Depuis plus de 20 ans, les conditions socioéconomiques se dégradent dans l'Afrique subsaharienne, dont le développement est freiné par des contraintes profondément enracinées. L'espérance de vie n'est que de 51 ans, plus de 10 ans de moins que la moyenne mondiale, et les autres grands indicateurs socioéconomiques sont aussi très en dessous de ce qu'ils sont dans les autres régions du monde. Au cours de chacune des 20 dernières années, à de rares exceptions près, le taux de croissance économique est resté bien inférieur à la croissance démographique, à tel point que le PIB réel par habitant est tombé de 630 dollars EU au début des années 80, à environ 500 dollars en 1994.
Dans ce contexte, l'amélioration remarquable des résultats observée en 1995 dans une grande partie de l'Afrique est le principal aspect positif du paysage économique mondial. On estime que le taux de croissance a atteint environ 3,8 pour cent en Afrique subsaharienne, contre 2 pour cent en 1994 et 0,5 pour cent en 1993. C'est la première fois depuis 1990 que le taux de croissance économique dépasse le taux de croissance démographique, qui est de 3 pour cent. Le PIB a augmenté de 5 pour cent dans environ un quart (12) des pays d'Afrique subsaharienne.
Cette relance de l'économie a été tirée par le dynamisme des exportations, elles-mêmes stimulées par la hausse du prix à l'exportation des produits primaires hors pétrole, par la reprise économique, pour modeste qu'elle fût, dans les pays développés (principalement ceux d'Europe occidentale, qui absorbent les deux tiers de la production) et par la dévaluation du franc CFA dans le cas des pays de la zone franc, qui ont remarquablement réussi à contenir les pressions inflationnistes (sept des 12 pays dans lesquels le taux de croissance du PIB a dépassé 5 pour cent appartiennent à la zone franc); le taux d'inflation dans l'ensemble de la zone a été de - 0,5 pour cent en 1993, de 33,0 pour cent en 1994, de 11,8 pour cent en 1995 et, pour 1996, on prévoit un taux de 3,5 pour cent. L'amélioration des conditions météorologiques dans de vastes zones qui avaient précédemment souffert de la sécheresse a aussi contribué à la relance, de même que la poursuite des programmes de réforme économique dans plusieurs pays et aussi, dans une certaine mesure, le progrès de la coopération intrarégionale (tant dans le cadre d'arrangements bilatéraux qu'à la suite d'une nouvelle vague d'accords commerciaux intrarégionaux).
Les troubles civils et les conflits armés se sont apaisés dans certains pays, notamment en Afrique australe, mais de nouveaux ont surgi ou se sont aggravés dans d'autres. En Sierra Leone, les attaques des rebelles ont gravement perturbé les activités économiques et agricoles. Le Burundi, le Libéria, la Somalie, le Soudan et le Zaïre ont aussi souffert de troubles civils et de crises politiques. Les coups d'Etat et tentatives de coups d'Etat aux Comores, au Niger, en Sierra Leone et à Sao-Tomé-et-Principe ont attesté, en 1995, la précarité de la situation politique qui règne dans de grandes parties de la région. Il n'est pas étonnant que des situations inquiétantes de pénurie et d'insécurité alimentaires soient apparues dans beaucoup de ces pays, qui ont alors eu besoin d'une assistance d'urgence de la communauté internationale (voir Situation mondiale).
L'économie de la plupart des pays de l'Afrique subsaharienne est dominée par le secteur agricole, qui fournit environ le tiers du PIB de la région et emploie les deux tiers de la population active. Mais l'agriculture, comme les autres secteurs, montre ces dernières années des signes de défaillance qui s'inscrivent dans une tendance à long terme inquiétante.
Les premiers chiffres de 1995 indiquent que l'agriculture a été moins dynamique que les autres secteurs. On estime que sa production globale, qui avait augmenté au taux exceptionnellement élevé de 4,5 pour cent en 1993, n'a crû que de 2,1 pour cent en 1994 et 2,3 pour cent en 1995. Toutefois, on observe un contraste marqué entre les résultats des cultures d'exportation et ceux des cultures vivrières. En fait, l'essentiel de l'accroissement de la production est imputable aux cultures de rente. En particulier, la production de café de l'Afrique subsaharienne a augmenté de 9,7 pour cent, celle de cacao de 7,6 pour cent, celle de thé de 6,8 pour cent et celle de coton de 3,8 pour cent par rapport à 1994. Ces bons résultats sont dus essentiellement à l'amélioration des marchés et des prix. La dévaluation du franc CFA, intervenue en 1994, a aussi eu des effets importants car les agriculteurs de la zone franc ont été stimulés par la hausse du prix local des produits d'exportation. La dévaluation a aussi stimulé le commerce entre pays de la zone franc. En particulier, la Côte d'Ivoire et le Cameroun ont beaucoup bénéficié en 1995 de l'expansion des échanges avec les autres pays de la zone franc et le Sénégal a importé du riz du Mali au lieu de s'adresser à son principal fournisseur traditionnel, la Thaïlande.
En ce qui concerne les produits vivriers, les premières estimations indiquent que la production en 1995 a pratiquement stagné au niveau de 1994; ce résultat global masque une chute de 11 pour cent de la production céréalière, compensée par la progression enregistrée pour les autres produits alimentaires. La réduction de la production de céréales est elle-même contrastée: la production de céréales secondaires est tombée de 16 pour cent, mais cette chute a été en partie compensée par l'accroissement de la production de riz (+ 7 pour cent) et de blé (+ 9 pour cent).
Les résultats de la céréaliculture en 1995 ont beaucoup varié selon les sous-régions. La production a un peu baissé par rapport à 1994 en Afrique de l'Ouest, mais elle a augmenté de 15 pour cent en Afrique centrale. En Afrique de l'Est, elle a progressé de 2 pour cent, grâce aux récoltes supérieures à la normale engrangées au Kenya et en République-Unie de Tanzanie et à une augmentation moins considérable en Ouganda et en Ethiopie, qui ont plus que compensé la chute de la production dans d'autres pays. En Afrique australe, la production céréalière globale a diminué de quelque 38 pour cent, malgré une récolte proche du niveau de 1994 au Botswana et au Mozambique et même une augmentation à Madagascar. La récolte de céréales secondaires a souffert de la grave sécheresse qui a sévi en Afrique australe jusqu'à la fin de 1995. La production de maïs, principale culture vivrière, est tombée de plus de 60 pour cent en Afrique du Sud et de plus de moitié au Zimbabwe par rapport à 1994. Pour le Zimbabwe, 1995 a été la quatrième année consécutive de sécheresse.
Les prévisions de récolte de 1996 en Afrique australe sont bien meilleures grâce aux pluies abondantes qui sont tombées à la fin de 1995 et qui ont continué en 1996. On prévoit une bonne campagne dans tout le continent, sauf dans les pays ravagés par la guerre civile. Le redressement de l'agriculture devrait faciliter une nette reprise économique dans l'ensemble de la région: selon les prévisions, le taux de croissance du PIB en 1996 devrait de nouveau être nettement supérieur au taux de croissance démographique.
La réforme des politiques s'est poursuivie en 1995 dans la plupart des pays. La libéralisation du commerce, des prix et des régimes de change et d'investissement dans le contexte de l'ajustement structurel a progressé, notamment en Ethiopie, au Ghana, au Kenya, en Tanzanie, en Ouganda, en Zambie et au Zimbabwe. Mais la réforme a généralement été lente, surtout dans le secteur public, pour des raisons techniques et sociopolitiques: au Zimbabwe, les relations avec le Fonds monétaire international (FMI), qui réclamait des réformes, sont devenues difficiles à cause de ces pressions; au Congo, au Ghana et à Djibouti, il y a eu des troubles sociaux; au Bénin, le Parlement a refusé un prêt d'ajustement structurel de 98 millions de dollars EU à cause de l'impopularité du programme de restructuration des systèmes nationaux de commercialisation. Ces événements ont fait ressortir la difficulté de mettre en place les réformes nécessaires, mais douloureuses dans une région où les résultats dans ce domaine sont jusqu'ici pour le moins inégaux, où il n'y a guère de marge pour l'austérité budgétaire et où une grande partie de la population est au chômage ou a tout juste de quoi subsister. Rares sont les pays où l'on observe un net progrès de la stabilisation ou de l'ajustement (Kenya, Maurice, Ouganda, Zambie, Ghana). Les autres ont encore un long chemin à parcourir pour rétablir l'équilibre macroéconomique (particulièrement le Nigéria, le Zaïre, la Tanzanie et le Niger).
Une réforme difficile et qui a des incidences importantes sur l'agriculture est la privatisation des entreprises publiques. Les institutions financières internationales ont subordonné leurs prêts d'ajustement structurel à cette privatisation, car elles considèrent que, dans beaucoup de pays d'Afrique subsaharienne, la prédominance des entreprises publiques est une des principales causes des mauvais résultats économiques. Ces institutions ont d'ailleurs réservé une grande partie de leurs prêts à des programmes de privatisation. Cependant, ces programmes sont encore embryonnaires dans la plupart des pays. Une des principales causes de la lenteur de la privatisation est la crainte d'aggraver le chômage car l'Etat est le principal employeur dans beaucoup de pays. On pense en général qu'à long terme, les entreprises privées, mieux gérées et plus rentables, seront créatrices d'emplois. Mais cela ne résoud pas le problème immédiat: comment reconvertir ou indemniser les employés des entreprises publiques auxquels la privatisation commencera par faire perdre leur travail? A cet égard, les politiques et programmes sont très différents d'un pays à l'autre: à un extrême, le Togo n'applique aucune mesure d'indemnisation tandis qu'à l'autre la Guinée a mis sur pied un programme complexe.
De tous les pays d'Afrique subsaharienne, c'est le Mozambique qui a privatisé le plus grand nombre d'entreprises: plus de 550, dont 45 grandes, depuis 1992. Les entreprises agricoles, comme celles qui produisent du thé et du coprah, ont été privatisées. Le rythme de la privatisation s'est accéléré récemment et s'accélérera encore prochainement. Pendant le deuxième semestre de 1995, de nombreuses entreprises ont été mises en vente, notamment les grandes plantations de thé de la compagnie nationale Emocha, des agrumeraies, les cocoteraies et les installations de transformation de la société Boror Copra. Enfin, le gouvernement a approuvé un nouveau régime agraire autorisant les transferts de titres fonciers entre ressortissants mozambicains ou d'étrangers à des ressortissants. Le principe de la propriété publique des terres n'a pas été abandonné, mais ces nouvelles mesures sont un pas important dans la voie de la privatisation de la terre.
D'autres pays ont progressé dans la voie de la privatisation en 1995: en Côte d'Ivoire, où la libéralisation de la commercialisation du café et du cacao, qui depuis l'indépendance était entièrement entre les mains d'un réseau public, a été confirmée en août 1995. La Banque mondiale, la France et l'Allemagne fourniront une assistance financière pour appuyer cette privatisation. Le gouvernement n'interviendra plus sur les prix à la production, qui seront négociés en fonction de la conjoncture du marché.
En Ouganda, le gouvernement s'adresse au secteur privé pour relancer l'industrie du coton et du vêtement: neuf industries d'Etat ont été mises en vente et des mesures de libéralisation de la commercialisation du coton ont été introduites. L'Ouganda recevra, à cet effet, une assistance financière, notamment du Fonds international de développement agricole (FIDA) et de la Banque mondiale.
En Mauritanie, le progrès remarquable accompli dans l'agriculture ces dernières années est en grande partie imputable à l'intervention massive du secteur privé et à la privatisation du crédit agricole. Il a encouragé les autorités à adopter l'objectif ambitieux d'atteindre l'autosuffisance alimentaire d'ici l'an 2000. De grands projets d'investissement dans l'irrigation, le crédit agricole et l'environnement sont en cours avec l'assistance des institutions financières internationales.
Au Rwanda, après la période de paralysie qui a suivi la guerre civile, la libération du marché et la privatisation sont redevenues d'actualité et une commission nationale de privatisation a été créée pour s'occuper de cette question considérée comme particulièrement délicate. Avec l'appui de l'Union européenne (UE) et des institutions financières internationales, l'Etat a beaucoup libéralisé le marché du café: le ramassage, le transport, la transformation, le financement et l'exportation sont désormais ouverts au secteur privé.
Au Congo, le gouvernement a décidé de privatiser le secteur de la pêche, ce qui implique le démantèlement de deux organismes publics qui avaient de grosses difficultés financières depuis plusieurs années, le Service national des pêches continentales et la SAGAP, une société nationale de gestion et de navigation. On espère que cela réduira les besoins d'importation de poisson qui actuellement sont de l'ordre de 50 000 tonnes par an.
Enfin, au Sénégal, l'office national de l'arachide, la SONACOS, qui était devenue en 1994 la plus grosse entreprise du pays grâce à un chiffre d'affaires exceptionnel, a été mise en vente.
A côté de ces progrès importants, les contre-exemples ne manquent pas; dans beaucoup de pays, de graves problèmes ont obligé les gouvernements à renoncer à leur politique antérieure de privatisation et de libéralisation, qui avait souvent été entravée par la dégradation de l'économie et par le mécontentement que suscitait la hausse du coût de la vie. Par exemple, au Gabon, il a fallu mettre en place un contrôle des prix des denrées alimentaires essentielles (pain, riz, farine, sucre, lait, sardines en boîte) pour compenser les effets de l'inflation et de l'introduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui avaient fait beaucoup monter les prix, particulièrement celui du riz. De même, au Zimbabwe, le Conseil de la consommation a réclamé le rétablissement des subventions et du contrôle des prix des aliments à cause de la forte hausse du prix du maïs.
Dans d'autres cas, c'est le désaccord sur les effets de la privatisation qui en a freiné le progrès. Par exemple, au Kenya, on a annoncé à la fin de 1995 que beaucoup de producteurs ne vendaient plus leurs récoltes à l'Office national du café, seul organisme habilité à commercialiser ce produit, et s'adressaient à des agents privés, ce qui a fait naître un débat sur les risques que pourrait comporter le démantèlement du système. Un puissant courant d'opinion, auquel adhéraient principalement les petits agriculteurs et les coopératives, craignait que les négociants privés qui pourront au départ offrir de meilleures conditions, ne soient par la suite libres de manipuler les prix une fois qu'ils seraient maîtres du marché. De même, le débat en cours au Cameroun sur la privatisation des offices de produits, SODECOM pour le coton, HEVECAM pour le caoutchouc naturel et SOCAPALM pour l'huile de palme, est essentiellement axé sur les risques qu'il y aurait à perdre le contrôle du marché, qui, dans le cas du coton, souffre déjà d'un volume considérable d'exportations illégales et sur le risque pour les agriculteurs de perdre l'emploi et les services sociaux qu'assuraient ces offices.
ENCADRÉ 9 La prise de conscience des conséquences à long terme de la dégradation de l'environnement en Afrique a fait naître un débat intense et une prolifération de nouvelles initiatives nationales et internationales pour parer à ce problème. Les ravages provoqués ces dernières années par les sécheresses répétées ont fait ressentir l'urgence du problème de la désertification. La constatation que d'énormes superficies de forêt disparaissent et avec elles des milliers d'espèces de faune et de flore a incité les autorités nationales à renforcer la législation pour protéger les forêts, à limiter l'exploitation forestière et les exportations et à encourager d'autres utilisations des forêts telles que le tourisme basé sur la faune. Une des initiatives internationales récentes dans ce domaine a été prise dans le cadre de la Convention internationale sur la lutte contre la désertification, en réponse aux demandes urgentes des représentants africains à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) (voir le chapitre sur la menace de désertification, p. 70). A l'échelle régionale il faut citer l'Initiative des marges du désert lancée initialement par le Botswana, le Burkina Faso, le Kenya, le Mali, la Namibie et le Niger, auxquels d'autres pays se joindront ultérieurement. Piloté par six centres de recherche, avec la participation du Groupe consultatif de la recherche agricole internationale (GCRAI), du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et d'autres organisations, dont la FAO, ce projet doit porter sur 1,3 milliard d'hectares et profiter à 400 millions de personnes menacées par la dégradation de leur environnement. Les recherches effectuées dans chacun des pays intéressés sur les divers aspects du problème serviront de base à une politique coordonnée. A l'échelon national, plusieurs pays ont pris récemment des mesures pour prévenir la dégradation des ressources. Ainsi, la Côte d'Ivoire a adopté un plan d'action pour l'environnement pour la période 1996-2010. Au cours d'une première phase (1996-2000), on s'efforcera de trouver les moyens de mettre fin à la destruction rapide des forêts. Le gouvernement envisage aussi de promulguer un nouveau code de l'environnement, car la législation actuelle est inadaptée et incohérente. Au Burkina Faso, les trois quarts des 6 millions d'arbres plantés jusqu'ici dans le cadre d'un programme de reboisement lancé en 1994 avec un objectif de 15 millions d'arbres en cinq ans, ont pris racine. Un million d'arbres sont plantés dans le cadre du programme de lutte contre la désertification avec la participation de jeunes volontaires français et des pays d'Afrique occidentale. Les initiatives de protection de l'environnement se sont toutefois heurtées à de grandes difficultés qui tiennent d'une part aux contraintes financières et aux carences administratives du secteur public et d'autre part au fait que dans une région accablée par des problèmes économiques urgents, les objectifs de rentabilité à court terme tendent à l'emporter sur le souci de la conservation à long terme. Par exemple, le Gouvernement congolais a entrepris, il y a des années, un programme national de reboisement dans le cadre duquel des arbres ont été plantés sur 50 000 ha de savane; malheureusement, à cause des énormes difficultés financières, ce programme a à peine réduit le problème aigu du déboisement; on estime que sur 20 millions d'hectares de forêts, 20 à 30 000 ha disparaissent chaque année. Un autre exemple illustrant le dilemme devant lequel se trouvent souvent les gouvernements des pays de la région est le projet d'investir 350 millions de dollars EU pour créer une grande mine de dioxyde de titane à Madagascar. D'un côté, cet investissement créerait directement 500 emplois et indirectement 1 500 autres et rapporterait au Trésor public jusqu'à 20 millions de dollars par an en rythme de croisière. De l'autre, il entraînerait la destruction d'une vaste superficie de forêt et probablement, selon le Ministère de l'environnement, la disparition de 23 espèces de faune et 30 espèces de flore dont certaines n'existent que dans cette forêt. Or, à Madagascar, l'exploitation forestière a déjà fait disparaître 85 pour cent des peuplements forestiers dont l'île était autrefois couverte. |
Le Burkina Faso est un pays sans littoral, d'une superficie totale de 274 000 km2. Le relief, peu accusé, va de 125 à 749 m au-dessus du niveau de la mer. Le climat est caractérisé par des pluies peu abondantes et irrégulières. Selon les estimations de l'ONU, la population comptait en 1995 10,3 millions d'habitants et avait augmenté de 2,8 pour cent par an pendant la décennie précédente. Depuis l'époque coloniale, l'émigration de main-d'uvre, surtout vers d'autres pays d'Afrique occidentale, est traditionnelle. Aujourd'hui, plus de la moitié des Burkinabè vivent à l'étranger, de sorte que les envois des travailleurs émigrés sont une des principales sources de devises.
Le PNB était estimé à 300 dollars EU par habitant en 19931, ce qui fait du Burkina Faso un des plus pauvres pays du monde. Cette pauvreté est confirmée par les indicateurs sociaux, qui sont très bas. En 1992, le Burkina Faso se classait 169è sur 174 pays pour ce qui est de l'indice de développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). L'espérance de vie, la mortalité infantile, l'alphabétisation des adultes et les taux de fréquentation scolaire sont inférieurs au niveau moyen des pays les moins avancés et des pays de l'Afrique subsaharienne2. La pauvreté des ressources, le climat défavorable et le faible niveau de développement humain sont autant de graves obstacles au développement.
Du point de vue du développement, le Burkina Faso se différencie à plusieurs égards des autres pays d'Afrique subsaharienne. La population agricole représente encore une partie plus importante de la population totale - plus de 80 pour cent - que dans la majorité des pays d'Afrique. En outre, le Burkina Faso a une longue tradition de gestion économique relativement prudente qui lui a épargné de connaître des déséquilibres aussi graves que beaucoup d'autres pays en développement. Parti d'un niveau très bas de développement au moment de l'indépendance en 1960, il a connu des taux de croissance économique réguliers et supérieurs à ceux de l'ensemble de l'Afrique.
Le gouvernement a lancé, avec l'assistance des organisations internationales de crédit, un train de profondes réformes économiques en vue de créer des conditions plus favorables à la croissance et au développement. Les politiques économiques actuelles s'inscrivent dans les programmes d'ajustements structurels négociés avec la Banque mondiale, qui sont accompagnés de programmes d'ajustement sectoriel pour l'agriculture, les transports, le secteur public et l'environnement.
Rôle du secteur agricole dans l'économie
Peu de pays sont aussi tributaires de l'agriculture que le Burkina Faso. En 1992, ce secteur (y compris l'élevage) fournissait 27 pour cent du PIB, auxquels il faut ajouter les 6 pour cent provenant des forêts, de la pêche et de la chasse3.
La transformation des produits alimentaires, des produits pour boissons et du tabac représente 9 pour cent du PIB. Quatre-vingt-six pour cent des actifs ont l'agriculture comme principal emploi et 3 pour cent, l'élevage.
Le rôle du secteur agricole dans les comptes extérieurs est tout aussi important. Ces dernières années, la part des produits agricoles dans les exportations de marchandises a fluctué autour de 50 pour cent (tableau 2); la principale culture d'exportation, le coton, a représenté quelque 70 pour cent des recettes d'exportation agricoles et les produits de l'élevage (principalement animaux sur pied, cuirs et peaux) l'essentiel du reste.
TABLEAU 2 | |||||
Exportations de marchandises f.o.b. (milliards de francs CFA) | |||||
1990 |
19911 |
19921 |
19931 |
19941 | |
Exportations de marchandises totales, dont |
96,4 |
75,9 |
62,2 |
74,3 |
125,4 |
Coton |
23,4 |
29,3 |
25,0 |
22,2 |
32,8 |
Produits animaux |
9,5 |
8,2 |
8,7 |
8,2 |
32,9 |
Autres produits agricoles |
1,7 |
1,1 |
2,7 |
2,5 |
5,2 |
1 Estimations. |
TABLEAU 3 | |||||
Importations de marchandises f.o.b. (milliards de francs CFA) | |||||
1990 |
19911 |
19921 |
19931 |
19941 | |
Exportations de marchandises totales, dont |
141,8 |
138,4 |
131,1 |
133,4 |
202,7 |
Céréales |
9,4 |
13,4 |
12,2 |
9,9 |
14,7 |
Autres denrées alimentaires |
17,1 |
11,5 |
10,8 |
18,2 |
31,0 |
1 Estimations. |
La composition des exportations a été un peu différente en 1994, année de la dévaluation du franc CFA: cette dévaluation a immédiatement stimulé les exportations de produits animaux, tandis que les exportations de coton ont réagi plus lentement.
Pour ce qui est des importations, les denrées alimentaires ont représenté ces dernières années environ 20 pour cent des importations totales de marchandises et les céréales à elles seules quelque 5 à 10 pour cent selon les années (tableau 3). Quand les pluies sont bonnes, le Burkina Faso est pratiquement autosuffisant en céréales; la principale exception est le riz, qui est consommé essentiellement dans les villes et dont les trois quarts environ sont importés. Pendant la période 1990-1994, les importations de céréales ont atteint un volume équivalent à environ 6 à 8 pour cent de la production intérieure et à environ 5 à 11 pour cent de la consommation selon les années4. Le riz, à lui seul, représente entre la moitié du volume des importations céréalières totales les années où celles-ci sont considérables et les trois quarts quand elles sont moins importantes, et entre 65 et 85 pour cent de leur valeur.
ENCADRÉ 10 Les ressources naturelles dont dépend l'agriculture burkinabè subissent des pressions croissantes. Les deux principaux problèmes, dont la gravité et les conséquences varient d'une région à l'autre, sont la pénurie d'eau et la pression démographique. Depuis le début des années 70 et la longue sécheresse de 1970-1973, la pluviométrie a baissé, d'où une diminution du potentiel agricole; la réduction de l'écoulement superficiel a réduit d'autant la réalimentation des aquifères souterrains, de sorte que la nappe phréatique a baissé d'environ 20 m depuis 1970. La réduction du couvert végétal a suscité un surpâturage dans les zones d'élevage traditionnel du nord du pays et provoqué un déplacement vers le sud des activités pastorales. La pression démographique a réduit les disponibilités de terre par habitant et amené à surexploiter le sol. Cela est particulièrement vrai dans le centre du pays où la densité démographique est particulièrement élevée. Les jachères ont été réduites ou éliminées, les facteurs qui accroissent la fertilité sont sous-utilisés. En outre, cet état de choses entraîne des défrichements massifs, des empiètements des cultures sur les terres pastorales et des migrations vers les zones moins peuplées du sud-ouest du pays où l'environnement naturel a été profondément modifié par l'introduction des cultures de rente, le développement des établissements humains et l'accroissement des troupeaux, au mépris de la nécessité de protéger les ressources productives, dont la pérennité est ainsi compromise. Les forêts burkinabè disparaissent rapidement. Depuis 15 ans, entre 1980 et 1995, le Burkina Faso a perdu plus de la moitié de son couvert forestier. Selon le gouvernement, plus de 50 000 ha sont défrichés chaque année pour l'agriculture et la pénurie de bois de feu s'aggrave. Le souci de protéger l'environnement a amené, en 1991, à adopter un premier plan d'action national pour l'environnement, qui a été révisé en 1993, à la suite de la CNUED tenue à Rio de Janeiro en 1992. Récemment, le gouvernement a créé un nouveau ministère de l'environnement et de l'eau pour améliorer la capacité de conception et de mise en uvre des politiques environnementales. A la fin de 1995, ce nouveau ministère préparait un document de stratégie pour l'environnement et les eaux, dont les principaux volets sont la mise en uvre de la Convention internationale sur la lutte contre la désertification, le reboisement et la gestion des forêts et la gestion des eaux; la remise en état et l'entretien des infrastructures existantes seront prioritaires. |
Caractéristiques du secteur agricole
L'agriculture est essentiellement pluviale et dépend donc des précipitations qui sont à la fois peu abondantes et capricieusement réparties dans le temps et dans l'espace. Les précipitations annuelles vont d'un minimum d'environ 400 mm dans l'extrême-nord de la zone sahélienne à 1200 mm dans le sud-est. Environ un tiers de la superficie des terres est cultivable. On estime que 165 000 ha sont potentiellement irrigables, mais seulement un dixième de cette superficie est actuellement utilisée.
L'agriculture burkinabè est essentiellement une agriculture de subsistance, dominée par la production céréalière pour la consommation intérieure. La céréaliculture occupe 3 014 000 ha, soit 88 pour cent de la superficie totale cultivée (3 431 000 ha)5. Les principales céréales produites sont le mil, qui occupe environ 43 pour cent des terres consacrées à la céréaliculture; viennent ensuite le sorgho blanc (38 pour cent), le sorgho rouge (10 pour cent) et le maïs (6 pour cent). Le riz occupe moins de 1 pour cent des terres céréalières. Après les céréales, viennent les cultures de rente, qui occupent 347 000 ha dont environ 120 000 pour le coton; pour des raisons climatiques, la culture du coton est concentrée dans l'ouest du pays. L'arachide, qui occupe 217 000 ha, est produite dans toutes les zones et commercialisée principalement dans le pays-même. Les autres cultures de rente sont le sésame et le soja. Les fruits, les légumes et les plantes racines occupent des superficies encore plus réduites. Toutefois, cette statistique des superficies cultivées masque une réalité plus complexe, caractérisée par les cultures mixtes.
L'élevage - bovins, ovins, caprins, ânes, porcins et volailles - est présent partout dans le pays. L'effectif n'est pas connu avec précision mais on estime que le cheptel comptait en 1995 environ 4,4 millions de têtes de bovins, 5,8 millions d'ovins, 7,2 millions de caprins, 500 000 à 600 000 porcins et 400 000 à 500 000 ânes. L'élevage est essentiellement transhumant, particulièrement dans les zones sahéliennes.
En plus du climat et de l'environnement défavorables, l'agriculture et l'élevage souffrent des méthodes de production archaïques, de la faible technicité et du bas niveau d'éducation des producteurs. L'agriculture est dominée par les petites exploitations familiales. Soixante-douze pour cent des ménages agricoles comptent plus de 6 personnes et 7 pour cent plus de 196. Pas moins de 87 pour cent des chefs de ménage agricoles sont analphabètes et 36 pour cent seulement ont accès aux services de vulgarisation (le pourcentage est encore inférieur pour les femmes chefs de famille). Les terres sont très morcelées: chaque famille exploite en moyenne 9,6 parcelles dont la dimension moyenne est de l'ordre de 0,4 ha. L'équipement agricole est très limité: moins de 30 pour cent des ménages possèdent une charrue (le nombre total de tracteurs utilisés dans le pays était estimé à 135 en 1993) et 70 pour cent des familles ne possèdent aucun animal de trait (buf ou âne). De même, l'utilisation d'engrais (essentiellement NPK et urée) est limitée. La consommation totale de NPK (azote, phosphore et potassium) est estimée à environ 26 000 tonnes, soit 7,5 kg par hectare cultivé; mais les engrais sont surtout utilisés pour les cultures de rente (principalement le coton) et la consommation totale de NPK représente 74 kg par hectare de cultures de rente.
Performances passées de l'économie et de l'agriculture
Les indicateurs sociaux et les revenus sont encore très bas par rapport aux normes internationales; toutefois, l'économie du Burkina Faso progresse lentement mais régulièrement depuis l'indépendance en 1960. Le taux de croissance du PIB n'a cessé d'être plus élevé que le taux moyen des pays d'Afrique subsaharienne; toutefois il fluctue beaucoup parce que le principal secteur de l'économie, l'agriculture, est entièrement tributaire d'un climat capricieux. Le PIB réel a augmenté au taux moyen annuel de 4,4 pour cent entre 1970 et 1980 et de 3,7 pour cent de 1980 à 1993 contre respectivement 3,8 et 1,6 pour cent pour l'ensemble de l'Afrique subsaharienne7. Contrairement au reste du sous-continent, le Burkina Faso a donc conservé un taux de croissance positif du revenu par habitant pendant les années 80, malgré le léger ralentissement de la croissance globale. En outre, l'inflation a été modérée: le taux annuel moyen pendant la période 1970-1980 a été de 8,6 pour cent contre une moyenne pondérée de 13,8 pour cent pour l'ensemble de l'Afrique subsaharienne. Entre 1980 et 1993, le taux moyen d'inflation est tombé à 3,3 pour cent alors que pour l'ensemble de la région subsaharienne, il est monté à 16,1 pour cent. Les résultats du commerce des marchandises n'ont cessé d'être meilleurs que ceux de l'ensemble du sous-continent: les exportations de marchandises ont augmenté au taux moyen annuel de 7,2 pour cent (contre 1,0 pour cent pour l'Afrique subsaharienne) entre 1970 et 1980 et de 4,1 pour cent (contre 2,5 pour cent) entre 1980 et 1993.
Cette croissance relativement rapide du revenu s'est traduite par l'amélioration de plusieurs indicateurs sociaux; ces derniers sont pourtant encore dans l'ensemble moins bons que la moyenne pour l'Afrique subsaharienne. Ainsi, par exemple, l'espérance de vie à la naissance est passée de 36 ans en 1960 à 47 ans en 1992, alors que pour l'Afrique subsaharienne elle est passée de 39 à 51 ans et le taux de mortalité infantile est tombé de 205 pour 1 000 naissances vivantes en 1960 à 130 en 1992 (de 165 à 97 pour le sous-continent)8. Comme dans l'ensemble de l'Afrique subsaharienne, le taux d'alphabétisation des adultes a doublé entre 1970 et 1992, mais il n'est passé que de 8 pour cent à 17 pour cent (de 27 à 54 pour cent pour l'ensemble du sous-continent)9. Toutefois il y a eu une nette amélioration, surtout en ce qui concerne le taux de scolarisation dans le cycle primaire, qui, alors qu'il ne dépassait pas 13 pour cent en 1970, a atteint 31 pour cent en 1992 (pour le sous-continent, les chiffres sont de 50 et 67 pour cent). Au niveau secondaire, le taux de scolarisation a été porté de 1 à 8 pour cent, alors que pour l'ensemble de l'Afrique subsaharienne, il est passé de 7 à 18 pour cent10.
La contribution du secteur agricole à la croissance économique a beaucoup fluctué depuis l'indépendance. Lissé des importantes fluctuations annuelles, dues principalement aux caprices du climat, le taux de croissance de la production agricole n'a été que de 1,2 pour cent entre 1961 et 1984, ce qui est bien inférieur au taux de croissance démographique. Entre 1984 et 1994, il a été en moyenne de 4,8 pour cent; il a été particulièrement élevé en 1985, et il a un peu baissé après 1992. Pendant la même période, la production alimentaire par habitant a augmenté en moyenne de 2,1 pour cent par an. Le principal facteur d'accélération de la croissance a été la production céréalière, qui a augmenté entre 1984 et 1994 au taux moyen annuel de 6,9 pour cent, contre 1,3 pour cent seulement entre 1961 et 1984. Ce bond de la production tient à la fois à l'augmentation des superficies récoltées (+3,8 pour cent par an, contre +0,3 pour cent par an entre 1961 et 1984) et à l'accroissement des rendements (+2,9 pour cent par an contre +0,9 pour cent entre 1961 et 1984). En particulier, la production de maïs a augmenté très rapidement entre 1984 et 1994: le taux de croissance annuel a atteint 14,0 pour cent (8,7 pour cent d'augmentation des rendements et 4,8 pour cent d'accroissement de la superficie récoltée); toutefois, cette céréale ne représente encore que 10 à 15 pour cent, selon les années, de la production céréalière. L'essentiel de l'accroissement total est imputable aux autres céréales secondaires, mil et sorgho, dont la production a augmenté respectivement de 5,8 et de 6,4 pour cent par an. Pour le riz, la croissance de la production n'a pas dépassé 3,9 pour cent par an, car la superficie n'a augmenté que de 1,6 pour cent par an.
Mais l'accroissement de la production agricole pendant la période 1984-1994 n'est pas limité à la céréaliculture. On relève aussi une expansion de la production des principales cultures de rente: pour le coton, l'accroissement moyen est de 3,7 pour cent par an, avec un maximum en 1990; et pour l'arachide, de 6,0 pour cent.
La croissance accélérée de la production agricole et alimentaire depuis le milieu des années 80 s'est traduite par une nette amélioration des disponibilités énergétiques alimentaires par habitant; grâce à un bond particulièrement notable en 1985 et 1986, celles-ci qui, entre 1975 et 1984, fluctuaient autour d'une moyenne de 1 600 à 1 700 calories par personne et par jour ont atteint 2 100 à 2 200 calories pendant la période 1986-1992.
L'accélération marquée de la croissance de la production agricole depuis le milieu des années 80 tient principalement à la nouvelle politique de développement, basée sur une forte participation conformément aux principes affirmés pour la première fois dans le nouveau Programme populaire de développement pour 1983-1984. Cette politique faisait une priorité absolue au développement agricole et rural: 44 pour cent des investissements prévus dans le cadre du programme étaient affectés à l'agriculture et à la mise en valeur des eaux11. Le plan quinquennal de développement populaire (1986-1990) a conservé cette orientation: environ 42 pour cent des investissements au titre du plan étaient consacrés aux zones rurales12. La haute priorité accordée à l'agriculture s'est traduite notamment par la construction d'un grand nombre de petits et moyens réservoirs. L'effort d'investissement a été accompagné par d'autres mesures d'appui à l'agriculture: vulgarisation des techniques de production, renforcement des organisations paysannes, relèvement des prix à la production.
Politique économique: ajustement structurel
Comme dans beaucoup de pays en développement, la politique économique actuelle du Burkina Faso s'inscrit dans les programmes d'ajustement structurel convenus avec les organisations de Bretton Woods. Toutefois, par comparaison avec la plupart des autres pays d'Afrique, le Burkina Faso est arrivé relativement tard à l'ajustement structurel «orthodoxe». Il avait commencé dès 1988 à préparer un programme d'ajustement structurel appuyé par la Banque, mais les négociations avec celle-ci n'ont réellement commencé qu'en 1989, dans un contexte beaucoup moins marqué par l'urgence économique que dans la majorité des autres pays.
Depuis 1984, la politique macroéconomique est caractérisée par un effort d'ajustement économique auto-imposé, sans assistance extérieure, visant à rétablir la discipline financière et à réduire le déficit budgétaire, tout en stimulant les secteurs productifs de l'économie, en particulier l'agriculture, et en améliorant les services sociaux et l'éducation13. Pendant la période 1984-1988, les résultats économiques d'ensemble ont été plutôt satisfaisants: les taux de croissance du PIB ont été bons et les taux d'inflation faibles et surtout la production agricole a beaucoup augmenté. Toutefois, le déficit budgétaire, malgré une réduction notable en 1985, a persisté les années suivantes et les arriérés de paiement se sont accumulés. Du point de vue des comptes extérieurs, malgré une détérioration de la balance courante (hors dons) pendant la deuxième moitié des années 80, l'endettement est resté modéré: en 1989, l'encours total de la dette extérieure correspondait à 33 pour cent du PNB et le service total de la dette à 9,6 pour cent des exportations de biens et services14.
L'ajustement structurel au Burkina Faso ne se présente pas de la même façon que dans la plupart des autres pays, non seulement parce qu'il a été mis en uvre dans un contexte macroéconomique moins critique, mais aussi parce qu'il avait été préparé autrement et à un autre moment. Il a en effet pu être préparé avec soin, notamment au niveau politique, du fait qu'il n'y avait pas de réelle urgence économique, malgré l'aggravation des déséquilibres intérieurs et extérieurs. Pour que le programme soit bien accueilli, le gouvernement a pris le temps, avant d'y mettre la dernière main, de susciter délibérément un débat ouvert de la société civile à son propos et d'informer soigneusement le grand public. C'est ainsi qu'ayant initialement pris contact avec la Banque mondiale dès le début de 1988, le gouvernement a rédigé dès septembre 1989, son propre projet de programme d'ajustement et conclu un accord avec la Banque mondiale en mars 1991.
Le premier programme d'ajustement structurel portait sur la période 1991-1993; les objectifs chiffrés étaient les suivants: taux de croissance annuel du PIB d'environ 5 pour cent pendant toute la période, déficit de la balance courante (hors transferts) limité à 12 pour cent du PIB au maximum (il a été de 10 à 11 pour cent au début du programme)15 et taux d'inflation limité à 3 pour cent au maximum (3,2 pour cent environ en 1991). Quant au déficit budgétaire, estimé à 2,4 pour cent du PIB en 1991, il devait être ramené à 1 pour cent du PIB en 1997. Le programme avait également pour objectifs d'éliminer la dette intérieure et extérieure, tout en s'attaquant à certains des principaux obstacles à une croissance économique soutenue, à savoir le taux élevé de croissance démographique, le faible degré de développement des ressources humaines et la dégradation de l'environnement. La stratégie envisagée pour atteindre ces objectifs consistait à améliorer la gestion des finances publiques, accroître la production agricole, améliorer les incitations à l'investissement et à l'entreprise privée, promouvoir la valorisation du capital humain en améliorant les services d'éducation et de santé et renforcer les capacités de gestion du secteur public. Au premier programme d'ajustement structurel, qui portait sur la période 1991-1993, a fait suite un deuxième programme pour la période 1994-1996.
Plusieurs réformes portant sur divers secteurs et divers aspects de la gestion économique ont été entreprises ou sont envisagées dans le contexte de l'ajustement structurel: réforme budgétaire - au moyen d'une réforme fiscale et douanière du côté des recettes et d'une amélioration des contrôles et de la gestion du côté des dépenses - refonte du système bancaire et restructuration et privatisation des entreprises publiques. Un autre volet important de la réforme est la libéralisation du commerce extérieur et des prix, accompagnée d'une révision du code des investissements et de la mise en uvre, déjà effective ou en préparation, de nouveaux codes du commerce et du travail et d'une nouvelle législation sur la sécurité d'occupation des terres; des progrès importants ont déjà été réalisés dans ce sens; toutes ces mesures visent à stimuler l'investissement et l'entreprise privée. Dans le cadre de l'ajustement structurel, un effort particulier a été fait pour le développement des ressources humaines et des crédits budgétaires ont été réorientés vers les secteurs de l'éducation et de la santé. Le programme d'ajustement structurel s'est accompagné d'une série de programmes sectoriels, et principalement d'un programme d'ajustement sectoriel pour l'agriculture, d'un plan d'action national pour l'environnement, d'un programme d'ajustement sectoriel pour les transports et d'un programme de promotion du secteur privé.
A mi-parcours du processus d'ajustement structurel, la dévaluation du franc CFA (FCFA), intervenue en janvier 1994 (la parité du franc français est passée de 50 FCFA = 1 franc à 100 FCFA = 1 franc) a transformé le contexte macroéconomique et permis au Burkina Faso d'améliorer beaucoup sa compétitivité internationale tout en contribuant à rééquilibrer la balance extérieure. La dévaluation devait stimuler la production et les exportations de cultures de rente telles que coton, fruits et légumes, arachides et autres plantes oléagineuses et produits animaux; elle devrait en même temps entraîner une réduction des importations de denrées alimentaires (principalement de riz) tout en stimulant la production intérieure et le déplacement de la consommation en faveur des céréales produites localement. Elle devrait aussi modifier la composition des importations en faveur des biens intermédiaires et des intrants et provoquer une amélioration générale de la balance commerciale et de la balance des paiements.
La politique économique actuelle, telle qu'énoncée dans le document cadre de politique économique pour 1995-1997 approuvé par le FMI, vise à poursuivre l'effort de rééquilibrage financier et à renforcer les réformes économiques et structurelles pour améliorer la compétitivité économique du pays, libéraliser l'économie et améliorer la gestion du secteur public. Les principaux objectifs chiffrés sont les suivants: taux annuel de croissance du PIB de 5 pour cent, taux d'inflation des prix à la consommation de 3 pour cent et déficit de la balance des opérations courantes limité au maximum à 12 pour cent du PIB. Le renforcement des réformes structurelles et de la libéralisation économique devrait permettre de consolider l'amélioration de la compétitivité qui a résulté de la dévaluation du franc CFA et d'accélérer la croissance des secteurs d'exportation et de remplacement des importations. Les réformes se poursuivent, principalement en vue d'améliorer l'efficience et la gestion financière du secteur public, de continuer à déréglementer l'économie, de développer des services de santé et d'éducation et de renforcer les infrastructures de base.
Récemment, le Gouvernement du Burkina Faso, ayant constaté que l'amélioration des conditions de vie de la population était trop lente, a renforcé sa politique de développement humain. Cette nouvelle orientation est décrite dans la Lettre d'intention sur la politique de développement humain durable 1995-2005, présentée à la communauté de donateurs à la troisième table ronde sur le Burkina Faso, tenue avec les donateurs d'aide en octobre 1995. Cette Lettre énonce les grands objectifs et stratégies du gouvernement en matière de développement humain, tout en signalant que des études supplémentaires seront nécessaires pour établir les directives stratégiques et formuler les programmes et projets spécifiques. Elle souligne qu'un cadre macroéconomique approprié est un préalable essentiel à la réduction du paupérisme et que les réformes macroéconomiques et structurelles doivent être poursuivies. Les grands objectifs énoncés pour 2005 sont très ambitieux: assurer un taux de croissance du PIB par habitant d'au moins 3 pour cent par an, doubler le taux d'alphabétisation (qui devrait passer de 20 à 40 pour cent) et accroître d'environ 10 ans l'espérance de vie. La Lettre énonce les éléments essentiels au développement des ressources humaines dans le contexte d'une croissance économique durable: une stratégie de limitation de la croissance démographique, des politiques de création d'emplois et de revenus, un renforcement du rôle des femmes et une amélioration de l'accès à l'éducation (l'objectif étant d'atteindre un taux de scolarisation de 60 pour cent en 2005), développer les services sanitaires et l'approvisionnement en eau potable. Selon les estimations du gouvernement, il faudra, pour atteindre ces objectifs, 68 milliards de FCFA par an entre 1996 et 2000 et 102 milliards entre 2000 et 2005.
Politiques agricoles: ajustement sectoriel
La réforme de l'agriculture et des politiques agricoles est un élément essentiel de la politique économique actuelle et des ajustements structurels en cours. Le programme sectoriel pour l'agriculture, dont la préparation avait commencé en 1989, et qui a été approuvé par la Banque mondiale en 1992, prévoyait une série de mesures étalées sur trois ans.
Les trois principaux objectifs de ce programme pour 1992-1995 étaient: modernisation et diversification de la production, renforcement de la sécurité alimentaire et amélioration de la gestion des ressources naturelles. En vue de ces objectifs, le programme définissait cinq grandes lignes d'action: intensification de la production et de la gestion des ressources naturelles, libéralisation du commerce et des prix des produits et des intrants agricoles, restructuration de l'environnement institutionnel, rationalisation des finances publiques et consolidation de la politique de sécurité alimentaire. Pour chacune de ces lignes d'action, une série de mesures à entreprendre au cours du programme pour les grands sous-secteurs de l'agriculture étaient énoncées. Vers la fin de 1995, presque toutes ces mesures avaient été prises.
Plusieurs réformes importantes ont déjà été effectuées dans le contexte du programme d'ajustement du secteur agricole. Pour améliorer la gestion des ressources, de nouvelles lois cadres et réglementations relatives à l'organisation agraire et à la gestion des terres communautaires ont été introduites; toutefois, l'application générale de cette législation prendra nécessairement du temps et les régimes traditionnels de droits d'utilisation des terres et d'aménagement des terres restent la règle. Un gros progrès a été fait en direction de la liberté du commerce et des prix: tous les monopoles d'exportation de produits agricoles ont été supprimés, sauf dans le cas du coton ainsi que tous les monopoles d'importation, sauf dans le cas du blé, du sucre et du riz, (et même, pour ce dernier produit, il a été décidé vers la fin de 1995 d'ouvrir partiellement le marché des importations au commerce privé). En outre, les prix à la production ne sont plus fixés par le gouvernement, les prix au détail ne sont plus soumis à son approbation et le commerce des intrants agricoles a été libéralisé. Les obstacles administratifs aux exportations ont été supprimés et les taxes à l'exportation de bétail et de viande ont été abrogées.
La vente de produits vétérinaires et pharmaceutiques par le secteur privé a été réglementée et l'Office national d'approvisionnement et de distribution des intrants zootechniques et vétérinaires (ONAVET) pratique désormais les prix du marché. La réorganisation de l'environnement institutionnel du secteur agricole a été préparée et en partie réalisée. L'Etat se désengage et réoriente ses activités vers la recherche, la vulgarisation et les services de conseil, la formation agricole, la gestion de l'utilisation des terres et des ressources naturelles et la création d'infrastructures; la responsabilité de la plupart des autres interventions doit être transférée aux associations de producteurs et au secteur privé. Cette réforme s'est accompagnée d'un effort d'amélioration de la gestion des finances publiques dans le secteur agricole. Outre le programme visant directement le secteur agricole, celui-ci bénéficie de l'accroissement des crédits budgétaires affectés à l'entretien et la construction des routes dans le cadre du programme sectoriel pour les transports.
Etant donné le rôle crucial de la céréaliculture, les réformes dans ce domaine ont une importance particulière. Jusqu'à tout récemment, les interventions de l'Etat étaient lourdes et le gouvernement cherchait à contrôler ou influencer les prix. L'Office national des céréales (OFNACER) distribuait l'aide alimentaire, gérait les stocks céréaliers de sécurité alimentaire, garantissait les prix à la production et intervenait pour stabiliser les prix. Toutefois, l'effet de ses interventions sur le marché intérieur était généralement réduit car, faute de crédits suffisants, ses achats aux prix officiels étaient trop limités pour avoir un impact appréciable sur le marché. En juin 1994, l'OFNACER a été liquidé dans le contexte d'une restructuration radicale du marché céréalier.
La nouvelle politique céréalière repose sur la libération des prix et du commerce des céréales et fait une plus large place au secteur privé dans la commercialisation et le stockage (qu'il s'agisse des stocks de village ou des stocks commerciaux). La principale exception à cette libéralisation est le riz, qui a une situation particulière dans le bilan alimentaire du pays car c'est la seule céréale importante qui soit en majeure partie importée. Il occupe une place importante dans l'alimentation des citadins, et l'accroissement de la consommation, qui fait monter d'autant la facture d'importations, est une cause de préoccupation. C'est pourquoi la libéralisation de ce sous-secteur se fait avec une sage lenteur et s'accompagne d'un effort spécial pour accroître la production intérieure, qui bénéficie, en outre, de l'amélioration de la compétitivité du riz de production locale depuis la dévaluation de 1994. Le prix intérieur du riz est donc resté contrôlé en 1995 et le monopole des importations a été maintenu. Toutefois, à la fin de l'année, il a été décidé de faire un premier pas vers la libéralisation des importations en ouvrant partiellement ce marché au secteur privé.
Parallèlement à la libéralisation du marché des céréales, un nouveau cadre institutionnel a été mis en place pour appliquer et suivre la politique céréalière et de sécurité alimentaire, en coordination étroite avec la communauté des donateurs et le secteur privé. Un Comité de réflexion et de suivi de la Politique céréalière et de sécurité alimentaire (CRSPC), doté d'un secrétariat permanent et composé de représentants du gouvernement, des donateurs extérieurs et de représentants des agents privés nationaux et des organisations non gouvernementales (ONG) intervenant dans le sous-secteur des céréales, a été créé à cet effet. Une nouvelle société, la Société nationale de gestion du stock de sécurité alimentaire (SONAGESS), a été chargée de gérer les stocks céréaliers de sécurité alimentaire, d'un volume de 35 000 tonnes, ainsi que les crédits ouverts pour acheter 25 000 tonnes de plus. Des opérations d'urgence et des interventions de remise en état en vue de la sécurité alimentaire seront effectuées par un Comité national de secours d'urgence et de réhabilitation (CONASUR) qui, en cas de crise, pourra prélever des céréales sur les stocks gérés par la SONAGESS. Selon les circonstances, les interventions peuvent consister à distribuer gratuitement des denrées alimentaires ou à les vendre, soit à des prix subventionnés, soit aux prix du marché. Le Comité de coordination de l'information pour la sécurité alimentaire (CCI) est responsable d'un système intégré d'information. Il gère et coordonne la production de l'information nécessaire pour appliquer la politique de sécurité alimentaire. Dans ce contexte, le service des statistiques du Ministère de l'agriculture et des ressources animales diffuse un bulletin mensuel sur la situation alimentaire et s'efforce d'améliorer son système d'alerte rapide au moyen d'un modèle de diagnostic qu'il a mis au point avec l'assistance de la Banque mondiale.
La politique céréalière et de sécurité alimentaire est appliquée au moyen d'un Fonds de développement céréalier (FODEC), alimenté par des allocations du budget national, par des fonds de contrepartie de l'aide alimentaire et par une assistance financière des donateurs et géré par un comité au sein duquel les gouvernements et les donateurs sont représentés à égalité. Les fonds du FODEC sont utilisés pour financer, d'une part, le stock de sécurité alimentaire géré par la SONAGESS et les secours alimentaires d'urgence et, d'autre part, des activités de promotion du secteur céréalier telles que l'ouverture de lignes de crédit pour appuyer la production, la transformation et la distribution des céréales ou l'octroi de crédits pour des projets de développement céréalier.
Le premier programme d'ajustement structurel de l'agriculture a été pratiquement réalisé et l'on a entrepris de préparer un deuxième programme qui doit démarrer en 1996. L'orientation générale ne changera pas: les réformes entreprises dans le cadre du premier programme seront poursuivies et renforcées. Deux des volets prioritaires du nouveau programme sont la restructuration des services agricoles (tant les structures centrales du Ministère de l'agriculture et des ressources animales que les services de soutien technique aux agriculteurs) et le développement d'un système de crédit rural pour lequel les études en cours devraient déboucher sur la formulation de propositions concrètes. Parallèlement, le processus de privatisation des offices para-étatiques et des sociétés publiques du secteur agricole se poursuivra. D'autres études sont en cours pour formuler les politiques concernant la distribution des intrants et de l'équipement technique, le renforcement des qualifications professionnelles en milieu rural et le niveau de la protection tarifaire à appliquer aux denrées alimentaires importées (riz, blé, sucre) ainsi qu'aux intrants agricoles après la libéralisation du régime d'importation.
A la suite de la dévaluation du franc CFA, il importe particulièrement de renforcer les secteurs d'exportation, dont les perspectives se sont améliorées. Cela vaut non seulement pour les grands secteurs d'exportation traditionnels - bétail et coton - mais aussi pour les fruits et légumes, pour lesquels des mesures de promotion et de renforcement sont envisagées dans le contexte du nouveau programme d'ajustement agricole. En outre, il est envisagé d'étudier les moyens d'appuyer le secteur des graines oléagineuses - arachides, noix de karité et sésame - qui peuvent être intéressantes en tant que cultures de rente plus ou moins complémentaires des cultures vivrières et dont la production n'est pas sujette à des contraintes géographiques aussi strictes que le coton, mais dont le potentiel est très sous-exploité à cause du sous-développement des techniques de production et des services de transport et de distribution.
Dans l'ensemble, la réforme des politiques et la dévaluation ont réduit les déséquilibres macroéconomiques, mais moins qu'on ne l'espérait. En particulier, le déficit du commerce extérieur a diminué depuis le début de la décennie et le déficit de la balance courante a été contenu dans la limite fixée de 12 pour cent du PIB16. On pouvait craindre que la dévaluation ne provoque des pressions inflationnistes: ce danger semble avoir été maîtrisé; après une hausse initiale de 25 pour cent des prix à la consommation en 1994, qui était prévue, l'inflation a ralenti en 1995. Au contraire, le déficit budgétaire persiste plus longtemps qu'on ne le prévoyait et a même augmenté entre 1990 et 1994.
La réforme économique n'a pas stimulé la croissance aussi rapidement qu'on l'espérait. Le PIB réel n'a augmenté que de 1,2 pour cent pendant la période 1992-1994, alors qu'il avait fait un bond de près de 10 pour cent en 199117. Sa croissance s'est accélérée en 1995 et devrait atteindre 4,3 pour cent18; c'est 1,2 point de moins que le taux moyen de 5,5 pour cent estimé par le FMI pour l'ensemble de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA)19, mais c'est néanmoins un beau résultat, car la production céréalière a chuté de 1,6 pour cent, et la croissance de 6 pour cent du secteur primaire n'a été possible que grâce à un bond de la production des autres cultures, particulièrement le coton et l'arachide.
En 1995, une étude de la FAO sur l'impact de la dévaluation a conclu que, 18 mois plus tard, la superficie consacrée aux cultures d'exportation (coton) et aux cultures en concurrence avec les importations (riz) avait augmenté. On observait aussi un accroissement des exportations de coton, de bétail, de cuirs et peaux, d'oléagineux et de fruits et légumes, ainsi qu'une réduction des importations de riz et de produits laitiers; cette réduction aurait probablement été encore plus marquée si le gouvernement n'avait pas pris des mesures pour amortir l'impact de la hausse du coût des importations sur les prix à la consommation. En même temps, les prix des intrants agricoles ont aussi augmenté. Au contraire, on ne discerne jusqu'ici aucun impact sur la production ni sur les prix des céréales locales parce que le pays disposait de stocks importants provenant des campagnes précédentes et que la hausse des prix des céréales importées n'a pas été entièrement répercutée sur les consommateurs. La consommation s'est ressentie des effets de la dévaluation: dans les villes, la consommation de viande et de denrées alimentaires importées a diminué tandis que celle de céréales locales augmentait; la hausse de l'indice global des prix à la consommation a obligé les ménages urbains à bas revenu à réduire leur consommation alimentaire totale.
Il semble que la croissance économique se soit accélérée à la suite des réformes économiques et de la dévaluation, mais il faut souligner que beaucoup d'autres facteurs ont aussi influencé la performance et les ajustements de l'économie. En particulier, la dévaluation a coïncidé avec un renforcement du cours des produits sur le marché international, dont a bénéficié, entre autres, le coton, ce qui a imprimé un élan supplémentaire au secteur d'exportation. La flambée des prix du coton ayant pris fin au deuxième trimestre de 1995, son effet incitatif sur la production du principal produit d'exportation du Burkina Faso s'estompe.
En tout état de cause, il serait prématuré de formuler des conclusions sur les effets à moyen et à long terme de la dévaluation et des réformes structurelles. Un bouleversement des rapports de prix aussi radical que celui qui résulte de la dévaluation nécessite des ajustements majeurs de la structure de la production et de la consommation. Ces ajustements ne se font pas du jour au lendemain. Il en va de même de l'effet des réformes structurelles lancées dans toute l'économie et dans le secteur agricole. Particulièrement dans ce dernier, où l'ajustement a démarré plus tard et n'est pas encore accompli, il est trop tôt pour qu'on puisse observer un impact notable. Toutefois, à moyen terme, l'ajustement structurel et la dévaluation devraient avoir un effet synergique. Si le Burkina Faso réussit à contenir les pressions inflationnistes, il semble bien placé pour tirer parti du gain de compétitivité résultant de la dévaluation.
Le Gouvernement burkinabè, quant à lui, est optimiste au sujet des perspectives de croissance du PIB comme l'atteste l'objectif d'un taux annuel de croissance de 5 pour cent par an pour la période 1995-1997 qui figure dans son document cadre de politique économique, et plus encore l'objectif (indiqué dans sa Lettre d'intention sur le développement humain durable) de porter d'ici 2005 le revenu par habitant de 300 à 500 dollars EU, grâce à une accélération graduelle du taux de croissance du PIB, qui devrait atteindre 8 pour cent à partir de l'an 2000. Même si les objectifs de croissance des programmes d'ajustement structurel antérieurs n'ont jusqu'ici pas été atteints, l'objectif à moyen terme de 5 pour cent par an ne semble pas irréaliste si les réformes sont poursuivies avec détermination. Un taux de 5 pour cent n'est en effet pas disproportionné par rapport au taux moyen annuel d'environ 4,5 pour cent enregistré entre 1982 et 1987, ainsi que pendant les années 70. Sans doute le taux de 8 pour cent peut-il sembler trop optimiste, mais le Burkina Faso n'en devrait pas moins être en mesure d'accroître régulièrement à moyen terme le revenu par habitant.
Le Burkina Faso s'est employé de façon très résolue à réformer son économie et à jeter les bases d'une croissance économique durable à long terme. Comme l'agriculture est le principal pilier de l'économie, sa réforme est un élément crucial des programmes d'ajustement et il est certain que, pendant de nombreuses années encore, elle restera le principal moteur de la croissance et le principal moyen de subsistance de la population.
Malgré sa pauvreté extrême et ses ressources très limitées, le Burkina Faso possède plusieurs atouts politiques et sociaux qui permettent d'être optimiste pour les prochaines années. Comme on l'a vu plus haut, il a une tradition de gestion économique sérieuse et crédible qui, notamment, lui a épargné de connaître des déséquilibres macroéconomiques persistants aussi graves que ceux dont ont souffert beaucoup d'autres pays en développement d'Afrique. Cette sage gestion tient notamment à l'intégrité reconnue de la gestion des affaires publiques et au fait que la corruption, très répandue ailleurs, est marginale au Burkina Faso. Cette tradition ne saurait être que renforcée par les institutions démocratiques établies en 1991. De plus, le Burkina Faso a une tradition de développement fondé sur la participation communautaire et un mouvement associatif puissant s'y est développé. En outre, le développement est résolument axé sur des objectifs sociaux et la protection de l'environnement est considérée comme très importante.
Pour assurer le développement à long terme du pays, il sera essentiel de surmonter certaines contraintes graves, dues notamment à la pauvreté de l'environnement et au retard encore considérable du développement humain tel que mesuré par l'éducation générale et l'accès à des services de santé adéquats. Ce dernier point semble particulièrement important pour le développement, malgré les progrès réalisés depuis l'indépendance. La poursuite résolue des réformes économiques et le développement humain - et, en particulier, le développement agricole et rural - seront la clef de la croissance économique soutenue à long terme. Pour atteindre ces objectifs, le Burkina Faso a besoin de l'appui de la communauté internationale et mérite pleinement cet appui.
1 Banque mondiale. 1995. Rapport sur le développement mondial. Washington.
2 Ibid.
3 Institut National de la Statistique. 1994. Annuaire Statistique du Burkina Faso. Ouagadougou.
4 D'après les chiffres du Ministère de l'économie, des finances et du plan.
5 Estimations du Ministère de l'agriculture et des ressources animales, Direction des statistiques agropastorales. 1995. Enquête nationale de statistique agricole, Rapport Général. Ouagadougou.
6 Ces chiffres et ceux qui suivent proviennent du Ministère de l'agriculture et des ressources animales, Direction des statistiques agropastorales. 1995. Enquête nationale de statistique agricole, Rapport général, Ouagadougou.
7 Banque mondiale, op. cit., note 1 p. 108.
8 PNUD. 1995. Rapport sur le développement humain. New York.
9 Ibid.
10 Banque mondiale, op. cit., note 1 p. 108.
11 Voir P. Zagré. 1994. Les politiques économiques du Burkina Faso, une tradition d'ajustement structurel. Paris.
12 Ibid.
13 Entre janvier 1985 et juillet 1988, la Banque mondiale n'a approuvé aucun nouveau crédit au Burkina Faso. Voir P. Zagré, p. 164, op. cit. , note 11.
14 Banque mondiale. 1995. Tableaux de la dette mondiale 1994-95. Washington.
15 Données du Ministère de l'économie, des finances et du plan.
16 Selon les chiffres du Ministère de l'économie, des finances et du plan.
17 Ibid.
18 Projection du Ministère de l'économie, des finances et du plan.
19 L'UEMOA comprend le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.