusqu'ici, rien ne vienne vraiment corroborer l'idée que les nappes fantômes constituent un problème majeur, la pollution de l'environnement marin par des fragments de filets doit à tout prix être évitée. En vertu de l'annexe V de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL), qui est entré en vigueur le 31 décembre 1988, le rejet de nappes de filets en mer est illégal, et les 41 gouvernements signataires sont tenus d'installer dans les ports les dispositifs nécessaires pour le recueil de ces débris. La perte accidentelle, plus que le déversement de filets en mer, reste un problème plus difficile à résoudre.

3.3 L'avenir des pêcheries au filet dérivant et leur gestion

La Résolution des Nations Unies (44/225) sur les filets dérivants de grandes dimensions a mis en lumière quelques problèmes importants concernant ces pêcheries. Elle stipule qu'il doit être mis un terme aux grandes pêcheries pélagiques au filet dérivant en 1992 (les opérations en haute mer) sauf si (par exemple ces opérations en haute mer) “des mesures réelles de conservation et de gestion sont prises sur la base d'analyses statistiquement solides effectuées conjointement par les parties concernées de la communauté internationale ayant un intérêt dans les ressources de pêche de la région …”. Bien que cette phrase puisse sans aucun doute donner lieu à de nombreuses interprétations, il est clair que de telles “analyses” devront être effectuées dans le cadre des organismes de gestion des pêches, existants ou nouveaux, et des conventions internationales. Cette disposition figure également aux articles 118 et 119 de l'UNCLOS.

Toutefois, la Résolution des Nations Unies encourage également les pays côtiers à prendre les mesures appropriées et à coopérer pour le recueil et la présentation de données scientifiques sur la pêche au filet dérivant dans leurs zones économiques exclusives. Les problèmes d'environnement que posent les pêcheries au filet dérivant de haute mer ne sont fondamentalement pas différents de ceux qu' implique ce même type de pêche dans les eaux côtières; une approche conjointe semble donc appropriée si les pays riverains veulent s'acquitter de leurs devoirs et responsabilités en ce qui concerne la gestion des ressources qui leur sont allouées dans le cadre de l'UNCLOS.

Les raisons qui militent en faveur de la création de régimes de gestion pour les zones de haute mer sont plus nombreuses que celles qui sont énoncées dans la Résolution des Nations Unies. L'extension à la haute mer de la pêche au filet dérivant s'explique en grande partie par l'exclusion des flottes de pêche hauturière des ZEE côtières et de l'accroissement de la demande mondiale en produits de la mer. Les ressources de haute mer seront donc inévitablement soumises à une exploitation de plus en plus intense, et pas seulement de la part des pêcheries au filet dérivant. On ne pourra parvenir à une utilisation rationnelle et durable des ressources de ces zones, en évitant dans toute la mesure de possible les conflits entre pêcheries concurrentes, que par l'instauration de régimes de gestion, accompagnés des modalités d'application et des moyens scientifiques appropriés.


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