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ARTICLE 7 - AMÉNAGEMENT DES PÊCHERIES

7.1 Dispositions générales

7.1.1 Les Etats et tous ceux qui participent à l’aménagement des pêcheries devraient, par le biais d’un cadre juridique, institutionnel et de définition des politiques approprié, adopter des mesures pour assurer la conservation à long terme et l’utilisation durable des ressources halieutiques. Les mesures de conservation et d’aménagement, que ce soit au niveau local, national, sous-régional ou régional, devraient reposer sur les données scientifiques les plus fiables disponibles et être conçues pour assurer la durabilité à long terme des ressources halieutiques à des niveaux qui favorisent la poursuite de l’objectif d’une utilisation optimale et du maintien de leur disponibilité pour les générations présentes et futures; la réalisation de ces objectifs ne devrait pas être compromise par des considérations de court terme.

Voir aussi 6.19

Conservation et aménagement des ressources des pêcheries continentales: Les types actuels d’aménagement des pêcheries dans les eaux continentales portent sur trois composantes du système environnement/poisson/pêcherie:

Il va de soi que parmi ces trois processus, l’aménagement classique de la pêcherie est limité au premier.

L’aménagement de la pêcherie proprement dite peut être assuré dans le cadre de la viabilité soit de la ressource dans son ensemble - tel est le cas lorsqu’une décision de principe a été prise consistant à limiter strictement les activités de pêche au nom de la conservation, pour des raisons esthétiques ou à des fins récréatives - ou en fonction de composantes particulières du système. Les décisions concernant cet aspect de l’aménagement sont généralement de nature politique et ont été prises dans le passé, à un échelon assez élevé, par l’administration centrale responsable des pêches. La tendance actuelle consiste de plus en plus à faire participer les populations locales à de telles décisions dans le cadre de systèmes de cogestion ou par le transfert de droits.

L’aménagement des stocks halieutiques est habituellement réalisé avec l’objectif direct d’adapter plus étroitement la pêcherie aux besoins d’une certaine collectivité à un instant donné. Il s’agit d’une activité technique réalisée à l’échelon de chaque pêcherie en fonction des besoins particuliers. Une telle activité ne peut toutefois avoir lieu que si une décision de principe a été prise d’affecter les droits à un plan d’eau où ce type d’aménagement est mis en place, de sorte que ceux qui investissent dans la ressource peuvent tirer profit de leur investissement.

L’aménagement de l’environnement est de deux types. Il peut s’agir en premier lieu d’interventions destinées à réduire au minimum ou atténuer les effets néfastes d’activités réalisées par d’autres utilisateurs ou de remettre le milieu en état. Dans ce cas, les décisions n’incombent pas aux responsables de la pêcherie mais davantage à tout un ensemble de décideurs qui, de façon implicite ou explicite, affectent la ressource aquatique à certains usages. En second lieu, il peut s’agir d’activités destinées à améliorer la capacité de l’écosystème à répondre aux besoins du poisson et à compléter des systèmes d’aménagement à vocation biologique. De telles activités sont incontestablement du ressort des responsables de la pêche mais il est souvent souhaitable que d’autres intérêts soient pris en compte avant que ne soient entreprises des activités telles que la rectification du lit des cours d’eau, la reconstitution de fonds en gravier ou la lutte contre la végétation aquatique.

7.1.2 Dans les zones relevant de leur juridiction nationale, les Etats devraient s’efforcer d’identifier les parties nationales intéressées qui ont un intérêt légitime dans l’utilisation et la gestion des ressources halieutiques et devraient instituer des arrangements permettant de les consulter pour s’assurer de leur collaboration dans la conduite d’une pêche responsable.

Parties concernées: La ressource intéressant de nombreuses parties prenantes, le processus de consultation doit englober de larges composantes de la collectivité. Les éléments à inviter à de tels débats dépendent des activités envisagées, de l’aire géographique considérée et des aspirations sociales des différents groupes d’utilisateurs. Ainsi, dans le cas d’un cours d’eau tropical, le débat peut faire intervenir principalement le secteur de la pêche commerciale, les artisans pêcheurs et les personnes désireuses de prélever de l’eau pour l’irrigation. Dans le cas d’un lac situé en zone tempérée, le débat pourra réunir les adeptes de la pêche récréative, les défenseurs de la nature et les adeptes des sports nautiques. Ce qui importe avant tout, c’est que les décideurs sachent reconnaître les groupes légitimement intéressés par les ressources aquatiques et qu’ils s’efforcent de les intégrer au processus de consultation. Lorsque les groupes d’utilisateurs (qui sont souvent les pêcheurs eux-mêmes) ne disposent pas d’une instance organisée, des mécanismes devraient être mis en place pour que leurs points de vue puissent être dûment exprimés.

7.1.3 Dans le cas des stocks transfrontières, des stocks chevauchants, des stocks de poissons grands migrateurs et des stocks de la haute mer, lorsque ceux-ci sont exploités par deux Etats ou plus, les Etats concernés y compris les Etats côtiers intéressés dans le cas des stocks chevauchants et de stocks de grands migrateurs, devraient coopérer en vue d’assurer la conservation et l’aménagement efficaces des ressources. Cela devrait se faire, lorsqu’il y a lieu, par la mise en place d’une organisation ou d’un arrangement bilatéral, sous-régional ou régional compétent en matière de pêches.

Poissons migrateurs en rivière et poissons diadromes: Dans les pêcheries continentales, les problèmes posés par les catégories de poissons susmentionnées se posent aussi dans le cas des grands migrateurs, en rivière et diadromes. Ces espèces sont parmi les plus intéressantes sur le plan commercial mais sont parmi les premières à disparaître lorsque l’environnement est fortement modifié par la construction de barrages, la pollution et la surexploitation du poisson en cours de migration. C’est la raison pour laquelle dans les eaux intérieures, tant nationales qu’internationales, toutes les mesures nécessaires devraient être prises pour aider le poisson à franchir les obstacles tels que barrages et déversoirs, pour éviter les barrières chimiques en cas de pollution localisée et pour interdire une activité de pêche excessive aux points de rassemblement où les poissons sont particulièrement vulnérables. La protection des espèces migratrices devrait être une préoccupation essentielle des agences de bassin.

7.1.4 Une organisation ou un arrangement sous-régional ou régional d’aménagement des pêcheries devrait comprendre des représentants des Etats dans les zones de juridiction desquels se trouvent les ressources, ainsi que des représentants des Etats qui ont un intérêt réel dans les ressources des pêcheries situées en dehors des juridictions nationales. Lorsqu’il existe une organisation ou un arrangement sous-régional ou régional d’aménagement des pêcheries et que celui-ci a compétence pour établir des mesures de conservation et de gestion, lesdits Etats devraient coopérer en devenant membres de cette organisation ou en participant à cet arrangement, et prendre une part active à ces travaux.

7.1.5 Tout Etat qui n’est ni membre d’une organisation sous-régionale ou régionale d’aménagement des pêcheries, ni participant à un arrangement régional ou régional d’aménagement des pêcheries devrait néanmoins coopérer, conformément aux accords internationaux pertinents et au droit international, à la conservation et à la gestion des ressources halieutiques concernées, en mettant en œuvre les mesures adoptées à cet effet par ladite organisation ou ledit arrangement.

7.1.6 Les représentants des organisations concernées, tant gouvernementales que non gouvernementales, s’occupant de pêche devraient avoir la possibilité de participer aux réunions des organisations et arrangements sous-régionaux et régionaux d’aménagement des pêcheries, en qualité d’observateurs ou autrement, selon qu’il conviendra, conformément aux procédures de l’organisation ou arrangement concerné. Ces représentants devraient avoir accès en temps voulu aux dossiers et rapports de ces réunions, sous réserve des règles de procédure régissant l’accès à ces renseignements.

Rôle des agences de bassin: Les articles 7.1.4 à 7.1.6 devraient être considérés comme s’appliquant également aux agences de bassin chargées de veiller à la conservation et à l’aménagement des ressources des bassins fluviaux et lacustres. Lorsque ces organismes n’ont pas pour fonction première la pêche, mais par exemple la production d’électricité, l’attribution d’eau ou la navigation, la protection des ressources aquatiques vivantes au bénéfice de la biodiversité et de la pêche devrait être incluse explicitement dans leurs attributions. (Voir aussi section 10).

7.1.7 Les Etats devraient mettre en place, dans les limites de leurs compétences et capacités respectives, des mécanismes efficaces de suivi, surveillance, contrôle et police de pêcheries, et pour assurer le respect de leurs mesures de conservation et d’aménagement, ainsi que des mesures adoptées par des organisations ou arrangements sous-régionaux ou régionaux.

Suivi, surveillance, contrôle et police: L’une des caractéristiques des systèmes aquatiques continentaux est leur dispersion dans l’espace et dans le temps. Mis à part quelques grands lacs et fleuves, les Etats comptent généralement plusieurs milliers de kilomètres de cours d’eau, de nombreux plans d’eau et marais ainsi que des zones telles que rizières, où sont élevés et capturés des poissons. La dispersion de la ressource a pour corollaire une dissémination tout aussi marquée des lieux de pêche et de débarquement. Il en résulte qu’un Etat est rarement en mesure d’assurer un suivi, une surveillance, un contrôle et une police généralisés de l’ensemble des pêcheries continentales situées sur le territoire national. La solution la plus économique consiste à confier aux pêcheurs eux-mêmes les fonctions de police et de comptabilisation des activités de pêche et de les habiliter à exercer ces fonctions en leur accordant des droits reconnus et protégés par la loi.

7.1.8 Les Etats devraient prendre des mesures pour empêcher ou éliminer la surcapacité de pêche et veiller à ce que le niveau de l’effort de pêche soit compatible avec l’exploitation durable des ressources halieutiques, afin d’assurer l’efficacité des mesures de conservation et de gestion.

Maîtrise de l’effort de pêche: En dehors de quelques pêcheries importantes qui concernent des grands lacs et des fleuves, la pêche continentale est généralement le fait de nombreuses petites unités artisanales plutôt que de grosses embarcations. Dans ces conditions, et en raison de la dissémination des pêcheries et des points de débarquement déjà mentionnée, il est difficile de contrôler directement l’accès à la pêcherie. Pour beaucoup, la pêche n’est qu’une activité à temps partiel et des mesures de l’effort de pêche sont difficiles à obtenir. D’autre part, dans les plans d’eau subissant des fluctuations de niveau, la production de la pêcherie peut varier considérablement d’une année à l’autre. Dans ces conditions, il est difficile d’établir des données dans l’absolu et la plupart des systèmes d’aménagement traditionnels ont défini des mécanismes assurant la variabilité et la maîtrise de l’accès à la pêcherie. C’est la raison pour laquelle il est conseillé de mettre en place des systèmes de cogestion ou d’administration décentralisée, qui sont plus capables de gérer les conditions locales. Lorsque la principale option pour la mise en valeur et la gestion de la pêcherie consiste à adopter des mesures d’aménagement, l’accès devrait être plus strictement réglementé et limité à ceux qui investissent directement dans la mise en valeur de la ressource. Cela suppose la fixation de droits d’exploitation susceptibles de créer certaines injustices à l’échelon local. Il y a donc lieu de bien étudier les conséquences sociales et économiques de telles décisions avant de les adopter.

7.1.9 Les Etats et les organisations et arrangements sous-régionaux ou régionaux d’aménagement des pêcheries devraient assurer la transparence des mécanismes d’aménagement et de prise de décisions en cette matière.

7.1.10 Les Etats et les organisations et arrangements sous-régionaux ou régionaux d’aménagement des pêcheries devraient donner la publicité voulue aux mesures de conservation et d’aménagement et faire en sorte que les lois, réglementations et autres normes juridiques régissant leur application soient effectivement diffusées. Les raisons d’être et les objectifs de ces mesures devraient être expliqués aux usagers de la ressource afin de leur en faciliter l’application et obtenir ainsi un soutien accru à la mise en œuvre de ces mesures.

Les articles 7.1.9 et 7.1.10 s’appliquent aussi à la législation et à la réglementation extérieures au secteur de la pêche mais susceptibles d’influer sur celui-ci.

7.2 Objectifs de l’aménagement

7.2.1 Reconnaissant que l’utilisation durable à long terme des ressources halieutiques constitue l’objectif principal de la conservation et de l’aménagement, les Etats et les organisations et arrangements régionaux ou sous-régionaux d’aménagement des pêcheries devraient, entre autres, adopter des mesures appropriées, fondées sur les données les plus fiables disponibles, qui soient conçues pour maintenir ou rétablir les stocks à des niveaux capables de produire leur rendement constant maximal, eu égard aux facteurs environnementaux et économiques pertinents, y compris les besoins particuliers des pays en développement.

Durabilité et écosystèmes continentaux: La plupart des écosystèmes aquatiques continentaux ont déjà subi d’importantes modifications dues aux activités de l’homme. Le long processus historique d’aménagements par construction de barrages, drainage de zones humides marginales et rectification, creusement et revêtement des lits principaux a modifié la pureté originelle de la plupart des rivières sur presque tous les continents. Les lacs ont été moins affectés bien que les phénomènes d’eutrophisation, d’acidification et d’envasement en ont sensiblement modifié la nature. D’autres changements ont été apportés par l’introduction de nouvelles espèces. Dans certains cas, le succès de l’espèce introduite a résulté de modifications physiques du système qui ont eu pour conséquence l’élimination des espèces indigènes. Dans d’autres cas, une combinaison d’espèces aptes à coloniser de nouveaux plans d’eau tels que des réservoirs a été introduite lorsque les espèces indigènes n’étaient pas à même de s’adapter aux nouveaux environnements. Les questions de durabilité dans les eaux continentales doivent donc être analysées à la lumière des modifications intervenues dans la plupart des plans d’eau du monde. Ceci ne veut pas dire que la durabilité est inaccessible mais simplement que la base de référence a changé et que, très souvent, la viabilité doit être recherchée par rapport à un contexte caractérisé par de nouvelles espèces et par des habitats modifiés. Les stratégies retenues devraient donc reposer sur cette hypothèse et non pas sur de vaines tentatives visant à rétablir un équilibre écologique profondément altéré.

7.2.2 Ces mesures devraient, entre autres, permettre que:

(a) La constitution d’une capacité de pêche excédentaire soit évitée et que l’exploitation des stocks reste économiquement viable;
Des mesures en faveur de la conservation et de l’aménagement durable des pêches continentales ne peuvent être efficaces que si un effort de pêche excessif est évité. Pour maîtriser la capacité de prélèvement, il y a lieu de contrôler l’accès, encore que des solutions technologiques passant par l’application de pratiques d’aménagement améliorées et par l’utilisation d’engins de pêche plus respectueux de l’environnement puissent aussi être adoptées.
(b) Les conditions économiques dans lesquelles opèrent les entreprises de pêche favorisent une pêche responsable;
Accès aux ressources des eaux continentales: De nombreux types différents de modes d’accès existent pour les. Ils vont de la simple propriété privée dans le cas de petits lacs et d’étangs à la propriété publique, en passant par la propriété communautaire. On considère souvent que les ressources des eaux continentales sont libres d’accès et la pêche a souvent procuré un emploi exercé en dernier recours, notamment par les paysans sans terre. Dans les zones sujettes à des sécheresses périodiques, les ressources des eaux continentales sont parfois considérées aussi comme des produits pour temps de famine et donc surexploitées dans l’attente de meilleurs approvisionnements. Plus généralement toutefois, les modalités d’accès ou les droits de pêche sont définis selon un mode traditionnel de répartition des ressources entre les populations riveraines. Dans certains cas, les droits de pêche sont acquis au moyen de permis délivrés par l’Etat ou achetés aux propriétaires, soit directement, soit aux enchères. Dans les cas où existe un système stable de droits d’exploitation dévolu sur de longues périodes, il est dans l’intérêt des pêcheurs de gérer la ressource de façon durable. Néanmoins, si la période est trop courte, comme c’est notamment le cas lorsque les droits sont acquis dans le cadre d’une adjudication, le détenteur des droits a tendance à vouloir rentrer dans ses frais le plus rapidement possible en exploitant les lieux de pêche de façon trop intensive. Il y a donc avantage à ce que la période pendant laquelle les droits sont attribués (directement ou dans le cadre de mécanismes tels que l’adjudication) soit la plus longue possible.
(c) Les intérêts des pêcheurs, y compris de ceux qui pratiquent la pêche de subsistance, la pêche au petit métier et la pêche artisanale, soient pris en compte;
La pêche continentale est pour l'essentiel une pêche de subsistance, au petit métier ou artisanale. Il est courant que ces trois types de pêche coexistent en un même lieu, même si leurs relations sont parfois conflictuelles. Les principaux problèmes qui se posent aux pêcheurs naissent habituellement en dehors du secteur de la pêche, là où des projets à grande échelle qui supposent l'utilisation de l'eau à d'autres fins peuvent également modifier toute la nature de la ressource. On peut mentionner à ce titre la nécessité de déplacer des communautés et de rééduquer des pêcheurs lorsque les pêcheries fluviales sont converties en pêcheries lacustres après création de réservoirs. Les conséquences de tels aménagements pour les pêcheurs et les besoins de ceux-ci devraient être pris en considération dans le cadre des études générales d'impact réalisées à cette occasion.
d) La diversité biologique des habitats et écosystèmes aquatiques soit conservée et que les espèces menacées d'extinction soient protégées;

e) Les stocks épuisés puissent se reconstituer ou, lorsqu'il y a lieu, que l'on intervienne pour les reconstituer;

Conservation de la diversité biologique: Les observations émises à propos de la section 7.2.1 développent l'idée que la diversité biologique qui caractérisait les eaux continentales a été réduite par un grand nombre d’introductions d'espèces, par des programmes d'empoissonnement et par des modifications de l'environnement induites par les activités humaines. Il est donc difficile de fixer des critères pour les efforts de conservation à venir. Mis à part quelques tentatives de réhabililtation de rivières et de lacs et d’y rétablir des faunes présentant un intérêt sur le plan historique, la plupart des efforts de conservation doivent avoir pour objet de maintenir la viabilité des combinaisons d'espèces largement transformées dans des écosystèmes aquatiques modifiés. Dans ce cas, il incombe aux responsables de la gestion des pêches de veiller à ce que de nouvelles introductions d'espèces inappropriées n’entraîne pas de dégradations supplémentaires, à ce que la composition génétique des poissons introduits soit compatible avec les stocks indigènes et, surtout, à ce que le milieu soit protégé de toute nouvelle agression.

Protection des espèces et habitats menacés: Les problèmes de conservation ne se limitent pas aux espèces menacées d'extinction; ils concernent aussi certains types d'habitat caractéristiques de zones humides. La conservation des espèces peut être obtenue dans le cadre de programmes ex situ qui permettent de conserver les espèces menacées dans des aquariums ou dans d'autres environnements adaptés, l'objectif ultime étant de les réintroduire dans leur milieu originel lorsque les conditions le permettent. Cette formule est largement utilisée pour les espèces ornementales de petite taille mais de nombreuses espèces de plus grande taille, soit sont conservées dans des installations aquacoles, soit sont introduites en dehors de leur aire de distribution d'origine dans ce but. L'idéal est que de telles options soient adoptées non seulement pour les espèces mais aussi pour les souches d'une valeur particulière afin que soit conservée la diversité génétique de l'espèce. La conservation in situ suppose un choix entre trois stratégies. La première consiste à lancer des programmes de réempoissonnement de l'espèce considérée dans les eaux indigènes où les stocks existants n'ont pu se reproduire par eux-mêmes pour une raison quelconque. La deuxième stratégie consiste à créer des réserves. Des portions de lacs peuvent ainsi être désignées zones protégées mais ce type de réserve ne peut qu'empêcher la pêche ou les interventions directes sur le milieu. Elles ne protègent pas d'autres actions diffuses comme l'eutrophisation ou l'introduction d'un important prédateur. Dans le cas des cours d'eau, la notion de chapelet de réserves a été développée en supposant qu'il est suffisant sur le plan écologique de sélectionner des sections de rives où seront maintenus le régime naturel des crues et la morphologie des plaines inondables. Il faut cependant déplorer que les effets cumulés de la maîtrise des crues et de la modification du système dans son ensemble risquent de faire peser sur ces zones une certaine pression sur le plan hydraulique et des solutions doivent être apportées à ce problème. La troisième stratégie, qui consiste à remettre entièrement le système en état, est actuellement limitée aux lacs et aux cours d'eau de petite taille.

(f) Les effets environnementaux préjudiciables aux ressources, résultant des activités humaines, soient évalués et, le cas échéant, corrigés;
Impacts de l'environnement: La plupart des problèmes qui se posent actuellement à propos des portent sur divers types de dommages provenant de l'environnement. Dans les nations les plus riches des pays tempérés, il existe actuellement de fortes tendances à tenter d’éliminer les causes d’impacts environnementaux négatifs souvent anciens. Cependant, dans les pays en développement, la pression continue de s’exercer en faveur d'activités aux incidences préjudiciables telles que la construction de barrages, la création de chenaux de navigation, le prélèvement d'eau à des fins d'irrigation ainsi que la pollution par les déchets ménagers, agricoles et industriels. Les avantages économiques à court et moyen terme que représentent de tels aménagements pour le pays sont considérés comme beaucoup plus importants que la conservation de l'environnement et des ressources halieutiques et la tentation est donc forte de n'accorder qu'un degré de priorité relativement peu élevé à la préservation des ressources aquatiques. On peut considérer qu'il s'agit là d'une manière de faire subventionner le développement par l'environnement. L'expérience a cependant montré que cette subvention se payait par la disparition de nombreux services utiles - mais non chiffrés - rendus par l'écosystème et par celle de la santé de l’environnement. Les Etats devraient donc s'efforcer d'intégrer ce coût au développement en procédant à des études d'impact et à des mesures d'atténuation.
g) Soient réduits au minimum la pollution, le gaspillage, les rejets, les captures par engins perdus ou abandonnés; les captures d'espèces non visées, poissons et autres espèces, ainsi que les effets sur les espèces associées et dépendantes, au moyen de mesures comprenant, autant que possible, la mise au point et l'utilisation d'engins et de techniques de pêche sélectifs, respectueux de l'environnement et rentables;
Méthodes de pêche préjudiciables: Dans les pêcheries comportant plusieurs espèces, de nombreuses méthodes de pêche sont considérées par les pêcheurs comme étant préjudiciables à l'ensemble de la pêcherie ou au stock halieutique. Dans les systèmes de gestion traditionnels, ces méthodes sont généralement interdites pendant l'ensemble ou une partie de l'année. Avec la disparition des systèmes traditionnels de gestion des pêcheries dans de nombreuses régions du monde, l'utilisation de ces méthodes est restée incontrôlée et les responsables devraient chercher à en limiter l'application. Certaines méthodes de pêche sont universellement reconnues comme une menace pour la pêcherie, notamment la pêche à l'explosif, aux poisons ou à l'électricité, et elles devraient être interdites dans toutes les eaux continentales, sauf pour la recherche scientifique dans certaines circonstances. De même, les engins de capture fixes placés en travers des cours d'eau pour capturer les poissons migrateurs en leur lieu de concentration maximum ne devraient jamais excéder une longueur correspondant aux deux tiers de la largeur du lit, pour permettre le libre passage d'un certain pourcentage de poissons.

7.2.3. Les Etats devraient évaluer les effets des facteurs environnementaux sur les stocks visés et sur les espèces appartenant au même écosystème ou associées avec les stocks visés ou dépendantes de ces stocks, et évaluer la relation entre les populations dans l'écosystème.

Voir commentaires relatifs au paragraphe 7.2.1.

7.3 Cadre de l'aménagement et procédures

7.3.1 Pour être efficace, l'aménagement des pêcheries devrait couvrir le stock unitaire dans la totalité de sa zone de distribution et tenir compte des mesures d'aménagement précédemment convenues, établies et appliquées dans la même région, de tous les prélèvements effectués, ainsi que de l'unité biologique et autres caractéristiques biologiques du stock. Les données scientifiques disponibles les plus fiables devraient être utilisées pour déterminer, entre autres, l'aire de répartition de la ressource et celle à travers laquelle elle effectue des migrations durant son cycle biologique.

Nature des pêcheries comportant plusieurs espèces: La composition des stocks piscicoles dans les cours d'eau et dans de nombreux lacs est extrêmement complexe. Le nombre d'espèces présentes dans un cours d'eau ou un lac dépend étroitement de la superficie du bassin versant. Avec l'intensification de l'effort de pêche, cette composition subit des modifications caractéristiques et prévisibles qui ont des répercussions importantes en matière de viabilité et de gestion. En général, au fur et à mesure que l'effort s'accroît, les sujets et les espèces de plus grande taille disparaissent au profit d'espèces et de sujets de plus petite taille. En d'autres termes, on assiste à une diminution graduelle de la longueur moyenne des populations cibles au profit d'espèces à croissance rapide à la durée de vie plus limitée. Cette évolution s'accompagne d'abord d'une augmentation puis d'une diminution du nombre des espèces que compte la population exploitable, même si le nombre de poissons effectivement présents dans les prises augmente jusqu’à ce qu’un certain seuil critique soit franchi. Les stocks permanents diminuent mais la production totale s'accroît, entraînant ainsi une augmentation du rapport de la production à la biomasse. En conséquence, même si pour des espèces particulières les modèles habituels de production excédentaire restent d’application, la courbe générale des captures s’élève en un premier temps jusqu’à atteindre un palier qui se maintient sur une portion considérable de l'effort de pêche croissant. Lorsque celui-ci finit par atteindre des niveaux suffisamment élevés, la composition des espèces peut devenir tellement réduite et instable qu’elle s'effondre En général cependant, des facteurs d'ordre économique limitent l'accroissement de l'effort et empêchent d’atteindre ce niveau de surexploitation. Les pêcheries caractérisées par un effort de pêche très intense résultent habituellement de densités démographiques élevées dues au développement économique local. Celui-ci a tendance à peser sur la ressource par la pollution et la modification du milieu qu'il entraîne. La modification de la composition des stocks soumis à ce type de pression s'ajoute à celle que provoque la pêche et les effets combinés de celle-ci et de la dégradation de l'environnement peuvent parfaitement agir en synergie. Ce processus a plusieurs conséquences en matière de gestion. D'une part, les expressions courantes du type "surexploitation" sont difficiles à appliquer. Certaines espèces individuelles peuvent être surexploitées et disparaître de la pêcherie mais le stock en général peut rester très productif, même si les espèces qui le composent n'ont pas forcément la même valeur que celles qui ont disparu. On ne peut donc admettre qu'il y a surexploitation que par référence à une valeur donnée, appréciée par rapport à un groupe d'espèces donné, une qualité ou taille donnée, etc. D'autre part, la pêcherie peut supporter des augmentations de l’effort de pêche, mesurées en termes de main-d'œuvre, ou en fonction d'une amélioration de la technologie, qu’une pêcherie pourra absorber en se concentrant sur les seules espèces de grande taille composant le stock. Compte tenu de ces deux facteurs, les responsables de la gestion de la pêcherie peuvent, de façon explicite ou pas, opter pour toute une série de possibilités en choisissant par exemple de n’exploiter que les espèces de grande taille les plus intéressantes, ou de maximiser le rendement en maintenant une certaine qualité, ou de favoriser l'emploi (c'est-à-dire la répartition des bénéfices découlant de la pêcherie) en autorisant un accroissement de l'effort de pêche. En fait, il est fréquent que la gestion des pêcheries soit fondée sur une combinaison de divers objectifs.

7.3.2 Afin d'assurer la conservation et la gestion des stocks transfrontières, des stocks chevauchants, des stocks de grands migrateurs et des stocks de poissons de la haute mer dans toute leur aire de répartition, les mesures de conservation et de gestion établies pour ces stocks, conformément aux compétences respectives des Etats concernés ou, lorsqu'il y a lieu, par le biais d'organisations et d'arrangements sous-régionaux et régionaux d'aménagement des pêcheries, devraient être compatibles. Cette compatibilité devrait être réalisée de manière conforme aux droits, compétences et intérêts des Etats concernés.

Voir section 7.1.3.

7.3.3 Les objectifs à long terme devraient être traduits en mesures de gestion, formulées dans un plan d'aménagement des pêcheries ou autre cadre d'aménagement.

Attribution des ressources aquatiques: Les Etats devraient formuler de façon claire des plans nationaux en ce qui concerne l'utilisation de l'eau, notamment pour les pêcheries et pour la protection de l'environnement aquatique. Au sein du secteur de la pêche, des objectifs devraient être impartis à chaque pêcherie principale et des stratégies de gestion devraient être élaborées en fonction de ces objectifs. Dans chaque pays, des objectifs régionaux peuvent être fixés pour les cours d'eau et les lacs de petites dimensions. Des décisions doivent être prises en matière d'utilisation (capture normale ou pêche aménagée), d'espèces cibles (concentration de l'effort de pêche sur les espèces de grande taille ou rendement maximum avec un plus grand nombre d’espèces de plus petite taille), d'affectation (pêche récréative, pêche réservée aux populations locales, libre accès ou accès limité à des fins commerciales), etc.

7.3.4 Les Etats et, lorsqu'il y a lieu, les organisations et arrangements sous-régionaux ou régionaux d'aménagement des pêcheries devraient favoriser et faciliter la coopération et la coordination internationales pour toutes les questions intéressant la pêche, y compris la collecte et l'échange d'informations, la recherche halieutique et l'aménagement et le développement des pêches.

Gestion des bassins versants dans le cas de bassins partagés: Voir sections 7.1.4 à 7.1.6.

7.3.5 Les Etats qui veulent prendre, par l'intermédiaire d'une organisation ne s'occupant pas de la pêche, toute mesure susceptible d'avoir un effet sur les mesures de conservation et d'aménagement prises par une organisation ou un arrangement sous-régional ou régional d'aménagement des pêcheries devraient consulter préalablement, dans toute la mesure du possible, cette organisation ou cet arrangement et tenir compte de ses opinions.

Aménagement à usages multiples: Etant un système aux ressources variées où l’on privilégie résolument l'aspect économique des utilisations du système aquatique à des fins autres que la pêche, la plupart des décisions de gestion concernant la mise en valeur d’un bassin versant sont prises par des organisations n'appartenant pas au secteur de la pêche. En d'autres termes, celui-ci est censé gérer sa ressource en fonction des contraintes imposées par d'autres. A l'évidence, une telle situation suppose que des consultations étroites soient prévues avec les autres utilisateurs de sorte que le secteur de la pêche puisse négocier dans son intérêt des conditions optimales. Or, de plus en plus fréquemment, les contraintes extérieures ne sont pas seulement imposées au nom d'intérêts économiques mais par des écologistes et des associations culturelles, y compris des groupes pour la défense des droits des animaux ou la protection de l'environnement. Très fréquemment, les objectifs de ces groupes se distinguent de ceux des pêcheurs mais il peut arriver que leurs intérêts se rejoignent quand l'endommagement du milieu rend absolument nécessaires des mesures de protection. Dans ces conditions, le secteur de la pêche devrait rechercher des alliances avec des groupes défendant des intérêts similaires pour pouvoir négocier en position de force. La notion de gestion intégrée des ressources aquatiques a été développée dans le but de mettre à la disposition des parties intéressées une série d'instruments pour déterminer conjointement l'attribution de l'ensemble des ressources d'un bassin versant donné et les responsabilités de chacun en ce qui concerne leur gestion. Pour cela, des responsables compétents doivent être mandatés pour représenter les différents groupes d'intérêt. Dans de nombreux pays, de tels groupes n'existent pas ou ne bénéficient pas de la reconnaissance officielle qui leur permettrait de participer efficacement à des négociations. Les Etats devraient s'efforcer d'encourager la création de groupes d'utilisateurs représentatifs à cet effet.

7.4 Collecte de données et avis en matière d'aménagement

7.4.1 Lorsque l'adoption de mesures de conservation et d'aménagement est envisagée, il faudrait tenir compte des données scientifiques disponibles les plus fiables pour évaluer l'état actuel des ressources halieutiques et les effets potentiels des mesures proposées sur les ressources.

Etude d'impact: Des études d'impact systématiques devraient être effectuées pour l'ensemble des projets envisagés, y compris ceux qui prévoient de modifier l'utilisation des terres ou de déboiser par exemple, et qui peuvent modifier l'écosystème aquatique et les pêcheries qui en sont tributaires. De telles études devraient aussi être réalisées pour les projets destinés à atténuer les atteintes à l'environnement ou à remettre en état le milieu. Ces études devraient ensuite être prises en compte au moment où est planifiée l'attribution des ressources du système aquatique entre le secteur des pêches et les autres utilisateurs. Il faut aussi se souvenir que les effets cumulés de plusieurs petits projets peuvent être égaux ou supérieurs à ceux d'un seul gros projet lorsqu'on réalise une étude d'impact.

7.4.2 La recherche à l'appui de la conservation et de l'aménagement des pêcheries devrait être encouragée, notamment la recherche sur les ressources et sur les effets des facteurs climatiques environnementaux et socio-économiques. Les résultats de ces recherches devraient être communiqués aux parties intéressées.

Recherche: La difficulté d'effectuer des recherches sur les eaux continentales en raison de leur caractère diffus et discontinu a déjà été analysée à la section 6.4. Pour ce qui est des espèces et des écosystèmes, la connaissance que l’on a des ressources des eaux continentales est variable et inégale. Certains systèmes, comme les rivières à saumon des régions tempérées, sont bien connus alors que pour d'autres - fleuves des zones tropicales par exemple - les connaissances concernant la taxonomie, la biologie et l'écologie de nombreuses espèces sont très incomplètes. Des modèles de type boîte noire qui n'exigent qu'une connaissance limitée des différentes espèces et qui ont été largement utilisés en gestion de la pêche, fonctionnent bien dans le cadre très général où elles sont appliquées. Cependant, une planification plus détaillée en vue de la conservation de telle ou telle espèce, de la remise en état de cours d'eau pour des faunes particulières ou de l'examen de propositions pour l'introduction de certaines espèces, nécessite une connaissance plus complète des espèces considérées. De même, l'évaluation des conséquences de certaines activités telles que la construction de barrage, le prélèvement d'eau ou la canalisation d’un cours d’eau, etc. suppose la connaissance d'aspects particuliers de la biologie des poissons susceptibles d'être concernés, y compris leurs habitudes migratoires, comportements de reproduction, besoins alimentaires, besoins en matière de débit d’eau, etc. Les besoins de recherche ne se limitent pas aux disciplines biologiques en tant que telles. D'une manière générale, les dimensions sociales et économiques du secteur sont, elles aussi, mal connues. Dans ces domaines, il importe de mieux connaître les caractéristiques et les comportements des groupes d’utilisateurs, ainsi que les interactions et la répartition des bénéfices entre chacun d'eux.

7.4.3 Il y aurait lieu de promouvoir des études permettant de comprendre les coûts, avantages et effets des différentes options d'aménagement possibles conçues pour rationaliser l'exercice de la pêche, en particulier des options ayant trait à la capacité excédentaire de pêche et aux niveaux d'effort de pêche excessif.

Aspects économiques des pêches continentales: On connaît généralement mal la dimension économique des opérations liées à la pêche continentale. Les études à ce sujet sont rendues compliquées par la diversité qui caractérise chaque pêcherie, le caractère très saisonnier de l'activité, les fluctuations souvent enregistrées d'une année à l'autre, l'exercice d'autres activités par de nombreux pêcheurs et la complexité des structures commerciales éclatées à travers lesquelles la majeure partie des prises parviennent aux consommateurs. De plus amples informations sont nécessaires afin de pouvoir formuler des politiques de gestion mieux adaptées en se préoccupant des aspects liés à la répartition et à la distribution. Deux secteurs en particulier suscitent un intérêt dans ce domaine: la rentabilité des pêcheries aménagées et la dimension économique de la pêche récréative.

Rentabilité des aménagements: Les pratiques destinées à améliorer la pêche sont anciennes et l'empoissonnement en particulier est aujourd'hui un instrument de gestion universel. Toutefois, ces pratiques ont généralement été introduites sans discernement et sans réel effort pour en déterminer l'efficacité sur le plan économique. Les techniques d'aménagement ont désormais atteint un niveau où, avec l'adoption croissante de techniques telles que le repeuplement et la privatisation accrue de telles pêcheries, la marge de rebut est considérablement réduite. Les Etats et les organisations s'occupant de gérer la pêche devraient évaluer avec soin les pratiques permettant de limiter le rebut et d’améliorer le rapport coût-efficacité, afin d'en garantir la fiabilité sur le plan financier.

Evaluation de la pêche récréative: La pêche récréative constitue un cas particulier parmi les différents types de pêche en cela que ceux qui la pratiquent n'en vivent pas et que nombre des éléments pris en compte pour en calculer la valeur se situent en dehors du secteur pêche proprement dit. Les pêcheurs concernés sont habituellement disposés à consacrer des sommes considérables à leur sport, non seulement pour acheter des permis donnant accès aux lieux de pêche mais aussi pour acquérir des engins, se déplacer et se loger. Des groupes de propriétaires de ressource, des auxiliaires spécialisés, des propriétaires de bateaux, etc. peuvent vivre de la pêche récréative, qui peut donc apporter une contribution substantielle à l'économie locale grâce à son potentiel en matière d'emploi. Ainsi, le produit de la pêche n'a que peu d'importance et d'autres aspects tels que le plaisir esthétique et les retombées pour l'économie locale présentent plus d'importance. Il existe plusieurs méthodes pour évaluer l'intérêt économique des biens et des services fournis par la nature en l'absence de marché. Alors qu'il existe généralement un marché - et, partant, un prix - pour le poisson de consommation, il peut être nécessaire d'évaluer la valeur récréative d’une ressource halieutique au moyen de techniques d'évaluation non commerciales. Celles-ci consistent à essayer de mesurer directement ou indirectement le consentement à payer des utilisateurs. Par exemple, à partir des comportements en matière de dépenses et de transport (méthode d'évaluation coûts - transport), on s'est souvent aperçu que le montant que sont disposés à payer pour la ressource halieutique les adeptes de la pêche récréative est supérieur d'une fois à sa valeur calculée d'après le prix sur le marché du poisson comestible. Il peut aussi être intéressant d'évaluer les coûts de production dans la mesure où il arrive que le coût du matériel d’empoissonnement dépasse souvent celui que peut supporter une pêcherie. Ces comparaisons ne sont cependant pas sans poser problème, notamment dans de nombreux pays en développement où, d'une part, le prix sur le marché du poisson de consommation ne peut traduire que de façon imprécise la demande réelle de poissons de consommation, dans la mesure où beaucoup de consommateurs ne sont pas en mesure d'indiquer leur consentement à payer sur le marché pour des raisons de pauvreté et où, d'autre part, une répartition des revenus très inégale grossit le montant des dépenses que certaines composantes de la collectivité peuvent consacrer à la pêche récréative. Néanmoins, quel que soit le contexte, la pêche récréative, une fois implantée, a tendance à éliminer la pêche à des fins purement alimentaires en raison de sa valeur apparente plus élevée et du poids politique plus important des groupes de pression qui la contrôlent.

7.4.4 Les Etats devraient veiller à ce que des statistiques actuelles, complètes et fiables sur l'effort de pêche et les captures soient collectées et conservées conformément aux normes et pratiques internationales applicables, et veiller à ce qu'elles soient suffisamment détaillées pour permettre une analyse statistique valable. Ces données devraient être mises à jour régulièrement et vérifiées au moyen d'un système approprié. Les Etats devraient les rassembler et les diffuser en respectant les critères applicables pour en préserver le caractère confidentiel.

Statistiques sur la pêche continentale: Le nombre et la dispersion des lacs, réservoirs et cours d'eau sur le territoire d'une nation sont tels qu'il est difficile de mettre en place des systèmes d'échantillonnage satisfaisants permettant de couvrir l'ensemble de la ressource. Généralement, il n'est pas non plus économique d'implanter des stations d'échantillonnage onéreuses sur les nombreux petits plans d'eau à la production limitée. Deux grands types de solutions ont été adoptés pour pallier ces problèmes. La première consiste à ne s'intéresser qu'aux principaux points de débarquement des fleuves et des grands lacs. Cette formule tend à ignorer une part importante de la ressource à l'échelon national parce que, si la production de chaque petit cours d'eau ou étang peut être insignifiante, leur addition peut représenter une contribution importante au volume total des captures. La seconde solution consiste à effectuer la collecte de statistiques à partir d'une base d'échantillonnage pondérée qui est censée être représentative de l'ensemble du pays. Une troisième solution consiste à s’appuyer de plus en plus sur les groupes de pêcheurs, qui sont invités à participer à la collecte et à l'indication des données relatives à la pêche.

Composantes essentielles de l'analyse statistique: Il importe d'éviter l'écueil que constitue l'excès de détails dans la collecte des données et de sélectionner certains paramètres de base pour les programmes de statistiques. Ces paramètres peuvent varier en fonction du type de pêche. Ainsi, dans le cas de la pêche par capture simple, les données concernant l'effort de pêche, les captures, l'analyse de la longueur du poisson et la composition des espèces devraient suffire pour caractériser la pêcherie. Dans le cas de la pêche aménagée, des informations plus détaillées sur les intrants et la rentabilité sont nécessaires. Dans le cas de la pêche récréative, les paramètres varient selon que le poisson capturé est consommé, emporté ou remis à l’eau. Ils devraient aussi comprendre des facteurs tels que la satisfaction du pêcheur, qui n'apparaissent pas dans les statistiques d'ordre plus général. En tout état de cause, les adeptes de la pêche récréative dans leur ensemble sont davantage disposés à participer à la collecte d'informations qui peuvent améliorer la pratique de leur sport et l'obligation de comptes rendus est souvent spécifiée sur le permis.

7.4.5 Pour assurer l'aménagement durable des pêcheries et faire en sorte que les objectifs sociaux et économiques soient atteints, il faudrait acquérir une connaissance suffisante des facteurs sociaux, économiques et institutionnels par le biais de la collecte de données, de l'analyse et de la recherche.

Etudes sur la dimension sociale de la pêche: Voir également les remarques à propos de la section 7.4.3. Les remarques concernant la connaissance des aspects économiques de la pêche continentale s'appliquent également aux questions d'ordre social, les deux facteurs étant en général intimement liés. Autrefois, de nombreuses pêcheries étaient réglementées d'après la tradition à travers une hiérarchie de responsabilités bien établies. De nombreux systèmes de ce type ont disparu ou se sont effrités dans la mesure où les droits traditionnels n'étaient ni protégés ni codifiés. En conséquence, l’arrivée de nouveaux utilisateurs intéressés par les aspects commerciaux et récréatifs de la pêche s'est traduite par une liberté d'accès quasi totale qui a porté atteinte aux avantages que les pêcheurs artisanaux traditionnels auraient pu en principe tirer de leur pêcherie. La connaissance du fonctionnement de ces systèmes est importante dans la mesure où les tentatives de réintroduction de systèmes de cogestion consistent en grande partie à réinstituer des mécanismes similaires. En matière d'études sociales, certains mécanismes qui permettent aux sociétés de s'adapter revêtent une importance particulière: adaptation aux modifications de la stratégie de gestion dans le cadre de pêcheries composées de plusieurs communautés et comportant l'utilisation de nombreux engins, adaptation aux changements dans les modes généraux d'utilisation de la ressource, en particulier lors de la conversion de rivières en réservoirs suite à la construction de barrages, adaptation aux changements des régimes de propriété et d'accès inhérents à des programmes d'aménagement, etc.

7.4.6 Les Etats devraient rassembler des données scientifiques sur les pêcheries et d'autres données scientifiques complémentaires concernant les stocks couverts par des organisations ou arrangements sous-régionaux ou régionaux d'aménagement des pêcheries, selon un format internationalement accepté, et fournir ces données en temps voulu à l'organisation ou l'arrangement sous-régional ou régional d'aménagement des pêcheries compétent. Dans le cas de stocks se trouvant dans la juridiction de plusieurs Etats et pour lesquels il n'existe pas d'organisation ou d'arrangement de ce genre, les Etats intéressés devraient convenir d'un mécanisme de coopération pour rassembler et échanger ces données.

7.4.7 Les organisations ou arrangements sous-régionaux ou régionaux d'aménagement des pêcheries devraient recueillir les données et les rendre accessibles, en respectant les critères applicables pour en préserver le caractère confidentiel, en temps voulu et selon un format établi d'un commun accord entre tous les membres de ces organisations et autres parties intéressés, conformément aux procédures agréées.

Statistiques régionales sur la pêche: Si la plupart des cours d'eau et lacs se situent à l'intérieur des frontières d'un seul Etat, nombre de grands lacs et de fleuves sont internationaux en ce sens que leurs eaux s'étendent au-delà d'un seul territoire national. La collecte de statistiques et de données a été jusqu'à présent considérée généralement comme une activité de portée nationale, sauf dans le cas de quelques plans d'eau internationaux où une agence de bassin est compétente. Des problèmes de cohérence se sont donc posés en ce qui concerne la transmission et l'interprétation des données. La nécessité de concevoir des démarches harmonisées en matière de conservation et de gestion de la pêche continentale, principalement dans les fleuves et les lacs internationaux, a donné lieu à une certaine synthèse qui a formulé des principes généraux sur la fonction d’un système mais l'application de ces principes aux différents systèmes doit encore être généralisée. De surcroît, il n'existe pas actuellement de compte rendu séparé de la production des eaux continentales dans les statistiques nationales de nombreux pays. Il est donc difficile d'évaluer la contribution, à l'échelle mondiale ou régionale des captures effectuées dans les systèmes continentaux naturels, à la production mondiale de poissons, d’analyser la contribution de différents systèmes dans la production et de déceler des tendances dans l'utilisation des ressources. L'amélioration des modalités de collecte et de transmission des statistiques et autres informations sur les captures dans les ainsi que l'harmonisation des méthodes pour y parvenir sont donc tout à fait prioritaires dans de nombreuses régions.

7.5 Approche de précaution

7.5.1 Les Etats devraient appliquer largement l'approche de précaution à la conservation, la gestion et l'exploitation des ressources bioaquatiques afin de les protéger et de préserver l'environnement aquatique. L'insuffisance d'informations scientifiques appropriées ne devrait pas être une raison de remettre à plus tard ou de s'abstenir de prendre des mesures de conservation et de gestion.

Application de l'approche de précaution: S'il est vrai qu'il convient d'appliquer l'approche de précaution au développement de la pêche, principalement lorsqu'on envisage l'introduction de systèmes de gestion aménagés, il est tout aussi nécessaire d'appliquer cette approche aux secteurs autres que la pêche, dont la capacité à endommager l'écosystème est généralement très supérieure à celle du secteur de la pêche. Cette approche devrait également être appliquée sur le plan socio-économique, en s’efforçant d’éviter d'introduire de nouvelles inégalités sociales ou d'amplifier celles qui existent déjà. Un exemple type d'approche de précaution est l'approche préconisée par le Cadre pour l'utilisation responsable des espèces introduites (FAO Rapport sur les pêches, 541 suppl., 1997) (voir aussi FAO Directives techniques pour une pêche responsable, 5 - Développement de l'aquaculture, Section 3).

7.5.2 En mettant en œuvre l'approche de précaution, les Etats devraient tenir compte, entre autres, des incertitudes concernant la taille et la productivité des stocks, les niveaux de référence, l'état des stocks du point de vue de ces niveaux de référence, les taux et la répartition de la mortalité de pêche, et les effets des activités de pêche, y compris des rejets, sur la faune d'accompagnement et sur les espèces associées ou dépendantes; ils devraient également tenir compte des conditions environnementales et socio-économiques.

7.5.3 Les Etats et les organisations et arrangements sous-régionaux ou régionaux d'aménagement des pêcheries devraient, sur la base des données les plus fiables disponibles, déterminer, entre autres:

a) les niveaux de référence cibles pour chaque stock et, parallèlement, les mesures à prendre si ceux-ci sont dépassés; et

b) les niveaux de référence limites pour chaque stock et, parallèlement, les mesures à prendre si ceux-ci sont dépassés; lorsqu'un niveau de référence limite est près d'être atteint, des mesures devraient être prises pour qu'il ne soit pas dépassé.

Niveaux de référence en pêche continentale: De nombreuses pêcheries continentales comportant l'exploitation de plusieurs espèces, l’on a recours à des niveaux de référence obtenus à partir d'un paramètre marquant du stock halieutique, en association avec les critères de gestion sélectionnés pour ce stock en particulier (voir article 7.3.1). Dans le cas de stocks composés de plusieurs espèces, ces niveaux de référence peuvent être la structure par âge des captures, la longueur moyenne du poisson capturé, la composition relative des types trophiques, ou la présence ou absence d'espèces essentielles. On ne dispose pas actuellement de suffisamment d'informations pour déterminer ces niveaux de référence dans le cas de la plupart des systèmes si ce n'est au niveau le plus général. De même que l’on ne dispose que de peu d'informations sur la capacité de régénération de telles pêcheries en cas de modifications sensibles de la composition des espèces dues à un effort de pêche excessif. On sait que les populations piscicoles des systèmes potamiques (cours d’eau) subissant des fluctuations présentent une importante résilience. Ils sont capables de supporter une pression considérable imposée par l'effort de pêche et les variations climatiques. Une telle résilience ne doit cependant pas être supposée acquise pour tous les systèmes.

7.5.4 Pour les nouvelles pêcheries ou les pêcheries exploratoires, les Etats devraient adopter, dès que possible, des mesures prudentes de conservation et de gestion, y compris, entre autres, pour fixer des limites de captures et d'effort de pêche. Ces mesures devraient rester en vigueur jusqu'à ce qu'on dispose de données suffisantes pour évaluer l'impact de la pêche sur la durabilité à long terme des stocks; après quoi, des mesures de conservation et de gestion fondées sur cette évaluation devraient être mises en œuvre. Ces dernières mesures devraient, lorsqu'il y a lieu, permettre le développement progressif des pêcheries.

L'adoption de cette approche s'applique particulièrement au développement des pêcheries aménagées, où des changements permanents peuvent être produits dans le système cible, sur les plans tant écologiques que socio-économiques. L'introduction généralisée de techniques d'aménagement devrait être précédée d'une phase pilote dans un plan d'eau indépendant.

7.5.5 Si un phénomène naturel a des effets néfastes notables sur l'état de ressources bioaquatiques, les Etats devraient adopter d'urgence des mesures de conservation et de gestion pour que l'activité de pêche n'aggrave pas ces effets néfastes. Les Etats devraient également adopter d'urgence de telles mesures lorsque l'activité de pêche menace sérieusement la durabilité de ces ressources. Les mesures d'urgence devraient être temporaires et fondées sur les données scientifiques disponibles les plus fiables.

Influence de la variabilité climatique naturelle: La pêche continentale est particulièrement sujette aux variations climatiques naturelles. Les fleuves ainsi que de nombreux lacs et marécages réagissent aux variations intra- ou inter-annuelles des chutes de pluie. Habituellement, les espèces et groupes d'espèces piscicoles présents dans ces systèmes ont développé des mécanismes en réaction à ces variations et c'est lorsque cette variabilité est supprimée que de tels systèmes subissent une forte pression. Toutefois, en dépit de la résilience naturelle, lorsque des contraintes supplémentaires viennent s'ajouter au cours de périodes critiques (pendant une sécheresse grave par exemple), certaines espèces ou communautés peuvent se trouver dans l'incapacité de résister. C'est pourquoi pendant de telles périodes il peut être envisagé d'imposer des limitations d'urgence portant sur l'accès aux systèmes, certains types d'engins ou certaines saisons.

7.6 Mesures d'aménagement

7.6.1 Les Etats devraient veiller à ce que le niveau des activités de pêche autorisé soit compatible avec l'état des ressources halieutiques.

Voir article 7.3.1.

7.6.2 Les Etats devraient adopter des mesures pour faire en sorte qu'aucun bateau ne puisse pêcher à moins d'y avoir été autorisé de manière conforme au droit international dans le cas de la haute mer, ou à la législation nationale pour ce qui est des zones sous juridiction nationale.

7.6.3 Là où il existe une surcapacité de pêche, des mécanismes devraient être mis en place pour ramener la capacité à des niveaux compatibles avec l'utilisation durable des ressources halieutiques, et faire en sorte que les pêcheurs opèrent dans des conditions économiques qui favorisent une pêche responsable. Ces mécanismes devraient inclure le suivi de la capacité des flottilles de pêche.

L'unité de pêche de base: La principale unité de pêche dans les eaux continentales est centrée autour du pêcheur, qui est le détenteur d'un permis dans la plupart des pêcheries et qui, dans les autres, acquière des droits qui lui sont conférés par l'Etat ou dans le cadre d'une adjudication. Sauf dans quelques grandes pêcheries (l'Amazone par exemple), les bateaux de pêche sont de petite taille et la pêche se pratique souvent de structures autres que des embarcations, par exemple de la rive, à l'aide de nasses ou de radeaux fixes. Le meilleur moyen de maîtriser l'effort de pêche dans les pêcheries continentales est de fixer aux pêcheurs et communautés de pêche des droits d'accès précis et de définir des mécanismes appropriés pour veiller à ce que ces modalités d'accès soient respectées.

7.6.4 Un examen des performances de tous les engins, techniques et pratiques de pêche existants devrait être entrepris et des mesures devraient être prises pour que ceux qui ne sont pas compatibles avec une pêche responsable soient progressivement éliminés et remplacés par des options plus acceptables. Dans ce processus, une attention particulière devrait être accordée aux effets de ces mesures sur les communautés de pêcheurs, notamment sur leur capacité d'exploiter la ressource.

Intérêt de la pêche comportant l'utilisation d'engins multiples: La pêche continentale, surtout celle pratiquée dans les cours d'eau et les marécages, comporte généralement l'utilisation de tout un éventail d'engins de pêche (voir article 6.6) qui permet à l'ensemble de la pêcherie de s'adapter à des conditions qui évoluent tout au long du cycle annuel. Divers types d'engins sont associés à des catégories différentes de la communauté de pêcheurs et nombre de pêcheries continentales sont composées d'associations complexes de sous-pêcheries. Dans ce domaine, des efforts doivent être faits pour rationaliser l'utilisation des engins de pêche en interdisant les plus dangereux - (voir article 7.2.2, section (g)) - tout en préservant l'équité sociale. Une attention particulière devrait être portée aux activités de pêche spécialisées susceptibles d'endommager les ressources telles que les pêches d'alevins pour l'empoissonnement ou pêches de petites espèces ornementales.

7.6.5 Les Etats et les organisations et arrangements d'aménagements des pêcheries devraient réglementer la pêche de manière à éviter les risques de conflit entre les pêcheurs utilisant des bateaux, engins et méthodes de pêche de types différents.

Conflits entre pêche récréative et pêche à des fins alimentaires: Les différents objectifs en fonction desquels sont gérées les pêcheries continentales donnent lieu à d'importants conflits. En matière d'attribution des ressources, la différence est nette entre la pêche récréative et la pêche à des fins alimentaires. Parce qu'elle a généralement une valeur économique plus élevée que la pêche à des fins alimentaires et parce que les droits de celle-ci ne sont pas toujours garantis, la pêche récréative a tendance à éliminer la pêche artisanale - voire la pêche de subsistance - y compris dans les pays souffrant de déficit alimentaire. Ce phénomène, qui était autrefois confiné aux pays riches des régions tempérées, est aujourd'hui de plus en plus perceptible dans les pays plus pauvres des régions tropicales.

Conflits au sein du secteur de la pêche à des fins alimentaires: Dans les eaux continentales, la pêche présente une certaine complexité du point de vue technique et social. La grande diversité d'engins utilisés dans les cours d'eau et dans de nombreux lacs résulte de la nécessité de capturer une grande variété d'espèces et de stades de développement, en des lieux et à des époques différentes. Ces différents types d'engins correspondent habituellement à des catégories de pêcheurs distinctes, les plus nantis utilisant les engins les plus efficaces, les plus coûteux et les plus sophistiqués (séries de grandes nasses, seines de plage ou acadjas). Les pêcheurs plus pauvres se contentent habituellement d'engins rudimentaires tels que épuisettes, hameçons et simples nasses. Les diverses catégories de pêcheurs sont parfois organisées selon une hiérarchie sociale harmonieuse mais dans certains cas ils sont en concurrence directe. Il convient de définir des politiques en matière de pêche pour préserver la justice sociale et épargner aux pêcheurs les plus pauvres les conséquences des restrictions concernant les engins de pêche.

7.6.6 Lors de la prise de décisions concernant l'utilisation, la conservation et la gestion des ressources halieutiques, il faudrait tenir dûment compte, selon qu'il convient, conformément aux lois et réglementations nationales, des pratiques traditionnelles, des besoins et des intérêts des populations indigènes et des communautés locales de pêcheurs qui sont largement tributaires des ressources halieutiques pour assurer leur subsistance.

Rôle des populations indigènes dans la pêche continentale: Comptant parmi l'une des principales activités exercées par les populations locales dans de nombreuses régions du monde, la pêche est souvent la résultante de traditions anciennes. Dans les endroits où elles vivent dans des réserves, les populations indigènes sont les seules à être titulaires de droits d'accès à la pêcherie. Ailleurs, en particulier là où la construction de grands barrages a éliminé le passage d’espèces anadromes, des programmes d'empoissonnement et de remise en état ont été élaborés pour assurer le maintien de la ressource.

7.6.7 Lors de l'évaluation des diverses mesures possibles de conservation et d'aménagement, leur rapport coût-efficacité et leur impact social devraient être pris en considération.

7.6.8 L'efficacité des mesures de conservation et d'aménagement et leurs interactions possibles devraient être examinées en permanence. Ces mesures devraient être, selon qu'il convient, révisées ou abolies en fonction de nouvelles données.

7.6.9 Les Etats devraient prendre les mesures appropriées pour minimiser le gaspillage, les rejets, les captures effectuées par des engins perdus ou abandonnés, les captures d'espèces non ciblées, poissons et autres espèces, et les effets négatifs sur des espèces associées ou dépendantes, en particulier sur les espèces menacées d'extinction. Le cas échéant, ces mesures pourraient inclure des dispositions techniques concernant la taille du poisson, les maillages ou les engins, les rejets, les périodes et zones de fermeture de la pêche et les zones réservées à des pêcheries spécifiques, en particulier à la pêche artisanale. De telles mesures pourraient aussi être prises, lorsqu'il convient, pour protéger les juvéniles et les reproducteurs. Les Etats et les organisations et arrangements sous-régionaux ou régionaux d'aménagement des pêcheries devraient promouvoir, dans la mesure du possible, la mise au point et l'utilisation d'engins et de techniques de pêche sélectifs, rentables et respectueux de l'environnement.

7.6.10 Les Etats, les organisations et arrangements sous-régionaux et régionaux d'aménagement des pêcheries devraient, dans le cadre de leurs compétences respectives, prendre des mesures en faveur des ressources épuisées et de celles qui sont menacées de l'être, pour faciliter leur rétablissement durable. Ils devraient faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que les ressources et les habitats d'une importance fondamentale pour le bien-être des ressources qui ont été affectées par la pêche ou par d'autres activités humaines soient restaurés.

Mesures d'atténuation: Lorsqu'une utilisation à d'autres fins que la pêche est destinée à se poursuivre tout en ayant des conséquences sur le système, les mesures d'atténuation ne peuvent s'inscrire que dans le cadre des contraintes qu'impose cette utilisation. L'apport répété d'intrants est généralement destiné à s'opposer aux tendances destructrices de l'utilisation imposée. En tant que telles, les mesures d'atténuation sont rarement durables mais elles peuvent contribuer à la durabilité du stock dans son ensemble. Il est possible de préserver les stocks de certaines espèces ou groupes d'espèces menacés d'extinction en raison de la modification de l'environnement ou surexploités:

(i) en tentant de modifier la composante de l'environnement ayant un effet préjudiciable comme par exemple: l’absence de substrat pour la fraie, l’interruption des itinéraires migratoires ou l’absence d’un débit suffisant (voir ci-après);

(ii) en appliquant des programmes d'empoissonnement appropriés;

(iii) en construisant des stations de traitement des effluents pour assurer une qualité de l'eau adéquate.

Il est aussi possible d'introduire dans le système des espèces mieux adaptées aux nouvelles conditions comme c'est le cas pour les réservoirs de bassins versants dans lesquels la faune indigène ne compte pas d'espèces lacustres appropriées.

Remise en état: Lorsque les pressions exercées par des utilisateurs n'appartenant pas au secteur de la pêche s'atténuent, il est possible de restaurer les aspects naturels ou quasi naturels du cours d'eau. Au contraire des mesures d'atténuation qui nécessitent souvent l'apport constant d'intrants, la remise en état exige un investissement unique après lequel les processus naturels devraient préserver le système. Evidemment, dans la plupart des cours d'eau, une réglementation étant maintenue et des modifications continuant d'être apportées ailleurs dans le système, il est exclu de pouvoir réinstaurer des conditions parfaitement naturelles. Ceci est particulièrement vrai pour les processus érosion-sédimentation et il peut arriver qu'il faille de façon définitive prévoir des interventions (draguer par exemple) pour éliminer le matériau qui ne s'évacue plus en raison de la modification des caractéristiques d'écoulement. La remise en état vise essentiellement à redonner au système des conditions aussi proches que possible de son état d'origine:

(i) restauration de la diversité du lit;
(ii) restauration de la connectivité longitudinale
(iii) restauration de la connectivité latérale.

(i) empoissonnement
(ii) biomanipulation.
Restauration de la diversité du lit

Les lits des cours d'eau ont souvent été rectifiés et revêtus pour faciliter la navigation et accélérer l'écoulement de l'eau. De telles modifications portent atteinte à la diversité des espèces et à la productivité générale du système tout en étant inesthétiques. Diverses mesures peuvent être prises pour remettre en état les lits des rivières dans l'intérêt du poisson:

Chacune de ces opérations successives vise à accroître la diversité du lit principal. Il en résulte une diversification de la faune piscicole rendue possible par l'élargissement de l'éventail des abris, des frayères et des lieux d'alimentation pour les différentes espèces et les différents stades de développement. Les travaux de remise en état de ce type, outre leur utilité pour le poisson, rendent de nombreux autres services sur le plan environnemental. Il a été démontré par exemple que les fuites de nutriments d'origine agricole dans le bassin versant peuvent être sensiblement réduites par la présence d'une bande végétale tampon le long des rives.

Restauration de la connectivité longitudinale

L'un des principaux problèmes que pose la régulation des cours d'eau est la facilité avec laquelle les flux migratoires longitudinaux peuvent être perturbés. Même des barrages et des seuils relativement bas constituent des obstacles insurmontables pour les espèces autres que les salmonidés. A l'évidence, l'interruption des itinéraires migratoires est surtout préjudiciable aux poissons migrateurs qui sont dans l'obligation de remonter ou de redescendre les cours d'eau pour se reproduire. Elle peut aussi porter atteinte à la structure de populations plus statiques dont le brassage génétique n'est plus possible ainsi qu’à des stocks locaux appauvris par la surexploitation ou les maladies, qui ne peuvent plus se reconstituer par des apports en provenance du reste du système.

La méthode la plus évidente pour améliorer le passage du poisson au-dessus d’obstacles tels que seuils et barrages est de supprimer l'obstacle lui-même. Or, une telle opération libère généralement une colonne d'eau trop importante que pour permettre le passage du poisson. De plus, les débits élevés que supposent de grandes différences de niveau d'eau accélèrent l'érosion et ont des effets sur les terres adjacentes en raison de l'abaissement du niveau de l'eau. Il existe essentiellement quatre solutions pour permettre aux poissons de franchir des obstacles tout en évitant les problèmes indiqués, en allongeant le chenal sur la longueur duquel est libérée la colonne d'eau. Ces solutions sont les suivantes:

Restauration de la connectivité latérale

Il peut arriver que des plaines inondables latérales soient séparées du lit principal par la construction delibérée de berges ou de digues destinées à régulariser le cours d'eau pour permettre la navigation ou la récupération de terres, pour l'agriculture ou l'aménagement urbain. Une plaine inondable peut aussi se trouver isolée accidentellement lorsque le débit est régularisé par la construction d’un barrage en amont ou lorsque le lit de la rivière s’érode suite à la diminution de l'alluvionnement. La restauration dans le cours d'eau, en particulier d’espèces limnophiles et phytophiles, dépend de la reconnection du lit avec la plaine inondable. Les projets de rétablissement des plaines inondables de ce type sont relativement peu fréquents en raison de leur ampleur et de leur coût. Toutefois, la plupart des projets prévoient généralement la destruction des structures artificielles telles que les digues destinées à régulariser le cours d'eau. Il est rare que les inondations puissent retrouver l'ampleur qu'elles avaient à l'origine, en particulier dans les plaines inondables très plates. Dans ce cas, de nouvelles digues devront être construites mais suffisamment loin du lit du cours d'eau afin que l'ampleur de l’inondation reste suffisante. Les autres solutions consistent par exemple à installer des seuils immergés en travers des lits érodés, à construire des structures de maîtrise des crues en travers de la plaine inondable pour détourner l'eau vers les lits et lagunes abandonnés et à introduire dans le système de nouveaux éléments tels que des gravières.

7.7 Application

7.7.1 Les Etats devraient assurer la mise en place d'un cadre juridique et administratif efficace aux niveaux local et régional, selon qu'il convient, aux fins de la conservation des ressources halieutiques et de l'aménagement des pêcheries.

7.7.2 Les Etats devraient veiller à ce que leurs lois et réglementations prévoient des sanctions applicables en cas d'infractions, qui soient suffisamment rigoureuses pour être efficaces, y compris des sanctions permettant de refuser, de retirer ou de suspendre les autorisations de pêcher en cas de non-observation des mesures de conservation et de gestion en vigueur.

S'il est vrai qu'il importe d'instituer des sanctions dans le secteur de la pêche pour faire respecter les politiques et accords convenus, les principales atteintes aux ressources des sont, nous l'avons vu, imputables à d'autres secteurs. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de prévoir des systèmes de sanctions qui soient suffisamment dissuasifs pour être respectés par les utilisateurs responsables de la pollution et des activités dommageables dans la totalité du bassin versant.

7.7.3 Les Etats, conformément à leur législation nationale, devraient mettre en œuvre des mesures efficaces de suivi, de contrôle et de police des pêches, y compris, s'il convient, des programmes d'observateurs à bord, des programmes d'inspection et des systèmes de surveillance des navires. Ces mesures devraient être encouragées et, le cas échéant, appliquées par les organisations et arrangements sous-régionaux ou régionaux d'aménagement des pêcheries, conformément aux procédures convenues par ces organisations ou arrangements.

7.7.4 Les Etats et les organisations et arrangements sous-régionaux ou régionaux d'aménagement des pêcheries devraient, selon qu'il convient, se mettre d'accord sur les moyens à utiliser pour financer des activités de telles organisations et arrangements, en tenant compte, entre autres, des avantages relatifs générés par la pêcherie et de la capacité différente des pays à contribuer financièrement ou d'une autre manière. Ces organisations et arrangements devraient s'efforcer, chaque fois que cela semble approprié et possible, de recouvrer les dépenses effectuées pour la conservation et l'aménagement des pêcheries et pour la recherche halieutique.

Appui aux agences de bassin: Il est particulièrement important d'assurer le financement des agences de bassin pour leur permettre d'appliquer un programme dans le domaine de la pêche. Alors que nombre des autres activités peuvent bénéficier d'un financement suffisant de la part des secteurs relativement riches qu'elles représentent, le secteur de la pêche ne bénéficie pas d'un financement adéquat pour être convenablement représenté. C'est la raison pour laquelle de nombreuses tentatives pour inclure le secteur de la pêche dans des commissions de bassins versants de fleuves ont échoué.

7.7.5 Les Etats qui sont membres d'organisations ou participants à des arrangements sous-régionaux ou régionaux d'aménagement des pêcheries devraient appliquer des mesures convenues au plan international, adoptées dans le cadre de ces organisations ou arrangements et compatibles avec le droit international, pour décourager les activités des navires battant le pavillon d'Etats qui ne sont ni membres ni participants et qui se livrent à des activités qui compromettent l'efficacité des mesures de conservation et de gestion adoptées par ces organisations ou ces arrangements.

7.8 Institutions financières

7.8.1 Sans préjudice des accords internationaux pertinents, les Etats devraient encourager les banques et les institutions financières à ne pas exiger, comme condition d'un prêt ou d'une hypothèque, que les navires de pêche ou les navires auxiliaires aient un pavillon correspondant à une juridiction autre que celle de l'Etat des propriétaires bénéficiaires lorsqu'une telle obligation aurait pour effet de rendre plus probable le non-respect des mesures internationales de conservation et d'aménagement.

Financement de la pêche continentale: Souvent, les pêcheurs opérant en eaux continentales n'ont pas ou quasiment pas accès au marché officiel du crédit (banques) en raison du manque d'actifs qu'ils peuvent donner en garantie ainsi que de leur éloignement et de la taille réduite de leurs opérations. Dans ces conditions, ils ont souvent pour seule ressource de s'adresser à des intermédiaires qui, en l'absence de concurrents, peuvent exiger des taux d'intérêt élevés. Les pouvoirs publics devraient envisager d'améliorer l'accès des pêcheurs opérant en eaux continentales au marché officiel du crédit, en mettant par exemple en place des programmes de micro-crédit du type de la Grameen Bank du Bangladesh.

Financement des autres utilisateurs des ressources aquatiques Un financement peut également être utile pour accorder des incitations financières à d'autres secteurs tels que l'industrie ou l'agriculture lorsqu'ils utilisent les ressources aquatiques des eaux continentales de façon écologiquement rationnelle. Il peut être justifié dans certaines situations de subventionner l'implantation d'unités de traitement des déchets ou d'échelles à poissons, par exemple lorsque la stricte application du principe du pollueur-payeur est impossible ou qu'elle risque, comme cela peut être le cas dans les pays pauvres, de saper la compétitivité du secteur industriel.


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