III. Quelques questions importantes
LE SIDA - LE PRIX D'UNE ÉPIDÉMIE
Jusqu'à récemment, les décideurs considéraient le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), cause du syndrome de l'immunodéficience acquise (SIDA) comme un problème de santé mais, à mesure que l'épidémie progresse, il semble que ses effets se répercutent sur tous les secteurs de l'économie, puisqu'il fait monter en flèche les coûts de la santé et de la sécurité sociale, cause des pénuries de main-d'oeuvre et réduit la productivité. Le SIDA influera de manière significative sur les économies nationales, le secteur agricole et la sécurité alimentaire. Pour limitées que soient les données disponibles, elles montrent clairement que les effets démographiques profonds du SIDA freineront sérieusement ou feront même reculer la croissance économique dans certaines régions. Il est urgent de lancer un débat de fond sur les effets qu'a le SIDA sur l'économie des pays en développement, et ce, pour trois raisons.
D'abord, contrairement à la plupart des épidémies, le SIDA est principalement transmis par contact sexuel; or, le groupe d'âge sexuellement actif de la société (la tranche de population ayant en gros entre 15 et 45 ans) est aussi le plus productif du point de vue économique. Les survivants, enfants et personnes âgées, sont les moins aptes à gagner leur vie.
Ensuite, bien qu'actuellement le SIDA cause beaucoup moins de décès que le paludisme, la tuberculose, les maladies cardiaques ou le cancer, il se propage rapidement. Cette situation est aggravée par le fait que, dans bien des sociétés, les comportements sexuels sont un sujet intime et même tabou, et qu'il est donc plus difficile d'intervenir pour stopper la propagation de la maladie. On estime que, dans certains pays, les taux d'infection doublent en six mois seulement3.
Enfin, bien que le SIDA soit toujours mortel, il peut, dans les pays en développement, prendre jusqu'à deux ans avant de causer la mort. Ce décalage entre cause et effet, dénommé «la phase silencieuse», n'encourage pas les gens à abandonner des comportements à risque tels que des activités sexuelles non protégées ou la consommation de drogue par voie intraveineuse. Il implique aussi que la population infectée peut se multiplier rapidement avant que n'apparaissent des symptômes indiquant la présence du virus.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 14 à 15 millions de personnes sont porteuses du virus du SIDA dans le monde entier et que, au cours des cinq prochaines années, ce chiffre montera à entre 40 et 50 millions de personnes, y compris des millions d'enfants; 90 pour cent de ces malades se trouveront dans des pays en développement.
L'incidence économique du SIDA
La propagation incontrôlée du SIDA risque de créer des pénuries de main-d'oeuvre qualifiée et non qualifiée. Des attaques morbides prolongées et répétées réduisent sensiblement la productivité des travailleurs; la mort prive les enfants et les membres âgés de la famille de leur seul moyen de subsistance. Bien que les travailleurs qualifiés ne représentent qu'une faible proportion de la population dans les pays en développement, il est très onéreux de remplacer la contribution qu'ils font à l'économie.
On s'attend à une montée en flèche des coûts déjà très élevés des soins de santé à prodiguer aux victimes du SIDA. Dans plusieurs villes africaines, plus de 50 pour cent des lits d'hôpital sont actuellement occupés par des malades du SIDA. En République-Unie de Tanzanie, les cliniciens estiment que, en moyenne, les adultes séropositifs subissent 17 épisodes morbides liés au VIH avant de mourir, et les enfants de six à sept. Dans les pays en développement, le coût moyen des soins de santé par mort du SIDA se chiffre à 150 pour cent du revenu par habitant. La demande excessive de soins de santé que crée la séropositivité empêche une nation de s'attaquer à d'autres problèmes sanitaires pressants et détourne des ressources d'investissements productifs dans d'autres secteurs.
Les coûts indirects du SIDA, y compris le manque à gagner des malades, sont encore plus inquiétants puisque, selon les estimations, ils représenteraient au moins 10 fois les coûts directs des soins de santé. Pour donner une idée de l'ampleur du problème, la Thaïlande a estimé que, d'ici l'an 2000, les coûts directs des soins de santé seront à eux seuls de l'ordre de 65 millions de dollars4. Une étude du PNUD précise que, en Asie, ces coûts seront principalement à la charge des particuliers et de leur famille (contrairement à ce qui se passe dans les économies occidentales où ces coûts sont généralement pris en charge par des régimes d'assurance publics ou privés). Il est probable qu'il en sera de même dans d'autres régions en développement, puisque les ressources publiques affectées aux soins de santé seront vite épuisées.
Le manque de ressources oblige les gouvernements à choisir entre des investissements consacrés à la croissance à long terme et des dépenses à court terme répondant aux impératifs urgents des soins de santé. Dans les pays en développement, les soins palliatifs prodigués par l'Etat aux victimes du SIDA ont un coût à court terme relativement élevé dont la société ne tire aucun avantage puisque la maladie est toujours mortelle. Au Kenya par exemple, un séjour à l'hôpital de 60 jours coûte 938 dollars, soit le triple du PNB par habitant.
Dans le tiers monde et surtout dans les pays où l'agriculture constitue une part importante du PIB, lorsque la mortalité due au SIDA réduit la main-d'oeuvre agricole, il faut faire de gros investissements pour compenser les baisses de production agricole.
Une baisse de la production agricole compromet la sécurité alimentaire des ménages et des nations. Dans six sur dix des pays d'Afrique subsaharienne, la ration alimentaire est déjà inférieure à la norme minimale; une baisse de l'état nutritionnel accroît la vulnérabilité à la maladie et à la mort tout en diminuant encore la productivité. En outre, lorsque les pays ne peuvent satisfaire la demande alimentaire, ils sont obligés d'avoir davantage recours aux importations et à l'aide alimentaire.
L'incidence du SIDA sur la production agricole a déjà été observée en Ouganda, en Tanzanie et en Zambie, où des enquêtes détaillées révèlent qu'en réponse à une réduction de la main-d'oeuvre, les agriculteurs adoptent des pratiques qui nuisent à la productivité immédiate et future. Par exemple, des activités agricoles habituelles telles que labourage, désherbage, plantation et paillage sont retardées, mal exécutées ou abandonnées, ce qui rend les récoltes plus mauvaises; ces pratiques perpétuent ou aggravent aussi les risques que présentent les parasites et les maladies des végétaux, mettant en danger des ménages particuliers et des communautés entières.
En outre, les pénuries de main-d'oeuvre forcent les agriculteurs à réduire leur surface cultivée; si la terre retourne à la brousse, il est difficile de la remettre en culture et les droits d'usufruit peuvent être perdus du fait que la terre n'a pas été cultivée en permanence. Il arrive que les agriculteurs choisissent leurs cultures parce qu'elles exigent peu de main-d'oeuvre plutôt que pour leur valeur nutritionnelle ou marchande. A mesure que les cultures à forte intensité de main-d'oeuvre sont abandonnées, la gamme des spéculations décline et les mauvaises récoltes deviennent plus graves du fait qu'il y a moins de produits de rechange. En cas de substitution, certaines cultures de rapport destinées à l'exportation seront réduites ou abandonnées, ce qui restreint les possibilités de faire rentrer des devises.
En dehors des pénuries de main-d'oeuvre, la mort d'agriculteurs productifs produit une érosion des connaissances agricoles accumulées au fil des siècles au sujet des variétés locales et des compétences et techniques culturales spécialisées. En conséquence, la diversité génétique de variétés adaptées aux besoins locaux, qui constituent la base de l'agriculture de subsistance, risque de décliner et certaines variétés traditionnelles sont menacées d'extinction.
Afin de maintenir la productivité lorsque la main-d'oeuvre agricole diminue, il faut faire des investissements pour accroître la productivité des agriculteurs restants ou attirer de la main-d'oeuvre d'autres secteurs. Dans certains pays, ces solutions se heurtent à des obstacles considérables.
En Ouganda par exemple, l'agriculture représente actuellement 70 pour cent du PIB, 95 pour cent des recettes d'exportation et 90 pour cent de l'emploi. Selon les estimations, 20 pour cent des Ougandais âgés de plus de 15 ans seraient séropositifs. A mesure que la mortalité s'élève, chaque personne productive devient responsable d'un plus grand nombre de personnes à charge; au cours des cinq prochaines années, il y aura environ un million de nouveaux orphelins. La maladie et la mort grèvent constamment les ressources des ménages et des communautés et il devient de plus en plus difficile de maintenir, et à plus forte raison d'accroître, la productivité. Comme les autres secteurs n'absorbent que 10 pour cent de la main-d'oeuvre en Ouganda, et compte tenu des tristes circonstances, on voit mal comment l'agriculture réussirait à attirer de la main-d'oeuvre supplémentaire.
On peut remplacer la main-d'oeuvre par d'autres intrants, par exemple accroître la mécanisation, l'accès au crédit, l'utilisation de produits chimiques et de semences améliorées et la vulgarisation. Les pertes de productivité pourraient être compensées par l'octroi d'une aide internationale et par des investissements publics servant à moderniser les méthodes de production. Comme les ressources sont rares et que les effets du SIDA varieront sans doute très fortement selon la région, il est essentiel de faire une évaluation exacte de la situation locale avant de lancer des interventions.
Les statistiques mondiales sur le SIDA reposent sur un maigre volume de recherche et elles changent rapidement à mesure que des programmes de recherche révèlent de nouvelles informations sur la maladie. Par exemple, en 1993, le Center for Disease Control des Etats-Unis a élargi la définition du SIDA pour inclure trois nouvelles maladies parmi les indicateurs: la tuberculose pulmonaire, la pneumonie bactérienne chronique et le cancer de l'utérus à métastases. Ce simple changement de définition a fait doubler le nombre de cas de SIDA5. Si ce phénomène est observé dans un pays qui a l'un des programmes de lutte contre le SIDA les plus développés du monde, on saisit mieux la difficulté d'arriver à des chiffres mondiaux exacts.
En outre, en l'absence de centres de dépistage et de diagnostic, les chiffres sont sous-estimés. Le faible nombre de cas enregistrés et estimatifs de malades du SIDA et de séropositifs dans les pays en développement est attribuable à des facteurs divers, dont l'insuffisance des fonds à consacrer au dépistage, le faible taux de cas diagnostiqués du fait que rares sont les malades du SIDA qui voient un médecin; les erreurs de diagnostic dues à un manque de formation et à la fréquence d'autres maladies concomitantes telles que la tuberculose et le manque de fonds pour tenir des registres exacts. Nombreuses sont les estimations des cas de séropositivité qui reposent sur des calculs rétroactifs faits à partir du nombre de cas de SIDA diagnostiqués. Or, ces chiffres sont trompeurs car ils ne comprennent que les malades ou les morts alors qu'il peut y avoir 10 fois plus de séropositifs ou même 100 fois plus en Asie du Sud et du Sud-Est où la pandémie n'en est, pense-t-on, qu'à ses premiers stades. Malgré cette faiblesse, certaines tendances utiles aux planificateurs et aux décideurs commencent à apparaître.
ENCADRÉ 3 Le syndrome de l'immunodéficience acquise (SIDA) est le nom d'un état clinique mortel attribuable à l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), qui détruit progressivement la capacité de l'organisme à se protéger des maladies. Ainsi, beaucoup de malades du SIDA meurent de pneumonie, de tuberculose ou de diarrhée; la mort n'est pas causée par le VIH lui-même mais par une ou plusieurs de ces infections. Le VIH-1 et le VIH-2 sont deux virus similaires, qui tous deux détruisent le système immunitaire de l'organisme. Le VIH-1 se trouve partout dans le monde et se propage plus rapidement, le nombre de séropositifs doublant actuellement en 5,7 années environ. Selon les estimations de l'OMS, dans cinq ans (en l'an 2000), 30 à 40 millions de personnes seront infectées par le VIH-1, dont la moitié en Afrique subsaharienne. L'incidence de la transmission de mère à nouveau-né est de 10 à 30 pour cent et de nombreux nouveau-nés ont des symptômes au bout de quatre mois. Le VIH-2 se trouve essentiellement mais non exclusivement en Afrique de l'Ouest et le nombre de séropositifs double en 31 ans; il est rarement transmis de la mère au nouveau-né. L'expression «comportements à risque» désigne les relations sexuelles hétérosexuelles ou homosexuelles sans usage de préservatif ou l'injection de drogue par aiguille ayant déjà servi. L'expression «groupes à risque» comprend, en termes épidémiologiques, les personnes qui, par leur comportement, s'exposent à maintes reprises à un risque élevé (par exemple celles qui se droguent par voie intraveineuse, les prostituées, les personnes qui ont plusieurs partenaires sexuels sans utiliser de préservatif). Par «situations à risque», on entend une insuffisance de ressources sanitaires, un faible niveau d'instruction, la pauvreté, une urbanisation rapide, des bouleversements sociaux et une marginalisation sociale et économique ainsi qu'un niveau élevé de maladies évitables. Source: British Medical Journal, 1991. |
A la fin de 1993, les deux tiers des séropositifs du monde se trouvaient en Afrique subsaharienne, région qui ne compte que 10 pour cent de la population mondiale. Environ 50 pour cent de la population totale de cette région sont dans la tranche d'âge de 15 à 45 ans à haut risque et économiquement productive; avec le taux de natalité qui est le plus élevé du monde, la région a enregistré une croissance démographique de 3,2 pour cent au cours de la dernière décennie et sa production par habitant est la plus faible du monde. Selon les estimations d'une étude récente, la mortalité liée au SIDA fera baisser de moitié le taux de croissance du PIB de l'Afrique subsaharienne au cours des cinq prochaines années6.
Par exemple, dans le cadre de la plus grande étude du genre menée en Afrique subsaharienne, on a étudié pendant deux ans la mortalité des habitants de 15 villages du district de Masaka dans le sud-ouest de l'Ouganda, pour la plupart des paysans pratiquant une agriculture de subsistance. Plus de 80 pour cent de la mortalité du groupe d'âge de 13 à 44 ans était due au VIH-1. Le taux de mortalité le plus élevé touchait les hommes de 25 à 34 ans et les femmes de 13 à 34 ans. Un nombre important de ces décès intervenait moins de six mois après l'apparition des premiers symptômes. Le VIH-1 est moins fréquent à Masaka que dans beaucoup de centres urbains d'Afrique7.
En outre, en Afrique subsaharienne, le VIH-1, qui se propage plus rapidement que le VIH-2, est plus courant et il a causé des poussées de tuberculose, qui représente maintenant la principale cause de mortalité des séropositifs. Contrairement au VIH, la tuberculose est facilement transmise par contact fortuit et routinier au sein du ménage, ce qui met en danger les membres de la famille et des communautés entières.
A eux seuls, ces facteurs suffisent à créer les conditions propices à un désastre. Lorsqu'on y ajoute d'autres caractéristiques de la région - faiblesse des rendements agricoles et baisse de la production par habitant -, il est clair que l'Afrique subsaharienne pourrait être l'épicentre mondial de la mortalité due au SIDA, qu'il s'agisse de la maladie elle-même ou de son incidence sur les moyens d'existence de la population.
En Amérique latine et dans les Caraïbes, les schémas de transmission ont nettement changé au cours de la dernière décennie. Les relations hétérosexuelles sont maintenant responsables de 75 pour cent des infections et le nombre d'enfants infectés au stade périnatal a très fortement augmenté. Le nombre de séropositifs serait de l'ordre de 1,5 à 2 millions de personnes, dont la plupart dans les centres urbains. Les nombreux touristes, voyageurs d'affaires et travailleurs migrants propagent le virus. Le Brésil se classe au quatrième rang des pays du monde qui ont le plus grand nombre de cas recensés de SIDA et ce nombre a quadruplé de 1990 à 1992. En moyenne, on estime que les soins prodigués à un malade du SIDA représentent plus de huit fois le montant du PNB par habitant8.
En Asie, le nombre de séropositifs augmente plus rapidement que dans toute autre région du monde. En Thaïlande, par exemple, il a doublé en 1990, et plus que doublé encore depuis; d'ici cinq ans, il pourrait être de l'ordre de 4 millions de personnes9. En 1992, le gouvernement a mis en oeuvre des programmes d'éducation, de sensibilisation et de suivi global visant à réduire les taux d'infection.
En Inde, on estimait qu'à la fin de 1992 il y avait entre 600 000 et 3 millions de séropositifs.
Au Proche-Orient et en Afrique du Nord, on dispose de peu de renseignements sur le SIDA et le nombre de cas recensés est très faible. Au Liban, on craint que du sang provenant de dons de l'étranger, qui a servi à des transfusions pendant les 15 années de guerre civile, n'ait été contaminé. En outre, beaucoup de Libanais qui étaient partis en Afrique pendant la guerre reviennent maintenant, certains avec le SIDA. Bien que les nombres soient faibles, le Ministère de la santé a déjà lancé un vigoureux programme d'information publique pour promouvoir l'usage de préservatifs contre l'infection.
Schémas de transmission et facteurs de risque
A présent, il existe une forte corrélation entre la pauvreté et la croissance rapide du SIDA. Là où la pauvreté est endémique, un plus fort pourcentage de la population est à la fois plus vulnérable à l'infection et moins à même de lutter contre ses effets. D'autres risques sanitaires, comme une mauvaise nutrition et un manque de médicaments et d'infrastructures sanitaires font que la maladie évolue plus rapidement des premiers symptômes jusqu'au décès. En Afrique subsaharienne, par exemple, il s'écoule en moyenne de six mois à deux ans entre l'infection et la mort, alors que dans les pays développés cette période est de 10 ans.
La recherche épidémiologique a aussi révélé qu'une forte mobilité augmente le risque de séropositivité. Par exemple, d'importantes migrations saisonnières ou permanentes, une industrie touristique florissante ou une infrastructure de transport développée peuvent faciliter la propagation rapide du virus.
Le VIH est transmis par relations sexuelles dans 75 à 85 pour cent des cas, à savoir par relations hétérosexuelles dans 70 à 75 pour cent des cas et homosexuelles dans 5 à 10 pour cent des cas. Il se transmet aussi par injection de drogue (5 à 10 pour cent), de la mère à l'enfant (5 à 10 pour cent) et par l'usage médical de sang ou de produits sanguins contaminés (3 à 5 pour cent). Ces moyennes dissimulent toutefois des différences importantes entre pays et régions et dans un même pays ou une même région.
Au début des années 80, le SIDA était principalement un phénomène urbain, caractéristique qui est maintenant associée aux premiers stades de la pandémie. Alors que nous approchons du milieu de la deuxième décennie du SIDA, les taux d'infection montent en milieu rural10. En un mouvement presque parallèle, les épidémies nationales semblent démarrer dans la couche socioéconomique la plus élevée et s'étendre ensuite vers le bas. De même, au début des années 80, le SIDA touchait principalement les couches aisées et c'est encore le schéma que l'on observe dans les pays où la maladie est peu répandue11. Si le taux de transmission reste stable, le nombre absolu de séropositifs augmentera pour la simple raison qu'il y a davantage de pauvres en milieu rural.
A mesure que la maladie descend l'échelle socioéconomique, elle resserre l'étau de la pauvreté. Les pauvres ont moins accès aux soins de santé et à l'éducation. Les analphabètes sont plus fragiles sur le plan économique et ils sont d'autant plus vulnérables qu'ils reçoivent rarement des informations sur la prévention du SIDA. De toutes façons, les pauvres n'ont souvent pas les moyens pratiques ou financiers de se procurer des préservatifs.
La pauvreté induit les gens à migrer à la recherche d'un emploi; cette dislocation sociale entraîne souvent des comportements à risque tels que l'abus de drogues ou la participation à l'industrie du sexe, en tant que fournisseur ou acheteur. Les migrants qui retournent chez eux transmettent souvent le VIH. La pauvreté influe aussi sur les attitudes à l'égard du risque; les besoins immédiats de nourriture et de logement peuvent amener certains à travailler dans l'industrie du sexe pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille vivant à la campagne. Même en dehors de l'industrie commerciale du sexe, il est courant d'échanger des faveurs sexuelles contre des gains matériels s'il n'existe pas d'autres possibilités de gagner sa vie.
Le SIDA a des effets profondément différents sur les femmes et sur les hommes. La situation d'infériorité dans laquelle se trouvent les femmes est un facteur important de risque dans la propagation du SIDA. D'abord, en raison d'une combinaison puissante de facteurs biologiques et sociaux, les femmes sont 2,5 fois plus souvent infectées par des hommes que le contraire. Ensuite, tous les autres facteurs de risque sont aggravés chez les femmes. Elles sont plus souvent illettrées; s'occupent plus souvent de malades et de mourants, tout en ayant une charge plus lourde de travail rémunéré ou non, au foyer, dans l'agriculture et dans d'autres secteurs. Chez les femmes, la pauvreté a tendance à limiter toutes les autres options, y compris le choix d'avoir ou non des relations sexuelles et le choix de leur partenaire. Elles ont moins de chances que les hommes de connaître l'usage des préservatifs, d'y avoir accès, d'avoir les moyens d'en acheter et le pouvoir de les faire utiliser.
En Afrique et dans certaines parties de l'Asie et de l'Amérique latine, ce sont les femmes qui assurent le plus gros des travaux agricoles. Lorsqu'elles ne peuvent pas travailler parce qu'elles sont malades ou s'occupent de malades, il s'ensuit donc une forte baisse de productivité. En outre, dans beaucoup de pays africains, les femmes ont peu de droits, notamment de droits à la propriété. Une femme dont le mari meurt du SIDA risque d'être privée de ses biens par la famille de son mari et renvoyée chez elle, où elle et ses enfants seront à la charge de sa propre famille. Ou encore, elle épousera un des frères de son mari, auquel cas, si elle est séropositive, elle l'infectera et infectera ses autres épouses et leurs enfants futurs. Selon les prévisions de l'OMS, la mortalité infantile augmentera de 50 pour cent au cours de la décennie en Afrique subsaharienne.
En outre, dans beaucoup de pays en développement, la valeur et le prestige d'une femme dans la société sont directement liés à sa fécondité. L'absence d'enfants peut conduire à la disgrâce et à l'humiliation sinon au divorce et à la relégation. Cette attitude encourage la propagation du SIDA car l'hostilité de la société à l'égard de la contraception entrave l'utilisation du préservatif.
Le SIDA est plus qu'un problème de santé. Il a d'importants effets socioéconomiques à long terme sur la sécurité alimentaire, la productivité agricole et les économies nationales.
Les dépenses mondiales annuelles consacrées à la prévention de la maladie sont actuellement de l'ordre de 1,5 milliard de dollars, dont moins de 200 millions de dollars constituent des dépenses de pays en développement, où se trouvent quelque 85 pour cent des infections. Une étude récente faite pour le Programme mondial de l'OMS sur le SIDA laissait entendre qu'un programme global de prévention du SIDA et des maladies sexuellement transmissibles pourrait coûter jusqu'à 2,9 milliards de dollars par an dans les pays en développement, soit de 10 à 15 fois le montant actuel des dépenses. L'étude estime toutefois que ce programme permettrait à 9,5 millions d'adultes de ne pas devenir séropositifs d'ici l'an 2000. Le moyen le plus économique de maîtriser la propagation du virus est d'agir vite sur les groupes à haut risque et à fort taux de transmission. Comme ces groupes ont un grand nombre de relations sexuelles, on estime qu'en empêchant un cas d'infection, on évite dix fois plus d'infections dans le reste de la population. La prévention du SIDA repose sur certaines interventions cruciales: diffuser des informations sur la manière d'éviter l'infection, promouvoir l'usage du préservatif, traiter d'autres maladies sexuellement transmissibles et réduire la transmission par le sang.
Une solide volonté politique est essentielle à la lutte contre le SIDA, mais les interventions procurent peu d'avantages politiques et peuvent devenir très controversées du fait qu'elles portent sur des comportements sexuels.
L'OMS avertit qu'il n'existe pas de stratégie unique pouvant servir de panacée dans tous les pays. Les décideurs devraient donc peut-être considérer la pandémie de SIDA comme une série de «sous-épidémies» dans des pays ou des régions présentant des caractéristiques différentes telles que les taux de prévalence du VIH, les taux de transmission et le nombre de cas de SIDA existants. Par exemple, l'Ouganda a un grand nombre de cas de SIDA alors que la Thaïlande a un grand nombre de séropositifs mais jusqu'à présent peu de cas de SIDA. Chaque pays exigera donc une approche différente.
Les effets du SIDA soulignent la nécessité de prendre des mesures pour atténuer la pauvreté et accroître l'équité, notamment à l'égard des femmes, sur lesquelles le SIDA a les plus graves répercussions. En supprimant la discrimination à l'encontre des femmes, sur le marché du travail, dans l'accès au crédit et à l'éducation et dans le droit à la propriété, par exemple, on augmentera les revenus féminins. Or, il a été amplement démontré qu'une hausse des revenus et du niveau d'instruction des femmes est directement liée à une amélioration de la santé des enfants et de la famille. Il est clair que le SIDA fera baisser le niveau de vie de tout le monde et non pas seulement des personnes atteintes.
Enfin, il faut soulever la question de la participation des responsables agricoles à la lutte contre le SIDA et ses conséquences. Le problème dépasse le cadre de l'agriculture et a de vastes répercussions économiques, sociales et démographiques mais, dans la mesure où il influe sur la sécurité alimentaire, les services agricoles publics doivent formuler et exécuter des programmes qui compléteront les programmes d'éducation et d'information, de soins de santé, de prévention et d'assistance sociale. Pour que ces mesures soient efficaces, il est toutefois indispensable qu'elles reposent sur des connaissances adéquates. Or, non seulement la maladie n'est pas bien comprise, mais sa dynamique - ses effets actuels et possibles sur les zones urbaines et rurales - n'a pas fait l'objet de recherches et d'études adéquates.
Les responsables agricoles ont besoin d'information supplémentaire sur les effets probables que la maladie aura sur l'offre et la demande alimentaires, à savoir sur l'évolution probable de l'équilibre entre les vendeurs nets de produits alimentaires et les acheteurs nets (qui sont principalement les populations urbaines) ainsi que sur la mesure dans laquelle le SIDA et ses effets peuvent influer sur les niveaux et les structures de la production agricole. Du côté de la demande, des recherches sont nécessaires sur la manière dont les niveaux et les schémas de consommation alimentaire évolueraient à la suite d'une réduction de la population et du revenu par habitant. Les interventions devront alors s'attaquer à des problèmes spécifiques, notamment les suivants: i) compenser la perte d'ouvriers agricoles solides de 15 à 45 ans en introduisant des technologies économisant de la main-d'oeuvre et créer des incitations à l'agriculture; ii) remembrer des parcelles agricoles pour qu'elles restent cultivées à la mort de leurs exploitants - il faudrait modifier les règlements fonciers pour permettre des modalités aussi souples que possible de location, vente ou autres arrangements et, si l'achat de terres constitue une option viable, il faudra peut-être prévoir du crédit; iii) compenser la réduction des approvisionnements alimentaires par des importations de vivres ou par une aide alimentaire.
L'expression «réchauffement de la planète» désigne le processus par lequel des concentrations atmosphériques croissantes de «gaz à effet de serre» contribuent à réchauffer la Terre. En bref, alors que des gaz comme le gaz carbonique, le méthane et la vapeur d'eau laissent passer les rayons de soleil à ondes courtes, ils absorbent l'énergie rayonnante à longues ondes et la reflètent à la surface de la terre. De nombreux scientifiques estiment qu'une concentration croissante de ces gaz fera monter la température moyenne du globe.
Le gaz carbonique (CO2) provenant du brûlage de combustibles fossiles et de biomasse représente environ 50 pour cent de la poussée du rayonnement attribuable à l'homme. Parmi les autres gaz à effet de serre importants, citons le méthane (CH4), produit par les marais, les décharges, le bétail et les cultures de marécage comme le riz, et l'oxyde nitreux (N2O) provenant de la nitrification et de la dénitrification des sols, de l'application d'engrais azotés et des changements d'utilisation des sols. Les pratiques agricoles actuelles et les changements d'utilisation des sols contribuent pour environ un tiers aux effets de serre prévus.
Bien que les scientifiques ne souscrivent pas tous à l'idée que le réchauffement de la planète a déjà commencé, beaucoup d'entre eux conviennent que la température s'élèvera lentement à l'avenir. L'augmentation des concentrations de gaz à effet de serre aura les principales conséquences suivantes: relèvement des températures moyennes, surtout des températures nocturnes dans les régions tempérées; changements locaux des ratios entre précipitations et évaporation et déplacement connexe des zones agroécologiques; et montée du niveau de la mer pouvant aller jusqu'à 40 cm d'ici à l'an 2100 (par suite de l'expansion thermique des océans et peut-être de la fonte de la calotte polaire)12. Depuis un siècle, la température annuelle de la terre près de la surface a augmenté de 0,3 à 0,6 °C et le niveau mondial de la mer a monté d'environ 12 cm. Ces changements ont déjà eu des effets sur l'agriculture ainsi que sur les climats locaux et d'autres conditions intéressant l'agriculture.
De l'avis de la FAO, certaines caractéristiques du changement de climat et de ses conséquences au niveau national laissent encore place à trop de conjectures pour que les pays en développement soient justifiés de réaliser des investissements spécifiques, compte tenu des lourdes sommes qu'ils doivent trouver pour satisfaire des besoins alimentaires et agricoles immédiats. Par ailleurs, la communauté scientifique a atteint un certain consensus sur le fait que l'effet de serre est réel, que la concentration de gaz à effet de serre a augmenté à un rythme sans précédent au cours des dernières décennies13, que la planète se réchauffera lentement et que ces changements influeront sur les secteurs de l'agriculture, de l'élevage, de la forêt et de la pêche. En outre, certaines politiques agricoles qui seraient justifiées quel que soit le scénario et en termes de coûts-avantages pourraient aider à ralentir les effets néfastes du changement de climat.
Quand on examine les effets du réchauffement de la planète sur l'agriculture, la forêt et la pêche, on découvre un thème commun: les effets les plus significatifs sont peut-être les plus difficiles à prédire. En outre, les grandes tendances des moyennes mondiales masquent des différences cruciales quant à l'incidence des dégâts à attendre du réchauffement. Ces différences sont d'autant plus marquées que les pays qui souffriront probablement le plus du réchauffement sont justement ceux qui risquent d'être le moins à même de réagir.
Incidence du réchauffement de la planète sur l'agriculture, la forêt et la pêche
Il est difficile de prédire comment la hausse des températures associée au réchauffement de la planète influera sur la productivité agricole. En effet, nombre des changements attendus auront à la fois des effets positifs et négatifs sur la production. Par exemple, la hausse des températures accroîtra sans doute les rendements dans les pays à latitude élevée mais les fera baisser dans les pays plus proches de l'équateur; ce sont donc les pays en développement qui seront le plus touchés. L'augmentation des concentrations de gaz carbonique, qui est aussi prévue, pourrait accélérer la pousse des végétaux, mais aussi bien celle des plantes cultivées que des plantes adventices, dont la concurrence pour l'eau et les éléments nutritifs s'intensifiera. D'autres expériences ont montré que lorsque le gaz carbonique augmente, les plantes utilisent plus efficacement l'eau, ce qui pourrait devenir très important dans les régions semi-arides.
De même, le réchauffement de la planète aura des effets divers sur l'élevage. A certains endroits, la hausse des températures pourrait encourager la migration vers le pôle de parasites animaux, promouvoir la croissance du cheptel et réduire les besoins en aliments du bétail, mais il est tout aussi probable qu'ailleurs le cheptel sera réduit. Les effets sur les pêches seront tout aussi divers. En raison de la complexité des interactions entre le réchauffement de surface, les courants océaniques chauds et froids et les espèces marines liées entre elles, il est difficile de prédire les effets sur des peuplements spécifiques d'espèces commerciales de poisson.
Une montée possible de plusieurs décimètres du niveau de la mer influerait non seulement sur le littoral et sur les structures qui s'y trouvent, mais aussi sur l'hydrologie, les sols et la végétation naturelle ou cultivée jusqu'à une distance appréciable de la côte. La nature et l'étendue de ces changements dépendront de la durée de la saison sèche, de l'apport de sédiment par les cours d'eau et de la fréquence des orages et cyclones14.
A mesure que la température augmentera, l'habitat naturel de nombreuses essences d'arbres pourrait progresser vers des latitudes ou des altitudes plus élevées. Les forêts épuisées par le changement de climat deviendraient plus vulnérables aux dégâts causés par les incendies, les insectes, la pollution et les maladies. La diversité génétique serait réduite; il ne resterait que les régions et les types d'arbres le plus résistants, et beaucoup d'arbres et de plantes de sous-bois pourraient être perdus.
Certains chercheurs font une distinction importante entre les effets du réchauffement de la planète sur la production mondiale et sur les gains qu'en tireraient consommateurs et producteurs. Par exemple, le réchauffement pourrait diminuer les rendements de 5 pour cent dans une région mais faire monter les cours mondiaux de 10 pour cent, ce qui pallierait l'effet négatif sur l'agriculture. On peut donc s'attendre à ce que les répercussions varient nettement d'une région à l'autre et que, par conséquent, il y ait un déplacement des lieux propices à de nombreuses activités agricoles, souvent à travers des frontières nationales ou administratives.
En l'absence d'expériences faites à grande échelle sur le terrain, on ne peut arriver à aucune conclusion précise sur la répartition géographique des incidences, sur l'interaction entre les facteurs écologiques et socioéconomiques ou sur les secteurs agricoles qui risquent le plus d'être touchés. Certains indices permettent toutefois de penser que: i) en l'absence de stress, beaucoup de cultures annuelles pourraient profiter de l'effet de fertilisation du gaz carbonique et de l'amélioration de l'efficacité d'utilisation de l'eau; ii) la végétation naturelle et certaines cultures pérennes profiteront sans doute moins du réchauffement et pourraient même en souffrir dans une mesure encore inconnue; iii) la qualité des produits agricoles et leur valeur nutritive, les sols, l'interaction des cultures et des forêts avec les parasites et les maladies et la disponibilité d'eau pourraient être modifiés; iv) les effets du changement de climat ne seront sans doute pas les mêmes sur les pays développés et les pays en développement; v) le climat sera vraisemblablement plus variable d'une saison à l'autre et d'une année à l'autre, ce qui accroîtra les risques de mauvaises récoltes et de pénuries alimentaires. Ces indications sont toutefois très entachées d'incertitudes du fait que les modèles de la circulation mondiale sont peu fiables et que l'on connaît mal les réactions biophysiques des cultures et des écosystèmes à une augmentation du gaz carbonique.
Contribution de l'agriculture, la forêt et la pêche aux gaz à effet de serre
Il y a relativement peu d'activités agricoles, forestières et halieutiques qui contribuent à l'émission de gaz à effet de serre. Le déboisement est la cause la plus importante d'émissions de CO2 venant de l'agriculture et des forêts. L'élevage et la production de cultures irriguées et de cultures de marécages représentent 70 pour cent des émissions totales de CH4 (voir tableau 2); les émissions de N2O sont le plus souvent associées au changement des pratiques de gestion des sols (qui modifient les processus naturels de nitrification et de dénitrification), au brûlage de bois et, dans une faible mesure, à l'utilisation d'engrais azotés.
Le réchauffement de la planète est un phénomène semblable à l'appauvrissement de la couche d'ozone dans la stratosphère en ce que les émissions provenant d'un pays ont presque le même effet que celles qui proviennent d'un autre pays. Toutefois, les émissions de produits chimiques qui appauvrissent la couche d'ozone sont concentrées dans un assez petit nombre de pays et attribuables à des entreprises relativement peu nombreuses. Il est donc plus facile d'arriver à une série d'accords qui restreignent progressivement la production et l'émission de ces produits chimiques.
Au contraire, les émissions de gaz à effet de serre se produisent dans le monde entier et sont imputables à presque toutes les entreprises et tous les ménages. Le problème exige donc une coordination internationale à vaste échelle, ce qui complique le suivi et l'application des mesures qui commencent à être prises.
En raison du décalage entre cause et effet, il est difficile de réagir au réchauffement de la planète au niveau mondial. Par exemple, alors que les effets locaux de certaines émissions industrielles sont extrêmement réduits quelques jours après qu'elles ont cessé, c'est au siècle prochain que l'on pense voir les effets les plus significatifs des émissions de gaz à effet de serre. Or, étant donné les incertitudes scientifiques qui entourent le réchauffement et ses effets, ainsi que les coûts associés à la réduction des émissions, il est difficile d'arriver à des accords portant sur la diminution des gaz à effet de serre.
Vu ces complications et incertitudes, l'approche qui se fait jour actuellement au niveau international est en deux temps. Au cours de la première phase concernant le court terme, on s'intéresserait à la recherche et à des mesures justifiées quel que soit l'avenir. Au cours de la deuxième phase, à plus long terme, on prendrait des engagements difficiles au sujet du réchauffement qui ne seraient suivis d'effet que si de nouvelles recherches démontraient qu'il est indispensable d'éviter que la planète ne se réchauffe.
Mesures à court terme et valables de toutes façons
Dans le cadre de la première phase, on prendrait des mesures technologiques et économiques qui seraient justifiables même si le réchauffement ne devait pas poser de problème, en ayant notamment recours à des technologies existantes et économiquement applicables. Par exemple, il existe des techniques d'éclairage abordables qui permettraient de réduire la consommation de combustibles fossiles. Accroître le recours à ces technologies exigerait toutefois des programmes d'éducation du public. De même, certaines techniques actuelles permettant d'utiliser les engrais azotés de manière plus efficace, qui sont déjà justifiées par une baisse des coûts et une augmentation de la productivité, réduisent aussi les émissions de N2O.
Dans le cadre de cette approche prudente, on ferait des réformes qui sont déjà justifiées et souhaitables pour améliorer l'efficacité économique mais qui ont aussi des effets directs ou indirects importants sur les émissions de gaz à effet de serre, par exemple des réformes des systèmes et politiques de marché qui faussent les coûts économiques et fixent le prix des ressources à un niveau trop bas. Ces mesures ne laisseront pas de regrets puisqu'elles sont souhaitables même sans réchauffement.
Mesures liées à l'agriculture, à la foresterie et à la pêche
Parmi les politiques agricoles importantes qui pourraient être encouragées parce qu'elles contribuent à réduire les gaz à effet de serre, citons le reboisement, la conservation des matières organiques des sols et l'amélioration des systèmes d'irrigation et d'épandage des engrais. Beaucoup pensent que, dans certains pays en développement, des mesures de lutte contre le déboisement s'imposent de toutes façons puisque le déboisement entraîne de nombreux autres problèmes graves (perte de la biodiversité et diminution de la protection des bassins versants). Pour réduire le CO2, on peut aussi améliorer le rendement énergétique et réduire ou éliminer les subventions au combustible pour les utilisateurs agricoles. En prenant des mesures pour améliorer la formulation des engrais et réduire le gaspillage d'engrais, on pourrait réduire les émissions de N2O et, en améliorant la qualité des aliments pour animaux, on pourrait peut-être réduire les émissions de CH4 et de N2O. Si l'on juge que le réchauffement de la planète est une menace assez grave, il faudra peut-être envisager de prélever des taxes sur l'utilisation d'engrais ou d'imposer des restrictions à l'apport d'énergie. Ces dernières mesures ne seront pas viables dans beaucoup de pays en développement qui souffrent ou risquent de souffrir de pénuries alimentaires, mais les programmes de recherche en cours permettront peut-être de trouver d'autres moyens de réduire les émissions concernées.
TABLEAU 2 | |||
Gaz agricoles à effet de serre et tendances | |||
CO2 |
CH4 |
N2O | |
TOTAL |
|||
Durée dans l'atmosphère |
120 ans |
10,5 ans |
132 ans |
Potentiel de réchauffement direct de la planète1 |
1 |
11 |
70 |
Potentiel de réchauffement indirect de la planète2 |
0 |
+ 10 |
... |
Concentration préindustrielle (1750-1800) |
280 ppmv |
0,80 ppmv |
288 ppbv |
Niveaux actuels (1990) |
353 ppmv |
1,72 ppmv |
310 ppbv |
Augmentation moyenne annuelle (%) |
0,53 |
0,94 |
0,25 |
Réduction nécessaire pour stabiliser les émissions aux niveaux actuels (%) |
> 60 |
15-20 |
70-80 |
AGRICULTURE |
|||
Emissions provenant de l'agriculture (%) |
30 |
70 |
90 |
Principales sources agricoles |
Déboisement |
Cultures irriguées et de marécages; digestion des ruminants |
Pratiques de gestion des sols; utilisation d'engrais azotés |
Tendance 1900/1990-2100 |
Baisse |
Augmentation de 10-30% |
Augmentation de 5-10% |
1 Par rapport au CO2 à un
horizon de 100 ans. |
Bien que le CH4 soit un élément important de la contribution que fait l'agriculture au réchauffement de la planète, on s'intéresse peu actuellement à la possibilité d'avoir recours à des impôts ou à des restrictions quantitatives pour réduire ces émissions. En dehors des taxes et contingents, il serait possible d'adopter des pratiques culturales différentes (dans le cas du riz par exemple) ou de produire et de fournir des aliments pour animaux de meilleure qualité (pour atténuer les émissions provenant du bétail). A plus long terme, toutefois, si le réchauffement devient un grave problème, il faudra peut-être envisager des politiques plus contraignantes (telles que des taxes sur les marchandises associées à de fortes émissions de CH4 ou l'imposition de contingents sur ces produits). En outre, il y aurait lieu de développer les programmes de recherche et d'éducation sur d'autres techniques permettant de réduire les émissions de CH4, comme une amélioration de la gestion des décharges et des effluents venant du bétail.
Dans le cas des forêts, deux mesures à long terme sont à envisager. D'abord, il faudrait s'intéresser davantage à lutter contre le déboisement. On devrait encourager les gouvernements à éliminer les politiques qui contribuent au déboisement et dans certains cas à promouvoir le reboisement. Dans de nombreuses régions du monde, le défrichage des forêts n'a qu'une très faible rentabilité pour l'agriculture et freiner le déboisement serait peut-être un moyen efficace d'obtenir une réduction allant jusqu'à 10 pour cent des émissions de CO2. Des prêts internationaux pourraient fournir le financement dont auraient besoin les pays qui souhaiteraient mettre un terme à un déboisement regrettable.
Ensuite, en replantant des arbres sur des terres auparavant cultivées, ou en étendant les forêts existantes, on absorberait davantage de carbone. Des travaux de recherche récents mettent toutefois en doute l'efficacité par rapport aux coûts de tels programmes à grande échelle. Selon ces études, l'offre de terres sur lesquelles il serait économiquement valable de faire pousser des arbres est limitée. En termes simples, les terres qui sont en général les plus propices à la sylviculture d'absorption du carbone sont aussi assez favorables aux cultures, ce qui accroît le coût d'opportunité de la terre. En outre, le reboisement n'absorbe du carbone que pendant que la forêt croît mais, lorsqu'elle arrive à maturité, les pertes de carbone attribuables à la décomposition et aux incendies compensent l'absorption de carbone par la pousse. Par contre, l'emmagasinage de carbone dans les matières organiques du sol, qui est déjà deux ou trois fois supérieur à celui de la biomasse sur pied, présente des possibilités intéressantes; de plus, il améliorerait la qualité du sol.
Il est probable que les travaux de recherche sur les effets du réchauffement, la réduction des émissions et les mesures palliatives à prendre iront dans plusieurs directions. L'un des domaines présentant un grand intérêt pour l'agriculture, la foresterie et la pêche est celui de la recherche sur les effets qu'auront les changements du niveau de l'eau sur les cultures de marécages ainsi que sur les variations locales des ratios précipitations-évaporation et leurs conséquences sur la pousse des plantes locales et l'eau disponible pour l'irrigation en aval. De manière plus générale, les travaux de recherche pourraient réduire les incertitudes et faciliter la formulation de politiques. Toutefois, le manque de recherche ne devrait pas servir de prétexte à l'inaction dans des domaines cruciaux, particulièrement lorsque les projets ou les interventions envisagés seraient valables même en l'absence de réchauffement.
Si le réchauffement de la planète est «confirmé», les décideurs devront considérer un autre train de mesures à long terme, dont les plus importantes viseraient à réduire le brûlage de combustibles fossiles. Des mesures supplémentaires seraient orientées vers l'agriculture et la foresterie, comme on l'a vu plus haut.
Pour réduire les émissions de gaz carbonique, on peut accroître le rendement énergétique, réduire la consommation d'énergie, modifier le dosage d'utilisation de combustible fossile et remplacer les combustibles fossiles par la biomasse. Par exemple, des politiques qui découragent la consommation de combustibles à forte teneur en carbone (comme le charbon) en faveur de combustibles à plus faible teneur en carbone (comme le gaz naturel) réduiront les émissions de gaz carbonique du fait que les seconds produisent moins de CO2 par unité d'énergie. On obtiendrait des réductions encore plus importantes en remplaçant les combustibles fossiles par des énergies sans carbone comme l'électricité d'origine hydraulique, géothermique, solaire ou éolienne ou la bioénergie.
Au cours des prochaines décennies, la tâche des décideurs sera surtout compliquée par les nombreuses incertitudes qui entourent le réchauffement de la planète, ses effets climatiques et biologiques et son incidence sur des secteurs spécifiques de l'économie et sur la société dans son ensemble. Ces incertitudes sont particulièrement prononcées pour l'agriculture et elles deviennent de plus en plus fortes à mesure que l'on regarde vers l'avenir. La plus grande d'entre elles concerne le degré de détail géographique dont on a besoin pour établir des politiques appropriées. C'est pourquoi il est urgent d'obtenir des informations sur les relations de cause à effet.
Il faut aussi aborder des questions essentielles d'équité internationale afin d'évaluer qui prendra à sa charge le coût de réduction des gaz à effet de serre. Aux fins d'établissement d'une politique agricole, les questions soulevées ci-dessus pourraient aider à déterminer les méthodes de réduction des émissions de gaz à effet de serre que les pays riches et pauvres auront respectivement les moyens d'adopter.
LES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES MULTILATÉRALES DE L'URUGUAY ROUND
Les Négociations commerciales multilatérales de l'Uruguay Round ont été entamées en 1986 à Punta del Este (Uruguay) et l'Acte final qui conclut ces négociations a été signé à Marrakech en avril 1994. Il comprend des accords et décisions qui revêtiront une grande importance économique pour le monde entier et pour les pays en développement. En ce qui concerne le secteur agricole, les textes les plus importants sont l'Accord relatif à l'agriculture, l'Accord relatif aux mesures sanitaires et phytosanitaires et la Déclaration relative aux mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays en développement les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires.
Dispositions de l'Acte final de l'Uruguay Round
Sous réserve qu'il soit ratifié, l'Accord relatif à l'agriculture doit entrer en vigueur en 1995 et les engagements pris par les pays développés de réduire le soutien et les subventions à l'exportation et d'élargir l'accès à leurs marchés doivent être entièrement honorés dans un délai de six ans, c'est-à-dire d'ici à l'an 2000. Les pays en développement ont 10 ans, jusqu'en 2004, pour tenir leurs engagements. Quant aux pays les moins avancés, ils ne sont tenus de faire aucune réduction. L'Accord relatif à l'agriculture porte sur la plupart des produits qui sont normalement considérés comme des produits agricoles (y compris les produits forestiers et les produits de la pêche) à l'exception du caoutchouc, du jute, du sisal, de l'abaca et du coco, qui sont couverts par les négociations sur les produits industriels; comme tels, et puisque l'accord sur les produits industriels ne prévoit pas ce type d'engagement, ces produits sont exemptés de toute réduction du soutien intérieur. Au début, les négociations sur les produits tropicaux ont été menées séparément de celles sur l'agriculture mais, à la fin, elles ont été regroupées.
Les engagements sur l'accès au marché comportent trois éléments: tarification, réduction des tarifs et possibilités d'accès. En premier lieu, les signataires doivent transformer leurs barrières non tarifaires en tarifs. Cela signifie que des barrières non tarifaires spécifiques (contingents, prélèvements variables, prix minimaux à l'importation, licences discrétionnaires, commercialisation par l'Etat, accords de restriction volontaire et autres mesures frontalières semblables) doivent être abolies et remplacées par un tarif équivalent (droits ad valorem ou spécifiques). La méthode consiste pour l'essentiel à établir un tarif équivalant à la différence en 1986-1988 entre le prix intérieur (en général le prix de gros interne) et le prix extérieur (en général la valeur unitaire c.a.f. à l'importation convertie en monnaie nationale). Des ajustements sont possibles pour tenir compte de la qualité ou de la variété; toutefois, la plupart des pays en développement ont choisi de faire appel à une clause spéciale qui leur permet de fixer des droits plafonds consolidés au lieu d'établir une tarification complète.
Les droits ordinaires, y compris ceux qui résultent d'une tarification, doivent être réduits de 36 pour cent en moyenne sur l'ensemble des produits dans un délai de six ans à compter de 1995, le taux de réduction minimal étant de 15 pour cent pour chaque position tarifaire (pour les pays en développement, les chiffres sont respectivement de 24 et 10 pour cent). La réduction tarifaire sera faite par tranches annuelles égales et tous les droits de douane seront consolidés.
Comme les barrières non tarifaires existantes ont parfois réduit les importations à zéro ou à un volume négligeable, l'Accord prévoit des dispositions spéciales concernant les possibilités d'accès minimum. Lorsque les importations sont négligeables, un accès minimum égal à 3 pour cent de la consommation interne en 1986-1988 est établi pour 1995, chiffre qui passe à 5 pour cent de la consommation des années de base à la fin de la période d'exécution. Les possibilités d'accès minimum sont appliquées en fonction d'un contingent tarifaire à faible taux établi sur la base de la nation la plus favorisée. Lorsque les possibilités actuelles d'accès dépassent ce minimum, elles seront maintenues et accrues pendant la période d'exécution.
L'Accord relatif à l'agriculture contient des clauses spéciales de sauvegarde, qui permettent d'imposer des droits supplémentaires lorsque les importations flambent ou lorsque les prix sont particulièrement bas (par rapport aux niveaux de 1986-1988 dans les deux cas). En cas de montée subite des importations (définie par un écart précis entre la moyenne des importations des trois années précédentes et la variation la plus récente de la consommation), les droits supplémentaires ne doivent pas dépasser le tiers des droits de douane ordinaires en vigueur. Lorsque le prix des importations est faible (en monnaie nationale), les pays peuvent imposer un droit supplémentaire qui augmente progressivement à mesure que le prix des importations tombe davantage en dessous de son niveau des années 1986-1988. Ainsi, dans le cas de fortes chutes du prix des importations, l'Accord a un effet stabilisateur marqué sur les prix intérieurs. Cet effet aggraverait toutefois la chute des cours mondiaux du fait que les droits supplémentaires freineraient l'augmentation de la demande d'importation qui serait nécessaire pour aider à soutenir les cours internationaux.
La plus grande innovation de l'Accord relatif à l'agriculture concerne peut-être les réductions du soutien intérieur. La méthode générale adoptée consiste à diviser les mesures en deux groupes: i) celles qui ont un effet minime ou nul sur la production ou ne créent pas de distorsions commerciales (catégorie de la case verte); et ii) celles qui sont soumises à des réductions. Le soutien total accordé à l'agriculture en 1986-1988 par ces dernières, calculées sous forme de Mesure globale du soutien, doit faire l'objet d'une réduction de 20 pour cent dans les pays développés entre 1995 et 2000 et de 13,3 pour cent dans les pays en développement entre 1995 et 2004. Les réductions portent sur le niveau total du soutien et non sur des produits individuels.
Les mesures classées dans la case verte, qui sont exemptées de réductions, sont celles qui ne comportent pas de soutien des prix à la production et dont le soutien est fourni par l'Etat et non par les consommateurs. La liste des politiques exemptées est très longue et comprend les services généraux (recherche, formation, vulgarisation, inspection, commercialisation et promotion, infrastructure), les stocks de sécurité alimentaire, l'aide alimentaire interne et certains paiements directs aux producteurs (assurance-revenu découplée et filets de sécurité; secours en cas de catastrophe, programmes de retraite pour les producteurs; aides à l'investissement; programmes de protection de l'environnement et assistance régionale).
Outre la catégorie case verte, les autres politiques exclues de la mesure globale du soutien comprennent les subventions à l'investissement que reçoit généralement l'agriculture dans les pays en développement et les subventions aux intrants agricoles qui sont généralement offertes aux paysans pauvres des pays en développement. Les mesures qui représentent une valeur de transfert aux producteurs d'un faible pourcentage (moins de 5 pour cent de la valeur de la production pour les pays développés et moins de 10 pour cent pour les pays en développement) ne comptent pas non plus au titre des critères d'accès minimum. Enfin, les paiements directs en faveur de programmes visant à limiter la production ont été exclus de la mesure globale du soutien actuelle, dans certaines conditions (à savoir qu'ils soient découplés ou que les paiements portent sur 85 pour cent ou moins de la production de base).
L'Accord relatif à l'agriculture énumère les subventions à l'exportation qui doivent être réduites: subventions directes, ventes de stocks par l'Etat à des prix inférieurs au prix du marché interne, paiements à l'exportation financés par des prélèvements obligatoires, frais de commercialisation à l'exportation subventionnés et tarifs spéciaux sur les transports intérieurs. Le volume des exportations bénéficiant de ces subventions doit être réduit de 21 pour cent et le coût des subventions à l'exportation de 36 pour cent entre 1995 et l'an 2000. Contrairement aux réductions du soutien intérieur, les réductions des subventions à l'exportation s'appliqueront à des produits individuels. En outre, le calcul du niveau final par produit des exportations subventionnées repose sur les moyennes de 1986 à 1990. Dans certains cas toutefois, les exportateurs ont été autorisés à maintenir un niveau d'exportations subventionnées plus élevé jusqu'en 1999, en se prévalant d'une option spéciale, qui les autorise à retenir les années 1991-1992 comme période de référence au lieu de 1986-1990 si le niveau des exportations subventionnées y était plus élevé, et à le ramener au même niveau final d'ici à l'an 2000.
L'Acte final prévoit aussi des dispositions pour empêcher que l'on circonvienne les engagements concernant les subventions à l'exportation. D'abord, les subventions à l'exportation non comprises dans les réductions ne doivent pas servir à circonvenir les engagements. Ensuite, les membres se sont engagés à oeuvrer en vue de disciplines convenues au niveau international sur l'utilisation du crédit à l'exportation et des garanties de crédit. Troisièmement, dans les cas litigieux, c'est à l'exportateur qu'il appartient de prouver qu'il n'y a pas eu violation des subventions à l'exportation. Enfin, l'Accord contient des dispositions importantes sur l'aide alimentaire, à savoir qu'elle ne doit pas être liée directement ni indirectement à des exportations commerciales; que les transactions relatives à l'aide alimentaire doivent être menées conformément aux principes d'écoulement des excédents de la FAO; et que cette aide doit être fournie dans toute la mesure possible sous forme de don ou à des conditions au moins aussi généreuses que celles qui sont prévues dans l'Article IV de la Convention relative à l'aide alimentaire de 1986.
Vers la fin des négociations, on a ajouté à l'Acte final l'Article 12, intitulé Disciplines concernant les prohibitions et restrictions à l'exportation, qui concerne la limitation des exportations de denrées alimentaires entrant dans le cadre du paragraphe 2(a) de l'Article XI du GATT; celui-ci permet l'application temporaire de ces restrictions pour éviter ou atténuer des pénuries cruciales de denrées alimentaires ou d'autres produits essentiels à la partie contractante exportatrice. Cette possibilité doit maintenant être resserrée. A l'avenir, les exportateurs doivent considérer les effets sur la sécurité alimentaire des pays importateurs et consulter les pays importateurs qui ont des intérêts importants en jeu, s'ils le demandent.
L'Accord relatif à l'agriculture prévoit un traitement spécial et différencié pour les pays en développement, qui risque toutefois d'être insuffisant. Ce traitement comprend trois éléments fondamentaux. D'abord, les pays en développement ont plus de temps pour s'ajuster et ils sont tenus de faire des réductions moins importantes de leur soutien. Le délai d'exécution est de 10 ans au lieu de six et les réductions prévues dans les domaines de l'accès au marché, du soutien interne et de la concurrence à l'exportation représentent les deux tiers de celles qui sont attendues des pays développés. En outre, les pays en développement ont droit à un soutien interne minimum de 10 pour cent au lieu de 5 pour cent pour les pays développés, et les pays les moins avancés sont exemptés de toute réduction.
En second lieu, un traitement spécial et différencié est accordé à divers types de politiques jugées acceptables par le GATT. Pour ce qui est des subventions à l'exportation, les pays en développement sont autorisés à accorder des subventions pour réduire les coûts de commercialisation des produits agricoles et les coûts marginaux du transport intérieur, alors que les pays développés doivent réduire ces subventions. En ce qui concerne le soutien interne, la catégorie case verte contient une clause spéciale pour les pays en développement concernant la détention de stocks publics aux fins de sécurité alimentaire et d'aide alimentaire interne. En outre, les pays en développement peuvent exclure les aides suivantes du calcul de la Mesure globale du soutien: i) subventions à l'investissement qui sont généralement offertes à l'agriculture; ii) soutien interne aux producteurs pour les encourager à abandonner les cultures illégales de narcotiques au profit d'autres cultures; et iii) subventions aux intrants agricoles fournies aux agriculteurs à faible revenu ou dénués de ressources, qui sont offertes à tous les producteurs répondant à certains critères.
Troisièmement, la Déclaration relative aux mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires contient des clauses spéciales à l'intention des pays en développement. La Déclaration repose sur l'idée que la libéralisation du commerce agricole fera sans doute monter les cours mondiaux des produits alimentaires et que la réduction des subventions à l'exportation augmentera également le prix effectif payé par les importateurs. On craint aussi que le volume de l'aide alimentaire, qui a toujours été étroitement lié au niveau des stocks d'excédents, ne diminue à mesure que ces stocks s'amenuiseront. La Déclaration promet une action visant à améliorer l'aide alimentaire en: i) examinant le niveau de l'aide alimentaire; et ii) fournissant une part croissante de l'aide sous forme de don. Elle promet aussi d'examiner les demandes d'assistance technique et financière visant à améliorer la productivité agricole et l'infrastructure, et dispose en outre que tout accord sur les crédits à l'exportation prévoiera «de manière appropriée un traitement différencié» en faveur de ces pays. Enfin, la Déclaration prévoit une assistance à court terme pour le financement d'importations commerciales normales venant d'institutions financières internationales «au titre des facilités existantes ou de facilités qui pourraient être créées, dans le contexte de programmes d'ajustement».
L'Acte final comprend aussi un important Accord relatif aux mesures sanitaires et phytosanitaires. Il reconnaît que les Etats ont le droit de prendre de telles dispositions mais seulement dans la mesure où elles sont nécessaires pour protéger la vie humaine, animale ou végétale et qu'elles ne devraient pas constituer une discrimination arbitraire ou injustifiable à l'encontre de pays où l'on trouve des conditions identiques ou similaires. Les pays membres sont invités à fonder leurs mesures sanitaires et phytosanitaires sur des normes, directives et recommandations internationales, lorsqu'elles existent, y compris sur le Codex Alimentarius et sur la Convention internationale pour la protection des végétaux. Les pays doivent toutefois maintenir ou adopter des normes élevées lorsqu'il existe une justification scientifique ou un risque reconnu. L'Accord décrit les procédures et critères d'évaluation des risques et la manière de déterminer les niveaux de protection adéquats. Il demande aux pays membres d'accepter les mesures sanitaires et phytosanitaires d'autres pays comme étant équivalentes si le pays exportateur peut démontrer au pays importateur que les mesures qu'il a prises correspondent au niveau de protection approprié du pays importateur. L'Accord prévoit des procédures de contrôle, d'inspection et d'approbation et contient aussi des clauses relatives à la transparence, y compris la publication de règlements, l'établissement de centres nationaux d'information et des procédures de notification. Il établit un Comité qui servirait de forum de consultation, maintiendrait le contact avec d'autres organisations et suivrait le processus d'harmonisation internationale.
L'Acte final contient aussi des textes qui se réfèrent à des aspects techniques du commerce; il s'agit notamment d'harmoniser les critères d'origine (autres que ceux qui ont trait à l'octroi de préférences) et de s'assurer que ces critères ne fassent pas inutilement obstacle aux échanges. Il comprend aussi un texte sur l'inspection avant expédition qui énonce les obligations des pays exportateurs et importateurs. L'Accord relatif à la mise en oeuvre de l'Article VI (antidumping et droits compensatoires) renforce l'obligation qu'a le pays importateur d'établir une relation claire de cause à effet entre les importations faisant l'objet d'un dumping et le tort subi par l'industrie nationale. Il prévoit des procédures pour traiter des cas d'antidumping. L'Accord relatif aux subventions et mesures compensatoires fait suite au Code des subventions existant et établit trois catégories de subvention: subventions prohibées, subventions pouvant donner lieu à une action et subventions ne donnant pas lieu à une action tout en prévoyant un traitement spécial pour les pays en développement. L'Acte final contient aussi un texte qui étend et clarifie l'Accord relatif aux obstacles techniques au commerce pour s'assurer que des règles et normes techniques ne créent pas de barrières inutiles au commerce et comprend un Code de pratique pour l'élaboration, l'adoption et l'application des normes. Le nouvel accord renforce les disciplines imposées aux utilisateurs de systèmes de licences d'importation, auxquelles on aura beaucoup moins recours que dans le passé. Il contient aussi de nouveaux textes sur l'Evaluation en douane et de nouvelles formalités d'adhésion à l'Accord relatif aux marchés publics existant afin de faciliter l'adhésion des pays en développement. Enfin, les accords de l'Uruguay Round resserreront aussi l'application des mesures de sauvegarde prises au titre de l'Article XIX en cas d'augmentation imprévue des importations qui serait susceptible de faire tort à l'industrie.
Outre l'accord relatif à la réduction des tarifs, il y a plusieurs autres accords importants. L'Accord relatif aux mesures concernant les investissements et liées au commerce interdit toute mesure incompatible avec les articles du GATT portant sur le traitement national (qui exigent que les marchandises importées ne fassent pas l'objet d'une discrimination par rapport aux marchandises nationales) et sur les restrictions quantitatives. En ce qui concerne les textiles et les vêtements, l'objet est d'assurer l'intégration ultérieure de ce secteur au GATT sur la base de règles et disciplines renforcées. Cela entraînerait non seulement la disparition progressive des restrictions prévues au titre de l'Arrangement multifibres (AMF) mais aussi des autres restrictions. L'Accord général sur le commerce des services étend à ce secteur une approche semblable à celle de l'AMF, avec des exemptions et autres dispositions telles que des clauses de transparence et des obligations de reconnaître. Il jette les fondements d'une libéralisation progressive des services et de modalités institutionnelles, dont des mécanismes de règlement des différends et un Conseil du commerce des services. L'Accord relatif aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, y compris le commerce de marchandises de contrefaçon, couvre des questions telles que droits d'auteur, marques de fabrique et de service, modèles industriels, brevets et secrets commerciaux. D'autres textes visent à réformer le système de règlement des différends, à confirmer le Mécanisme d'examen des politiques commerciales et à encourager une plus grande transparence dans le système du GATT.
Enfin, il a été décidé de créer une Organisation mondiale du commerce (OMC). Les décisions de cette organisation seront prises par consensus et, si un vote est nécessaire, chaque membre aura une voix. L'OMC fournira un cadre institutionnel commun pour mener des relations commerciales entre pays membres dans des domaines liés à l'Acte final. Elle absorberait le GATT actuel et devrait coopérer avec les institutions intéressées des Nations Unies et les organisations de Bretton Woods (Banque mondiale et FMI), afin d'arriver «à une plus grande cohérence dans l'élaboration des politiques économiques au niveau mondial».
L'Uruguay Round a également établi un Comité de l'agriculture, qui se réunira tous les ans pour examiner la mise en oeuvre de l'Accord. Ses membres pourront débattre de la question des parts de marché, de la question connexe des subventions à l'exportation et du problème de l'inflation en ce qu'il agit sur le niveau du soutien interne. Le Comité examinera la suite à donner à la Déclaration concernant les préoccupations des pays les moins avancés et des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires. Il participera aussi à l'établissement des formalités de notification concernant le recours aux clauses de sauvegarde et aux prohibitions et restrictions à l'exportation.
Effets sur les marchés agricoles
Pour vaste qu'il soit, l'Accord relatif à l'agriculture ne représente qu'un accord de libéralisation partielle. Dans l'ensemble, même une fois appliquées toutes les réductions prévues dans ces trois domaines, des distorsions importantes subsisteront sur le marché mondial des produits agricoles.
En général, selon la plupart des études et par rapport à la situation qui existerait sans l'Accord de l'Uruguay Round, on peut s'attendre à de modestes augmentations du prix des produits de zones tempérées (de 5 à 10 pour cent en moyenne) mais à des augmentations plus faibles ou même à de légères baisses des prix des principaux produits tropicaux (tableau 3). Les pays en développement sont préoccupés par les variations de prix à la fois des produits de zones tempérées et des produits tropicaux. En outre, l'expansion du commerce mondial de ces produits qui, selon les projections, devrait être plus lente qu'au cours des années 70 et 80, ne sera que légèrement stimulée par l'Accord de l'Uruguay Round. Il ne faut pas s'attendre à de grands changements du volume mondial des échanges, même si la structure des échanges évolue et ouvre des possibilités aux exportateurs les plus compétitifs.
Au-delà de l'agriculture, on peut s'attendre à des changements importants découlant de l'expansion des échanges au titre de l'AMF libéralisé. On prévoit une forte hausse des exportations de textiles vers les pays développés alors que la montée des prix freinera quelque peu la demande dans les pays en développement qui sont les plus gros consommateurs de textiles.
Dans l'ensemble, il est possible que la demande de fibres textiles soit stimulée, ce qui pourrait présenter un intérêt considérable pour les pays en développement exportateurs de fibres. En même temps, la hausse des revenus qui découlera de l'Uruguay Round pourrait avoir une influence favorable sur l'expansion des marchés agricoles mondiaux. On peut en effet penser que cette hausse des revenus, qui interviendra surtout dans les pays développés, accroîtra la demande de produits de haute valeur et de produits représentant des créneaux spéciaux comme les fruits et légumes exotiques, les fleurs coupées et les produits horticoles.
Les hausses de prix qu'enregistreront probablement les produits alimentaires de zones tempérées, conjuguées à la réduction des subventions à l'exportation, pourraient faire sensiblement monter les prix des importations payés par les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires, qui constituent la grande majorité des pays en développement. Dans ce contexte, la Déclaration relative aux mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays les moins avancés et des pays en développement importateurs nets de produits alimentaires pourrait, en principe, aider ces pays en cas d'augmentation des cours mondiaux des produits alimentaires et des factures d'importation.
S'il est probable que les cours mondiaux des produits agricoles changeront en conséquence de l'Accord de l'Uruguay Round, on ne sait pas ce qui arrivera aux stocks de produits alimentaires. A la suite de la libéralisation générale et de la réduction du rôle que joueront les Etats dans des activités de soutien des prix, les stocks gouvernementaux de produits agricoles pourraient baisser. Cette baisse sera peut-être modeste, mais il n'est pas sûr que le secteur privé comblerait l'écart. Si, comme il est probable, ce n'est pas le cas, les stocks alimentaires mondiaux s'en trouveront vraisemblablement réduits. Heureusement toutefois, les réductions prévues dans l'Acte final ne concernent pas le soutien prescrit aux stocks de sécurité alimentaire. Comme l'a demandé le Groupe intergouvernemental sur les céréales de la FAO à sa vingt-cinquième session de 1993, il est à espérer que les pays se prévaudront de cette exemption et se constitueront des réserves de sécurité alimentaire suffisantes, mais les pays en développement ne pourront peut-être pas déployer des efforts massifs à cet égard, car il est coûteux de détenir des stocks. Ils devront peser soigneusement les coûts et les avantages que comportent, d'une part, la constitution et l'utilisation de réserves alimentaires et, d'autre part, l'approvisionnement en produits alimentaires sur les marchés mondiaux.
Les effets sur chaque pays en développement individuel dépendront principalement de la structure de son commerce de produits agricoles et de la manière dont il tirera parti des nouveaux débouchés.
En Afrique, la plupart des pays sont importateurs de denrées alimentaires, en particulier de blé, de riz et de produits laitiers et exportateurs de produits tropicaux comme le cacao, le café, les fruits et certaines matières premières agricoles. La plupart comptent parmi les pays les moins avancés (28 sur plus de 50) et leurs exportations bénéficient au titre du Système généralisé de préférences ou de la Convention de Lomé d'un accès préférentiel dont la libéralisation mondiale des échanges risque de réduire la valeur. La hausse des cours internationaux prévue pour les produits de la zone tempérée, conjuguée à une forte réduction des subventions à l'exportation sur ces produits, laisse à penser que les pays importateurs paieront des prix sensiblement plus élevés. Ainsi, l'Afrique verra sans doute augmenter les montants en devises qu'elle devra consacrer à ses importations de céréales, de viande et de sucre et elle enregistrera probablement quelques gains sur les produits tropicaux, éventuellement le café et le coton. La situation varie d'une sous-région à l'autre.
Dans la région d'Amérique latine et des Caraïbes, un seul pays est classé parmi les pays les moins avancés. La région est dans son ensemble importatrice nette de céréales mais plusieurs pays exportent une ou plusieurs céréales, en particulier l'Argentine et l'Uruguay. Au total, la hausse du prix des céréales pourrait donc faire monter la facture d'importations de la majorité de ces pays. La région est exportatrice nette de la plupart des autres produits agricoles et, si la hausse des cours internationaux est répercutée sur l'économie nationale, les exportations nettes devraient encore progresser.
Le Proche-Orient est principalement une région importatrice nette, qui importe de grandes quantités de denrées alimentaires et qui cultive divers produits horticoles et du coton pour l'exportation. Elle ne compte que deux des pays les moins avancés. La hausse des prix des produits alimentaires de première nécessité devrait donner aux pays de cette région l'occasion de faire profiter leurs agriculteurs de cette hausse et de stimuler la production, mais ils resteront probablement importateurs nets. Dans le domaine de l'horticulture, l'enjeu consistera à tirer parti de la croissance des marchés dans la région même et en Europe.
L'Asie du Sud, où quatre pays comptent parmi les moins avancés, produit pratiquement assez de céréales de base pour satisfaire ses besoins mais elle est exportatrice nette de riz et importatrice nette de blé. Elle importe aussi des oléagineux et des produits laitiers mais est grosse exportatrice de produits agricoles tels que thé, épices, coton, jute, tabac et fruits. Au total, elle pourrait être légèrement perdante dans le commerce net de denrées alimentaires de première nécessité, en dehors de gains possibles dans le secteur du riz; la concentration de gains dans le secteur du riz jouera davantage toutefois en faveur des exportateurs de riz japonica que de ceux de riz indica. La région peut s'attendre à réaliser des gains plus importants sur les textiles grâce à la libéralisation de l'AMF, qui pourrait donner un coup de fouet à la production interne de fibres.
L'Asie du Sud-Est et de l'Est, où deux pays sont classés parmi les moins avancés, se trouvera dans une situation semblable à celle de l'Asie du Sud et pourrait pâtir de la hausse des cours mondiaux du blé et des céréales secondaires, qui compenserait largement les gains possibles à l'exportation attribuables à la hausse du cours du riz. A quelques notables exceptions près, la plupart des pays de la région resteront pratiquement autosuffisants en denrées alimentaires et l'évolution des prix due à l'Uruguay Round ne fera qu'accentuer cette tendance. Cette sous-région exporte une vaste gamme de produits, dont riz, oléagineux, fibres, boissons tropicales, fruits, sucre, manioc et cuirs et peaux. On ne s'attend pas à des gains importants dans le secteur des boissons tropicales; le marché du manioc pourrait se rétrécir; quant aux débouchés offerts au riz, ils dépendront en partie de la variété, comme il a déjà été signalé. La production de fibres pourrait être légèrement stimulée par l'augmentation de la demande provenant du secteur textile; les oléagineux, les fruits et les cuirs et peaux pourraient bénéficier d'une expansion du marché.
Les îles du Pacifique comprennent quatre pays classés parmi les moins avancés et sont généralement importateurs nets de produits alimentaires et exportateurs nets de sucre (Fidji) et de produits du palmier et du cocotier. Comme la plupart des pays manquent de terres, on peut penser qu'il n'ont que des possibilités restreintes d'accroître nettement leur production alimentaire, de sorte qu'ils devront continuer à se concentrer soigneusement sur la culture de produits de haute valeur et à exploiter les possibilités éventuelles de diversification.
L'Uruguay Round a établi un nouveau cadre commercial international pour l'agriculture, mais la libéralisation des échanges ainsi obtenue n'est que partielle; on peut donc s'attendre à ce que la question d'une nouvelle réduction des obstacles qui freinent le commerce des produits agricoles figure en bonne place au programme d'action internationale dans les années à venir. D'autres politiques commerciales prendront aussi une importance accrue, ce qui risque de compliquer au lieu de simplifier la réalisation de réformes. Il s'agit, notamment, de l'intégration des préoccupations écologiques et du commerce et de l'attraction croissante des regroupements économiques régionaux, des zones de libre-échange et des systèmes préférentiels.
Conséquences en matière de politiques
A la suite de l'Accord de l'Uruguay Round, les pays en développement auront à choisir entre une série d'options différentes, qu'ils soient ou non classés parmi les pays les moins avancés. La principale différence entre les deux groupes est que les pays les moins avancés ne sont pas tenus de réduire leur soutien mais ils doivent néanmoins se plier aux nouvelles disciplines. Les autres pays en développement doivent réduire leur soutien mais, dans le cadre de la clause de traitement spécial et préférentiel, ils peuvent faire des réductions moindres que celles des pays développés et les étaler sur un plus grand nombre d'années. La plupart des pays en développement prendront ces mesures dans le cadre de leurs programmes d'ajustement structurel. En matière de politique agricole et alimentaire, la tendance générale est actuellement à un ciblage plus précis, en partie en raison des inquiétudes suscitées par les difficultés administratives et les coûts excessifs que comportent les mesures actuelles, et cette tendance reflète en gros les exigences des programmes d'ajustement structurel. Il y a donc deux séries de politiques agricoles: celles qui sont circonscrites et dont l'usage est donc restreint, et celles qui sont en gros acceptables mais qu'il ne sera évidemment pas toujours possible d'employer.
TABLEAU 3 | |||||
Simulation des effets de la libéralisation des échanges au titre de l'Uruguay Round sur les cours mondiaux | |||||
Produits |
Sources | ||||
CNUCED/ WIDER (1990) |
Page, Davenport et Hewit (1991) |
FAPRI (1993) |
Brandao et Martin (1993) |
Goldin, Knudsen et van der Mansbrugghe (1993) | |
(...................................... pourcentage de variation ......................................) | |||||
PRODUITS DE LA ZONE TEMPéRéE |
|||||
Blé |
7,5 |
5,0 |
6,3 |
6,3 |
5,9 |
Céréales secondaires |
3,41 |
1,8 |
2,4 |
4,4 |
3,6 |
Riz |
18,3 |
1,2 |
4,4 |
4,2 |
-1,9 |
Viande |
13,0 |
5,3 |
0,5 |
6,16 |
4,78 |
Sucre |
10,6 |
5,0 |
... |
10,2 |
10,2 |
Soja |
0,0 |
... |
0,0 |
4,527 |
... |
Huile de soja |
0,1 |
... |
3,8 |
... |
4,19 |
Produits laitiers |
... |
9,3 |
6,95 |
10,1 |
7,2 |
PRODUITS TROPICAUX |
|||||
Café |
0,42 |
0,8 |
... |
0,41 |
-6,1 |
Cacao |
0,03 |
1,0 |
... |
0,14 |
-4,0 |
Thé |
0,5 |
... |
... |
2,34 |
3,0 |
Tabac |
0,34 |
... |
... |
... |
... |
Coton |
0,9 |
... |
... |
2,23 |
3,7 |
Arachides |
1,5 |
... |
... |
4,527 |
... |
Huile d'arachide |
0,6 |
... |
... |
... |
4,19 |
Plantes et fleurs |
... |
1,0 |
... |
... |
... |
Epices |
... |
0,2 |
... |
... |
... |
1 Moyenne simple du maïs et du sorgho. |
La principale conséquence de l'Accord relatif à l'agriculture est que les politiques qui, selon les critères établis, causent une distorsion de la production ou du commerce agricoles seront de plus en plus difficiles à justifier. Ces politiques comprennent un grand nombre de mesures adoptées par les pays en développement telles que prix mimimaux garantis, programmes de prix d'achat et de stabilisation des prix, même si certaines exemptions sont permises aux fins de sécurité alimentaire. Dans les cas où les prix administrés sont supérieurs aux cours mondiaux, les pays peuvent maintenir les prix administrés, mais les pays les moins avancés ne doivent pas consacrer à ces mesures et à d'autres mesures semblables un montant total supérieur à celui de 1986-1988 et les autres pays en développement doivent réduire ce montant. Du fait que la réduction du soutien interne est exprimée sous forme de mesure globale du soutien, les pays ont une certaine marge pour décider des réductions qu'ils souhaitent faire. Cette latitude associée à la politique des prix devrait être très utile aux pays en développement lorsqu'ils décideront des produits prioritaires auxquels accorder un soutien. Les subventions aux intrants sont jugées acceptables dans le cadre de l'Uruguay Round, à condition qu'une grande partie des agriculteurs des pays en développement y aient accès, mais elles le sont souvent moins dans le cadre des programmes d'ajustement structurel. Par ailleurs, la politique adoptée par beaucoup de pays en développement a visé essentiellement à taxer les producteurs agricoles, surtout ceux qui produisent pour l'exportation. Or, la taxation des producteurs et exportateurs agricoles n'est pas abordée dans l'Accord relatif à l'agriculture, mais elle fera sans doute partie de programmes internes de réforme.
On peut définir les mesures exemptées, celles qui sont classées dans la case verte, comme les interventions qui n'entraînent pas de «distorsions» de la production interne ou du commerce international ou qui n'entraînent que des distorsions minimes. Pour pouvoir être inscrites dans cette catégorie, les mesures doivent être financées par l'Etat et ne comporter ni : i) transferts des consommateurs aux producteurs, par exemple par la gestion de la structure des prix; ni ii) soutien direct des prix. Ces mesures figure à l'annexe 2 de l'Accord relatif à l'agriculture mais, si la liste des exemptions est longue, beaucoup d'entre elles impliquent des dépenses publiques que les pays en développement n'ont pas les moyens de faire. L'enjeu consistera à mettre au point des méthodes de soutien à utiliser dans les pays en développement qui soient peu coûteuses et découplées mais néanmoins capables de stimuler la production et la productivité agricoles.
Sous la double influence des changements du climat international des échanges et des programmes d'ajustement structurel, les gouvernements des pays en développement sont généralement obligés de réorienter leurs interventions, en cessant d'influencer les mécanismes de prix et en se concentrant davantage sur des programmes d'investissement dans l'infrastructure de l'économie agricole, en particulier des programmes visant à développer les services de commercialisation et à fournir des installations appropriées d'emmagasinage accessibles à la population rurale. En outre, il est recommandé de réorienter les ressources qui étaient consacrées à des subventions directes aux intrants vers une amélioration des programmes de crédit. Les réformes des politiques commerciales témoignent d'un abandon des contingents au profit des tarifs et d'une réduction générale de ces derniers.
En conclusion, c'est surtout en ce qui concerne la formulation future de politiques agricoles que l'Accord relatif à l'agriculture aura des incidences pour les pays en développement. Que la pression du changement vienne des nouvelles disciplines imposées par l'Acte final ou par celles qui découlent des programmes d'ajustement, elles vont dans le même sens: l'intervention sur les prix n'est plus l'instrument principal de la politique agricole. Pour savoir si l'agriculture des pays en développement peut progresser dans ces circonstances, alors que les prix des principaux produits d'exportation des pays développés feront encore l'objet de distorsions, certes moins fortes, il faudra étudier chaque cas séparément.
L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN
L'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) ratifié par les Etats-Unis, le Canada et le Mexique crée une zone de libre-échange peuplée de près de 370 millions d'habitants, qui représente le plus gros bloc commercial du monde, avec un PIB de 6 500 milliards de dollars, contre 5 500 milliards pour la CE. La signature de l'ALENA a fortement poussé la communauté internationale à faire aboutir les négociations multilatérales commerciales de l'Uruguay Round, qui en étaient encore à leur stade final à l'époque mais qui ont été menées à bien à la mi-décembre 1993. Du point de vue des pays d'Amérique latine et des Caraïbes, la ratification de l'ALENA entérinait une intégration économique accrue de l'hémisphère occidental.
Liens entre le Canada et le Mexique et les Etats-Unis
Même avant la signature de l'ALENA, le Canada et le Mexique étaient respectivement le deuxième et le troisième marché d'exportation des produits agricoles des Etats-Unis et le premier et le second fournisseur de produits agricoles aux Etats-Unis. Depuis la signature en 1989 de l'Accord commercial Canada-Etats-Unis, le commerce d'import-export de produits agricoles entre les deux pays était passé de 5,4 milliards de dollars à 9,4 milliards en 1992, soit une augmentation de 74 pour cent.
Au cours de la même période, le Canada a également accru sa part des exportations et des importations totales de produits agricoles des Etats-Unis. Le commerce de produits agricoles entre les Etats-Unis et le Mexique a augmenté de près de 97 pour cent, passant de 3,1 milliards de dollars en 1986 à 6,1 milliards en 1992, et le Mexique a aussi vu augmenter sa part des exportations et des importations totales de produits agricoles des Etats-Unis au cours de cette période.
Il est prévu que les échanges entre les trois pays augmenteront dans le cadre de l'ALENA. Par exemple, les Etats-Unis sont le premier exportateur de céréales secondaires vers le Mexique mais, dans le passé, les importations étaient limitées par des tarifs et des licences d'importation. L'Accord conclu entre le Mexique et les Etats-Unis sur l'agriculture prévoit l'élimination progressive des tarifs et licences d'ici à 2008. Les Etats-Unis devraient aussi exporter davantage de soja et de produits de l'élevage tels que viande de porc, de boeuf et volailles. Selon une étude, les exportations de produits agricoles des Etats-Unis auraient progressé de 2 à 2,5 milliards de dollars même sans l'ALENA. Le Mexique exporte principalement du café, du cacao, des bananes, des fruits et du bétail sur pied comme produits agricoles vers les Etats-Unis. L'ALENA devrait accroître ces exportations de 500 à 600 millions de dollars par an d'ici à la fin de la période de transition.
ENCADRÉ 4 ACCÈS AUX MARCHÉS L'Article 302 prévoit la suppression progressive des tarifs imposés par les Etats-Unis, le Canada et le Mexique sur les marchandises échangées entre les trois pays qui répondent aux critères d'origine. L'Article 703 comprend des engagements des parties à l'ALENA concernant l'accès des produits agricoles aux marchés. Les dispositions spécifiques d'accès aux marchés de l'Accord commercial Canada-Etats-Unis restent applicables aux échanges de produits agricoles entre ces deux pays. Dans un délai d'application de 15 ans, tous les tarifs seront supprimés sur les produits échangés par les signataires de l'ALENA. Dans le cadre de l'Accord commercial Canada-Etats-Unis, les tarifs seront éliminés sur la plupart des produits échangés entre les Etats-Unis et le Canada. La réduction des tarifs entre le Mexique et les Etats-Unis et entre le Mexique et le Canada se fera en quatre temps - immédiatement, dans cinq ans, 10 ans et 15 ans. Les produits sensibles tels que le sucre pour les Etats-Unis et le maïs pour le Mexique feront l'objet d'une période de transition de 15 ans. Outre les tarifs, l'ALENA supprimera les restrictions quantitatives telles que contingents et licences d'importation sur les produits échangés entre le Mexique et les Etats-Unis, qui seront remplacés soit par des contingents tarifaires soit par des tarifs ordinaires. Les importations restant en deçà du contingent tarifaire feront l'objet de tarifs inférieurs ou seront exonérées. Au-delà du contingent tarifaire, les importations devront payer des droits de douane qui seront progressivement éliminés pendant la période de transition. Les barrières non tarifaires sur les produits laitiers, les produits de la volaille et du sucre restent intacts dans le cadre de l'accord sur le commerce des produits agricoles conclu entre le Mexique et le Canada. Les trois pays sont également convenus d'éliminer les redevances d'utilisation des douanes. CRITÈRES D'ORIGINE L'ALENA créera un label «Fabriqué en Amérique du Nord». Seuls les produits pouvant recevoir ce label pourront bénéficier du traitement préférentiel lors de l'application des tarifs de l'ALENA. Les produits non originaires de pays de l'ALENA devront être soumis à une transformation ou à un traitement important dans un pays signataire pour pouvoir prétendre à une préférence tarifaire. Par exemple, le lait, la crème, le fromage, le yaourt, les crèmes glacées ou les produits à base de lait doivent être fabriqués à partir de lait ou de produits laitiers provenant des pays signataires de l'ALENA. Des produits sensibles pour les Etats-Unis comme les cacahuètes, les produits de la cacahuète ou les produits contenant du sucre font l'objet d'un traitement spécial, l'ALENA leur imposant des critères d'origine plus rigoureux que ce n'aurait été le cas autrement. Par exemple, pour pouvoir prétendre aux avantages offerts par l'ALENA, les cacahuètes exportées vers les Etats-Unis doivent être récoltées au Mexique et les produits de la cacahuète comme le beurre de cacahuète doivent être fabriqués avec des cacahuètes récoltées au Mexique. Des règles analogues sont applicables au sucre et aux produits du sucre. RISTOURNE DES DROITS E DOUANE L'ALENA supprime les pratiques actuelles de ristourne des droits de douane, comme les programmes mexicains de maquiladora ou autres exonérations des droits de douane. Autrefois, les industries participant au programme de maquiladora mexicain pouvaient importer en franchise de douane des matières servant à la fabrication de produits destinés à l'exportation. La suppression des ristournes sur les droits de douane découragera les pays asiatiques et européens d'établir des plates-formes d'exportation au Mexique ou au Canada. CLAUSES SPÉCIALES DE SAUVEGARDE PENDANT UNE PÉRIODE D'AJUSTEMENT DES IMPORTATIONS Pendant la période de transition, une quantité spécifique d'un produit pourra entrer dans un pays signataire de l'ALENA aux taux préférentiels de l'ALENA, mais au-delà de cette quantité les importations seront soumises à des tarifs plus élevés. PROTECTION SANITAIRE ET PHYTOSANITAIRE Tous les pays de l'ALENA continueront à protéger la santé des animaux et des végétaux. L'Accord reconnaît le droit de chaque pays à déterminer le niveau de protection nécessaire pour autant qu'il repose sur des bases scientifiques. L'ALENA encourage les partenaires commerciaux à adopter des normes internationales et régionales plus élevées. ACCORDS ANNEXES Le Gouvernement actuel des Etats-Unis a négocié avec le Canada et le Mexique trois principaux accords annexes sur la main-d'oeuvre, l'environnement et les hausses subites des importations. Ces accords consolident l'accord initial signé par le Gouvernement précédent, en renforçant les lois nationales, en établissant des commissions pour régler les différends sur la main-d'oeuvre et l'environnement, en assurant une protection contre les hausses soudaines d'importations, en renforçant le nettoyage des frontières et en encourageant l'adoption de normes élevées. |
A l'issue de longs débats sur les effets que pourrait avoir l'ALENA sur l'emploi, l'environnement, l'hygiène alimentaire et l'agriculture, le Congrès des Etats-Unis a ratifié l'Accord en novembre 1993. L'ALENA prévoit l'élimination progressive de tous les tarifs et contingents entre les pays signataires, d'ici à 2008, quinzième année de la période de transition. Il établit une zone de libre-échange conformément à l'Article XXIV du GATT. L'ALENA a les objectifs suivants: libéraliser le commerce de biens et de services; lever les obstacles à l'investissement; protéger et faire respecter les droits de propriété intellectuelle; et établir un cadre de coopération trilatérale, régionale et multilatérale plus poussée afin d'élargir et de renforcer les avantages découlant de l'Accord (voir l'encadré 4, p. 76).
L'ALENA est le produit de quatre grands accords commerciaux; en outre, des accords tripartites sur la main-d'oeuvre, l'environnement et les hausses soudaines d'importations ont été signés pour traiter de questions qui n'étaient pas expressément couvertes par l'Accord initial. Comme dans l'Accord de l'Uruguay Round, l'agriculture reste un secteur sensible pour les trois pays, le seul secteur où l'ALENA comporte trois accords bilatéraux. D'abord, les clauses agricoles de l'Accord commercial Canada-Etats-Unis ont été incorporées à l'ALENA et ensuite le Mexique a négocié deux accords indépendants de libre-échange concernant l'agriculture, l'un avec les Etats-Unis et l'autre avec le Canada.
L'accord bilatéral conclu entre le Mexique et les Etats-Unis sur le commerce de produits agricoles traite à la fois des barrières tarifaires et non tarifaires sur tous les produits. Pour certains produits agricoles sensibles comme le maïs pour le Mexique et le sucre pour les Etats-Unis, le délai de suppression des barrières est plus long (voir encadré 4).
Le Mexique a des tarifs plus élevés que les Etats-Unis bien que ses barrières tarifaires et non tarifaires aient été réduites depuis qu'il a adhéré au GATT en 1986. Ainsi, ses taux maximaux de protection ont été ramenés de 100 à 20 pour cent.
Lorsque l'ALENA a été ratifié, la moyenne des droits d'importation sur les produits des Etats-Unis entrant au Mexique était de 10 pour cent, soit 2,5 fois plus que ceux qui étaient levés par les Etats-Unis (lesquels étaient de l'ordre de 4 pour cent sur les produits mexicains). Le Mexique supprimera ses tarifs sur toutes les marchandises industrielles dans un délai de 10 ans et sur tous les produits, y compris les produits agricoles, dans un délai de 15 ans. Les produits venant de pays non membres de l'ALENA pourront faire l'objet de tarifs allant jusqu'à 20 pour cent et certains d'entre eux - maïs, blé, orge, malt, haricots secs, volaille, oeufs, lait en poudre écrémé, raisin de table et pommes de terre - resteront soumis à l'obtention de licences d'importation. D'autres pays d'Amérique latine et des Caraïbes qui ont conclu des accords commerciaux bilatéraux ou multilatéraux avec le Mexique bénéficient d'un tarif préférentiel dont le niveau est stipulé dans les accords (par exemple, le Chili au titre de l'accord de libre-échange Mexique-Chili et un groupe de pays d'Amérique centrale dans le cadre du Marché commun d'Amérique centrale [MCAC]).
L'intégration économique que permet l'ALENA entraînera non seulement des gains commerciaux, mais aussi une accélération de la croissance économique grâce aux progrès de la productivité, qui sera stimulée par la concurrence, et à des économies d'échelle. Plusieurs études ont montré que les trois pays en jeu (Canada, Mexique et Etats-Unis) devraient tous bénéficier de la suppression des barrières tarifaires et non tarifaires. A long terme, c'est le Mexique qui devrait en tirer les avantages les plus marqués. Selon des études statiques, le revenu réel mexicain passerait de 0,3 pour cent, dans l'hypothèse de rendements d'échelle constants et d'entrées nulles de capitaux, à 6,8 pour cent, compte tenu des migrations de main-d'oeuvre et d'une augmentation du patrimoine mexicain de 7,6 pour cent. En l'absence de nouvel investissement, la suppression des barrières commerciales frontalières n'entraînerait que de légers gains de revenu réel au Mexique et aucun changement aux Etats-Unis. Sans augmentation de capital, les salaires, surtout ceux des travailleurs ruraux mexicains, baisseraient. S'il y a injection de capitaux, venant soit de l'extérieur du Mexique soit d'autres secteurs, l'investissement et la productivité devraient progresser et la croissance du revenu réel atteindre un taux très supérieur aux augmentations prévues aux Etats-Unis ou au Canada. Selon des études dynamiques, les gains de bien-être ou variations de la croissance du revenu réel induits par l'ALENA pourraient atteindre 8 pour cent et le commerce des produits agricoles devrait également augmenter.
A court terme, tant que la mobilité des capitaux ne sera pas intervenue, le Mexique devra faire un ajustement plus difficile que les Etats-Unis ou le Canada. Selon des estimations de l'incidence que l'on peut attendre de la libéralisation des échanges et des réformes internes, l'exode rural pourrait toucher entre 500 000 et 700 000 travailleurs d'ici à la fin de la période de transition. Anticipant cette tendance, le Mexique a lancé un nouveau programme agricole, PROCAMPO, qui offrira, principalement aux agriculteurs de subsistance, un soutien direct aux revenus (voir Situation par région, Amérique latine et Caraïbes).
Dans l'ensemble, l'ALENA aura peu d'effet sur l'économie des Etats-Unis, puisqu'il devrait s'y traduire par une augmentation de moins de 1 pour cent du PIB. Les travaux de recherche indiquent toutefois que l'agriculture des Etats-Unis bénéficiera fortement de l'ALENA, qui devrait créer près de 200 000 nouveaux emplois associés à l'exportation, dont 56 000 dans l'agriculture et les industries apparentées. Dans le cadre de l'ALENA, la moitié des produits que les Etats-Unis exportent normalement vers le Mexique pouvaient être vendus en franchise totale de douane au Mexique au 1er janvier 1994. Cette proportion devrait passer à plus des deux tiers dans un délai de cinq ans.
Le Mexique exportera davantage de fruits et de légumes d'hiver aux Etats-Unis à mesure que les tarifs saisonniers dont ces produits font l'objet aux Etats-Unis seront éliminés. Les producteurs de maïs, surtout ceux qui entrent dans les circuits commerciaux, changeront de culture dans le cadre de PROCAMPO, à la suite de quoi le Mexique importera davantage de maïs. Dans le cadre de l'ALENA, il devrait aussi importer davantage de bétail et de produits de l'élevage à mesure que les tarifs mexicains à l'importation de bovins sur pied et de viande de boeuf seront supprimés. On s'attend toutefois à ce qu'il exporte un plus grand nombre de bêtes d'embouche vers les Etats-Unis. A court terme, bien que le Mexique doive soumettre son agriculture à un ajustement plus marqué, il devrait gagner un accès permanent au marché des Etats-Unis grâce à l'ALENA. L'ajustement le plus difficile concernera les producteurs de maïs, qui devront passer à d'autres cultures.
Avant la signature de l'Accord commercial Canada-Etats-Unis (ACCEU), les tarifs canadiens sur les marchandises en provenance des Etats-Unis passibles de droits de douane s'élevaient en moyenne à 9,9 pour cent et les tarifs des Etats-Unis sur les marchandises canadiennes à 3,3 pour cent en moyenne. A la fin de la période de transition de 15 ans prévue par l'ALENA, la majorité du commerce agricole de produits provenant des trois pays signataires de l'ALENA se fera en franchise de douane. L'ACCEU de 1989 a été incorporé à l'ALENA ou modifié dans le cadre de l'ALENA, à l'exception des clauses agricoles. Par exemple, le calendrier de réduction des tarifs sur les automobiles et autres marchandises exportées entre les Etats-Unis et le Canada restera le même mais, du fait que les critères d'origine, les sauvegardes et les normes sanitaires et phytosanitaires ont été négociées sur une base trilatérale, ce sont les critères d'origine prévus dans l'ALENA, plutôt que dans l'ACCEU, qui s'appliqueront aux automobiles, aux textiles et aux produits agricoles. Comme toutes les obligations prévues dans l'ACCEU ont été modifiées dans le cadre de l'ALENA, les Etats-Unis et le Canada suspendront l'application de l'ACCEU à l'entrée en vigueur de l'ALENA. Bien que les échanges entre les Etats-Unis et le Canada aient augmenté depuis l'entrée en vigueur de l'ACCEU en 1989, l'agriculture canadienne ne tirera que des gains modestes de l'ALENA.
L'accord commercial bilatéral Mexique-Canada n'aura qu'une faible incidence sur le Canada, puisque plus de 85 pour cent des importations canadiennes de produits agricoles en provenance du Mexique sont déjà en franchise. L'ALENA permettra au Mexique d'exporter du café, du jus d'orange et certains produits de la viande au Canada. Bien que tous les tarifs doivent être éliminés dans un délai de 10 ans, la plupart des barrières non tarifaires sur des produits sensibles resteront intactes. Au total, le commerce entre le Mexique et le Canada ne représentait que 3,3 milliards de dollars en 1992, dont 357 millions de dollars pour le commerce de produits agricoles; ce montant ne devrait pas augmenter sensiblement par suite de l'ALENA.
Des mécanismes d'intégration économique tels que l'ALENA ont non seulement un effet important sur la croissance de la productivité dans les pays en jeu mais ils pourraient aussi stimuler la croissance de l'ensemble de l'hémisphère occidental. L'ALENA aura donc des avantages plus importants qui résulteront principalement de gains d'efficacité et de productivité découlant de nouveaux investissements ou d'investissements accrus.
Elargissement éventuel de l'ALENA
L'avenir dépendra de deux facteurs. D'abord, quel pays ou groupe de pays sera le prochain à signer l'ALENA? (et quels sont les critères d'adhésion?). Ensuite, quelle serait la structure d'un Accord de libre-échange de l'hémisphère occidental (ALEHO) envisagé et l'agriculture y recevrait-elle un traitement spécial? L'ALENA a reconfirmé ce que proposait l'Initiative de l'Entreprise pour les Amériques, à savoir qu'il y ait une intégration économique plus poussée entre les Etats-Unis et l'hémisphère occidental. Les lois des Etats-Unis portant application de l'ALENA indiquent que les pays qui souhaiteraient négocier des accords de libre-échange avec les Etats-Unis devront répondre à certains critères - ils devront avoir un gouvernement élu démocratiquement et une base économique solide. Au plus tard le 1er juillet 1994 et de nouveau le 1er juillet 1997, le Président des Etats-Unis doit soumettre au Congrès un rapport sur sa recommandation concernant des négociations de libre-échange avec des pays autres que le Canada et le Mexique. Les conclusions du rapport constitueront l'un des mécanismes qui pourront servir à intensifier l'intégration économique.
Quelques pays qui ont entrepris de profondes réformes économiques et commerciales répondraient aux critères énoncés dans la loi d'application de l'ALENA. Le Chili, qui a une économie solide et stable et un fort taux de croissance économique, devrait être le prochain pays à adhérer à l'ALENA ou à négocier un accord de libre-échange séparé avec les Etats-Unis; celui-ci aurait peu d'effet sur l'économie des Etats-Unis mais le Chili en tirerait des avantages substantiels.
Il est encore trop tôt pour d'autres pays qui sont en cours de restructuration économique. Il faudra peut-être plusieurs années avant qu'ils atteignent les niveaux de réforme fondamentale et de restructuration qu'ont atteint le Mexique et le Chili. Certains pays comme l'Argentine, la Colombie et le Venezuela ne devraient pas être trop loin derrière le Chili. Par contre, d'autres pays d'Amérique centrale et des Caraïbes ont encore beaucoup à faire pour répondre aux critères. En outre, les deux groupes reçoivent déjà un traitement préférentiel des Etats-Unis, dans le cadre de l'Initiative pour le Bassin des Caraïbes, du Système généralisé de préférences et du traitement spécial des droits d'importation sur les produits provenant de zones franches industrielles.
L'expérience tirée de l'ALENA laisse à penser que l'accès au marché n'est pas le seul critère de négociation d'un accord de libre-échange avec les Etats-Unis. D'autres questions telles que les droits de propriété intellectuelle, l'environnement et l'hygiène alimentaire sont au premier rang des préoccupations des Etats-Unis. En outre, l'augmentation possible des exportations de céréales en provenance des Etats-Unis vers les pays de l'Amérique latine et des Caraïbes ferait pression sur les agriculteurs de ces pays et l'augmentation possible du commerce de marchandises à forte intensité de main-d'oeuvre moins coûteuse aurait aussi lieu d'inquiéter les Etats-Unis.
Pour beaucoup de pays, l'ampleur des gains économiques à long terme à attendre d'un libre-échange régional dépendra de la manière dont la zone commerciale est formée et structurée. L'accès au vaste marché américain semble être un objectif primordial de nombreux pays qui souhaitent négocier un pacte de libre-échange.
Une véritable zone de libre-échange consiste en pays membres qui adhèrent au même pacte commercial et réduisent ou éliminent les barrières commerciales de manière égale entre eux. Une zone régionale de libre-échange qui s'articulerait autour d'accords bilatéraux ou trilatéraux séparés limite les gains commerciaux à espérer. Les modalités actuelles d'intégration de l'hémisphère occidental consistent en adhésions croisées et, dans certains cas, en petits accords d'intégration s'inscrivant dans des arrangements plus vastes. Par exemple, les cinq membres du Pacte andin sont tous aussi membres de l'Association latino-américaine d'intégration (ALADI), de même que les membres du Marché commun austral (MERCOSUR) et les signataires de l'Accord de libre-échange entre le Mexique et le Chili. Outre l'accord qu'il a signé avec le Mexique, le Chili a également conclu un accord de libre-échange avec deux autres membres de l'ALADI, la Bolivie et le Venezuela. Le Mexique, qui a signé l'ALADI, l'accord de libre-échange avec le Chili et l'ALENA, a également négocié un accord de libre-échange avec la Colombie et le Venezuela, qui sont aussi membres de l'ALADI. Des arrangements croisés d'intégration du même genre sont aussi intervenus au sein du Marché commun d'Amérique centrale. Il faudra mettre de l'ordre dans cette prolifération d'accords d'intégration économique et d'adhésions multiples, car chaque accord comporte ses propres règles, qui ne sont pas forcément compatibles avec celles des autres. En conséquence, la structure actuelle des arrangements d'intégration est trop complexe et empêche une négociation plus cohérente de l'ALEHO envisagé.
Le Chili, par exemple, s'intéresse vivement à conclure un pacte commercial bilatéral avec les Etats-Unis mais il souhaite aussi négocier son adhésion à l'ALENA. Si un grand nombre de pays de la région adoptaient une telle approche, on aboutirait à une série d'accords commerciaux séparés. Les économistes comparent une telle structure à celle d'un moyeu et de rayons. Les pays qui forment les rayons ne sont pas directement reliés entre eux; ils ne le sont que par l'intermédiaire du moyeu; ils risquent de ne pas profiter pleinement du libre-échange puisqu'ils n'auront pas de meilleures possibilités de spécialisation et d'échanges qui découleraient d'une réduction des obstacles à l'accès aux marchés.
L'approche des Etats-Unis au libre-échange régional, par l'intermédiaire de l'Initiative pour le Bassin des Caraïbes, de l'ACCEU, de l'ALENA et d'une série d'accords-cadres conclus avec 10 autres pays d'Amérique latine, prévoyant la négociation ultérieure d'un pacte de libre-échange ressemble à un système de moyeu et rayons. Son approche au régionalisme semble toutefois avoir évolué. La loi d'application de l'ALENA des Etats-Unis permet aux pays de négocier leur adhésion à l'ALENA. En outre, certains pays d'Amérique latine souhaiteraient négocier l'établissement d'une Zone de libre-échange latino-américaine qui leur permettrait de renforcer leur pouvoir de négociation avant de négocier un accord de libre-échange de l'hémisphère occidental avec les Etats-Unis. Quelle que soit l'approche choisie, l'ALENA ou un élargissement de la zone de libre-échange latino-américaine qui engloberait les Etats-Unis et le Canada, il semble maintenant qu'un ALEHO constituerait une véritable zone de libre-échange dont les membres supprimeraient les obstacles qui freinent l'accès de tous les autres membres à leur marché.
Un deuxième problème «structurel» a trait à l'agriculture et à la manière dont ce secteur serait traité à mesure que le nombre de pays adhérant à l'ALENA ou à un ALEHO augmenterait. L'agriculture a fait l'objet de négociations séparées dans le cadre de l'ACCEU et de l'ALENA, pour des raisons assez semblables à celles pour lesquelles elle a reçu un traitement différencié de celui des autres secteurs dans le cadre des négociations de l'Uruguay Round du GATT. Les politiques frontalières concernant les produits alimentaires et agricoles sont souvent des éléments essentiels du système de soutien interne à l'agriculture. En supprimant ou en modifiant ces mesures, on oblige un pays à amener sa politique agricole à la table des négociations.
Pour l'ACCEU et l'ALENA, les Etats-Unis, le Canada et le Mexique ne souhaitaient pas soumettre leur politique agricole fondamentale à négociation. En outre, la suppression du soutien à l'agriculture, générateur de distorsions, devait constituer l'un des éléments essentiels de l'accord récent du GATT. L'Accord relatif à l'agriculture du GATT ne supprimera pas, en fait, toutes les mesures génératrices de distorsions commerciales qui sont inhérentes à un système national de soutien à l'agriculture. Il est intéressant de se demander jusqu'où il faudra élargir l'adhésion à l'ALENA ou à un ALEHO avant que les politiques agricoles nationales soient soumises à négociation. Pour que se réalisent tous ses avantages économiques pouvant découler d'un pacte commercial régional, il faudra qu'il inclue le libre-échange des produits alimentaires et agricoles.
QUESTIONS D'ACTUALITÉ DANS LE SECTEUR DES PÊCHES
La sécurité alimentaire et le développement économique des petits pays insulaires
Le poisson et les produits de la pêche jouent un rôle spécial dans la sécurité alimentaire des petits Etats insulaires, qui ont pour la plupart peu de possibilités de développement terrestre et dont l'alimentation et le développement socioéconomique reposent de manière cruciale sur leurs ressources de pêche en mer.
La majorité des petits Etats insulaires en développement ne peuvent pratiquer qu'un nombre restreint de cultures. En outre, en général, ils n'ont guère de possibilités de pratiquer l'élevage intensif même si leurs gouvernements encouragent souvent l'élevage de petits animaux et de volailles. En conséquence, beaucoup de ces pays, surtout ceux qui consistent en grande partie en atolls infertiles, ne peuvent tirer de la terre qu'un volume très restreint de vivres, au total et par habitant. En outre, les pénuries alimentaires résultant des dégâts causés par des désastres naturels, qui semblent de plus en plus fréquents, accroissent encore la dépendance alimentaire des habitants à l'égard de leurs ressources halieutiques.
Les petits pays insulaires ont des taux de consommation de poisson par habitant qui sont parmi les plus élevés du monde. En 1990, cette consommation dépassait 50 kg dans beaucoup de ces pays alors qu'elle était en moyenne de 9 kg dans d'autres pays en développement et de 27 kg dans les pays développés. En fait, dans certains petits pays insulaires en développement, le poisson représente jusqu'à 95 pour cent de la ration totale en protéines animales de la population. Vu cette dépendance extrême à l'égard du poisson, il faut promouvoir vigoureusement l'utilisation rationnelle des ressources des pêcheries et surtout des zones côtières de pêche, et renforcer les mécanismes actuels de gestion afin d'assurer l'utilisation durable des ressources et d'éviter l'insécurité alimentaire.
Du fait que beaucoup de petits pays insulaires ont peu de possibilités de développement industriel, ils sont obligés de poursuivre des stratégies de développement économique étroitement liées à l'utilisation de leurs ressources halieutiques. En fait, c'est de l'exploitation et de la transformation de ces ressources qu'ils tirent plus de 50 pour cent des revenus de leur secteur public. C'est dire que, dans ces Etats, le secteur des pêches est le moteur national de croissance, soutenant des programmes sociaux et économiques plus larges tels que des programmes de santé et d'éducation.
Ces pays doivent absolument gérer leurs pêches avec efficacité pour s'assurer qu'ils utiliseront, et dans la mesure du possible développeront, leurs ressources de manière durable. Or, dans beaucoup d'entre eux, la pêche côtière est excessive, surtout dans les zones urbaines ou périurbaines, et cette situation ne va pas s'améliorer vu les taux d'accroissement démographique élevés que connaissent la plupart de ces pays.
Pour améliorer la gestion des pêches dans les petits pays insulaires en développement, il est indispensable de renforcer les capacités institutionnelles nationales. Dans ces pays, l'administration des pêches est généralement petite et fragile et ne dispose pas de tous les spécialistes nécessaires. Il est donc important de prévoir des programmes de renforcement de l'administration des pêches pour améliorer les méthodes de gestion et de développement des pêches.
Dans les pays insulaires où les pêcheries ont été gérées selon des méthodes traditionnelles par des groupes de propriétaires des ressources, il faudra reconnaître l'importance de ces méthodes et trouver des moyens de les utiliser efficacement pour renforcer la gestion des ressources côtières.
Conscients de leur vulnérabilité physique et économique individuelle et de l'importance que revêt le poisson dans la vie de leur population, les petits pays insulaires en développement ont créé divers organes régionaux pour coordonner les activités d'aménagement et de développement des pêches. Ces organes ont joué un rôle notable en aidant les Etats à appliquer les clauses de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 et les recommandations et politiques arrêtées à la Conférence mondiale de la FAO sur l'aménagement et le développement des pêches, qui s'est tenue en 1984.
Respect des accords internationaux sur la conservation et la gestion des ressources en haute mer
Depuis des siècles, les armateurs ont trouvé commode de battre pavillon d'autres Etats. Récemment, ces «pavillons de complaisance» ont permis aux propriétaires de navires de bénéficier de faibles impôts et d'autres avantages. Certains Etats n'imposent pas de normes élevées d'entretien des navires et leurs équipages sont de qualité très inférieure aux normes des matricules nationales reconnues.
Ce n'est qu'au milieu des années 80 que la question du changement de pavillon des navires de pêche a pris de l'importance, à mesure que des navires de haute mer de plus en plus nombreux s'efforçaient d'éviter les réglementations établies par les accords internationaux de gestion des pêches. En 1992, la Conférence internationale sur la pêche responsable, qui s'est tenue à Cancún (Mexique), a condamné la pratique du changement de pavillon et appelé à une action rapide. En novembre 1992, le Conseil de la FAO a proposé, à sa cent cinquième session, qu'un accord visant à décourager les changements de pavillon soit élaboré d'urgence.
La FAO a organisé une série de consultations, réunissant d'abord un petit groupe d'experts en février 1993. Il est vite apparu que l'autorité responsable de l'allocation du pavillon d'un Etat à un navire de pêche était rarement la même que celle dont relevait la gestion des pêches. Il en a été conclu que, pour décourager le changement de pavillon des navires de pêche, il faudrait transférer aux responsables de la gestion des pêches le pouvoir d'attribution du pavillon. En conséquence, lors de la vingtième session du Comité des pêches en mars 1993, un groupe de travail à composition indéterminée a été chargé de développer l'idée d'autorisation de pêche en haute mer et de lier cette autorisation à des conditions qui seraient fixées par les responsables de la gestion des pêches.
L'accord visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion a été adopté à la vingt-septième session de la Conférence de la FAO en novembre 1993 et entrera en vigueur lorsque la vingt-cinquième lettre de ratification aura été déposée auprès du Directeur général de la FAO.
L'Accord dispose que l'Etat du pavillon doit prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que les navires qui battent son pavillon ne se livrent à aucune activité susceptible de compromettre l'efficacité des mesures internationales de conservation et de gestion. Il ne doit permettre à aucun navire battant son pavillon de pêcher en haute mer sans autorisation des autorités nationales compétentes. En outre, il ne doit accorder d'autorisation de pêche en haute mer à aucun navire à moins d'être certain, compte tenu de ses liens avec le navire en question, de pouvoir exercer efficacement les responsabilités qui lui incombent au titre de l'Accord en ce qui concerne ce navire. L'Accord cherche aussi à limiter la possibilité qu'ont les navires qui n'ont pas respecté les règles de changer de pavillon et d'obtenir une nouvelle autorisation de pêche en haute mer (à moins qu'il ne puisse être démontré sans aucun doute possible qu'ils ont bien changé de propriétaire).
L'Accord stipule que l'Etat du pavillon doit informer la FAO des détails techniques des navires qu'il autorise à pêcher et s'assurer qu'il y a un flux d'information suffisant entre la FAO et toutes les parties en jeu. De même, il doit informer la FAO de toute sanction qu'il prend à l'encontre de navires contrevenants.
En général, l'Accord s'applique à tous les navires pêchant en haute mer. Les navires de moins de 24 m de long sont toutefois exemptés de certaines clauses de l'Accord, mais non de l'obligation principale qui est faite à l'Etat de s'assurer que les navires concernés ne compromettent pas l'efficacité des mesures internationales de conservation et de gestion.
3 Panos WorldAIDS, mai 1994.
4 PNUD. Choices, septembre 1993.
5 The Lancet, 7 novembre 1992.
6 G. Kambou, S. Deverjan et M. Over. 1993. The economic impacts of AIDS in an African country: simulations with a computable general equilibrium model of Cameroon. Journal of African Economies, 1(1).
7 The Lancet, 23 avril 1994.
8 Atlantic Information Services. 1994. AIDS reference guide: a sourcebook for planners and decision makers. Washington.
9 PNUD. Choices, septembre 1993.
10 Atlantic Information Services, op. cit., 1994. (N.B.: Aucun chiffre n'est cité à l'appui de cette affirmation.)
11 L'OMS souligne que les élites instruites ont été les premières à modifier leur style de vie dès que des informations ont été disponibles sur la maladie et sa prévention.
12 L'accord semble se faire le plus facilement sur les effets tombant dans la catégorie la plus large (le relèvement de la température mondiale moyenne, par exemple); à mesure que l'on réduit la zone géographique considérée, l'accord est de moins en moins unanime quant au schéma et à la nature des effets.
13 Ces dernières années, toutefois, l'augmentation s'est ralentie (voir notes 3 et 4 du tableau 2 p. 60).
14 S. Jelgersma, M. Van der Zijp et R. Brinkman. 1993. Sea level rise and the coastal lowlands in the developing world. Journal of Coastal Research, 9(4): 958-972.