Perspectives de l'Alimentation 03/97

Previous Page TOC Next Page


MANIOC



Léger recul de la production en 1996


Les prévisions concernant la production mondiale de manioc en 1996 ont été révisées en baisse et réduites de 5 millions de tonnes depuis le rapport de novembre 1996 : elles s'établissent actuellement à 163,9 millions de tonnes de racines fraîches, soit 1 pour cent de moins qu'en 1995. En Afrique, principale zone de culture, la production est actuellement estimée à 85 millions de tonnes, soit près de 1 pour cent de plus que la période précédente, les conditions météorologiques ayant été favorables aux plantations et aux rendements. Les récoltes ont été plus abondantes en Angola, au Burundi, en Côte d'Ivoire, en Guinée, au Ghana, au Mozambique et au Rwanda. En Côte d'Ivoire et au Mozambique, la production a été de 5 à 12 pour cent supérieure à celle de 1995. Le Nigéria (le plus grand producteur mondial), devrait obtenir 31 millions de tonnes, soit le même volume qu'en 1995. En revanche, le Kenya et le Niger ont enregistré de mauvaises récoltes par suite de sécheresse; le Libéria aussi, mais à cause de la guerre civile. La production a également fléchi en Ouganda et au Zaïre par suite des troubles civils qui ont bouleversé l'activité agricole, et à cause de la réduction des plantations et des rendements aggravée par les infestations massives de cochenilles et les maladies provoquées par le virus de la mosaïque. Dans les autres pays de la région, peu de changements sont à signaler.


Dans l'ensemble, la production de manioc a fléchi en Amérique latine et dans les Caraïbes, notamment en République dominicaine, au Paraguay et au Brésil. Dans ce dernier pays, deuxième producteur industriel de manioc dans le monde, la production a atteint 24,6 millions de tonnes en 1996, soit 3 pour cent de moins que le niveau record de 25,3 millions de tonnes qui a marqué l'année 1995. Ce fléchissement est imputable essentiellement à la réduction des plantations et à l'affaiblissement des rendements dans les principales zones de culture. Au contraire, la Colombie a enregistré un léger relèvement de sa production à la suite des diverses mesures prises par les pouvoirs publics pour étendre les surfaces cultivées en rendant le crédit et les services techniques plus facilement accessibles aux agriculteurs. En fait, le plan quadriennal de développement de l'agro-industrie du manioc sur le littoral atlantique vise à développer l'industrie des copeaux, granules et farines de manioc afin de répondre à la demande de manioc et de produits du manioc destinés à l'alimentation humaine et animale qui se renforce sur le plan intérieur et à l'étranger.

PRODUCTION MONDIALE DU MANIOC 1/


1994 1995 1996 prélim.

(. . . millions de tonnes . . .)
Total mondial 163,1 165,3 163,9
Afrique 82,7 84,4 85,0
Ghana 6,0 6,9 7,0
Madagascar 2,4 2,4 2,4
Mozambique 3,4 4,2 4,7
Nigéria 31,0 31,4 31,4
Ouganda 3,4 3,0 2,4
Tanzanie 7,2 6,0 6,0
Zaïre 18,0 18,9 18,8
Asie 49,3 48,5 47,2
Chine 3,5 3,5 3,5
Inde 5,8 6,0 4,8
Indonésie 15,7 15,4 15,8
Philippines 1,8 2,0 1,9
Thaïlande 19,1 18,2 17,7
Viet Nam 2,4 2,5 2,5
Amérique latine
et les Caraïbes

30,9

32,2

31,4
Brésil 24,5 25,3 24,6
Colombie 1,6 1,8 1,8
Paraguay 2,5 2,7 2,6

SOURCE: FAO
1/ Equivalent de racines fraîches.


En Asie, la production totale de 1996 s'établirait à 47,2 millions de tonnes, soit 3 pour cent de moins qu'en 1995, par suite des baisses enregistrées en Inde, aux Philippines et en Thaïlande. En Inde, la production a fléchi de 20 pour cent pour passer à 4,8 millions de tonnes, les plantations ayant été endommagées ou détruites par un ouragan qui a frappé les principales zones de culture à la fin de l'année 1996. Parmi les autres grands producteurs de la région, la Thaïlande a vu sa production se réduire à 17,7 millions de dollars (3 pour cent de moins qu'en 1995) à cause de l'abondance des pluies de mousson qui ont fait pourrir les racines du manioc et affaibli les rendements dans tout le pays, de la réduction des intrants mis en oeuvre et de la mise en culture de terrains moins productifs. En revanche, la production indonésienne a augmenté en 1996 de 3 pour cent par rapport à 1995, pour atteindre 15,8 millions de tonnes, les conditions météorologiques ayant été dans ce pays particulièrement favorables.



Raffermissement de la demande


En Afrique, où le manioc sert essentiellement à l'alimentation humaine, la consommation a été stimulée en 1996 par le relèvement des prix intérieurs des céréales, relèvement qui répondait à l'augmentation des prix à l'importation et au bouleversement des réseaux de mise en marché entraîné par la guerre civile dans certaines régions. Dans des pays comme le Bénin, le Cameroun, la République centrafricaine et la Côte d'Ivoire, les consommateurs ont réagi à la perte de pouvoir d'achat que représentait la dévaluation du franc CFA de ces dernières années en augmentant leur consommation de racines et de tubercules, manioc compris. Dans ces pays, donc, on estime que la demande de manioc a largement dépassé les disponibilités, ce qui fait monter les prix. Au Nigéria, malgré la levée de l'interdiction d'exporter du manioc et des produits du manioc imposée en 1988 et la suppression des droits frappant les exportations de manioc, la consommation par habitant a poursuivi sa tendance à la hausse, les variétés nouvelles étant préférées aux variétés traditionnelles dans un certain nombre de préparations alimentaires.


On estime que dans la plupart des pays d'Amérique latine et des Caraïbes, l'utilisation de manioc frais ou transformé a augmenté en 1996 au Brésil et dans les pays des Caraïbes. Bien que le tapioca reste le principal produit du manioc au brésilien, on voit apparaître de nouveaux marchés pour un féculent à fermentation naturelle connu sous le nom de "polvilho azedo", qui est panifiable et sert de plus en plus dans les mélanges préparés à l'intention de l'industrie alimentaire et dans la restauration rapide en milieu urbain. On voit également s'accroître l'utilisation de manioc traité sous forme de pain non levé ("casaba") dans les Caraïbes. Enfin, le manioc est de plus en plus utilisé pour l'alimentation animale au Brésil, en Bolivie et au Paraguay.


Dans la plupart des pays d'Asie, notamment en Chine, en Inde, en Indonésie, en République de Corée et au Japon, l'offre intérieure a été complétée par des importations de tapioca en 1996. Ce produit a permis de répondre à la demande alimentaire des consommateurs urbains, sous forme de nouilles, d'amuse-gueules, de copeaux et de gâteaux. En Thaïlande également, où le manioc sert essentiellement à l'alimentation animale sous forme de granules et de copeaux, le volume de ces produits a fléchi au profit des tapiocas et des féculents destinés à l'industrie locale et à l'exportation, conformément à la politique officielle qui vise à réduire la dépendance à l'égard des exportations à destination de la CE, exportations qui prennent essentiellement la forme de granules et de copeaux. En fait, sur les 17,7 millions de tonnes de racines produites en Thaïlande en 1996, 10 millions de tonnes environ ont été transformées en granulés de tapioca et 7,7 millions traitées sous forme de féculents et de farines et de produits destinés soit à la consommation locale soit à l'exportation.


Dans les pays développés, notamment dans ceux de la CE, l'utilisation du manioc dans l'alimentation animale a augmenté pendant presque toute l'année 1996, son prix étant concurrentiel par rapport aux autres aliments pour bétail.



Reprise du commerce en 1996


La tendance à la baisse des échanges mondiaux de produits du manioc secs constatée de ces dernières années devrait s'être inversée en 1996, et le volume de ces échanges avoir atteint 6 millions de tonnes (soit 15 millions de tonnes en équivalent racines fraîches), ce qui représente une augmentation de 9 pour cent par rapport à 1995. Cette augmentation est pour l'essentiel le résultat d'exportations plus soutenues à destination de la CE et d'autres pays, sous forme de copeaux et de granulés pour le bétail. Les échanges de féculents et de tapioca destinés à l'industrie et à l'alimentation, dont on estime qu'ils représentent 16 pour cent du commerce mondial, ont progressé de 2 pour cent par rapport à l'année précédente.


COMMERCE MONDIAL DU MANIOC 1/


1994 1995 1996 prélim.

( . . millions de tonnes . . )
Exportations mondiales 7,0 5,5 6,0
Thaïlande 5,8 4,2 4,6
Indonésie 0,7 0,5 0,6
Chine 2/ 0,4 0,4 0,4
Autres pays 0,1 0,4 0,4
Importations mondiales 7,0 5,5 6,0
CE 3/ 5,4 3,4 3,6
Chine 2/ 0,6 0,6 0,4
Japon 0,4 0,3 0,3
Corée, Rép. de 0,2 0,2 0,6
Autres pays 0,4 1,0 1,1

SOURCE: FAO
1/ En poids de copeaux et granulés, y compris fécule et farine, du produit.
2/ Y compris la province de Taïwan.
3/ Non compris les échanges entre les pays members de la CE.

L'augmentation des importations mondiales en 1996 répond au raffermissement de la demande dans la CE et dans d'autres pays. Les importations de la Communauté sont estimées à 3,6 millions de tonnes en 1996, soit 6 pour cent de plus qu'en 1995. Hors CE, le total des achats est également estimé à 2,4 millions de tonnes pour 1996, soit 9 pour cent de plus qu'en 1995. Le gros de l'augmentation, en ce qui concerne notamment les copeaux et les granulés, est imputable à la République de Corée, à la Malaisie, aux Philippines et à la Turquie. Les achats de farine, notamment d'amidons et de féculents modifiés, de dextrine et d'autres produits, ont augmenté en 1996, sous l'effet de la forte demande du Japon, de la Chine, de l'Indonésie, des Etats-Unis et d'autres marchés asiatiques. Cependant, les importations japonaises de fécule de manioc sont restées contingentées à 200 000 tonnes par an par le Ministère de l'agriculture, soucieux de protéger le marché national de la patate douce et de la pomme de terre.


La Thaïlande et l'Indonésie sont restées les grands fournisseurs du marché mondial, assurant respectivement 80 et 10 pour cent des exportations dans le monde. On estime les livraisons de produits du manioc thaïlandais à 4,6 millions de tonnes en 1996, soit 10 pour cent de plus qu'en 1995, les exportations de copeaux et de granulés atteignant 3,7 millions de tonnes. Sur les 3,1 millions de tonnes de ces produits destinés aux pays de la CE, 2,6 millions de tonnes sont allées aux Pays-Bas, pour y être pour l'essentiel transbordées, et le reste en Irlande, au Portugal et en Espagne. Près de 600 000 tonnes ont été expédiées vers des pays ne faisant pas partie de la CE, dont le Japon, la République de Corée, la Malaisie, la Suisse et la Turquie.


Les ventes indonésiennes à l'étranger devraient être légèrement supérieures en 1996 à celles de 1995. Sensibles cependant aux prix avantageux offerts sur le marché interne, aux effets du régime de répartition des contingents 1/ et aux bénéfices intéressants offerts par les exportations de fécule et de tapioca, l'Indonésie n'a exporté vers la CE que 40 pour cent de son contingent annuel de 866 000 tonnes. La Chine et la République de Corée ont été les deux autres destinations du manioc indonésien. La Chine et le Viet Nam, qui sont à la fois importateurs et exportateurs, n'ont pas réussi non plus à couvrir leurs contingents à destination de la CE, leurs besoins intérieurs ayant augmenté. L'ensemble des livraisons des exportateurs mineurs d'Afrique, d'Amérique latine, des Caraïbes et d'Asie, a atteint 300 000 tonnes, dont 146 000 tonnes étaient réservées aux pays de la CE.



Baisse des prix des granulés de manioc dans les pays de la CE


En 1996, les prix à l'importation des granulés de manioc, qui sont le principal produit du manioc faisant l'objet d'un commerce international, ont continué de baisser dans les pays de la CE, la moyenne s'établissant à 152 dollars la tonne, ce qui représente un fléchissement de 14 pour cent par rapport à 1995. Ce fléchissement répond à des prix intérieurs déprimés en Thaïlande, eux-mêmes explicables par la médiocrité des récoltes de racines et les effets combinés sur le marché européen de la baisse des prix de l'orge, denrée principale de substitution, et la hausse des prix du soja, ingrédient d'appoint des aliments pour bétail à base de manioc. En fait, le prix de l'orge était en 1996 de 194 dollars, soit 7 pour cent de moins que la moyenne de 1995, alors que celui des granulés de soja d'Argentine (livrés c. a. f. Rotterdam) était de 268 dollars la tonne, 36 pour cent de plus que la moyenne de 1995 (197 dollars). Malgré la hausse des prix du soja, les mélanges manioc-soja sont restés à des prix séduisants dans la Communauté, à comparer aux prix de l'orge (voir tableau ci-dessus).

___________________

1/ Selon un système de contingents à primes, les exportateurs indonésiens avaient le droit d’expédier 2,6 tonnes vers la CE pour chaque tonne exportée vers d’autres pays en 1996

PRIX DU MANIOC, DE LA FARINE DE SOJA ET DE L’ORGE DANS LA CE


Granulés de
manioc 1/
Farine de soja 2/ Mélange manioc/ farine de soja 3/ Orge 4/

( . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .dollars E.-U./ tonne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .)





1990 167 208 175 225
1991 178 197 186 222
1992 183 204 187 235
1993 137 208 151 197
1994 144 192 154 182
1995 177 197 181 209
1996 152 268 175 194
1997 5/ 126 281 157 172

SOURCE: FAO, Oil World et Agra Europe.
1/ Prix f.o.b. Rotterdam (péniche ou chemin de fer) y compris un droit de 6 pour cent. 2/ Argentine (45/46 pour cent proteínes) c.i.f. Rotterdam. 3/ Mélange composé de 80 % de granulés de manioc et de 20 % de farine de soja. 4/ Prix de vente de l’orge en Espagne. 5/ Moyenne janvier-février.



Perspectives de la production, des échanges et des cours en 1997


Les premières indications concernant la production mondiale de manioc en 1997 font entrevoir une éventuelle reprise dans les grands pays d'Asie. On espère de meilleurs bénéfices à l'exportation sur la fécule, le tapioca et autres produits à valeur ajoutée, ce qui donne à penser que le matériel végétal traditionnel des principaux exportateurs sera remplacé par des espèces nouvelles, offrant un meilleur rendement et une meilleure teneur en amidon de haute qualité, se prêtant donc au traitement industriel que réclame la demande croissante de produits de tapioca sur le marché intérieur et à l'étranger. En Afrique, la production pourrait augmenter dans certains pays, où les producteurs réagissent à l'augmentation des prix locaux, où les plantations doivent reprendre après la sécheresse et où se généralisent les variétés à fort rendement résistant aux parasites. On peut également s'attendre à une hausse de la production en Amérique latine et dans les Caraïbes, où les services d'assistance technique et la remontée des prix producteur devraient encourager les agriculteurs à étendre les surfaces plantées.


Le volume des échanges mondiaux de manioc en 1997 sera fonction de divers paramètres, dont l'évolution des prix des céréales et du soja sur le marché de la CE et les disponibilités des principaux exportateurs. Comme on s'attend dans ces pays à de bonnes récoltes, le commerce devrait être plus soutenu qu'en 1996. Il pourrait également bénéficier des décisions politiques annoncées par le Gouvernement thaïlandais en novembre 1996 : a) révision de la politique d'exportation eu égard au contingentement de la CE qui suppose l'abolition du régime fondé sur le contrôle des stocks 1/; cette suppression devrait réduire les coûts liés aux stocks et encourager les exportateurs de copeaux, de granulés et de fécule à entrer librement en concurrence sur le marché; b) remise en place du contingentement avec primes pour les pays hors CE, selon un rapport du simple au double 2/; c) mise en place d'un nouveau plan d'intervention sur les marchés selon lequel le Département du commerce extérieur obligera les industriels à acheter du manioc frais au prix minimum de 1,01 baht le kilogramme (soit 39,12 dollars la tonne) 3/ pour soutenir les prix agricoles. Cette mesure devrait faire monter le prix des racines fraîches, qui est tombé en 1996 à 0,75 bath le kilogramme (soit 29,05 dollars la tonne) et encourager les producteurs à étendre les superficies. Le commerce des fécule et des produits dérivés devrait également bénéficier de l'accord conclu nouvellement entre la Thaïlande et la CE, aux termes duquel un contingent annuel supplémentaire de fécule de manioc serait accordé en sus de celui qui avait été négocié les années précédentes.


Sur le marché de la CE, les cours des granulés de manioc devraient continuer de subir en 1997 la pression exercée par les corrections à la baisse des cours des céréales et par le cours au contraire toujours élevé du soja sur ce marché. Les informations dont on dispose sur le premier trimestre de 1997 annoncent une nouvelle baisse des prix des granulés, qui passerait bien au-dessous des prix des deux années passées.

_______________________
1/ En 1996, le contingent d’exportation de manioc thaïlandais vers la CE a été calculé selon une formule à trois paramètres: 3 millions de tonnes étaient allouées aux exportateurs titulaires d’une licence en fonction des stocks détenus, 1,5 million de tonnes en fonction des résultats passés et 0,75 million de tonnes en fonction des réserves.
2/ Ce système permettra aux exportateurs d’obtenir deux tonnes du contingent de la CE pour chaque tonne de granulés exportée vers d’autres pays.
3/ Au taux de change moyen de 25,82 bath pour 1 dollar E.-U. (février 1997).



Previous Page TOC Next Page