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1 Comment fonctionne un marché libéralisé?


Plan du chapitre 1

Comment fonctionne un marché libéralisé?

Avantages et faiblesses du système de commerce étatique

  • Certitude de vendre les céréales avant la récolte
  • Prix fixes pour l'ensemble du pays
  • Stockage organisé par les offices nationaux
  • Stocks excédentaires et coûteux
  • Pénurie de céréales en cas de prix trop faibles
  • Inflation

Caractéristiques du système de commerce libéralisé

  • Les producteurs disposent d'un large éventail de circuits pour écouler leurs produits

Facteurs qui influencent la commercialisation des céréales

  • Période de récolte
  • Lieu de production
  • Transport et infrastructures
  • Volumes des récoltes nationales et des récoltes des pays voisins

Décisions qui incombent aux producteurs dans un système de commerce libéralisé

  • Quand et où vendre les céréales?
  • À qui et à quel prix vendre les céréales?
  • Quand et comment stocker les produits?
  • Quand et comment acheter les intrants agricoles?
  • Où acheter les intrants agricoles?

Dans un marché libéralisé, les agriculteurs doivent prendre davantage de décisions personnelles ... ... qui peuvent parfois être erronées

AVANTAGES ET FAIBLESSES DE L'ANCIEN SYSTÈME ÉTATIQUE

Sous l'ancien système du commerce d'État, les opérations de commercialisation étaient relativement simples. Dès après la récolte, les producteurs livraient leurs céréales à l'Office national de commercialisation à un prix de campagne homologué. Les agents de l'Office de commercialisation procédaient à la collecte des récoltes céréalières qui étaient, par la suite, transportées par les véhicules de l'Office vers les magasins de stockage ou les unités de transformation.

Les avantages

Le commerce étatique avait certainement des avantages, même s'il faut dans bien des cas les relativiser. Ainsi, les producteurs étaient sûrs de vendre leurs céréales avant même de procéder à la récolte. De même, les prix d'achat au producteur étaient les mêmes dans tout le pays, ce qui permettait aux producteurs des zones éloignées d'obtenir des revenus monétaires non grevés de coûts de transport.

Dans ce système, le stockage était effectué dans les magasins construits et gérés par l'Office national; les producteurs qui ne stockaient donc que la part des récoltes destinée à nourrir la famille ne devaient pas se soucier de problèmes de gestion de stocks.

Dans beaucoup de pays, les producteurs pouvaient bénéficier de crédits garantis par l'Office national pour l'achat des intrants agricoles; leur octroi était facilité par le fait que l'Office national récupérait directement la valeur du crédit et des intérêts sur les sommes dues aux agriculteurs pour les produits achetés. Les engrais et les semences étaient généralement subventionnés.

Les faiblesses

Les offices de commercialisation étaient le plus souvent mal gérés, et souffraient d'une pléthore de personnel et de corruption généralisée. Des cadres et des magasiniers peu honnêtes faisaient souvent main basse sur les stocks des magasins.

Les prix de campagne fixés par l'État n'étaient pas l'expression de l'offre et de la demande. S'ils étaient artificiellement élevés, la collecte de produits dépassait les besoins des consommateurs et on assistait à la constitution de stocks excédentaires et coûteux avec de fortes pertes de stockage. En revanche, si les prix étaient maintenus bas (ce qui était souvent le cas), il se produisait une pénurie de céréales dans les villes en même temps que se constituait un marché parallèle illégal, et, parfois, la contrebande sévissait dans les pays voisins.

Les succursales des offices ou les commerçants agréés pour la collecte de base étaient forcés de respecter les prix et les marges homologués de façon uniforme dans tout le pays; ceux qui travaillaient dans les régions éloignées ne pouvaient rentabiliser leurs opérations du fait des coûts de transport excessifs. Les banques avaient souvent du mal à se faire rembourser les prêts destinés à l'approvisionnement des producteurs en intrants agricoles, car le système de récupération des prêts des offices laissait fréquemment à désirer. Lorsque le gouvernement ne pouvait ni se faire rembourser les sommes dues, ni refinancer la campagne agricole, il contractait un emprunt auprès des banques (ou faisait fonctionner la planche à billets). Cette pratique était une cause majeure d'inflation et on a pu constater, dans certains pays, une hausse de prix de plus de 100 pour cent. Tous ces inconvénients ont contribué à saper les bases du système de commerce d'État qui était condamné, tôt au tard, à disparaître.

LE COMMERCE LIBÉRALISÉ

Dans un système de commerce libéralisé, il existe plusieurs circuits commerciaux par lesquels le produit atteint le consommateur. Les circuits de distribution sont animés par différents opérateurs qu'on appelle les intervenants de la commercialisation. Un circuit est direct lorsqu'il passe du producteur au consommateur; c'est le cas, par exemple, de la vente au détail pratiquée par les paysannes. Le circuit est dit court lorsqu'il implique un intermédiaire entre le producteur et le consommateur. Le circuit complexe suppose plusieurs intervenants entre le producteur et le consommateur. Le fonctionnement des circuits varie selon les pays et les localités; il appartiendra à l'agent d'encadrement de comprendre le système commercial de sa zone et d'en discuter avec les producteurs, les commerçants et les transformateurs.

Ce schéma des circuits de commercialisation des céréales en vigueur au Fouta Djalon, Guinée, permet de faire les observations suivantes:

Note: Voir figure 1 à la page 14.

Figure 1

Circuits de commercialisation des céréales au Fouta Djalon, Guinée

Contrairement aux pays d'Afrique de l'Est où les moulins sont un maillon important de la filière de commercialisation des céréales, en Afrique de l'Ouest l'essentiel du commerce porte sur les grains. L'existence de petites minoteries ou de rizeries dans certains pays comme le Mali et d'usines de mouture dans d'autres (Grands moulins du Burkina, par exemple) n'a pas enlevé aux commerçants traditionnels de grains leur poids dominant dans la filière.

Par contre, la libéralisation du système a entraîné la multiplication des petits moulins grâce notamment à l'action des projets et des ONG. En général ces petits moulins ne font pas d'importants achats de céréales en vue d'une revente après transformation; ce sont des prestataires de services sollicités par les ménagères pour traiter les grains destinés à la consommation familiale.

FACTEURS INFLUENCEANT LA COMMERCIALISATION DES CÉRÉALES

Plusieurs facteurs influencent les opérations de commercialisation des céréales:

La période de récolte

Dès après la récolte, les producteurs sont obligés de vendre une partie, voire la totalité, des céréales pour gagner de l'argent et s'acquitter de leurs dettes ou pour subvenir à certaines dépenses pressantes de la famille. Pendant cette période de récolte, les produits sont disponibles partout et les commerçants n'ont pas besoin de parcourir de longues distances pour s'approvisionner. Les producteurs des régions éloignées auront naturellement plus de difficulté à écouler leurs céréales.

Le lieu de production et les facilités de transport

Les circuits de commercialisation des céréales produites par les paysans vivant à proximité d'une grande ville, d'une importante voie routière ou d'une gare ferroviaire sont certainement différents des circuits qu'empruntent les céréales produites dans les régions éloignées. En général, les producteurs de ces dernières ont beaucoup plus de mal à vendre leurs produits; ils sont parfois obligés de les transporter jusqu'aux commerçants urbains au lieu d'attendre l'arrivée hypothétique d'acheteurs.

Le circuit de commercialisation des céréales des régions éloignées est le plus souvent un circuit complexe, c'est-à-dire qu'il fait intervenir beaucoup d'intermédiaires avant que les produits n'atteignent le consommateur.

Disponibilité de places sur les marchés

C'est sur les marchés qui attirent un grand nombre de consommateurs et de commerçants que les producteurs peuvent espérer faire de grands profits en vendant, individuellement ou en groupe, leurs céréales. Toutefois, il n'est pas toujours facile de trouver une place ou un magasin sur ces marchés. Il existe dans la plupart des pays d'Afrique de l'Ouest des marchés périodiques (hebdomadaire, tous les trois ou quatre jours, etc.) où se déroulent d'intenses activités commerciales. Un des rôles des encadreurs agricoles est d'identifier ce type de marché et d'aider les producteurs à s'y positionner.

Volume des récoltes dans le pays et les pays voisins

Lorsque la récolte est abondante dans le pays, les prix restent relativement bas toute l'année. Les commerçants gèrent cette situation de deux manières:

En revanche, lorsque la récolte est mauvaise ou que l'on prévoit une période de soudure, les commerçants feront de grands achats pendant la période de récolte (les prix sont alors bas) en vue d'un stockage et d'une revente en période de soudure où les prix sont les plus élevés.

Par ailleurs, en raison de l'importance croissante du commerce de céréales entre les différents pays de la région, les effets de la mauvaise récolte dans un pays donné peuvent être atténués ou annulés par une bonne récolte dans le pays voisin. Il est important de tenir compte de la complémentarité des économies agricoles des pays humides de la côte (Côte d'Ivoire, Bénin, Ghana, etc.) et de celles des pays sahéliens (Burkina Faso, Mali, Niger, etc.). Grâce à cette complémentarité, les régions humides approvisionnent en maïs les régions sèches qui, à leur tour, exportent vers les zones humides le mil et le sorgho. Cependant, entre deux pays d'une même zone climatique naît souvent une concurrence, car on y retrouve les mêmes produits et parfois les mêmes conditions climatiques. Les grands commerçants céréaliers des différents pays établissent leurs programmes d'achat sur la base des informations commerciales recueillies aussi bien dans leur pays que dans les pays voisins.

DÉCISIONS INCOMBANT AUX PRODUCTEURS DANS UN SYSTEME DE COMMERCE LIBERALISÉ

Différentes options s'offrent désormais aux producteurs pour la vente de leurs produits; les agents d'encadrement doivent être en mesure de les aider à prendre les décisions les plus appropriées.

Si un agriculteur doit vendre ses céréales immédiatement après la récolte pour obtenir de l'argent, les questions suivantes se poseront:

Si un agriculteur ne vend pas immédiatement ses produits, il devra se poser les questions suivantes:

En plus des problèmes relatifs à la vente, les producteurs doivent s'adapter au grand nombre de changements intervenus dans l'approvisionnement en intrants agricoles et dans les systèmes de crédit. Autrefois, dans la plupart des pays, les services du Ministère de l'agriculture distribuaient des intrants agricoles qui étaient fortement subventionnés. Après la suppression des activités commerciales de ces services, certains producteurs de céréales ont continué à profiter des systèmes de crédit et d'approvisionnement en intrants agricoles mis en place par les sociétés de cultures d'exportation (coton, café, cacao, etc.). C'était le cas dans les pays où les politiques agricoles nationales insistaient sur l'association culture d'exportation/cultures vivrières. C'est ainsi qu'au Mali, au Burkina Faso et au Bénin, les sociétés cotonnières ont assuré l'approvisionnement des producteurs céréaliers qui étaient, en même temps, des producteurs de coton.

Cependant, dans ces pays comme dans d'autres, les opérateurs du secteur privé ont pris, ou sont en train de prendre, le relais des agences gouvernementales et des sociétés de cultures d'exportation. Ces opérateurs ne livrent les intrants agricoles que s'ils sont sûrs d'être payés, notamment par la garantie d'une banque agricole nationale ou locale. Les banques n'interviennent en faveur des producteurs que s'ils se constituent en groupements bien organisés.

La plupart des petits producteurs sont obligés d'acheter au comptant les engrais et les semences agricoles qui leur sont nécessaires. Les agents d'encadrement doivent avoir une bonne perception de tous ces problèmes et promouvoir chez les producteurs l'habitude à l'épargne ou l'adhésion à des groupements, ou encore les aider à formuler des demandes de crédit collectives auprès des banques.

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