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1. Introduction

1.1 Contexte et portée

"Les Etats devraient considérer l'aquaculture, y compris les pêcheries basées sur l'élevage, comme un moyen de promouvoir la diversification des revenus et du régime alimentaire. Ce faisant, ils devraient veiller à ce que les ressources soient utilisées d'une manière responsable et que les effets nuisibles sur l'environnement et sur les communautés locales soient réduits au minimum."

Article 6.19
Principes généraux
Code de conduite pour une pêche responsable

L'aquaculture est actuellement l'un des systèmes de production vivrière qui progresse le plus à l'échelle mondiale. Elle est surtout pratiquée dans les pays en développement, et notamment dans les pays à faible revenu et en déficit vivrier. Compte tenu de la stagnation des rendements de nombreuses pêcheries de capture et de l'accroissement de la demande de poisson et de produits de la pêche, il y a de fortes chances que l'aquaculture prenne une part de plus en plus grande dans la production mondiale d'aliments d'origine aquatique. Beaucoup aussi souhaitent qu'elle concoure chaque jour davantage au renforcement de la sécurité alimentaire et à la lutte contre la pauvreté dans de nombreux pays en développement. Toutefois, on sait aussi que l'aquaculture recouvre un très large éventail de pratiques d'élevage aquatique eu égard aux espèces (algues, mollusques, crustacés, poissons et autres groupes d'espèces aquatiques), aux milieux ou aux systèmes utilisés et qu'elle fait intervenir des modes d'utilisation des ressources très différents. En conséquence, il existe donc toute une série d'options qui permettent de diversifier les méthodes susceptibles d'améliorer la production de vivres et de revenus dans de nombreuses zones rurales et péri-urbaines.

Etant donné les bénéfices considérables d'ordre nutritionnel, social, économique et environnemental que procurent d'ordinaire la plupart des pratiques aquacoles actuelles et les bonnes perspectives de développement et d'expansion du secteur, il importe que, dans l'optique d'un développement durable de l'aquaculture, les éventuels conflits sociaux et problèmes pour l'environnement soient réduits au minimum. L'aquaculture, à l'instar de tous les systèmes d'exploitation terrestres, doit faire face à un certain nombre de difficultés telles que la concurrence croissante pour l'accès à des ressources limitées (par exemple eau, terres, et aliments pour animaux), la dégradation environnementale des ressources utilisées ou nécessaires, la difficulté à obtenir le statut d'utilisateur légitime des ressources, l'absence d'appui institutionnel et juridique, la réglementation excessive et, récemment, la publicité néfaste suite à quelques cas de dégradation de l'environnement et de désordres sociaux causés par certaines pratiques aquacoles.

Du point de vue économique, les principales difficultés à surmonter pour promouvoir le développement de l'aquaculture consisteront à limiter les effets externes. Deux grandes catégories d'effets externes devront être prises en considération. La première regroupe les effets externes découlant d'activités qui engendrent des conditions préjudiciables à autrui, comme diverses formes de pollution ou les conséquences dommageables de certaines activités humaines, et qui ne donnent lieu à aucun dédommagement ni à aucune indemnisation de la part de leurs auteurs. Quant à la deuxième, elle englobe les effets externes qui résultent de la concurrence pour avoir accès à des ressources limitées (par exemple des ressources en eau ou un secteur de zone côtière particulier) et se traduisent par un manque d'efficacité économique dû aux bénéfices insuffisants que procure le surcroît de capitaux et de main-d'œuvre investis. Il faudrait donc veiller à réduire les effets externes et à limiter à des niveaux acceptables l'incidence négative et les gaspillages économiques imputables à l'aquaculture elle-même ou aux décisions et initiatives d'autres agents économiques la concernant.

Si le Code de conduite pour une pêche responsable indique les mesures que les Etats doivent prendre, il est aussi censé concerner les personnes, les groupes d'intérêts ou les organismes, publics ou privés, qui prennent part ou s'intéressent aux activités aquacoles. Afin de promouvoir le développement durable de l'aquaculture, les pouvoirs publics seront de plus en plus amenés à jouer un rôle important dans le renforcement de la collaboration avec et entre les nombreux acteurs impliqués. Les responsabilités associées à ce processus de développement devront être partagées entre les pouvoirs publics, les aquaculteurs, les fabricants et fournisseurs d'intrants aquacoles, les entreprises chargées de transformer et de commercialiser les produits aquacoles, les institutions financières, les chercheurs, les groupes d'intérêts particuliers, les associations professionnelles, les organisations non gouvernementales et les autres parties intéressées.

A cet égard, une tâche cruciale consiste à amener les différents partenaires du développement aquacole à engager un dialogue constructif et une collaboration efficace, tant au plan local et national qu'à l'échelon international. Pour concourir efficacement au développement durable de l'aquaculture, il faudra tenir compte de la diversité des pratiques aquacoles ainsi que de la variété des contextes politiques, sociaux et économiques dans lesquels prennent ou prendront place ces pratiques. Par ailleurs, la capacité des pays en développement de mettre en œuvre les recommandations du Code de conduite pour une pêche responsable devrait être dûment prise en considération (voir l'article 5 du Code, intitulé "Besoins particuliers des pays en développement"). Il importe en effet de reconnaître et de prendre pleinement en compte les particularités propres à ces pays et de répondre à leurs besoins en matière d'assistance financière et technique, de transfert de technologie, de formation et de coopération scientifique, de façon à leur permettre d'appliquer les recommandations du Code qui ont trait à l'aquaculture.

Le présent document n'est pas en mesure - et n'a d'ailleurs pas pour objectif - d'aborder la totalité des difficultés et des questions liées au développement actuel de l'aquaculture, à sa durabilité ainsi qu'à la nécessité et aux modalités d'une collaboration plus active et d'actions judicieuses de la part de tous les acteurs concernés. Compte tenu de la très grande diversité des pratiques aquacoles dans le monde, le document ne peut que fournir des annotations concernant les principes exposés à l'article 9 - Développement de l'aquaculture - du Code de conduite pour une pêche responsable. Ces annotations ne peuvent constituer que des indications d'ordre général. Elles devraient être considérées comme des suggestions ou des observations destinées à aider ceux qui souhaitent définir leurs propres critères et moyens d'action - y compris en tant que partenaires amenés à collaborer - à l'appui d'un développement durable de l'aquaculture, en leur faisant prendre conscience de la différence parfois considérable des besoins et des conceptions associés aux notions de développement durable et de production aquacole.

Des directives plus détaillées concernant les questions et sujets relevant de l'article 9 du Code sont actuellement - ou seront prochainement - élaborées par le Département des pêches de la FAO, en collaboration avec les partenaires concernés. A cet égard, il peut s'avérer nécessaire de formuler des directives particulières intéressant certains types de systèmes aquacoles, des groupes d'espèces ou des produits particuliers ou encore des tentatives de développement de l'aquaculture dans des régions ou des milieux précis. Il convient de préciser qu'en plus des efforts déployés par la FAO, de nombreuses initiatives de caractère local, national, régional et international contribuent à promouvoir le développement durable de l'aquaculture. La FAO encourage d'ailleurs les intéressés à collaborer, aussi bien à ce sujet qu'en ce qui concerne l'application des principes du Code. Il faut d'ailleurs souhaiter que cette collaboration à l'élaboration et à la mise en œuvre de directives en faveur d'une aquaculture durable et de pratiques responsables contribuera aussi à mieux faire connaître l'aquaculture, en particulier les avantages qu'elle procure et la diversité des pratiques et des personnes concernées.

Il faut enfin noter que d'autres directives portant sur les articles du Code, et en particulier sur l'"Intégration des pêches dans l'aménagement des zones côtières1 "Aménagement des pêcheries2 et l'"Approche de précaution appliquée aux pêches de capture et aux introductions d'espèces3 traitent de certains aspects intéressant l'aquaculture, y compris la pêche fondée sur l'élevage. Actuellement, on procède à l'élaboration ou l'on établit la version définitive d'autres textes d'orientation sur le sujet, et notamment des documents suivants:

1.2 Structure et contenu du présent document

La structure du document est calquée sur celle de l'article 9 - Développement de l'aquaculture - du Code de conduite pour une pêche responsable (ci-après désigné par l'expression "le Code"). Chaque principe est abordé explicitement, de sorte que le lecteur puisse prendre connaissance des annotations connexes contenant suggestions et observations. L'article 9 comprend quatre parties définies lors de l'élaboration du Code. La première partie porte sur les questions qui se posent en premier lieu dans les zones relevant de la juridiction nationale. La deuxième partie traite des aspects qui, bien que relevant de la juridiction d'Etats souverains, peuvent néanmoins avoir des répercussions dans d'autres Etats. La troisième partie est consacrée aux questions concernant l'utilisation des ressources génétiques aquatiques. Enfin, la quatrième partie aborde les questions qui se posent au niveau de la production.

Les principes exposés à l'article 9 du Code apparaissent en caractères gras. Les annotations sont complétées par des notes supplémentaires en encadré ainsi que par des références choisies qui peuvent s'avérer utiles lors d'échanges de vues ou du travail de suivi ultérieur. Les références indiquées sont numérotées dans le cours du texte et renvoient à la liste fournie à la fin du document. Les lecteurs sont encouragés à échanger avec les autres personnes intéressées tout document technique ou d'orientation et toute information ayant trait à des expériences susceptibles de faciliter l'application des mesures requises. Ils sont en outre invités à communiquer ces renseignements au Département des pêches de la FAO et à contribuer, de ce fait, à l'élaboration, à l'amélioration et à la mise à jour des directives pour un développement durable de l'aquaculture.

1.3 Termes utilisés

Aquaculture:

La définition de l'aquaculture adoptée dans le présent document correspond à la définition actuellement utilisée par la FAO à des fins statistiques, à savoir: "L'aquaculture consiste dans la culture d'organismes aquatiques, y compris poissons, mollusques, crustacés et plantes aquatiques. Le terme «culture» implique une quelconque forme d'intervention dans le processus d'élevage en vue d'améliorer la production, telle que l'empoissonnement à intervalle régulier, l'alimentation, la protection contre les prédateurs, etc. La culture implique également la propriété individuelle ou juridique du stock en élevage. Du point de vue des statistiques, les organismes aquatiques récoltés par un individu ou une personne juridique les ayant eu en propriété tout au long de leur période d'élevage sont donc des produits de l'aquaculture. Par contre, les organismes aquatiques exploitables publiquement en tant que ressource de propriété commune, avec ou sans licences appropriées, sont à considérer comme des produits de la pêche."

Pêche fondée sur l'élevage:

Le texte contient aussi des dispositions concernant la pêche fondée sur l'élevage, qui correspond en ce cas à une pêche par capture dont la durabilité est assurée par l'empoissonnement d'organismes élevés dans des installations aquacoles. Cette définition est toutefois trop restrictive pour couvrir l'ensemble des techniques de gestion généralement regroupées sous le vocable d'améliorations. Aussi, pour les besoins du présent document, a-t-on adopté la définition opérationnelle4 suivante: "Activités visant à accroître ou à maintenir le recrutement d'une ou plusieurs espèces aquatiques et à augmenter la production totale ou la production de certaines composantes d'une pêcherie au-delà d'un niveau considéré comme durable dans des conditions naturelles". En ce sens, la pêche fondée sur l'élevage peut impliquer les mesures d'amélioration suivantes: introduction de nouvelles espèces; empoissonnement de plans d'eau naturels et artificiels; fertilisation; modifications de l'environnement, et notamment améliorations des habitats et aménagement des plans d'eau; modification de la composition spécifique, et notamment élimination des espèces indésirables ou constitution d'une faune artificielle à partir d'espèces sélectionnées; modification génétique d'espèces introduites.

Sécurité alimentaire:

La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active (référence 1).

Développement durable:

Le développement durable consiste dans l'aménagement et la conservation des ressources naturelles ainsi que dans l'orientation des changements technologiques et institutionnels, de manière à satisfaire les besoins des générations actuelles et futures. Dans les secteurs de l'agriculture, des forêts et des pêches, un tel développement durable conserve les terres, les eaux et le patrimoine zoogénétique et phytogénétique; il utilise des moyens sans danger pour l'environnement, techniquement bien adaptés, économiquement viables et socialement acceptables (réf. 2).


1 Integration of Fisheries into coastal area management. FAO Technical Guidelines for Responsible Fisheries. No. 3. Rome, FAO. 1996. 17p.

2 Fisheries management. FAO Technical Guidelines for Responsible Fisheries. No. 4. Rome, FAO. 1997. 82p.

3 L'approche de précaution appliquée aux pêches de capture et aux introductions d'espèces (FAO Document technique sur les pêches, 350/1), réédité comme FAO Directives techniques pour une pêche responsible. No. 2 Rome, FAO. 1997. 73p.

4 Les définitions de la pêche fondée sur l'élevage ont été examinées au cours de la Consultation FAO sur les améliorations des pêches continentales qui s'est tenue en avril 1997 à Dhaka (Bangladesh).


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