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INTRODUCTION

1. La pauvreté sous ses différentes formes a, de manière croissante, retenu l'attention de la communauté internationale au cours des dix dernières années- Lors des sommets successifs, des engagements ont été pris afin de réduire radicalement la misère dont souffrent, leur vie durant, tant d'êtres humains. Cette attention est en soi un pas encourageant mais les progrès sont encore péniblement lents, alors que des mesures pour améliorer les conditions de vie des pauvres seraient déjà possibles avec les moyens actuels. La faim et l'insécurité alimentaire - qui sont les formes les plus graves de la pauvreté - sont désormais comptées parmi les priorités nationales, et les participants du Sommet mondial de 1996 se sont engagés solennellement à réduire de moitié la faim dans le monde d'ici 2015.

2. La Déclaration du Millénaire de 2000 consolide et réaffirme l'engagement pris pendant la décennie précédente, et peut être considérée comme la dernière étape du processus du Sommet. Pour la première fois dans un document de ce type, il est souligné que faute de politiques et de mécanismes aptes à mobiliser beaucoup plus largement les ressources privées et publiques, les objectifs de développement du millénaire convenus à l'échelle internationale ne pourront être réalisés. La Déclaration représente donc le point de départ d'un redoublement d'effort au vingt et unième siècle. La Conférence internationale sur le financement du développement peut remédier aux échecs et aux déséquilibres du passé en se donnant comme premier objectif d'assurer un financement adéquat pour la réalisation des objectifs de développement du millénaire.

3. La Conférence internationale sur le financement du développement est une chance de mettre fin au paradoxe qui a caractérisé les années 90, à savoir que tandis que l'engagement mondial pour promouvoir la lutte contre la pauvreté semblait s'affirmer avec une force croissante et que les moyens pour s'attaquer au problème se multipliaient, le volume des ressources effectivement mobilisées tombait d'année en année. L'écart entre engagement et action n'a cessé de grandir et c'est inévitablement l'authenticité de l'engagement qui est remise en cause.

4. Ce document considère le financement des objectifs de développement du millénaire: Il le fait du point de vue du PAM, de la FAO et du FIDA , les trois organisations des Nations Unies basées à Rome qui s'occupent d'alimentation, d'agriculture et de développement rural. Le document montre comment la faim diffuse est un frein à la croissance et aux efforts de réduction de la pauvreté. Il souligne que la mobilisation des ressources et leur emploi judicieux afin d'en optimiser l'impact, jouent un rôle fondamental dans les efforts de lutte contre la pauvreté, la faim et l'insécurité alimentaire. Dans ce contexte, il montre que les ressources déployées directement contre la faim ou investies dans l'agriculture et le développement rural apportent des contributions substantielles et durables à l'effort général de lutte contre la pauvreté.

LE CERCLE VICIEUX DE LA PAUVRETE ET DE LA FAIM

Pauvreté et faim: tendances récentes et scénarios futurs

5. La communauté internationale a fait la promesse de diminuer la pauvreté et la faim de moitié d'ici 2015. Mais qui sont les pauvres et les affamés? Combien sont-ils? Où se trouvent-ils? Quels sont les liens entre faim et pauvreté? Les deux sections suivantes répondent à ces questions et soulignent l'urgence du combat à mener pour enrayer la faim.

6. Sur la base du fameux "seuil d'un dollar par jour", l'on dénombre 1,2 milliards de pauvres dans les pays en développement. Sur ce total, 780 millions souffrent de faim chronique, c'est-à-dire que l'apport énergétique quotidien est insuffisant chez eux pour mener une vie active et être en bonne santé.

7. La pauvreté extrême reste un problème alarmant dans les régions en développement du monde, en dépit des progrès réalisés dans les années 90. Les progrès accomplis dans la réduction de la pauvreté se sont concentrés en Asie et surtout en Asie de l'Est. Dans toutes les autres régions, le nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté a augmenté. En 1999, l'Afrique subsaharienne comptait 58 millions de pauvres de plus qu'en 1990.

8. Les projections de la Banque mondiale (Banque mondiale, 2001) montrent que d'ici 2015, la proportion de personnes vivant en deçà du seuil de pauvreté de un dollar par jour sera de 12,3 pour cent par rapport aux 29,0 pour cent de 1990 - donc bien inférieure à la moitié de la proportion de 1990. Ces projections reposent sur des taux de croissance économique considérablement plus élevés que ceux des années récentes . Si ces hypothèses se confirment, l'objectif du millénaire de réduire de moitié la proportion de la population mondiale vivant dans la pauvreté entre 1990 et 2015 aura été atteint. Toutefois, même en prenant des hypothèses de croissance optimistes, près de 40 pour cent de la population d'Afrique subsaharienne sera encore pauvre en 2015, tandis que l'on dénombrera dans le sous-continent 45 millions de pauvres de plus qu'en 1999. Il n'y a manifestement pas de quoi pavoiser.

9. La proportion de personnes souffrant de la faim dans les pays en développement a été réduite de trois pour cent dans les années 90, malgré la croissance démographique. Bien que ce soit un progrès, l'incidence de la faim se situe encore à un niveau inacceptable (Figure 1). En ce début du vingt et unième siècle, dans un monde où règne l'abondance, 34 pour cent des gens en Afrique subsaharienne sont victimes de la faim chronique. Cela fait, à la fin de la décennie, 24 millions de sous-alimentés de plus qu'à son début.

Figure 1: Proportion de sous-alimentés dans les régions en développement

Source: FAO 2000, 20011

10. Les progrès obtenus jusqu'à présent dans la réduction du nombre des sous-alimentés ont été d'une lenteur alarmante. L'objectif fixé lors du Sommet mondial de l'alimentation en 1996 consistait à réduire de moitié le nombre des personnes souffrant de malnutrition d'ici 2015, en partant des chiffres de 1990-92. Les dernières données montrent que le nombre des sous-alimentés tombe de 6 millions par an. Il s'ensuit que la cadence annuelle de réduction doit être portée à 22 millions pour espérer réaliser l'objectif. En maintenant les tendances actuelles, il ne sera pas atteint avant 2030. Les projections de la FAO montrent que, dans le monde, aucune des régions en développement ne parviendra à ce résultat, et que seules les deux sous-régions d'Asie s'en approcheront (Figure 2).

11. La faim diffuse et persistante est une contradiction fondamentale de notre époque. Les denrées alimentaires ne manquent pas: l'agriculture mondiale produit 17 pour cent de calories de plus par personne aujourd'hui qu'il y a trente ans, malgré un accroissement démographique de 70 pour cent. Les travaux de la FAO montrent que l'agriculture mondiale peut produire assez pour nourrir les générations futures sans exercer de pression excessive sur les prix ou l'environnement. L'existence aujourd'hui de 780 millions de personnes qui souffrent de faim chronique dans le monde en développement dénote une aberration fondamentale dans la répartition de la nourriture et des moyens pour y accéder.

12. La faim et la pauvreté resteront à des niveaux inacceptables tant qu'une action délibérée ne sera pas menée pour leur accorder une importance politique accrue et pour mobiliser des ressources permettant de s'y attaquer de front tout en favorisant l'agriculture et le développement rural. C'est notre principal message. Mettre les objectifs du millénaire au centre de l'initiative de financement du développement (Financing for Development) est un pas dans la bonne direction.

Figure 2: Nombre des sous-alimentés: chiffres effectifs et projections de base de la FAO

Source: FAO 2000, 2001b

Pauvreté et faim: explorer les effets d'entraînement

13. La présence généralisée de la faim et de la malnutrition dans un monde où la nourriture est abondante suppose que la pauvreté extrême est à l'origine de la sous-alimentation. Cependant, il n'est pas toujours compris que la faim et la malnutrition (y compris les carences en micronutriments) sont à leur tour des causes majeures de pauvreté. Elles enferment les individus dans la pauvreté par un certain nombre de mécanismes (voir l'Encadré 1), à savoir:

Par conséquent, ceux qui souffrent de malnutrition chronique finissent par être pris dans un piège de faible productivité, de pauvreté et de faim persistantes.

Faim et conflits

14. Pendant la décennie écoulée, l'insécurité alimentaire et la malnutrition semblent avoir contribué à une fréquence accrue des crises et à une plus grande vulnérabilité des pays aux chocs. La plupart des conflits armés et des catastrophes naturelles d'aujourd'hui sont concentrés dans des régions qui dépendent fortement de l'agriculture et dans des pays qui ont une proportion élevée de ménages vivant dans l'insécurité alimentaire, classés par la FAO comme "pays à faible revenu et à déficit vivrier".

15. Si l'insécurité alimentaire est le corollaire des conflits, elle peut aussi en être la cause et les produire. Très peu de conflits éclatent dans un environnement où la sécurité alimentaire est acquise. La faim peut favoriser l'apparition d'un conflit lorsque les gens estiment n'avoir rien à perdre et que la troupe procure un repas gratuit et le pouvoir associé au port du fusil.

16. L'impact de certaines crises peut aussi être amplifié lorsqu'elles touchent une population qui est déjà vulnérable et affaiblie par l'insécurité alimentaire. Les gens des pays pauvres sujets à l'insécurité alimentaire sont plus susceptibles de mourir des effets des catastrophes naturelles que ceux qui ont mis au point de meilleures stratégie de survie pour se protéger. Lors des crises, des carences en micronutriments qui étaient latentes peuvent se manifester par d'importants foyers de maladie, par exemple de scorbut ou de pellagre.

17. L'insuffisance des ressources consacrées à l'éradication de la faim continuera de risquer la vie de nombreux groupes vulnérables et sera l'un des éléments favorisant la résurgence des crises. Par conséquent, toute économie issue de la prévention d'un conflit devrait être vue comme un "retour utile" pour l'aide. Après les urgences, les interventions humanitaires sont souvent nécessaires, mais elles coûtent cher et ne s'attaquent généralement pas aux causes sous-jacentes de la crise. Les secours s'imposeront tant que les personnes vulnérables n'auront pas accès à une nourriture adéquate et à des activités génératrices de revenus. Investir en temps opportun dans l'alimentation, l'agriculture et le développement rural peut aider à rompre le cycle répétitif de la faim et de la guerre.

18. La discussion qui précède montre que, pour un individu, venir à bout de la faim c'est accéder à la possibilité de développer intégralement ses aptitudes physiques et mentales, d'accroître sa productivité et de participer pleinement au processus de développement . La lutte contre la faim devrait donc être vue comme un investissement productif en plus d'une obligation morale pressante. Des politiques judicieuses, agissant directement sur la faim en temps opportun, peuvent vaincre le "piège de la faim".

PAUVRETE, AGRICULTURE ET DEVELOPPEMENT RURAL

La face rurale de la pauvreté et de la faim et le rôle de l'agriculture

19. La lenteur du processus de réduction de la pauvreté et de la faim indique qu'il est urgent d'élaborer des stratégies qui ciblent mieux les zones où vivent les pauvres et les activités qui les font vivre. Une stratégie réussie pour combattre la pauvreté et la faim dans les pays en développement doit commencer par reconnaître qu'elles sont essentiellement un phénomène rural et que l'agriculture est au cœur de l'existence des ruraux.

Encadré 1

Preuves relatives au coût de la faim

Il est prouvé que 46 millions d'années de vie productive exempte d'invalidité, ont été perdus en 1990, à la suite de la perte de productivité sociale provoquée par quatre types de malnutrition: le retard de croissance et les désordres liés à la carence d'iode, de fer et de vitamine A.

156 millions d'enfants de moins de cinq ans dans les pays en développement souffrent d'un apport insuffisant d'énergie d'origine protéique. 90 pour cent des enfants d'âge préscolaire et des femmes enceintes atteints d'anémie vivent dans les pays en développement. La carence en vitamine A est, chez les enfants, la cause principale d'affections aux yeux pouvant aller jusqu'à la cécité alors qu'une prévention est possible.

Près de 17 pour cent des enfants souffrent d'un retard de croissance prénatal qui traduit une mauvaise nutrition de la mère. Un poids insuffisant à la naissance est synonyme de risque élevé de maladie et de mortalité dans la première enfance et d'une diminution de l'aptitude et de la résistance au travail à l'âge adulte.

12 millions de décès chaque année parmi les enfants âgés de moins de cinq ans dans le monde en développement - une proportion atterrante de 55 pour cent - sont associés à la malnutrition.

Une étude sur l'agriculture en Sierra Leone a montré qu'en moyenne, une augmentation de 50 pour cent de la ration calorique (en équivalent consommateur) augmenterait la production de 16,5 pour cent, soit 379 kg de nourriture. Les résultats montrent que plus l'apport calorique est bas, plus la variation de la production en fonction du surcroît d'énergie alimentaire est marquée. Par exemple, sur la base d'une ration journalière de 1500 calories par équivalent consommateur, une simple augmentation de 10 pour cent de l'apport énergétique ferait augmenter la production de près de 5 pour cent.

Une étude en Éthiopie a montré qu'une amélioration de 10 pour cent du rapport poids/taille et de l'indice de masse corporelle (IMC) entraînerait une augmentation de 23 et 27 pour cent de la production et des salaires respectivement. La même étude fait apparaître que la taille, qui est un indicateur de l'histoire nutritionnelle de l'individu, est un facteur déterminant en ce qui concerne la rémunération, puisqu'une personne dépassant de 7.1 cm la taille moyenne gagne un revenu d'environ 15 pour cent plus élevé.

Une étude de la FAO a constaté qu'une augmentation de la disponibilité énergétique alimentaire (DEA) à 2770 kcal/jour dans les pays où elle est inférieure à cela, améliorerait le taux de croissance du PIB par habitant de 0,34 à 1,48 pour cent par an. L'amélioration de la nutrition a un effet sur la croissance économique par son incidence positive sur la productivité de la main d'oeuvre et sur l'espérance de vie.

Chaque année, le PIB est érodé de 3 pour cent dans certains pays d'Asie en raison de pertes de productivité dues aux problèmes de retard de croissance et de carence en iode et en fer. Étant donné que les taux de croissance du PIB dans ces pays atteignaient 7 pour cent par an dans les années 90, les pertes encourues jusqu'à présent sont donc importantes.

50 pour cent de la croissance économique au Royaume Uni et en France entre 1700 et 1900 ont résulté d'améliorations nutritionnelles et médicales, d'après le lauréat du prix Nobel Robert Fogel.

Source: Situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture, 2001 (FAO 2001b) qui comprend des références aux études, des détails concernant la méthode et des mises en garde

20 Aujourd'hui, 75 pour cent des pauvres des pays en développement vivent dans les zones rurales. Quand en 2020, d'après les projections, la majorité de la population mondiale sera concentrée dans les zones urbaines, une part de 60 pour cent de la pauvreté sera encore de la pauvreté rurale. Et le déclin rural est parmi les causes de l'urbanisation prématurée et de la pauvreté urbaine: Plusieurs arguments plaident en faveur du développement des zones rurales pour combattre la pauvreté (FIDA: Rapport sur la pauvreté rurale).

21. L'agriculture est le principal moteur de l'économie rurale, pour les pays en développement, voire le seul pour ceux qui ne possèdent pas de grosses ressources minières. La dépendance vis-à-vis de l'agriculture pour la croissance économique et les gains à l'exportation augmente avec l'incidence de la faim, de même que la proportion des personnes qui sont tributaires de l'économie rurale (voir tableau 1)2. L'encadré 2 démontre que la réduction massive et durable de la pauvreté et de la faim est inconcevable sans une croissance des économies rurales et résume les preuves existantes en montrant le potentiel de la croissance agricole contre la pauvreté.

22. La réduction de la faim et de la pauvreté passe par l'amélioration des revenus des pauvres et par le renforcement de leurs moyens d'existence. Par conséquent, il convient d'encourager expressément la croissance des revenus des pauvres. La question qui se pose est la suivante: dans quelles conditions la croissance des revenus est-elle axée sur les besoins des pauvres? La réponse la plus évidente est que la croissance économique issue du développement agricole peut réduire la pauvreté à condition de ne pas se produire dans un contexte caractérisé par de fortes inégalités concernant la propriété des biens de production.

Tableau 1 L'importance du secteur agricole dans les pays en développement selon l'incidence de la sous-alimentation

 

Incidence de la sous-alimentation

Indicateur

1

2

3

4

5

 

<2,5%

2,5-4%

5-19%

20-34%

> 35 %

 

Année

Année

Année

Année

Année

 

90/93

95/98

90/93

95/98

90/93

95/98

90/93

95/98

90/93

95/98

Part de l'agriculture dans le PIB (%)

10,9

9,7

11,6

12,7

16,4

18,2

23,1

22,3

31,6

21,0

Exportations agricoles en pourcentage des exportations totales (%)

10,7

9,0

11,2

8,7

11,7

10,7

18,2

15,0

42,2

43,5

Population rurale en pourcentage de la population totale (%)

31,8

27,3

52,0

51,6

63,5

59,9

72,8

71,2

74,8

75,8

Source: Banque mondiale: Indicateurs du développement dans le monde et calculs de la FAO

23. Les ménages ruraux tirent leurs revenus de l'agriculture ou d'emplois non agricole. Le revenu agricole est issu de la production de subsistance, de la vente des produits agricoles ou d'emplois dans l'agriculture. Le secteur rural non agricole fournit des biens et services liés à l'agriculture, tels que la préparation des intrants, la réparation des machines et des outils, la transformation, le transport et la commercialisation des produits. Les revenus tirés des activités agricoles créent une demande pour la production des petites entreprises rurales. Il faut très peu de spécialisation pour créer une telle entreprise ou y travailler; elles sont donc à la portée des pauvres. La croissance initiale de la production agricole, induite par la productivité, aura un effet multiplicateur sur les économies non agricoles, en augmentant les revenus de ceux qui y travaillent. Il s'ensuit aussi un accroissement des revenus des personnes pratiquant directement l'agriculture.

24. Cependant, ce processus ne peut fonctionner en présence d'inégalités marquées de l'accès aux avoirs productifs agricoles et autres, en particulier à la terre. Les grandes exploitations à forte intensité de capital utilisent généralement des intrants importés de l'étranger ou des grandes agglomérations et les revenus sont souvent réinvestis en dehors de la zone où se trouve l'exploitation; l'interaction avec l'économies locale est donc limitée. Les petites exploitations sont beaucoup mieux intégrées dans les marchés locaux même si, tout compte fait, elles constituent d'importants fournisseurs de biens d'exportation.3

Encadré 2

Importance de la croissance agricole et rurale pour la réduction de la pauvreté

Les ouvrages récents ont examiné le rôle de l'agriculture dans la réduction de la pauvreté. Certaines de leurs conclusions sont résumées ci-après.

  • La croissance du secteur primaire et tertiaire réduit la pauvreté alors que la croissance du secteur secondaire n'a aucune incidence significative sur la pauvreté.
  • La croissance dans les zones rurales réduit la pauvreté dans les campagnes et dans les villes alors que la croissance urbaine ne réduit la pauvreté que dans les villes.
  • La croissance de la production des petites exploitations agricoles réduit le nombre de personnes vivant dans la pauvreté et en atténue les effets: il est possible d'accroître la consommation des couches les plus pauvres.
  • Dans les pays où les inégalités de revenu sont réduites, l'augmentation dela productivité de la main-d'œuvre dans le secteur agricole joue un rôle largement plus important que dans les autres secteurs pour la production d'augmentations de revenu.
  • En Afrique subsaharienne, la croissance soutenue des revenus ruraux, lorsqu'elle est largement répartie entre les ménages, permet de dégager une croissance supplémentaire importante.

VERS UNE STRATÉGIE À DEUX VOIES

25. La discussion ci dessus montre que la réduction massive et durable de la pauvreté suppose (a) de s'attaquer directement à la faim pour accroître la productivité et le potentiel productif de ceux qui en souffrent, et leur permettre de saisir les chances offertes par le développement et (b) de stimuler l'agriculture et le développement rural, tous deux essentiels, tant pour favoriser la croissance économique que pour obtenir des améliorations durables sur le front de la pauvreté. Le handicap de productivité causé par la faim doit être traité directement pour faire en sorte que le développement rural suive son cours normal. Les personnes qui souffrent de la faim absolue doivent avoir assez à manger pour recevoir leur part des bénéfices de l'agriculture et de la croissance rurale. Le cercle vicieux de la sous-alimentation, cause de faible productivité et de faible croissance perpétue le sous-développement et la faim. Il faut faciliter l'accès à la nourriture pour les gens qui ont faim, ce qui exige une aide directe. Le cercle vicieux doit être rompu. En même temps, la concentration de la pauvreté dans les zones rurales laisse présumer que la croissance du secteur agricole et le développement rural global sont essentiels pour sortir durablement de la pauvreté.

26. Créer une synergie entre les mesures agissant directement sur le problème de la faim et les mesures destinées à stimuler l'agriculture et le secteur rural est essentiel à la stratégie à deux voies proposée ici. Les deux voies sont complémentaires: Ceux qui souffrent de la faim doivent avoir un meilleur accès à une nourriture adéquate pour espérer participer au développement. En même temps, l'augmentation de la productivité agricole et de la production en général entraînera l'expansion de l'activité économique rurale et créera des emplois dans le secteur agricole et rural non agricole. La "synergie maximale" se produit lorsque les filets de sécurité et les programmes d'aide alimentaire sont couverts par la production locale. Fournir, chaque fois que possible, des filets de sécurité au moyen de denrées produites localement donnera un élan à la création de débouchés, développera la production et l'emploi agricoles tout en fournissant de la nourriture à ceux qui en ont besoin.

27. En général, le développement agricole prévoyant la participation des petits agriculteurs, associé à des politiques de renforcement de l'accès des pauvres à la nourriture offre les meilleures chances de réduire rapidement la pauvreté et la malnutrition massives. Telle est la stratégie préconisée dans le présent document, et les aspects liés à la mobilisation des ressources en sont discutés de manière détaillée dans les paragraphes suivants.

Mise en oeuvre de mesures d'aide directe

28. On possède désormais des preuves importantes des avantages socio-économiques des interventions précoces de santé et de nutrition. La leçon est que les interventions nutritionnelles ciblées constituent un moyen efficace et économique d'investir dans la réduction de la souffrance humaine, en accroissant la productivité et en générant des rendements économiques.

29. Les problèmes de nutrition revêtent de multiples aspects; tout programme nutritionnel doit donc, pour réussir, reposer sur une combinaison d'interventions. Le dosage des interventions dépendra de la nature des problèmes, des ressources disponibles et du contexte social, qui doivent être pris en compte lors de la conception et de l'évaluation des programmes. Les processus participatifs sont les plus efficaces pour déterminer la combinaison d'interventions la mieux adaptée.

30. Il est possible d'améliorer la nutrition sans dépenses excessives. Les interventions nutritionnelles directes conçues pour s'attaquer au problème de la malnutrition et des carences en micronutriments sont efficaces et relativement bon marché par rapport aux résultats obtenus. Mais elles doivent être combinées à d'autres types d'interventions: la promotion de l'allaitement maternel, les services de nutrition prénatale, la communication et l'éducation nutritionnelle, les services de santé, et la complémentation en micronutriments.

31. La rentabilité des programmes nutritionnels est largement reconnue. Une étude de la Banque mondiale datant de 1993 a constaté que les interventions nutritionnelles occupent un rang élevé parmi les mesures de développement liées à la santé. Des études récentes en Asie ont montré que les "interventions en matière de nutrition ... ont des ratios coûts-avantages élevés et un faible coût par mort évitée" (Horton, 1999).

32. L'aide alimentaire est l'un des moyens permettant de fournir une aide nutritionnelle aux personnes affamées et nécessiteuses. L'aide alimentaire fournie dans le cadre de projets sous forme d'alimentation scolaire, d'alimentation d'appoint et de vivres contre travail est déterminante pour répondre aux besoins des gens qui vivent dans des zones marginales, délaissées par d'autres processus de développement. C'est un mécanisme qui permet aux agriculteurs d'investir dans leur sécurité alimentaire à long terme.

33. Les études commandées par le PAM ont examiné les avantages, aux fins du développement, de l'aide alimentaire dans les projets. Elles confirment que son impact est souvent encore plus bénéfique à long terme que ses effets nutritionnels immédiats.

34. Il a été constaté que l'alimentation scolaire génère d'importants avantages à long terme: elle attire davantage d'enfants dans les écoles et les rends plus aptes à la concentration, élevant ainsi leurs performances scolaires et, à terme, leurs chances d'être mieux rémunérés. Les principaux avantages des programmes d'alimentation scolaire sont constatés au plan de la scolarisation, de l'assiduité et des performances. L'alimentation d'appoint a un impact physique et mental positif sur les femmes et les enfants et améliore leurs chances de vivre en bonne santé et d'être productifs. Ces interventions d'aide alimentaire se sont avérées efficaces pour doter les ménages des ressources nécessaires à la satisfaction de leurs besoins fondamentaux, leur permettre de conserver leurs actifs et, dans certains cas, d'en acquérir de nouveaux, en réduisant ainsi les risques et la vulnérabilité. Toutefois, les flux d'aide alimentaire continuent d'être limités par rapport aux besoins et les interventions nutritionnelles manquent souvent de ressources nécessaires pour atteindre efficacement la population marginalisée et les plus pauvres.

TENDANCES DE LA MOBILISATION DES RESSOURCES POUR LA REDUCTION DE LA FAIM, L'AGRICULTURE ET LE DEVELOPPEMENT RURAL

35. La section précédente montre l'importance d'une solution à deux voies pour réduire la faim et la pauvreté - combinant des mesures visant directement l'amélioration de l'état nutritionnel des plus nécessiteux et la croissance agricole et rurale afin d'enrayer ces deux fléaux

36. En dépit des preuves à l'appui des hypothèses sous-jacentes, les stratégies de sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté ont rarement adopté les solutions préconisées dans le présent document, pas plus qu'elles n'ont été prises en compte pour l'affectation des ressources. Cette constatation est généralement vraie au niveau national et international, comme le montrent clairement les tendances récentes des flux de ressources consacrés aux amélioration de la nutrition, de l'agriculture et du développement rural.

Tendances des ressources pour les programmes d'alimentation et de nutrition

37. Le coût d'une solution à deux voies combinant des mesures directes contre la faim et d'autres mesures, axées sur le développement, est difficile à chiffrer. Cependant, il ne fait aucun doute que son application dans les pays en développement exigera un degré de mobilisation des ressources et des capacités institutionnelles largement supérieur à celui d'aujourd'hui.

38. Probablement, 10 pour cent seulement des ressources requises sont actuellement consacrées aux programmes de nutrition. Une étude récente portant sur huit pays d'Asie4 - où vit 60 pour cent de la population du monde en développement - a déduit ce chiffre de données relatives aux dépenses et à la couverture des principaux programmes (BAD, 2001). De semblables lacunes de financement seraient probablement à constater aussi dans d'autres régions en développement bien que l'on ne possède aucune estimations précise sur la hauteur des dépenses actuelles.

39. Les données relatives aux flux d'aide alimentaire sont plus courantes. La Figure 3 illustre les tendances récentes de l'aide alimentaire céréalière et non céréalière à partir des données PAM/FAOSTAT. Les tendances de l'aide alimentaire sont fluctuantes et étroitement liées aux chocs et aux disponibilités à court terme, comme le montre le pic de la réaction à la crise asiatique de 1997-98. Toutefois, à part cette flambée, l'on a enregistré une chute alarmante des niveaux d'aide alimentaire dans les années 90. Le niveau en 2000 ne représentait que 56 pour cent du niveau de 1992, malgré des besoins croissants. La part de l'aide alimentaire pour les pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV) a également considérablement fluctué dans le temps. Dans les années 80, les PFRDV recevaient environ 90 pour cent de l'aide alimentaire totale, tandis que dans les années 90, leur part a varié entre 65 et 88 pour cent. L'aide alimentaire ne devrait représenter que 8 pour cent des besoins d'importation de ces pays. En conclusion, l'aide alimentaire est en train de chuter de façon dramatique pour les pays qui en ont le plus besoin.

TENDANCES DE LA MOBILISATION DES RESSOURCES POUR L'AGRICULTURE ET LE DÉVELOPPEMENT RURAL

Tendances de la formation du capital

40. Les ressources pour l'investissement dans le secteur rural peuvent être d'origine publique ou privée, extérieure ou intérieure. Les informations relatives aux investissement dans la production agricole primaire sont disponibles pour certains produits, mais il existe très peu d'informations fiables sur les niveaux d'investissement concernant les activités non agricoles.

Figure 3: Flux totaux d'aide alimentaire céréalière et non céréalière vers les pays en développement par région, 1980-2000 (en millions de tonnes)

Source: données PAM/FAOSTAT

41. Les tendances de l'investissement et de la formation du capital dans le secteur agricole sont indiquées pour les pays en développement regroupés en catégories, selon le taux d'incidence de la sous-alimentation5. Le but est de démontrer les difficultés auxquelles sont confrontés les pays pauvres pour la mobilisation de capital destiné au développement agricole. Les données concernant la capitalisation par travailleur agricole (Figure 4) montrent qu'entre 1975 et 1999, les pays qui ont réussi à faire baisser l'incidence de la faim ont investi considérablement plus dans l'agriculture que ceux où la sous-alimentation demeure généralisée. Il est inquiétant que la formation du capital par travailleur agricole soit restée stagnante ou ait baissé dans les pays où plus de 20 pour cent de la population est sous-alimentée (catégories 4 et 5) et où l'agriculture est essentielle à la réduction de la pauvreté et à la sécurité alimentaire.

Figure 4: Capitalisation par travailleur agricole selon la catégorie d'incidence de la sous-alimentation

Dépenses publiques pour l'agriculture

42. La plupart des capitaux investis dans le secteur agricole viennent du secteur privé, en particulier des agriculteurs eux-mêmes. Cependant, les investissements publics pour l'agriculture sont un élément essentiel pour attirer l'investissement privé. L'investissement national pour l'irrigation, la recherche et les infrastructure rurales, la création et la dissémination de la technologie, la conservation des ressources naturelles ainsi que la fixation de normes et le suivi est nécessaire pour accroître la productivité, réduire les coûts de transaction et améliorer la compétitivité de l'agriculture dans les pays en développement.

43. La difficulté à mobiliser des ressources publiques pour le développement agricole dans les pays où sévit la sous-alimentation est illustrée par la relation entre le montant des dépenses gouvernementales pour l'agriculture et la taille de la force de travail agricole. Bien que les données soient incomplètes, des schémas clairs apparaissent. Dans les pays où plus de 35 pour cent des gens sont sous-alimentés, les dépenses publiques par travailleur agricole atteignent en moyenne 14 dollars E.-U., ce qui est 50 fois moins que les 880 dollars E.-U. des pays où les taux de sous-alimentation sont les plus bas (Figure 5)6.

44. La mesure dans laquelle les dépenses gouvernementales pour l'agriculture traduisent l'importance du secteur dans l'économie est montrée au moyen d'un "indice d'orientation agricole" dans lequel la part de l'investissement public pour le secteur agricole est divisée par la part de l'agriculture dans le PIB. Plus l'indice est élevé, plus les dépenses en faveur de l'agriculture correspondent à la part de l'agriculture dans le PIB.7 La Figure 6 indique la valeur de l'indice pour les catégories de pays regroupés selon l'incidence de la sous-alimentation.

45. Les pays à très faible incidence de sous-alimentation - Catégorie 1 - sont ceux qui privilégient le plus l'agriculture, avec une augmentation décisive en 1993. Pour les pays de la catégorie 5, l'indice d'orientation agricole est faible et ne donne aucun signe d'amélioration avec le temps.

46. L'analyse des tendances des dépenses gouvernementales pour l'agriculture peut expliquer en partie les tendances de la formation du capital évoquées ci-dessus. Les investissements publics et privés dans le secteur agricole sont complémentaires. L'investissement public pour les biens collectifs essentiels doit être intensifié afin de créer les conditions et les incitations susceptibles d'attirer les investisseurs privés, sous peine de perpétuer le sous-investissement.

Figure 5: Dépenses publiques par travailleur agricole

Source: Calculs de la FAO à partir de données du FMI

47. L'insuffisance des dépenses gouvernementales et la faible formation de capital brut compromettent gravement la productivité agricole dans les pays où la pauvreté et la sous-alimentation sont répandues. Les chiffres de productivité pour les différentes catégories reflètent les différences du taux de capitalisation de l'agriculture (Figure 7). La faiblesse de la capitalisation par travailleur agricole est reflété par la faible valeur ajoutée par travailleur agricole (qui est une des mesures de la productivité du travail). Un écart apparaît nettement entre les catégories de pays à forte ou à faible incidence de sous-alimentation. Entre 1990 et 1999, la valeur ajoutée par travailleur dans les pays ayant la plus faible incidence de sous-alimentation était d'environ 20 fois celui de la catégorie à plus forte incidence. Ce taux dépasse de loin le ratio de capitalisation des deux groupes montrés à la Figure 4, laissant supposer que d'autres facteurs influent aussi sur la productivité. Tandis que la différence peut refléter une utilisation plus importante d'intrants variables dans la production agricole dans les pays plus "nantis", elle peut aussi traduire des variations l'incidence de la faim. La sous-alimentation elle-même rend la main d'oeuvre moins productive, faisant baisser l'efficacité globale de l'investissement en capital.

Flux financiers extérieurs

48. Les ressources financières extérieures sont extrêmement importantes pour la promotion du développement économique et social, et le renforcement de la sécurité alimentaire, surtout dans les pays à faible revenu, disposant de systèmes financiers fragiles et d'une épargne intérieure limitée.

49. Le flux de l'investissement étranger direct (IED) est négligeable dans la plupart des pays à faible revenu et à déficit vivrier et des pays les moins avancés. Les nations les plus pauvres sont dépourvues de toute capacité de drainage de l'IED du fait des risques et des coûts de transaction élevés qui accompagnent des marchés financiers peu développés, un capital humain limité, d'une information insuffisante pour les investisseurs potentiels, et un faible niveau d'infrastructure etde services.

Figure 6: Indice d'orientation agricole (1990-1998)8 par catégorie d'incidence

de la sous-alimentation

50. Le flux net de capitaux privés des pays du Comité d'aide au développement (CAD) en faveur des pays en développement et des organisations multilatérales a augmenté, passant de 25,6 milliards de dollars E.-U. en 1984-85 à 115,1 milliards en 1999, malgré un nouveau recul à 74,5 milliards en 2000. Il s'agit là d'une évolution importante, mais les apports privés se sont concentrés dans un petit nombre de pays nouvellement industrialisés.

Figure 7: Valeur ajoutée agricole par travailleur agricole selon l'incidence de la sous-alimentation

Source : Indicateurs du développement dans le monde de la Banque mondiale et calculs de la FAO

51. Les engagements des principaux donateurs bilatéraux et multilatéraux au titre de l'aide publique au développement (APD) pour l'agriculture au sens large, qui avaient atteint 16484 millions de dollars E.-U. en 1988, ne représentaient plus que 9078 millions de dollars E.-U. en 1999 (aux prix de 1995). La réduction de l'APD pour l'agriculture au sens strict du terme a été encore plus nette, celle-ci étant passée de près de 11736 millions de dollars E.-U. en 1988 à 4487 millions environ en 1999 (Figure 8)9. Concernant les principaux secteurs d'activité de l'agriculture, il y a eu un net fléchissement de l'APD en faveur des services agricoles, de la production végétale et des forêts, tandis que la part de l'aide destinée à la protection de l'environnement, à la recherche, à la formation et à la vulgarisation a augmenté. En 1999, le pourcentage de l'APD consacrée à des projets de mise en valeur des terres et des eaux est retombé aux niveaux observés en 1990 (13 pour cent du total), après la forte augmentation (jusqu'à 23 pour cent) enregistrée au milieu des années 90.

52. Pour ce qui est du financement officiel du développement, la proportion des aides financières engagées avec des conditions de faveur a diminué, passant de 77 pour cent en 1988 à 65 pour cent en 1998. Les dons représentaient 28 pour cent des engagements totaux en 1998, étant restés relativement stables au cours de la décennie.

53. Les prêts de la Banque mondiale en faveur de l'agriculture ont fléchi, passant de 3,66 milliards de dollars E.-U. en 1990 à 1,34 milliard en 2000. Les prêts à l'agriculture représentaient 18 pour cent des prêts de la Banque mondiale en 1990, mais à peine 9 pour cent environ en 2000. À l'exception de ceux du FIDA, tous destinés à l'agriculture, la contraction du total des prêts des IFI à l'agriculture a été très nette dans les années 90, aussi bien en termes absolus et par prêteur, qu'en pourcentage des prêts accordés (voir tableau 2)10.

54. Ces chiffres montrent que le rôle essentiel de l'agriculture ne se reflète nullement dans un flux comparable de ressources intérieures ou étrangères pour le développement du secteur. Il est urgent de rétablir l'équilibre si l'on veut que les ODM pour l'élimination de la pauvreté et de la faim puissent être atteints.

55. Il est difficile d'expliquer la contradiction apparente entre l'importance reconnue de l'agriculture et du développement rural d'une part, et le fléchissement des ressources qui leur sont consacrées, de l'autre. On peut indiquer, parmi les raisons possibles, a) l'abondance et le prix décroissant des produits alimentaires dans le monde, b) la forte capacité potentielle de réaction, attribuée à l'agriculture, face aux nouvelles possibilités technologiques, même en l'absence d'investissements importants, c) la complexité intrinsèque des projets agricoles et de développement rural, concernant notamment leurs incidences environnementales, d) l'idée courante, au sein des IFI, que les projets de développement agricole et rural comportent des risques et garantissent des taux de rendement inférieurs à ceux d'autres types de projets (malgré des preuves récentes du contraire).

Figure 8: Engagements d'APD en Faveur de l'Agriculture: en $ E.-U. de 1995

Source: Calculs de la FAO

Commerce agricole et libéralisation des échanges

56. Le commerce a un rôle important à jouer pour le renforcement de la sécurité alimentaire et la promotion de l'agriculture. Les bénéfices potentiels d'un commerce agricole plus libre pourraient représenter un accroissement annuel en termes de bien-être global de 160 milliards de dollars E.-U., réduisant ainsi le flux actuel de l'aide. Toutefois, les progrès effectivement réalisés jusqu'à présent dans les négociations en cours sont restés limités et les bénéfices modestes. Même avec une libéralisation plus poussée des échanges, les pays développés devraient se tailler la part du lion des avantages supplémentaires qui en dériveraient, surtout si les réformes se concentrent de manière trop spécifique sur la suppression des subventions de l'OCDE. Pour les pays en développement, les éléments importants sont autres: la suppression spécifique des obstacles au commerce de produits pour lesquels ils détiennent un avantage comparatif (sucre, fruits et légumes); la réduction ou l'annulation de la progressivité des droits de douane pour les produits tropicaux transformés (café, cacao); une nouvelle atténuation des facteurs qui font obstacle à l'agriculture dans leurs propres pays; un accès préférentiel accru et plus poussé pour les pays les moins avancés les plus pauvres; des frontières ouvertes aux investissements étrangers (IED) à long terme; et des programmes d'amélioration de la qualité et de la sécurité sanitaire des aliments qui permettent aux pays en développement d'avoir une meilleure capacité concurrentielle sur les marchés étrangers.

Tableau 2: Prêts à l'agriculture des principales institutions de financement

 

(prêts approuvés) (chiffres exprimés en millions de dollars E.-U. aux prix courants)

Année

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

TOTAL DES PRÊTS À L'AGRICULTURE (APPROUVÉS)

Banque mondiale /AID (Année fiscale)

3 656

3 707

3 894

3 267

3 868

2 576

2 063

3 541

2 637

2 763

1337

BafD/FAD
(Année civile)

683

854

502

592

106

14

105

228

238

458

228

BasD     "    "

1242

1035

753

361

486

897

802

1004

421

430

1051

BasD     "    "

319

570

735

77

210

552

580

156

122

100

311

FIDA     "    "

308

276

324

336

349

392

408

398

413

433

409

BERD    "    "

         

256

268

398

204

222

327

Total général*

6 208

6 442

6 208

4 633

5 019

4 431

3 958

5 327

3 831

4 184

3 336

AGRICULTURE EN POURCENTAGE DU TOTAL DES PRÊTS

WB/IDA

18%

16%

18%

14%

19%

12%

10%

19%

9%

10%

9%

BafD

21%

25%

17%

24%

7%

2%

13%

13%

14%

27%

9%

BasD

31%

21%

15%

7%

13%

16%

14%

11%

7%

9%

18%

BID

8%

11%

12%

1%

4%

7%

8%

3%

1%

1%

6%

BERD

         

7%

8%

16%

7%

10%

13%

Les prêts du FIDA sont destinés à 100% à l'agriculture
* BERD non comprise.
Source: Rapports annuels; N.B.: Pour l'exercice financier 98, la Banque mondiale a reclassifié les chiffres utilisés.

57. Avec de telles politiques complémentaires, un environnement commercial plus libre peut aussi jouer un rôle important dans la lutte contre la pauvreté et la sous-alimentation. Mais il est peu probable que la libéralisation des échanges à elle seule entraîne une réduction à grande échelle de la pauvreté, et ses éventuels bienfaits pourraient rester entre les mains d'un petit nombre. Une aide est nécessaire pour améliorer la réaction de l'offre dans les pays en développement. La seule réduction des subventions à l'exportation de la part des pays développés ou des obstacles au commerce , ne produira pas les investissements (en routes, irrigation, semences et capacités) nécessaires dans les pays en développement pour donner une impulsion à la production agricole et renforcer leur compétitivité sur les marchés internationaux. Elle ne portera pas non plus les normes de qualité au niveau voulu pour assurer une forte pénétration des marchés industrialisés. Et même là où les exportations augmentent et où les agriculteurs des pays en développement en bénéficient, des filets de sécurité pourraient être nécessaires pour ceux qui doivent faire face au renchérissement des denrées alimentaires.

MESURES A PRENDRE FACE AU FLECHISSEMENT DES RESSOURCES CONSACREES A LA LUTTE CONTRE LA FAIM ET LA PAUVRETE

Évaluer le déficit en ressources aux fins de la lutte contre la faim et du développement agricole

58. Quel est le montant exact des ressources à engager au total pour la nutrition, l'agriculture et le développement rural, notamment dans le monde en développement? S'il est difficile d'estimer les besoins actuels en ressources pour la lutte contre la pauvreté et la faim, il est toutefois utile d'essayer de se faire une idée de la mesure de l'effort nécessaire.

59. Les deux éléments de la stratégie proposée ne peuvent pas être considérés séparément en termes de mobilisation de ressources. Investir dans des mesures qui permettent d'améliorer l'accès à la nourriture des populations sous-alimentées et en situation de pauvreté extrême, rend les individus plus productifs, ce qui renforce en retour l'efficacité des investissements dans le secteur de l'agriculture. Une estimation distincte des deux éléments de la stratégie serait donc inévitablement imprécise.

60. Concernant les mesures directes contre la faim, une tentative d'estimation a récemment été faite dans l'étude sur l'Asie citée plus haut (BAsD, 2001). Les ressources totales nécessaires pour réduire de moitié la prévalence de la sous-alimentation infantile en l'espace de dix ans, pour les huit pays couverts par cette analyse (qui comptent à eux seuls près de 60 pour cent de la population du monde en développement), ont été estimées à environ 1,4 milliard de dollars E.-U. par an. Ces coûts correspondent à la mise en place au niveau de la collectivité, de programmes efficaces et de grande envergure à l'intention des enfants (à raison de 5 dollars E.-U. par enfant et par an). Ces mesures devraient être complétées par des programmes de lutte contre les carences en micronutriments, couvrant tous les groupes d'âge, et dont le coût unitaire tend à être nettement inférieur, autour de 0,5 dollar E.-U. par personne et par an, pour un coût additionnel total de 1,4 milliard de dollars E.-U. par an11.

61. L'extrapolation des estimations pour l'Asie à l'échelle de l'ensemble du monde en développement, estime un besoin total en ressources pour des programmes d'intervention dans le domaine de la nutrition, d'à peine plus de 5 milliards de dollars E.-U. par an12. Ce chiffre sous-estime probablement les besoins réels. Il est calculé sur la base de l'hypothèse la plus basse quant aux coûts de programmes de nutrition efficaces et de grande envergure, à l'échelle de la collectivité (5 dollars E.-U. par enfant et par an). Pour ces programmes, la limite supérieure est de 15 dollars E.-U. par personne. Dans cette dernière hypothèse, le montant global total des besoins s'élèverait alors à 15 milliards de dollars E.-U. par an.

62. La FAO estime à 180 milliards de dollars E.-U. par an, le montant des investissements agricoles bruts nécessaires dans les pays en développement pour atteindre l'objectif du Sommet mondial de réduction de moitié le nombre des populations sous-alimentées d'ici à 2015. Cela représente 57 milliards de dollars E.-U. de plus que ce qui serait investi, au vu des tendances historiques, si un effort délibéré n'était pas fait pour augmenter les investissements dans ce secteur. L'expérience indique que 75 pour cent de ce montant devra provenir du secteur privé, et notamment des agriculteurs.

63. Les fonds disponibles pour les biens collectifs mondiaux relatifs à l'agriculture et au développement rural, sont limités, et ce point devra être souligné à l'occasion de la Conférence internationale sur le financement du développement. Ces biens publics sont notamment les technologies pour la mise en valeur durable des terres, les ressources forestières et marines, la biodiversité agricole, la sécurité sanitaire des aliments, les maladies et les ravageurs transfrontières des animaux et des plantes, la destruction des stocks de pesticides périmés, et le contrôle et la prévision des incidences du changement climatique sur l'agriculture et les disponibilités alimentaires. Lorsque les biens collectifs ne sont accessibles ni à l'échelon national, ni au niveau individuel, les moyens de subsistance des populations pauvres s'en ressentent profondément. Le financement des biens collectifs par des dons des institutions internationales responsables de l'agriculture et du développement rural, doit être à la mesure de l'importance grandissante de cette catégorie de biens, sans toutefois que cela soit au détriment des flux d'APD.

64. Il est particulièrement inquiétant, alors même que des études indiquent la rentabilité élevée des dépenses consacrées à la recherche agricole internationale, que le financement du système GCRAI et de la recherche technologique ait été en diminution constante au cours des dix dernières années, et que les centres du GCRAI connaissent des difficultés financières grandissantes. Le manque de fonds pourrait bien entendu entraîner un affaiblissement de la capacité de ces centres d'effectuer des recherches et de diffuser les connaissances requises pour augmenter la production agricole dans les pays en développement et libérer les populations de la faim et de la pauvreté, là où la technologie nécessaire mise au point produit généralement peu de bénéfices susceptibles d'être saisis au niveau individuel et présente donc un intérêt limité pour le secteur privé.

Combler le déficit en ressources: politiques et mobilisation de ressources à l'échelon national

65. Les secteurs privé et public ont l'un et l'autre un rôle important à jouer dans la lutte contre la pauvreté et la faim. Ces rôles sont complémentaires, bien que chaque secteur puisse en tirer des avantages dans différents domaines.

66. Le secteur public a une fonction catalytique, en fournissant les biens publics sans lesquels les initiatives privées ne pourraient pas se développer. Les ressources pour l'agriculture et le développement rural seront toutefois mobilisées pour l'essentiel par le secteur privé.

67. L'existence d'un cadre politique est fondamentale pour promouvoir un climat propice aux investissements dans l'agriculture. Au cours de deux dernières décennies, les gouvernements se sont attaqués aux biais anti-agricoles qui existaient en adoptant des politiques visant à déréglementer les marchés agricoles, à réduire les distorsions des prix et à favoriser l'activité économique privée. Ces mesures ne sont toutefois pas toujours suffisantes pour attirer les investissements nécessaires pour un accroissement soutenu de la productivité et de la production. Il est aujourd'hui largement admis qu'un rôle plus actif du secteur public dans la fourniture de biens collectifs constitue un élément essentiel d'un environnement propice au développement agricole et rural.

68. Les investissements publics sont indispensables pour l'agriculture et le développement rural, surtout dans les domaines suivants: recherche et vulgarisation agricoles; éducation; infrastructure et services; mesures d'incitation et réglementation pour une gestion durable des eaux et des ressources naturelles; programmes sociaux décentralisés en partenariat avec le secteur privé et la société civile; institutions commerciales; législation foncière; qualité des aliments et mesures visant à garantir la sécurité des produits alimentaires.

69. La nutrition est, tout comme l'éducation, un investissement à long terme. Il y a de fortes raisons pour lesquelles les gouvernements doivent investir dans la nutrition. Les investissements des pauvres au niveau de la nutrition seront trop faibles, et les préjugés sexistes pourraient se traduire par un sous-investissement dans la nutrition des jeunes femmes. La pauvreté est ainsi transmise de génération en génération. Dans les pays en développement, il est peu probable que les familles soient conscientes de l'importance des micronutriments et l'éducation nutritionnelle est donc à cet égard un bien public particulièrement rentable.

70. Malgré leur importance pour la croissance économique rurale et la réduction de la pauvreté, les activités rurales non agricoles sont souvent victimes d'un "vide institutionnel": elles ne relèvent d'aucun organe exécutif. Leur développement est donc limité par le manque de crédit, d'institutions commerciales et d'infrastructures adéquates.

71. Les organismes de microcrédit et autres institutions financières rurales sont en mesure de mobiliser des ressources importantes pour permettre aux populations pauvres d'améliorer leur productivité, grâce à l'octroi de prêts et à la mobilisation de l'épargne. Ils constituent un moyen établi et efficace d'acheminer l'aide extérieure en faveur du développement vers les pauvres. Les envois de fonds des émigrés représentent une partie importante de l'épargne et des investissements dans les zones rurales. Les institutions financières devraient être encouragées à canaliser ces envois vers des activités productives.

Combler le déficit en ressources: mécanismes possibles pour la mobilisation de ressources à l'échelon national

72. Le FIDA, la FAO et le PAM ont joint leurs efforts dans l'exploration de moyens innovateurs qui permettent d'accroître le volume des fonds disponibles pour le renforcement de la sécurité alimentaire et l'amélioration des moyens d'existence ruraux. Des progrès importants ont été faits avec la mise au point, en coopération avec le gouvernement italien et les pays à revenu moyen fortement endettés (Égypte, Équateur et Pérou), de programmes prévoyant l'annulation de la dette bilatérale contre l'engagement des emprunteurs de consacrer les ressources (en monnaie locale) qui auraient été utilisées pour amortir la dette, à des programmes de sécurité alimentaire et de développement rural régis par la demande. L'espoir est que d'autres pays donateurs suivent cet exemple.

73. L'un des aspects étonnants du processus de financement du développement est qu'aucune attention réelle n'est donnée à d'éventuels nouveaux mécanismes de financement, considérant leur importance potentielle pour le transfert de ressources entre pays développés et en développement, et donc la mesure dans laquelle ils pourraient compléter, voire remplacer, l'Aide publique au développement financée par les recettes fiscales générales des pays développés. Si l'appel à une augmentation sensible de l'APD est tout à fait le bienvenu, des mesures doivent néanmoins être prises pour garantir le respect des objectifs convenus. Des propositions doivent être faites pour assurer des arrangements plus souples et plus fiables pour la reconstitution des fonds surtout en ce qui concerne les prêts à des conditions de faveur accordés par les IFI. Il est important également que des recommandations crédibles soient formulées concernant le financement d'un flux accru de biens collectifs mondiaux - qui fait aujourd'hui cruellement défaut et se trouve en situation de concurrence vis-à-vis de l'APD -, nécessaire pour garantir la bonne marche des processus de mondialisation et la gestion durable des ressources de la planète.

74. Le fait que l'échange international de droits d'émission de carbone ait déjà commencé à atteindre des niveaux appréciables avant même la ratification du Protocole de Kyoto et la mise en place officielle du Mécanisme pour un développement propre (MDP), indique qu'il est probablement bien plus facile de lancer des mécanismes de transfert basés sur les forces du marché, que de parvenir à un accord sur les contributions mondiales. Une fois en régime de croisière, le MDP devrait produire des transferts annuels d'au moins 10 milliards de dollars E.-U., voire deux ou trois fois plus, ce qui le placera sur le même plan que l'APD en termes de volume (50 milliards de dollars E.-U. par an), mais avec des avantages comparatifs liés à de faibles coûts de transaction, à un degré d'automaticité élevé, à la non-remboursabilité et au soutien apporté aux stratégies les moins coûteuses pour réduire le réchauffement de la planète. Le MDP peut être considéré à la fois comme un mécanisme axé sur le marché pour l'obtention d'un bien collectif mondial important (un taux de changement climatique réduit) au coût mondial le moins élevé, et comme un canal pour le déplacement de grandes quantités de ressources entre pays riches et pays pauvres à leur avantage mutuel. Le FIDA, la FAO et le PAM accordent un grand intérêt au MDP et à d'autres mécanismes qui pourraient s'en inspirer, du fait de leur impact potentiel sur les moyens de subsistance des populations rurales pauvres et affamées.

75. Un mécanisme important pour la mobilisation de ressources destinées à la réduction de la pauvreté, est l'Initiative d'aide aux pays pauvres très endettés (PPTE). Celle-ci prévoit l'établissement de Cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP) par les pays participants, ces derniers devant établir la preuve des progrès réalisés dans la mise en œuvre de ces stratégies pour avoir droit à un allégement du service de la dette. Selon les indications, l'Initiative PPTE aurait réellement aidé les gouvernements à mobiliser des ressources pour des mesures antipauvreté, mais nos institutions ont noté que les CSLP ont souvent accordé une attention insuffisante à la sécurité alimentaire, à l'agriculture et au secteur rural. Étant donné l'importance du secteur agricole et rural pour la réduction de la pauvreté dans la plupart de ces pays, il s'agit là d'une distorsion à corriger pour une plus grande efficacité de l'Initiative en matière de réduction de la pauvreté.

CONCLUSIONS

76. La société mondiale est tout à fait en mesure d'éradiquer la pauvreté et la faim à brève échéance. Il faut pour cela la volonté politique, en procédant d'une manière directe et sans détours. Tel est le message principal de nos Organisations, celui qui sera porté à l'attention du monde à l'occasion de la Conférence internationale sur le financement du développement.

77. La croissance économique, et notamment celle de l'agriculture et de l'économie rurale, est une condition nécessaire pour une réduction durable de la pauvreté et de la faim. Des mesures prioritaires doivent néanmoins être prises pour s'attaquer directement au problème de la faim. La faim n'est pas seulement un effet de la pauvreté, elle en est aussi la cause. De nombreux éléments prouvent que la lutte contre la faim est un investissement à haut rendement en termes de croissance et de bien-être général, et qu'il ne s'agit pas seulement d'un impératif moral ou d'un acte de compassion humaine. Nous en savons aujourd'hui beaucoup sur ce qui est efficace dans la lutte contre la faim et l'insécurité alimentaire.

78. Il est très encourageant que le groupe des grands donateurs du CAD ait reconnu la nécessité d'inclure explicitement la faim parmi ses objectifs de développement prioritaires, comme il ressort de la Déclaration du Millénaire. La mention spécifique de la sécurité alimentaire, de la faim et de l'importance de l'agriculture dans le communiqué de la réunion du G8 qui s'est tenue à Gênes en 2001, est également le signe d'une sensibilité politique accrue à l'égard de ces questions importantes. Le Sommet mondial de l'alimentation qui se tiendra à Rome en 2002 sera pour la communauté internationale l'occasion de réaffirmer son engagement à la Déclaration de Rome et au Plan d'action de 1996.

79. Face à la nécessité de réduire la pauvreté d'une manière appréciable et durable, il est nécessaire que des mesures concrètes soient prises pour promouvoir l'agriculture et le développement rural. Les trois quarts des pauvres vivent en milieu rural et tirent leurs moyens de subsistance de l'agriculture ou d'activités rurales dont la survie est liée au secteur agricole. Le développement agricole et rural est donc essentiel pour la croissance économique globale et pour la réduction de la pauvreté dans la plupart des pays en développement.

80. Les populations et les gouvernements des pays concernés sont les responsables au premier chef de la réalisation des objectifs de réduction de la faim et de la pauvreté. Or, les pays en situation de pauvreté et de malnutrition extrêmes et généralisées, n'ont pas la capacité de mobiliser au niveau national les ressources nécessaires pour venir directement en aide aux nécessiteux et pour promouvoir la croissance dans les secteurs productifs. Ces pays ne sont pas en mesure d'aller de l'avant dans la lutte contre la faim et la pauvreté sans un flux soutenu de ressources extérieures.

81. Le financement national et international pour l'éradication de la faim et le développement agricole et rural, doit être suffisant pour répondre aux besoins. Il doit être offert à des conditions abordables, qui ne contribuent pas à aggraver l'endettement des pays en développement. Nos Organisations jugent inquiétante la baisse tendancielle des ressources qui sont consacrées globalement à la réduction de la faim et au développement agricole et rural. La FAO, le FIDA et le PAM soulignent la nécessité de fonds assortis de conditions de faveur et de dons qui soient à la mesure de la situation dans les pays bénéficiaires, comme cela a été noté dans l'examen de la coopération internationale qui est actuellement préparé en vue de la Conférence internationale sur le financement du développement.

82. Il convient d'étudier et d'adopter, aux fins de la mobilisation de ressources, des mécanismes innovateurs et axés sur le marché. Certains d'entre eux ont été examinés dans le présent document; d'autres pourront être mis au point à la suite de la Conférence internationale sur le financement du développement.

83. Les pays développés, avec le soutien des institutions commerciales internationales, ont la possibilité de montrer leur volonté d'apporter une contribution importante à l'éradication de la faim et de la pauvreté rurale. Ils peuvent ouvrir leurs marchés, notamment aux exportations agricoles des pays en développement, réduire les subventions à la production agricole, partager la technologie et aider les pays en développement à tirer parti de l'élargissement des marchés internationaux. Il ne s'agit pas d'une aide qui irait à l'encontre du commerce, mais d'une aide susceptible de favoriser l'expansion des marchés.

84. Les organisations de la société civile, notamment les ONG internationales et nationales qui œuvrent dans les pays en développement, doivent s'engager avec une vigueur redoublée à résoudre les problèmes de la faim et de la pauvreté rurale. Elles ont un rôle important à jouer dans la mobilisation des ressources, la fourniture de services techniques et la défense des intérêts. Elles pourraient assumer la responsabilité du contrôle des résultats par rapport aux engagements réaffirmés, en mesurant les réalisations sur la base de grilles d'évaluation.

85. La Conférence internationale sur le financement du développement offre une occasion unique de bâtir un partenariat mondial entre tous ceux qui participent à l'effort mis en œuvre pour atteindre les objectifs convenus au niveau international concernant la pauvreté, la faim et le développement. Un tel partenariat offrirait une garantie du respect des contributions annoncées et de la réalisation des objectifs fixés. Il permettrait à la communauté mondiale de promouvoir un processus de mondialisation qui assure un partage des bénéfices plus équitable que par le passé, et qui intègre au lieu d'exclure. Une telle occasion ne devrait pas être manquée.


1 Légende: Total p. en dev. : total pour les pays en développement ; ASS: Afrique subsaharienne; POAN: Proche-Orient et Afrique du Nord; ALC: Amérique latine et Caraïbes; Asie S.: Asie du Sud; AES: Asie de l'Est et du Sud-Est.

2 Les cinq catégories de pays du tableau correspondent à la proportion estimative de la population sous-alimentée. La Catégorie 1 comprend les pays dont moins de 2,5 pour cent de la population est sous-alimentée, la Catégorie 2 comprend les pays dont la part se situe entre 2,5 et 4 pour cent, et ainsi de suite.

3 L'argument peut être généralisé lorsque la répartition interne des revenus et de l'accès aux actifs est faussée.

4 Chine, Inde, Philippines, Bangladesh, Pakistan, Viet Nam, Sri Lanka et Cambodge.

5 Voir note en bas de page 1.

6 La Catégorie 2 est omise pour un manque de données suffisantes.

7 A noter que que le ratio d' "orientation" est valable pour des comparaisons entre pays ou groupes de pays et ne donne pas d'indication quant au traitement réservé à l'agriculture par rapport à d'autres secteurs d'un même pays. Les affectations budgétaires ne vont pas toutes à des branches d'activité fonctionnelles.

8 La catégorie 2 est omise pour insuffisance de données.

9 Au sens strict du terme, l'agriculture englobe les secteurs suivants: terres et eaux; recherche; formation et vulgarisation; fourniture de facteurs de production; services agricoles; production végétale; production animale; pêches; forêts; et autres. Au sens large, elle comprend tous les secteurs ci-dessus, plus les suivants: recherche; formation et vulgarisation; fabrication d'intrants; protection de l'environnement; industries agroalimentaires; développement rural et infrastructures; développement régional et aménagement fluvial.

10 Le fléchissement du montant total des prêts serait plus important si les prêts de la Banque Mondiale aux pays en transition avaient été exclus.

11 Il faut noter que si dans le premier cas il s'agit d'un chiffre par enfant, le coût des programmes de lutte contre les carences en micro-nutriments se rapporte en revanche à l'ensemble de la population.

12 Ce chiffre ne donne bien entendu qu'un ordre de grandeur du type d'effort qui pourrait être nécessaire. Pour obtenir des estimations plus précises, il faudra effectuer un calcul plus approfondi qui tienne compte des conditions locales des différentes régions, de la prévalence des divers problèmes de nutrition, des capacités et de l'infrastructure existantes, et autres facteurs pertinents.

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