Page PrécédenteTable des matièresPage Suivante


Le Jade, un réseau de journalistes africains spécialisé en production média et en communication pour le développement

par Souleymane Ouattara - Coordinateur du réseau des Journalistes en Afrique pour le Développement (JADE)

Biographie

Souleymane Ouattara est diplômé en Lettres modernes (Université de Ouagadougou), en Communication (Université du Bénin) et en Journalisme (Ecole internationale de Bordeaux, Periscoop à Montpellier). Il a été rédacteur de presse écrite au Togo et au Burkina, avant de devenir, en 1996, Coordinateur du réseau des Journalistes en Afrique pour le Développement/Système Francophone d'Information Agricole (JADE/SYFIA). Il a acquis les expériences suivantes.

Souleymane Ouattara est lauréat du Prix RFI FAO sur la sécurité alimentaire en presse écrite et radio et du Prix UICN Reuters sur le journalisme environnemental pour l'Afrique francophone.

Résumé de la communication

Actif dans une quinzaine de pays africains, le réseau des Journalistes en Afrique pour le Développement (Jade) appuie à travers le programme « Communication rurale et développement durable » des radios rurales et communautaires dans deux régions du Burkina et au Sud du Mali.

Nous expérimentons au Mali notamment l'utilisation de l'Internet pour enrichir les contenus du magazine « sigida yeelen » sur l'environnement que nous produisons avec radio Kéné et des communicateurs endogènes basés dans les villages.

Les quelques résultats de l'utilisation d'Internet nous permettent - vu son seul usage pour le courrier électronique - d'enrichir les sujets. La phase suivante consistera à recevoir les éléments et à les mixer.

LE JADE, UN RÉSEAU DE JOURNALISTES AFRICAINS SPÉCIALISÉ EN PRODUCTION MÉDIA ET EN COMMUNICATION POUR LE DÉVELOPPEMENT

Introduction

Le réseau des Journalistes en Afrique pour le Développement du Burkina est une section de Jade Afrique, une association professionnelle de journalistes spécialisés dans la production multimédia, l'édition, la communication pour le développement et la formation.

Jade Burkina exerce ces activités depuis 1994, suite à sa reconnaissance par l'administration burkinabé comme association.

L'association comprend essentiellement des journalistes. Elle s'apprête toutefois à s'ouvrir à d'autres professionnels de la communication, notamment les alphabétiseurs en langues nationales, les dessinateurs, les communicateurs traditionnels.

I - Nos activités

1.1. Médias

1.2. Edition

Jade Burkina Faso a édité pour le compte d'organismes de développement et de projets, les ouvrages et revues suivants :

1.3. Communication pour le développement

Le Jade exécute le projet communication rurale et développement durable financé par le Centre canadien de Recherche pour le Développement International (CRDI). La recherche se fixe les objectifs suivants.

Développer une stratégie de communication pour faciliter l'échange d'informations et de connaissances entre communautés rurales, organisations paysannes, organismes de développement et médias locaux, et développer une synergie entre ces acteurs, dans le but d'appuyer la participation locale aux initiatives de développement visant une meilleure gestion des ressources naturelles.

  1. Renforcer les capacités des organismes de développement et organisations paysannes et des médias en matière de communication rurale pour la gestion des ressources naturelles ;
  2. Développer des contenus basés sur les savoirs locaux et des supports adaptés localement en rapport avec les préoccupations des partenaires ;
  3. Développer un mode d'évaluation continu et approprié de la fonction de communicateur endogène, des animateurs des médias et des responsables des cellules audiovisuelles des organismes de développement ;
  4. Documenter et diffuser les données de l'expérimentation à l'intention de la communauté des ONG, des associations paysannes, des médias, de la recherche et du grand public.

La méthodologie s'appuie sur la recherche-action participative. Elle implique les médias, les organismes de développement, les organisations paysannes et les communautés à la base.

La réalisation des différentes activités impliquera l'ensemble des acteurs, Jade agissant comme « facilitateur » et coordonnateur du processus. Il s'agit d'organisations paysannes, d'animateurs de médias, d'organismes de développement de trois régions du Burkina et du Mali.

Pour atteindre les objectifs de la recherche, l'expérimentation s'appuiera sur les activités suivantes :

1.4. Fréquence Verte ou les NTIC au service du monde rural africain

Fréquence Verte est un magazine radio mensuel en français, d'une trentaine de minutes, présenté par deux animateurs. Il se compose généralement de 2 ou 3 courts reportages (de 2 à 10 mn), de musique ayant un lien avec le monde rural, de "nouvelles brèves", d'un proverbe africain.

Le n° 1 de Fréquence Verte date de Juin 1996.

La réalisation du magazine incombe à une équipe francophone internationale, animée par le réseau des bureaux africains et français de l'agence SYFIA.

Ces bureaux régionaux sont situés à Ouagadougou (Burkina Faso), Cotonou (Bénin), Douala (Cameroun), Dakar (Sénégal) et, depuis peu, Tananarive (Madagascar).

Leurs responsables supervisent à leur tour le travail des collaborateurs de Fréquence Verte des pays de leur région. A Montpellier (France), deux journalistes, un Canadien et un Français, s'occupent de la coordination et de la formation des équipes, du mixage, de la duplication et de l'envoi de l'émission à une centaine de radios africaines.

Fréquence Verte a ainsi fonctionné de ses débuts jusqu'à décembre 2000. Une autre évolution se dessine avec le transfert au Bénin, dès janvier 2001, de la coordination centrale de la production.

Un exemple concret de production d'une émission de Fréquence Verte

Lorsqu'un correspondant revient d'un reportage radio en brousse, il écoute ses enregistrements et rédige le script de l'histoire qu'il veut raconter. Ensuite, il envoie ce script par courrier électronique au bureau qui réalise l'émission. Celui-ci fait des ajouts et commentaires, et retourne le script corrigé. Le correspondant enregistre alors sa voix et transfère les éléments sonores retenus (commentaires, extraits d'interview en langue locale, traductions en français, sons d'ambiance, musique) de son petit enregistreur numérique mini-disque à son ordinateur. Puis il procède au montage bout à bout. Une fois le montage terminé, il utilise un logiciel gratuit (RealAudio ou MP3) pour réduire la taille de ses fichiers sons (le son non-compressé occupe énormément d'espace disque) sans affecter la qualité du son. C'est la compression du son. Les fichiers encore trop lourds sont divisés à l'aide d'un autre logiciel gratuit pour faciliter l'envoi par courrier électronique. A Montpellier, où le montage final de Fréquence Verte est réalisé, ces morceaux de fichiers sont rassemblés et décompressés pour être retraités avec un logiciel plus puissant.

Quatre des cinq bureaux africains de SYFIA fonctionnent aujourd'hui de cette manière.

L'envoi des sons par Internet permet aussi de présenter l'émission à partir de pays différents. A tour de rôle et sur une période de 3 mois, chaque bureau africain anime Fréquence Verte. Par exemple, les journalistes dont les reportages seront diffusés envoient par courrier électronique les textes de leurs reportages à Crépin Hilaire Dadjo et Bernard Kaboré, les deux animateurs burkinabé. Ceux-ci préparent eux-mêmes un texte qu'ils liront pour présenter ces reportages. Comme pour les reportages écrits de SYFIA, ce texte est retravaillé avec le bureau de Montpellier. Les animateurs enregistrent ensuite leur voix, les numérisent et les envoient par Internet pour qu'elles soient intégrées au montage final avec les indicatifs musicaux.

Chaque numéro de Fréquence Verte présente également un bulletin de nouvelles brèves, c'est-à-dire un rapide tour d'horizon de l'actualité des campagnes africaines. Cette partie de l'émission est aussi confiée, chaque mois, à un bureau africain qui recueille par courrier électronique les textes et sons des autres équipes régionales et enregistre ce bulletin.

A Montpellier, tous ces éléments (reportages, animation, brèves) sont mixés sur une dizaine de pistes. L'émission est ensuite dupliquée sur des cassettes " normales " et envoyée à ses destinataires africains par... la bonne vieille poste.

Fréquence Verte fait appel à des journalistes dont la plupart n'ont, au départ, aucune expérience de la radio. C'est un "magazine-école" où, en plus de produire une information utile pour des radios africaines, on forme des équipes qui, à leur tour, pourront encadrer d'autres journalistes et réaliser leurs propres émissions.

Avant l'apparition et le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, Fréquence Verte aurait été pratiquement impossible à réaliser dans sa forme actuelle. Comme les journalistes de Fréquence Verte travaillent à des milliers de kilomètres les uns des autres, la lenteur de la poste traditionnelle et les coûts exorbitants des communications téléphoniques internationales rendaient l'aventure extrêmement compliquée.

Il y a trois ans, mis à part une ou deux exceptions, aucun des correspondants ne connaissait le courrier électronique, pas plus que le magazine radio, l'animation d'une émission ou le montage audionumérique.

Aujourd'hui, nous utilisons couramment les nouvelles technologies de la communication (messagerie électronique, téléphonie par Internet, transfert de fichiers par protocole FTP, messagerie instantanée, partage d'applications pour intervenir sur un ordinateur distant, etc.) pour préparer en équipe les thèmes d'émission, discuter des sujets de reportage, commenter les textes de présentation, former à distance les journalistes au magazine radio et aux outils informatiques, échanger nos sons, régler à distance certains problèmes informatiques et monter l'émission. Cette méthode de travail et de formation à distance est, à notre connaissance, unique en Afrique.

Pour l'équipe internationale de Fréquence Verte, Internet offre donc de grands avantages : rapidité et faible coût des communications, production décentralisée, travail d'équipe et sentiment de proximité malgré la distance. Depuis que Fréquence Verte est disponible sur ce site, Internet nous permet aussi, au Nord, de devenir des diffuseurs directs, sans dépendre de radios généralistes qui s'intéressent peu à l'Afrique au quotidien.

II - Perspectives immédiates

Comme indiqué, ce système fonctionnait jusque l'année dernière. Désormais, dans le cadre de son plan d'action 2000-2005, SYFIA prévoit les activités suivantes :

Chaque bureau travaillera sur l'année avec 1 ou 2 radios sélectionnées sur leur motivation et leur impact. Outre la réalisation de reportages en coproduction avec un journaliste de ces radios dont le travail sera suivi de bout en bout, les bureaux SYFIA aideront les responsables des radios ou d'émissions à concevoir des émissions ou des magazines.

Les radios partenaires diffuseront en priorité les éléments ainsi produits. Ils seront aussi regroupés sur une cassette dupliquée localement et envoyée aux autres radios utilisant la même langue. Selon l'intérêt des sujets traités pour d'autres régions ou d'autres pays, une cassette ou une diffusion audionumérique seront envisagées accompagnées d'un script en français.

En fin d'année, un bilan des actions menées sera effectué en commun avec les radios partenaires. Le noyau dur de la production radio de SYFIA International sera constitué d'éléments prêts à diffuser réalisés en français. Ils seront disponibles pour toutes les radios du Sud comme du Nord selon des modalités variables en fonction de leur équipement.

Les radios "abonnées" pourvues des moyens technologiques adéquats disposeront d'un code leur permettant d'accéder librement au site et de télécharger les éléments dont ils ont besoin. Les autres radios recevront les émissions sur cassettes dupliquées localement dans les agences africaines de SYFIA, conjointement avec les productions locales.

Des relations seront établies avec d'autres opérateurs, notamment le Centre Audio Numérique. Le CAN, projet de la Francophonie est mis en œuvre depuis deux ans par le CIERRO (Centre Interafricain d'Etudes en Radio Rurale de Ouagadougou). C'est un pôle de compétences en formation (Internet et audionumérique). C'est aussi une banque de programmes qui privilégie l'utilisation dans les émissions des langues nationales (transnationales surtout). Le CAN s'adresse surtout aux radios rurales et locales, avec lesquelles il fait aussi de la coproduction et de la post-production. Enfin, le CAN offre des possibilités d'achat d'équipement radio à moindre coût (jusqu'à la moitié du prix, suivant des conditions précises).

Conclusion

Certes les NTIC vont diversifier l'offre d'émissions dans les radios rurales. Mais ne risquent-elles pas de transformer ces structures en simples consommatrices de produits venus d'ailleurs, même si elles participent à un échange ?

Il me semble que le premier défi de la radio rurale consiste à assurer la participation des producteurs ruraux à la conception, la mise en œuvre et l'exécution de ces programmes. Dans quelle mesure Internet favorise-t-il cette attente légitime ?

L'autre interrogation a trait à la profusion d'information et à la proximité. Ne serait-il pas urgent de penser à une méthodologie de détermination des priorités, afin d'assurer la réelle participation des auditeurs à la confection de la grille de programmes ?

Le recours à Internet constituera un « plus » et non une mode vers laquelle tout le monde semble se ruer en aveugle.

 

Page PrécédenteDébut de PagePage Suivante