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Chapitre 1
Introduction

1.1 Préambule

La production animale est fonction:

Dans le contexte du présent rapport, qui passe en revue les perspectives d'utilisation de la haute technologie ou de la biotechnologie en nutrition pour accroître la production animale, les animaux choisis comme cibles doivent être les ruminants domestiques qui sont élevés par les petits exploitants agricoles des pays du tiers monde.

En règle générale, les pays en développement n'ont souvent pas assez de disponibilités alimentaires pour leur population et éprouvent de grandes difficultés à produire suffisamment de glucides amylacés et de protéines de haute qualité pour la population humaine. Aussi les céréales produites sont-elles généralement réservées à celle-ci, laquelle s'accroît à une cadence plusieurs fois supérieure à celle enregistée dans les pays industrialisés. Les excédents alimentaires obtenus à court terme par suite de conditions météorologiques favorables ou de l'application des résultats de la recherche agronomique et pédologique seront inévitablement transformés en déficit par la demande alimentaire croissante de la population.

Cette tendance ne pourra être inversée que si le taux de natalité diminue et le taux de mortalité s'accélère dans ces pays. L'impact de l'infection à VIH (aboutissant au SIDA), qu'il est actuellement impossible de guérir, sera notable à cet égard, mais on ne peut encore prévoir ses effets sur la densité de population future dans les pays en développement.

Etant donné que tout excédent éventuel de la production céréalière par rapport aux besoins humains in'aurait probablement qu'une faible ampleur, la production d'animaux monogastriques qui rivalisent avec l'homme pour obtenir les ressources alimentaires de base (céréales) devra offrir de solides avantages sur le plan politique et commercial avant de pouvoir être encouragée. Par contre, l'effort de recherche pourrait s'orienter à l'avenir vers la production d'animaux monogastriques nourris d'aliments à base de sucre et de divers sous-produits.

Il existe bien entendu dans tous les pays en développement une classe moyenne qui désire consommer de la chair de la volaille et de la viande porcine et qui peut faire face à leurs coûts de production relativement élevés. Cette catégorie de population est en augmentation dans les pays qui s'industrialisent rapidement et, jointe à l'afflux de touristes, cette évolution aura pour effet d'accroître la demande de ces produits.

On observe une forte corrélation entre la consommation de viande et les revenus en espèces ou les niveaux de vie (voir Brumby, 1989 et figure 1.1).

L'élevage des animaux monogastriques atteint déjà un niveau très élevé et, d'une manière générale, il est probablement préférable de laisser la recherche sur les animaux domestiques nourris de céréales aux pays industrialisés qui ont généralement une production céréalière excédentaire et où celle-ci est subventionnée (c'est ainsi que, dans tous les pays de la CEE et aux Etats-Unis d'Amérique, la valeur de la production céréalière est subventionnée à raison d'environ 40%).

Dans la plupart des pays en développement, la production de porcs et de volailles repose soit sur un système d'alimentation au sol en liberté (qui est limité aux agriculteurs villageois), soit sur un système technologique très coûteux importé des pays tempérés qui l'utilisent (système adopté par les gros exploitants).

Figure 1.1: Consommation alimentaire/pourcentage du régime alimentaire représenté par la viande, le blé et le riz, et les céréales secondaires, à mesure qu'augmente le revenu par habitant (Marks & Yetley, 1987 - voir Brumby, 1989)

Figure 1.1

Quoi qu'il en soit, on ne peut omettre de prendre en considération l'alimentation des animaux monogastriques puisque l'intégration judicieuse de leur élevage avec celui des ruminants dans les zones de culture représente potentiellement le système le plus efficace qui pourrait être (ou qui est) mis au point pour accroître la production animale dans son ensemble. Dans ce contexte, il faut surtout envisager à l'avenir l'intégration de la production de viande porcine et de chair de poulet à partir de sources alimentaires non classiques (par exemple canne à sucre, mélasse, eaux grasses, tubercules, racines et sousproduits) avec d'autres systèmes tels que la production de protéines à partir de végétaux aquatiques.

Du fait que le ruminant a une digestion fermentative prégastrique du fourrage, en général il ne concurrence guère l'homme pour les ressources céréalières vitales de haute qualité et c'est pourquoi l'accent sera mis esur lui dans le présent ouvrage. Dans les pays en développement, les ruminants (biomasse) sont de loin plus nombreux que tous les autres animaux domestiques, comme source non seulement d'aliments de haute qualité pour l'homme (viande et lait, et même sang dans certaines régions), mais aussi de combustible (la bouse), ainsi que pour le trait.

L'exploitation continue des ruminants comme animaux domestiques réside dans leur aptitude:

Il est hors de doute que la recherche en biotechnologie devra viser à améliorer l'efficacité de ces attributs en fonction des besoins particuliers du petit exploitant agricole.

Toute technologie peut améliorer notablement la production de l'élevage de cinq manières principales:

Les stratégies élaborées en vue de l'utilisation des animaux à l'avenir pour le travail et pour la production alimentaire ne pourront pas ne pas tenir compte de l'aggravation de la crise écologique ni de la nécessité de réduire les émissions de gaz d'origine agricole. Quelques observations seront formulées à ce sujet dans les sections ultérieures du présent rapport.

1.2 Définition de la biotechnologie ou haute technologie

La biotechnologie est un terme très à la mode dans les textes concernant la recherche car il évoque la recherche scientifique de pointe. D'autre part, il sous-entend des applications avec des produits ou des procédés éventuellement susceptibles d'être brevetés et représentant par conséquent un investissement profitable. On a accordé beaucoup trop de crédit à ces promesses depuis quelques temps et, d'une manière générale, les possibilités d'application, par exemple, de la technologie de l'ADN recombinant n'ont pas eu d'effet concret dans le domaine de la production animale. Généralement, les résultats de la technologie de recombinaison de l'ADN ont été décevants. Ainsi, si l'on est bien parvenu à produire des animaux par mutation génique, par contre le fait qu'on n'ait pas réussi à contrôler l'expression des gènes introduits a eu des résultats indésirables souvent dénoncés par les associations de protection des animaux. Il en est résulté une mauvaise image de marque, mais cela a aussi eu pour conséquence de mettre en évidence la nécessité d'étudier les aspects fondamentaux de contrôle de l'expression génique et de la physiologie celluiaire.

Cependant, cela ne signifie nullement que l'avenir ou l'importance de ces travaux soient mis en doute. En fait, e'est le contraire qui prévaut, mais il sera surtout nécessaire de pousser la recherche fondamentale pour comprendre l'expression génique; il faudra manifestement plus de temps et plus de crédits avant que puissent être appliqués bien des principes nouveaux.

Dans le contexte du présent rapport, la biotechnologie ne saurait se limiter à la technologie de recombinaison de l'ADN. A vrai dire, la biotechnologie est une science qui remonte à la plus haute antiquité, ayant ses origines dans des procédés tels que le brassage de la bière ou de la vinification.

Aux fins du présent ouvrage, la biotechnologie sera définie comme étant l'application des organismes, systèmes ou processus biologiques à la production animale, c'est-à-dire la production de viande, de lait, de cuir, de laine ou de crin et d'énergie pour la traction. La biotechnologie souligne en particulier l'intégration de la microbiologie, de la biochimie, du génie chimique et des techniques de transformation. La biotechnologie est toujours pluridisciplinaire et son aspect le plus marquant est qu'elle est orientée vers l'application. Elle nécessite habituellement la collaboration de scientifiques appartenant à différentes disciplines et dirigés par des personnes ayant une grande aptitude à l'intégration. Il arrive souvent que les jeunes scientifiques qui se spécialisent dans la biotechnologie mais travaillent isolément renoncent à s'orienter vers les applications pratiques ou recherchent des objectifs de compromis pour justifier leur approche qui peut ne pas être toujours rationnelle.

En inspectant divers établissements avant de rédiger le présent ouvrage, l'auteur a pu observer que beaucoup de jeunes scientifiques récemment formés et provenant de pays peu développés se consacraient encore au domaine sur lequel avait porté leur formation à l'étranger sans vraiment reconnaître les possibilités d'application de leurs travaux. Par conséquent, ils concurrençaient en quelque sorte leurs anciens dirigeants, si bien qu'il est peu probable qu'ils aboutissent à de véritables innovations.

Aux fins du présent rapport, la recherche en biotechnologie est considérée comme une activité pratiquée à plusieurs niveaux. Dans le domaine de l'alimentation animale, cela comprend des recherches visant à améliorer l'efficacité de la production par la manipulation:

Les chercheurs doivent aussi étudier la possibilité d'accroître la teneur de la base fourragère en nutriments extrêmement déficitaires pouvant être produits localement, en particulier à partir de sources non classiques (par exemple la production de farines protéiques avec des végétaux aquatiques (algues) cultivés sur les effluents d'une digesteur). Les chercheurs devront aussi envisager la possibilité de réduire la fermentation des substances protéiques des végétaux consommés par les ruminants au moyen d'opérations de génie génétique pratiquées sur les végétaux et d'autres techniques appliquées aux plantes, aux systèmes de digestion microbiens et à l'animal.

Dans son acception plus étroite, le terme de biotechnologie s'appliquera ici à la nouvelle biotechnologie. Celle-ci est définie comme étant l'application de la technologie de l'ADN recombinant à l'amélioration de la production animale par une meilleure nutrition.

1.3 Les promesses de la nouvelle biotechnologie

La technologie de recombinaison de l'ADN a son origine dans les travaux de Crick et Watson (Watson, 1968) et de leurs collègues à Cambridge. La recherche dans ce domaine est souvent considérée comme étant supérieure à d'autres formes de recherche biologique. Pourtant, dans ce domaine de recherche comme dans tous les autres, c'est souvent l'acquisition de la technologie et des instruments nécessaires qui déclenche le développement ou le progrès. Comme exemples d'événements qui ont permis à bien des groupes de démarrer ou de progresser dans leur domaine d'activité, on peut citer la mise au point des techniques utilisées pour fractionner l'ovule, pour introduire de l'ADN étranger dans l'ADN chromosomique ou pour introduire de force un plasmide dans une cellule où il se répliquera parallèlement aux autres ADN. Notre propos n'a nullement pour but eu l'occurrence de critiquer la recherche biotechnologique moderne, mais seulement de signaler que la nouvelle biotechnologie est appuyée par un groupe nombreux de “scientifiques classiques” dirigés essentiellement par quelques personnes extrêmement compétentes et douées, comme c'est le cas dans tous les autres domaines de recherche.

Le fait que beaucoup d'ouvrages aient posé comme principe que la nouvelle biotechnologie était une science réservée aux surdoués à nui à beaucoup d'autres domaines de recherche qui, dès lors, ont souffert de contraintes financières. Or, ces domaines acquièrent souvent un regain de prestige quand, par exemple, une méthode novatrice de mutation génique ne débouche pas sur l'application technologique prévue (par exemple une productivité plus élevée chez les animaux domestiques exprimant des gènes pour anabolisants). En pareil cas, on a négligé les principes de la nutrition; un animal capable, par exemple, de doubler sa taille deux fois plus vite grâce à l'acquisition d'une gène d'hormone de croissance peut avoir besoin d'une alimentation totalement différente. C'est ainsi que pour assurer la croissance et le développement normal du squelette chez un tel animal, il sera peut-être nécessaire de lui fournir davantage de calcium et de phosphore sous des formes plus aisément absorbées et assimilées; il faudra peut-être aussi accroître le rapport protéines/énergie dans les nutriments absorbés, tout comme l'apport de vitamines et d'autres minéraux.

Il est done nécessaire de conférer à la recherche un équilibre approprié qu'il faudra ensuite maintenir. La nouvelle biotechnologie doit progresser parallèlement à la recherche fondamentale et appliquée qui est nécessaire pour garantir que les applications de la recherche en génétique moléculaire parviennent bien à l'utilisateur final, en l'occurrence l'éleveur. L'un des impératifs du présent rapport est que la recherche en nutrition ne doit pas concurrencer la nouvelle biotechnologie pour obtenir les quelques crédits disponibles.

Une autre conclusion importante est que les principes nutritionnels importés des pays tempérés ont induit en erreur. Les progrès récents de la recherche nutritionnelle, qui ont des répercussions immenses sur la productivité, ouvrent des perspectives très prometteuses avec le potentiel d'une application immédiate. La recherche a surtout besoin de trouver les moyens d'appliquer ces principes aux systèmes de production en fonction des conditions écologiques propres à chaque pays. Etant donné que les besoins alimentaires des pays en dévelopement risquent de doubler d'ici l'an 2000, il est primordial que la recherche débouche sur des stratégies pouvant être rapidement appliquées.

1.4 Les animaux visés

Le présent ouvrage doit traiter surtout des ruminants qui sont importants dans les pays en développement du point de vue "économique", ce terme étant pris dans son acception la plus large. Il s'agit essentiellement des bovins, des buffles, des ovins et des caprins. D'autres animaux qui effectuent la préfermentation du fourrage, dont les chameaux, l'alpaca, le lama, le yak et certains singes, ainsi que quelques espèces de cervidés, de même que les animaux à fermentation postgastrique comme le cheval, l'âne, le cobaye et le lapin, ne doivent pas être perdus de vue car ils jouent souvent un rôle important dans certaines régions. Toutefois, cette dernière catégorie d'animaux n'a pas été choisie comme cible en raison de la prédominance des herbivores ruminants. La recherche sur l'utilisation des produits d'alimentation animale non classiques sera brièvement évoquée, mais les besoins principaux en l'occurrence consistent à mettre au point des systèmes qui dépendent des ressources disponibles sur le plan local, compte tenu en particulier des principes d'une agriculture intégrée.


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