Au cours des 20 dernières années, les politiques adoptées aux échelons local et national pour combattre les ravageurs et maladies transfrontières ont eu tendance à être fondées sur les normes, priorités et accords internationaux. Les évaluations des risques exigées par les accords internationaux doivent encore être fondées sur les conditions locales. Si le risque prévisible lié à la consommation humaine de certains produits, par exemple, peut être considéré comme identique dans le monde entier, la probabilité qu'un ravageur puisse survivre dans un environnement nouveau varie d'un endroit à un autre selon le climat, la disponibilité d'hôtes appropriés et d'autres facteurs.
Une participation des communautés locales, et surtout des consultations avec les parties prenantes, sont indispensables au succès de toute opération. Il existe de par le monde de plus en plus de programmes régionaux tendant soit à endiguer l'incursion d'un organisme nuisible ou d'une maladie exotique, soit à créer dans un pays infesté une zone de production exempte d'organismes nuisibles qui puisse ainsi ouvrir de nouvelles possibilités commerciales. En pareil cas, les politiques et mesures adoptées au plan local au voisinage des zones désignées sont aussi importantes que celles qui sont appliquées dans les régions frontalières nationales.
Il y a pour les pays bien des raisons de coopérer à la mise en uvre de leurs programmes de lutte contre les ravageurs et les maladies transfrontières, soit formellement par l'entremise des organisations régionales dont il est question ci-après, soit de manière informelle par le biais de réseaux.
Il arrive souvent que des pays voisins aient des systèmes de production semblables et des profils épidémiologiques communs et soient exposés aux mêmes risques d'infestation ou d'infection. Aussi la préparation conjointe de plans d'intervention en cas d'urgence pourra-t-elle être dans l'intérêt de tous et permettre de réduire son coût. Il ne s'agit pas seulement de la coopération à la préparation de plans d'intervention, mais aussi d'activités comme programmes de formation, mise en place de laboratoires de diagnostic et création de banques internationales de vaccins.
Il est également dans l'intérêt de tous les États intéressés d'échanger rapidement, sans rien dissimuler, des informations sur les foyers de maladie et les infestations de ravageurs et sur l'harmonisation des programmes de quarantaine et de protection sanitaire, particulièrement dans les régions proches des frontières communes. Bien que cela soit déjà le cas ou que l'on avance sur cette voie dans certains pays (par exemple dans le contexte des campagnes d'éradication de la peste bovine en Afrique et de la fièvre aphteuse en Europe, en Amérique du Sud et en l'Asie du Sud-Est), le manque de coopération entre les pays dans de nombreuses parties du monde a beaucoup nui au succès des campagnes de lutte contre les maladies animales transfrontières.
Les conventions, traités et accords internationaux ont, de différentes façons, un impact marqué sur les programmes phytosanitaires et les programmes de lutte contre les maladies animales. À l'heure actuelle, une vingtaine d'accords contraignants sont en vigueur aux échelons mondial ou régional, et il existe en outre plusieurs documents indicatifs techniques et instruments juridiques non contraignants47. Par ailleurs, il existe un grand nombre d'organisations privées qui ont pour vocation de diffuser des informations sur l'incidence des parasites et des maladies. Les plus importants de ces accords concernant la lutte contre les ravageurs et les maladies transfrontières sont indiqués au tableau 47.
Tableau 47
PROTECTION ZOOSANITAIRE ET PHYTOSANITAIRE: PRINCIPAUX ACCORDS ET ORGANISMES INTERNATIONAUX
Accords et conventions, traités ou organismes internationaux |
Objectifs (dans le contexte des ravageurs et des maladies transfrontières) |
Impact sur la gestion des ravageurs et des maladies transfrontières |
Parties Contractantes |
PROTECTION PHYTOSANITAIRE | |||
- Créée en 1952 |
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- Neuf créées actuellement |
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PROTECTION ZOOSANITAIRE | |||
- Créé en 1924 |
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PROTECTION ZOOSANITAIRE ET PHYTOSANITAIRE | |||
- Créé en 1994 |
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ENVIRONNEMENT | |||
- Établi en 1987 |
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- Créée en 1992
- Établi en 1997 |
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COMMERCE | |||
- Créée en 1995
- Créé en 1994 |
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1 Nom au complet: Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone. 2 SCOPE est un comité du Conseil international des unions scientifiques. |
Encadré 10 ACCORD DE L'OMC SUR L'APPLICATION DES MESURES SANITAIRES ET PHYTOSANITAIRES Le Cycle des négociations commerciales de l'Uruguay a été conclu en 1994, sous les auspices de l'OMC (précédemment GATT). Les accords résultant des négociations du Cycle d'Uruguay sont entrés en vigueur en 1995, inaugurant une ère de libéralisation du commerce agricole qui affecte les agriculteurs et la politique agricole dans les pays tant développés qu'en développement. Un de ces accords est l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS). L'objectif de l'Accord SPS est de mettre en place un cadre de protection de la vie et de la santé humaine, animale et végétale, tout en prévenant les barrières injustifiées aux échanges. Par conséquent, toute dérogation aux règles du libre-échange dans les secteurs de l'alimentation et de l'agriculture doit être appuyée par un évaluation scientifique des risques et une analyse des coûts-avantages. Les pays ont le droit de déterminer la rigueur de leurs mesures de protection sanitaires et phytosanitaires mais, en cas de différend, l'OMC convoquera un groupe de travail pour déterminer si la mesure contestée est conforme aux dispositions de l'Accord. Si la mesure est jugée non conforme, il sera demandé au pays intéressé de la modifier, ou une indemnisation à la partie lésée sera exigée. Il n'est pas toujours simple de distinguer entre les mesures SPS qui sont justifiées et les restrictions imposées par suite des préférences ou préoccupations des consommateurs. Les pays en développement pensent parfois que ce sont surtout ces dernières restrictions, plutôt que les mesures SPS justifiées, qui les empêchent d'avoir accès aux marchés des pays développés. Cette idée est difficile à réfuter car le processus d'évaluation des risques luimême, qui est l'un des piliers de l'Accord SPS, n'a pas encore été pleinement établi. Les méthodes économiques permettant de définir les facteurs socioéconomiques appropriés à prendre en considération et d'évaluer l'impact sur l'environnement n'ont pas été acceptées par les pays membres. Aux termes de l'Article 14 de l'Accord, les pays en développement se sont vu accorder un délai de deux à cinq ans pour se conformer aux dispositions relatives à l'accès aux marchés. Ce délai avait pour but de leur permettre de créer et de moderniser les mécanismes et dispositifs nécessaires à l'application de l'Accord, en empêchant qu'une ouverture soudaine à la concurrence n'ébranle leurs secteurs agricoles. Ce délai de grâce a expiré pour tous les pays en développement en l'an 2000. Les principales préoccupations qui ont motivé ce délai demeurent valables: toutefois, les coûts de l'application des dispositions de l'Accord sont très élevés et les pays en développement n'ont encore que des capacités de réglementation insuffisantes. Ce soi-disant manque de capacité se traduit par l'impossibilité pour certains pays de faire face aux dépenses et de fournir les avis d'experts qu'exige la participation aux procédures de l'OMC. Nombre de pays en développement n'ont pas les moyens (juridiques ou scientifiques) ni de participer en qualité de partenaires à part entière aux marchés ouverts imposés par les Accords de l'OMC, ni de formuler et d'appliquer des systèmes réglementaires de mesures sanitaires et phytosanitaires. Les pays considèrent l'Accord SPS comme un fardeau ou une obligation plutôt que comme une possibilité de participation. Il peut également y avoir des lacunes sur le plan de l'application lorsque les pays n'honorent pas pleinement les engagements pris dans les accords qu'ils ont conclus avec d'autres pays. La principale raison à un non-respect est l'insuffisance de leurs ressources, entraînant une application inégale des mécanismes prévus dans les accords. Dans le domaine de la protection phytosanitaire et zoosanitaire, l'inobservation des normes par certains pays crée des risques pour d'autres et met ainsi en danger l'existence même de l'Accord. À l'heure actuelle, même les plus grands pays et les plus aisés ne se conforment pas intégralement aux dispositions de l'Accord SPS. Des mesures ont été adoptées sans qu'il ait été entrepris d'analyse détaillée des risques ou sans qu'un accord soit intervenu sur une norme internationale. Cette inégalité d'application des normes suscite des discussions quant à leur équité, qui affaiblissent l'Accord SPS. |
La principale organisation spécialisée dans le contrôle biologique et ayant un régime de nombre des références taxonomiques dans ce domaine est le Centre pour l'agriculture et les sciences biologiques internationales (CABI), qui a des antennes au Royaume-Uni, en Malaisie et à la Trinité-et-Tobago. Bien qu'il s'agisse d'une organisation privée, le CABI est dirigé par ses pays membres au moyen de réunions annuelles et de consultations.
Les associations commerciales de chaque pays sont d'importants points de contact qui peuvent être exploités pour mobiliser parmi les parties prenantes un appui en faveur des programmes de prévention, l'industrie étant souvent l'un des principaux bénéficiaires de ces efforts. Il existe des associations techniques dans chaque branche d'activité, par exemple des associations s'occupant de la pathologie des plantes dans de nombreux pays, ainsi qu'au niveau international. Ce type d'interaction entre spécialistes a donné naissance à une nouvelle revue professionnelle sur Internet.
Les gestionnaires Listserv, auxquels on peut s'abonner pour recevoir des messages dans des spécialisations déterminées, ont proliféré, de même que les sites Internet. Le programme ProMED est une initiative privée tendant à mettre en place un programme mondial de surveillance des nouvelles maladies. Le réseau du courrier électronique ProMED a été inauguré en 1994 et a pour but de permettre aux pays en développement d'avoir facilement accès à l'information médicale.
La dernière condition indispensable à une gestion efficace des ravageurs et des maladies transfrontières est évidemment la disponibilité d'un mécanisme adéquat et l'existence de mécanismes appropriés de financement. Si les normes sanitaires et phytosanitaires sont inégalement appliquées, cela tient souvent au fait que certains pays n'ont pas les ressources nécessaires pour mettre en place des procédures de contrôle efficaces. Or, l'une des tâches des groupements régionaux est d'essayer de compenser les différences dans la capacité de paiement, lorsque l'action ou l'inaction de l'un peut imposer des coûts aux autres. D'autres raisons de partager les coûts sont que les opérations de précaution sont dans l'intérêt de tous et que des économies d'échelle peuvent être réalisées lorsqu'elles sont mises en uvre collectivement.
Néanmoins, les pays, et spécialement ceux qui ne sont pas exportateurs, ne sont guère poussés à coopérer; cela explique pourquoi certains des groupements régionaux fonctionnent mieux en théorie que dans la pratique. Habituellement, les pays accordent une priorité plus élevée au financement de leurs services nationaux de protection sanitaire et phytosanitaire qu'à celui des programmes entrepris par les associations auxquelles ils appartiennent. Les ravageurs et maladies ne présentent pas les mêmes risques pour tous les pays, qui peuvent répugner à contribuer aux programmes de prévention s'ils considèrent que ces derniers profitent davantage à d'autres.
- FAO/14241/G. TORTOLI
À longue échéance, il ne sera possible de remédier au déséquilibre qui caractérise actuellement les moyens de contrôle des divers pays que si les pays affectés resserrent la coopération entre eux. Tous les pays reconnaissent qu'un régime efficace de prévention dans un pays voisin est aussi important que leurs propres efforts de gestion. Néanmoins, les actuels mécanismes de coopération ont souffert d'un manque d'appui financier et politique.
Dans certains cas, le gouvernement responsable de l'introduction accidentelle d'un ravageur a volontairement fourni un financement pour monter une campagne de protection ou d'élimination. Or, il s'agit là d'un élément qui doit faire l'objet de négociations bilatérales et qui n'est pas requis par les accords internationaux actuellement en vigueur. Les organismes donateurs fournissent parfois un financement pour la mise en uvre d'un programme régional d'élimination de ravageurs ou des activités semblables, par exemple pour l'élimination de la mouche des fruits dans les Caraïbes. Des programmes tendant à éliminer des espèces exotiques de zones protégées ou d'environnements fragiles ou pour réaliser d'autres activités de protection phytosanitaire ont également été financés par différentes associations environnementales, y compris le Fonds pour l'environnement mondial (FEM). La CE a été parmi ceux qui défendent le plus énergiquement le principe du «pollueur-payeur» en ce qui concerne les risques sanitaires et phytosanitaires. Les États membres de la CE ont mis en place un mécanisme de recouvrement des coûts dus à la négligence d'un autre État membre qui aurait manqué de s'acquitter de ses obligations dans ce domaine. D'autres mécanismes d'indemnisation pourront être mis en place dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique lorsque les agents publics d'un pays ne prennent pas les mesures phytosanitaires qui s'imposent pour prévenir l'apparition d'un nouveau ravageur ou, dans le contexte du Protocole de Cartagena sur la contrôle des risques biotechnologiques, lorsqu'un organisme vivant modifié est libéré dans l'environnement. Le concept de responsabilité juridiquement contraignante est nouveau dans ce domaine, mais il faudra attendre quelques années encore pour que la personne physique ou morale ou le gouvernement responsable de l'entrée d'un ravageur ou de l'apparition d'une maladie prenne à sa charge le coût des dommages ainsi causés.
La question de savoir qui doit payer pour ces services se pose également au plan national. Habituellement, ce sont les deniers publics qui financent les programmes nationaux de quarantaine, d'inspection des plantes et des animaux, d'élimination des ravageurs et des maladies et d'autres programmes sanitaires et phytosanitaires. La justification économique d'un tel financement par les pouvoirs publics est développée dans d'autres publications48. Certains pays perçoivent néanmoins des droits d'utilisation pour couvrir le coût d'activités dont les bénéficiaires peuvent être clairement identifiés. C'est ainsi, par exemple, que le Costa Rica a réussi à recouvrer intégralement le coût des services phytosanitaires. La perception de droits d'utilisation est particulièrement fréquente dans le cas des programmes de certification des exportations étant donné que leurs bénéficiaires peuvent être identifiés très facilement et que cette activité ressemble davantage à un programme de promotion des exportations plutôt qu'à un programme de réduction des risques pour les consommateurs dans le pays producteur.
Une autre source de financement possible pour la protection zoosanitaire et phytosanitaire peut être celle des pénalités imposées en cas d'inobservation des normes ou la perception de dommages-intérêts. Toutefois, les amendes et pénalités n'ont pas été systématiquement utilisées pour promouvoir une application effective des normes car leur inobservation est parfois difficile à prouver. Comme les tendances sont à l'austérité budgétaire, que les moyens de surveillance se sont améliorés et que les systèmes de quarantaine sont de plus en plus sollicités, la situation pourrait changer.