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PREMIÈRE PARTIE
SITUATION ET FAITS NOUVEAUX
DANS LE SECTEUR FORESTIER


Faits nouveaux

Ce chapitre aborde certaines questions centrales et nouvelles tendances du secteur forestier, en se concentrant principalement sur les deux ou trois dernières années. Comme il est impossible de couvrir l'ensemble des faits nouveaux, des événements marquants et des tendances significatives à l'échelle mondiale, des questions choisies ayant eu un retentissement international durant cette période ont été mises en évidence.

RESSOURCES FORESTIÈRES

Couvert forestier

L'Évaluation des ressources forestières mondiales 2000 (ERF 2000) donne les informations les plus récentes sur l'état et la modification du couvert forestier, ou de la superficie des zones forestières, à l'échelle mondiale. La Deuxième partie décrit plus en détail les résultats de l'évaluation.

Les forêts couvrent environ 3 870 millions d'hectares, soit 30 pour cent de la superficie terrestre de la planète. Les forêts tropicales et subtropicales représentent 56 pour cent des forêts mondiales, et les forêts tempérées et boréales 44 pour cent. Les plantations forestières ne représentent environ que 5 pour cent du total des forêts, le reste étant composé de forêts naturelles. L'ERF 2000 a fait apparaître que la modification annuelle nette estimée de la superficie forestière de la planète a été, au cours des années 90, de -9,4 millions d'hectares; ce chiffre représente la différence entre le taux estimatif annuel de déboisement (14,6 millions d'hectares), et le taux estimatif annuel d'augmentation de la superficie forestière (5,2 millions d'hectares).

État des forêts

Bien que les discussions sur les forêts tournent souvent autour de la superficie mondiale des forêts et de la vitesse de déforestation, l'état des forêts et leur capacité à fournir la gamme de produits et de services qu'on en attend sont probablement les aspects les plus pertinents. L'état des forêts est cependant encore plus difficile à évaluer que leur superficie. Les auteurs de l'ERF 2000 (voir la Deuxième partie) se sont attachés à rendre compte des dommages infligés aux forêts par divers facteurs et à en estimer la production et les disponibilités en bois. Des travaux entrepris récemment pour évaluer l'efficacité de la gestion forestière laissent deviner certaines tendances (voir Gestion, conservation et exploitation durable des ressources forestières, p. 6). Le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), la Banque mondiale et l'Institut mondial pour les ressources (WRI) (Rosen, 2000), ont divulgué les résultats d'une évaluation pilote de la santé des écosystèmes, notamment forestiers.

Les inquiétudes soulevées par la déforestation et la dégradation des forêts, qui se manifestent de façon évidente en de nombreux endroits du monde, ont donné lieu à plusieurs analyses des causes et des effets de cette situation (par exemple ONU, 1996; Kaimowitz et Angelsen, 1998; et Contreras-Hermosilla, 2000). Les causes de la dégradation et de l'amenuisement des forêts sont complexes et varient beaucoup d'un endroit à l'autre. On établit une distinction entre les facteurs directs et les facteurs indirects. Les principaux facteurs directs de la dégradation des forêts sont les ravages occasionnés par les insectes et les maladies; les feux; la surexploitation du bois industriel, du bois de feu et d'autres produits de la forêt; la mauvaise gestion des forêts productives, notamment par des méthodes d'exploitation peu indiquées; le surpâturage; la pollution de l'air; et les phénomènes climatiques d'une très grande intensité, comme les tempêtes. La dégradation de l'habitat engendrée par ces facteurs et la surexploitation des espèces sauvages sont les premières causes de l'appauvrissement local des populations de faune forestière sauvage. Les facteurs indirects incluent notamment la pauvreté, la croissance démographique, les marchés et le commerce de produits forestiers, et les politiques macroéconomiques.

Cette section n'examine que deux causes majeures des atteintes portées aux forêts durant la période 1999-2000: i) les graves incendies qui ont éclaté dans de nombreux pays; et ii) les violentes tempêtes qui ont frappé l'Europe en décembre 1999. Elle contient aussi des informations récemment mises à jour sur les feux incontrôlés survenus en 1997-1998, la période la plus néfaste de ces dernières années pour les feux incontrôlés et les feux de forêt. Si désastreux qu'ils aient pu être, ces événements ont eu quelques retombées positives et livré des enseignements utiles.

Le déchaînement de feux de forêt qui s'est produit ces quatre dernières années dans le monde a déclenché des ripostes politiques nationales et des initiatives régionales et internationales en matière de prévention, d'alerte rapide, de détection et de lutte contre les feux de forêt. Les pays ont prouvé qu'ils étaient capables de réagir rapidement et efficacement aux tempêtes qui se sont abattues sur l'Europe. Ces réactions ont contribué à limiter au minimum les effets néfastes des tempêtes sur l'environnement, l'économie et la société. Des modifications de l'établissement des peuplements forestiers et des mesures de gestion sont proposées aujourd'hui pour réduire le risque de destruction lié aux futures tempêtes.

Feux de forêt1. De vastes étendues de forêt ont brûlé dans le monde entier en 1997-1998, durant l'épisode de sécheresse intense provoqué par le phénomène El Niño. Ces incendies et les dégâts qu'ils ont occasionnés ont été d'une ampleur telle qu'un journal des États-Unis a qualifié 1998 l'«année où la terre a pris feu». Cette affirmation s'avérait au sens littéral lorsque des millions d'hectares se consumaient et que la fumée recouvrait d'immenses superficies (par exemple en Amérique centrale et en Asie du Sud-Est) perturbant du même coup la navigation aérienne et maritime, et menaçant gravement la santé publique. Dans le seul Mexique, ces incendies ont coûté la vie à 70 personnes. Des écosystèmes généralement épargnés par le feu, comme la forêt ombrophile amazonienne du Brésil et la forêt de brouillard du Chiapas au Mexique ont subi un préjudice considérable. On estime, pour une partie, les étendues forestières brûlées à:

D'une gravité moindre qu'en 1997-1998, la situation mondiale des feux incontrôlés est quand même restée préoccupante en 1999-2000. En 1999 et en 2000, des incendies ont à nouveau éclaté dans de nombreuses parties de l'Indonésie, mais sans atteindre une ampleur comparable à celle des années 1997-1998. Les principaux incendies de l'année 2000 ont sévi en Éthiopie, en Méditerranée orientale et dans l'ouest des États-Unis:

Les feux mentionnés ci-dessus ont fait la une de l'actualité. La presse internationale ne fait toutefois pas état d'incendies qui sévissent fréquemment en de nombreux points du globe. Des centaines de milliers ou des millions d'hectares brûlent chaque année dans des écosystèmes adaptés au feu, notamment dans les régions sèches de l'Afrique de l'Ouest, sur d'importantes superficies d'Afrique australe, en Asie centrale, en Amérique latine méridionale et en Australie. On estime, par exemple, que pendant la saison des feux de l'année 2000, 200 millions d'hectares se sont embrasés en Afrique australe.

La gravité des incendies qui ont fait rage ces dernières années a accru considérablement la sensibilisation de l'opinion publique aux causes et aux effets des feux de forêt, attirant l'attention sur des questions de nature politique, et a mobilisé des efforts aux niveaux national, régional et international.

Les États-Unis débattent actuellement la question de savoir dans quelle mesure les coupes d'éclaircie, l'exploitation du bois et le brûlage contrôlé pourraient réduire les risques d'incendie à l'avenir. L'application d'une politique ignorant les feux durant plusieurs décennies a débouché sur une accumulation inhabituelle de combustibles dans des écosystèmes pyrophytes. Les feux qui éclatent dans les forêts de pins des marais brûlent avec une intensité bien supérieure à celle qu'ils avaient avant 1900, époque à laquelle des feux survenaient plus fréquemment. D'une ampleur et d'une intensité supérieures à celles d'hier, les feux d'aujourd'hui sont plus difficiles à maîtriser et plus dévastateurs.

Bien que l'opinion courante veuille que les feux soient néfastes pour toutes les forêts, dans les écosystèmes forestiers adaptés au feu ils constituent une forme de perturbation naturelle qui contribue à maintenir et à renouveler l'écosystème et peut améliorer la qualité de l'habitat à long terme. Alors qu'à court terme l'effet destructeur des incendies est impressionnant, leurs effets, à long terme, sont susceptibles d'être bénéfiques.

Plusieurs études menées sur les incendies qui ont frappé l'Indonésie en 1997 et 1998 se sont penchées sur les circonstances sociales et économiques qui ont contribué à ces feux (par exemple Rowell et Moore, 2000; Barber et Schweithelm, 2000; et les études conduites actuellement par le Centre pour la recherche forestière internationale [CIFOR]). Elles mettent en évidence une relation étroite entre les feux et les politiques d'occupation des sols, ainsi que les pratiques de gestion des sols. Les causes englobent la propagation des petits feux allumés à des fins agricoles, le recours au brûlis pour dégager des terres en vue d'y installer des plantations à grande échelle (par exemple le palmier à huile) et des conflits entre les utilisateurs des terres.

Les feux qui sévissent ailleurs en Asie du Sud-Est et dans certaines parties de l'Amérique et de l'Afrique sont fréquemment liés à des pratiques agricoles et au défrichage des terres, méthodes efficaces souvent héritées d'une longue tradition. Les forêts gérées par les collectivités sont, semble-t-il, nettement moins sujettes aux incendies, d'où la mise en place de programmes qui font participer les collectivités locales aux efforts de réduction du risque d'incendie (par exemple le projet Firefight de l'Union mondiale pour la nature (UICN) et du Fonds mondial pour la nature [WWF]). Des projets de gestion des feux menés à l'échelon local conçus, pour la plupart, comme des projets de gestion intégrée des feux de forêt, sont en cours d'exécution dans plusieurs pays, notamment au Brésil, en Indonésie, en Mongolie et en Namibie. Ces projets participatifs engagent les agriculteurs et les villageois à améliorer leur usage des feux (par exemple en agriculture) ou font appel à eux pour des opérations de prévention ou d'extinction des incendies. L'expérience concluante de la Gambie (voir encadré 1) montre que la gestion des ressources naturelles par la communauté pourrait remplacer avantageusement les méthodes habituelles de lutte contre les feux.

ENCADRÉ 1

Foresterie communautaire et prévention et extinction des feux en Gambie

Les méthodes classiques de prévention et d'extinction des feux n'ont pratiquement donné aucun résultat dans beaucoup de pays en voie de développement. Cet échec tient en grande partie au fait que les États manquent des ressources nécessaires pour exploiter des systèmes de surveillance des incendies. De plus, dans la plupart des pays, les ressources du sol et les ressources naturelles appartiennent à l'État, ce qui n'incite pas la population à investir dans la gestion de ces ressources. L'expérience a cependant montré que l'attitude de la population peut changer si les pouvoirs publics lui cèdent la propriété des ressources ou le droit d'utiliser ces ressources à long terme.

La Gambie a expérimenté la foresterie communautaire en 1991, avant de commencer à la mettre en œuvre dans tout le pays en 1994. Le gouvernement a entériné le transfert de la propriété de la forêt aux communautés rurales en promulguant la législation forestière en 1998. Une récente étude de cas sur la gestion des incendies de forêt par les communautés locales compare les attitudes des villageois qui participent à la gestion communautaire de la forêt avec celles des villageois qui n'y participent pas (FAO, 2000a). Cette étude révèle que la population est généralement très consciente des dégâts causés par les feux et de sa dépendance à l'égard des ressources forestières. Ce n'est pas l'ignorance qui dissuade la population de s'impliquer dans la lutte contre les feux incontrôlés, mais le manque de motivation. Cette étude montre que le nombre de feux a diminué considérablement dans la zone du pays où la foresterie communautaire a démarré. Deux feux seulement ont été signalés dans cette zone depuis 1992, qui ont été éteints avec succès par les habitants. Il ressort également de cette étude que la gestion communautaire contribue fortement à améliorer le respect des lois et des règlements en matière de prévention des feux, parce que les ressources sont contrôlées de façon plus efficace.

De nombreux pays ne disposent pas de politiques ou de stratégies de gestion systématique des incendies permettant d'intervenir rapidement et avec une grande force de frappe pour éteindre les feux. Cependant, un changement s'amorce. Les pays élaborent de plus en plus de politiques et de pratiques visant à renforcer leur capacité institutionnelle pour prévenir et combattre les feux de forêt et pour se préparer à intervenir. Au Mexique, par exemple, depuis qu'ils ont essuyé une saison des feux désastreuse en 1998, les Ministères de l'environnement et de l'agriculture collaborent à réduire la menace de propagation des feux agricoles aux forêts. Le Brésil a pris des mesures destinées à appuyer des programmes de prévention des feux, faisant intervenir le public, et à former les agriculteurs à améliorer leurs pratiques de brûlis. Au début de l'année 2000, une nouvelle Direction de la lutte contre les incendies dans les forêts et les propriétés a été créée en Indonésie au sein du Ministère de la foresterie et des cultures de plantation pérennes, afin d'accroître les capacités de gestion des incendies du pays.

Des initiatives ont aussi été prises récemment en vue de promouvoir le resserrement de la coopération régionale sur les incendies de forêt. À titre d'exemple, une nouvelle initiative panbaltique pour les feux de forêt, comportant la préparation de mécanismes d'assistance mutuelle en cas d'incendies de grande envergure, a été lancée en 1998. Les feux de 1997-1998 ont conduit l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) à mettre sur pied un Centre de gestion des feux de forêt, en Thaïlande, qui fournit des formations à la gestion des feux et mène des recherches pour les pays de l'ANASE.

Plusieurs initiatives internationales ayant trait à la sensibilisation aux feux touchant les espaces naturels et portant aussi sur la prévention, la préparation, la gestion et l'intervention ont vu le jour au cours des deux dernières années. Trois d'entre elles méritent d'être signalées:

Tempêtes sur l'Europe en décembre 19993.De violentes tempêtes ont secoué l'Europe en décembre 1999. Frappant d'abord le Danemark et la Suède les 3 et 4 décembre, la tempête a ensuite repris pour s'abattre à deux reprises, le 26 et les 27 et 28 décembre, sur la France, l'Allemagne et la Suisse. Ces cinq pays ont été les plus grièvement touchés, mais nombre d'autres pays ont subi des dommages substantiels. En l'espace de quelques jours, les tempêtes ont semé la destruction dans les forêts et déraciné des milliers d'arbres en dehors des forêts, transformant le paysage sur leur passage. On a estimé à 193 millions de mètres cubes la quantité de matière arrachée. Dans certains pays, les chablis équivalaient au produit de l'exploitation de plusieurs années. Globalement, l'Europe a perdu ce qu'elle aurait exploité en six mois dans des conditions normales. L'impact des tempêtes s'est répercuté très loin. Elles ont eu des conséquences sensibles sur les moyens de subsistance de nombreuses personnes et porté sévèrement atteinte aux forêts, aux industries forestières et aux marchés en cours et futurs (voir Production et consommation des produits forestiers).

Dans la plupart des endroits, les tempêtes ont déclenché une réaction rapide et efficace. De nombreux gouvernements ont accordé une aide au secteur forestier et aux industries forestières (voir la description de la situation en France à l'encadré 2). Les autorités nationales ont pris les dispositions suivantes: une diminution de l'abattage dans les forêts restées intactes; des programmes de stockage des billes; l'octroi de subventions et de prêts aux scieries pour leur permettre de faire face à l'accroissement des stocks; la réorientation des matériaux vers les marchés de dendroénergie; des indemnités pour replanter, dégager les allées et les routes forestières, prendre des mesures phytosanitaires et mobiliser des ouvriers forestiers et du matériel; et un soutien au transport, notamment des billes vers des scieries situées à distance. Un dégrèvement fiscal a également été accordé aux propriétaires de forêts et un système de subventions et de prêts à faible taux d'intérêt a été mis en place pour l'achat de machines et l'engagement urgent de travailleurs.

ENCADRÉ 2

Dégâts causés par les tempêtes dans les forêts en France

Le 26, puis les 27 et 28 décembre 1999, deux ouragans ont balayé la France d'ouest en est. Les vents ont soufflé jusqu'à 150 à 200 km/heure, des vitesses inhabituelles pour l'Europe. Des ouragans de la même intensité se sont produits en France durant les deux dernières décennies (en Bretagne et en Normandie en 1987, dans le Massif Central en 1982 et dans le nord-est de la France en 1990), mais sur une zone beaucoup plus restreinte. Aucune tempête au siècle dernier n'avait causé de tels ravages aux forêts françaises. L'équivalent de deux années d'exploitation a été déraciné, abattu ou brisé. Les chablis ont représenté plus du tiers de la totalité du matériel sur pied dans certains départements. Une bonne part des 3 millions de propriétaires de forêts privées, petites et moyennes, et des nombreuses communes qui dépendent beaucoup des revenus forestiers ont subi un lourd préjudice financier. À la mi-janvier, le Gouvernement français a lancé le Plan national chablis, destiné durant la première année à soutenir (sous la forme de subventions et de prêts à des conditions favorables) la récolte, le stockage et le transport des billes, pour enlever le plus de bois possible des forêts, et ce, afin de faciliter la régénération de la forêt et réduire les risques d'incendie et d'infestation par les insectes et les maladies. Vers la fin de l'année 2000, environ la moitié des chablis avaient été retirés, la plupart du temps des peuplements les plus accessibles et les plus précieux. Le bois a été vendu à un prix n'excédant pas 80 pour cent de sa valeur habituelle, et souvent à un prix nettement inférieur. L'État s'est engagé à verser des indemnités, se montant à quelque 90 millions d'euros (77 millions de dollars EU) par an pour la période 2000-2009, aux communes et aux propriétaires privés pour les aider à dégager et à régénérer leurs forêts.

Les tempêtes ne sont pas rares en Europe - des chablis de plus de 20 millions de mètres cubes ont été enregistrés une dizaine de fois depuis le début des années 50 - mais celles de décembre 1999 ont été les plus destructrices depuis plusieurs décennies. Il est impossible de dire si la fréquence ou la gravité des tempêtes s'accroissent dans la région, mais un rapport rédigé pour les autorités françaises (Y. Birot, communication personnelle) indique que plusieurs facteurs ont contribué à l'aggravation, au cours du temps, des dommages infligés par les tempêtes en France, notamment:

Après la tempête, de nombreux pays ont étudié par quels moyens limiter la gravité des dégâts que pourraient provoquer de futures tempêtes. La France, par exemple, a élaboré des recommandations sur l'établissement des forêts et des mesures de gestion à même de réduire leur vulnérabilité à l'avenir. Les changements sylvicoles préconisés en France et dans d'autres pays comprennent un recours accru à la régénération naturelle et une plus grande diversification des essences, notamment de feuillus. Il est utile de savoir que ces mesures pourraient bien avoir une incidence à long terme sur la biodiversité des forêts dans certaines parties d'Europe.

GESTION, CONSERVATION ET EXPLOITATION DURABLE DES RESSOURCES FORESTIÈRES

Aux quatre coins de la planète on déploie des efforts qui convergent vers la gestion durable des forêts, une stratégie qui pondère les objectifs sociaux, économiques et environnementaux. Cette démarche s'est traduite par des changements dans la politique et la législation forestières de nombreux pays. Sur le terrain, cette évolution touche les objectifs et les pratiques de gestion, ainsi que les catégories de personnes qui interviennent dans la planification et la gestion des forêts. Des approches globales de gestion forestière, comme la gestion des écosystèmes et l'aménagement des sites, sont de plus en plus acceptées et mises en pratique. Ces approches reconnaissent le dynamisme des systèmes écologiques et sociaux, la nécessité d'une gestion adaptative et l'importance des prises de décisions collectives. Les stratégies intégrées de conservation des forêts dans lesquelles la sauvegarde des ressources forestières en général et de la biodiversité en particulier implique une gestion tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des zones forestières protégées, se répandent (voir Deuxième partie - La conservation de la diversité biologique des forêts: gestion des zones protégées).

Au niveau international, la promotion de la gestion durable des forêts passe par l'élaboration d'outils et de mécanismes capables d'encourager l'adoption de meilleures pratiques de gestion. La certification des produits forestiers est un mécanisme obéissant aux lois du marché, conçu pour favoriser la gestion durable des forêts (voir La certification des produits forestiers - développements récents). Plusieurs actions internationales visant à promouvoir la gestion durable des forêts sont décrites dans la Troisième partie - Dialogue international et initiatives intéressant le secteur forestier. On a mis au point des critères et des indicateurs de gestion durable des forêts afin de mesurer les progrès accomplis en la matière et aménager des forêts modèles pour offrir une démonstration pratique de la gestion durable. L'objectif pour l'année 2000 de l'Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT) consiste à encourager la gestion durable des forêts dans les pays qui produisent et consomment des bois tropicaux. La lutte contre les activités illicites dans le secteur forestier retient de plus en plus l'attention et, pour la première fois, la question de la corruption dans ce secteur est soulevée ouvertement dans les enceintes internationales, (pour un examen plus détaillé, voir Deuxième partie, Activités illicites et corruption dans le secteur forestier).

Cette section est axée sur l'étude de quelques questions. Elle aborde deux sujets liés à l'exploitation des ressources forestières: la biotechnologie et l'établissement des plantations forestières, et deux sujets liés à la gestion et à la conservation des forêts: adoption de pratiques de production ligneuse respectueuses de l'environnement, et restrictions à cette production. En outre, une question concernant la gestion et la conservation des ressources naturelles forestières est également examinée: celle de la chasse non viable faite au gibier et qui pose un problème de plus en plus grave dans certaines parties du monde. Cette section est complétée par une discussion approfondie des aspects essentiels de la préservation de la biodiversité forestière, incluse dans la Deuxième partie, La conservation de la diversité biologique des forêts: gestion des zones protégées.

Biotechnologie dans le secteur forestier

La biotechnologie recouvre une gamme étendue de techniques scientifiques qui utilisent des organismes vivants ou des parties de ceux-ci pour fabriquer ou modifier des produits. La biotechnologie végétale traditionnelle - l'amélioration génétique - est pratiquée depuis des milliers d'années pour améliorer les plantes cultivées. Son application à la sélection et à l'amélioration des essences forestières est plus récente. Désormais, on recourt couramment à la biotechnologie pour sélectionner et propager des essences, mais aussi pour effectuer certaines transformations, comme des opérations de contrôle de la pollution et la décomposition des matières premières.

La biotechnologie végétale moderne est l'un des domaines de la recherche végétale qui enregistre les progrès les plus rapides depuis quelques années. Elle comporte des avantages et des risques potentiels pour la foresterie. Les biotechnologies modernes appliquées actuellement à la foresterie se répartissent en trois grandes catégories: les biotechnologies qui recourent aux marqueurs moléculaires; les technologies qui stimulent la multiplication végétative; et la modification génétique des essences (voir encadré 3).

ENCADRÉ 3

Biotechnologies modernes et foresterie

Les biotechnologies modernes appliquées aujourd'hui à la foresterie se classent en trois grandes catégories:

Les biotechnologies qui font appel aux marqueurs moléculaires peuvent notamment servir à: i) quantifier la diversité génétique entre populations et entre arbres; ii) identifier des génotypes par des études taxonomiques, biologiques et par la détermination de l'empreinte génétique; et iii) localiser les gènes qui codent pour des caractères quantitatifs ayant une importance économique.

Les technologies qui stimulent la multiplication végétative et favorisent la production à grande échelle de matériaux homogènes. La culture de tissus végétaux en laboratoire peut aussi être utilisée pour sélectionner des caractères tels que la résistance aux maladies et la tolérance aux herbicides, aux métaux, aux sels et aux basses températures. La micropropagation est déjà employée pour les espèces cultivées, y compris en horticulture, et l'on dispose de techniques permettant de l'appliquer à plusieurs essences forestières. Leur coût élevé obstacle actuellement l'utilisation directe de matériel micropropagé dans les programmes de foresterie.

La modification génétique des essences forestières. Le terme organisme génétiquement modifié (OGM) se réfère généralement aux organismes dans lesquels on a introduit du matériel génétique provenant d'autres organismes.

Si beaucoup d'aspects traditionnels de la biotechnologie et de ses applications sont bien acceptés, les OGM font l'objet de controverses très vives qui contiennent parfois une charge affective. Cantonné jusqu'à présent aux espèces cultivées, ce débat s'étend maintenant à la foresterie.

La modification génétique des essences forestières utilisant des techniques de recombinaison de l'ADN est envisagée pour des caractères tels que la résistance aux virus et aux insectes, la teneur en lignine et la tolérance aux herbicides. L'insertion de gènes régissant ces caractères dans une nouvelle espèce transgénique est une entreprise d'envergure. Aujourd'hui, le principal facteur limitant ces recherches est le manque de connaissances concernant le contrôle moléculaire des caractères. Ces connaissances sont particulièrement importantes pour les caractères codés par un ensemble de gènes, ce qui est le cas des caractéristiques les plus intéressantes du point de vue de la production forestière, par exemple le taux de croissance, l'adaptabilité ainsi que la qualité des fûts et du bois.

Aucune production commerciale d'arbres transgéniques n'a jamais été signalée, bien que 116 essais sur le terrain conduits sur 24 essences dans 17 pays aient été rapportés (Owusu, 1999). Il est admis que les aspects touchant à la sécurité biologique des arbres modifiés génétiquement doivent être étudiés très soigneusement, en particulier à cause de la longueur du temps qui sépare chaque génération d'arbres, et du fait que le pollen et les graines sont susceptibles de se diffuser sur de grandes distances.

L'application des nouvelles biotechnologies à la foresterie offre des perspectives intéressantes, en particulier pour la conservation du patrimoine génétique et l'accroissement de la production de bois et d'autres produits forestiers. Néanmoins, il convient d'agir avec prudence et de procéder cas par cas lorsqu'on intègre ces nouveaux outils dans des programmes de conservation et de sélection à long terme. De nombreux points requièrent un examen plus poussé, notamment la valeur ajoutée de ces nouvelles techniques par rapport aux méthodes traditionnelles de sélection; leur coût; l'importance des capacités à les mettre en place et des ressources nécessaires à leur utilisation et à leur entretien; leur effet potentiel sur la santé humaine et l'environnement; les considérations ayant trait aux lois et aux règlements en vigueur aux niveaux national et international; et les préférences des consommateurs.

Établissement de plantations forestières

Les plantations forestières sont à même de remplir plusieurs fonctions. Dans de nombreux endroits du monde, des plantations ont été installées pour restaurer l'environnement et conserver l'eau et les sols. Ailleurs, les plantations servent essentiellement à la production de bois. Le débat qui suit concerne les plantations à vocation productive. ( Pour de plus amples renseignements concernant la superficie de plantations forestières à l'échelle mondiale en 2000, voir la deuxième Partie, Situation des forêts: évaluation des ressources forestières mondiales 2000).

Le rôle des plantations forestières dans la gestion durable des forêts a été examiné à maintes reprises4. L'une des raisons de cet intérêt est la prévision selon laquelle l'accroissement futur de la demande en bois sera satisfait en grande partie par les plantations. On considère qu'elles permettent de produire des produits forestiers de façon efficace sur une superficie relativement limitée; c'est pourquoi beaucoup estiment qu'elles contribuent à réduire la déforestation et la dégradation des forêts naturelles. Toutefois, les plantations peuvent avoir des effets environnementaux et sociaux négatifs si elles sont mal aménagées et mal gérées et si l'utilisation préexistante des terres n'est pas prise en considération. Plusieurs groupes qui s'opposent aux plantations reprennent cet argument, notamment diverses organisations non gouvernementales (ONG) de défense de l'environnement et certains groupes de la société civile.

La tendance mondiale va vers un développement des plantations et vers l'exploitation de ces dernières comme source de bois industriel (voir encadré 4). Dans les pays tropicaux, par exemple, les plantations seront une source particulièrement importante de matières premières pour la future industrie de la pâte et du papier. Dans quelques pays, les plantations ont remplacé les forêts naturelles pour la fourniture du bois.

ENCADRÉ 4

Certains pays cherchent à étendre rapidement la superficie de leurs plantations forestières

Dans les années 30, les Philippines avaient quelque 17 millions d'hectares de forêt, mais la conversion des forêts à l'agriculture et à d'autres utilisations a ramené leur superficie à 5,7 millions d'hectares en 1994. Réagissant à ce phénomène, le gouvernement a interdit l'abattage dans les forêts intactes et vulnérables sur le plan écologique et a introduit récemment des incitations fiscales à la mise en place de plantations forestières. Le plan directeur pour la foresterie a fixé à 2,5 millions d'hectares la superficie des plantations forestières à établir au cours de la période 1990-2015.

En 1997, le Gouvernement du Mexique a introduit un programme de plantation forestière de 25 ans, PRODEPLAN, qui comporte des incitations économiques à l'établissement de plantations forestières sur des sols dégradés et abandonnés.

La Chine projette d'accroître son couvert forestier de quelque 7 pour cent d'ici à 2010, principalement en aménageant 9,7 millions d'hectares en plantations forestières entre 1996 et 2010.

En Afrique du Sud, au Chili, en Indonésie et au Myanmar, par exemple, l'un des principaux objectifs de la création de plantations a été de compléter les disponibilités en bois des forêts naturelles. Quelques pays asiatiques (Chine, Japon et République de Corée) et plusieurs pays européens ont établi des plantations essentiellement pour étendre ou repeupler les propriétés forestières. La Nouvelle-Zélande, les Philippines et la Thaïlande ont exclu la totalité ou la majeure partie de leurs forêts naturelles de la production du bois, en vue de les conserver. Nombre des pays mentionnés possèdent de vastes terrains et ont ainsi le potentiel pour l'établissement de nouvelles plantations. Si ces dernières ont une longue histoire dans certains pays, l'exploitation de plantations privées qui représentent un domaine important à l'échelle mondiale est un phénomène relativement nouveau. On en trouve l'illustration dans la répartition à l'échelle mondiale, par classes d'âge, des plantations forestières industrielles en 1995 (figure 1).

FIGURE 1

Structure des classes d'âge des plantations industrielles par région, 1995

Source: Brown (en préparation).

Selon les estimations de la FAO (Brown, en préparation), en 1995, près de 54 pour cent de la superficie mondiale de plantations industrielles étaient constitués d'arbres âgés de moins de 15 ans, dont 21 pour cent plantés entre 1990 et 1995. Les plantations âgées de plus de 50 ans se trouvent presque exclusivement dans les régions tempérées et boréales.

Dans la plupart des pays le taux de progression des plantations varie chaque année et est influencé par une série de facteurs tels que l'état des finances publiques, les conditions économiques générales, les incitations offertes au secteur privé, la rentabilité des industries forestières telle qu'elle est perçue et l'importance des activités promotionnelles. Un phénomène remarquable dans l'évolution récente de la répartition des établissements a été le fait que l'Asie a pris la première place pour ce qui est des nouvelles plantations. Les plantations asiatiques représentaient 40 pour cent des plantations industrielles mondiales en 1995 et 57 pour cent des plantations établies depuis 1985. Le développement des plantations forestières a déjà eu une forte incidence sur la production du bois dans certains pays. Au Chili et en Nouvelle-Zélande, par exemple, la mise en place de vastes plantations a permis aux pays de subvenir à tous leurs besoins internes en bois et également d'alimenter une industrie exportatrice importante. Toutefois, dans la plupart des autres pays où la demande intérieure est élevée, les disponibilités en bois des plantations ne répondent pas à la demande et doivent être suppléées par des importations.

Alors que le secteur privé a joué un rôle de premier plan dans l'établissement des plantations des pays développés, la plupart des plantations des pays en voie de développement ont été mises en place par les pouvoirs publics. Pour différentes raisons, les plantations des gouvernements ont généralement été gérées suivant des régimes à investissement et intensité faibles. Le secteur privé (englobant des propriétaires terriens et des industries, souvent en partenariat) commence cependant à intervenir davantage dans les plantations forestières de certains pays en voie de développement. Cette évolution est influencée par plusieurs facteurs, comme des modifications du régime foncier et la libéralisation des politiques et de la législation. Le Brésil, l'Inde, l'Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande figurent parmi les pays où le secteur privé assume un rôle moteur dans l'établissement des plantations. Les questions financières telles que la rentabilité et l'accessibilité des fonds disponibles pour l'investissement ont une importance déterminante. La viabilité économique et les facteurs de risque sont particulièrement décisifs lorsque le secteur privé détient déjà de grandes superficies de plantations ou lorsque les gouvernements vendent leurs plantations dans le cadre d'une privatisation, comme cela a été le cas dans des pays aussi divers que l'Afrique du Sud, l'Australie, le Brésil, le Chili, l'Indonésie, la Malaisie et la Nouvelle- Zélande.

Pratiques sylvicoles respectant l'environnement

L'accent mis sur la gestion durable des forêts a accru l'attention portée aux pratiques de production ligneuse écologiquement rationnelles, souvent dénommées «exploitation à impact limité» (EIL)5. Des codes d'usages établis récemment pour la sylviculture6 préconisent le recours à des pratiques de production ligneuse ne portant pas atteinte à l'environnement ou à l'exploitation à impact limité, et de nombreux travaux d'essai et d'utilisation de l'exploitation à impact limité ont été menés sur le terrain.

Bien que beaucoup de pays aient commencé à faire de la recherche et de la formation concernant l'EIL et à la mettre en œuvre, celle-ci est encore loin d'être acceptée par tous. Les avantages des méthodes d'exploitation améliorées sur les méthodes traditionnelles pour l'environnement sont clairs; l'exploitation à impact limité peut réduire les atteintes à l'environnement liées aux pratiques d'abattage et de débardage, qui laissent des trouées géantes dans la forêt ou mobilisent une superficie excessive de terres forestières pour l'infrastructure. Elle est susceptible de diminuer sensiblement les dommages infligés aux peuplements (Bach, 1999). Toutefois, les avantages financiers sont peut-être moins évidents. L'exploitation à impact limité demande des investissements supplémentaires pour la planification, la formation et la construction de routes et de pistes de débardage (Ahmad, Brodie et Sessions, 1999). Certaines études7 tendent à démontrer que le coût plus élevé des méthodes d'exploitation à impact limité est plus que compensé par les différents avantages propres à ces méthodes. Un rapport de recherche récent8 suggère que:

D'autres études publiées récemment indiquent que:

En dépit de ces résultats prometteurs, la viabilité économique et financière de l'exploitation à impact limité doit encore être démontrée dans toute une série de conditions. En outre, le coût supérieur de la mise en œuvre de l'exploitation à impact limité risque de dissuader les exploitants d'y recourir tant qu'ils ne pourront en percevoir les avantages financiers, lesquels risquent de n'être acquis qu'à long terme. La démonstration de la viabilité financière, tout comme l'assurance que le propriétaire ou l'exploitant forestier sera en mesure de travailler suffisamment longtemps pour pouvoir profiter de ces avantages, sont des aspects essentiels. Le manque de sécurité à long terme quant au droit d'utiliser les ressources forestières risque de restreindre l'application de l'exploitation à impact limité. Une fois que les conditions ont été fixées et que les exploitants ont opté pour des pratiques de production ligneuse respectant l'environnement, l'exécution requiert alors la mise en place de capacités substantielles et une formation sur le terrain.

Restrictions sur l'exploitation de bois d'œuvre

Dans de nombreuses régions du monde, la forêt continue à reculer rapidement et à se dégrader, en dépit des efforts qui sont faits pour la protéger et la préserver. On accuse souvent la surexploitation commerciale (parfois à tort) d'être responsable du déclin rapide des ressources forestières naturelles, des inondations et des glissements de terrain. Cela a conduit certains pays à prendre des décisions politiques consistant à interdire totalement ou partiellement l'exploitation des forêts naturelles. D'autres pays envisagent d'adopter des mesures d'interdiction et de restriction de la production ligneuse à titre stratégique pour conserver le patrimoine forestier naturel en voie de raréfaction.

Les interdictions ou les restrictions de l'exploitation peuvent avoir des effets très divers. Elles peuvent notamment déplacer la pression exercée par l'exploitation d'une zone à une autre; affecter des personnes qui dépendent des ressources forestières; augmenter ou diminuer l'offre d'emploi (à l'intérieur et à l'extérieur du secteur forestier); modifier le courant d'échanges et les flux financiers régionaux; et bouleverser les marchés existants ou encourager de nouveaux marchés - tant intérieurs qu'internationaux. Plusieurs questions méritent dès lors d'être posées: les interdictions d'exploitation contribuent-elles réellement à conserver les forêts? La déforestation peut-elle être arrêtée ou réduite par la restriction de la production ligneuse, en particulier dans les forêts naturelles? Quels sont les éléments indispensables pour que ces interdictions donnent le résultat attendu? Quelles ont été les expériences des pays qui imposent des interdictions d'exploitation et quel a été l'effet de ces mesures?

L'incidence des interdictions d'exploitation varie beaucoup suivant le type et les modalités précises de restriction, les produits touchés, l'ampleur d'autres restrictions, les politiques suivies par d'autres pays, les conditions du marché, etc. Certains effets peuvent être positifs, d'autres négatifs. Le résultat n'est ni direct, ni prévisible. Une étude conduite récemment sur les interdictions d'exploitation appliquées dans la région Asie-Pacifique par la Commission des forêts pour l'Asie et le Pacifique (APFC) a conclu que toute décision visant à adopter des interdictions d'exploitation doit donc se fonder sur une analyse approfondie de tous leurs effets potentiels et sur un examen des autres moyens pour parvenir au même résultat (voir encadré 5).

ENCADRÉ 5

La conservation des forêts naturelles dans la région Asie-Pacifique:
bien plus qu'une simple interdiction d'exploitation

Plusieurs pays de la région Asie-Pacifique appliquent des interdictions totales ou partielles d'exploiter les forêts naturelles, en vue de protéger ou de conserver les forêts, de réduire les inondations, les glissements de terrain et la dégradation du sol. Désireuse de mieux appréhender les incidences et l'efficacité des restrictions d'exploitation par rapport aux objectifs de conservation, la Commission des forêts pour l'Asie et le Pacifique (APFC) a conduit une étude pour évaluer l'efficacité de l'exclusion des forêts naturelles de la production ligneuse comme moyen visant à la conservation de la forêt1. Cette étude comprenait des études de cas concernant six pays (Chine, Nouvelle-Zélande, Philippines, Sri Lanka, Thaïlande et Viet Nam), ainsi qu'un survol régional et une synthèse des thèmes, des incidences et des expériences.

L'étude montre que les expériences se rapportant aux interdictions d'exploitation selon les régions ont été très variables. La Nouvelle-Zélande et le Sri Lanka, par exemple, ont obtenu des résultats remarquables en ce qui concerne la conservation des forêts naturelles domaniales en offrant d'autres possibilités aux exploitants - des plantations dans le cas de la Nouvelle-Zélande et des arbres non forestiers dans des jardins potagers et des importations dans le cas du Sri Lanka. Dans certains autres pays, la soustraction des forêts naturelles à l'exploitation a eu des retombées négatives sensibles sur le secteur des produits forestiers et sur les économies et les communautés locales. Souvent, les interdictions d'exploitation n'ont pas eu comme résultat la conservation efficace des forêts, étant donné que des exploitations illégales encore plus nocives se perpétuent en l'absence d'une surveillance et d'une réglementation strictes, ou parce que l'exploitation s'est transférée dans des pays voisins ayant une législation environnementale moins contraignante ou moins de moyens de surveillance. Des incitations comportant des effets pervers, l'échec de la mise en œuvre des restrictions à l'exploitation et l'absence d'autres options d'exploitation du bois et du sol ont empêché l'industrie d'exploiter d'autres disponibilités de bois dans certains pays, comme la Thaïlande et les Philippines. La déforestation rapide et l'abattage illégal règnent dans ces deux pays, bien qu'ils aient adopté des interdictions totales ou partielles d'exploitation il y a déjà plus de 10 ans. Entre-temps, ces deux pays sont devenus de gros importateurs nets de bois.

Les études des cas selon les pays ont permis de recenser plusieurs conditions préalables et les cadres politiques susceptibles de favoriser la réussite des interdictions d'exploitation et d'améliorer la conservation des forêts naturelles; ces conditions sont les suivantes:

  • La préexistence d'instruments fonciers et de structures commerciales appropriés, qui encouragent le développement des plantations privées, peuvent atténuer sensiblement les perturbations économiques et sociales déclenchées par les interdictions d'exploitation.

  • La mise en place de «filets de sécurité», moyennant une assistance temporaire et de nouvelles sources d'emplois et de revenus pour les personnes désavantagées par les interdictions d'exploitation, est importante.

  • Un suivi et une évaluation efficaces des plans de mise en œuvre et des actions correctives sont déterminants pour la réussite à long terme.

L'étude suggère également que des interdictions temporaires d'exploitation peuvent offrir une «pause» utile pour améliorer l'analyse et l'organisation des options d'exploitation, ou pour favoriser le rétablissement de la santé de la forêt, lorsque celle-ci a été fortement dégradée. Le Programme de protection des forêts naturelles de la Chine, lancé en 1998, reprend cette approche.

1 FAO. Efficacité de l'exclusion des forêts naturelles de la production du bois comme moyen de conserver les forêts. Bureau régional de la FAO pour l'Asie et le Pacifique. (à paraître)

L'étude de l'APFC a conclu que les interdictions d'exploitation n'offrent pas une solution simple face au défi jeté par la protection des forêts naturelles. Les interdictions et les restrictions de l'exploitation représentent plutôt une option qui ne doit être sélectionnée qu'après l'étude approfondie de leurs implications potentielles et des contraintes associées à leur mise en œuvre. L'étude a révélé que les interdictions d'exploitation ont tendance à être sous-tendues par des motifs politiques et adoptées sous la pression, souvent à la suite de catastrophes naturelles dévastatrices imputées en grande partie (avec ou sans preuves formelles) à une utilisation inappropriée des forêts et à leur dégradation. Les décisions d'imposer des interdictions d'exploitation sont généralement prises au plus haut échelon du pouvoir et en laissant souvent très peu de temps aux institutions compétentes pour préparer leur mise en œuvre.

Cette étude a aussi fait ressortir que les interdictions d'exploitation en tant que telles s'attaquent rarement aux facteurs et aux causes sous-jacents de la déforestation et de la dégradation des forêts. Elles agissent plutôt sur les symptômes directement observables. Les stratégies de conservation, y compris les interdictions d'exploitation, ne porteront leurs fruits que si elles reposent sur une compréhension claire des causes premières de la dégradation des forêts. Elles doivent aussi s'accompagner d'objectifs précis réalisables et tenir compte des conditions locales et des enjeux de la gestion durable des forêts. La réussite de la mise en œuvre des interdictions d'exploitation et d'autres mesures de conservation passe impérativement par des politiques appropriées et un appui permanent. L'étude souligne l'importance revêtue par des objectifs clairs, des ressources suffisantes, une volonté politique ferme, et la reconnaissance des coûts à assumer à court et à moyen termes.

Dans certains cas, les interdictions d'exploitation peuvent constituer le moyen le plus efficace de résoudre un problème particulier - notamment parce qu'elles ont un impact immédiat. Il peut, cependant, y avoir des outils plus performants ou moins onéreux, comme la gestion durable des forêts qui garantit un équilibre entre les différentes utilisations des forêts, l'introduction de l'exploitation à impact limité, et la rationalisation de la répartition et du respect des droits d'utilisation de la forêt. Différentes expériences et analyses amènent à conclure que la décision de recourir aux interdictions d'exploitation devrait être prise dans un contexte politique très large, car leurs répercussions risquent d'être multiples et complexes. Il faut aussi reconnaître que les restrictions imposées dans un pays sont susceptibles de reporter le problème dans d'autres pays ou d'aggraver les problèmes de ces derniers.

L'interdiction d'exploitation introduite par la Thaïlande en 1989, par exemple, a eu une incidence sensible tant sur la Thaïlande que sur d'autres pays voisins. En passant du rôle d'exportateur de bois au rôle d'importateur, la Thaïlande a généré une forte pression d'exploitation sur ses voisins, comme le Cambodge, le Myanmar et la République démocratique populaire lao.

Les restrictions ou les interdictions visant la production ligneuse dans le centre, le nord-est et le sud-ouest de la Chine, imposées à la fin de 1998 pour des raisons écologiques (graves inondations), ont eu des répercussions sociales, économiques et commerciales. La Chine importe et exporte de grandes quantités de bois mais, globalement, ses importations l'emportent largement sur ses exportations et continuent de progresser9. Les restrictions d'exploitation ont diminué l'offre, alors que la demande de produits ligneux s'accroît en Chine. Certains pays de la région ou d'ailleurs ont vu dans cette décision une occasion d'augmenter substantiellement leurs ventes. Des pays voisins, comme le Cambodge, la Fédération de Russie, la Mongolie, le Myanmar et le Viet Nam, sont amenés à exploiter davantage de bois en vue de l'exporter vers la Chine. Toutefois, tous ne considèrent pas cette situation comme une aubaine, car ils commencent à se préoccuper des retombées possibles sur leurs disponibilités et leurs industries de transformation locales. Par exemple, la Mongolie, qui a déjà adopté des interdictions d'exporter des billes en 1995, a réagi à l'accroissement de la demande de la Chine en limitant ses exportations de sciages, afin de protéger sa propre industrie et ses consommateurs.

Faune forestière sauvage: la crise du gibier

La chasse non viable, en particulier la chasse commerciale, est la cause principale du phénomène désigné par l'expression «syndrome de la forêt vide», qui traduit l'élimination de la plupart des animaux par la chasse (Bennett et Robinson, 2000). La viande des animaux sauvages, autrement dit le gibier, a longtemps servi de nourriture de base aux habitants des zones rurales dans de nombreuses parties du monde mais, avec le développement de l'urbanisation, la demande de gibier est de plus en plus couverte par des chasseurs professionnels et par des négociants. La viabilité du commerce du gibier suscite des perplexités en Amérique centrale et en Amérique du Sud, aux Caraïbes, en Asie et ailleurs, mais c'est en Afrique équatoriale qu'il est bien question de crise du gibier. L'une des raisons en est que les forêts d'Afrique tropicale abondent en espèces de primates qui sont particulièrement vulnérables à la surexploitation parce qu'elles ont un long cycle de reproduction et qu'elles sont souvent représentées par de petites populations. Une quinzaine d'espèces de primates seraient menacées par le commerce du gibier. Selon les estimations, le nombre de chimpanzés en Afrique aurait décliné de 85 pour cent au cours du XXe siècle.

D'autres espèces sont mises en péril par le commerce du gibier: l'éléphant de forêt (Loxodonta africana cyclotis), le chevrotain aquatique (Hyemoschus aquaticus), six espèces de céphalophes, le léopard (Panthera pardus) et le chat doré (Profelis aurata).

Les préoccupations relatives aux conséquences de la crise du gibier dans les forêts d'Afrique tropicale ont donné naissance à des groupes d'ONG, comme Ape Alliance et la Bushmeat Crisis Task Force qui cherchent de faire face à ce problème. La crise du gibier a également figuré au programme de la onzième Conférence des Parties à la Convention sur le commerce international des espèces sauvages de flore et de faune menacées d'extinction (CITES), la viande d'espèces inscrites à l'Annexe 1 de la CITES faisant l'objet d'un vaste commerce international illégal entre des pays d'Afrique centrale (pour des informations sur la CITES, voir la Troisième partie). Les Parties à la Convention ont approuvé à l'unanimité la proposition d'établir un Groupe de travail intersessions chargé de trouver des solutions à la crise du gibier en Afrique centrale.

BIENS ET SERVICES OFFERTS PAR LA FORÊT

La liste des biens et des services offerts par la forêt est longue et variée. Ils englobent, notamment, des produits ligneux et non ligneux (PFNL), la conservation du sol et de l'eau, des possibilités d'emploi, l'atténuation des changements climatiques, la préservation de la biodiversité, le tourisme, des activités récréatives et des valeurs culturelles et spirituelles. La nature de ces biens et services varie selon le type de forêt, et la valeur de ces derniers est appréciée diversement selon les acteurs.

Deux des services environnementaux fournis par les forêts - l'atténuation des changements climatiques par la fixation du carbone et le maintien de la biodiversité - sont examinés en détail dans les chapitres correspondants de la Deuxième partie. Aussi la section suivante se concentre-t-elle sur les biens forestiers, en particulier le bois industriel, et aborde rapidement la dendroénergie et les PFNL.

Production et consommation des produits forestiers10

Au cours des deux ou trois dernières années, les marchés de produits forestiers ont été marqués par des variations, une volatilité et une incertitude considérables. De nombreux changements sont dus à des paramètres normaux du marché, comme la fluctuation de l'offre et de la demande consécutive à l'évolution des conditions économiques. D'autres changements, influencés par la mondialisation et les pressions sociales et environnementales, semblent plus permanents.

Des estimations de la FAO (2000b) montrent que la production mondiale totale de bois rond 11 a atteint 3 335 millions de m3 en 1999. À peine plus de la moitié de ce bois était du bois de feu, dont 90 pour cent a été produit et consommé dans les pays en développement. Par ailleurs, la production de bois rond industriel, qui s'est élevée à 1 550 millions de m3 in 1999, a été dominée par les pays développés qui, ensemble, ont représenté une part de 79 pour cent dans la production mondiale. La production de bois rond industriel a varié d'une année à l'autre dans les années 90 mais, globalement, elle a plutôt piétiné. Cette tendance contraste avec la croissance rapide du secteur avant 1990. En 1999, la production tropicale a représenté une proportion relativement faible de la production mondiale globale des différents produits: environ 15 pour cent du bois rond industriel, 14 pour cent des sciages, 15 pour cent des panneaux dérivés du bois, et 9 pour cent du papier et du carton.

La production mondiale des différents produits s'est ressaisie en 1999 et en 2000, après la baisse de production qui a touché tous les produits, à l'exception du papier et du carton, en 1997 et 1998. La production de sciages a atteint un niveau élevé, toutefois inférieur à ses plus hauts précédents; les panneaux dérivés du bois et la pâte sont revenus à leurs plus hauts niveaux ou presque; tandis que le papier et le carton ont enregistré un nouveau de production jamais atteint après une croissance continue. L'Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT) a indiqué qu'à la fin de l'année 2000, la production de billes, de sciages, de bois de placage et de contreplaqué tropicaux de ses pays membres se situait encore en dessous de ses niveaux précédents, et même, en certains cas, de façon marquée.

Deux aspects importants de la période étudiée sont la disparité notable entre les conditions du marché régnant dans les différents pays et la reprise après la crise économique asiatique de 1997-1998. Certains marchés (par exemple en Amérique du Nord et en Europe) sont restés forts durant toute la période, tandis que d'autres (en Chine, Japon, République de Corée et Thaïlande) ont été durement touchés par la crise asiatique et ses contrecoups.

La consommation de sciages, de panneaux dérivés du bois, de papier et de carton a été soutenue en Amérique du Nord durant cette période où elle a progressé d'environ 6 pour cent en 1999 par rapport à 1998. En Europe, la consommation a gagné 3 pour cent entre 1998 et 1999.

La situation était moins positive dans nombre d'autres pays. La crise économique asiatique a atteint de plein fouet certains pays asiatiques. Les répercussions de cette crise ont aussi été ressenties à l'extérieur de la région, mais dans des proportions moindres 12. Toutefois, il est intéressant de constater que de tels effets, bien qu' ayant bouleversé beaucoup de pays, ont été moins graves que prévu et que les pays les plus touchés en 1997 et 1998 se sont relevés en 1999 et 2000. La confiance commerciale a été rétablie et la demande a repris, entraînant à la hausse le prix de la plupart des produits forestiers. La situation s'est améliorée en Chine, au Japon, en Malaisie et en République de Corée, entre autres. Bien que les conditions du marché japonais (le plus gros importateur asiatique) aient été plus favorables en 1999 et en 2000, elles sont restées médiocres par rapport aux valeurs du milieu des années 90, les importations n'atteignant que les trois quarts de leur niveau d'avant 1997. La situation de la Chine était plus mitigée; sa consommation de sciages et de panneaux dérivés du bois a diminué en 1998, mais a remonté en 1999 et en 2000, tandis que sa consommation de papier et de carton a progressé constamment pendant toute cette période. L'Amérique latine, touchée elle aussi, s'est rétablie rapidement. Les exportations de billes en provenance d'Afrique, qui avaient augmenté substantiellement vers l'Asie, ont décliné puis rebondi, sans toutefois atteindre le maximum enregistré en 1997. Les pays qui exportaient vers l'Asie, comme l'Australie, le Canada, le Chili, Les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, touchés à des degrés divers, se sont adaptés plus vite que prévu. La principale exception à la reprise a été l'Indonésie, qui a connu des difficultés incessantes.

À l'inverse de l'Europe occidentale, la demande dans de nombreux pays d'Europe orientale était faible en raison de leur mauvaise situation économique. La Fédération de Russie, qui a été très touchée par des problèmes économiques internes vers la mi-1998, en offre un exemple remarquable. Ces problèmes ont aggravé les difficultés auxquelles le pays se confrontait dejà. Avec la diminution de la demande intérieure, la production et la consommation de tous les produits forestiers sont restées en dessous des niveaux de 1995. Bien que les conditions restent difficiles dans l'ensemble, l'exportation de certains produits forestiers, tels que billes et grumes, a augmenté récemment, notamment en direction du Japon et de la Chine.

Il est utile de remarquer que l'accroissement de la consommation en Chine a un impact prononcé sur les tendances mondiales de la consommation et de la production. La Chine est actuellement le deuxième consommateur de produits forestiers en valeur. En volume, elle occupe le deuxième rang pour les panneaux dérivés du bois, le papier et le carton, et le troisième rang pour les sciages.

Comme indiqué précédemment, les violentes tempêtes qui ont balayé l'Europe en décembre 1999 ont abattu l'équivalent de six mois d'exploitation dans la région. L'effet immédiat a été une chute brutale des prix du bois rond industriel dans de nombreux pays européens; par exemple, le prix de nombreuses qualités de grumes de sciage a reculé de 20 à 100 pour cent. Les prix de la plupart des autres produits ligneux ont subi des modifications relativement limitées: ceux des sciages, des panneaux et de la pâte n'ont guère changé; ceux des produits ligneux transformés secondaires, comme les meubles, l'ébénisterie, la menuiserie sont restés intacts. Diverses interventions ont été pratiquées sur le marché pour tenter de redresser la situation; il s'agissait de mesures tendant à diminuer l'offre (en laissant le bois dans la forêt ou en diminuant l'abattage dans les forêts intactes), à étaler l'offre sur une plus longue période (en stockant le bois rond récolté), et à élever la demande en trouvant de nouveaux marchés (dendroénergie), ou en élargissant les débouchés existants (par exemple les exportations de matières premières). L'incidence à long terme sur les marchés dépendra de la quantité de chablis réellement récoltée, de la réussite des programmes de stockage et, surtout, de la demande du marché dans la région. D'après les premières estimations, seuls 50 à 75 pour cent des chablis seraient mis sur le marché.

Dans de nombreuses régions, divers matériaux et produits ont été remplacés par d'autres. Les marchés de panneaux reconstitués - panneaux de particules, panneaux de fibres de densité moyenne, et panneaux de particules orientées - se sont développés rapidement et ont supplanté certains marchés de contreplaqués et de sciages. Certaines substitutions concernent les bois tropicaux. Le Japon, par exemple, utilise davantage de résineux tempérés, y compris des billes de conifères importées de la Fédération de Russie, dans le secteur du contreplaqué, traditionnellement occupé par des feuillus tropicaux. De la même manière, la croissance des marchés de panneaux reconstitués s'est souvent faite aux dépens du contreplaqué et des sciages tropicaux. Il y a cependant certaines compensations; les exportations de produits transformés secondaires provenant des feuillus tropicaux - les importations de meubles en provenance de la Malaisie en sont un exemple - progressent.

Les prix de nombreux produits ligneux, en particulier tropicaux, ont fléchi considérablement en 1998. Ils se sont depuis partiellement redressés, mais la plupart restent en dessous des niveaux du milieu des années 90. Les prix du papier et du carton ont chuté fortement en 1998 et en 1999, mais ont nettement augmenté en 2000. Les prix des rondins, des sciages et du contreplaqué tropicaux ont considérablement régressé en 1998 et en 1999. Si le déclin prononcé du prix des rondins, des sciages et du contreplaqué tropicaux en 1997-1998 a été enrayé, vers le milieu de l'année 2000 les prix du contreplaqué tropical n'atteignaient encore que 65 à 80 pour cent de leur valeur de janvier 1997 et les prix des sciages étaient semblables à ceux de 1997. En revanche, les prix des rondins avaient gagné 15 à 20 pour cent par rapport à ceux de 1997 (OIBT, 2000c).

Le commerce des produits forestiers

Situation et tendances. À l'échelle mondiale, les échanges commerciaux portant sur la plupart des produits ont suivi une tendance commune: réduction des volumes exportés en 1997 et 1998, suivie d'une reprise en 1999 et 2000. Pour certains produits, les exportations ont pratiquement retrouvé le niveau élevé qu'elles atteignaient vers la moitié des années 90. Le commerce des papiers et cartons constitue une exception, puisqu'il a connu une expansion continue tout au long de cette période.

La part de la production totale soumise à l'exportation a augmenté pour tous les produits de transformation du bois. En 1999, les exportations ont intéressé près de 27 pour cent de la production de sciages (contre 18 pour cent en 1990), 34 pour cent des panneaux dérivés du bois et des papiers et cartons (contre environ 25 pour cent), 20 pour cent de la pâte de bois (contre 16 pour cent), mais seulement 5 pour cent de la production de bois rond industriel (proportion inchangée par rapport à 1990). De nombreux facteurs ont influencé cette tendance, parmi lesquels les difficultés rencontrées par certains pays à faire face à leur demande intérieure, mais aussi les fluctuations du taux de change, l'augmentation de la production dans certains pays au marché intérieur à faible densité, l'intensification de la mondialisation et, enfin, les restrictions apportées aux approvisionnements afin de protéger le milieu naturel.

Les effets de la crise asiatique ont été particulièrement perceptibles au niveau du commerce des bois tropicaux. Les exportations de grumes, de sciages et de panneaux dérivés du bois ont diminué en 1997 et 1998, pour connaître ensuite une reprise, mais sans atteindre les niveaux antérieurs pour toutes les catégories de produits. (Ainsi, en 1999, les exportations ont été inférieures de 60 pour cent par rapport à leur niveau du début des années 90). Les données partielles recueillies pour l'année 2000 indiquent une poursuite de la reprise. À noter en outre que les échanges de sciages de bois tropical ont été moins affectés par la récession que le commerce des grumes de bois tropical.

Les produits dérivés des bois tropicaux continuent à représenter une part variable, quoique généralement minime, du volume global des exportations de différents produits, à savoir 20 pour cent du bois rond industriel, 10 pour cent des sciages, moins de 10 pour cent de la pâte et des papiers et cartons, et 39 pour cent des panneaux dérivés du bois. À signaler, l'exception constituée par le contreplaqué: 71 pour cent des exportations de contreplaqué sont à base de bois tropical.

Dans la période analysée, on a vu se confirmer l'importance relative, à l'exportation, des différents produits forestiers. Ainsi, les produits transformés ont représenté une proportion plus importante qu'auparavant des exportations globales des produits du bois. La part occupée tant par les panneaux à base de bois que par les papiers et cartons a augmenté: les papiers et cartons représentent aujourd'hui environ 52 pour cent de la valeur des exportations mondiales de produits forestiers, et les panneaux dérivés du bois environ 11 pour cent. Le bois de sciage est resté relativement stable, environ 18 pour cent, tandis que la part du bois d'industrie en valeur des exportations mondiales n'a cessé de décliner, pour atteindre son niveau actuel d'environ 5 pour cent. On a également observé un recul de la part occupée par la pâte de bois dans le total des exportations, à mesure que les importateurs se tournaient vers les produits du papier et du carton.

Une tendance importante s'est par ailleurs manifestée dans de nombreux pays, à savoir l'augmentation de la production et de l'exportation des produits dérivés du bois à transformation plus poussée (également appelés produits du bois ayant subi un conditionnement supplémentaire ou produits à valeur ajoutée). Cette catégorie, extrêmement large, comprend notamment les meubles en bois, les pièces de boiserie et de charpente (portes, cadres de fenêtres, matériaux à parquet, baguettes et moulages, etc.), mais aussi toute une variété de petits produits (outils, balais, récipients, caisses, statuettes, etc.). Ces produits jouent un rôle particulièrement important pour les pays tropicaux, étant donné que l'exportation de produits du bois à transformation plus poussée a été moins touchée que celle des matières premières non transformées.

Il convient également de souligner l'importance croissante du marché chinois. Du fait de l'expansion de sa consommation, de l'insuffisance de ses ressources forestières et des restrictions touchant les fournitures de bois, le pays a connu une augmentation rapide - qui devrait se poursuivre - de ses importations. La Chine est aujourd'hui le troisième importateur mondial de produits forestiers primaires, après les États-Unis et le Japon, et ses importations de produits forestiers ont atteint près de 8 milliards de dollars EU en 1999. Au cours des dernières années, on a assisté à une expansion spectaculaire du volume des importations, notamment en ce qui concerne les importations de bois rond, mais sans pour autant dépasser le niveau atteint à la fin des années 80. Les importations de sciages ont, elles aussi, vigoureusement progressé, de même que la pâte de bois, les déchets de papier, et les papiers et cartons. En revanche, les importations de contreplaqués ont reculé de façon marquée, à mesure que la Chine renforçait sa propre capacité de production. Dans ce domaine, les importations sont retombées au niveau enregistré à la fin des années 80.

Les courants commerciaux ont également connu une évolution, caractérisée principalement par une augmentation des échanges entre les pays en développement, notamment ceux de la région asiatique. À noter en outre que cette augmentation s'est accompagnée d'une diversification et que l'on a assisté, dans d'autres régions, à une augmentation du commerce intrarégional, en Amérique du Nord par exemple. Cette évolution des tendances a été favorisée par l'assouplissement des restrictions aux échanges qui accompagnent la tendance mondiale à la libéralisation du commerce (voir encadré 6). Certains changements intéressent plus probablement le court terme, tandis que d'autres sont peut-être destinés à durer davantage, tels que l'apparition de fabricants à faible coût, la multiplication des fournisseurs présentant des produits de qualité meilleure ou plus homogène, voire une meilleure connaissance des circuits de commercialisation, ainsi que la moindre disponibilité de bois rond pour certains fournisseurs.

ENCADRÉ 6

La libéralisation des échanges

Pendant la période étudiée, les mesures visant à réduire les barrières tarifaires et non tarifaires ont fait l'objet d'une attention considérable, qui a connu son apogée lors des consultations tenues par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à Seattle, État de Washington (États-Unis), en novembre 1999. Un certain nombre de pays y ont préconisé la tenue d'un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales à partir de 2000, tandis que d'autres s'efforçaient de contrer cette proposition ou d'exclure certains arguments proposés à l'ordre du jour. La préparation de ces pourparlers a contribué, entre autres, à mieux cerner l'incidence que pourrait avoir la poursuite de la libéralisation des échanges sur les produits forestiers. À cette occasion, les ONG de l'environnement ont exprimé de nombreuses inquiétudes quant aux conséquences, pour l'environnement, de toute poursuite de la libéralisation, et les médias ont réservé une large place à l'expression de ces inquiétudes. Selon ces ONG, la poursuite de la libéralisation aurait pour effet d'accroître la consommation des produits forestiers et, donc, d'intensifier les pressions exercées sur les forêts. Ces mêmes ONG considèrent que les instruments de protection de l'environnement, tels que la certification et le label écologique, s'en trouveraient affaiblis.

Il faut ajouter qu'un certain nombre de pays en voie de développement, qui considéraient n'avoir pas beaucoup bénéficié des réductions antérieures, étaient eux aussi inquiets au sujet de certaines nouvelles questions devant être examineés. Les parties en présence n'étant pas parvenues à un accord - résultat influencé en partie seulement par les manifestations organisées contre l'OMC et la libéralisation du commerce par des groupes représentant la société civile - on n'a pas programmé de nouvelles négociations multilatérales1 dans de nombreux domaines, y compris ceux intéressant les forêts. L'OMC, ainsi que d'autres organisations régionales, continuent de s'efforcer de trouver des modalités permettant de poursuivre les négociations sur le commerce, bien que l'élan ait été en grande partie émoussé par l'absence d'accord à Seattle.

En dépit de l'absence d'accord sur un nouveau cycle de négociations commerciales, les réductions tarifaires adoptées lors du Cycle d'Uruguay en 1994 ont continué de s'appliquer, tant dans les pays développés que dans les pays en développement. Selon les termes de ce processus, qui prévoit que les engagements pris en matière de réduction des tarifs soient honorés d'ici à 2004, les barèmes tarifaires applicables à de nombreux produits forestiers ont été réduits. Cependant, étant donné que les barèmes appliqués dans la plupart des pays développés importateurs étaient, en règle générale, assez faibles avant le Cycle d'Uruguay, les changements observés sur les marchés concernés n'ont généralement pas été substantiels. On a également enregistré des réductions concernant les barrières non tarifaires, mais leurs effets ont été plus difficiles à identifier. Certains pays en voie de développement ont réduit de façon sensible leurs tarifs douaniers; cependant, de nombreux barèmes restent encore nettement supérieurs à ceux des produits analogues dans les pays développés. De plus, on observe dans nombre de ces pays des signes patents d'augmentation des tarifs douaniers - et notamment de ceux applicables aux produits du bois à transformation plus poussée relativement à ceux applicables aux grumes et aux sciages. Les réductions tarifaires évoquées plus haut se sont accompagnées d'une libéralisation générale des mesures de régie et des droits encadrant les importations dans ces pays en développement. On notera, en particulier, le fait que les pays qui souhaitent être admis à l'OMC, comme la Chine, ont procédé à ces réductions de manière à satisfaire aux critères d'admission. Ces adaptations sont destinées à se poursuivre, dans le cadre d'une tendance globale à une libéralisation accrue.

1 De nouvelles négociations avaient déjà été programmées, et elles progressent, en ce qui concerne l'Accord sur l'agriculture, lequel n'englobe pas les produits forestiers.

Parallèlement à l'extension de la libéralisation des échanges au niveau mondial, on observe un recours plus intensif aux mesures de restriction des exportations (entre autres, sous forme d'interdictions, de perceptions de droits et d'impositions de contingents 13, de la part de certains pays, qui affrontent de cette manière les problèmes se posant à l'échelon national au plan de l'environnement ou des circuits de commercialisation. C'est ainsi que l'on observe des mesures d'interdiction, ou des taxes à l'exportation extrêmement élevées dans un éventail de pays aussi différents que le Canada, les États-Unis, le Ghana, l'Indonésie, la Mongolie, les Philippines et le Soudan. Dans certains cas, l'interdiction est totale. Dans d'autres, elle est limitée à certaines espèces ou à certaines régions d'un pays, ou encore à certains produits, tels que grumes, sciages, contreplaqué ou charbon de bois. L'objectif de ces mesures peut varier: certaines visent à favoriser une transformation plus poussée (par exemple en Malaisie 14) ou à protéger l'industrie nationale, comme en Mongolie. Dans d'autres cas, l'objectif peut être la protection des essences menacées, par exemple celles dont la liste figure dans les annexes à la CITES.

Le recours croissant aux restrictions frappant les importations (de même que les interdictions de prélèvements/coupes) et la conviction que ce genre de mesure peut résoudre, en tout ou en partie, les problèmes d'environnement et de commercialisation au niveau national, reflètent peut-être le désenchantement de plus en plus marqué de nombreux pays à l'égard de mesures moins directes. Compte tenu de la faveur dont bénéficient de plus en plus de tels instruments politiques, il convient d'analyser et d'évaluer de façon plus approfondie tant leur efficacité que leurs effets sur le plan économique, écologique et social.

Le commerce et l'environnement - incidence et évolution. Les questions liées à la problématique du commerce et de l'environnement conservent une importance de premier plan et reçoivent une très large attention. Les préoccupations suscitées par les problèmes écologiques sont aujourd'hui prises davantage au sérieux et l'on reconnaît beaucoup plus volontiers que par le passé les carences, nocives pour le milieu naturel, des pratiques de gestion, de transformation, de distribution et d'utilisation des produits forestiers. Cette prise de conscience a entraîné une intensification des efforts pour résoudre les problèmes, même s'il n'y a pas eu unanimité d'analyse quant à la nature de ces problèmes, leur acuité et les solutions applicables. En effet, les divergences subsistent en ce qui concerne l'interaction souhaitable entre les questions de commerce et d'environnement, mais aussi sur la manière dont les corrélations entre elles devront être encouragées et sur la question de savoir si la préséance doit être accordée, en cas de différend, aux organismes chargés de protéger l'environnement ou à ceux favorisant le commerce.

La complexité de la recherche d'un accord sur nombre des questions touchant au commerce a été mise en relief par les difficultés rencontrées par le Comité de l'OMC sur le commerce et l'environnement lorsqu'il s'est penché sur des questions telles que le label écologique et la certification, et par les difficultés qu'ont eues les gouvernements à s'entendre sur les questions touchant au commerce et à l'environnement dans le cadre du Forum intergouvernemental sur les forêts (IFF) (voir Troisième partie, pour des informations sur l'IFF). Dans ce dernier cas, bien que l'on soit en fin de compte parvenu à un accord, les divergences de vues étaient évidentes lors des débats sur l'accès au marché, le commerce et la gestion durable des forêts, de même que sur la relation entre les obligations découlant des accords internationaux et les mesures nationales d'encadrement du commerce, ou encore le commerce illicite.

La certification des produits forestiers - développements récents. La certification figure depuis longtemps au nombre des questions controversées entourant le commerce et l'environnement: les pays producteurs, ainsi que les associations d'opérateurs commerciaux, ont souligné les éléments qui contribuent à restreindre les échanges, tandis que les pays consommateurs dans lesquels résident des groupes de pression écologistes puissants mettaient en relief les avantages potentiels pour le milieu naturel.

Au cours des deux dernières années, le thème de la certification a encore gagné en actualité et son importance a fait l'objet d'une reconnaissance élargie. Cependant, on est loin d'avoir établi dans quelle mesure et de quelle manière la certification peut contribuer à encourager une gestion durable des forêts. En effet, l'acceptation croissante dont bénéficie la certification est peut-être davantage liée à des questions de commercialisation et d'accès au marché, qu'à une démonstration de ses avantages substantiels pour la gestion des forêts les plus menacées. Ce sont les pays importateurs, et surtout les pays d'Europe occidentale, notamment l'Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, ainsi que, dans une moindre mesure, les Etats-Unis, et par ailleurs les pays exportateurs dont les principaux marchés sont précisément l'Europe occidentale et les États-Unis, qui ont manifesté l'intérêt le plus marqué à l'égard de la certification.

Malgré l'attention dont ils bénéficient, le nombre des programmes de certification actuellement en vigueur reste limité, et le volume de bois d'œuvre sur lesquels ils portent, bien qu'en augmentation, reste mineur. On a encore du mal à recueillir des statistiques précises sur la superficie des forêts assujetties à certification et sur le volume de bois certifié admis sur les marchés; à cela s'ajoutent les fréquentes difficultés d'interprétation de ces chiffres. Il semble toutefois que la superficie des forêts certifiées soit en progression (voir encadré 7). Selon l'acception donnée à l'expression «zone certifiée», on peut parler, à l'échelle mondiale, d'une superficie globale de forêts certifiées d'environ 90 millions d'hectares15, soit à peine 2 pour cent environ de la surface des forêts mondiales. Il faut souligner que la plupart des forêts certifiées sont situées dans un nombre limité de pays tempérés, et non dans les pays des régions tropicales où les pratiques d'exploitation non durables du bois d'œuvre constituent l'un des facteurs de la détérioration des forêts.

ENCADRÉ 7

Processus de certification

Certaines évolutions récentes dans le domaine des processus de certification1 figurent ci-dessous:

  • La superficie certifiée par les certificateurs accrédités du Forest Stewardship Council (FSC) atteint 22,0 millions d'hectares2, chiffre en progression par rapport à celui de 10,3 millions d'hectares de 1998, indiqué dans la Situation des forêts du monde 1999. La majeure partie de cette superficie se trouve en Europe et aux États-Unis. La Suède et la Pologne représentent, à elles deux, 61 pour cent du total de cette surface, et les États-Unis 11 pour cent.

  • L'augmentation enregistrée à l'extérieur du processus relevant du FSC a été encore plus rapide: 21,9 millions d'hectares de forêts, soit 95 pour cent de la superficie forestière de la Finlande, ont été certifiés dans le cadre du Finnish Forest Certification System; 6,9 millions d'hectares supplémentaires ont été certifiés en Norvège et en Suède, sous l'égide des programmes nationaux de certification; et environ 44,0 millions d'hectares de terres forestières ont été certifiées au Canada selon la norme ISO 140013 . Cette norme indique que les entreprises concernées se conforment à la norme ISO 14001 «Système de gestion de l'environnement». Sans pour autant conférer une certification de la gestion forestière, elle peut être considérée comme une étape sur la voie de son obtention (Bass et Simula, 1999). Bon nombre des entreprises canadiennes concernées essaient actuellement de se conformer aux normes supplémentaires qu'exige la certification par l'Association canadienne de normalisation (CSA). Il s'agit d'un régime basé sur les normes ISO auxquelles s'ajoutent, entre autres, des exigences de résultats en ce qui concerne la gestion des forêts. Selon les informations recueillies, près de 5 millions d'hectares ont déjà été certifiés en vertu de la norme de la CSA.

  • Un nouveau processus de certification européen, le Pan-European Forest Certification Framework (PEFC) a été créé afin de fournir un cadre à la certification volontaire des forêts ainsi qu'un mécanisme de reconnaissance mutuelle entre les différents systèmes nationaux européens. Des organes directeurs du PEFC ont été établis, à l'échelon national, dans 15 pays européens.

  • L'Indonesian Ecolabelling Institute (LEI) a élaboré des critères et des indicateurs pour la vérification de la gestion forestière sur les concessions d'abattage, de même que le label écologique des produits provenant de ces concessions. Le système du LEI est basé sur les lignes directrices de l'Organisation internationale de bois tropicaux (OIBT) en matière de gestion durable des forêts. Un protocole d'accord a été signé avec le FSC, qui pourrait conduire à une certification conjointe par les deux processus.

  • La Malaisie a créé le National Timber Certification Council (NTCC) qui édicte, à l'échelon national, un ensemble de critères et d'indicateurs également basés sur les lignes directrices de l'OIBT. Le NTCC a entrepris des consultations et des mises à l'essai avec d'autres organisations afin d'élargir le périmètre d'acceptation de son système.

  • La superficie couverte par l'American Forest and Paper Association's Sustainable Forestry Initiative, régime en vertu duquel les sociétés membres s'engagent à progresser vers l'exploitation durable des forêts, continue de s'agrandir. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un processus de certification, les principes et lignes directrices auxquels s'engagent les entreprises participantes sont aujourd'hui utilisés comme plate-forme de certification par des organismes indépendants. Près de 12 millions d'hectares de forêts ont été contrôlés par des vérificateurs tierce partie et l'on signale que 20 millions d'hectares sont actuellement en cours d'évaluation.

    1 Point de la situation effectué début 2001.

    2 Point de la situation au 30 mars 2001 - information figurant sur le site Internet du FSC.

    3 Site Interne de la Coalition canadienne pour la certification de la foresterie durable: www.sfms.com (avril 2001).

Bien que l'on ne puisse pas établir de corrélation directe entre la superficie des forêts certifiées et la quantité de bois d'œuvre qui en est extraite, il est clair que le volume de bois en provenance de forêts certifiées diffusé sur les marchés est en augmentation - plus lente, toutefois, que celui de la surface certifiée. Il faut cependant préciser que ce volume reste minime au plan régional comme au plan mondial, et que la majeure partie des échanges se concentre sur quelques marchés et segments de marchés.

On a observé, sur certains segments importants de marchés, une évolution significative en ce qui a trait à la certification. En effet, on voit augmenter le nombre de grandes chaînes européennes et américaines de matériel de bricolage grand public, ainsi que de certains grands constructeurs américains, annonçant qu'ils accorderont la préférence, à l'avenir, aux produits de bois certifiés. Quant aux groupes d'acheteurs, à savoir les groupes de détaillants qui se sont engagés à n'échanger que des produits provenant de sources certifiées, principalement le FSC, ils sont en expansion, et l'on doit noter à ce propos les engagements pris récemment par quelques grands détaillants du Brésil. Certains de ces groupes ont récemment cessé de préciser que la certification doit nécessairement émaner du FSC. Cette évolution traduit le fait qu'en se limitant au bois certifié par le FSC, ils n'obtiennent pas les volumes nécessaires à la satisfaction de leurs besoins en vente; elle indique aussi qu'il existe de nombreux processus de certification différents et offrant une alternative acceptable (voir encadré 8).

ENCADRÉ 8

La reconnaissance mutuelle des processus de certification

Plusieurs facteurs témoignent du mouvement vers la reconnaissance mutuelle de différents régimes de certification:

  • La décision prise par B&Q, l'un des premiers fournisseurs de matériel de rénovation au Royaume-Uni et membre du FSC, ainsi que du Groupe WWF1995 du Royaume-Uni, d'accepter du bois d'œuvre finlandais certifié par le Finnish Forest Certification System, organisme national finlandais. Ce régime est un processus de certification élaboré en Finlande, en concurrence avec le régime du FSC.

  • L'accord conclu par un large éventail de groupes d'intérêts du Royaume-Uni, y compris la UK Forestry Commission, des associations de planteurs de bois d'œuvre, des négociants en bois, des détaillants et un certain nombre d'ONG, concernant la reconnaissance du United Kingdom Woodland Assurance Scheme (UKWAS), norme de certification des forêts britanniques.

  • Le Pan-European Forest Certification Framework (PEFC) s'emploie activement à encourager la reconnaissance mutuelle entre les différents régimes nationaux d'Europe, et comporte également des dispositions pour la reconnaissance de régimes de certification non européens.

  • La Table ronde internationale sur l'industrie forestière, réseau informel d'associations du secteur forestier regroupant 16 pays, s'attache à mettre sur pied un réseau international permettant la reconnaissance mutuelle entre différents régimes de certification et de normes de résultats; par ailleurs, la Confederation of European Paper Industry (CEPI) appuie les efforts de reconnaissance mutuelle par une initiative consistant à mettre au point une matrice comparative des différents régimes de certification en tant qu'instrument éducatif destiné à ses membres ainsi qu'aux acheteurs de pâte et de papier.

  • L'American Forest and Paper Association's Sustainable Forestry Initiative et l'American Forest Foundation's Tree Farm System, ce dernier étant le régime de certification le plus ancien des États-Unis regroupant 66 000 propriétaires forestiers non industriels, ont signé un accord de reconnaissance mutuelle aux termes duquel chacune des parties entérine les normes de l'autre partie en matière de gestion durable des forêts. Environ 10 millions d'hectares sont certifiés par le Tree Farm System.

Deux autres domaines ont connu des développements récents: les produits forestiers non ligneux (PFNL) et la pâte et le papier. Les programmes de certification commencent à certifier certains PFNL, et l'on trouvera, à l'encadré 9, une description des types de programmes appliqués. Un certain nombre de sociétés de fabrication de pâte et de papier ont fait certifier leurs forêts et commercialisent leurs produits avec un label de certification. Étant donné que les amendements apportés aux règles et procédures de certification permettent aujourd'hui d'accorder le label à des produits contenant moins de 100 pour cent de bois vierge certifié (c'est-à-dire avec une certaine teneur en déchets, en bois recyclé ou réutilisé), l'obtention de la certification s'en trouve simplifiée.

ENCADRÉ 9

Les programmes de certification pour les produits forestiers non ligneux

Bien que certains programmes de certification commencent à certifier des produits forestiers non ligneux (PFNL), la nature des produits certifiés varie considérablement, et certains malentendus persistent sur ce que l'on entend véritablement par certification d'un PFNL. Il est convenu que la certification du PFNL offre la garantie que l'article a été produit dans des conditions de durabilité. Or, tel pourrait ne pas être le cas. Comme nous l'exposons ci-dessous, il existe quatre approches différentes en matière de certification des PFNL.

Le certificat d'origine. Le certificat d'origine est utilisé pour toute une gamme de produits, y compris les produits alimentaires. Il se borne à garantir qu'un produit donné provient d'une certaine région ou d'un certain terroir, sans pour autant répondre nécessairement à une norme donnée de qualité. Le principe en est illustré par l'appellation AOC (appellation d'origine contrôlée) utilisée pour les vins, les fromages et d'autres produits par un grand nombre de pays. De plus en plus, ce genre de régime de documentation de l'origine est utilisé pour des produits comestibles particulièrement prisés que l'on trouve dans les forêts, comme les truffes et les morilles.

Les normes de qualité du produit. De plus en plus, on recourt à la certification biologique pour un éventail sans cesse plus large de produits, allant des produits alimentaires aux textiles. Une telle certification garantit que l'ensemble du processus de production (depuis la ferme jusqu'à la transformation) a respecté les critères de l'agriculture biologique (lesquels peuvent différer en fonction de l'organisme certificateur). Étant donné que les PFNL sont récoltés dans les forêts et que leur production ne fait pas appel à l'utilisation d'engrais ou de pesticides, ils sont généralement considérés comme des produits biologiques par définition. Les pignes, les champignons, les herbes et autres produits recueillis dans la forêt sont donc de plus en plus commercialisés, et avec succès, en tant que produits biologiques. Cependant, la certification biologique en tant que telle ne garantit pas que ces produits aient été obtenus dans des forêts à gestion durable.

La certification à vocation sociale. Cette démarche vise à documenter certains des aspects sociaux de la production, pour garantir, par exemple, que la main-d'œuvre a été employée dans des conditions acceptables ou que les avantages sont répartis de façon équitable à tous les agents de la chaîne de production. Les régimes de certification à caractère social existent depuis longtemps pour l'agriculture et pour les produits manufacturés (tels que les ballons de football dont on garantit que leur fabrication n'a pas fait appel à de la main-d'œuvre enfantine); cependant, ils sont relativement récents pour les PFNL. Il existe à présent certains mécanismes applicables aux PFNL produits par des populations autochtones ou par des coopératives locales, et qui garantissent que le produit de la vente revient aux producteurs. Les associations et les ONG qui font la promotion du commerce équitable sont actives dans ce domaine.

La certification de la gestion des forêts. Les régimes de certification des forêts basés sur les normes de gestion forestière font aujourd'hui l'objet d'une extension visant à incorporer les PFNL. Le processus est beaucoup plus complexe que pour la simple certification du bois d'œuvre, étant donné que, pour la même zone forestière, il faut parfois évaluer plus d'un PFNL, avec des critères parfois différents. Ainsi, il est possible qu'une forêt soit gérée de façon durable en ce qui concerne son bois d'œuvre, mais que ses ressources en PFNL fassent l'objet d'une surexploitation, et vice-versa.

Malgré ces évolutions positives, de nombreuses questions importantes liées à la certification restent à ce jour sans réponse, comme: l'absence d'une corrélation claire entre la certification et l'amélioration de la gestion forestière là où le déboisement cause le plus de ravages - dans les pays en voie de développement; le fait que l'on ait toujours du mal à percevoir l'incidence positive ou négative de la certification sur les marchés 16; et l'hypothèse, non démentie, que la certification fera office, de façon intentionnelle ou non, de barrière non tarifaire aux échanges commerciaux et établira une discrimination à l'encontre des opérateurs n'ayant pas les moyens ou le désir de se faire certifier. Quelles que soient ces incertitudes, l'intérêt envers la certification continue de s'accroître, tout comme s'accroît la superficie des forêts certifiées. Aujourd'hui, la certification en est arrivée à être considérée comme un courant porteur, et elle fera l'objet, pendant quelque temps encore, d'évolutions et d'ajustements.

L'évolution des technologies de l'industrie forestière

Parmi les récents efforts accomplis par l'industrie des pâtes et papiers, il faut citer l'intensification des investissements dans les technologies modernes qui améliorent les performances écologiques des installations de fabrication, comme les équipements de réduction de la pollution. Les développements sont évidents dans le domaine de la génération de l'énergie, avec le recours à des sources d'énergie organique comme la liqueur noire et les déchets de bois. Ces progrès, outre leurs avantages économiques et leurs autres avantages écologiques, contribuent à réduire les émissions de gaz à effet de serre, conformément à l'accord passé entre de nombreux gouvernements en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.

Les fabricants de produits à base de bois massif continuent de s'adapter à l'évolution des matières premières. Ainsi, à mesure que les grumes de grand diamètre deviennent plus difficiles à obtenir du fait de la rareté croissante des forêts naturelles et de leur remplacement par des plantations, l'éventail des essences utilisées s'élargit. Cette évolution encourage la fabrication de produits d'ingénierie, et tout particulièrement les placages lamellés, les laminés-collés et les produits à base de fibre de bois, tels que les panneaux structurés orientés. En Europe, la production de ces panneaux connaît une expansion rapide, qui enlève une part de son marché au produit de référence: le panneau de particules. Leur production continue de croître rapidement aux États-Unis. Aussi en augmentation, les nouvelles surfaces et les nouveaux revêtements qui permettent l'utilisation à l'extérieur ou par température élevée et forte humidité.

L'industrie du contreplaqué - notamment des pays tropicaux - ne s'est prévalue que marginalement des nouvelles technologies et des améliorations dans les équipements. Ce phénomène s'explique par trois raisons au moins: les marchés du contre-plaqué ont continué de décliner, surtout à cause de la récente crise économique qui a frappé l'Asie; la taille des grumes fournies à l'industrie est elle aussi en déclin; enfin, le climat n'a pas été particulièrement favorable aux investissements dans la transformation.

Par ailleurs, du fait des pressions environnementales, des conséquences de l'évolution de l'utilisation des terres et d'autres facteurs, de nombreux transformateurs ont eu davantage de mal à obtenir, dans des conditions économiques, des matières premières forestières. En conséquence, on a vu apparaître des méthodes novatrices d'expansion de la fourniture de fibre 17. Ainsi, l'industrie a fait face à l'évolution des approvisionnements en bois en utilisant des bois façonnés en courtes longueurs, et en utilisant davantage les résidus et les déchets. Autre évolution, le recours plus large aux petits planteurs satellites, méthode encouragée par les sociétés privées et appliquée en partenariat étroit avec les communautés locales ou les petits propriétaires. Mentionnons également les investissements dans des plantations situées dans d'autres pays; ainsi, les sociétés chinoises, japonaises et nord-américaines ont investi dans des plantations situées en Asie du Sud-Est, en Océanie et en Amérique du Sud. Afin de réduire les pressions exercées sur les forêts naturelles, on a également encouragé, dans de nombreux pays, les investissements dans les petites plantations, souvent par le biais de mesures incitatives gouvernementales. Le succès de ces initiatives reste encore à démontrer. Par le passé, nombre d'entre elles ont été adoptées sans que l'on ait suffisamment pris en considération l'utilisation finale de la ressource, analysé les marchés potentiels ou veillé à créer des conditions propices au développement industriel.

L'ÉVOLUTION DU CADRE INSTITUTIONNEL DU SECTEUR FORESTIER

On s'accorde de plus en plus à admettre que les efforts accomplis au titre du développement économique, de la réduction de la pauvreté, de la protection de l'environnement et de l'équité dans le domaine social sont voués à échouer en l'absence de structures et de processus adéquats de gouvernance. Ce sont les régimes de gouvernance qui définissent les relations entre le gouvernement, la société civile et le secteur privé.

Au cours de la dernière décennie, on a observé deux changements majeurs et apparemment contradictoires: d'une part, la mondialisation et, d'autre part, la décentralisation. Une structure mondiale à base nationale et à contrôle centralisé se heurte aux réseaux d'envergure planétaire et à une plus grande liberté des flux de main-d'œuvre, de capitaux et d'informations entre les pays. Le centre du pouvoir et d'autorité se trouve également décalé, du fait de mécanismes institutionnels s'appuyant davantage sur le pluralisme, d'une dévolution des responsabilités au niveau local, et de l'adoption de processus participatifs. Il s'ensuit que les rôles et les responsabilités des autorités gouvernementales, du secteur privé et de la société civile se trouvent redistribués, et que leurs systèmes de relations s'en trouvent changés. Dans la section suivante, on analyse la façon dont ces changements affectent le secteur forestier.

Les agences de développement international se situent à l'extérieur du triangle de gouvernance formé par les gouvernements, le secteur privé et la société civile; elles n'en ont pas moins, bien souvent, une incidence marquée sur les politiques, les approches et les programmes intéressant le développement. Le rôle de ces agences et l'évolution récente de leurs approches est également analysé.

La gestion forestière à base communautaire

Les politiques et pratiques forestières nationales, ainsi que les programmes forestiers bénéficiant d'un appui international, incorporent aujourd'hui un volet important visant à encourager les communautés à prendre part à la gestion des forêts. De manière générale, les services forestiers nationaux font l'objet d'un processus de décentralisation, de restructuration et d'allégement. Les gouvernements, confrontés à une insuffisance de ressources financières et humaines, se tournent de plus en plus vers les communautés locales afin qu'elles les aident à préserver et à gérer les forêts domaniales. Pour les services forestiers, le fait de pouvoir s'appuyer davantage sur les ressources dont dispose la communauté locale représente une solution potentielle à un problème toujours plus aigu de carence des ressources.

Les initiatives à base communautaire sur grande échelle ont démarré en Asie du Sud dans les années 80. À l'époque, et aujourd'hui encore, les régions placées sous régime de gestion communautaire étaient généralement perçues ou classées comme de seconde zone et sans valeur commerciale. En Inde, par exemple, les forêts confiées aux communautés dans le cadre de la Gestion conjointe des forêts sont généralement dégradées, tandis que les forêts d'une meilleure productivité restent sous le contrôle de l'État. Ainsi, la communauté fournit main-d'œuvre et protection en vue d'améliorer les zones dégradées et de permettre à la forêt de se régénérer. L'État reçoit, en retour, une forêt qui a retrouvé sa vitalité, ainsi qu'une part importante du revenu d'exploitation du bois d'œuvre et des autres ressources. La communauté, quant à elle, bénéficie d'accès qui lui étaient jusqu'alors interdits (du moins officiellement) pour se livrer à la collecte des produits forestiers non ligneux tout en recevant une part des recettes de la vente du bois d'œuvre. Cette forme de participation communautaire à la gestion, que l'on peut considérer comme une coopération axée sur l'utilisateur, définit les intérêts locaux de même que ceux des usagers.

Aujourd'hui, l'attention se tourne vers des initiatives récentes lancées en Afrique et qui portent sur la gestion des ressources naturelles à base communautaire. Dans cette région, l'évolution des politiques et de la législation, de même que la mise en œuvre sur le terrain gagnent en vigueur. L'approche adoptée diffère considérablement du modèle axé sur l'utilisateur décrit pour l'Asie. En effet, la tendance qui se dégage en Afrique, et plus particulièrement en Gambie et en République-Unie de Tanzanie, consiste à aider la communauté à placer avant tout son intérêt à préserver les ressources. Cet intérêt découle davantage de considérations historiques ou liées à la localité ainsi qu'aux paramètres socioécologiques, qu'à l'utilisation du produit. Cette démarche repose sur l'hypothèse sous-jacente que les communautés vivant à proximité des forêts ont intérêt à s'assurer que les forêts ou les terres forestières adjacentes échappent à la dégradation. La démarche vise à rendre ces communautés locales parties prenantes de la forêt, et non pas à rester de simples utilisatrices de ses produits. Tout comme pour les autres gestionnaires des forêts, le gestionnaire communautaire, en tant que partie prenante, doit se fixer tout un éventail d'objectifs en matière de gestion forestière, y compris la protection, la production et l'atténuation de la pauvreté - en d'autres termes, les avantages économiques.

Les systèmes basés sur la communauté sont encore en pleine évolution. La transformation de la gestion de la forêt en fonction d'une démarche basée sur la communauté et d'une multiplicité de parties prenantes ne sera chose aisée. En fait, elle représente un défi de taille dans bien des endroits. L'expérience manque en matière de gestion collective, régime qui permet à des parties prenantes aux intérêts multiples de travailler ensemble efficacement à la prise des décisions et à leur mise en œuvre. Il faudra, notamment, se garder de la tentation consistant à élaborer des «modèles» préétablis de mises en œuvre sur grande échelle, alors même que la gestion forestière en participation exige de la souplesse pour la prise de décisions et la planification au niveau local.

Les expériences en matière de gestion basée sur la communauté qui se sont déroulées tant en Asie qu'en Afrique ont permis de tirer pour l'avenir des enseignements importants, susceptibles d'être mis à profit aujord'hui même:

Une participation accrue de la société civile

Dans toutes les régions, on observe une nette accentuation de l'implication du public dans les questions liées à la forêt. Ainsi, les organisations qui représentent la société civile jouent de plus en plus un rôle de chef de file à l'appui de la conservation et de la gestion durable des forêts. Les interventions visent souvent à renforcer la prise de conscience des problèmes et à améliorer l'accès à l'information, sans exclure, toutefois, une implication directe dans la gestion des ressources naturelles ou dans les actions judiciaires. À mesure que les tendances à la démocratisation et à la décentralisation se ramifient dans le monde entier et que les nouvelles technologies font progresser la communication, il y a également amélioration de l'environnement «propice» à l'établissement d'une société civile. La liberté des médias et l'impartialité d'un corps judiciaire, dont les décisions sont respectées et appliquées, contribuent à appuyer et à encourager les initiatives de la société civile. Voici quelques exemples d'initiatives d'une telle société civile:

L'évolution du rôle du secteur privé

Le secteur privé forestier subit actuellement des changements structurels, attribuables en partie aux effets de la mondialisation. L'envergure des ensembles s'est accrue, notamment dans le secteur des pâtes et papiers. Des entreprises ont fusionné afin de rationaliser leurs opérations, de réaliser des économies d'échelle ou de s'adapter à l'évolution des relations économiques 18. Les prises de contrôle se multiplient et l'intégration verticale et horizontale des entreprises est de plus en plus poussée. Cette évolution intéresse principalement les grandes entreprises. Dans de nombreux pays, les petites et moyennes entreprises ne sont pas concernées par ce processus, et se trouvent souvent de plus en plus désavantagées pour opérer à l'échelle internationale.

Le rôle joué par le secteur privé forestier évolue, lui aussi. Aujourd'hui, il détient ou contrôle de vastes surfaces forestières dans le monde entier. Dans le passé, les entreprises privées s'intéressaient beaucoup plus aux dimensions économiques de la mise en valeur forestière, à l'exclusion des autres dimensions. Aujourd'hui, après la tenue de la CNUCED, le secteur privé est de plus en plus réputé comptable des aspects écologiques et sociaux de l'exploitation forestière.

Dans une certaine mesure, cette grande évolution a été influencée par le fait que de nombreux gouvernements ont adopté une approche beaucoup plus stricte en matière de réglementation du secteur forestier, notamment pour obtenir le respect des normes et des engagements internationaux de protection de l'environnement. Mais d'autres facteurs ont joué, parmi lesquels la libération des flux d'informations, un meilleur accès aux médias de la part des groupes militant pour certaines causes, et une accentuation des pressions internationales. Ajoutons à cela les pressions du marché, provenant notamment des produits concurrents tels que le plastique et les métaux.

Le secteur privé se trouve aujourd'hui contraint d'aborder les problèmes environnementaux dans une optique débordant l'approche traditionnelle de réduction de la pollution provoquée par les usines. De plus en plus, les gouvernements délèguent la responsabilité d'un grand nombre d'activités à des organismes privés, par le biais de la privatisation des entreprises d'État ou de la modification des accords de concession. Nombre de ces mesures visent à encourager la rentabilité économique (voir encadré 10) en transmettant au secteur privé la responsabilité en matière de décision - responsabilité qu'accompagnent des lignes directrices strictes ou de restrictions édictées par les gouvernements et accompagnées de pénalités en cas de non-respect.

ENCADRÉ 10

Argumentaire de la privatisation du secteur forestier

Les arguments en faveur de la privatisation du secteur forestier sont les suivants:
  • inefficacité de l'implication directe de l'État dans l'exploitation forestière commerciale;
  • meilleure efficacité découlant d'une séparation entre les activités forestières commerciales et les activités non commerciales;
  • meilleure transparence opérationnelle;
  • recettes provenant des ventes des forêts domaniales;
  • meilleure efficacité des structures de l'industrie forestière nationale;
  • réduction de la ponction sur les fonds publics;
  • meilleur accès aux capitaux de développement.

Ces facteurs contribuent à influencer le secteur privé, sa vigilance et sa capacité de réaction, de même que les fondements de ses décisions - ces dernières pouvant, s'agissant de compagnies d'envergure mondiale, être prises aux niveaux régional ou mondial. Cette évolution reflète la tendance des gouvernements à s'écarter du rôle de participants actifs à la gestion des forêts et à la transformation de leurs produits, pour s'attacher à élaborer, en tant qu'arbitres, des normes et règlements régissant le secteur. On a vu récemment plusieurs gouvernements attribuer un rôle de gestion directe des forêts au secteur privé, précisément par le biais de la privatisation - des forêts, mais plus souvent des services.

Plusieurs pays ont entrepris, à des degrés divers, de privatiser leurs forêts et d'en réallouer les ressources, notamment l'Australie, le Chili, la Chine, la Nouvelle-Zélande et le Viet Nam. On a assisté à un élargissement de la gestion communautaire (mais non de la propriété) des forêts en Asie du Sud, en Gambie, aux Philippines et en République-Unie de Tanzanie, pour ne citer que ces pays. Un nombre beaucoup plus large de pays, notamment en Afrique, en Amérique latine et en Europe centrale et orientale, envisagent actuellement des options de privatisation totale ou partielle. La privatisation des forêts est restée jusqu'ici limitée de façon quasi exclusive aux forêts de plantation. Ce phénomène s'explique, en règle générale, par le fait que les plantations sont souvent perçues comme présentant une richesse culturelle et écologique moindre justifiant la protection gouvernementale.

Par ailleurs, les entreprises privées s'aperçoivent de plus en plus qu'elles gagnent à être perçues comme des acteurs responsables envers le cadre social. Cette prise de conscience a conduit certaines entreprises à adopter des politiques acceptables sur le plan écologique et social, plutôt que de se les voir prescrire et imposer. Ainsi, la fusion de certains intérêts, ou tout au moins une propension accrue à coopérer, peuvent être perçues comme un effort pour privilégier la consommation de bois provenant de sources gérées de façon durable. Tant les ONG que le secteur privé cherchent à promouvoir la consommation de bois sous cette bannière. De plus en plus, les entreprises collaborent sur de nombreuses questions. Ainsi, l'International Forum of Forest and Paper Associations, qui regroupe quelque 27 pays, a récemment concentré ses travaux sur les changements climatiques et la libéralisation du commerce. En outre, le secteur privé déploie des efforts en direction des communautés et des associations écologiques afin de trouver des solutions mutuellement acceptables aux problèmes et de mettre sur pied des projets d'intérêt mutuel.

Les réaménagements de priorités opérés par les agences de développement international

L'aide internationale au développement appliquée à la foresterie a joué un rôle important dans le soutien apporté aux efforts déployés par les pays pour conserver et mettre en valeur de façon durable leur patrimoine forestier. On a observé, au fil du temps, une évolution tant dans la désignation des secteurs éligibles à une assistance prioritaire que dans les moyens de mise en œuvre des projets et des programmes. C'est ainsi que l'on met davantage l'accent, aujourd'hui, sur la planification forestière (par le biais, entre autres, des programmes forestiers nationaux - voir la Troisième partie) et sur le renforcement des capacités nationales dans le secteur forestier, en s'appuyant de façon courante, dans le cadre des stratégies de mise en œuvre, sur les approches participatives, la gestion basée sur la communauté et la promotion de l'équité, notamment entre les sexes.

Selon les observations recueillies, l'évolution des approches retenues en matière d'assistance internationale à la foresterie au cours des 30 ou 40 dernières années, serait passée par les phases suivantes: i) foresterie industrielle; ii) foresterie à orientation sociale; iii) foresterie à vocation écologique; et iv) gestion durable des ressources naturelles renouvelables (Persson, 1998). Il semble que l'on assiste à présent à une nouvelle réorientation, privilégiant cette fois-ci la mise en valeur forestière comme moyen d'atténuation de la pauvreté.

L'adoption de l'objectif international de développement visant à réduire la pauvreté de moitié à l'échelle mondiale d'ici l'année 2015 (DFID, 2000a), de même que celui que s'est fixé le Sommet mondial de l'alimentation de 1996, à savoir réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la faim dans le même délai (FAO, 1997c), ont précisé ou fait évoluer les mandats des organisations multilatérales, des agences bilatérales ainsi que des différents pôles internationaux. Cette réorientation se reflète de façon très nette dans les énoncés d'objectifs et mandats de ces organisations, comme l'illustrent les exemples que l'on trouvera dans l'encadré 11.

ENCADRÉ 11

 Exemples d'énoncés d'objectifs ou de mandats d'organisations internationales


Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO)
Mission: «Aider à instaurer la sécurité alimentaire dans le monde pour les générations actuelles et futures.»
Objectifs: réduire l'insécurité alimentaire et la pauvreté rurale, conserver et renforcer la base de ressources naturelles. Mission en matière de foresterie: renforcer le bien-être des populations en aidant les États Membres à pratiquer une gestion durable des arbres et des forêts du monde.


Centre international de mise en valeur intégrée des montagnes (ICIMOD)
 Le mandat de l'ICIMOD est clairement axé sur la réduction de la pauvreté et la garantie de modes de vie durables pour les habitants des montagnes.
Objectifs: «l'amélioration du bien-être des populations montagnardes» et la promotion d'«écosystèmes montagneux à base économique et écologique solide».


Centre international pour la recherche en agroforesterie (CIRAF)
 Objectifs: «Améliorer le bien-être humain, notamment en atténuant la pauvreté, en améliorant les revenus monétaires - des femmes en particulier - et en améliorant la sécurité alimentaire et nutritionnelle...».


Fonds international de développement agricole (FIDA)
Vision: «Le FIDA doit être un chef de file qui montre la voie et galvanise les énergies afin d'éliminer la pauvreté et la faim en milieu rural, en libérant, grâce à leur participation, les capacités créatrices des ruraux pauvres, nos "clients".»


Banque mondiale
Mission: Combattre la pauvreté avec ardeur et professionnalisme pour obtenir des résultats durables, et aider les populations à améliorer leur propre sort ainsi que leur environnement en mettant à leur disposition des ressources et des connaissances, en renforçant les capacités et en mettant sur pied des partenariats dans les secteurs public et privé.

La pauvreté, ce n'est pas simplement le manque de nourriture ou d'argent. Il est, aujourd'hui, une approche qui s'efforce d'aller au-delà du revenu et du panier de la ménagère pour prendre en compte des caractéristiques et des causes multidimensionnelles: c'est l'approche dite des «moyens de subsistance durables». La notion de moyens de subsistance englobe les capacités au sens large du terme, les actifs et les activités nécessaires à la subsistance. Un moyen de subsistance est durable lorsqu'il peut traverser les passes difficiles, affronter les épreuves et s'en remettre, tout en maintenant, voire en renforçant, ses capacités et ses actifs dans l'immédiat et pour l'avenir, et en s'abstenant d'appauvrir la base de ressources naturelles (Carney, 1998).

Les forêts constituent un important capital naturel, et les populations tributaires des forêts constituent une portion importante des pauvres de la planète. Selon une estimation récente, «à l'échelle mondiale, un pauvre sur quatre dépend directement ou indirectement des forêts pour sa subsistance» (Banque mondiale, 2000a), encore que la nature de cette dépendance varie (Sheperd, Arnold et Bass, 1999).

L'utilisation plus durable des ressources naturelles a une incidence directe sur l'amélioration du capital naturel. Même si tous les êtres humains mettent à contribution l'environnement, l'impact des riches est en général disproportionné, alors que les pauvres tendent à être les plus vulnérables aux conséquences de la dégradation de l'environnement (PNUE/NASA/Banque mondiale, 1999). Les pauvres sont la catégorie qui tire le plus grand bénéfice d'un maintien de l'accès aux ressources forestières; or, ils risquent de voir ces ressources s'amenuiser, (sous l'effet de facteurs comme la croissance démographique ou les restrictions d'accès) et de moins pouvoir en bénéficier.

Il est probable que l'on verra se poursuivre, dans leur forme actuelle, les activités d'exploitation des produits forestiers par les populations ne réussissant pas à tirer un revenu suffisant - voire un revenu quel qu'il soit - de l'agriculture ou d'un emploi salarié. En conséquence, il va falloir identifier, développer et promouvoir la valeur économique des forêts. Dans les cas où les produits forestiers jouent un rôle important de complément et de filet de sécurité, il importe que soit garanti l'accès des utilisateurs à ces ressources. (Byron et Arnold, 1999). Ces questions seront au cœur de la mise en œuvre des efforts d'aide au développement dans le domaine forestier, dans une optique de promotion de modes de vie durables. 


1 Les articles de cette section ont été rédigés par R. Mutch et J. Goldammer. Ils ont été réunis pour le Rapport spécial sur les incendies de forêt, préparé dans le cadre de l'Évaluation des ressources forestières mondiales 2000 de la FAO. Cette étude mondiale en cours compile des comptes rendus et des statistiques sur les incendies par pays. Elle servira de base à la compréhension de la situation mondiale des incendies en 1990.

2 Données provisoires, à confirmer.

3 Ce texte s'inspire très largement de CEE-ONU/FAO 2000a; et du site Internet de la Section sur le bois de la CEE-ONU www.unece.org/trade/timber/storm/storm.htm

4 Par exemple, la Réunion internationale d'experts sur le rôle des plantations forestières dans la gestion durable des forêts parrainée par les Gouvernements chilien, danois, indien, néo-zélandais et polonais, qui s'est tenue à Santiago (Chili), du 6 au 10 avril 1999, pour répondre à certaines préoccupations du Forum intergouvernemental sur les forêts (IFF).

5 Pour plus de détails, voir la Situation des forêts du monde 1999.

6 On a préparé des codes d'usages pour la sylviculture, destinés à être appliqués à l'échelle mondiale (FAO, 1996) et à l'échelle régionale pour la région Asie-Pacifique (FAO, 1999a). Un code régional pour l'Afrique est en cours d'élaboration, et des codes nationaux ont aussi été établis, par exemple pour Fidji (1990); Vanuatu (1997); le Guyana (1998) et l'Afrique du Sud (1999); un code est en préparation pour la Chine.

7 FAO, 1997a; FAO, 1997b; FAO, 1998a; FAO, 1998b.

8 Rapport de la recherche sur l'exploitation à impact limité rédigé par le Edinburgh Centre for Tropical Forests. 2000. Activities and outputs for the Barama Company Limited. (non publié)

9 Les projections concernant le volume des futures importations oscillent entre 20 et 65 millions de m3 par an d'ici à 2010, ce qui représente une forte poussée par rapport aux niveaux actuels.

10 Les tendances globales indiquées ci-dessus masquent des différences substantielles entre pays et régions et les variations qui s'ensuivent dans les courants d'échange et les rapports entre produits. Les données de cette section proviennent de FAO, 2000b; FAO, 2000c; CEE-ONU/FAO, 2000a; OIBT, 2000a; OIBT (différentes années) Rapports sur les marchés de bois tropicaux; et CCI, 1998.

11 À l'échelle mondiale, la production avoisine la consommation. Certaines années, elles peuvent s'écarter légèrement en raison de la fluctuation des stocks. L'ensemble du bois rond se compose de bois-énergie (principalement du bois de feu et du charbon de bois) et de bois rond industriel. Le bois rond industriel entre directement dans le commerce international ou est transformé sur place en divers produits comme les sciages, les panneaux dérivés du bois, le papier et le carton et la pâte à papier.

12 Pour un examen détaillé de la crise et de ses répercussions, voir FAO,1998c; CEE-ONU/FAO, 1998.

 13 À distinguer des interdictions de coupes/prélèvements analysées dans la section Restrictions sur l'exploitation de bois d'oeuvre, p. 10.

14 Le Gouvernement de l'État de Sabah a mis, depuis le 1er août 2000, l'embargo complet sur l'exportation de grumes et de sciages de Selangan batu, de manière à garantir les approvisionnements nécessaires à l'industrie du meuble (Malaysian Timber, Vol.6, No. 2/2000).

15 Ce chiffre exclut les surfaces certifiées aux termes de la norme ISO 14001 de l'Organisation internationale de normalisation, à moins qu'elles n'aient également été certifiées aux termes d'un système spécifique de certification de gestion forestière.

16 Voir, par exemple, Hansen, Forsyth et Juslin, 2000; Pajari, Peck et Rametsteiner, 1999.

17 La fibre comprend le bois et les autres matières premières fibreuses, telles que le papier recyclé et les plantes annuelles pour la fabrication de produits à base de bois et de papier.

 18 Par exemple, les différences d'un pays à l'autre en matière de prix, de coût de la main-d'oeuvre, de la demande et du taux de change.


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