XII. PROPRIETES DES TERRES FORESTIERES
La terre appartient à l’Etat mais l’usufruit appartient à celui qui la travaille. C’est à dire, le premier qui l’a défrichée pour la cultiver. Les systèmes de distribution de la terre entre les membres de la tabanca (village) doivent être pris en considération.
a) Les forêts sont considérées depuis l’indépendance comme des biens vacants, administrés par l’Etat. La culture itinérante et de défrichement de la forêt pour cultiver ces sols continuent à être une coutume traditionnelle.
b) L’arbre individuel vivant (même dans la forêt), produit de la nature, appartient à l’Etat et seulement peut se couper avec sa permission. Donc, sa protection et conservation n’intéressent pas les habitants ruraux.
c) L’arbre mort appartient à tout le monde. Donc, l’intérêt est que l’arbre arrive à cette condition (spécialement ceux qui sont près du village), pour que l’on obtienne du bois de chauffe avec.
C'est donc à partir de 1986 que la dynamique foncière actuelle s’est rapidement développée, et s’est régulièrement accélérée jusqu’à aujourd’hui :
Progression des superficies céréalières par :
poursuite de mise en valeur de nouvelles mangroves,
poursuite et accélération de l’aménagement des bas-fonds à la fois des paysans et par des ponteiros (grands concessionnaires terriens),
intensification de la déforestation (défriches) pour l’extension des superficies cultivées en céréales pluviales (riz, mais aussi mil/sorgho).
Progression spectaculaire des concessions attribuées aux ponteiros.
Le tableau ci-dessous est en effet très révélateur.
Surface des concessions rurales attribuées annuellement et nombre de demandes correspondantes
Surfaces attribuées en millier d’ha |
Nombre de demandes déposées |
Surface moyenne par concession en ha |
|
Total avant 1975 |
103,5 |
422 |
24 |
Depuis 1975 |
0,7 |
19 |
37 |
1976 |
0,0 |
0 |
- |
1977 |
0,0 |
0 |
- |
1978 |
0,0 |
0 |
- |
1979 |
0,0 |
0 |
- |
1980 |
0,3 |
11 |
27 |
1981 |
0,97 |
28 |
35 |
1982 |
0,56 |
31 |
18 |
1983 |
2,5 |
34 |
74 |
1984 |
2,1 |
33 |
64 |
1985 |
14,4 |
162 |
89 |
1986 |
92,6 |
378 |
245 |
1987 |
31,0 |
307 |
101 |
1988 |
36,7 |
261 |
141 |
1989 |
33,0 |
130 |
254 |
1990 |
117,6 |
281 |
419 |
Tableau établi d’après Alves et Napoco : nous avons rajouté la dernière colonne
Le nombre de concessions attribuées annuellement a fortement augmenté depuis 1989, de même que la taille moyenne des concessions qui a atteint 419 ha en 1990. Alors que la superficie totale des concessions était estimée à environ 400.000 ha, moins de 10.000 ha avaient été effectivement mis en valeur à des fins agricoles, hors plantations d’anacardiers en 1992.
Répartition régionale des attributions foncières de 1985 à 1990
Régions |
Nombre de concessions par classes de superficies en ha |
TOTAL |
% |
||||
Moins de 50 |
5 à 100 |
100 à 500 |
500 à 1.000 |
Plus de 1.000 |
|||
Biombo |
13 |
17 |
3 |
0 |
2 |
35 |
7 |
Cacheu |
2 |
13 |
7 |
1 |
1 |
24 |
5 |
Oio |
23 |
70 |
37 |
4 |
7 |
141 |
28 |
Bafatá |
54 |
80 |
30 |
7 |
14 |
185 |
38 |
Gabú |
5 |
9 |
4 |
0 |
1 |
19 |
4 |
Quínara |
6 |
9 |
8 |
3 |
1 |
27 |
5,5 |
Tombali |
4 |
25 |
16 |
4 |
6 |
54 |
11 |
Bolama |
2 |
1 |
0 |
0 |
0 |
3 |
0. |
Total |
109 |
224 |
104 |
19 |
32 |
488 |
- |
Pourcentage, % |
22 |
46 |
21 |
4 |
7 |
100 |
- |
Sources: Données du cadastre (DHAS & INEP) ; tableau reproduit "PLAN CEREALIER DE LA GUINÉE-BISSAU" ; Phase I, tome 1 ; IRAM, 1991.
Les deux tiers des concessions obtenues ont des superficies de l’ordre de 50 à 500 ha ce qui confirme le développement rapide actuel de la "course au foncier" de la part des ponteiros. Cela montre aussi que très peu de familles rurales traditionnelles des "tabancas" font (ou réussissent à) actuellement enregistrer leurs terres traditionnelles.
Selon les estimations les plus fiables 300.000 ha avaient déjà été concédés aux ponteiros (10% de la superficie totale du pays ; dont environ 8.000 seraient cultivés et 22.000 plantés en anacardiers) alors que la population rurale des villages avec près de 700.000 habitants cultive sur 80 à 90.000 exploitations (de moins d’un ha cultivé en moyenne par famille de 5 – 6 habitants) moins de 3% de la surface totale du pays soit de 100 à150.000 ha.
Le tableau ci-dessous présente l’estimation des superficies forestières et les superficies de concessions attribuées en 1989. Ce tableau ne prend pas en compte les surfaces déjà exploitées par le passé et donc peu ou prou vidées de leur potentiel de bois d'œuvre. D’autre part une grande incertitude pèse sur l’évaluation des superficies forestières compte tenu du rythme élevé mais actuellement impossible à évaluer sérieusement de la déforestation sous l’effet de la course à la terre sur les terres forestières.
Superficies forestières et superficies des concessions d’exploitation forestières en 1989
Régions |
Superficies de forêts et savanes (1.000 ha) |
Superficies des concessions d’exploitation forestières (1.000 ha) |
|||
Forêts |
Savanes |
Total |
|||
Biombo |
0 |
119 |
119 |
0 |
|
Cacheu |
10 |
1 |
11 |
0 |
|
Oio |
44 |
300 |
344 |
74,3 |
|
Bafatá |
111 |
357 |
468 |
10,5 |
|
Gabú |
596 |
170 |
766 |
1,0 |
|
Quínara |
70 |
149 |
219 |
7,1 |
|
Tombali |
0 |
145 |
145 |
0 |
|
Bolama |
0 |
65 |
65 |
0 |
|
Total Guinée-Bissau |
830 |
1.306 |
2.136 |
92,9 |
Sources: Rapport Constantino, Bibliographie no 16
Les concessions d’exploitation forestière attribuée très souvent à des entrepreneurs couvraient environs 93.000 ha en 1990, chiffre relativement important si on le compare aux superficies cultivées par les villageois. Selon ce tableau on serait en droit de penser que le rythme de l’exploitation forestière est largement inférieur aux possibilités autorisées par le potentiel forestier. Malgré toutes les incertitudes sur les chiffres présentés, tout laisse à penser que le rythme actuel de l’exploitation du bois d'œuvre est trop élevé par rapport au potentiel réellement existant encore et que l’exploitation forestière pratique une exploitation minière qui épuisera rapidement les ressources disponibles. D’ores et déjà certaines unités de transformation pourtant de taille et de capacité modeste éprouvent des difficultés d’approvisionnement.