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La forêt de l'information: se frayer un chemin à travers la jungle

R. Päivinen, R. Mills, M. Hailu et J. Saarikko

Risto Päivinen est directeur de l'Institut
forestier européen, Joensuu (Finlande),
et coordonnateur du groupe de travail
de l'Union internationale des instituts
de recherches forestières (IUFRO)
sur le Service mondial d'information
sur les forêts.
Roger Mills est chef du Service
d'information et de bibliothèque à
l'Oxford Forestry Institute, Oxford (Royaume-Uni).
Michael Hailu est chef du Groupe des
services d'information au Centre pour la recherche
forestière internationale, Jakarta (Indonésie).
Jarmo Saarikko est directeur pour l'information
à l'Institut finlandais de recherches
forestières, Helsinki (Finlande).

La révolution permanente des technologies de l'information et de la communication draine des interrogations touchant à la fois la fiabilité, la transparence, l'accessibilité de l'information, et le respect de la vie privée.

La croissance des arbres est plus lente que celle des cultures et ce simple état de fait a dicté un parcours évolutif spécifique pour la recherche d'informations sur les forêts au cours du siècle dernier, dans le cadre plus général de l'information agricole, environnementale et biologique. Des services spécialisés ont été mis en place à l'intention de ceux qui recherchaient des données sur les arbres et les forêts, en tenant compte de la longue «demi-vie» de la documentation qui existe en ce domaine et de la nécessité de conserver les données d'expériences pendant de nombreuses années afin de pouvoir effectuer des comparaisons valables et éviter toutes répétitions superflues.

À l'aube du XXIe siècle, la technologie offre des possibilités sans précédent d'accès aux informations recueillies dans le monde entier et de consultation immédiate de ces ressources. La forêt de l'information est devenue, pour ainsi dire d'un jour à l'autre, à la fois plus vaste et moins mystérieuse; mais aujourd'hui plus que jamais, il nous faut des points de repère le long des innombrables chemins qui s'ouvrent désormais à nous, ainsi que des guides vers les nombreuses destinations auxquelles ils mènent. Fort heureusement, le monde de la documentation et de l'information bénéficie d'une longue expérience en matière d'indications et d'orientations, et les possibilités d'en tirer parti sont immenses.

La classification logique des livres remonte à l'antiquité, mais c'est à la suite de l'invention de l'imprimerie que la nécessité d'un tel classement est devenue un problème de «consommation de masse». C'est ainsi que les bibliothèques se sont répandues dans toute l'Europe, faisant en sorte que l'information demeure là où elle était demandée et enchaînant littéralement les livres aux rayonnages. Le développement des grandes bibliothèques nationales et la naissance des bibliothèques publiques au XIXe siècle ont conduit à l'élaboration de systèmes de classification universelle codée tels que la Classification décimale de Dewey, qui au cours du siècle suivant sont devenus le principal système de recherche documentaire dans bien des domaines, y compris celui de la foresterie.

Les forestiers semblent être méthodiques par nature, et l'Union internationale des instituts de recherches forestières (IUFRO) a ainsi créé au début du XXe siècle un comité bibliographique qui a étudié la plupart des grands dossiers de l'époque et donné origine, directement ou à travers l'enthousiasme de ses membres, à Forestry Abstracts (un recueil de résumés analytiques, aujourd'hui publié par CAB International), au Système de classification décimale d'Oxford pour les sciences forestières (ODC) (désormais appelée Classification décimale forestière, CDF) et au concept de «bibliothèques de dépôt» pour la littérature forestière au Royaume-Uni et en Fédération de Russie. Les ordinateurs dans les années 70 ont révolutionné la production de services d'indexation et de résumés analytiques, tandis que le commerce du livre a été l'un des premiers adeptes des numéros d'article, aujourd'hui omniprésents sous forme de codes à barres sur toutes sortes de produits adoptant le Numéro normalisé international du livre (ISBN) et le Numéro international normalisé des publications en série (ISSN) comme identificateurs uniques. La quantité de matériel publié a continué (et continue encore) de croître chaque année, mais les microfilms, les photocopies, les télécopies, les vidéos, les CD-ROM et la messagerie électronique en ont considérablement simplifié l'archivage et la distribution. Il a semblé pendant un certain temps que la bataille pour le contrôle bibliographique, tel qu'on l'appelle désormais, était gagnée.

Puis Tim Berners-Lee a inventé le World Wide Web et la bataille a immédiatement repris sur un nouveau front. Pour la première fois, il devenait facile pour les auteurs de contourner les circuits d'édition traditionnels et d'entrer directement en communication avec le public visé. Mais les mécanismes de contrôle bibliographique étaient le plus souvent adaptés aux produits des éditeurs classiques. De nouveaux fleuves s'écoulaient soudainement dans le lit majeur de l'information; nous pouvions les voir, mais sans pouvoir dire toutefois de quels poissons ils étaient porteurs. Nous pouvions consulter des moteurs de recherche commerciaux et les immenses filets ainsi plongés dans ces nouveaux flots nous révélaient alors ce qui les peuplaient à l'instant précis, mais sans nous indiquer toutefois d'où cette faune provenait, où elle allait et quel pouvait être son goût. Ces trois éléments - provenance, durabilité et qualité - sont devenus les principaux enjeux de la recherche de données au XXIe siècle et le point central des mécanismes d'information sur les forêts aujourd'hui.

Même les moteurs de recherche les plus performants ne sont en mesure de repérer qu'un site Internet sur 500 - dimensions des moteurs de recherche (comparaison effectuée le 6 juin 2000)

- Source: SearchEngineWatch.cpm

OÙ VA LE WEB?

Puisque quiconque peut désormais publier ses travaux sur le Web sans un contrôle rédactionnel, «l'acquéreur» doit être plus attentif que jamais et être vigilant d'une façon qui ne lui est pas encore familière. Les utilisateurs de l'information ont toujours dû en évaluer la qualité - notamment la pertinence par rapport à l'objectif, le bien-fondé et la précision des méthodes et des évaluations, l'actualité, la compatibilité des définitions, ainsi que le degré dans lequel ces aspects apparaissent au niveau de l'information - mais le Web a rendu cette évaluation bien plus complexe.

Quels sont les antécédents de l'auteur? Ses travaux sont-ils dignes de foi? Qu'en pensent ceux qui travaillent dans le même secteur? Y a-t-il une motivation politique et dans ce cas est-elle bien claire? Procéder aux recherches nécessaires pour répondre à ces questions peut être lourd en termes de temps pour l'utilisateur final. Dans le monde de l'édition, les lecteurs pouvaient compter sur les éditeurs et sur les examinateurs pour faire ce travail.

L'information sera-t-elle encore disponible lorsque nous en aurons à nouveau besoin? Demain, dans un an, dans 10 ans? Si elle ne se situe qu'au niveau d'un micro-ordinateur personnel, la réponse sera très probablement non, aussi de nombreux efforts sont-ils aujourd'hui déployés dans bien des pays pour constituer des archives nationales de l'information numérique afin d'en assurer la conservation et l'accessibilité à long terme. Toutefois, une fraction seulement de ce que renferme actuellement le Web peut être conservée à titre permanent, et cette sélection exige un processus d'analyse et d'évaluation de la qualité qui ne peut jamais être totalement automatisé. Des politiques de développement des collections sont donc nécessaires pour l'information numérique comme elles l'ont toujours été pour le matériel imprimé.

D'après de récentes évaluations (www.brightplanet.com), il y aurait au total 550 milliards de documents disponibles sur Internet, mais les moteurs de recherche générale en répertorient «seulement» un milliard environ (figure 1). On estime que le «Web profond» invisible contient près de 100 000 bases de données bien fournies et consultables - dont 95 pour cent sont mises gratuitement à la disposition du public. De nouveaux logiciels permettent d'accéder à ces bases de données. Certains filtres thématiques utilisant des moteurs de recherche générique peuvent identifier les sites afin que l'on puisse les utiliser grâce à une analyse pertinente et de qualité. Certains services de recherche donnent toutefois la priorité aux sites qui ont payé pour figurer dans une sorte de «pages jaunes»; cela est inévitable dans la mesure où les éditeurs et les fournisseurs d'information cherchent à se procurer de nouvelles sources de revenus en remplacement des forfaits imprimés dont ils étaient tributaires.

Faut-il regrouper les informations par thème comme les journaux l'ont toujours fait? Le journal électronique en tant que copie de la version imprimée pourrait avoir une durée de vie limitée. Le développement de «communautés» électroniques dans lesquelles les créateurs, les distributeurs et les usagers de l'information interagissent au sein d'un forum commun, peut fournir des indications quant à la forme future de l'édition électronique.

Un système de positionnement global (GPS)

- FAO/20510/A. PROTO

La méthode qu'il faut adopter pour indexer la plus grande bibliothèque de tous les temps est actuellement au centre de débats animés: par ordinateur, en utilisant l'intelligence artificielle, la représentation des connaissances, des agents? ou par méta-données réparties, à l'aide de points d'entrée thématiques? Un véritable catalogue établit des relations entre des documents qui pourraient ne pas paraître liés entre eux, en classant, identifiant, reliant, sélectionnant et triant. Actuellement, cette tâche a besoin de l'intelligence humaine - mais en sera-t-il toujours ainsi?

LA TECHNOLOGIE DE LA COMMUNICATION DU FUTUR

Faire des prévisions en matière de développement technologique n'est pas une tâche aisée. Bien peu de personnes avaient pris conscience à l'époque des changements que les micro-ordinateurs et Internet introduiraient si rapidement au cours de ces 20 dernières années. L'informatique en réseau modifiera plus radicalement encore notre façon de travailler; de nombreuses technologies verront le jour, grâce à l'augmentation de la vitesse de calcul et de la capacité de stockage, jointe à une constante diminution des dimensions du matériel.

Informatique et communications mobiles

La tendance dans un avenir proche est à une informatique plus personnelle et mobile, qui s'accompagnera donc d'une augmentation considérable du nombre de points d'entrée de données. Selon les estimations, le nombre d'abonnés aux téléphones GSM (Réseau de téléphonie mobile) doublera, passant de 300 à 600 millions dans les trois prochaines années. Les opérateurs offrent d'ores et déjà de nouveaux services, comme le WAP (Wireless Application Protocol) et le GPRS (General Packet Radio Service), bien que les appareils qui utilisent ces technologies viennent à peine de faire leur apparition sur le marché.

Les téléphones GPRS permettent un accès en ligne permanent aux messageries électroniques et à Internet et leur vitesse d'accès peut être 10 fois supérieure à celle de la transmission de données sous GSM. Les avantages en sont la connectivité et l'instantanéité: il est en effet possible d'envoyer et de recevoir des informations à tout moment sans devoir composer et enregistrer un numéro. Un autre avantage est celui de la localisation: les abonnés peuvent recevoir des informations concernant la localité où ils se trouvent, par exemple des bulletins météorologiques, une aide à la navigation, des renseignements sur les services de proximité ou des données en clair sur ce site. L'inconvénient que représentent actuellement les dimensions réduites de l'écran de l'appareil téléphonique sera résolu par les nouveaux terminaux de communication portables associant le téléphone, un receveur SUNOR (Système de positionnement global) et un petit ordinateur personnel.

Le WAP et le GPRS ne représentent qu'une étape intermédiaire pour les opérateurs en télécommunications qui étudient déjà les nouveaux réseaux mobiles de la troisième génération, tel que le système de télécommunications UMTS (Système universel de communication avec les mobiles). Ces réseaux utiliseront des transmissions à grande vitesse de l'ordre du mégaoctet, rendant ainsi possible la réception de qualité vidéo sur un équipement portable ou l'utilisation intégrale en ligne des applications du Système d'information géographique (SIG) (Forum UMTS, 2000). Ils devraient être opérationnels dans quelques années. Ces nouveaux services s'imposeront sur le marché à mesure que les prix baisseront. En foresterie, ces technologies pourront être appliquées par exemple pour des fonctions de bureau mobile et pour l'accès aux réseaux Intranet des sociétés.

Services de localisation

Les travailleurs forestiers qui opèrent isolément en forêt sont d'ores et déjà nombreux à se munir d'un téléphone portable par mesure de précaution. Ainsi, en Finlande, un tiers de tous les appels de secours proviennent de portables. Bien souvent la personne qui appelle d'un appareil mobile n'est pas en mesure d'indiquer sa position exacte. Les nouvelles technologies de localisation seront utilisées sur les téléphones portables pour permettre une localisation automatique. Les systèmes de localisation sont désormais couramment employés dans certaines opérations forestières; ils ont par exemple amélioré l'organisation matérielle du transport de bois. Un système SIG installé sur une abatteuse-tronçonneuse est utilisé pour déterminer l'emplacement des piles de bois. Le conducteur de l'engin transmet sa position à la société de transport, qui envoie cette information à un camion à l'aide d'un receveur GPS associé à un système SIG sur micro-ordinateur. Le conducteur est alors en mesure de localiser la pile dans un site éloigné et jusque là inconnu, au fin fond de la forêt.

Pour des raisons militaires, les États-Unis perturbaient les transmissions GPS par satellite, mais leur signal de distorsion a cessé en mai 2000. Cette décision a rendu la localisation beaucoup plus précise, passant de 100 mètres à 10 mètres, tandis que les signaux de correction mis en place dans certains pays devenaient ainsi superflus. Comme les États-Unis se réservent encore le droit de déformer les signaux GPS, l'Union européenne (UE) met actuellement au point son propre système (Galileo), essentiellement destiné à un usage civil.

Pour un forestier muni d'un de ces terminaux portables mobiles du futur, il sera beaucoup plus facile de se procurer des informations graphiques sur le terrain. Il n'aura plus à emporter toute la documentation de base et pourra à tout moment et en mouvement reverser de nouvelles informations dans la base de données du réseau. Les informations disponibles sur les réseaux se multipliant, il sera ainsi possible de contrôler la propriété d'un terrain, de vérifier les plans d'aménagement et l'état de la certification, et de retrouver des informations géologiques et biologiques sur le lieu même en communiquant la position qui sera automatiquement relevée à l'aide d'un système satellite. L'interrogation pourra toucher des systèmes dans lesquels bon nombre de clients différents pourront emmagasiner des observations (concernant par exemple la biodiversité végétale et animale). Lorsque les demandes d'information auront été préparées à l'avance pour un site spécifique, il sera possible de saisir les données extraites dans un système GPS portable ou de les imprimer sur papier pour les emporter dans la forêt.

À titre d'exemple, un propriétaire forestier souhaitant recevoir des offres pour des parcelles boisées pourra se connecter en forêt à l'aide d'un téléphone portable GPRS à un site d'échange en ligne de produits forestiers sur lequel il placera une annonce de vente ou contrôlera qui achète un certain type de bois. De leur côté, les acquéreurs pourront compter sur des services automatiques de vérification des nouvelles annonces et, si le type, la qualité, l'emplacement et le prix correspondent aux exigences de l'acheteur, une offre sera alors automatiquement transmise au propriétaire. Après avoir fait son choix parmi les offres ainsi reçues, le propriétaire utilisera une identification et une signature électroniques pour conclure le marché en ligne. Pour se procurer une abatteuse-tronçonneuse, le propriétaire transmettra les coordonnées de l'emplacement du bois, relevées par GPS, et ce directement avec le système SIG de l'engin.

Les services de localisation sur réseaux mobiles révèlent la position de l'utilisateur à d'autres usagers. Il y a donc toujours un risque de contrôle de type «Big Brother», qui peut inciter certains utilisateurs à éviter ce genre de service. Toutefois, les ingénieurs mettent actuellement au point des logiciels qui permettent de crypter les informations et de les rendre anonymes afin d'éviter de tels dangers.

Technologie des satellites: sources uniques d'une multitude de données

Le flux de données d'entrée augmente à mesure que les satellites à haute résolution deviennent bien plus abordables et qu'ils se prêtent à des utilisations civiles. Bon nombre de lanceurs spatiaux utilisés auparavant à des fins strictement militaires ou gouvernementales, placent aujourd'hui des engins commerciaux en orbite. De nouvelles images d'une extrême précision, dont la résolution peut atteindre 1 m2 , sont déjà disponibles, à des prix abordables, pour des usagers ordinaires.

Le perfectionnement de la technologie des satellites s'accompagne d'une augmentation de la demande de réseaux d'observation de la terre par satellite pour la surveillance de l'environnement et le contrôle du développement. Dans le secteur forestier, des observations par satellite seront demandées pour examiner la végétation du globe et surveiller le déboisement, le boisement et le reboisement. Les observations systématiques au sol et leur analyse sont des opérations onéreuses et gourmandes en main-d'œuvre, et le réseau ponctuel est souvent trop disséminé. Des stations d'observation automatique seront mises en place pour divers types d'observations de l'environnement, et notamment d'images, qui seront ensuite transmises sur les réseaux mobiles. L'association d'observations automatiques au sol et de données satellite à haute précision permettra d'élaborer des prévisions et des modèles bien plus précis, qui permettront à leur tour de perfectionner les systèmes d'aide à la décision et les systèmes experts. Ils donneront ainsi naissance à des outils cartographiques SIG d'utilisation plus facile.

Adaptation au changement technologique

L'adaptation à ces nouvelles technologies ne se fera pas sans difficultés. Avec une informatique de plus en plus omniprésente et conviviale, la collaboration, l'interrogation, l'échange d'expériences et la mise en commun des informations, indépendamment de la position géographique, deviennent des opérations moins onéreuses et plus efficaces. Les réseaux mobiles sont cependant soumis aux mêmes règles sociales et de comportement que tout autre réseau humain. La communication virtuelle et textuelle n'est pas aisée au sein d'un groupe multiculturel. De nouvelles «règles communes» seront donc nécessaires au niveau des communautés électroniques pour la gestion des comportements individuels incorrects.

Service d'information mondial sur les forêts - accès amélioré à l'information

Pour améliorer l'accès à des informations de qualité, l'Union internatinale des instituts de recherches forestières (IUFRO) a conçu un Service mondial d'information sur les forêts (IUFRO, 2000).

Ce Service s'appuie sur un réseau de méta-bases de données. Les métadonnées sont des données au sujet de données; les méta-bases de données cataloguent les ressources en information - numérisées ou non - fournies par les participants au Service. Internet et le Web sont utilisés pour faciliter la localisation et la recherche de catalogues de méta-données. Le Service fournira un noyau normalisé de champs de méta-données (catalogue), une série normalisée de mots clés à partir desquels effectuer la recherche et une interface normalisée entre les sites Web et les bases de données. Les partenaires devraient être en mesure d'utiliser leurs propres catalogues de métadonnées sans modifications notables ou à l'aide de tables de conversion. En outre, les participants encore dépourvus de catalogues pourront devenir immédiatement compatibles en suivant les indications fournies par le Service mondial. La figure ci-dessous illustre la structure et le flux d'information envisagés pour ce Service.

L'objectif du Service est de constituer une source de données fiables. Pour ce faire, les fournisseurs d'information seront appelés à donner des détails concernant la provenance des données, les mécanismes de mise à jour, les adresses des contacts, etc., afin que les utilisateurs puissent effectuer une évaluation comparative des ressources et en établir eux-mêmes la pertinence au regard de leurs propres exigences. Le Service n'exercera aucune censure sur les données, mais tout comme un journal digne de ce nom ne publie pas un article anonyme, il n'acceptera pas des ressources non accompagnées de métadonnées permettant d'en évaluer la qualité. Toutefois, comme dans les domaines encore mal documentés, des informations de qualité médiocre pourraient être préférables à l'absence de données, le système d'acceptation sera doté d'une certaine souplesse, prévoyant notamment des examens périodiques visant à vérifier le respect des normes.

Quand il s'agit par exemple d'informations concernant les ressources forestières, les métadonnées indiqueront le but et la date de l'inventaire effectué, le nombre d'échantillons de terrains utilisés, les méthodes de contrôle de la qualité adoptées sur place, etc. À partir de ces renseignements, l'utilisateur devrait pouvoir déterminer le degré de fiabilité des statistiques de la superficie forestière et du volume de matériel sur pied.

Il n'y a pas que le secteur forestier qui essaie de renforcer le lien entre les utilisateurs et les fournisseurs de l'information. La Première consultation sur la gestion de l'information agricole, organisée par la FAO en juin 2000, a étudié les possibilités d'améliorer les capacités des décideurs, des spécialistes et du grand public afin qu'ils puissent accéder à l'information essentielle et l'utiliser pour parvenir au développement agricole durable et à la sécurité alimentaire. Elle a couvert tous les aspects de la gestion de l'information agricole, du renforcement des capacités et d'un meilleur accès aux informations pertinentes (FAO, 2000).

Structure du Service mondial d'information sur les forêts

    1. Serveur d'informations SMIF: coordonne les fonctions administratives du réseau de nœuds du SMIF (par exemple: enregistrement des utilisateurs, informations générales, forums de discussion, gestionnaires de messagerie électronique, passerelles vers des bases de métadonnées réparties).
    2. Nœud du SMIF: site Web existant d'un partenaire du SMIF; premier point de contact pour ceux qui accèdent au SMIF, à partir duquel les utilisateurs peuvent rechercher les informations dont ils ont besoin dans les catalogues de méta-données.
    2a. Nœud affilié du SMIF: site Web sur les forêts qui ne fournit pas de service de recherche de catalogues mais qui est lié au serveur d'informations du SMIF.
    3. Localisateur: base de méta-données contenant une entrée pour chaque ressource informationnelle du nœud affilié, qui facilite la compatibilité entre tous les nœuds du SMIF et les aide à se reconnaître; peut être utilisé pour structurer les catalogues en les divisant en groupes (par exemple: statistiques forestières nationales; produits forestiers non ligneux; législation forestière). Un localisateur interroge simultanément, en une seule opération de recherche, les catalogues de métadonnées de tous les nœuds du SMIF, sur différents sites Web.
    4. Métadonnées: catalogue les données ou banques d'information de chaque nœud du SMIF.
    5. Données/informations: les articles demandés par l'utilisateur. L'aspect différent des cases reflète le contenu, l'échelle temporelle et spatiale, le format et d'autres attributs spécifiques à chaque base de donnée. Les séries A à D onttoutes des métadonnées normalisées pour décrire leur contenu: A et B ont aussi quelques données harmonisées, basées sur des normes communes; C et D n'ont pas de données harmonisées. La série de données D n'est pas accessible gratuitement, mais les métadonnées peuvent aider l'utilisateur à déterminer s'il est intéressant de l'acheter. La série de données E appartient à un nœud affilié et n'est qu'un lien sans valeur ajoutée par le SMIF.

Les nouvelles technologies se développent plus rapidement que les applications qui les utilisent. Si le réseau offre des possibilités de stockage de données considérables, le problème de la propriété et de la mise en commun de ces informations constitue encore un obstacle important à une vaste utilisation des services SIG ouverts. L'informatique mobile commençant à offrir des possibilités élargies de stockage de données strictement localisées, le problème de la source et de la qualité des informations va à nouveau se poser. Quel est le degré de fiabilité de la source? Comment les données ont-elles été mesurées? Les nouvelles communautés électroniques mettent au point des outils sociaux pour l'évaluation des opinions émises et des articles produits, accordant à certaines sources plus de crédibilité qu'à d'autres. À l'avenir, cette approche, qui est calquée sur le système du bouche à oreille entre collègues et amis, pourrait être adaptée pour l'évaluation de données scientifiques et autres.

Mobiliser l'information scientifique pour promouvoir la gestion durable des forêts en Afrique

L'installation en Afrique de cinq nœuds du Service mondial d'information sur les forêts a démarré grâce à un projet sur trois ans financé par la Commission européenne (DG VIII). Ils faciliteront l'accès aux informations scientifiques et techniques sur les forêts, leur diffusion, et seront situés (sous réserve de confirmation) au Ghana, au Sénégal, au Kenya, au Zimbabwe et au Gabon (Szaro, Martin et Landis, 1999). L'un de ces objectifs est de renforcer les connaissances de certaines institutions régionales de recherche en Afrique quant à la mise au point et à la gestion de systèmes d'information utilisant Internet afin d'élargir l'accès aux résultats des recherches sur les forêts. Un autre objectif est d'améliorer l'intégration et la comparabilité des données nationales sur les forêts dans les pays africains du Groupe des États de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP).

Au siège de la FAO, à Rome, deux fonctionnaires du projet seront chargés de mettre au point les interfaces du Service mondial d'information sur les forêts en Afrique et d'aider à l'installation de l'équipement sur le terrain. Chaque nœud sera pourvu de l'équipement nécessaire, et la formation, la rémunération d'un spécialiste de l'information et la couverture des dépenses d'exploitation seront assurées. Quand il sera effectif, ce projet sera ouvert à de nombreux nouveaux partenaires qui aideront à développer le réseau.

LA FRACTURE NUMÉRIQUE

L'exploration des conditions futures d'échange d'informations et de connaissances dans le domaine des forêts ne peut ignorer l'existence d'un fossé grandissant entre les pays développés et ceux en développement quant à leur dotation en technologies de l'information et de la communication.

Globalement, le secteur de la technologie de l'information se développe à un rythme deux fois supérieur à celui de l'économie mondiale. Toutefois, cet essor a été en grande partie concentré dans le monde industrialisé. Ainsi, alors qu'en Amérique du Nord et en Europe un habitant sur trois en moyenne utilise Internet, dans les régions en développement ce rapport tombe à 1 sur 750 en Afrique, 1 sur 125 en Amérique latine et dans les Caraïbes, 1 sur 200 en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique, 1 sur 250 en Asie de l'Est, 1 sur 500 dans les États arabes et 1 sur 2 500 en Asie méridionale (Jensen, 2000; PNUD, 1999). Les régions en développement ont également un grand retard sur les États-Unis et l'Europe quant au nombre d'hôtes Internet, de micro-ordinateurs, de téléphones portables et de lignes téléphoniques (GIIC, 2000). La fracture est encore plus nette dans le secteur forestier, puisque les travailleurs forestiers des pays en développement opèrent souvent dans des zones écartées qui sont les dernières à être desservies, alors que de nombreux pays développés plus avancés dans ce domaine ont désormais réussi à assurer une couverture proche de 100 pour cent, comme c'est le cas par exemple en Finlande.

Si, comme beaucoup s'y attendent, la plupart des éditeurs délaissent la presse écrite pour se concentrer de plus en plus sur l'édition électronique en temps réel sur Internet, les travailleurs forestiers des pays en développement pourraient finir par se trouver encore plus isolés du marché mondial du savoir qu'ils ne le sont aujourd'hui. Bien que le nombre des usagers d'Internet soit en constante augmentation dans le monde en développement, peu d'institutions utilisent le Web dans ces pays pour délivrer des quantités notables d'informations, et ce en raison de l'accès limité dont dispose la population (ce qui constitue une entrave au développement de l'édition électronique dans ces pays), des capacités restreintes de publication et d'exploration sur Internet, et du coût relativement élevé des services d'hébergement sur le Web. De plus, dans les pays en développement l'accès à Internet est généralement circonscrit aux capitales, ce qui constitue un problème pour les forestiers et pour tous ceux qui travaillent principalement en milieu rural.

La langue représente aussi un autre obstacle: l'anglais est la langue prédominante sur Internet; 80 pour cent environ du contenu des sites Web est actuellement rédigé en anglais (d'Orville, 2000), proportion que l'on retrouve au niveau des sites forestiers.

La mobilisation des gouvernements, du secteur privé et de la société civile peut toutefois permettre de réduire cette fracture numérique et de maîtriser la puissance d'Internet et du Web pour livrer des informations et des connaissances à des millions d'utilisateurs dans les pays en développement. Les Nations Unies ont identifié les sept grands domaines dans lesquels intervenir pour bâtir une société du savoir véritablement planétaire (PNUD, 2000):

INFORMATION ET PRISE DE DÉCISIONS

La recherche d'informations intervient dans des contextes divers. Celles-ci peuvent avoir une valeur récréative sans utilité directe, mais le processus le plus gourmand en informations est probablement celui de la prise de décisions. Comme il est rare que l'on dispose de toutes les données voulues, l'imperfection des décisions prises est quasiment inévitable. Pourtant, de nouvelles informations devraient permettre de prendre des décisions mieux pondérées.

On trouvera ci-dessous deux exemples de nouvelles technologies et de nouveaux systèmes d'aide à la prise de décisions pouvant révolutionner la prise de décisions dans les prochaines décennies. Le premier aborde le point de vue des spécialistes, le second celui des consommateurs.

Préparer le plan d'aménagement d'une forêt

Nous sommes en 2050 et les conditions qui requièrent une gestion prévisionnelle sont globalement les mêmes qu'au début du siècle: l'aménagement d'une superficie forestière en fonction des objectifs du décideur. Mais des informations plus nombreuses sont désormais à la disposition d'un groupe élargi de parties prenantes, de sorte que les groupements et les particuliers sont plus nombreux à donner leur avis sur le plan d'aménagement. Le public a également un meilleur accès aux sources d'information pertinentes et il est même parfois mieux informé que les spécialistes chargés de sa réalisation sur certains points

Un plus grand nombre de citoyens concernés signifie que ce plan doit avoir des objectifs multiples et souvent conflictuels. Une formulation avancée des fonctions d'utilité pour des situations diverses est donc particulièrement importante pour parvenir à une décision équilibrée.

Données d'inventaire forestier basées sur une série d'échantillons de terrains, informations sur les forêts recueillies précédemment et données de télédétection à haute résolution: le niveau de détail qui résulte de la modélisation de ces sources est bien supérieur à celui qui pouvait être obtenu en l'an 2000, mais le problème de la fiabilité reste d'actualité. L'interprétation humaine des éléments de l'écosystème sur le terrain est encore nécessaire et le coût élevé de cet aspect du travail constitue une entrave à la collecte des meilleures données possibles. Cela est particulièrement vrai dans les régions tropicales, où les observations de terrain restent dans bien des cas irréalisables. Le travail sur le terrain en soi a toutefois été facilité par les systèmes de localisation automatique et par l'optimisation en ligne des mesurages nécessaires à des fins de précision.

Le niveau de détail des simulations de scénarios de substitution est remarquable, la forêt étant décrite quasiment arbre par arbre. En principe, les modèles de croissance peuvent utiliser des informations détaillées sur le sol, le climat et la concurrence entre les arbres, mais dans la pratique ces données ne sont pas toujours disponibles. Certaines incertitudes subsistent donc, mais des méthodes améliorées permettent d'en évaluer les conséquences au niveau du processus décisionnel.

L'évaluation des différentes solutions est un processus extensif et complexe. Des outils d'aide à la décision basés sur la modélisation et l'intelligence artificielle sont employés pour retenir les décisions acceptables. En ce qui concerne la meilleure solution à choisir, on utilise encore les méthodes d'optimisation classiques. Les techniques avancées de visualisation et de réalité virtuelle permettent une participation mieux structurée des non-spécialistes au processus décisionnel. Le réseau qui relie les ordinateurs et les consultants aux décideurs et autres parties prenantes a été consolidé par de nouveaux logiciels, ce qui était devenu nécessaire puisque dans bien des cas - comme pour la planification de la gestion des forêts domaniales - les groupes d'intérêt sont désormais bien informés des enjeux et des cas identiques d'autres régions. Il n'est toutefois pas établi que ce plan de gestion soit plus juste et mieux accepté qu'il ne l'aurait été en l'an 2000. Il est plus détaillé et plus perfectionné, mais de leur côté les parties prenantes sont plus conscientes des possibilités existantes et il est possible que leurs exigences se soient accrues plus rapidement que la capacité des spécialistes de justifier les mesures prises.

Acheter une table de jardin en bois

Il s'agit d'une situation bien plus simple. Elle met en scène un décideur unique (le consommateur) et les seules variables sont la qualité et le prix de la table, et l'impact environnemental de la production dont le consommateur tient compte.

Utiliser la technologie informatique pour prédire l'avenir

Une séquence de vues rapprochées produites par infographie représentant l'évolution dans le temps d'une pinède en cours de régénération (à droite sur chaque image): de gauche à droite, 1998, 2003 et 2008. Des animations illustrant dans le détail de la dynamique des arbres et de l'écosystème sont en voie de réalisation.

Les techniques d'infographie permettent de simuler à la fois les variations spatiales, temporelles et saisonnières, et les effets atmosphériques: de gauche à droite, un paysage représenté durant l'automne 1998, un jour brumeux de l'été 2008 et pendant l'hiver 2018

Source:Timo Pukkala, Université de Joensuu (Finlande).

Comment les valeurs environnementales associées au processus de production sont-elles évaluées au moment du choix entre deux tables de même prix et de qualité équivalente? Un téléphone portable WAP permet au consommateur de trouver les sites Web des producteurs et leurs déclarations environnementales. Elles paraissent convaincantes. Le consommateur consulte alors le Web à la recherche d'éventuelles plaintes d'acheteurs concernant ces produits et il parcourt les listes noires des groupes écologistes - aucun problème non plus de ce côté là. La décision finale est donc basée sur le design.

Dans les prochaines décennies, les consommateurs s'intéresseront probablement de plus en plus au processus de production, la nouvelle technologie permettant d'accéder plus facilement à des obser-vations autres que celles émanant du
producteur.

CONCLUSIONS

Les prophéties concernant l'avenir sont toujours hasardeuses, surtout dans le domaine de la technologie informatique, mais les conclusions suivantes paraissent raisonnables:

Durant notre progression dans la jungle de l'information, seuls les outils les plus robustes résisteront. Certains systèmes et certaines technologies qui semblent aujourd'hui chargés de promesses, finiront par avoir la vie courte; mais d'autres se développeront, suivant sans aucun doute des voies insoupçonnées, et offriront des instruments bien plus évolués pour une meilleure compréhension et gestion des ressources forestières de la part de l'homme. Si ces moyens seront utilisés avec profit dans l'intérêt de la planète tout entière et de tous ses occupants est là une autre affaire - l'humanité étant bien plus complexe que les arbres!

Bibliographie


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