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«L'approvisionnement et la distribution alimentaires des villes de l'Afrique francophone»
Synthèse des communications et des débats



Laurence Wilhelm
Spécialiste de la commercialisation des produits agricoles Consultante FAO, France




  Approvisionner les villes est un défi de taille car on estime que la population des villes du monde doublera entre 1990 et 2010. Cette croissance sans précédent appelle des investissements massifs dans la distribution des produits alimentaires, leur stockage et pour faciliter leur commercialisation. Elle demande aussi des programmes sociaux spécifiques pour permettre aux consommateurs urbains les plus démunis un accès plus direct aux aliments.
  Jacques Diouf
Directeur-Général de la FAO
Journée mondiale de l'alimentation
16 octobre 1997

Le texte de chaque communication peut être obtenu gratuitement du site Web:

http://www.fao.org/waicent/faoinfo/agricult/ags/agsm/sada/sada.htm

1

Le contexte actuel:
l'environnement des SADA des villes en Afrique

1.1
L'urbanisation et la situation alimentaire

Tenir un séminaire sur l'approvisionnement des villes en Afrique en cette fin de siècle demande de s'interroger au préalable sur l'évolution de ces dernières années. Alors que la crise aiguë des années 1980 justifiait de mettre au premier plan des préoccupations la question de la dépendance alimentaire, aujourd'hui, avec le recul, on constate que durant ces trente dernières années, l'offre alimentaire a répondu à la demande des marchés urbains, mais avec un décalage dans le temps. On peut analyser le déficit constaté comme un retard de l'offre sur une demande urbaine en mutation rapide tant sur le plan quantitatif que qualitatif (S. Snrech)1.

Il faut d'ailleurs souligner que ce retard dans l'approvisionnement urbain n'a rien d'exceptionnel en phase de forte urbanisation2 et, en Afrique subsaharienne, le déficit constaté doit être davantage mis en rapport avec le niveau de revenu qu'avec le niveau d'urbanisation, comme le soulignaient déjà certaines études en 1988 (cf. Colloque «Nourrir les villes»).

Si globalement on constate que la situation alimentaire des pays de la sous-région s'est améliorée, il reste que «la qualité nutritionnelle de la consommation est insuffisante; l'accès à l'alimentation n'est pas toujours assuré pour les plus défavorisés, même lors-qu'elle est physiquement disponible; la situation sociale des groupes les plus faibles risque de se dégrader à l'avenir» (S. Snrech).

Comment améliorer la consommation des citadins en quantité, régularité, qualité et prix, et comment, dans un juste retour des choses, cette amélioration se traduira-t-elle par une meilleure rémunération de l'effort paysan? Tel est l'enjeu de l'approvisionnement et de la distribution alimentaires des villes en Afrique, tel est par conséquent l'enjeu de l'arbitrage public.

1.2
Des sociétés urbaines à un tournant

A bien des égards, la situation actuelle des sociétés urbaines est à un moment charnière:

Telle est la toile de fond sur laquelle s'inscrit la réflexion concernant l'approvisionnement des villes de demain en Afrique.

2

Le consommateur urbain et les SADA

Quelles sont les variables pertinentes pour la connaissance du consommateur urbain? Mais peuton parler du ou d'un consommateur urbain? L'urbanité a-t-elle produit un consommateur «nouveau»? Distingue-t-on, au-delà de la diversité des situations, certaines tendances majeures caractérisant l'évolution des modes de consommation en milieu urbain en Afrique subsaharienne aujourd'hui? Comment ces évolutions se traduisent-elles sur les SADA? Voilà quelques-unes des interrogations qui ont été soulevées.

La communication d'l. Dia introduit la problématique: «La demande urbaine étant un facteur déterminant des comportements des différents acteurs de l'approvisionnement et de la distribution alimentaires et, par conséquent, de la dynamique de l'offre, dès lors la connaissance du consommateur urbain est un élément clé de toute stratégie de développement des SADA».

L'enjeu est double:

2.1
La diversité des modèles de consommation en milieu urbain

L'approche conceptuelle des consommateurs urbains a été profondément renouvelée: tout en intégrant les variables classiques économiques (revenus, dépenses) et nutritionnelles, elle fait une large place aujourd'hui aux paramètres socioculturels et met en évidence l'importance de l'analyse des comportements d'achats, des modes de gestion de l'alimentation au sein du ménage, des modes d'approvisionnement en milieu urbain, de la part respective de l'alimentation familiale versus extrafamiliale, etc. Cette approche des styles alimentaires permet de cerner au plus près la diversité des modèles de consommation. On constate que plusieurs modèles socioculturels de consommation coexistent en ville:

Comme le souligne M. Padilla, la population urbaine n'est pas segmentée entre ces différents modèles. Chacun des individus les incorpore et les active tour à tour selon les moments de la journée ou de la semaine. Il n'existe donc pas un consommateur mais des consommateurs urbains. L'évolution en cours, selon I.Dia, est celle d'un compromis entre le modèle de consommation individuelle et la préparation domestique collective, la structure sociale et le revenu faisant pencher la balance d'un côté ou de l'autre.

2.2
La pauvreté et l'accès à l'alimentation en ville

La pauvreté urbaine est indéniable, tangible, multidimensionnelle mais l'évaluation quantitative en est difficile. Si l'auto-approvisionnement (production, échanges famililaux) pour certains produits existe toujours en milieu urbain, il ne concerne qu'une part mineure de la consommation des ménages. C'est l'achat qui est la forme déterminante de l'approvisionnement. L'accès monétaire constitue alors le principal obstacle à la sécurité alimentaire pour des ménages qui consacrent les deux tiers, voire plus, de leurs revenus à l'alimentation. L'aggravation des conditions de vie touche toutes les catégories sociales en milieu urbain. Peut-on identifier des groupes à risque? Cinq types de ménages seraient, d'après les auteurs, particulièrement vulnérables: les néo-urbains d'origine rurale qui ont des problèmes d'intégration dans un milieu nouveau, les femmes seules avec enfants à charge, les petits fontionnaires qui ont vu leur salaire différé du fait des difficultés de trésorerie de l'Etat, les ménages qui vivent de petites activités informelles, les handicapés, les malades et les personnes âgées sans soutien familial. Il est difficile de les quantifier, de les localiser, de les cibler dans des actions de lutte contre la pauvreté urbaine. Les auteurs mettent en évidence les stratégies d'adaptation des ménages pour préserver leur niveau de vie et, en particulier, leur niveau de consommation: elles sont multiples; elles touchent directement à la consommation par la diminution du nombre de repas journaliers, la substitution entre produits, souvent au détriment de l'équilibre nutritionnel de la ration alimentaire (les premiers touchés sont les enfants); elles impliquent toujours un recours accru aux ressources des femmes et conduisent celles-ci à se lancer dans de nouvelles activités afin d'assurer une part croissante des charges familiales. Enfin, le recours à l'alimentation de rue est un élément déterminant des stratégies de survie des ménages pauvres.

2.3
Le rôle croissant de l'alimentation de rue

Le développement de l'alimentation hors domicile est à mettre en relation d'abord avec les changements de conditions de vie en ville (éloignement du lieu de travail, développement des activités professionnelles des femmes). Mais d'autres facteurs sont à prendre en considération: à Cotonou, par exemple, un modèle de consommation individualiste dominant, une chaîne cohérente de transformation artisanale offrant à des prix abordables des plats préparés à partir des produits vivriers locaux, expliquent l'importance de la consommation hors domicile pour toutes les catégories de la population. Ainsi, pour la population défavorisée, ce mode d'alimentation constitue un moyen de se nourrir à faible coût. A Dakar, au contraire, I'alimentation de rue dans les petits restaurants semble encore un luxe pour beaucoup, en raison du prix assez élevé des plats préparés. D'autres formes d'organisation (collectives et non individuelles) de prise de repas se mettent en place, notamment sur le lieu de travail. Cependant, comme le constate I. Dia, d'occasionnelle, l'alimentation de rue tend à devenir un mode «normal» pour certaines catégories dans des villes comme Dakar et Ouagadougou, alors qu'elle est entrée dans les traditions à Cotonou.

2.4
La transformation alimentaire:
un secteur clé qui offre des produits adaptés aux modes de vie des consommateurs urbains

Le thème de l'alimentation de rue met en évidence le rôle crucial occupé par les activités de transformation: elles permettent, en effet, aux citadins d'avoir accès à des produits locaux sous une forme particulièrement bien adaptée à leurs modes de vie. Dans ce domaine également, l'importance des activités de transformation et les produits qui sont concernés varient beaucoup d'une ville à l'autre comme le démontrent les différents cas traités. Une chose est certaine: les opérateurs de ce secteur, en particulier les multitudes d'artisanes qui l'animent, sont rarement prises en compte dans les stratégies alimentaires. Pourtant, le rôle prépondérant de ce secteur dans la valorisation des produits agricoles locaux et son importante contribution à la valeur ajoutée dans les filières vivrières en matière d'emplois et de revenus méritent que son développement soit appuyé. D'où la nécessité d'étudier les tendances à la diversification alimentaire en ville, d'examiner, en particulier dans cette perspective, quels sont les produits locaux qui seraient les plus susceptibles de se prêter à la diversification après transformation. C'est dire l'importance de la prise en compte du facteur technologique dans cette évolution et des modalités d'accès (formation, crédits) à de nouveaux procédés de transformation pour les artisanes4.

2.5
Le problème aigu de la qualité des aliments

Pour M. Padilla, la qualité de l'alimentation urbaine est telle que les modalités d'utilisation et de consommation sont «des bombes à retardement» pour la santé des individus. Contaminations et intoxications sont des lieux communs. Assurer une plus grande maîtrise de la qualité des aliments (bruts, transformés, locaux ou importés) devient alors une nécessité urgente dans tous les pays. Or, d'une part, ce problème de santé publique n'est pas inscrit dans les priorités des ministères de la santé qui mènent une politique curative plus que préventive et qui ne sont pas sensibilisés à la nutrition et ses relations avec I'Etat de santé (M. Padilla); d'autre part, l'examen des dispositifs existant dans les divers pays révèle que les actions en matière de contrôle de qualité sont, d'une manière générale, éparpillées entre diverses structures sans aucune coordination entre elles. Enfin, il faut noter l'absence de textes législatifs spécifiquement consacrés à la question de la qualité des aliments et adaptés au contexte africain5.

Les exigences des consommateurs urbains en matière de qualité et d'hygiène des aliments sont encore mal connues: si l'on constate l'émergence d'une nouvelle conscience des consommateurs dans ce domaine, celle-ci est encore peu répandue et plus souvent développée par les associations de consommateurs que par les individus eux-mêmes. Comme le relève I. Dia, les populations démunies des quartiers pauvres sont plus préoccupées par la sécurité de I'approvisionnement et la maîtrise des prix que par les questions de qualité. Cet auteur souligne un autre aspect important de l'évolution actuelle: l'alimentation de rue est encore perçue comme une alimentation de complément (ou d'entre deux repas) alors qu'elle est devenue la principale forme pour certaines couches et certains repas. Ce décalage entre la perception et la réalité pourrait expliquer la faible exigence des consommateurs par rapport aux aliments de rue.

On discerne ainsi le champ très vaste des interventions nécessaires à la mise en place d'une véritable politique de maîtrise de la qualité, à la fois institutionnelles (qui concernent tant les collectivités locales que les autorités centrales), réglementaires, de formation, d'information et d'éducation en direction des différents acteurs des SADA, tout particulièrement des consommateurs urbains et de leurs associations.

2.6
De l'acteur individuel à l'acteur collectif: l'émergence des associations de consommateurs

L'émergence extrêmement rapide des associations de consommateurs, ces dernières années en Afrique (elles étaient au nombre de six dans six pays en 1990, aujourd'hui on en compte plus de 100 dans 45 pays en Afrique) est en effet un phénomène marquant de la scène urbaine. A l'origine, les préoccupations de ces associations (généralement créées par des intellectuels issus des classes moyennes) étaient axées sur les problèmes de la qualité des produits et leurs interventions basées sur les revendications et le lobbying à l'image des mouvements de consommateurs européens. Poussées par la nécessité d'ancrer leurs actions dans la réalité sociale des plus larges couches des consommateurs urbains et, notamment, de prendre en compte les exigences des catégories les plus défavorisées, les actions de ces associations ont profondément évolué: elles s'orientent aujourd'hui en effet vers la mise en place de centrales d'achat ou de stocks de sécurité implantés dans les quartiers populaires. Pour I. Dia les évolutions auxquelles on assiste sont donc propices à l'émergence d'une conscience nouvelle quant à la nécessité d'impliquer les consommateurs à travers leurs organisations dans toutes les discussions concernant l'approvisionnement et la distribution des aliments. C'est pourquoi, comme le souligne I'auteur, il est important de se rendre compte que la frontière entre les fonctions de consommation et celles d'approvisionnement, qui confinerait les consommateurs dans la revendication et le lobbying, n'est pas opérationnelle dans le contexte africain d'insécurité et de règles imparfaites.

Répondant à une demande sociale réelle, I'action de ces associations est primordiale bien qu'elle soit entravée par de nombreuses contraintes (manque de compétences, actions encore trop dispersées et pas assez ciblées, faible reconnaissance de leur rôle par les pouvoirs publics, accès difficile au crédit pour mener leurs opérations d'achat et de stockage, etc.). Celles-ci devraient être étudiées de façon approfondie dans toute stratégie d'amélioration des SADA afin que soient définies des mesures propres à les appuyer.

3

Les SADA
et les acteurs de I'approvisionnement et de la distribution alimentaires en milieu urbain

La demande urbaine jouera un rôle moteur du changement agricole à condition que les circuits d'approvisionnement et de transport soient efficients et que les coûts de transaction soient aussi réduits que possible.

Dans quelles conditions fonctionnent les SADA dans les grandes villes en Afrique, quelles sont les stratégies des acteurs dans les circuits amont (I'approvisionnement) comme aval (la distribution en milieu urbain). quelles sont les principales contraintes entravant leur organisation, comment alors améliorer I'efficacité des services d'intermédiation afin d'augmenter leur capacité à satisfaire une demande alimentaire urbaine croissante? Ces différents thèmes et questionnements ont été abordés par plusieurs communications sous des perspectives diverses. On en soulignera les aspects majeurs en différenciant ceux ayant trait au système d'approvisionnement (la chaîne de commercialisation jusqu'au stade gros) et ceux concernant la distribution finale alimentaire en milieu urbain, en privilégiant la question des marchés de détail.

3.1
L'approvisionnement des villes en produits alimentaires

3.1.1
La disponibilité physique des aliments en ville est correctement assurée par les SADA

La capacité d'adaptation, ainsi que le dynamisme des acteurs des SADA, sont aujourd'hui largement reconnus: partout, la disponibilité physique des aliments est assurée. Quand elle ne I'est pas ou de façon insuffisante, I'explication doit en être recherchée dans les contraintes propres aux systèmes de production (en particulier pour les marchés légumiers caractérisés par I'alternance des périodes de pénurie relative et d'engorgement), dans I'absence quasi totale d'infrastructures routières spécifiques à certains pays, ou encore dans les conditions politiques (guerres).

Si, de manière générale, les systèmes de commercialisation ont assuré par le passé et assurent aujourd'hui I'approvisionnement régulier des villes, avec quelle efficacité le font-ils et à quels coûts?

3.1.2
Le risque commercial, les contraintes et les stratégies des acteurs

Le facteur risque est un élément clé pour I'analyse du fonctionnement des SADA, notamment en ce qui concerne les marchés vivriers et pour la compréhension des stratégies adoptées en conséquence par les acteurs commerciaux.

L'environnement économique du commerce des produits vivriers se caractérise par un niveau élevé de risque et d'incertitude: en amont, il s'agit des risques dus aux aléas de la collecte compte tenu d'une offre agricole dispersée et irrégulière, au manque d'information sur la disponibilité des produits, aux insuffisances de I'offre de transport, à son irrégularité et à son prix. En aval, les risques découlent de la conjoncture du marché, de la concurrence permanente de nouveaux arrivants, des fluctuations des prix et de la demande sous I'effet de différents facteurs non prévisibles.

L'environnement institutionnel, quant à lui, se caractérise par I'existence de pratiques réglementaires inadaptées et tatillonnes, de taxations abusives et fréquemment arbitraires. A ces différentes contraintes s'ajoutent celles propres aux commerçants - de capital, d'accès au crédit-, pour ne citer que les deux plus importantes (L. Wilhelm).

Les contraintes pesant sur le fonctionnement des SADA sont par conséquent nombreuses: N. Terpend et K. Kouyaté en dressent le recensement général en se plaçant du point de vue des différents intervenants de la filière d'approvisionnement des villes: opérateurs privés directs (les producteurs, commerçants, transporteurs et consommateurs), indirects (les banques), les intervenants publics (les administrations centrales et spécialisées, les chambres consulaires et les collectivités locales). Les problèmes relevés par ces acteurs touchent à des domaines multiples: les contraintes principales sont d'ordre économique, administratif et législatif; elles tiennent aux déficiences et à I'inadéquation des infrastructures et des équipements marchands en milieu urbain; elles sont organisationnelles, enfin humaines et sociales.

Ces contraintes affectent tous les commerçants, façonnent leurs comportements, orientent leurs choix et fixent leurs stratégies. Pour se prémunir contre les risques et I'instabilité des marchés qui caractérisent les marchés vivriers, les commerçants adoptent des comportements anticoncurrentiels.

Ce sont des pratiques d'achat et de vente basées sur des relations personnalisées pour fidéliser à la fois les vendeurs et les acheteurs, des contrats et des commandes anticipées pour réguler I'approvisionnement, des systèmes de crédit pour sécuriser l'approvisionnement et garantir I'écoulement des marchandises, la constitution d'associations entre commerçants visant à limiter la concurrence sur les marchés d'achat ou sur les marchés de vente, et à restreindre l'accès au crédit des «outsiders» (L. Wilhelm).

3.1.3
Des coûts de commercialisation élevés largement grevés par le transport

L'ensemble des imperfections des marchés vivriers, I'addition des dysfonctionnements constatés à tous les niveaux de la chaîne d'approvisionnement aboutissent à des coûts de commercialisation élevés qui pénalisent fortement les ménages urbains (E. Tollens).

Une importance particulière doit être alors accordée au problème du transport dans toute analyse des SADA des villes en Afrique.

J. Lombard met en évidence, à partir de I'exemple du Sénégal, la forte segmentation du secteur des transports. Dans la plupart des pays, l'orientation des flux et la hiérarchisation des services de transport sont polarisés par les capitales et par la commercialisation des produits de rente. C'est le marché des produits de rente (le fret «riche») qui conditionnent très largement I'offre de transport et ses prix, et définit des axes privilégiés entre zones de production et lieux d'exportation ou de transformation (villes portuaires, unités de transformation agro-industrielles). Dans la commercialisation des produits vivriers (le fret «pauvre»), l'atomisation de I'offre, les déficiences particulières des infrastructures routières (en particulier les pistes rurales) exercent de fortes contraintes sur l'activité de transport. Les services de transport pour la collecte primaire sont irréguliers et souvent insuffisants. La profession de transporteurs de produits vivriers est assurée par de petits opérateurs disposant d'un faible capital, en général peu spécialisés, la diversification de leurs activités étant une réponse au risque du métier.

II faut relever à cet égard une loi générale du transport que nombre d'études spécialisées sur le camionnage en Afrique comme dans d'autres pays ont mise en évidence, notamment I'Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS). Les coûts de transport ne sont pas proportionnels à la distance mais au contraire varient en fonction inverse de celle-ci et des quantités transportées. Le transport de quantités unitaires faibles sur de courtes distances revient toujours beaucoup plus cher que celui de gros tonnages sur des véhicules lourds et sur longue distance. Par ailleurs, les coûts de transport sur une même distance sont étroitement corrélés à la qualité des infrastructures.

L'éloignement des zones d'approvisionnement des marchés urbains n'est donc pas, en soi, un facteur de renchérissement du coût du transport. Sont plutôt en cause les deux facteurs suivants: d'une part, les niveaux existants d'organisation des activités de production du monde rural, leur orientation plus ou moins spécialisée pour I'approvisionnement des marchés facilitant ou non le groupage (cette organisation dépend alors grandement du système d'information sur les prix); d'autre part, les déficiences propres de I'offre de transport: dans les zones vivrières, les marchands camionneurs exercent un pouvoir de monopsone qui tend à réduire les prix des produits agricoles qu'offrent les cultivateurs. Un tel pouvoir s'explique par le fait que les transporteurs commerçants sont en petit nombre face à une multitude de producteurs individuels, que la concurrence entre eux ne joue guère par conséquent, enfin que les producteurs ne possèdent généralement pas ou très peu d'informations sur les prix des produits en vigueur sur les marchés terminaux (E. Tollens).

S. Snrech note que les analyses disponibles sur la structure des coûts de mise en marché montrent, qu'en ce qui concerne le transport, les gains n'y sont pas faciles: les marges commerciales dans ce secteur sont faibles (de I'ordre de cinq pour cent) et I'amortissement des matériels de transport est à peine assuré.

Une réduction des prix de transfert passe donc par une amélioration des infrastructures de transport, réduction qui doit être mise en regard du coût élevé de la mise en place des infrastructures routières mais aussi de leur entretien (S. Snrech).

3.1.4
Améliorer le maillon urbain des systèmes d'approvisionnement:
le rôle des marchés de gros


3.1.4.1
L'absence d'équipements et d'infrastructures adpatés au commerce de gros

Les conditions dans lesquelles s'exerce la fonction de gros pénalisent la chaîne d'approvisionnement toute entière et représentent en définitive un facteur important du renchérissement des produits pour les consommateurs urbains. A I'exception du marché de gros de poissons de Dakar et de celui, en construction, de Bouaké en Côte d'Ivoire, on constate en effet que le commerce de gros des produits alimentaires, et tout spécialement celui des produits périssables, ne dispose ni d'aménagement ni d'installations spécifiques dans les villes en Afrique.

Les espaces urbains sur lesquels les grossistes exercent leurs activités sont, d'une manière générale, dispersés au sein de la ville: on observe la concentration de grossistes aux abords, voire au sein même des grands marchés centraux; les flux d'approvisionnement, les stationnements de véhicules occasionnent alors de nombreux problèmes de circulation et de congestion de quartiers entiers; on trouve aussi des concentrations de grossistes aux points de rupture de charge des grands axes routiers pénétrant dans la ville. Partout, les conditions de fonctionnement sont gravement défectueuses: absence ou insuffisance des équipements de stockage, mauvaises conditions de conservation, manque de place pour le stationnement des véhicules, les opérations de déchargement, problèmes d'hygiène et d'insécurité. Les coûts qu'entraîne cette situation ne sont pas seulement environnementaux, ils sont aussi et principalement économiques (L. Wilhelm). Pour tous les produits vivriers périssables, il en résulte un niveau de pertes élevé d'où un renchérissement des produits. Enfin, la dispersion des activités de gros dans le tissu urbain ne permet pas une confrontation aisée de I'offre et de la demande et ne favorise donc pas la formation d'un prix d'équilibre.

La situation est alarmante: des villes millionnaires sont ainsi approvisionnées chaque jour grâce à des milliers d'agents dans des conditions de désorganisation qui ont atteint leurs limites et surtout à un coût économique élevé pour la collectivité toute entière.

3.1.4.2
La création de marchés de gros:
un outil pour I'amélioration des SADA des villes en Afrique

Il faut alors souligner le rôle que de véritables marchés de gros - au sens d'équipements physiques spécialement destinés à cet effet - peuvent jouer dans I'amélioration de l'approvisionnement et de la distribution alimentaire des grandes villes6.

E. Tollens en décrit les principaux avantages économiques. Ils se situent à différents niveaux: celui de la formation des prix qui est favorisée et rendue plus transparente, ce qui entraîne une diminution des coûts de transaction (les coûts encourus par les opérateurs pour obtenir les informations sur les prix des marchés); celui de la réduction des coûts de I'ensemble des services de commercialisation par la réduction des coûts de transport et de manutention, I'obtention d'économies d'échelle, la réduction des pertes, la facilitation du triage et du classement des qualités, une plus grande utilisation de poids et mesures standards et un gain de temps pour les détaillants. La spécialisation des activités des opérateurs que permet la séparation physique des activités de gros et de détail est source de gains de productivité. Un dernier avantage est à prendre en compte: la création de marchés de gros organise une meilleure articulation des structures de distribution modernes existant dans les grandes villes (les supermarchés) avec la production vivrière locale par la garantie d'un approvisionnement régulier, en quantité et de meilleure qualité.

3.1.4.3
Une concertation nécessaire avec les usagers professionnels du marché de gros

Un projet de création de marché de gros nécessite que soient analysées de façon approfondie les questions liées:

Le succès d'un marché de gros dépend en effet largement de la volonté des opérateurs d'y participer et de développer leurs activités dans ce cadre nouveau (L. Wilhelm). II apparaît alors indispensable de les impliquer dès le démarrage du projet. II est important de relever à cet égard les expériences qui ont cours dans les deux seuls équipements de gros modernes existant aujourd'hui: à Bouaké, la mise en place d'un Comité technique consultatif a permis d'associer très tôt les grossistes aux différentes phases du projet (A. G. Aguié); à Dakar, après la construction du marché de gros de poissons, les mesures d'adaptation aux besoins des divers opérateurs en matière d'équipements et de services proposés, sont à mettre au crédit du processus de concertation permanente mené entre le gestionnaire du marché et les professionnels7.

En définitive, comme le souligne E. Tollens, la création d'un véritable marché de gros n'entraîne pas ipso facto I'amélioration du fonctionnement des circuits d'approvisionnement des produits vivriers, mais il peut être un outil important dans une stratégie globale de mise en place d'un meilleur approvisionnement alimentaire des villes en quantité et en qualité.

3.2
La distribution alimentaire en milieu urbain

3.2.1
Les marchés: un rôle prépondérant dans I'approvisionnement des citadins

La distribution alimentaire dans les villes est assurée par de multiples réseaux et opérateurs, formes d'organisation et de vente qui tous contribuent à I'approvisionnement des consommateurs: commerce et restauration de rue, ventes ambulantes livrant à domicile les plats et les produits souhaités, magasins, supermarchés et supérettes, marchés publics enfin. Les marchés de détail jouent encore un rôle prépondérant dans I'approvisionnement des citadins et c'est par leur canal que I'essentiel de la distribution alimentaire s'effectue en ville.

Dans toutes les grandes villes, I'accroissement de la population et I'extension corrélative des zones habitées avec le développement d'un secteur populaire, largement lié au commerce alimentaire, exercent une pression croissante sur le secteur des marchés.

3.2.2
Des marchés en nombre insuffisant et de nombreux dysfonctionnements

L'examen de la situation de ce secteur révèle de nombreuses carences et dysfonctionnements.

3.2.2.1
L'insuffisance des équipements marchands

Les déficiences constatées concernent en premier lieu I'insuffisance des équipements marchands. Le problème se situe à deux niveaux: d'une part, la construction de marchés s'est révélée insuffisante pour desservir correctement l'ensemble des zones urbanisées, d'autre part, l'augmentation considérable du nombre des vendeurs sur les marchés existants n'a pas été accompagnée d'une augmentation significative de la capacité de ceux-ci. Ces deux facteurs conjugués sont en large partie à I'origine de la situation actuelle qui se caractérise par la saturation, la désorganisation et I'insalubrité des équipements existants, ainsi que par I'occupation généralisée des emprises de la voirie par les vendeurs et la multiplication de marchés spontanés dans les quartiers mal desservis (L. Wilhelm).

3.2.2.2
Les défauts de conception, les carences des infrastrutures de base et les dysfonctionnements

Les marchés, qui ont été construits ou modernisés par les pouvoirs publics, présentent souvent des défauts de conception, et ce tant par manque de concertation avec les usagers commerçants que par une insuffisante connaissance du fonctionnement des circuits d'approvisionnement et de distribution alimentaires en milieu urbain: on note ainsi des installations non fonctionnelles ne répondant pas aux besoins des commerçants et qui ne sont jamais utilisées, la construction de marchés à un étage qui ont demandé un effort financier important des autorités et qui restent à moitié vides, la non prise en compte lors de la construction du marché des zones de débarquement et de déchargement nécessaires à I'approvisionnement des commerçants, ce qui conduit à la congestion des abords des marchés et souvent du quartier tout entier (A. Gnammon-Adiko).

Les infrastructures de base (eau, électricité et réseaux de drainage) font défaut ou ne fonctionnent que très imparfaitement sur la plupart des marchés. L'entretien des marchés et les services étant défaillants, ce sont généralement les organisations de commerçants qui se substituent aux missions des pouvoirs publics pour en assurer un accès minimum aux usagers, commerçants comme consommateurs (nettoyage, gardiennage, police, approvisionnement en eau). Pour ces différentes raisons, le fonctionnement actuel des marchés est loin de pouvoir garantir I'hygiène et la salubrité nécessaires à la vente de produits destinés à la consommation ainsi que la sécurité des usagers.

3.2.2.3
Une gestion des marchés défaillante

II s'établit ainsi un cercle vicieux: les commerçants estiment que I'ensemble des services pour I'organisation desquels ils payent déjà et auxquels ils ont droit, ne leur sont pas rendus. Ils considèrent donc que la taxe perçue sur les marchés est une ponction fiscale injustifiée et s'acquittent imparfaitement de leurs droits de place. De leur côté, les pouvoirs publics se montrent hésitants alors á améliorer substantiellement le recouvrement de ces droits (a fortiori de les augmenter) dont les recettes sont pourtant essentielles à leur budget. Ceci limite d'autant leurs possibilités de modernisation, d'extension ou de création d'équipements marchands. On constate, par ailleurs, de nombreuses dérives dans la gestion des marchés: taxations souvent abusives des petites détaillantes, ententes avec les plus grands commerçants, fraudes multiples de la part de collecteurs insuffisamment rémunérés et insuffisamment formés.

3.2.3
Une nécessité: améliorer le fonctionnement et I'organisation de la distribution alimentaire en ville

L'ensemble des dysfonctionnements constatés dans le secteur des marchés ont de lourdes conséquences pour les consommateurs, à la fois économiques (en alourdissant les prix finaux des produits), sanitaires et sociales.

Il faut alors créer de nouveaux marchés, moderniser ceux existants, augmenter leurs capacités d'accueil, améliorer les infrastructures de base et les services, reformuler les règles de gestion, imaginer des solutions pour créer un cadre d'activité satisfaisant pour le commerce de rue (hygiène, salubrité, mais aussi prise en compte de son rôle), organiser et orienter les flux d'approvisionnement par la création d'équipements spécifiques (marchés de gros): le chantier est immense et urgent.

Cette analyse met alors en relief le rôle décisif que peuvent jouer les autorités locales dans I'amélioration des conditions de la distribution alimentaire.

4

La gestion de la ville et les SADA
Le rôle des collectivités locales dans l'amélioration des SADA

A. Gnammon-Adiko observe que «La gestion urbaine s'est concentrée jusqu'à présent sur des priorités qui étaient autres que les politiques alimentaires: électrification, équipements collectifs pour la santé, éducation et affaires sociales, réseaux d'adduction d'eau, de drainage et de voirie, etc. Aujourd'hui se présente une nouvelle priorité, celle du ravitaillement des villes en produits alimentaires suffisants et au moindre coût. Comment les communes peuvent-elles s'impliquer davantage dans les SADA et améliorer l'efficacité de ces systèmes?» Telle est bien la question de fond soulevée par i'auteur en introduction aux débats.

4.1
Favoriser la prise de conscience de la relation entre l'amélioration des SADA et le fonctionnement de la ville

Donner aux collectivités locales une vision claire du fonctionnement des SADA et de leur impact sur la ville, telle est en effet l'une des conclusions majeures de la réflexion menée dans le cadre du séminaire. Les collectivités locales sont encore insuffisamment conscientes aujourd'hui que l'amélioration de l'approvisionnement et de la distribution alimentaires, tant du point de vue physique et organisationnel que financier, a un impact sur le fonctionnement de la ville entière et, partant, sur les conditions de vie de ses habitants.

4.1.1
Moderniser et développer des équipements marchands

Le développement et la modernisation des équipements marchands et des espaces commerciaux doivent constituer un objectif prioritaire pour les collectivités locales. Comme le souligne A. Gnammon-Adiko «Concevoir des marchés fonctionnels et des réseaux de communication demeure leur tâche phare. Les collectivités locales doivent, par conséquent, considérer ces investissements comme une obligation de leur mission».

Aujourd'hui, les carences générales dans le secteur des marchés sont telles que les autorités locales manquent d'éléments pour apprécier les priorités en matière d'intervention: par quel marché commencer, quelle hiérarchie dans les actions, quels en seront les différents coûts, les différents impacts, etc., avec quels acteurs, de quelles informations disposer pour pouvoir intervenir? Il est alors nécessaire de les appuyer dans la mise en oeuvre d'une stratégie globale sur le secteur des marchés, les aider à clarifier les objectifs poursuivis, leur fournir les éléments d'informations dont elles ont besoin.

4.1.2
Développer les formes de partenariat

Il faut en particulier susciter le développement de partenariats avec les acteurs des SADA directement concernés: associations d'usagers des marchés - commerçants et consommateurs -, et opérateurs professionnels divers. La gestion et le financement des marchés peuvent en être l'occasion.

4.1.3
Améliorer la gestion des marchés

Améliorer la gestion des marchés est aujourd'hui une question clé pour les collectivités locales: il leur est impératif d'améliorer le rendement de leurs redevances afin de faire face à leurs obligations de service public. Cette notion de service public local, à caractère social fort, est particulièrement importante dans la période actuelle et certainement pour longtemps encore.

Il faut aider les collectivités locales à identifier et à diversifier les modalités de gestion possibles: les solutions pourront différer selon l'importance et la nature des marchés en question (marchés de quartier, marchés centraux, marchés de gros). Sur les marchés de quartier, il faut pouvoir appuyer la prise en main de la gestion et de l'organisation par des associations de commerçants. Les grands marchés urbains comptant plusieurs milliers de commerçants sont généralement gérés en régie directe, système dont les limites apparaissent aujourd'hui clairement. D'autres solutions institutionnelles peuvent alors être mises en place (régie autonome, affermage, concession, etc.; on relèvera que la gestion du marché de gros de Dakar est assurée par une régie autonome et qu'une société d'économie mixte est prévue pour le marché de gros de Bouaké). Elles doivent être préparées et appliquées en concertation avec les diverses catégories d'agents et d'usagers concernés.

Les exemples de marchés gérés autrement qu'en régie directe, bien que très peu nombreux, existent cependant en Afrique. Il est important de les étudier, d'en faire le bilan et d'en tirer les expériences pour aider les collectivités locales à améliorer la gestion de leurs marchés.

4.1.4
Le financement des marchés: des solutions diverses et adaptées aux objectifs poursuivis

Le financement des marchés reste la grande contrainte des collectivités locales: dans ce domaine également, des types de partenariat appropriés doivent être recherchés. Le financement public (Etat et collectivités locales appuyés par les bailleurs de fonds) continuera d'assurer la part essentielle de l'effort d'investissement que demanderont la construction et la modernisation des grands équipements marchands (marchés de gros, abattoirs, gares routières). Cependant, le réaménagement et la construction de marchés de détail peuvent être l'occasion de mobiliser des ressources financières privées. Comme le souligne A. Gnammon-Adiko, les commerçants ne voient pas d'inconvénients à être partie prenante dans de tels projets, à condition que soient prises un certain nombre de mesures, par exemple sur la sécurisation de leur statut d'occupation, les baux et le niveau de contribution de chaque opérateur.

4.1.5
Un domaine clé: l'information et la formation des gestionnaires urbains

Il est apparu aussi urgent de développer l'information et la formation des techniciens et des élus des villes d'Afrique subsaharienne et de leur fournir des comparaisons concernant le fonctionnement des marchés dans d'autres continents. C'est l'une des préoccupations majeures exprimées par les gestionnaires urbains et les praticiens présents au séminaire.

4.2
La gestion urbaine et les SADA:
une gestion de proximité ouverte aux préoccupations des acteurs

Une gestion urbaine trop centralisée, trop bureaucratique, sans consultation avec les populations concernées, trop longue, inadaptée au contexte actuel, incapable d'accompagner le développement de la ville réelle car plus préoccupée par la réalisation d'une ville idéale, telles sont les principales critiques qui sont adressées le plus souvent aujourd'hui à la planification urbaine.

4.2.1
Le problème de l'approvisionnement de la ville permet de renouveler l'approche de la planification urbaine

Pour M. Coquery, «La prise en compte des problèmes liés à l'approvisionnement et à la distribution des produits alimentaires offre l'occasion de renouveler les méthodes et les pratiques de la planification urbaine. C'est aussi l'occasion de renouveler la question des pouvoirs et surtout de leur mise en oeuvre dans un contexte de décentralisation».

Comme il le souligne, une gestion urbaine ouverte aux préoccupations d'approvisionnement et de distribution des produits alimentaires, pour atteindre quelque efficacité, doit être conduite au niveau de la collectivité locale: Ceci pose, d'une part, la question des pouvoirs municipaux face aux pouvoirs d'Etat garants du cadre local d'ensemble, d'autre part, la capacité d'aménagement et de planification des autorités locales.

Les pouvoirs publics restent le moteur d'une démarche de planification urbaine. Or, on constate que le déficit de sensibilisation/information sur la sécurité alimentaire et sur les consommateurs urbains est notable, notamment au sein des administrations et parmi les techniciens de l'urbanisme. Leurs priorités ne concernent pas l'approvisionnement et la distribution alimentaires des habitants de la ville.

Il paraît alors indispensable d'engager une information et une sensibilisation des administrations et des techniciens sur la question des SADA et de souligner leurs enjeux en rapport avec le développement urbain et sa maîtrise.

4.2.2
Des champs d'intervention privilégiés pour une gestion de proximité

Les collectivités locales ont pour leur part un champ d'action privilégié en matière de planification urbaine: créer des équipements marchands et réserver des espaces aux diverses activités des opérateurs des SADA. Mais quelle est leur capacité d'aménagement et de planification? Une chose est d'affecter un espace à une fonction, autre chose est le contrôle et la garantie de l'usage des sols. Par quels moyens contrôler et maintenir l'affectation d'un espace à une fonction déterminée lorsqu'elle a été décidée, notamment pour une activité commerciale de distribution? «La seule réponse est donc bien une démarche participative impliquant acteurs et habitants dans la formulation d'une affectation de l'usage des sols, et dans la responsabilisation acceptée des acteurs pour le contrôle et le maintien de l'espace ainsi affecté».

La prise en compte des zones d'activités maraîchères intra et périurbaine apparaît aussi comme un des champs d'intervention décisifs des collectivités locales en relation avec les SADA. Comment les intégrer à des processus, planifiés ou non, d'extension et de restructuration urbaine? Peuvent-elles être défendues au nom de certaines logiques d'aménagement (difficultés d'assainissement ou non constructibilité de zones de bas fonds)? A tout le moins, une négociation s'impose avec les détenteurs coutumiers des droits fonciers sur ces espaces agricoles.

4.2.3
La concertation participative et les principes d'aménagement:
le souci de l'intérêt général

La question des partenariats est au coeur de la problématique du renouvellement des méthodes et de l'objet de la planification.

Cependant, aucune des interventions des collectivités locales ne peut se concevoir dans le seul intérêt des usagers (pour les marchés par exemple) ou des propriétaires quand il s'agit de problèmes fonciers. Elles doivent pouvoir se référer à des principes d'aménagement visibles et tenables économiquement et socialement, car menés avec le souci du bénéfice de la collectivité toute entière.

Pour M. Coquery, la démarche de concertation participative à l'échelle des collectivités décentralisées ne peut faire l'économie d'instances d'arbitrage ni de la référence à l'Etat de droit. Il convient alors de réfléchir à des mécanismes décentralisés d'arbitrage dans le cadre de l'Etat de droit.

5

Le débat sur le rôle de l'Etat et les politiques

Le débat sur les politiques a été permanent dans le cadre du séminaire: politiques spécifiques (ou sectorielles) propres à chaque composante des SADA, enfin politiques et programmes généraux de développement des SADA. En toile de fond de la réflexion sur les politiques appliquées aux systèmes d'approvisionnement et de distribution alimentaires des villes en Afrique, une question essentielle revient de façon récurrente: c'est celle du rôle de l'Etat dans un contexte de libéralisation économique mis en place par les plans d'ajustement structurel.

L'approche de la dimension urbaine des politiques économiques développée par M. Padilla dans une vision globale et prospective (politiques d'approvisionnement pour l'an 2020) élargit le débat sur le rôle de l'Etat en soulevant deux interrogations de fond: quels sont les choix fondamentaux auxquels les Etats sont confrontés pour assurer la sécurité alimentaire des villes sur le long terme? Peut-on dissocier ces choix du projet de société sur lequel les Etats devront bâtir leur développement?

5.1
Le rôle de l'Etat dans les SADA

Si l'on s'accorde sur ce que l'Etat devrait être - un régulateur des forces du marché au bénéfice de la collectivité toute entière, un médiateur entre les groupes de pressions, un facilitateur, enfin le garant des règles qui s'imposent à tous - force est de constater que les politiques de libéralisation n'ont pas été accompagnées de la mise en place d'un nouveau cadre juridique cohérent, nécessaire au développement général des sociétés africaines.

Les besoins fondamentaux en matière de réglementation et de cadre législatif pour améliorer les systèmes d'approvisionnement et de distribution se situent à plusieurs niveaux. On distinguera ci-après les points principaux abordés par le séminaire8.

5.1.1
Organiser le cadre d'une concurrence réelle

Le développement et l'amélioration des systèmes d'approvisionnement et de distribution alimentaires ne peuvent se faire sans que soient clarifiées les règles du jeu entre les divers acteurs. Cela implique de mettre en place un cadre réglementaire et législatif qui favorise la transparence en précisant les droits et devoirs de chacun des acteurs, et surtout en les garantissant.

Le retrait de l'Etat de ses champs d'intervention économiques classiques a conduit très souvent au développement de pratiques monopolistiques et de collusion entre les opérateurs privés. C'est une situation fréquente dans le secteur de l'importation des denrées alimentaires de base. Il apparaît alors nécessaire de renforcer les services de concurrence qui existent dans tous les pays africains et surtout d'orienter leurs actions dans une perspective plus dynamique articulant secteur de l'importation et commercialiation des produits vivriers de base.

5.1.2
Encourager la contractualisation

Des formes nouvelles d'échanges sont en train de se développer en relation avec l'organisation croissante des divers groupements professionnels, les besoins des marchés urbains et ceux à l'export, et la demande des industries locales de transformation agro-alimentaire. Pour répondre à cette demande, on assiste dans de nombreux pays africains au développement privé de la production sous contrat. Il est nécessaire de donner un cadre légal clair à ces transactions afin de stabiliser et sécuriser les relations entre les opérateurs. Il faut aussi mentionner dans ce champ d'intervention les modalités nouvelles d'échanges directs qui sont appelées à se développer entre associations de consommateurs et producteurs. Elles aussi nécessitent de pouvoir se situer dans un cadre contractuel précis.

5.1.3
Assurer la protection juridique des acteurs

La protection juridique de ses citoyens est au coeur du rôle de l'Etat de droit. Mettre en place une réglementation apte à favoriser le jeu de la concurrence entre acteurs économiques signifie nécessairement porter une attention particulière au cadre et aux procédures qui permettent à ces acteurs de défendre leurs droits.

Dans cette perspective, on rappellera que la protection du consommateur apparaît bien comme l'un des champs nouveaux d'intervention de l'Etat en Afrique qu'il convient de mettre en place en priorité. La nécessité de faire face à une dure compétition et de créer les conditions d'une concurrence loyale sur le marché intérieur pour ne pas pénaliser la production locale, dans le contexte de la libéralisation que connaissent les pays africains, fait apparaître sans détour l'urgence d'un cadre légal assurant la maîtrise de la qualité des produits, locaux et importés, vendus sur le marché national.

5.1.4
Le rôle clé de l'information

Un des facteurs essentiels à la régulation des marchés et à la concurrence est l'information de l'ensemble des acteurs. Les systèmes d'information sur la chaîne alimentaire ont été différemment développés selon les pays durant ces dernières années. Les données qu'ils rassemblent offrent, certes, des éléments de connaissance sur les systèmes d'approvisionnement et de distribution. Mais, en définitive, sont-ils utiles aux acteurs directement concernés? Leur collecte et leur utilisation par les pouvoirs publics sont perçues, à juste titre, par les acteurs des SADA comme l'occasion de mettre en place un nouveau contrôle de leurs activités et non comme une aide à la prise de décision. Il convient alors de développer l'information sous toutes ses formes, sur les mouvements des marchés ruraux comme urbains et d'orienter ces informations vers les utilisateurs directs - consommateurs, producteurs et commerçants -, enfin faire sortir l'information du cadre étroit des programmes d'aide d'urgence dans lequel la conception des systèmes actuels semble encore trop souvent confinée.

5.1.5
Elaborer une législation qui tienne compte des réalités actuelles

Il ne s'agit pas «d'informaliser la norme», mais d'adapter les réglementations en les simplifiant afin de les rendre plus efficaces. Il s'agit notamment de favoriser, à partir du secteur informel, l'évolution de certains de ses acteurs les plus dynamiques vers des formes plus modernes d'entreprise. Les exemples de cette nouvelle catégorie d'entrepreneurs, dans toutes les villes africaines, militent pour un environnement légal plus cohérent, plus transparent et qui surtout s'applique de la même façon pour tous, la complexité et l'inadaptation de la réglementation actuelle permettant difficilement cette évolution.

Il convient alors d'appuyer la mise en place des cadres juridiques nécessaires aux différents niveaux (administration centrale et collectivités locales), de renforcer les compétences de ces services dans l'élaboration des réglementations et l'harmonisation des réglementations existantes dans la sous-région: c'est un domaine prioritaire.

5.2
La sécurité alimentaire, le développement des SADA et les politiques économiques:
quel projet de société?

Mme Padilla rappelle que l'histoire des politiques alimentaires publiques mises en oeuvre au cours de ces trente dernières années au nom de la sécurité alimentaire des populations apporte un premier éclairage sur l'évolution de ce concept et de ses modalités d'application: planification alimentaire jusqu'à la fin des années 1960, sécurité alimentaire autocentrée des années 1970 (période pendant laquelle le recours systématique à l'aide alimentaire et aux subventions des prix de produits alimentaires importés ont conduit à une politique inefficace du point de vue du secteur agro-alimentaire, inéquitable et coûteuse), et libéralisation des économies à partir des années 1980 qui a entraîné un changement complet de perspective.

5.2.1
La question alimentaire n'est plus aujourd'hui une priorité des Etats

La conception qui prédomine est celle d'un ajustement automatique de l'offre et de la demande alimentaires, en particulier urbaines, par le seul jeu du marché libéré des contraintes diverses qui entravaient son développement. En agissant sur les variables structurelles de l'économie globale qui commandent l'économie alimentaire, on peut par conséquent s'abstenir de mettre en oeuvre des politiques spécifiques de sécurité alimentaire.

Dans la période actuelle, comme aucune politique d'achat n'est prévue dans les plans d'ajustement structurel, le seul moyen de garantir une alimentation suffisante à tous est d'offrir des produits à prix raisonnables par la rationalisation de la chaîne alimentaire. C'est bien là l'enjeu majeur de toutes les politiques à engager pour améliorer l'efficacité des SADA. Pour autant, est-ce suffisant?

«Espérer que spontanément, par le seul jeu des forces du marché et des acteurs, on puisse atteindre la sécurité alimentaire relève de l'utopie. Il n'existe pas de main invisible mais des intérêts contradictoires».

Pour M. Padilla, des politiques compensatoires sont d'autant plus fondées que les mesures d'équilibre structurel des économies conduisent à un appauvrissement des populations.

«Les conséquences de l'insécurité alimentaire de court terme et de moyen terme sur le développement humain justifient des mesures compensatoires aux plus défavorisés».

5.2.2
Quelles sont les perspectives futures pour la sécurité alimentaire des villes à I'an 2020?

La gestion de l'urgence de court terme reste la préoccupation majeure des gouvernements, souligne M. Padilla, qui constate que parmi les diverses voies de la sécurité alimentaire, aucun choix mûrement réfléchi et délibéré n'a été fait. Or, aucune stratégie sur le long terme ne peut être mise en place sans un projet de société cohérent: développer les systèmes d'approvisionnement et de distribution alimentaires des villes suppose alors la résolution de dilemmes fondamentaux auxquels I'Etat doit faire face. Ces dilemmes portent essentiellement sur quatre points:

M. Padilla s'interroge finalement: les pays africains manifesteront-ils leur volonté politique de placer au coeur de leurs choix cet objectif essentiel à la pérennité de leur société: la sécurité alimentaire de leurs populations?

6

Conclusions

L'ensemble des débats sur les systèmes d'approvisionnement et de distribution alimentaires des villes en Afrique a reflété le caractère pluridisciplinaire du séminaire grâce auquel ont surgi une série de questions et d'axes de réflexion constituant pour la plupart de nouvelles pistes de recherches et orientations de programmes d'actions pour I'amélioration du fonctionnement et de I'efficacité des SADA.

6.1
Des outils et une méthodologie pour I'étude des SADA

Une approche systémique et interdisciplinaire visant I'appréhension de la complexité des systèmes alimentaires dans leurs multiples dimensions en intégrant les différentes démarches disciplinaires (agroéconomie, sociologie, nutrition, géographie, corpus juridique) a été élaborée dans le cadre du programme SADA (M. Aragrande). En outre, un travail très important d'organisation et de définition d'outils méthodologiques a été réalisé dans le cadre de la rédaction d'un Guide méthodologique. Ce Guide, en tant qu'outil de travail, s'adresse aux chercheurs, professionnels, institutions engagés dans l'étude des SADA. Cette démarche interdisciplinaire a trouvé une première application dans l'étude des SADA de Dakar par une équipe multidisciplinaire de chercheurs. Comme le souligne M. Aragrande, toute approche systémique soulève la question des limites, des «frontières» dans lesquelles circonscrire I'analyse des relations entre acteurs qui sont décisives dans une perspective dynamique pour I'évolution et la transformation du système. La délimitation du champ et la hiérarchisation des relations entre acteurs qu'il s'agit de privilégier sont d'autant plus importantes que les études de SADA engagées par la FAO entendent déboucher sur la mise au point de programmes de développement.

Dans ce sens, il conviendra, pour les études futures, de lier plus étroitement les choix méthodologiques (champs, hiérarchisation) aux utilisateurs finals de ce type d'étude (collectivités locales, centres de santé, services centraux de la planification urbaine, gestionnaires de marchés de gros, etc.) et à leurs préoccupations.

6.2
L'efficacité des SADA

L'objectif poursuivi est celui de I'amélioration de I'efficacité des SADA des villes, entendue comme leur capacité d'assurer un approvisionnement alimentaire en quantité et en qualité, à un prix accessible à toutes les catégories de la population urbaine, et cela de façon durable. II est alors nécessaire de définir les instruments et les mesures de cette efficacité. On a souligné les nombreux éléments (législatifs, réglementaires, organisationnels, infrastructurels, sociaux, etc.) qui rentrent en jeu dans le fonctionnement des SADA et qui tous concourent à leur plus ou moins grande efficacité. II reste qu'au final, I'ensemble de ces paramètres s'expriment en prix, coûts et marges. II apparaît alors plus que jamais important de développer les études sur les coûts et les marges des agents et sur la formation des prix à tous les niveaux de la chaîne alimentaire. II faudrait aussi approfondir I'analyse des coûts et marges de la distribution en milieu urbain, examiner notamment de façon plus systématique comment un changement de I'environnement est intégré par les agents du point de vue économique. Par exemple, dans le cas des marchés, quels sont les coûts économiques de I'exercice de I'activité dans les conditions actuelles, quels sont les impacts alors d'un réaménagement d'un marché, comment les agents les répercutent-ils sur leurs marges, à l'amont et à I'aval? Ce type d'étude permettrait très concrètement aux collectivités locales de mieux évaluer les avantages et les inconvénients de chacune de leurs interventions dans le secteur des marchés. Par ailleurs, il semble aussi décisif d'améliorer les systèmes de collecte et de diffusion des prix, de les rendre plus opérationnels et de les orienter vers leurs utilisateurs directs, les acteurs des SADA.

6.3
Le financement des services d'intermédiation

La contrainte de capital reste majeure pour tous les acteurs économiques des services d'intermédiation. Les crédits bancaires au secteur commercial se limitent généralement aux plus grands opérateurs de I'importation des denrées alimentaires. Comment développer des outils financiers pour le secteur de la commercialisation des produits vivriers (commerçants comme transporteurs)? Comment y intéresser le secteur privé bancaire? Cela suppose d'imaginer des solutions au problème clé des garanties qui soient adaptées aux contraintes des marchés vivriers (instabilité, risque, fluctuations). Des tentatives intéressantes de crédit basé sur le nantissement des stocks ont été mises en place dans certains pays. Elles restent trop souvent expérimentales, liées à des projets et ne concernent principalement que le secteur céréalier (ce qui est non négligeable dans les pays sahéliens). La contractualisation qui est en train de se développer devrait être I'occasion de nouvelles propositions sur le plan des outils de financement. Les marchés de gros, en favorisant une meilleure connaissance des opérateurs et une plus grande transparence de leurs transactions, permettraient de mettre en place de nouvelles modalités de financement du commerce de gros. Mais ces équipements sont encore rares. La recherche des outils de financement pour la commercialisation des produits vivriers est I'un des chantiers majeurs à engager dans les études futures.

6.4
Le processus d'innovation des produits alimentaires

Les SADA sont les vecteurs de processus d'innovation permanents. L'analyse des modes d'approvisionnement des consommateurs et de I'évolution de leurs styles alimentaires met en évidence combien les agents de l'approvisionnement et de la distribution ont su innover pour fournir aux citadins les produits qui convenaient à leur désir de diversification alimentaire et à leur mode de vie. Il est important de pousser plus avant la recherche sur les procédés qui peuvent être mis à la disposition des acteurs du commerce et de la transformation alimentaire en milieu urbain. Il faut lier la connaissance des consommateurs urbains aux besoins d'innovations technologiques dans la transformation alimentaire. Mais la transformation alimentaire n'est pas le seul secteur à considérer. D'autres champs d'intervention doivent être étudiés: le besoin d'innovation est grand aussi en matière de conservation et de conditionnement des produits. II faut imaginer des moyens simples, reproductibles qui permettent d'abaisser les coûts de certains facteurs de la chaîne de commercialisation. Enfin, I'attention aux procédés technologiques ne doit pas occulter la question fondamentale du processus d'innovation: son apprentissage, les conditions qui en favorisent l'appropriation, la manière dont le milieu social favorise ou, au contraire, freine sa diffusion suivant ses besoins.

6.5
L'agriculture périurbaine et les filières maraîchères

L'agriculture périurbaine joue un rôle fondamental dans I'économie urbaine d'un triple point de vue: la sécurisation de I'approvisionnement des citadins, en mettant à leur disposition une grande diversité de produits dont les qualités nutritionnelles sont déterminantes pour I'amélioration de la consommation, l'emploi par les multiples activités qu'elle génère, enfin la protection de l'environnement. En dépit de son importance, elle reste relativement méconnue, particulièrement des pouvoirs publics9. Elle se trouve aujourd'hui directement menacée par I'extension de la ville. Comment la défendre? Il convient certes de sensibiliser les pouvoirs publics à son importance et d'espérer que des mesures de protection foncière, dont on connaît les difficultés concrètes d'application, puissent être prises à son endroit. Il convient surtout d'assurer sa valorisation, ce qui apparaît comme I'une des plus sûres conditions à son maintien et à son développement:

En ce qui concerne les filières maraîchères, ces études mettent toutes en évidence la forte complémentarité entre production des zones rurales (parfois très éloignées) et celle des zones périurbaines et urbaines pour l'approvisionnement des villes. Comment renforcer cette complémentarité, comment lier mesures spécifiques pour le périurbain et celles nécessaires aux producteurs des zones rurales, comment organiser la concertation entre acteurs de ces filières? Tels sont certains des axes de réflexion à approfondir.

6.6
Le transport intra-urbain

Les études sur le transport des marchandises se sont attachées jusqu'à aujourd'hui exclusivement à l'analyse du transport d'approvisionnement (le camionnage des zones rurales aux zones urbaines). Or, I'extension considérable de villes millionnaires devrait conduire à s'interroger aussi sur le rôle du transport intra-urbain dans la redistribution alimentaire. En effet, entre les zones de déchargement (les «marchés de gros») et les différents lieux de distribution, il y a un long parcours pour les produits alimentaires. Dans toutes les villes en Afrique, on constate que se sont développés des modes spécifiques de transport qui assurent la redistribution des produits alimentaires intermarchés et I'approvisionnement de tout le secteur informel marchand. Les études sur ce sujet sont encore extrêmement rares10. Quels sont les coûts du transport intra-urbain dans les prix finaux des produits alimentaires? Quelles sont les contraintes qui pèsent sur les opérateurs de ce transport? Comment améliorer les services qu'ils rendent, comment peuvent-ils mieux être pris en compte par les pouvoirs publics (lieux de stationnement, fiscalité, etc.) dans le cadre d'une stratégie globale d'approvisionnement et de distribution de la ville? Ce sont des questions qui devraient être étudiées par les programmes futurs.

6.7
La création et la modernisation des équipements marchands et des marchés: une priorité pour I'amélioration du fonctionnement des SADA

On a souligné les carences en matière d'équipements marchands-marchés de détail et surtout marchés de gros - dans les villes africaines. L'amélioration des SADA des villes demande une intervention soutenue des pouvoirs publics (collectivités locales et Etat) dans le domaine de la création et de la modernisation des marchés de détail et la création de marchés de gros. Les programmes futurs d'études et de recherches devraient considérer comme une priorité I'analyse des besoins d'équipements marchands urbains des collectivités locales, la définition et I'appui aux systèmes de gestion à mettre en place, les solutions de partenariat à trouver pour en assurer le financement et I'organisation.

Assurer la sécurité alimentaire des habitants des villes en Afrique, tel est le défi des années à venir pour les systèmes d'approvisionnement et de distribution alimentaires. Comme nous y invite S. Snrech, il convient de garder sur la question de I'alimentation «une vision plus stratégique et moins morale des enjeux alimentaires et de leur place dans le processus de développement. La division du travail entre urbains et ruraux est une étape essentielle du processus de développement et c'est un des phénomènes les plus significatifs de la période actuelle en Afrique. II faut se garder d'une vision trop rigide ou trop uniforme des évolutions, et de la recherche de solutions miracles. La diversité reste la première règle et la souplesse et l'adaptabilité doivent être les clefs de I'intervention, au service des protagonistes de I'approvisionnement alimentaire des zones urbaines».

Liste des notes en bas de page

  1. Les noms mentionnés, soit dans le corps du texte, soit entre parenthèses, renvoient aux auteurs des communications ou des ouvrages cités. Voir la bibliographie en annexe 7.

  2. Ce type de déficit a été expérimenté historiquement par tous les pays qui ont connu une croissance urbaine rapide (relativement à la croissance séculaire) lors de la Révolution industrielle «Dynamique de I'urbanisation de I'Afrique au sud du Sahara dans les pays du champ de la Coopération française», Groupe de travail «Mécanismes et logiques de I'urbanisation», Ministère de la Coopération-ISTED, 1996.

  3. Cf. op. cit «Dynamique de I'urbanisation de I'Afrique au sud du Sahara dans les pays du champ de la Coopération française», Groupe de travail «Mécanismes et logiques de I'urbanisation», Ministère de la coopération/ISTED, 1996.

  4. Cf. Groupe de travail 2.4: «Les femmes et le commerce alimentaire en Afrique».

  5. Cf. Groupe de travail 2.7: «La qualité alimentaire dans les SADA».

  6. Cf. Groupe de travail 1.2: «La distribution alimentaire moderne en Afrique».

  7. Présentation du marché de gros de poissons de Dakar par M. S. Diop, Directeur du marché de gros, au Groupe de travail 1.2 «La distribution alimentaire moderne en Afrique».

  8. Concernant la question du rôle de I'Etat dans les SADA, on se réfèrera notamment aux conlusions des Groupes de travail suivants:

  9. Cf. Groupe de travail 1.6: «L'agriculture périurbaine et les SADA en Afrique».

  10. Cf. Groupe de travail 2.5: «Le transport alimentaire en Afrique».


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