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TOGO - UNE ETUDE DE CAS SUR LE DEVELOPPEMENT DE LA PRODUCTION DES
OVINS ET CAPRINS AU NIVEAU DU VILLAGE

G. Van Vlaenderen
Conseiller technique principal Projet PNUD/FAO TOG/86/006
Kara, Togo

S U M M A R Y

The implementation of improved husbandry practices for small ruminants in a rural environment with little traditional use of pastures is complex. The improved practices need to be carefully studied in relation to the local constraints (social, climatic, nutritional and health). An experimental phase with a reduced number of farmers will be necessary in order to determine what improvements to recommend in the future.

In the case of the region of Kara (North Togo) the experimentation was carried out in 1981–82 with 31 farmers and 1 250 head of animals. It was demonstrated that the best system not only in terms of economic and production results but also from the degree of acceptance by the farmers was the system that encompassed the maximum number of improved practices (health, housing, feeding and genetic improvement); however, the use of sown pastures was excluded.

This semi-intensive system allows an increase in the productivity of the flock of about 300 percent compared to the traditional system. These results combined with an important sociological impact has caused considerable enthusiasm among farmers for this type of system (342 farmers trained by the end of August 1987).

In order to achieve this, the project has opted for intensive training carried out by trained personnel. Once a stage of awareness by the rural farmers has been achieved, it is necessary to consolidate these improvements by good farmer training and their organization into associations in order to reduce to the minimum their dependence on the state.

Regarding the keeping of goats, the experience of the project is not encouraging. Actually the poor production and economic results coupled with the difficulties of management and control of goat flocks has led to a progressive decline in interest by farmers for goat raising in favour of sheep.

R E S U M E

L'implantation de l'élevage rationnel des petits ruminants dans un milieu rural à faible tradition pastorale est complexe. Les actions d'amélioration doivent être soigneusement étudiées en fonction des contraintes locales (facteurs humains, climatiques, alimentaires, sanitaires).

Une phase expérimentale sur un nombre restreint de paysans s'avère nécessaire afin de déterminer les types d'intervention à vulgariser par la suite.

Dans le cas de la région de la Kara (Nord Togo) l'expérimentation a été conduite en 1981–82 sur 31 élevages totalisant 1250 bêtes. Elle a montré que le meilleur système, au point de vue tant des résultats zootechniques et économiques que du degré d' acceptation des paysans est celui qui englobe le maximum de thèmes d'amélioration (soins vétérinaires, logement, hygiène, alimentation, amélioration génétique) à l'exclusion toutefois des pâturages artificiels.

Ce système (appelé semi-intensif) permet une augmentation de la productivité du troupeau de l'ordre de 300 pour cent par rapport au système traditionnel.

Les résultats spectaculaires couplés à un impact sociologique non négligeable ont justifié un engouement certain des paysans pour ce type d'élevage (342 élevages encadrés en fin août 1987).

Pour arriver à ce stade le projet a opté pour un encadrement dense exécuté par un personnel qualifié.

Une fois la phase de sensibilisation du monde rural atteinte, il importe de consolider les acquis par une formation adéquate des éleveurs et par une organisation de ceux-ci en association; ceci en vue de les rendre le moins dépendants possible des services étatiques souvent peu opérationnels du fait de carences en moyens ou en personnel.

En ce qui concerne le cas particulier de l'élevage des caprins de race guinéenne, l'expérience du projet en la matière n'est guère encourageante. En effet la médiocrité des résultats zootechniques et donc économiques couplée aux difficultés de conduite et de gestion d'un troupeau de chèvres ont déterminé un désintéressement progressif des paysans pour cette spéculation au profit des ovins.

PRESENTATION DE L'ELEVAGE TRADITIONNEL DES OVINS ET CAPRINS DANS LA REGION DE LA KARA

Présentation du milieu

Considérations géographiques: La région de la Kara s'étend sur une superficie de 11 500 km2. Le relief, assez contrasté, est dominé par de vieux massifs accidentés, le plus souvent dénudés de toute végétation: monts Togo, massif Kabyé. Les zones intermontagneuses, plus propices à l'agriculture, sont couvertes d'une végétation plus ou moins arborée de type soudano-guinéen, entrecoupée de galeries forestiéres en bordure des cours d'eau.

Conditions climatiques: Le climat de la région de la Kara, de type tropical semi-humide, est caractérisé par deux grandes saisons:

La pluviométrie annuelle atteint une hauteur moyenne de 1 200 mm, mais les précipitations sont assez irrégulièrement réparties, puisque plus de la moitié de la pluviométrie est enregistrée pendant les mois de juillet, août et septembre.

La température moyenne est de 26°C avec des amplitudes allant de 18°C à 42°C.

Renseignements démographiques: La population de la Kara, évaluée à 430 000 habitants, est essentiellement rurale. Elle est répartie inégalement avec des densités très élevées en régions montagneuses (environ 100 habitants/km2) alors que les plaines situées à l'ouest sont peu habitées. Cette densité de population est un facteur important à prendre en considération pour déterminer les potentialités de développement de l'élevage ovin dans une région, puisqu'elle détermine la disponibilité en terres et donc en pâturages. Dans ce sens, les territoires Kabyè, à l'est de la région de la Kara, sont les plus défavorisés.

Un autre facteur qui influe sur le développement de l'élevage d'une région est la tradition pastorale de ses habitants. Ici aussi l'est de la région Kara s'avère moins favorable, car les paysans Kabyé s'adonnent presque exclusivement aux activités de productions végétales alors que d'autres ethnies, au nord, sont traditionnellement plus éleveurs (Kokomba, Tamberma).

Race et cheptel ovins/caprins: La seule race ovine rencontrée dans la région de la Kara est celle du Fouta Djalon (ou Djalonké); rarissimes sont les moutons du Sahel; on rencontre parfois quelques moutons métissés.

Chez les caprins on ne rencontre que des animaux appartenant à la race “guinéenne”.

Selon un recensement effectué en 1982, la région de la Kara disposerait d'un cheptel évalué à 323 000 petits ruminants (134 000 ovins et 189 000 caprins), Soit une densité de 28 têtes/km2.

Présentation de l'élevage traditionnel des petits ruminants

Bien que pratiquement toutes les familles possèdent du petit bétail en milieu rural, l'élevage ne constitue en fait qu'une activité de cueillette.

En effect, les animaux ne bénéficient d'aucun soin prophylactique (vaccinations, déparasitages, etc.) ou curatif (soins courants, traitements des plaies ou des maladies). En plus les petits ruminants ne disposent pas de parc de nuit, mais sont logés dans une case bergerie souvent trop exiguë, mal aérée et non entretenue (le fumier n'est sorti qu'une fois par an). Ce logement sert essentiellement de moyen de lutte contre le vol et la divagation des animaux durant la saison des cultures.

Aucun complément minéral ou énergétique n'est intentionnellement distribué aux animaux et la lutte, libre, est souvent faite par des jeunes mâles médiocres.

Néanmoins, un certain travail est effectué en faveur des moutons, même si le but recherché n'est pas directement l'élevage, mais la protection des cultures. Il en est ainsi de la conduite du troupeau, elle-même fonction des saisons.

En saison des pluies (depuis le semis jusqu'à la récolte), les ovins-caprins connaissent une certaine forme de gardiennage qui leur est souvent préjudiciable, mais qui dépend des régions et surtout du nombre d'animaux. Ainsi quand le nombre de moutons par propriétaire est faible (5 à 20 têtes), les animaux sont attachés au piquet dans la savane pendant une période allant d'avril-mai (semis) jusqu'au mois d'août (lignification des graminées). D'août à la fin novembre, ils sont attachés à proximité des cases et reçoivent en quantité insuffisante des feuilles de sorgho et parfois des peaux d'igname, ou des drèches de mil.

Pour les moutons, lorsque leur nombre est plus important et si les disponibilités en terres non cultivées le permettent, ils sont gardés par les jeunes enfants des propriétaires qui les conduisent dans la savane.

Dans ce cas les animaux sont également sous-alimentés car le temps de pâturage est réduit (4 à 6 h/jour).

En saison sèche, les moutons et les chévres divaguent librement à la recherche de repousses en savane ou sur jachères. Le soir, seuls les moutons sont rentrés dans les cases-bergeries, les chèvres très indépendantes ne réintègrent pratiquement plus la ferme pendant toute la durée de la saison sèche.

En ce qui concerne l'abreuvement, les animaux se débrouillent en saison sèche pour trouver de l'eau soit dans les mares ou rivières permanentes, soit dans les récipients disposés près des cases et destinés à l'abreuvement de la volaille.

Pendant la saison des pluies, l'abreuvement se fait soit à la concession pour les animaux à l'attache soit au marigot pour les animaux en gardiennage.

Présentation du projet

Le “Programme d'aménagement et de développement intégré dans le Nord-Togo” est un projet assisté financièrement par le PNUD et techniquement par la FAO.

Son aire d'action s'est limitée à trois zones pilotes de dimension assez modeste (au total 60 000 ha) dispersées dans la région de la Kara. Ce projet dont les phases préparatoires ont débuté en 1967, a eu pour objectifs principaux le développement des infrastructures socio-économiques (centres médicaux, pistes, puits, magasins), l'augmentation de la production agricole par l'amélioration des techniques culturales et l'utilisation de la culture attelée, l'organisation du monde rural par la promotion des groupements pré-coopératifs, et enfin le développement de l'élevage en liaison avec l'agriculture. En fait, ce dernier volet est relativement récent puisqu'il n'a démarré effectivement qu'en 1981. Ses objectifs ont été, d'une part, le développement du petit élevage (ovin, caprin et avicole) en milieu rural et, d'autre part, l'association de cet élevage à l'agriculture (jachère fourragère, utilisation du fumier).

En décembre 1986, le projet Nord-Togo a pris fin et les différentes activités ont été rétrocédées soit aux services étatiques existants soit à d'autres projets exécutant le même type d'activité dans la région (projet Culture attelée de l'USAID). Dans le domaine du petit élevage, compte tenu d'une part, des bons résultats obtenus au cours des six premières années d'encadrement et, d'autre part, de la nécessité de maintenir un encadrement dense des paysans sur une durée suffisamment longue pour en faire de véritables éleveurs, le Gouvernement togolais, le PNUD et la FAO ont décidé la poursuite et l'extension des actions d'encadrement dans le cadre d'un nouveau projet intitulé “Projet de développement du petit élevage dans la région de la Kara” (PRODEPEKA).

A noter qu'au niveau des quatre autres régions du Togo, il existe un “Projet petit ruminant” dont le volet Ferme Contractuelle a débuté en 1983 dans la partie sud du pays. Les types d'actions sont trés similaires à celles mises en place au projet Nord-Togo depuis 1981.

DEVELOPPEMENT DE LA PRODUCTION DES PETITS RUMINANTS

Avant-propos

Bien que la majorité des familles élèvent simultanément des chèvres et des moutons et que l'effectif en chévres soit supérieur à celui des ovins, l'expérience a montré de façon trés nette que ce sont essentiellement les moutons qui profitent des actions d'encadrement.

Ceci s'explique à plusieurs niveaux:

Tout d'abord, les chévres guinéennes sont connues pour leur instinct indépendant et querelleur; ce qui les rend difficiles à conduire en troupeau et malaisées à manipuler. Ensuite leur esprit de vagabondage trés marqué les pousse à divaguer pendant toute la saison sèche, parfois, sans plus revenir à la ferme; ce qui compromet toute action zootechnique ou vétérinaire durant cette période.

Enfin, la réponse zootechnique et donc économique des chèvres aux actions d'amélioration s'avère médiocre et en tout état de cause nettement inférieure à celle obtenue sur les ovins.

Règles de base à respecter

Pour réussir l'introduction de l'élevage traditionnel des petits ruminants dans un milieu où le paysan est essentiellement un agriculteur, il faut respecter un certain nombre d'impératifs.

  1. Les actions doivent être soigneusement préparées sur les plans technique et socio-économique, pour éviter toute erreur qui condamnerait pour longtemps toute nouvelle action de développement de l'élevage dans ce milieu.

  2. L'approche doit être progressive pour ne pas bouleverser brusquement les mentalités et les habitudes du milieu rural.

  3. L'encadrement doit être dense, et être exécuté par un personnel qualifié, de façon à obtenir des résultats très nettement supérieurs aux productions de l'élevage traditionnel.

  4. Il faut débuter l'encadrement avec un nombre restreint de paysans sur une aire géographique limitée, de façon à suivre étroitement les premiers éleveurs pilotes.

  5. Il faut que les actions menées par le projet soient conçues en fonction de leur poursuite après le projet. Elles doivent être basées sur la relève progressive par les éleveurs eux-mêmes et par les structures étatiques existantes.

Les étapes à suivre

C'est en tenant compte de ces différents aspects que le projet a établi son programme d'action. Celui-ci comporte un certain nombre d'étapes ou de phases dont certaines sont achevées et dont d'autres vont se poursuivre dans le cadre du nouveau projet “PRODEPEKA” qui a démarré en janvier 1987. Les phases d'activités décrites concernent l'élevage des ovins qui a été le volet prioritaire dans le développement des espèces à cycle court. Mais, le même processus a été suivi ultérieurement pour les autres espèces.

La phase d'enquêtes: Cette première phase s'est déroulée au cours du second semestre 1980 sur une durée d'environ six mois. Ces enquêtes avaient pour but de préciser la place de l'élevage dans l'exploitation agricole traditionnelle, d'appréhender le mode de conduite des petits ruminants et de déceler les freins au développement de cette espèce. Les résultats ont montré que 92 pour cent des familles rurales possèdent des petits ruminants mais que la taille moyenne du cheptel est faible (7 ovins et 6 caprins); les modes de conduite de l'élevage traditionnel ont été étudiés de manière plus approfondie, ce qui a permis d'identifier les principaux freins au développment de cet élevage; il s'agit dans l'ordre décroissant d'importance

Ces informations ont été complé tées par des enquêtes de prix sur les marchés et une évaluation des débouchés.

La phase expérimentale: Cette seconde phase s'est déroulée sur une période de quatorze mois à partir de 1981. Elle a eu pour objectif d'étudier le comportement et les paramètres zootechniques du mouton conduit de manière traditionnelle et de tester quatre systèmes d'élevage de technicité croissante, allant de la simple protection sanitaire à l'élevage intensif avec parc de nuit et pâturage artificiel.

Cette expérience conduite sur 31 élevages (1 250 têtes) a permis en premier lieu de démontrer l'incidence très défavorable de la seconde moitié de la saison des pluies sur les moutons (chute de poids allant jusqu'à 25 pour cent sur les adultes, baisse de croissance de 24 pour cent sur les agneaux, quadruplement des mortalités) (voir tableau 1).

Tableau 1: Incidence de la saison des pluies sur les moutons (élevage traditionnel)

a Incidence sur les adultes (brebis)

Poids(kg)Mortalité
Fin de la saison sèche
(mars)
Fin de la saison des pluies
(novembre)
Saison sèche/début saison des pluies
(déc.-juillet)
Saison des pluies 
(août-nov.)
21,417,10 %12,5 %

b Incidence sur les jeunes

Croissance(G M Q) (0–170 jrs)Mortalité
58 gr/j45 g/j11 %41 %

Les causes de cette action défavorable de la saison des pluies sur le comportement du mouton ont pu être identifiées comme étant essentiellement d'origine alimentaire. Il s'agit en fait de la conjonction de trois facteurs néfastes :

En second lieu, cette expérience a permis de définir le meilleur système d'élevage à préconiser et donc les thèmes à vulgariser en tenant compte des résultats zootechniques et économiques ainsi que du degré d'acceptation du paysan.

Les quatre systèmes d'exploitation sont par ordre croissant de technicité :

  1. L'exploitation traditionnele améliorée (T.A.) où les animaux bénéficient exclusivement des soins prophylactiques et curatifs.

    A noter également que le troupeau bénéficie également d'une légère amélioration de l'habitat traditionnel (ouvertures d'aération, porte plus large, balayage plus régulier).

  2. L'élevage extensif (E), avec comme thèmes supplémentaires l'amélioration du logement (parc de nuit), de l'alimentation (pierre à lécher), de l'hygiène de l'abreuvement, de la conduite du troupeau (gardiennage durant 8 h/jour) ainsi qu'une certaine amélioration génétique (castration des plus mauvais mâles, puis progressivement introduction de béliers améliorateurs).

  3. L'élevage semi-intensif (S.I.) dont les thèmes d'amélioration sont ceux du système extensif augmentés de celui de la complémentation alimentaire (graines de coton, drèches de brasserie etc.) durant la seconde période de la saison des pluies.

  4. L'élevage intensif (I) où l'amélioration par rapport au système précédent réside dans la mise à la disposition des animaux d'un pâturage amélioré exploité selon la technique du parc mobile.

Le tableau 2 donne les principaux paramètres zootechniques des moutons Djalonké conduits selon les quatre systèmes testés, comparativement au système traditionnel (élevages témoins).

Tableau 2: a) Principaux paramètres zootechniques du mouton Djallonké

Types d'ElevagesPoids (kg)Taux de mortalité et perte
naissances105 j1 an
Témoins (T)1,48,41458 %
Traditionnels améliorés (T.A.)1,58,41436 %
Extensifs (E)1,710,41824 %
Semi-Intensif (S.I.)1,711,42112 %
Intensif (I)1,811,32215 %

Tableau 2 b/ Paramètres des Brebis

Types d'élevagesVariation annuelle de poids (S.sèche-S. pluies)Fécondité annuelle apparenteProlificitéTaux de mortalitéProduction numérique (Nbre agneaux Brebis/an)Production pondérale (Kg agneau vif par Brebis/an
Témoins (T)21,8 kg / 17,1 kg120 %108 %14 %0,57,2
Traditionnels Améliorés (T.A.)22,3 kg / 18,1 kg127 %108 %16 %0,811,4
Extensifs (E)21,8 kg / 19,6 kg148 %109 %4,6 %1,1220,7
Semi-Intensifs (S.I.)23,9 kg / 22 kg158 %112 %4 %1,3928,7
Intensifs22,3 kg/ 22,4 kg164 %2 %2 %1,433,8

De ce tableau on voit que la productivité pondérale annuelle de la brebis, qui constitue le paramètre le plus important, évolue de manière spectaculaire en fonction de la technicité de l'élevage. En effet, par rapport au système traditionnel, l'accroissement de la productivité de la brebis (et donc du troupeau) passe de + 50 pour cent pour l'élevage traditionnel amélioré, à + 200 pour cent pour l'élevage extensif, à + 300 pour cent pour l'élevage semi-intensif et à + 370 pour cent pour l'élevage intensif.

Ces paramètres zootechniques ont permis de calculer les résultats économiques de chaque type d'élevage en tenant compte des charges de structures et des charges opérationnelles liées aux différents systèmes.

Le tableau 3 résume ces résultants. A noter que l'encadrement du projet étant essentiellement orienté vers le développement de l'élevage villageois, il n'a pas été tenu compte dans le calcul des charges opérationnelles du coût du berger; les travaux d'élevage étant exclusivement assurés par la main-d'oeuvre familiale (femmes et enfants).

D'autre part, dans les calculs des recettes brutes on n'a pas tenu compte de l'autoconsommation; on considère, en effet, qu'en l'absence l'élevage, le paysan devrait acheter les animaux destinés aux différentes cérémonies.

De ce tableau on peut tirer les principales observations suivantes :

  1. Durant la phase de capitalisation, le système T.A. donne de bons résultats comparativement aux autres systèmes. De fait, le remboursement des investissements et le faible taux de vente (qui ne concerne que les mâles) rendent marginaux les revenus des élevages E ou S.I. et négatifs les résultats d'exploitation dans les élevages I.

  2. Après une phase de capitalisation dont la durée est fonction de l'effectif au départ et du système d'élevage choisi, l'élevage entre dans sa période de croisière. Les recettes brutes sont augmentées de la vente des agnelles non retenues pour le renouvellement et des brebis de réforme.

Les charges totales ne renferment plus le remboursement des investissements. Dans cette phase, le système T.A. rapporte 2 fois moins que l'élevage E et 3 fois moins que l'exploitation S.I. Le système I, du fait de ses charges de structures élevées, est moins rentable que le système S.I. et à peine plus intéressant que l'élevage E.

Sur le plan socio-psychologique les systèmes E et S.I. ont rencontré un bon accueil de la part des paysans, car par rapport au système traditionnel, ils apportent de nombreux avantages :

Tableau 3 : Résultats économiques

Types ElevageExploitation pondéraleRecettes brutesRemboursement investissementsCharges opérationnellesCharges structuresTotal chargesRecettes nettes
kg(FCFA)(FCFA)(FCFA)(FCFA)(5)(6)
(1)(2)(3)(4)=(2)+(3)+(4)=(1)-(5)
a Phase de capitalisation *1 (30 brebis; objectif : 50 brebis)
T.A.
16863 0002 27012 0752 27016 61546 385
E.
303113 62519 33541 05016 00076 38537 240
S.I.
441165 37529 33555 96022 540107 83557 540
I.
462173 250149 33586 595151 330387 260-214 010
b Phase de croisière *2 (effectif : 50 brebis)
T.A.
455166 400-20 1252 27022 395144 005
E.
1 025379 750-68 42516 00084 425295 325
S.I.
1 500557 650-93 26522 540115 805441 845
I.
1 725641 750-144 325151 330295 655346 095
N.B.: Prix de vente des animaux : Agneaux/M. et F. : 375 F./kg vif
Brebis de réforme : 350 F./kg vif

*1 Lors de cette phase toutes les agnelles sont conservées pour accroître l'effectif en reproductices
*2 Calcul purement théorique car il n'est pas réaliste de concevoir l'hébergement d'un troupeau de plus de 100 têtes dans les cases bergeries traditionnelles.

Le système T.A. pratiqué chez 35 éleveurs durant les années 1981 et 1982 n'a pas rencontré d'adhésion auprès de ces éleveurs (peu d'améliorations visibles; impossibilité d'accroître de manière importante l'effectif).

Quant au système I., l'acceptation en a été médiocre du fait des nombreuses contraintes qu'il entraîne :

La combinaison des résultats zootechniques et économiques ainsi que du degré d'acceptation du paysan vis-à-vis de chacun des systèmes d'élevage testés a permis au projet de dégager les types d'élevage à vulgariser; à savoir l'élevage extensif et l'élevage semi-intensif. C'est ce dernier système qui doit être recommandé en priorité, mais la dépense supplémentaire relativement importante qu'implique l'achat d'un complément explique le choix du système extensif par certains paysans ne pouvant ou ne voulant pas consacrer d'argent à cette fin.

A noter que le système traditionnel amélioré, avec comme thème principal la protection sanitaire, a été complètement abandonné du fait de la médicrité des résultats obtenus et du manque d'intérêt des paysans éleveurs vis-à-vis de cette technique.

A l'opposé, le système intensif, le plus complexe, a été mis provisoirement en veilleuse malgré les bonnes performances enregistrées du fait des contraintes trop lourdes (investissements élevés, travaux importants de mise en place des cultures fourragères, protection de ces parcelles, etc.) mais aussi du changement profond du comportement qu'il implique chez les paysans.

La phase de sensibilisation à l'élevage: Cette phase démarrée vers la mi-1982 a visé la vulgarisation à grande échelle des techniques d'élevage retenues à l'issue de la phase expérimentale.

Le projet a opté pour un développement en tâche d'huile autour de quelques élevages pilotes répartis dans les trois zones du projet plutôt qu'un encadrement diffus saupoudré sur l'ensemble de la région. Ceci a été fait dans le souci de rentabiliser au mieux les déplacements et le travail de l'encadreur, mais aussi dans l'optique d'un regroupement et l'organisation future des paysans éleveurs d'un même village.

A noter que le projet a banni la politique du “cadeau intégral” tant au niveau des infrastructures d'élevage qu'au niveau des soins vétérinaires ou des aliments. En effet, cette politique ne responsabilise pas le paysan. Toutefois, une facilité de paiement (remboursement des infrastructures en quatre ans) et des subventions (sur les matériaux, les médicaments et les pierres à lécher) a été consentie aux paysans pour que l'aspect financier ne soit pas un obstacle à leur adhésion à ce programme novateur. Le taux de subvention diminue au cours des années et est appelé à disparaître complètement dès que l'élevage aura fait ses preuves de rentabilité.

A partir de l'année 1983, l'encadrement des élevages ovins-caprins s'est étendu progressivement à toutes les préfectures de la région de la Kara.

On assiste depuis 1984 à une demande croissante d'encadrement, non seulement de la part des paysans mais aussi des salariés; malheureusement les ressources humaines et matérielles du projet n'ont permis de satisfaire qu'une partie des candidats.

En décembre 1986, le projet encadrait 275 élevages de petits ruminants totalisant 13 240 ovins et 2 160 caprins. Les premiers élevages ayant bénéficié de l'encadrement ont atteint leurs effectifs de croisière avec un cheptel oscillant entre 100 et 200 moutons.

L'accroissement considérable du cheptel ovin des éleveurs encadrés a eu, en plus des impacts financiers directs, des répercussions indirectes favorables sur leurs productions vivrières. En effet, le fait de pouvoir inviter et nourrir grâce à leurs cheptels un plus grand nombre de voisins lors des travaux d'entr'aide pour le labour et l'entretien leur a permis d'accroître leurs surfaces cultivées.

Ces résultats tangibles pour les paysans ont déterminé un engouement important du monde rural pour l'élevage rationnel des ovins.

Cette phase de sensibilisation à l'élevage des petits ruminants a donc été jugée menée à bien à la fin de l'année 1986 et le projet a pu dès lors aborder en 1987 la phase suivante.

La phase de formation et d'organisation des éleveurs: L'objectif principal de la formation des paysans-éleveurs est de rendre l'éleveur le moins dépendant possible des interventions du projet et plus tard des services étatiques.

La formation doit donc viser à faire acquérir aux paysans-éleveurs les nations et les techniques de base d'un bon éleveur :

Cette formation ne doit pas s'adresser au chef de famille, mais bien à tous les membres de la famille qui participent aux travaux de l'élevage, car l'élevage ovin est une activité familiale dont les tâches courantes sont assurées par les femmes et les enfants.

La formation des éleveurs doit s'envisager à trois niveaux différents :

Parallèlement à cette formation, le projet doit stimuler l'organisation des éleveurs en association de façon à assurer le relais de l'encadrement dense une fois le projet achevé.

Les éleveurs ainsi regroupés pourront assurer l'approvisionnement et le stockage des intrants (pierres à lécher, compléments, matériel d'élevage, médicaments de base, etc.) et l'écoulement de leurs productions (agneaux, agnelles) vers des centres de ventes.

Les petits soins courants et les traitements prophylactiques de base (déparasitages interne et externe) pourront être réalisés par un auxiliaire issu du milieu et rémunéré par l'association.

Le regroupement des éleveurs leur confère également un poids économique suffisant pour justifier le déplacement des services officiels (service vétérinaire, etc.) en cas de besoin.

La phase de consolidation: Cette phase doit être envisagée par la suite pour une durée de 2 ou 3 ans, afin de permettre une transition progressive de l'encadrement dense vers la relève par les services officiels et les éleveurs eux-mêmes.

Les moyens nécessaires:

Bien entendu la disponibilité en moyens financiers et humains suffisants est la condition première pour réaliser tout projet de développement d'une certaine envergure.

Pour réussir l'implantation de l'élevage rationnel des ovins/caprins dans la région de la Kara où le paysan est essentiellement un agriculteur, le projet a dû mettre progressivement en place une structure d'encadrement et fournir aux éleveurs un certain nombre de services essentiels.

Structure d'encadrement: a) La base du travail d'encadrement des élevages repose sur des agents d'une bonne qualification professionnelle : les Adjoints Techniques d'Elevage. Ceux-ci sont responsables d'un sous-secteur d'une superficie moyenne de 820 km2 et ont un rayon d'action oscillant entre 10 et 20 km suivant la densité des élevages encadrés. Ces Adjoints Techniques d'Elevage assurent des tâches très variées :

Pour exécuter ces travaux, le projet met une mobylette à la disposition de ces chefs de sous-secteurs. Lorsque le nombre de parcs encadrés est important, ils sont parfois secondés par un agent d'élevage formé sur le tas.

En juin 1987, le projet disposait de dix (10) Adjoints Techniques d'Elevage et de cinq (5) agents d'élevage.

Le nombre de parcs encadrés par sous-secteur varie essentiellement en fonction de la durée de son existence. Il est d'environ 50 parcs pour les anciens sous-secteurs (avec des effectifs variant de 1 800 à 3 500 têtes); alors qu'il est à peine une dizaine de parcs pour les nouveaux sous-secteurs (environ 300 têtes).

b) La coordination des actions et des moyens au niveau de plusieurs sous-secteurs est assurée par un cadre supérieur (de niveau ingénieur ou vétérinaire) : le Chef de Secteur. Il est le relais entre le terrain et la direction. L'ensemble de la région de la Kara est divisée en trois secteurs qui regroupent entre 4 et 6 sous-secteurs. Les chefs de secteurs disposent d'un véhicule bâché pour assurer leurs déplacements ou la distribution de matériels, médicaments et aliments dans leurs sous-secteurs.

Les chefs de secteurs ne sont entrés en fonction que tardivement (juillet 1987).

c) La conception et le contrôle des actions d'encadrement (suivi-évaluation) sont du ressort des divisions. En dehors de la division “Administration et Finances” le projet comptera trois divisions techniques :

d) Les actions d'appui spécifiques aux opérations d'encadrement sont assurées par des services d'appui; il s'agit :

Ce laboratoire est opérationnel depuis 1983 mais ce n'est qu'en septembre 1986 qu'un Docteur Vétérinaire y a été détaché à temps plein;

Cette cellule n'est pas encore constituée faute de personnel;

Cette Unité d'Appui Ovin est placée sous le contrôle direct de la division des Petits Ruminants.

e) La coordination et la supervision des activités techniques du projet ainsi que la gestion administrative, financière et matérielle du projet sont assurées par la Direction du projet (1 Directeur National et 1 Conseiller Technique Principal).

Services essentiels fournis aux éleveurs:

a) Commande et distribution des intrants

Il s'agit du matériel d'élevage, des produits vétérinaires, des pierres à lécher et des aliments de complément qui sont commandés soit à l'étranger, soit dans la capitale.

A l'issue du projet, les commandes émaneraient des associations d'éleveurs; elles seraient centralisées et passées au niveau d'un service étatique (service vétérinaire; direction régionale du développement rural); la distribution étant prise en charge par ces mêmes associations.

b) Amélioration génétique

Cette opération est essentielle pour améliorer la productivité des troupeaux encadrés car dans la majorité des élevages, on assiste à un fort taux de consanguinité et à une monte assurée uniquement par des mâles médiocres souvent très jeunes.

C'est à partir d'un noyau de 10 béliers sélectionnés de race Djalonké (achetés en Côte d'Ivoire) que le projet a monté un parc de sélection.

Ces béliers ont été mis en lutte dans les bons troupeaux encadrés et les meilleurs agneaux qui en sont issus ont été rachetés aux éleveurs et placés dans le parc de sélection.

Au total depuis le début des opérations, ce sont 426 agneaux qui ont été ainsi achetés.

A l'issue de 12 mois d'observations, ces agneaux, devenus adultes, sont classés en trois catégories :

A noter que le projet effectue la sélection non seulement sur la vitesse de croissance (au moins 25 kg par an), mais aussi sur la trypanotolérance.

Pour ce faire, les agneaux sont contrôlés mensuellement; tout sujet qui cumule les 3 critères suivant : trypanopositif, hématocrite inférieure à 25 et gain de poids mensuel inférieur à 1.2 kg, est considéré comme cliniquement atteint et est traité au Bérénil. Un agneau qui a subi plus de deux traitements curatifs contre la trypanosomiase est éliminé.

A l'heure actuelle, 21 élevages bénéficient des luttes contrôlés à l'aide des béliers rouleurs et 58 ont acheté des béliers améliorateurs. Au total ce sont quelques 1 500 brebis qui ont bénéficié d'une forme ou l'autre d'amélioration génétique.

c) Les noyaux d'élevage

Si en zone tropicale humide et semi-humide presque toutes les familles possèdent des petits ruminants, l'effectif en moutons est souvent réduit (moins d'une dizaine de têtes).

Cet effectif restreint ne permet pas au paysan de rentabiliser les investissements nécessaires à la rationalisation de son élevage. De plus, la phase de capitalisation pour atteindre un effectif de croisière optimal (50 brebis) peut être très longue et risque de décourager le paysan.

C'est pourquoi le projet a instauré une opération “noyaux d'élevage” qui vise à accroître le cheptel de départ des petits éleveurs jusqu'à un seuil économique (20 brebis). L'octroi de ce noyau se fait après une évaluation permanente de la qualité du travail de l'éleveur sur une période d'au moins six mois. Le noyau est remboursé en nature sur une période de cinq ans (dont un an de différé).

Depuis 1983, année de démarrage de cette opération, ce sont 709 brebis qui ont été distribuées dans 69 élevages.

d) La commercialisation

Le but premier d'un projet de développement de l'élevage ovin est d'augmenter la production et la consommation de protéines animales. L'élevage de prestige, où le propriétaire recherche essentiellement l'accroissement de son cheptel en conservant le maximum de mâles, doit être banni. L'élevage doit être perçu comme une activité économique, et dans cette optique, l'exploitation des mâles doit être précoce.

Au début des opérations d'encadrement, les effectifs par élevage étant réduits, les éleveurs peuvent écouler localement un éventuel surplus d'agneaux. Par la suite, le nombre d'agneaux commercialisables par élevage dépasse les capacités locales d'achat, surtout que l'extension de l'encadrement en tâche d'huile fait que le nombre d'élevages encadrés par village devient important. Il en résulte une nécessité d'écouler les productions vers des centres plus importants.

Le projet assiste les éleveurs dans ce domaine en assurant des campagnes périodiques d'achat d'agneaux de boucherie. Ces agneaux sont revendus à des éleveurs emboucheurs situés à proximité des villes et chez qui viennent s'approvisionner les bouchers, les hôtels et les particuliers. En 1986, le projet a contribué à la commercialisation de 370 agneaux selon ce principe (soit environ 10 pour cent du nombre total d'animaux exploités). A l'avenir, les associations d'éleveurs devront prendre le relais du projet pour ce qui est de l'écoulement des agneaux vers les parcs de commercialisation.

Les résultats obtenus

Evolution de l'encadrement: Cette évolution est représentée dans les graphiques 1 et 2.

  1. L'encadrement des ovins démarré en 1981 a évolué de manièr régulière avec des taux d'accroissement annuel de 31 pour cent en ce qui concerne le nombre d'élevages, et de 34 pour cent en ce qui concerne les effectifs (moyenne des 3 dernières années). Il faut toutefois rappeler que depuis 1985 le projet n'a pu satisfaire qu'environ 60 pour cent des demandes d'encadrement, du fait de la pénurie en personnel.

  2. Pour les caprins, si le nombre d'élevages a suivi à peu près la courbe d'évolution du nombre d'élevages ovins, c'est dû essentiellement au fait que la majorité des paysans sollicitant l'encadrement possèdent à la fois des moutons et des chèvres. Seuls cinq éleveurs de la préfecture de la Binah ont débuté l'encadrement avec un cheptel composé exclusivement de chèvres. Ceux-ci se sont tournés par la suite vers l'élevage des moutons pour des raisons qui seront expliquées plus loin.

Graphique 1 : “Evolution du nombre d'élevages”

Graphique 1

Graphique 2 : “Evolution du cheptel encadré”

Graphique 2

Le taux d'accroissement annuel du cheptel caprin encadré est resté très modeste (ll pour cent sur les 3 dernières années) par rapport à celui obtenu sur les ovins. Les causes de ce faible accroissement seront exposées plus loin.

Résultats zootechniques:

a) Chez les ovins

Les principaux paramètres zootechniques du mouton selon le type d'élevage ont été étudiés entre 1981 et 1983 et sont consignés dans le tableau no 2. Compte tenu de l'existence à l'intérieur de la Région de la Kara de 3 grandes zones éco-climatiques et ethno-sociologiques différentes (correspondant aux Secteurs du projet), il est apparu intéressant de comparer ces zones sur le plan des résultats zootechniques globaux (en confondant les 2 types d'élevages vulgarisés S.I. et E.).

Le tableau 4 donne les principales caractéristiques de ces zones ainsi que les paramètres zootechniques les plus significatifs étudiés sur une période de deux années (1985 et 1986).

De ce tableau on peut tirer les principales observations suivantes.

1. La fécondité annuelle est plus faible dans le secteur Nord (133 pour cent en moyenne sur les 2 années) que dans les secteurs Est (152 pour cent) et Ouest (163 pour cent).

Cet accroissement de la fécondité en zone plus humide semble être lié aux conditions éco-climatiques (pluviométrie plus élevée, durée plus courte de la saison sèche; disponibilité en matière verte mieux étalée dans l'année).

2. Les taux de mortalité enregistrés chez les éleveurs du secteur Nord sont extrêmement bas (6, 8 pour cent sur les agneaux et 1,4 pour cent sur les adultes) alors que ceux observés au niveau des élevages du secteur Est sont environ 4 fois plus élevés. Les résultats obtenus chez les éleveurs du secteur Ouest sont meilleurs que ceux du secteur Est. Toutefois, la mortalité reste préoccupante principalement au niveau des brebis puisqu'elle est double des normes jugées acceptables (4 pour cent sur les adultes et 10 pour cent sur les agneaux).

Bien que les causes directes de mortalité aient pu être identifiées comme étant essentiellement les suites de pneumopathies, il faut surtout se pencher sur les causes favorisantes. Dans ce sens, l'incidence de la saison des pluies semble indiscutable puisque 70 pour cent des cas de mortalité sont enregistrés en fin de saison des pluies (août à novembre) et que l'accroissement des mortalités dans le secteur Est peut être mis en relation avec une pluviométrie nettement supérieure dans ce secteur (1 200 mm en 72 jours de pluies) par rapport au secteur Nord (980 mm en 65 jours).

Tableau 4 Paramètres zootechniques (1985 – 1986) - Etude comparative au niveau des 3 secteurs

Ovins

SecteursNordEstOuest
Principles caractéristiques:ethnies dominantes pluviométrie nbre de jours de pluies occupation du solLamba 980 mm 65 jours moyenneKabyè 1 200 mm 72 jours forteBassar 1 300 mm 75 jours faible
19851986198519861986
Paramètres Zootechniques (%):
- Taux de fécondité annuel apparent137128,3152,2151,1163,2
- Taux de mortalité global44,217,215,511,8
- Taux de mortalité jeunes76,623,320,514,8
- Taux de mortalité des adultes11,810,710,48,7
- Taux d'exploitation293228,130,726,0
- Taux de vente2525,521,023,818,0
- Taux d'autoconsommation46,57,16,88,0
- Taux d'introduction34,216,07,43,8
- Taux de perte33,15,74,115,2
Taux d'accroissement interne moyen (%):78%56%63%

Les raisons de cette incidence négative de la saison des pluies sont multiples et peuvent être classées par ordre d'importance décroissante comme suit :

3. L'exploitation du troupeau au niveau des élevages n'est guère différente entre les secteurs Nord et Est (environ 30 pour cent) avec un taux de vente relativement élevé (24 pour cent) malgré le fait que la majorité des élevages soient encore en phase de capitalisation. Cela démontre bien que les paysans encadrés ont assimilé l'élevage de moutons à une activité économique. Les taux d'exploitation et de vente plus faibles obtenus dans le secteur Ouest s'explique par le caractère récent de l'encadrement dans ce secteur.

b) Chez les caprins

Les paramètres zootechniques de l'élevage caprin dans la région de la Kara sont très fragmentaires et limités au seul secteur Est. En effet, dans la majorité des élevages, une fois les récoltes terminées les chèvres libérées de leurs enclos s'égayent dans la nature et ne rentrent plus que de manière sporadique dans le parc de nuit. Le suivi zootechnique est alors interrompu pendant plus de 5 mois, ce qui rend impossible l'établissement de paramètres zootechniques fiables.

Néanmoins, quelques éleveurs du secteur Est réalisent une conduite plus stricte de leurs cheptels caprins, ce qui nous a permis d'établir les paramètres zootechniques. Ceux-ci ont été calculés sur une période de 3 ans (84 à 86) sur la base d'un échantillon de 262 têtes répartis dans 11 élevages.

Les résultats figurent dans le tableau 5.

Les principales conclusions à tirer portent sur les points suivants :

Tableau 5: Paramètres zootechniques sur les caprins : secteur est période 1984-85-86

1- Taux de fécondité annuel apparent173,2%
2- Taux de mortalité global35,1%
3- Taux de mortalité des jeunes53,2%
4- Taux de mortalité des adultes18,4%
5- Taux d'exploitation20,2%
6- Taux de vente13,4%
7- Taux d'autoconsommation6,8%
8- Taux d'introduction6,5%
9- Taux de perte3,4%

Résultats qualitatifs des élevages:

a) Application des thèmes de base

Le suivi qualitatif des élevages encadrés a été mis en place en 1984.

Le but principal de ce suivi qualitatif est de contrôler l'application des thémes d'amélioration de l'élevage des petits ruminants, de déterminer les contraintes à leur application et d'en rechercher les solutions. Il permet également d'inciter les paysans-éleveurs à une bonne application des conseils et contribue à leur formation.

Cette évaluation qualitative est réalisée par le chef de sous-secteur avec la collaboration de l'éleveur. Elle porte sur l'application des dix thèmes de base qui sont consignés dans une “fiche de visites” où chaque thème est représenté par un dessin. Ces évaluations sont effectuées périodiquement au rythme d'une fois par quinzaine.

Le tableau 6 donne l'évolution depuis 1984 des taux d'application des différents thèmes pour l'ensemble des élevages encadrés.

Celui-ci montre une évolution positive dans la qualité du travail fourni par les éleveurs. En effet, tous les thèmes ont connu une progression régulière dans leur stricte application.

Cette amélioration a été plus particulièrement mrquée en ce qui concerne les thèmes d'hygiène (balayage du parc, nettoyage des mangeoires et abreuvoirs) pour lesquels le nombre d'élevages ayant une bonne application est passé d'environ 35 pour cent à plus de 80 pour cent. Il en est de même pour le nombre d'élevages où le complément minéral sous forme de pierres à lécher est distribué quotidiennement. Par contre, il faut regretter la proportin encore faible d'éleveurs (40 pour cent) qui apportent un complément alimentaire à leurs animaux.

b) Application des thèmes complémentaires

Les thèmes complémentaires sont proposés aux éleveurs une fois que ceux-ci ont parfaitement assimilé les thèmes de base.

Ces thèmes complémentaires portent :

  1. Sur l'amélioration génétique des troupeaux ovins encadrés (soit par la gestion des luttes avec des béliers sélectionnés, soit par la vente de béliers améliorateurs);

  2. sur la mise en place d'une parcelle fourragère d'appoint pour la complémentation des animaux;

  3. sur la création d'une fosse fumière pour la valorisation du fumier des petits ruminants.

L'évolution de l'adoption des différents thèmes complémentaires depuis 1984 est consignée dans le tableau 7. Il permet de constater que si le taux d'élevage bénéficint d'une amélioration génétique est en progression constante, la part des élevages en gestion des luttes est en régression. Ceci est dû aux contraintes liées à cette technique (gardiennage strict toute l'année, gestion rigoureuse du troupeau).

Les deux autres thèmes complémentaires sont d'introduction plus récente (parcelles fourragères en 1984; fosses fumières en 1985). L'évolution est satisfaisante en ce qui concerne les parcelles fourragères mais un peu lente pour la mise en place des fosses fumières; celles-ci devraient pourtant intéresser les paysans, essentiellement agriculteurs, du fait de l'économie en engrais qu'elles génèrent.

Tableau 6 : Niveau d'application des thèmes de base

(Taux d'élevages ayant une bonne application des thèmes *1 sur l'ensemble du projet)

Thèmes de base198419851986
1- Entretien de la clôtre45,8 %66,3 %71,5 %
2- Entretien de l'abri41,6 %54,7 %65,6 %
3- Balayage quotidien du parc33,3 %71,5 %85,7 %
4- Nettoyage quotidien des mangeoires38,3 %64,7 %82,3 %
5- Nettoyage quotidien des abreuvoirs36,6 %67,4 %82,3 %
6- Distribution journalière d'eau dans les abreuvoirs35,0 %57,4 %71,5 %
7- Distribution journalière des compléments minéraux31,0 %64,2 %86,7 %
8- Distribution journalière de compléments26,6 %36,3 %40,2 %
9- Temps de pâturage (au moins 8 h./jour46,0 %82,6 %95,1 %
10- Participation de l'éleveur aux travaux de l'A.I.E.46,6 %86,0 %99,0 %

*1 Bonne application d'un thème = 7 à 10 applications correctes sur 10 visites effectuées.

A noter qu'une brebis suitée produit annuellement quelque 250 kg de poudrette de parc.

Tableau 7: Application des thèmes complémentaires

  19851986
n%n%n%
1Amélioration genetique
- gestion des luttes2214,5 %3115,0 %2810,3 %
- Béliers améliorateurs138,6 %3014,3 %5827,6 %
- Total3523,1 %6129 %8631,5 %
2Parcelles fourragères106,8 %3315,7 %4616,8 %
3Fosse fumiére00 %52,4 %249,0 %

CONCLUSIONS

En ce qui concerne les ovins: cette production était, jusqu'il y a peu, complétement négligée dans les zones tropicales humides et semi-humides; l'effort essentiel en matière de développement des ressources animales s'adressant aux bovins ou aux espéces à cycle court de races importées (poulets de chair, pondeuses, porcs).

Or, si la productivité des troupeaux ovins traditionnels est médiocre, l'élevage de moutons présente néanmoins un certain nombre d'atouts majeurs, à savoir :

On voit donc combien il est regrettable de laisser végéter plus longtemps cet élevage dont les potentialités d'amélioration de la productivité sont énormes.

Pour sortir l'élevage ovin de son marasme actuel, il faut un programme de sensibilisation et d'encadrement des paysans bien étudié et adapté aux conditions éco-climatiques et socio-économiques de la région.

L'expérience a montré que pour avoir des résultats suffisamment encourageants pour faire évoluer l'agriculteur vers le stade de paysan-éleveur, il faut développer simultanément un maximum de thémes; soins vétérinaires, amélioration du logement, de l'hygiéne, de l'alimentation, amélioration génétique.

Pour ce qui est des caprins de race guinéenne, la médiocrité des résultats zootechniques et donc économiques couplée aux difficultés de conduite et de gestion d'un troupeau de chèvres, augure mal du développement de ce type d'élevage.


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