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Afrique subsaharienne

La Région et ses systèmes de production

Cette région7 regroupe 626 millions d'habitants dont 61 pour cent (soit 384 millions) travaillent dans l'agriculture. La superficie totale des terres émergées est de 2455 milliards d'hectares dont 173 millions cultivés (cultures annuelles et pérennes), soit le quart de la superficie potentiellement exploitable. Les zones arides et semi-arides constituent 43 pour cent de la superficie totale. En Afrique de l'Ouest, 70 pour cent de la population totale vit dans les zones humides et sub-humides tandis qu'en Afrique de l'Est et australe, seule la moitié de la population occupe ces terres.

Malgré d'abondantes ressources naturelles, le PNB régional par habitant était plus faible à la fin des années 90 qu'il ne l'était en 1970. 19 des 25 pays les plus pauvres du monde sont localisés en Afrique subsaharienne, région caractérisée par une forte disparité des revenus. En Afrique orientale et australe, la pauvreté rurale représente jusqu'à 90 pour cent de la pauvreté totale. Au cours des 30 dernières années, le nombre de personnes sous-alimentées dans la région a considérablement augmenté, passant à quelque 180 millions en 1995-1997.

15 systèmes de production ont été identifiés et résumés au tableau 2.1 ci-dessous. Vu le nombre de ménages agricoles qui peuvent appartenir à un système de production, il est inévitable de retrouver une forte hétérogénéité dans les plus grands systèmes et plusieurs sous-systèmes peuvent être identifiés dans ce cas. Les cinq systèmes les plus importants en termes de population, de pauvreté et de potentiel de croissance sont brièvement décrits ci-dessous.

Le système irrigué. Il regroupe des grands périmètres irrigués couvrant 35 millions d'hectares pour une population agricole de 7 millions d'habitants. La culture irriguée est renforcée par des cultures pluviales ou par l'élevage. La maîtrise de l'eau est totale ou partielle tandis que la taille des exploitations va de 22 hectares par ménage dans le périmètre de Gezira à moins de 1 hectare. Le risque d'échec total de culture n'existe pratiquement pas mais le revenu des exploitants est sensible aux pénuries d'eau, à la détérioration des structures d'irrigation et au déséquilibre entre les coûts des intrants et les prix des produits. La plupart des périmètres sont aujourd'hui confrontés à des crises mais si les problèmes d'ordre institutionnel sont résolus, le potentiel de croissance agricole futur est garanti. L'incidence de la pauvreté est plus faible que dans les autres systèmes de production et le nombre de pauvres en termes absolus est réduit.

Le système arboricole. L'aire d'extension de ce système s'étend dans la zone humide de l'Afrique de l'Ouest et du Centre et occupe 73 millions d'hectares pour une population agricole de 25 millions d'habitants. Les terres cultivées couvrent 10 millions d'hectares (6 pour cent), dont seulement 0,1 million est irrigué. Ce système est organisé autour de la culture de produits industriels tels que le cacao, le café, le palmier à huile et l'hévéa. Les cultures vivrières intercalaires servent principalement à l'autoconsommation. L'élevage de bovins est limité. On y rencontre également des plantations industrielles (palmiers à huile et hévéa notamment), ce qui offre divers services aux petits exploitants à travers des plantations pilotes ou des contrats de collecte de récolte. L'incidence de la pauvreté est faible à modérée et se limite aux très petits exploitants et travailleurs agricoles.

Table 2.1 Les principaux systèmes de production rencontrés en Afrique subsaharienne

Systèmes de production

Superficie (% de la région)

Pop. Agric. (% de la région)

Principaux moyens d'existence

Irrigué

1

2

Riz, coton, cultures maraîchères, cultures pluviales, bovins, volailles

Cultures arboricoles

3

6

Cacao, café, palmier à huile, hévéa, ignames, maïs, travaux non agricoles

Axé sur la forêt

11

7

Manioc, maïs, haricots, taro

Riz-arboriculture

1

2

Riz, banane, café, maïs, manioc, cultures maraîchères, élevage, travaux non agricoles

Cultures pérennes des hauts plateaux

1

8

Banane, plantain, enset (pseudo-bananier d'Éthiopie), café, manioc, patate douce, haricots, céréales, élevage, volaille, travaux non agricoles

Mixte tempéré des hauts plateaux

2

7

Blé, orge, tef, pois, lentilles, haricots, navette, pommes de terre, moutons, chèvres, élevage, volaille, travaux non agricoles

Cultures à racines et tubercules

11

11

Ignames, manioc, cultures maraîchères, travaux non agricoles

Mixte axé sur les céréales et les tubercules

13

15

Maïs, sorgho, mil, manioc, ignames, cultures maraîchères, bovins

Mixte axé sur le maïs

10

15

Maïs, tabac, coton, bovins, chèvres, volailles, travaux non agricoles

Assoc. de grandes exploit.

5

4

Maïs, légumineuses à grain, tournesol, bovins,

commerciales et petits exploitants

   

moutons, chèvres, montants envoyés par les proches

Agropastoral axé sur le mil/sorgho

8

8

Sorgho, mil, légumineuses à grain, sésame, bovins,

moutons, chèvres, volaille, travaux non agricoles

Pastoral

14

7

Bovins, chameaux, moutons, chèvres, montants envoyés par les proches

Dispersé (aride)

17

1

Maïs irrigué, cultures maraîchères, palmiers dattiers, bovins, travaux non agricoles

Pêche côtière artisanale

2

3

Pêche maritime, noix de coco, noix d'anacardier, banane, ignames, fruits, chèvres, volaille, travaux non agricoles

Urbain

<1

3

Fruits, cultures maraîchères, produits laitiers, bovins, chèvres, volaille, travaux non agricoles

Source: Données et expertise FAO.

Le système de production mixte céréales-cultures à racines. Ce système s'étend à travers la zone sub-humide sèche d'Afrique de l'Ouest jusqu'en Afrique centrale et australe. La superficie totale est de 312 millions d'hectares pour une population agricole de 59 millions. Les terres cultivées sont estimées à 31 millions d'hectares dont seulement 0,4 million en irrigué. L'élevage de bovins y est pratiqué de manière extensive, avec quelque 42 millions de têtes de bétail. Bien que le maïs, le sorgho et le mil soient communément cultivés, les tubercules tels que l'igname et le manioc ont une part prépondérante. La pratique de l'association culturale est courante et une large gamme de spéculations est cultivée et commercialisée. La principale contrainte est la sécheresse. L'incidence de la pauvreté est faible et les perspectives de croissance agricole sont excellentes. La zone abritant ce système pourrait devenir le grenier de l'Afrique et constituer une importante source de recettes d'exportation.

Le système de production mixte axé sur le maïs. Il s'agit du système de production alimentaire prépondérant en Afrique de l'Est et australe; il s'étend à travers les zones de plateaux et de hauts plateaux de 800 à 1 500 m. La superficie totale est de 246 millions d'hectares pour une population agricole de 60 millions d'habitants. Les terres cultivées sont de l'ordre de 32 millions d'hectares dont seulement 0,4 million sous irrigation. La culture vivrière est le maïs tandis que les principales ressources monétaires proviennent des montants envoyés par les migrants, du bétail, des petits ruminants, du tabac, du café, du coton et la vente de cultures vivrières telles que le maïs et les légumineuses à grains. L'élevage compte 36 millions de bovins. Ce système connaît actuellement une crise dans la mesure où l'utilisation des intrants a fortement baissé du fait d'une pénurie de semences, d'engrais et de produits agrochimiques, associée aux prix élevés des engrais par rapport au prix du maïs. La sécheresse et l'instabilité des marchés sont les principales contraintes. On note dans cette région peu de pauvreté chronique. En dépit de la crise actuelle qui l'affecte, les perspectives de croissance agricole à long terme y sont relativement bonnes et le potentiel de réduction de la pauvreté élevé.

Le système agropastoral axé sur le mil et le sorgho. Il est pratiqué dans les zones semi-arides de l'Afrique de l'Est et sur de larges surfaces en Afrique de l'Est et australe. La superficie totale est de 198 millions d'hectares avec une population agricole de 33 millions d'habitants. La superficie cultivée est de 22 millions d'hectares et la pression exercée sur les rares terres arables est très forte. L'agriculture et l'élevage y revêtent pratiquement la même importance. Le sorgho pluvial et le petit mil sont les principales sources d'alimentation tandis que le sésame et les légumineuses à grains sont parfois commercialisés. On y compte 25 millions de bovins, ainsi que des ovins et des caprins. La sécheresse y constitue la principale cause de vulnérabilité et la pauvreté est fréquente et quelquefois chronique. Le potentiel de réduction de la pauvreté est moyen.

Évolutions significatives au niveau de la région

Le sida a déjà fait régresser le taux de croissance démographique mais la population totale de cette région devait néanmoins s'accroître de 78 pour cent au cours des trois décennies à venir bien que la population rurale n'augmentera que de 30 pour cent en raison de l'urbanisation galopante. Les superficies totales exploitées annuellement ou en permanence devraient s'accroître de manière modérée jusqu'en 2030 tandis que l'augmentation moyenne des rendements, qui devrait être de 60 pour cent, accompagnée d'un accroissement des superficies irriguées et d'utilisation d'engrais, devraient se traduire par un doublement de la production de toutes les cultures. La production animale devrait croître modérément du fait de l'expansion de la demande des consommateurs urbains en viande, lait et œufs. L'essentiel de la production agricole continuera de provenir du système de production pluvial dominé par les petits exploitants.

PRIORITÉS STRATÉGIQUES RETENUES POUR L'AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Malgré l'abondance relative des ressources naturelles, l'incidence de la faim et de la pauvreté dans la région est plus marquée que dans les autres régions en développement tandis que le taux de croissance démographique y est plus élevé et le nombre de pauvres augmente de façon alarmante. Néanmoins, le cadre institutionnel, économique et politique existant n'offre toujours pas les incitations nécessaires pour stimuler la production agricole. Les programmes de développement sont toujours caractérisés par un biais urbain tandis que l'apport de biens publics ruraux demeure inadéquat. Les interventions doivent être orientées sur un appui à l'augmentation de la productivité dans les exploitations des ménages pauvres ainsi que sur la diversification de la production vers des activités à rentabilité élevée surtout dans les zones à haut potentiel où vivent la majorité des pauvres. Le développement de sources de revenu alternatives (à la fois l'emploi non agricole local et même l'abandon de la pratique agricole) constituera un important volet des programmes de réduction de la pauvreté, en particulier dans les zones à faible potentiel.

Des gains substantiels pourraient être obtenus si l'accent était mis à nouveau sur l'amélioration des politiques sectorielles agricoles. Deux domaines prioritaires s'imposent à cet égard: (i) les droits des usagers des ressources; et (ii) les investissements publics à long terme. Quelques exemples dans ce dernier domaine sont le bon aménagement du sol, la gestion durable des ressources naturelles, la conservation des sols et de l'eau, la protection de l'environnement, la préservation de la biodiversité, l'éradication de la mouche tsé-tsé et la fixation du carbone. Les systèmes à potentiel de croissance élevé souffrent énormément d'un manque de services, y compris le transport et l'enseignement. Le défi à relever consiste à fournir ces services publics de manière durable, en s'assurant que les autorités et les communautés locales contribuent à leur fonctionnement. Il est nécessaire de développer des partenariats productifs entre les secteurs public et privé, la société civile et les organisations paysannes.

De manière générale, non seulement les exportations non traditionnelles doivent être promues mais il convient aussi de privilégier les produits à valeur plus élevée. Parmi les solutions partielles qui pourraient être envisagées figurent: la diversification, pour intégrer les cultures d'exportation non traditionnelles, l'amélioration des produits d'exportation existants afin d'obtenir les prix les plus élevés possibles (réhabilitation, traitement amélioré) et la recherche de marchés porteurs tels que les produits biologiques et les aliments demandés par diverses ethnies africaines.

L'abondance de ressources naturelles dans la région offre la base nécessaire pour un développement agricole privilégiant les pauvres, à condition que les incitations appropriées existent. L'analyse des principaux systèmes de production souligne l'importance relative des stratégies des ménages pour échapper à la pauvreté et qui sont, par ordre d'importance: la diversification, l'intensification, l'augmentation de la taille des exploitations, l'abandon de la pratique agricole et l'augmentation des revenus non agricoles. Pour réduire de moitié la faim et la pauvreté à l'horizon 2015, des efforts considérables devront être déployés pour stimuler une croissance générale, qui dépend en dernier recours de l'initiative et des efforts des familles agricoles individuelles au sein de chaque système. Bien qu'il soit impossible, sur la base de l'analyse régionale en cours, de conseiller des interventions spécifiques au plan national, le défi global de réduction de la faim et de la pauvreté dans la région requiert cinq initiatives stratégiques interdépendantes:

Une gestion durable des ressources. La gestion durable des ressources devrait se concentrer sur la réduction de la dégradation des terres, la gestion de la fertilité des sols et de leur productivité. Elle doit entraîner une recapitalisation des sols et une hausse de la productivité. Les composantes à privilégier sont la prise en compte des connaissances des paysans ainsi que les systèmes d'information nécessaires pour documenter et partager les acquis; le renforcement des ressources telles que la petite irrigation et la collecte des eaux; la recherche participative appliquée focalisée sur des technologies intégrées faisant appel à la connaissance des populations indigènes et à celle des chercheurs pour l'adoption de pratiques agricoles de conservation; l'agroforesterie, la lutte intégrée contre les ravageurs et l'intégration cultures-élevage, de même que le renforcement des capacités des groupes d'usagers des ressources.

Un accès amélioré aux ressources. L'accès des agriculteurs pauvres aux ressources agricoles devrait créer des conditions viables pour les petites entités familiales agricoles. Les interventions à privilégier sont, entre autres: une réforme agraire axée sur le marché; le réaménagement de la législation foncière, le renforcement de l'administration publique et l'adoption d'un régime foncier communautaire fonctionnel.

Une compétitivité accrue des petites exploitations. L'accroissement de la compétitivité des petits paysans pauvres renforcera leur capacité à profiter des opportunités de marché. Les composantes à inclure dans ce domaine sont: l'amélioration des techniques de production, la diversification, la transformation, l'amélioration de la qualité des produits, l'établissement d'un lien entre la production et les marchés porteurs et le renforcement des services d'appui, y compris les institutions commerciales, sur la base de partenariats entre le public et le privé.

Réduction de la vulnérabilité des ménages. La gestion des risques pesant sur les ménages réduira la vulnérabilité des ménages agricoles aux catastrophes naturelles et aux aléas économiques qui sont fréquents dans l'agriculture africaine. Les composantes à privilégier sont: la mise au point de variétés précoces résistantes à la sécheresse et d'espèces animales robustes ainsi que l'adoption de pratiques de production améliorées pour la rétention de l'humidité, la mise en place de mécanismes d'assurance et le renforcement des autres mécanismes traditionnels de partage de risques.

Réagir à la propagation du sida. Des actions immédiates doivent être menées en vue de juguler la propagation et l'impact du sida. Les composantes à privilégier sont: le lancement de campagnes d'information, la fourniture de préservatifs à des prix abordables, l'accès aux traitements, des réformes foncières pour préserver les droits des veuves, la formation agricole au profit des orphelins et l'instauration de filets sociaux de sécurité pour appuyer les efforts des communautés rurales dans leur assistance aux orphelins.

7 Voir en annexe la liste des pays inclus dans cette région.


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