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Amérique latine et Caraïbes

La Région et ses systèmes de production

Cette région12 compte 505 millions d'habitants dont une population agricole de 111 millions, soit 22 pour cent de la population totale. Les terres émergées sont estimées à 20,5 millions de km2. Elle regroupe 42 pays dont certains des plus riches au monde en termes de biodiversité. La région abrite également la forêt tropicale non-fragmentée la plus étendue du monde, dans le bassin amazonien. Environ 90 pour cent des terres émergées sont de type humide et subhumide. Les surfaces cultivées sont estimées à 160 millions d'hectares dont 18 millions aménagés pour l'irrigation. Avec un PNB moyen par habitant de 3940 dollars enregistré en 1998, cette région est la plus riche mais aussi la moins tributaire de l'agriculture. On y note cependant de sérieux problèmes d'équité, car non seulement les riches contrôlent l'essentiel des ressources, mais les villes sont privilégiées. Jusqu'en 1997, 54 pour cent des ménages ruraux figuraient dans la catégorie des pauvres contre seulement 30 pour cent en milieu urbain. Par ailleurs, 31 pour cent des ménages ruraux vivaient dans des conditions de pauvreté extrême contre seulement 10 pour cent en zones urbaines. Au total, 47 millions d'habitants vivant en zones rurales figuraient dans la catégorie des couches extrêmement pauvres et 78 millions étaient considérés comme pauvres. Les problèmes d'équité sont particulièrement criants en matière de distribution des terres.

Du fait de son étendue en latitude, de sa topographie variée et de sa riche biodiversité, cette région regroupe l'une des séries de systèmes de production agricole les plus diversifiées et les plus complexes au monde. Les 16 systèmes prédominants identifiés sont résumés au tableau 7.1 ci-dessous et indiqués sur la carte.

Les quatre systèmes prédominants en termes de population, d'importance de la pauvreté, de potentiel de croissance et de réduction de la pauvreté sont brièvement décrits ci-dessous.

Le système mixte extensif (Cerrados et Llanos). Il couvre 230 millions d'hectares de zones boisées et de savanes non arbustives dans la partie Centre-Ouest du Brésil (Cerrados) et en Colombie orientale, au Venezuela et en Guyane (Llanos). L'agriculture n'occupe qu'une population de 10 millions d'habitants. Du fait de son éloignement traditionnel des marchés et des contraintes pédologiques qui le caractérisent, ce système a été traditionnellement consacré à l'élevage extensif et ce n'est que récemment que l'agriculture a commencé à y jouer un rôle important. Le riz pluvial, antérieurement privilégié - et toujours prédominant dans les Llanos - est maintenant associé au soja, au maïs et même au café dans les Cerrados. Bien que les surfaces cultivées ne couvrent que 30 millions d'hectares et que l'intensification, mal gérée, ait entraîné une sévère dégradation des terres dans certaines régions, ce système mixte renferme un énorme potentiel de croissance agricole. Les niveaux de pauvreté y sont relativement faibles, quoique plus élevés chez les immigrants sans terre qui arrivent dans ce système.

Tableau 7.1 Les principaux systèmes de production agricole d'Amérique latine et des Caraïbes

Systèmes de production

Superficie (% de la région)

Pop. Agric. (% de la région)

Principaux moyens d'existence

Irrigué

10

9

Horticulture, fruits, bétail

Zone de forêt

30

9

Agriculture de subsistance/élevage

Plantations côtières et mixte

9

17

Cultures d'exportation/cultures pérennes, pêche, tubercules, tourisme

Mixte intensif

4

8

Café, horticulture, fruits, activités hors exploitation agricole

Céréales-élevage (Campos)

5

6

Riz et bovins

Forêt humide et tempérée

2

1

Elevage, céréales, forêt, tourisme

Maïs-haricot (Amérique Centrale)

3

10

Maïs, haricot, café, horticulture, activités hors exploitation agricole

Mixte intensif des hauts plateaux

2

3

Légumes, maïs, café, élevage porcin, céréales,

(Andes du Nord)

   

pommes de terre, activités hors exploitation agricole

Mixte Extensif (Cerrados & Llanos)

11

9

Elevage, oléagineux, grains, un peu de café

Mixte tempéré (Pampas)

5

6

Elevage, blé, soja

Mixte aride

6

9

Elevage, maïs, manioc, main-d'œuvre rémunérée, migration saisonnière

Mixte aride extensif (Gran Chaco)

3

2

Elevage, coton, cultures de subsistance

Mixte des hauts plateaux (Andes Centrales)

6

7

Tubercules, ovins, grains, légumes, activités hors exploitation agricole

Pastoral

3

1

Ovins, bétail

Dispersé (forêt)

1

<1

Elevage, forêt, tourisme

Urbain

<1

3

Horticulture, produits laitiers, élevage

Source: Données et expertise FAO.

Le système mixte aride. Il est pratiqué dans le Nord-Est du Brésil et dans la péninsule du Yucatan au Mexique. Les terres émergées couvrent 130 millions d'hectares pour une population agricole de plus de 10 millions d'habitants. En dépit des fréquentes sécheresses, un peu plus de 2 pour cent des 18 millions d'hectares de terres cultivées sont sous irrigation et l'agriculture est essentiellement de type semi-subsistance, axée sur l'élevage (24 millions d'UGB), le maïs, le haricot et la production maraîchère. Les petits exploitants vivent en grand nombre dans des conditions de pauvreté sévère et côtoient une minorité de grands éleveurs qui contrôlent la plupart des terres. La faible productivité, associée au mode de tenure, se traduit par la migration saisonnière des petits exploitants qui ne survivent que par la vente de leur main d'œuvre. La dégradation des terres y est une contrainte majeure.

Le système mixte des hauts plateaux (Andes centrales). Son aire de distribution géographique couvre 120 millions d'hectares, pour une population agricole de plus de 7 millions d'habitants. Les surfaces cultivées représentent moins de 3 pour cent des terres émergées dont plus d'un tiers est irrigué. Ce système de production est pratiqué dans tout le Pérou, dans les vallées abruptes de la Haute Sierra tandis que du Pérou austral jusque dans le Nord du Chili et en Argentine, en passant par la Bolivie occidentale, les hauts plateaux sont les types de reliefs prédominants. Ce système est caractérisé par une production réalisée à une altitude supérieure à 3 200 mètres et par une dépendance sur les céréales locales, la pomme de terre, les ovins et les Llanos. Une forte tradition de cultures locales y est aussi observée. L'incidence de la pauvreté est élevée et souvent très grave. Les grands exploitants y sont très rares.

Le système d'Amérique Centrale axé sur le maïs-haricot. Il s'étend du Mexique central au Panama, avec une population agricole de 11 millions d'habitants dont une forte proportion d'indigènes. Ce système, qui couvre 65 millions d'hectares, est historiquement et culturellement basé sur la production de maïs et d'haricots, pour l'autoconsommation; le café et les produits maraîchers sont d'importantes sources de revenus monétaires. Les surfaces cultivées sont estimées à 6 millions d'hectares dont 40 pour cent sous irrigation. La perte des terres des vallées plus fertiles au profit de migrants allogènes et des exploitations commerciales a accru la pression démographique sur les flancs des collines et des autres terres marginales, avec comme corollaire une incidence de pauvreté généralisée et grave ainsi qu'une dégradation marquée des terres dans plusieurs zones.

Évolutions significatives au niveau de la région

La population de cette région atteindra 725 millions d'habitants à l'horizon 2030 mais la proportion vivant en zones rurales déclinera de 25 pour cent à 17 pour cent au cours de cette période, ce qui réduira marginalement la population rurale par rapport à son niveau actuel. Au cours de la période 2000-2030, les superficies cultivées s'accroîtront d'au moins 20 pour cent tandis que la part des surfaces irriguées restera constante, en termes relatifs, à 14 pour cent des terres cultivées. Le niveau de production des principales cultures céréalières a augmenté au cours des 30 dernières années - essentiellement du fait de l'accroissement des rendements - tandis que la production totale demeurera en hausse quoiqu' à un rythme plus réduit. Les fruits et légumes sont également en forte croissance; en effet, les superficies consacrées à la production fruitière ont augmenté plus vite que les autres au cours de cette période. La production d'oléagineux, en particulier du soja et du tournesol, progresse d'environ 6 pour cent par an depuis 1961 et cette tendance devrait se confirmer. La croissance agricole globale est estimée à 1,7 pour cent par an au cours des 30 prochaines années, pour l'essentiel imputable à l'expansion des superficies cultivées alors que les rendements devraient augmenter de moins de 50. Selon les projections, l'utilisation des engrais jusqu'en 2030 sera en légère hausse (environ 1 pour cent par an), tandis que la production animale devrait croître de 0,9 pour cent annuellement jusqu'en 2030. La population d'ovins et de caprins devrait progresser de 0,7 pour cent par an et le nombre de porcins et de volailles augmenterait respectivement de 0,9 pour cent et 1,6 pour cent par an.

LES PRIORITÉS STRATÉGIQUES RETENUES POUR L'AMÉRIQUE LATINE ET LES CARAÏBES

Les trois principaux axes stratégiques suivants sont susceptibles d'orienter les interventions du gouvernement et des institutions pour modifier les systèmes de production agricole au cours des trente prochaines années: (i) l'amélioration de l'accès à la terre et à l'eau dans les systèmes caractérisés par une pauvreté très répandue et parmi les populations pauvres des autres systèmes; (ii) la promotion d'activités de remplacement pour les populations agricoles pauvres n'ayant pas d'accès suffisant à la terre et à l'eau pour échapper à la pauvreté; et (iii) le renforcement des biens publics dans les zones rurales. Dans tous ces domaines, le gouvernement doit inévitablement jouer un rôle d'avant garde, en collaboration toutefois avec la société civile et les acteurs du secteur privé. Dans tous les systèmes (à l'exception des zones les plus reculées), la diversification devrait constituer une importante source de réduction de la pauvreté agricole et nécessite une orientation plus marquée vers des cultures non traditionnelles de valeur plus élevée, ainsi que l'initiation d'activités génératrices de valeur ajoutée, telles que le calibrage, le conditionnement et la transformation des produits en milieu paysan.

Malgré ces opportunités, la majorité des paysans marginaux et sous-marginaux n'aura toujours pas les ressources humaines, financières, foncières et naturelles leur permettant de diversifier leurs productions comme l'impose le marché. Deux principales solutions sont envisageables: la création d'emplois non agricoles locaux et l'émigration. La création et la pérennité de l'emploi non agricole en milieu rural dépendra pour une large part de la croissance des activités du secteur privé dans des domaines tels que l'agro-industrie, le tourisme et les usines d'assemblage. Un appui doit être apporté aux grands employeurs tout comme aux petits. Les entités de plus grande envergure peuvent être motivées davantage par un appui à la formation de leur personnel et de leurs fournisseurs mais aussi par la mise en place de mécanismes efficaces de règlements des litiges, le développement ciblé des infrastructures et par des incitations fiscales. La promotion de la petite entreprise passera essentiellement par la levée des barrières juridiques et administratives qui font obstacles à l'implantation des entreprises, par l'amélioration du microcrédit, la formation à la gestion des affaires et par l'incitation à la mise en place de structures d'appui à la petite entreprise. Dans les systèmes caractérisés par une incidence élevée de la pauvreté et la disponibilité de ressources naturelles, on ne devrait guère s'étonner des départs massifs, vu les niveaux de pauvreté et l'accroissement des opportunités de services dans les zones urbaines. Le coût social et humain de l'émigration peut être atténué par des mesures d'appui aux candidats à l'émigration notamment en les initiant à des métiers non agricoles, en reconnaissant leurs droits légaux à la terre et même traditionnels, et en les incitant à émigrer vers les villes secondaires plutôt que vers la capitale.

L'équipement en infrastructures constitue un volet essentiel des biens publics et, dans ce domaine, les routes, l'électrification et le captage des eaux pour l'irrigation sont d'importants aspects pour la diversification et l'intensification dans nombre de domaines. Cependant, pour que les infrastructures soient efficaces, elles doivent être réalisées dans un contexte opportun de croissance. La prestation de services de vulgarisation et d'information par les services publics devra certainement être effectuée au moyen de partenariats avec le secteur privé, vu l'enveloppe réduite des budgets d'investissement public.

Dans l'ensemble, la région présente un contraste marqué entre les zones extensives à faible densité de peuplement et à potentiel de croissance élevé et les systèmes à densité démographique élevée qui ont, pour la plupart, une incidence de pauvreté élevée. Pourtant, ces deux régions aux caractéristiques opposées auront des défis similaires à relever dans les 30 années à venir et il est impossible, sur la seule base de l'analyse régionale en cours, de prescrire des interventions spécifiques. Au plan national, la situation globale demande que la stratégie mette l'accent clairement sur un développement agricole basé sur les trois initiatives régionales suivantes, toutes liées entre elles:

Une gestion durable des ressources. Cette initiative portera sur la diffusion des technologies qui ont fait leurs preuves chez les petits exploitants, notamment: le paillage à l'engrais vert, le zéro-labour à petite échelle, les haies vives, la culture en terrasse et le zéro-pâturage; un accent accru sur la mise au point, le test et la diffusion de variétés répondant aux besoins des petits exploitants; le financement de l'émigration des agriculteurs désireux de quitter les terres non productives et la promotion de l'emploi non agricole afin d'alléger la pression sur les zones à forte densité démographique.

Un accès amélioré aux ressources. Le développement passe nécessairement par un meilleur accès à la terre pour les populations rurales pauvres. Pour ce faire, il conviendra de: renforcer les services du cadastre et de l'enregistrement foncier et les services de règlement des conflits fonciers; mettre en place un système de financement des petites exploitations par les banques rurales; acquérir, morceler et revendre les exploitations de grande dimension; introduire des mesures améliorées de gestion des terres communales y compris la protection contre l'invasion et la colonisation et, enfin, appliquer des politiques fiscales favorisant une utilisation durable des terres.

Un renforcement de la compétitivité des petites exploitations. Dans ce domaine, les principales interventions porteront sur: l'initiation des groupes de paysans aux techniques de gestion commerciale et administrative; l'adoption de technologies améliorées pour la production de cultures de rapport élevé; la réduction des obstacles à la participation des petites entreprises; la promotion des infrastructures rurales de marchés, les routes et les télécommunications; et des mesures d'encouragement au transfert des entités de transformation agricole et structures connexes vers les zones rurales. Ce volet couvre la formation du personnel, l'équipement en infrastructures et un appui technique aux producteurs contractuels.

12 Voir en annexe la liste des pays inclus dans cette région.


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