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L'action de la Francophonie en matière de radio locale

par Jean-Pierre Lamonde - Responsable de la radio locale à l'Agence Intergouvernementale de la Francophonie (AIF)

Diplômé en Organisation Communautaire de l'Université de Sherbrooke (au Québec), Jean-Pierre Lamonde est, depuis 1993, Responsable de la radio rurale locale auprès de l'Agence Intergouvernementale de la Francophonie, à Paris.

Résumé de la communication

La radio rurale locale est une réalité incontournable au sein de l'Agence Intergouvernementale de la Francophonie (AIF). En témoigne l'ampleur des réalisations :

Ces réalisations s'appuient sur :

Le bilan de ces années d'expérience montre que :

L'action de la Francophonie en matière de radio locale

L'Agence intergouvernementale de la francophonie a lance en 1989 un programme d'implantation de radios rurales locales a destination des pays d'Afrique et d'Asie.

Ce programme s'inspirait des enseignements fournis par les radios libres ou communautaires en Europe et en Amérique du Nord et par les radios rurales africaines.

Le programme d'implantation entendait densifier les capacités de radiodiffusion dans des zones mal desservies, particulièrement en milieu rural, par l'installation d'émetteurs FM de moyenne puissance (0,250 à 0,5 kW) couplés avec un centre de production « léger ». En privilégiant une approche de « communication de proximité », il entendait permettre aux populations d'exprimer leurs besoins et leurs attentes et donc de prendre en main leur propre développement.

Les premières stations ont été installées en 1991 au Vietnam.

A ce jour, l'Agence a implanté 50 stations, dont 46 sur le continent africain dans 10 pays (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Congo, Côte d'Ivoire, Guinée, Mali, Madagascar et Sénégal). La majorité des stations est installée dans des préfectures ou des gouvernorats et dessert un bassin de population minimum de 200 000 personnes dans une zone de 50 kilomètres de rayon, unies par une très forte homogénéité de langue, de culture et de pratique socioprofessionnelle.

Ce dispositif de diffusion vient en complément et en appui aux radios rurales nationales qui exercent dans la plupart des pays africains, le plus souvent à partir d'un réseau de stations régionales.

Bien que de service public, les radios locales de l'Agence ne sont pas des radios gouvernementales. Elles sont en effet placées sous la responsabilité directe de la communauté desservie qui met à disposition les locaux, assume la gestion des équipements installés et assure le fonctionnement courant de la station. Il a été imposé à toutes ces radios de se doter d'un Comité local de développement (nouvelle appellation remplaçant l'appellation antérieure de « comité local de gestion ») susceptible de mobiliser autour de la radio la société civile, le milieu associatif, les ONG et les services publics représentés localement.

Certaines radios s'appuient aussi sur une « association des auditeurs » qui garantit une large participation populaire à la vie quotidienne de la radio.

La plupart des stations fonctionnent sous un statut d'association de droit privé. Les plus récentes ont bénéficié de la libéralisation des ondes aujourd'hui généralisée et disposent d'un permis d'émission délivré par l'Instance nationale de Régularisation. Les plus anciennes ont reçu une autorisation d'émission du Ministère de la Communication national et leur fonctionnement est réglementé par un cahier de charges signé entre le Président du Comité local de développement et le Ministère de la Communication. Ce cahier de charges doit garantir l'indépendance de la radio vis à vis des pouvoirs politiques et administratifs et définir ses contraintes en matière de programmation (pas d'information, pas d'émissions politiques ou religieuses partisanes, etc.).

Les stations assurent, en moyenne, une programmation quotidienne de 6 heures, 2 heures en matinée (de 6 heures à 8 heures) et 4 heures en soirée (de 19 heures à 23 heures).

80 % des émissions sont en langues nationales et sont fortement imprégnées de la culture locale. Elles portent sur les différents aspects de la vie en communauté (technique et économie agricole, environnement, santé, vie sociale, culture, alphabétisation, etc.) et s'adressent aux différents groupes sociaux concernés (paysans, femmes, jeunes, etc.).

Toutes les grilles locales font une place importante aux services (avis et communiqués, promotion des activités des ONG et des associations locales, promotion des groupes artistiques, etc.).

L'animation de l'antenne fait un large appel aux ressources de la communauté. Il n'est pas rare que les enseignants, les animateurs d'associations ou de groupements, voire certains fonctionnaires de services publics locaux, prennent en charge l'animation de tranches d'antenne.

Les radios doivent assumer leur fonctionnement, l'entretien et le remplacement de leurs équipements et doivent donc faire des recettes. Leurs ressources principales sont les émissions de services aux individus et aux collectivités, certaines campagnes éducatives financées par des intervenants extérieurs, mais aussi les dons spontanés des auditeurs qui marquent ainsi leur attachement à une radio de proximité. Pour les auditeurs, la radio de proximité est vraiment la leur.

Le budget moyen annuel de fonctionnement d'une radio locale est de l'ordre de 100 000 FF. Mais certaines radios font montre de grandes capacités à mobiliser les ressources financières existant dans leur aire géographique de diffusion. Nous connaissons le cas de deux stations de radio au Bénin dont le budget annuel dépasse 350 000 FF.

Le principal poste de dépenses est le personnel. Chaque radio se conduit comme une PME créatrice d'emplois permanents à temps plein ou partiel. En moyenne, une radio crée 10 emplois salariés. Elle constitue aussi un facteur de dynamisation de la vie économique locale. Dès qu'une radio rentre en ondes, s'implantent sur le marché local des vendeurs de récepteurs, de piles et de cassettes. L'implantation récente d'équipements informatiques dans les radios a eu des effets similaires et a aussi permis l'accès des populations à la messagerie électronique.

Le lancement d'un projet de radios locales obéit à un processus précis.

L'Agence intervient toujours sur requête nationale. Avant toute décision, elle procède à une série d'études techniques visant à identifier les sites possibles, définir les paramètres du site de production et du site de diffusion, établir le degré de structuration et de mobilisation de la communauté, contrôler les garanties d'indépendance des radios et vérifier la viabilité économique d'une station de radio à court, moyen et long terme.

Si les études sont concluantes, l'intervention de l'Agence Intergouvernementale de la Francophonie fait l'objet d'un accord cadre avec l'Etat concerné définissant les responsabilités de chaque partie.

Les centres de production installés depuis 1998 font largement appel au numérique. Les matériels (studio, régie et reportage) sont de type semi-professionnel, choisis sur des critères de robustesse et de facilité de manipulation.

Par contre, l'émission reste analogique. Depuis maintenant 5 ans, l'Agence ne fournit que des émetteurs de marque ITELCO, un des fabricants leader sur le marché des émetteurs FM.

L'investissement matériel minimum est de 350 000 FF. Il peut totaliser 800 000 FF si des investissements spécifiques sont nécessaires : fourniture de plusieurs émetteurs, si la zone de diffusion est particulièrement accidentée, si le centre de production et le centre de diffusion ne peuvent être regroupés ; construction d'un pylône pour héberger l'antenne ; fourniture de panneaux solaires pour assurer l'autonomie énergétique du centre de production et de l'émetteur ; protections spécifiques contre les intempéries, etc.

Le choix des fournisseurs est consécutif à un appel d'offres international.

Dans certains cas, l'Agence a choisi d'installer des équipements « déclassés » par des radiodiffuseurs du Nord.

Le délai moyen d'exécution d'un projet est de deux ans entre l'enregistrement de la requête et l'entrée en onde de la station de radio.

Chaque projet réalisé fait l'objet d'une inauguration officielle associant l'ensemble des parties impliquées (le programme de l'Agence bénéficie régulièrement d'appuis spécifiques de certaines coopérations multilatérales et bilatérales) et sanctionnant la remise effective de la radio à la société civile.

Une fois la radio installée, l'Agence continue à en accompagner le fonctionnement et le développement. Elle organise annuellement, sur une base régionale voire continentale, plusieurs sessions de formation permanente sur la production, la programmation, la gestion ou la recherche de recettes.

Elle a également créé un réseau des radios rurales africaines qui est géré par le partenaire professionnel permanent du programme, le Centre interafricain d'études en radio rurale (CIERRO), établi à Ouagadougou. Ce réseau dispose d'une banque de programmes échangeables soit via Internet, soit sur CD Rom, d'une centrale d'achat d'équipements et pièces de rechanges et organise des coproductions d'intérêt commun.

Le réseau qui dispose de 3 cadres (un spécialiste organisation et programmation, un ingénieur télécom et un webmaster) fournit aussi une assistance technique permanente aux radios.

Sans s'impliquer dans la vie quotidienne des radios locales, l'Agence veille à leur bon fonctionnement. Elle peut donc être amenée à s'impliquer dans la solution de conflits locaux (notamment concernant les comités locaux de développement) mais aussi à les assister dans la réalisation d'investissements lourds (remplacement d'émetteurs, de sources énergétiques, etc.).

Au cours des dernières années, les modalités du programme ont été sensiblement révisées. Si les premiers projets privilégiaient l'approche « pilote » et comportaient un maximum de 5 stations disséminées sur l'ensemble du territoire national, l'Agence s'oriente maintenant vers un « maillage » plus étroit permettant de couvrir toutes les zones ethniques, culturelles ou économiques d'un pays. Elle est amenée également à tenir compte des infrastructures de radiodiffusion privée déjà existantes de façon à agir en complémentarité et non en concurrence. Enfin, l'Agence n'exclut plus d'implanter des radios en zones périurbaines pour tenir compte des besoins des populations défavorisées ignorées par les radios privées commerciales.

Ces caractéristiques sont appliquées dans les cinq projets sur lesquels l'Agence travaille actuellement : Togo, Tchad, Niger, République Démocratique du Congo et Océan Indien (Madagascar et Maurice).

L'Agence envisage aussi de mettre rapidement en chantier trois projets supplémentaires : Gabon, Haïti et évolution du projet Vietnam vers un projet régional Asie couvrant outre le Vietnam, le Cambodge et le Laos.

Enfin, l'agence est à la recherche de moyens complémentaires pour faire évoluer certains projets anciens vers des véritables réseaux nationaux notamment en Guinée, au Sénégal et au Mali.

 


1 Le local doit comporter un studio, une régie, un minimum de bureaux, au moins une grande salle de travail et doit disposer d'espaces extérieurs permettant de rassembler les auditeurs.

 

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