Page précédente Table des matières Page suivante


Chapitre 8. Incubation


Beaucoup de dépenses et d'efforts sont nécessaires pour produire des œufs fertiles, c'est pourquoi il faut les manipuler avec précaution pour ne rien gâcher et produire des oisons sains. Le succès de l'incubation commence par la collecte méticuleuse des œufs dans les nids.

Immédiatement après la collecte, les œufs doivent être nettoyés individuellement soit avec une brosse ou bien avec du papier de verre. Bien que le lavage des œufs à incuber ne soit pas recommandé, les œufs les plus sales doivent être brossés dans l'eau à 40°C (la température de l'eau doit toujours être supérieure à la température de l'œuf). Un désinfectant tel que l'hypochlorite de sodium (NaClO) peut être ajouté à l'eau. Il est recommandé de collecter les œufs dans des clayettes en plastique ou dans tout autre support fait d'un matériau non poreux et facilement nettoyable pour ne pas risquer de transmettre une contamination bactérienne éventuelle.

Immédiatement après la collecte et le nettoyage des œufs, il faut pratiquer une fumigation sur place avant leur acheminement vers le couvoir. Cette fumigation immédiate est capitale. Plus on attend et moins elle est efficace, car les germes Aspergillus et Salmonella peuvent pénétrer la coquille.

On effectue habituellement la fumigation en utilisant le formaldéhyde (CH2O) qui est un gaz, sa forme commerciale est une solution aqueuse à 40 pour cent (37 pour cent du poids) vendue sous le nom de formaline. On peut aussi le trouver sous forme d'une poudre nommée paraformaldéhyde. Les œufs à fumiger sont placés dans une petite chambre hermétique, car le formaldéhyde est très toxique et ne doit pas s'échapper de cette chambre.

Le formaldéhyde est libéré de sa forme de stockage, le paraformaldéhyde, par chauffage au moyen d'un petit appareil à thermostat. Il faut suivre attentivement les conditions d'utilisation du produit et la température recommandée.

Pour obtenir le formaldéhyde à partir de la formaline, il faut ajouter du permanganate de potassium (KMnO4) dans les proportions de 1 g de permanganate pour 2 ml de formaline. Le mélange doit se faire dans un creuset en terre cuite ou en métal, car la chaleur générée par la réaction chimique est capable de briser un récipient en verre. Les doses usuelles à mettre en jeu sont de 60 g de permanganate de potassium et 120 ml de formaline pour un espace de 2,8 m3. Lorsque les œufs sont stockés en forte densité sur des alvéoles, on peut augmenter ces quantités à, respectivement, 75 g et 150 ml.

Dans le cas où on ne dispose pas de formaldéhyde ou de tout autre désinfectant, les radiations solaires peuvent être utilisées pour leurs propriétés désinfectantes. Les œufs doivent alors être disposés en une seule couche, pour être directement accessibles aux radiations solaires. Il est important de faire ce traitement dans un endroit propre, afin que les œufs ne récoltent pas plus de bactéries que le soleil n'en détruit. Il faut bien entendu contrôler la durée de l'exposition pour ne pas risquer une surchauffe des œufs.

Le couvoir doit être isolé des troupeaux d'oies et construit avec des matériaux isolants qui préviennent les changements soudains de température néfastes aux incubateurs. Les incubateurs doivent par ailleurs être correctement ventilés, car les besoins de l'embryon en oxygène sont élevés. Le couvoir doit être conçu avec plusieurs pièces séparées dont les fonctions sont:

FIGURE 25. Retournement des œufs d'oies pendant la période de stockage. (Landes, France.)

Source: Buckland (1995).

TABLEAU 5

Effets du préchauffage sur l'éclosabilité et la durée de l'incubation d'œufs d'oies ayant subi une longue conservation.

Durée du stockage (jours)

Pas de traitement (témoin)

Préchauffage


Moyenne

Différence comparée avec des œufs frais

Moyenne

Différence comparée avec des œufs frais

Différence comparée avec le témoin


Eclosabilité % ()

3

83,46

-

-

-

-

10

79,73

-3,73

85,69

+2,23

+5,96

17

64,48

-18,98

80,54

-2,92

+10,06

24

20,67

-62,79

61,34

-22,35

+40,67


Durée de l'incubation (h)

3

702

-

-

-

-

10

706

+4

702

-

-4

17

711

+9

704,5

+2,5

-6,5

24

715

+13

707

+5

-8

Source: Bogenfürst (1995).

Après la fumigation, les œufs d'oies doivent être stockés en attendant l'incubation. Il est recommandé de les entreposer à une température comprise entre 10 et 15°C avec une hygrométrie de 70 à 75 pour cent. Les œufs doivent subir six rotations par jour avec une amplitude de 90 degrés pendant la période de stockage. Le rythme d'une incubation par semaine entraîne des durées de conservation des œufs de sept jours maximum, ce qui n'est pas préjudiciable à la production d'oisons. Pour constituer des grandes bandes d'oisons, on est parfois amené à espacer les incubations, ce qui entraîne des stockages de 15 jours ou plus. En pratique, les résultats obtenus sur des œufs conservés deux semaines sont légèrement hypothéqués mais convenables. Audelà de 15 jours de conservation, ces résultats deviennent aléatoires. Des travaux récents sur le préchauffage des œufs d'oies en période de stockage indiquent que le préchauffage des œufs conservés pendant une longue durée améliore leur éclosabilité. Dans le travail présenté au tableau 5, les œufs ont été conservés entre 10 et 15°C jusqu'au 14e jour puis entre 18 et 22°C les 10 jours suivants. L'hygrométrie moyenne était de 75 pour cent. Les œufs qui n'ont pas subi de traitement ont vu leur niveau d'éclosabilité décroître de 83,46 pour cent à 20,67 pour cent pendant les 24 jours de conservation. Les œufs du traitement expérimental ont subi un préchauffage de 5 heures le premier jour de stockage, puis 5 heures de plus pour chaque période de conservation de cinq jours. Ainsi les œufs conservés 10, 17 ou 24 jours ont reçu respectivement 10, 20 et 25 heures de préchauffage. Les résultats montrent clairement l'intérêt du préchauffage en cas de longue conservation.

Il existe deux types d'incubateurs utilisés pour les œufs d'oies. Les gros appareils utilisés dans les couvoirs industriels sont ventilés, alors que les incubateurs statiques sont réservés à des petits nombres d'œufs. La durée totale de l'incubation pour les œufs d'oies est de 30 jours. Ces œufs, comme ceux de la plupart des palmipèdes, nécessitent certains traitements spécifiques non utilisés chez les autres espèces aviaires. Entre le 4e et le 27e jour de l'incubation, il est conseillé de refroidir les œufs et de les humidifier avec de l'eau. Il a été démontré maintes fois que ce type de traitement avait des effets bénéfiques sur le nombre d'oisons éclos viables. L'explication réside dans le fait que naturellement, les femelles couveuses quittent chaque jour leur nid pour se baigner et reviennent couver leurs œufs refroidis avec un plumage humide.

INCUBATION DANS DES APPAREILS VENTILéS

La plupart des incubateurs munis d'une ventilation sont livrés avec une notice du constructeur qui indique comment agir pour incuber des œufs d'oies. Les conditions habituelles indiquent une température de 37,7°C et une hygrométrie de 50 à 55 pour cent pour la période qui concerne les 27 premiers jours, c'està-dire avant le transfert en éclosoir. Les œufs sont placés en position horizontale dans l'incubateur et retournés sur 90 degrés toutes les 2 heures. Si on place les œufs en position verticale dans l, le rythme de rotation reste le même, mais l'amplitude de la rotation passe à 180 degrés.

FIGURE 26. Œufs d'oies dans un incubateur ventilé. (Hongrie.)

Source: Buckland (1995).

Pendant la période d'incubation (du 4e au 27e jour), les œufs doivent être refroidis chaque jour en ouvrant les portes de l'appareil pendant 15 minutes. Avant de refermer l'incubateur, il faut les brumiser avec de l'eau, ou mieux, avec une solution bactéricide. La température de l'eau doit être comprise entre 20 et 25°C. Au septième jour de l'incubation, il faut mirer les œufs au moyen d'une source lumineuse et contrôler par transparence que l'embryon se développe normalement. Les œufs clairs et les embryons morts doivent être retirés, car ils sont des sources de contaminations potentielles. Lors du passage en éclosoir le 27e jour, il faut renouveler l'opération et extraire les embryons qui sont morts entre temps. Dans l'éclosoir, les œufs ne sont plus refroidis ni humidifiés, la température est de 37,5°C et l'hygrométrie de 75 pour cent. L'éclosion débute le 30e jour, il faut ouvrir les trappes de l'éclosoir pour que les oisons sèchent, même si on ne les sort effectivement que le 31e jour.

A l'éclosion, les oisons n'ont pas totalement résorbé leur sac vitellin, ce qui leur permet de survivre pendant 24 heures sans boire et sans manger lors d'une livraison lointaine. Toutefois, il est recommandé de les abreuver et de les alimenter dès que possible.

FIGURE 27. Eclosion d'oisons. (Corée du Nord.)

Source: Buckland (1995).

INCUBATION DANS UN APPAREIL STATIQUE

Les incubateurs statiques sont très bien adaptés à l'incubation d'un petit nombre d'œufs dans des conditions très variées. Ces incubateurs sont en général beaucoup plus petits que les appareils à ventilation et peuvent recevoir 10 à 100 œufs d'oies à la fois. L'hygrométrie est habituellement procurée par une coupelle d'eau placée en dessous des œufs. Il est important de remplir cette coupelle avec une eau propre et tiède pour maintenir l'humidité à un niveau correct. En effet, si l'eau est sale, il se forme une couche de poussière à la surface qui réduit l'évaporation. L'hygrométrie est alors trop basse et l'éclosabilité est affectée. A l'inverse des incubateurs à ventilation qui fonctionnent à l'électricité à cause du retournement automatique, des ventilateurs et d'autres mécanismes de contrôle, beaucoup d'incubateurs statiques ne nécessitent pas d'électricité. C'est ainsi que de nombreuses sources de chaleur peuvent être employées, par exemple la paille dans le cas d'un modèle traditionnel en brique et en terre encore rencontré en Egypte. Les coques de riz, le kérosène, le gaz naturel et bien sûr l'électricité peuvent être utilisés avec succès dès lors que la température peut être contrôlée et régulée.

Comme pour les incubateurs ventilés, il est également capital de suivre les recommandations du fabricant pour incuber et éclore les œufs d'oies. La température est généralement plus élevée en incubateur statique à cause de l'absence de mouvement d'air: 39,4°C pour toute la durée de l'opération. Comme il n'y a pas de mécanisme de retournement automatique dans ce type d'appareil, il faut le faire manuellement après avoir marqué les œufs à une extrémité avec un crayon de couleur. Il est nécessaire de pratiquer de quatre à six rotations d'une amplitude de 180 degrés par jour, la première a lieu tôt le matin et la dernière à la nuit. Tous les œufs doivent être mirés après sept jours, les œufs clairs et les embryons morts sont retirés. La plupart des incubateurs statiques ne possèdent qu'un panier de stockage, à cause du faible nombre d'œufs produits, et ne sont chargés qu'une fois par semaine. Il en résulte un mélange d'œufs de plusieurs dates qu'il faut marquer au crayon gras pour pouvoir les reconnaître. Ce type de pratique conduit à une éclosion par semaine, il est donc vivement conseillé de prévoir un deuxième incubateur qui sert uniquement d'éclosoir et qui peut être maintenu propre après élimination des coquilles, du duvet, etc. Pour des incubations hebdomadaires, la capacité requise pour ce second incubateur qui sert d'éclosoir est de 25 pour cent des possibilités de chargement de l'incubateur véritable.

FIGURE 28. Incubateur statique. (Pologne.)

Source: Buckland (1995).

Quel que soit le type de matériel utilisé, un refroidissement causé par une interruption momentanée du chauffage n'est pas recommandé, mais peut s'avérer sans conséquences graves sur le développement de l'embryon et l'éclosion. Par contre, une surchauffe peut occasionner des problèmes sérieux et doit être prévenue à tout prix. Si, pour quelque raison que ce soit, la température devient trop élevée, il faut rapidement ouvrir les portes de l'incubateur et refroidir les œufs au contact de l'air ambiant.

Si on les garde propres et si aucune casse d'œufs n'est à déplorer, on peut utiliser les incubateurs toute la saison de ponte sans les nettoyer. Il ne faut toutefois pas oublier de nettoyer et de fumiger les œufs avant leur chargement dans l'appareil. L'éclosoir doit par contre être désinfecté après chaque lot d'éclosion. Lorsqu'on ne possède pas de désinfectant, l'éclosoir doit subir un lavage énergique, il faut ensuite l'exposer au soleil, les rayons ultraviolets contribuent à la stérilisation.

ACCOUVAGE NATUREL

La plupart des oies femelles deviennent des couveuses. Si on leur en laisse l'opportunité, elles peuvent parfaitement mener à bien une série de 10 à 12 œufs qu'elles viennent juste de pondre. Cette pratique n'est pas recommandée car une oie qui couve cesse de pondre.

Toutefois, lorsqu'il n'y a pas d'autres possibilités, il faut envisager la couvaison naturelle. Les œufs d'oies peuvent fort bien être confiés à une poule, une cane ou une dinde qui couve. Lorsqu'on pratique la couvaison naturelle, suffisamment de femelles couveuses seront prévues pour incuber la majorité des œufs, sauf les 10 ou 12 derniers pondus par l'oie qui les couvera elle-même. Une poule est capable de prendre en charge 4 à 6 œufs d'oie, une cane 8 à 10 et une dinde 10 à 14 œufs. Si, dans le passé, il était recommandé d'humidifier les œufs d'oie incubés par les couveuses, cette pratique ne semble pas obligatoire et n'est plus avancée aujourd'hui. Le nid attribué à la couveuse doit être propre et placé dans une relative pénombre, là où l'animal ne sera pas dérangé. Les couveuses doivent disposer d'eau et d'aliment. Les précautions nécessaires pour la collecte des œufs destinés à être couvés naturellement sont identiques à celles décrites précédemment pour une incubation artificielle. Compte tenu de la taille de ces œufs, certaines poules sont parfois troublées lorsqu'elles doivent les retourner. Un marquage du même type que celui qui a été précédemment décrit permet de contrôler les opérations, si la poule n'est pas capable de retourner complètement elle-même ces œufs, il faut l'aider jusqu'à obtenir 2 à 3 retournements d'une amplitude de 180 degrés par jour en plus de ses tentatives.

Une femelle couveuse est capable de s'occuper des jeunes oisons qu'elle a fait naître pendant les premiers jours de leur vie. On recommande toutefois de lui retirer les oisons et de les élever à part dans des conditions classiques.


Page précédente Début de page Page suivante