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Chapitre 11. Production de foie gras


La production de foie gras est obtenue par gavage des oies, qui peut intervenir entre les âges de 9 et 25 semaines, et dont la durée s'échelonne entre 14 et 21 jours. Pendant cette période, le foie qui pèse initialement environ 80 g s'engraisse pour atteindre un poids de 600 à 1 000 g. Les oies sont, avec les canards mulards et dans une moindre mesure les canards de Barbarie, les oiseaux les plus utilisés pour la production de foie gras. Comme pour les autres palmipèdes, le maïs est l'aliment de choix pour le gavage, à cause de sa richesse en amidon et de son coût relativement modéré. La production de foie gras représente une spéculation très particulière basée sur la patience et la dextérité du gaveur, dont le savoir-faire est primordial et incontournable.

FIGURE 40. Foies gras et carcasses d'oies. (Pologne.)

Source: Buckland (1995).

Il existe de grandes différences en terme d'adaptabilité des génotypes d'oies au gavage. L'aspect le plus important est de s'adresser à des oies capables de développer un foie gras de taille adéquate pendant une période de gavage de 14 à 21 jours. En second lieu, le comportement de l'oie est à prendre en considération. Comme elle est manipulée cinq ou six fois par jour pour le gavage, il est préférable d'avoir une souche d'oie calme et docile. Deux souches d'oies remplissent ces conditions: l'oie de Toulouse et l'oie grise des Landes qui dérive de la précédente. Cette dernière, ayant été sélectionnée pour ce type de production, est de loin la plus populaire. Bien que ce paramètre ne soit pas absolument essentiel, il est aussi possible d'utiliser des souches blanches à cause de la valeur des plumes récoltées et de la présentation des carcasses.

La structure de la filière foie gras s'articule généralement autour de l'abattoir qui gère la plupart du temps la transformation et la vente des produits au sein d'un regroupement coopératif. L'abattoir produit les oisons, les démarre, puis les élève en troupeaux de prêts à gaver. Ensuite, en fonction des besoins du marché, il répartit les animaux chez des gaveurs affectés à cette tâche. Cette organisation dite en filière segmentée, où chaque intervenant exécute une tâche spécifique, est particulière à certaines régions. A l'inverse, il existe des organisations en circuit court où les producteurs réalisent à petite échelle toutes les opérations depuis la production d'oisons jusqu'à la partie abattage, transformation et vente des produits. L'intégralité des opérations est alors réalisée sur la ferme.

Le marché du foie gras d'oie est focalisé sur deux pays: la France et la Hongrie, qui à eux deux représentent plus des 3/4 de la production et de la consommation (voir figure 41). La demande du marché est une des raisons pour laquelle les oies sont mises en gavage à des âges très variés. En second lieu, le marché de la plume peut influencer l'âge de mise en gavage; il faut parfois retarder cette production pour pouvoir exploiter une plumée supplémentaire lorsque le marché de la plume est porteur. Après plumaison, il est nécessaire d'attendre trois semaines avant de débuter le gavage, de manière à pouvoir bénéficier de plumes matures lors de la procédure d'abattage.

En période de gavage, on utilise traditionnellement du grain entier préalablement cuit. La cuisson consiste en général en un simple trempage dans de l'eau chaude, les grains doivent être légèrement ramollis mais doivent conserver leur intégrité. On ajoute environ 2 pour cent de graisse qui provient généralement de palmipèdes gavés; son rôle est de lubrifier le maïs et de faciliter sa progression dans l'œsophage des oies. Les oies subissent en règle générale trois gavages quotidiens: le matin, à midi et le soir, sur une durée de trois semaines. Il est possible de réduire cette durée en pratiquant deux passages au lieu d'un à chaque occasion, la première oie gavée étant nourrie à nouveau après le traitement de la dernière du troupeau. Il faut toutefois conserver un intervalle minimum de 90 min entre deux repas de gavage. Sous de telles conditions, le nombre de repas quotidiens est de six, et la durée totale du gavage n'excède pas 13 ou 14 jours. Cette dernière méthode très intensive permet d'économiser du maïs: 12 à 14 kg sont nécessaires, alors qu'avec la méthode traditionnelle plus modérée, 17 à 20 kg de maïs sont nécessaires pour obtenir le même résultat.

FIGURE 41. Le marché international du foie gras d'oie.

Source: Guy (1996).

FIGURE 42. Un cuiseur pour la préparation du maïs destiné aux oies. (Pologne.)

Source: Buckland (1995).

Une nouvelle méthode se développe actuellement. Elle est bien adaptée au gavage des oies et met en jeu un mélange cru de 35 pour cent de maïs broyé, 30 pour cent de grain entier et 35 pour cent d'eau. Cette préparation est dispensée par une machine très sophistiquée mais aussi très coûteuse. Avec cette méthode, il est recommandé de gaver les oies quatre fois par jour (deux gavages avec repasse). La durée de l'opération est comprise entre 18 et 21 jours et il faut prévoir de 17 à 20 kg de maïs par animal. Le principal intérêt de cette technique est sa rapidité d'exécution qui autorise la prise en charge d'effectifs importants. Un producteur entraîné peut traiter jusqu'à 300 ou 400 oies en une seule bande. Cette pratique est bien entendu réservée aux professionnels et aux filières bien structurées à cause du prix prohibitif de l'appareil. Nombre de facteurs influencent la quantité d'animaux qu'il est possible de confier à un gaveur: la méthode, le matériel, le savoir-faire du producteur et toute l'organisation de l'atelier. Audelà des effectifs annoncés ci-dessus en gavage «humide», un maximum de 100 oies peut être traité par un gaveur confirmé qui utilise une gaveuse électrique à vis sans fin et du grain entier (figure 43). Avec une gaveuse manuelle telle que celle qui est présentée en figure 44, un maximum de 30 oies peut être traité à la fois.

Du fait du caractère très intensif de ce type de production, les unités sont en général de petite taille, et pas plus de 200 ou 250 oies sont confiées à un gaveur à condition que celui-ci soit un spécialiste et que l'activité gavage soit considérée comme sa seule occupation quotidienne. Les oies sont conservées sur des parquets similaires à ceux utilisés en période d'élevage, il faut prévoir 0,3 à 0,5 m2 par animal sur caillebotis et 0,5 à 0,75 m2 par animal gardé sur litière. Pendant la période de gavage, les oies n'ont accès à aucun parcours extérieur. La production de foie gras est un aspect très particulier de la production des oies. Pour être viable, ce type de production nécessite au préalable la mise en place d'un schéma élaboré. Cela inclut un approvisionnement sans faille d'oies de souches appropriées, la fourniture d'un maïs de bonne qualité, un abattoir spécialisé dans le traitement des palmipèdes gavés, un marché qui permette d'écouler rapidement les produits, ou bien la possibilité de transformer ces produits dans des délais assez brefs (voir le chapitre Abattage et transformation).

FIGURE 43. Une gaveuse électrique à vis sans fin. (Landes, France.)

Source: Buckland (1995).

FIGURE 44. Une gaveuse à vis manuelle. (Landes, France.)

Source: Million (1996).

La production de foie gras expose les producteurs à de sérieuses questions de protection du bien-être des animaux et le gavage n'est pas non plus une pratique d'élevage qui est encouragée par la FAO.

Actuellement les législations de l'union européenne permettent la poursuite des pratiques du gavage uniquement parce qu'il s'agit d'une longue tradition dans le domaine de cet élevage.

Cette situation pourrait changer si de nouvelles législations plus restrictives étaient introduites. Ailleurs, un nombre d'Etats européens, comme la Pologne ont déjà décidé d'interdire la production de foie gras.

FIGURE 45. Le gavage des oies au maïs en parquet. (Hongrie.)

Source: Buckland (1995).


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