SYSTEME MONDIAL D'INFORMATION ET D'ALERTE RAPIDE DE LA FAO
PROGRAMME ALIMENTAIRE MONDIAL

RAPPORT SPECIAL

MISSION FAO/PAM D'EVALUATION DES RECOLTES ET DES DISPONIBILITES ALIMENTAIRES AU RWANDA

11 JUILLET 1997 




1. VUE D'ENSEMBLE

Le Rwanda devra, durant le second semestre 1997, nourrir 1,6 million d'individus de plus que durant la même période il y a un an, ce qui représente une augmentation de 25 pour cent. Cette situation est surtout la conséquence du retour en masse des réfugiés, près de 1,2 million pendant les seuls mois de novembre et de décembre 1996. Entre janvier et mai 1997 sont en outre revenus 175 000 autres Rwandais, et on en attend encore 40 000 d'ici la fin de l'année. Pour le petit pays qu'est le Rwanda, il s'agit de changements dramatiques, qui présentent à la fois des défis et des possibilités immenses: à court terme, ils pèsent lourdement sur les ressources alimentaires limitées du pays, mais à long terme, ils offrent à l'économie agricole rwandaise la perspective de rétablir son niveau d'avant la crise, et d'atteindre ses pleines capacités.

Devant une telle situation, une mission FAO/PAM d'évaluation des récoltes et des disponibilités alimentaires s'est rendue au Rwanda du 10 au 21 juin 1997, afin d'évaluer les perspectives de la seconde campagne 1997 (campagne B), les disponibilités vivrières et la situation de la sécurité alimentaire et les importations qui seront nécessaires durant le second semestre 1997, y compris l'aide alimentaire. Un observateur de la Direction du développement international du Gouvernement du Royaume Uni s'est joint à la mission. Avant l'arrivée de cette dernière, le Gouvernement du Rwanda et la FAO/PAM avaient effectué ensemble à travers tout le pays une étude préalable, afin d’efectuer une évaluation préliminaire de la campagne 1997 B. Cette étude fournissait également des informations sur la situation du bétail, selon les recommandations d'un séminaire réunissant fonctionnaires gouvernementaux et communauté des donateurs, organisé par la FAO. En même temps qu'elle s'inspirait des résultats de l'étude préalable, la mission a entrepris ses propres inspections sur le terrain, s'entretenant avec les agriculteurs et les fonctionnaires locaux, visitant les marchés, et consultant les organismes centraux du Gouvernement, les organisations internationales des Nations Unies, les donateurs bilatéraux et les ONG. Elle a également examiné les résultats d'études récentes sur la situation de la sécurité alimentaire des ménages, menées à bien dans un certain nombre de préfectures par les membres de la communauté des donateurs, y compris l'Union européenne, l'USAID et Save the Children Fund (R.U).

Les résultats obtenus par la mission indiquent une augmentation, par rapport à la même période l'année précédente, des superficies ensemencées pour la campagne 1997 B, sans que les terres cultivées aient retrouvé leur niveau d'avant la crise. Un certain nombre de facteurs a gêné l'expansion de ces terres, y compris l'arrivée et l'installation tardives dans leurs communes pour participer aux travaux préparatoires de la campagne B d'une grande partie des réfugiés, les différends opposant ces derniers et les occupants actuels pour la répartition des terres, le manque de main-d'oeuvre (aggravé en partie par des demandes liées à la réinstallation, comme la construction de logements), et la pénurie d'intrants, outils agricoles élémentaires et semences en particulier.

Les pluies tardives irrégulières un peu partout (est, sud et centre), excessives dans l'ensemble du pays, endommageant les légumineuses et les patates douces. Au total, la production vivrière devrait augmenter légèrement (six pour cent), par rapport à la même campagne l'année dernière: la production de céréales, de 17 pour cent, grâce aux résultats généralement bons obtenus par le sorgho (26 pour cent d'augmentation), celle des bananes, de 12 pour cent, tandis que la production de racines et tubercules resterait légèrement inférieure au niveau de la campagne 1996 B. Toutes les productions vivrières, excepté le blé et le paddy, demeurent bien inférieures aux niveaux d'avant la crise. Mais le résultat le plus préoccupant de l'étude effectuée par la mission est la forte baisse prévue de la production de légumineuses, principale source de protéines pour les habitants du Rwanda, qui serait inférieure de 25 pour cent à la campagne B l'an dernier. Prévision d'autant plus alarmante que les maigres résultats de la campagne 1997 A de moment culminant de la production des légumineuses, sont inférieurs de 12 pour cent aux niveaux de la campagne 1996 A, déjà touchés par une baisse de rendement due à la sécheresse dans certaines régions. Ce sont les préfectures de Kibuye, Gikongoro, Butare, Kigali Sud (région de Bugesera), et certaines communes au Gitamara, en particulier Murama, Masango Kikoma et Tambwe, qui sont les plus touchées par une situation vivrière précaire. Elles devront continuer à bénéficier de l'aide alimentaire et de la distribution d'intrants.

Les personnes obligées de recourir au marché pour satisfaire leurs besoins, totalement ou en partie, commencent à trouver qu'il est extrêmement difficile de se nourrir en raison de l’envolée des prix. Entre juin 1996 et juin 1997, les prix des légumineuses ont triplé, les prix du manioc ont doublé, ceux des patates douces ont plus que doublé, et les prix du sorgho et des pommes de terre ont augmenté de 45 à 65 pour cent. Ce sont les bananes dont les prix ont le moins grimpé (environ 30 pour cent). Avec la prochaine récolte de la campagne 1997 B les prix diminueront, tout en restant bien supérieurs aux niveaux comparables de l'année précédente.

Sur la base de ces informations, la mission estime à 4 000 tonnes de céréales et 72 000 tonnes de légumineuses, les besoins d'aide alimentaire -d’urgence et autres - durant la seconde moitié de l'année. Si l’on tient compte du déficit en racines et tubercules et de la part des bananes consommées comme nourriture (plutôt que sous forme de bière), on obtient une quantité supplémentaire de 103 000 tonnes d’équivalent céréales. A titre de comparaison, l'aide alimentaire totale durant le premier semestre 1997 s'est élevée à 110 000 tonnes environ.

Parmi les actions que la mission recommande d'entreprendre de toute urgence, citons: i) le lancement immédiat d'un programme de distribution d'intrants, -houes semences et matériel végétal en temps utile pour les préparatifs de la campagne 1998 A, c'est-à-dire en septembre, ainsi que pour la campagne 1998 B au coût de 16 millions de dollars E.-U. environ; et ii) l'installation immédiate (d'ici septembre 1997) d'un système d'alerte rapide, première mesure de réorganisation du service de statistiques déficient du Ministère de l'agriculture. Etant donné l'énorme déficit en produits alimentaires de première nécessité prévu d'ici la fin de l'année, la mission demande également de gérer l'aide avec une grande prudence afin d'atteindre un double objectif: empêcher que les ménages paysans n’utilisent leurs semences pour la consommation alimentaire et éviter qu'une aide alimentaire excessive ne décourage les semis pour la campagne 1998 A. La mission traite aussi des questions de réorganisation du secteur agricole à moyen et long termes .





2. LE CONTEXTE SOCIO-ECONOMIQUE

Situé dans la région des grands lacs d'Afrique de l'Est, le Rwanda, avec une superficie de 26 338 km², est un des pays les plus densément peuplés du continent. Son économie se base largement sur l'agriculture, qui représente environ 40 pour cent du PNB, et 80 pour cent de toutes les exportations. Plus de 90 pour cent de la population vit en zone rurale. La tragique guerre civile qui a duré quantre ans, de la fin de 1990 à 1994, et durant laquelle près d'un million de personnes ont perdu la vie, entre avril et juillet 1994 surtout, a marqué l'histoire récente du Rwanda.

2.1 L'agriculture et la securite alimentaire

[Cette section s'inspire notamment des sources suivantes: République rwandaise - Document de position nationale sur la sécurité alimentaire: préparé à l'occasion du Sommet mondial de l'alimentation, Rome, 13-17 novembre 1996; Kigali, septembre 1996. République rwandaise, MINIPLAN/MINAGRI, FAO - Etude sur la sécurité alimentaire, Volet production agricole et nutrition, Rapport provisoire, Kigali, juin 1996. MINAGRIF/FAO/PAM - Etude d'identification des groupes vulnérables au Rwanda, septembre 1995.]

En 1986, l'agriculture couvrait 93 pour cent des besoins alimentaires (exprimés en énergie), de la population, mais en 1995, elle n'en couvrait plus que la moitié. La faiblesse des recettes d’exportation limite considérablement la capacité d’importation commerciale du Rwanda et le déficit vivrier doit être presque totalement couvert par l’aide alimentaire. Le secteur agricole connaît des contraintes structurelles, institutionnelles et économiques graves. Parmi ces difficultés, il faut citer une mauvaise gestion des ressources naturelles, y compris un système foncier qui contribue à la surexploitation et à la dégradation des terres agricoles, ainsi que des pratiques culturales traditionnelles donnant un rendement faible, une diversification et une régionalisation insuffisantes de la production. En dépit de l'énorme importance du secteur agricole dans l'économie du Rwanda, 4 pour cent seulement du budget ordinaire, et 10 pour cent des fonds consacrés aux projets de développement, sont affectés directement à la production agricole. La recherche et la vulgarisation agricoles sont limitées, et l’économie rurale dans son ensemble demeure largement orientée vers une agriculture de subsistance.

Les luttes civiles qui ont caractérisé la première partie de cette décennie, en particulier les événements de 1994, ont laissé leur marque sur l'économie agricole du Rwanda. En plus des tragiques pertes en vies humaines, deux millions de personnes environ ont été déplacées à l'intérieur du pays, ou ont cherché asile dans des pays voisins, abandonnant leurs terres et laissant l’infrastructure de production agricole institutionnelle pratiquement à l’abandon. Le sous-secteur de l’élevage a été presque entièrement détruit; les pertes se montent à: 80 pour centdes bovins, 90 pour cent pour les caprins et les ovins et 95 pour cent porcins, la volaille et les lapins. Les productions de café et de thé sont tombées à des niveaux sans précédent, et l’infrastructure de transformation est mise hors d'état de fonctionner. Le sous-secteur forestier a subi des pertes massives, qui ont eu comme conséquence la destruction complète de 15 000 hectares, tandis que 35 000 hectares étaient gravement endommagés.

La pauvreté et l'insécurité alimentaire affectent la population dans son ensemble, mais elles se révèlent particulièrement graves pour un noyau dur de 12 à 15 pour cent des ménages ruraux ("ménages vulnérables"). Ceux-ci se concentrent au sud-ouest du pays, c'est-à-dire dans les préfectures de Kibuye, Gikongoro et Butare, que caractérisent de hautes altitudes, des sols pauvres, et une densité de population élevée. On estime la malnutrition protéino-énergétiques, chez les enfants de moins de cinq ans, à 30 pour cent, pour la moyenne nationale, avec une incidence pouvant atteindre 37 et 64 pour cent à Gikongoro et Butare respectivement. Dans ce groupe d'âge, la moyenne nationale de malnutrition aiguë atteint environ 10 pour cent.

Actuellement, la politique du gouvernement s'efforce d'instaurer un cadre macro-économique favorable, d'augmenter la productivité de tous les secteurs de l'économie, de rétablir les capacités de gestion des secteurs public et privé, d'améliorer la situation de la population vulnérable, et de consolider le climat de sécurité, de paix et de justice. Dans le secteur de l'agriculture et de la sécurité alimentaire, les priorités concernent: i) l'intensification de la production grâce à une utilisation accrue des intrants; ii) la spécialisation régionale; iii) l'amélioration des cadres professionnels; iv) l'introduction d'innovations susceptibles d'aboutir à une diversification; v) l'augmentation des investissements destinés à l'aménagement des eaux; et vi) l'intégration de l'agriculture dans l'économie de marché.

2.2 Evaluation demographique recente

En juin 1996, 1,7 million de Rwandais vivaient dans des camps de réfugiés hors de leur pays, dont près des deux-tiers dans la République Démocratique du Congo (le Zaïre d'alors), 30 pour cent environ en Tanzanie, et un petit nombre au Burundi et en Ouganda. La plupart d'entre eux avaient fui leur pays durant les troubles d'avril 1994. Ce sont eux que les statistiques désignent comme "nouveaux réfugiés", par opposition aux "anciens réfugiés" qui ont fui le pays à partir de 1959, par vagues successives. Depuis la seconde moitié de 1994, un grand nombre de ces derniers est revenu. En effet, jusqu’à mi-1996, la majorité des réfugiés de retour étaient "d’anciens" réfugiés, tandis que ces derniers mois ce sont surtout de "nouveaux réfugiés" qui sont rentrés. Entre juin 1996 et juin 1997, plus de 1,4 millions de Rwandais sont rentrés, et pratiquement tous (97 pour cent) faisaient partie de la catégorie des "nouveaux réfugiés". Cinquante sept pour cent d’entre eux se trouvaient dans la République Démocratique du Congo (RDC), 34 pour cent en Tanzanie, près de 5 pour cent, au Burundi et près de 5 pour cent en Ouganda.

Ces retours en masse, ainsi que le taux naturel de 3 pour cent par an de croissance démographique, ont fait passer la population nationale de 6,3 millions d’habitants en juin 1996 à 7,9 millions en juin 1997, soit une augmentation de 1,6 million d'individus, ou 25 pour cent en une année. Durant le second semestre, la population dépassera le chiffre de 8 millions d’habitants (tableau 1). Quatre-vingt pour cent de ces retours ont eu lieu en novembre (surtout à partir de la RDC), et décembre 1996 (à partir de la Tanzanie). Au moment de la mission FAO/PAM pour la campagne B en juin l'année dernière, une telle évolution aurait semblé tout à fait impensable.

Tableau 1: Evolution de la population entre janvier 1996 et décembre 1997
Date  Croissance naturelle  Réfugiés de retour  Population totale
1er janvier 1996  6 193 000
31 mars 1996  46 448  42 575  6 282 023
30 juin 1996  47 115  12 232  6 341 370
30 septembre 1996  47 560  69 363  6 458 293
31 décembre 1996  48 437  1 175 412  7 682 142
31 mars 1997  57 616  82 780  7 822 538
30 juin 1997  58 669  98 284  7 979 491
30 septembre 1997  59 846  17 142  8 056 479
31décembre 1997  60 424  17 142  8 134 045

Notes Explicatives:
1. Population en janvier 1996: estimation officielle du gouvernement. Source: République rwandaise - Position nationale sur la sécurité alimentaire. Document présenté à l'occasion du Sommet mondial de l'alimentation, Rome 13-17 novembre; Kigali, septembre 1996.
2. Taux de croissance naturelle de la population: 3 pour cent par an, ou 0,75 pour cent par trimestre
3. Réfugiés de retour entre janvier 1996 et mai 1997: chiffres fournis par le HCR; juin-décembre 1997, basés sur l'estimation du HCR, de 40 000 réfugiés de retour au total durant cette période (5 714 par mois).

Maintenant que 80-85 pour cent des "nouveaux" réfugiés sont revenus au Rwanda, les tendances de la population devraient se stabiliser à l'avenir selon le taux de croissance naturelle. Le HCR estime à 40 000 le nombre total de réfugiés revenus entre juin et décembre cette année. Parmi tous ceux qui ne sont pas rentrés, beaucoup pourraient être morts de faim et de maladie, ou au cours des violences de la guerre civile. Le gouvernement a demandé à ceux qui revenaient de rentrer dans leur commune d'origine, qui n'est pas nécessairement celle où ils vivaient avant d'émigrer. On disposera sous peu de données sur l’endroit où les réfugiés se sont inscrits, et l’incidence sur la population de chaque préfecture. Le tableau 2 présente une image approximative de la répartition géographique de la population, basée sur une estimation de la population totale en juin 1997, et une extrapolation de sa répartition au début de l'année.

Tableau 2: Répartition estimative de la population par préfecture, juin 1997 (milliers de personnes)
Préfecture  Population  Préfecture  Population
Butare  718  Kibungo  766
Byumba  654  Kibuye  471
Cyangugu  518  Kigali  1 420
Gikongoro  503  Ruhengeri  870
Gisenyi  894  Umutara  311
Gitarama  854  TOTAL  7 979


Les réfugiés sont rentrés dans leur pays en passant par un certain nombre de centres, dont les plus importants sont, par ordre décroissant du nombre des individus, Gisenyi, Kibungo, Butare, Cyangugu et, plus récemment, Kigali (grâce à un pont aérien). Des camps de transit, d'où les réfugiés devaient repartir, après un court séjour, vers leur commune d'origine, les accueillirent et leur prêtèrent assistance. Après s'être fait inscrire dans leurs communes, les réfugiés avaient droit à une aide d'urgence, qui comprenait des rations alimentaires pour six mois (voir ci-dessous la section concernant l'aide alimentaire d'urgence). De retour au Rwanda, beaucoup d'entre eux trouvèrent les maisons, dont ils s'étaient enfuis en 1994, occupées par ceux qui étaient restés, ou par de nouveaux venus, restés en exil jusqu'en 1994. Cette situation a parfois provoqué, entre résidents et réfugiés de retour, des disputes sur l'occupation du territoire qui ont gêné les cultures. D'un autre côté, on peut citer des exemples, tels que la Préfecture de Kibungo, où la terre semble avoir été équitablement partagée entre les réfugiés de retour et les habitants qui avaient pris leur place. Dans cette préfecture, qui compte actuellement près de 750 000 habitants, 350 000 personnes sont des réfugiés récemment revenus de la RDC ou de Tanzanie, en novembre et décembre 1996, auxquels s'ajoutent 150 000 "anciens" réfugiés, revenus après plus de 30 années d'exil, à partir de la seconde moitié de 1994. Ainsi, les deux-tiers environ de la population de Kibungo se composent de réfugiésplus ou moins récents. Ceci montre bien à quels terribles défis les préfectures doivent faire face pour réinsérer les individus dans le système productif, et relancer l'économie.





3. LA PRODUCTION ALIMENTAIRE EN 1997.

On récolte toute l'année au Rwanda, en particulier les bananes, les patates douces, le manioc et les légumes, cueillis selon leur maturité et les besoins des ménages, ce qui permet un certain degré de stabilité alimentaire. D'autres cultures vivrières se cultivent durant les deux principales campagnes: pendant la campagne "A", dont les semis ont généralement lieu en septembre-octobre, et la récolte en janvier-février, ce sont les haricots et le maïs qui représentent les principaux produits. Tandis que durant la campagne B, c'est le sorgho, encore qu'on récolte également des haricots. Les semailles se font en février-mars, et la récolte en juin-juillet. Exprimée en volume de production, la campagne "A" est en général légèrement plus importante que la campagne "B" Les régions marécageuses (marais) permettent une troisième campagne brève ("C") en juillet-août, immédiatement après la récolte "B", où dominent les patates douces et les légumes. On inclut en général cette production très limitée dans la campagne "A".

3.1 Production alimentaire de la campagne 1997 A

Selon la mission FAO/PAM qui s'est rendue au Rwanda en décembre 1996, les superficies ensemencées ont considérablement augmenté durant la campagne 1997 A, en partie grâce à l'amélioration des conditions de sécurité, et à l'incidence de l'aide internationale, qui n'a pas cessé de fournir semences et outils simples (houes). Les pluies ont en général été irrégulières, inférieures à la moyenne au centre et au sud du Rwanda, abondantes ailleurs, ou même excessives jusqu’à compromettre la récolte de haricots. De violents orages ont causé des dégâts dans les plantations de bananes dans l’importante zone productrice de Kibungo, et dans une partie de Byumba. D'une façon générale, et exception faite des haricots, les rendements de toutes les récoltes se sont avérés satisfaisants dans les régions favorisées par la pluie.

On estime à 1,93 million de tonnes la production vivrière totale de la campagne "A", ce qui représente une augmentation de huit pour cent par rapport à 1996, mais reste encore inférieur de 11 pour cent aux niveaux d'avant la crise (1989-1993). La production de céréales a atteint 93 700 tonnes (supérieure de 28 pour cent à celle de la campagne 1996 A), celle de légumineuses, 102 600 tonnes (en baisse de 12 pour cent), de bananes, 1,08 million de tonnes (2 pour cent d'augmentation), et de racines et tubercules, 657 100 tonnes (23 pour cent d'augmentation).

3.2 Production de la campagne 1997 B

3.2.1. Superficie ensemencée

La mission estime que les superficies ensemencées ont encore augmenté par rapport aux campagnes 1996 B et 1997 A, confirmant ainsi la tendance de ces dernières années à un retour aux niveaux d'avant la crise, sans toutefois les atteindre. A cet égard, les préfectures de Gisenyi et Butare ont enrégistré les progrès les plus significatifs. Et en même temps, la préfecture de Butare reste, avec celles de Kibuye et Kibungo, l'une des préfectures qui a le plus haut pourcentage de terre en friche. Plusieurs facteurs ont ralenti l'expansion des superficies ensemencées, en particulier: i) l'arrivée et la réinsertion tardives par rapport au début des préparatifs de la campagne B, des réfugiés dans leurs communes d'origine; ii) les querelles à propos des terres entre réfugiés et agriculteurs déjà installés, qui ont parfois empêché de cultiver certaines parcelles, iii) la demande de main-d'oeuvre dans des secteurs liés à la réinsertion des réfugiés, tels que la construction de logements, et iv) le manque de semences, en particulier le manque de plants de pommes de terre et de manioc, ainsi que d'outils agricoles simples, comme des houes.

3.2.2 Rendements

Les pluies, arrivées tardivement, ont été irrégulières dans une bonne partie du pays (à l'est, au sud et au centre), et même excessives sur tout le Rwanda. L’excès de pluie a endommagé les racines des haricots et des patates douces et par conséquent les rendements diminueront. Les cultures de sorgho des terres humides ont également souffert. La mosaïque a sérieusement compromis les rendements de manioc, et il est probable que le mildiou réduira ceux de pommes de terre. Quant aux bananes, elles ont parfois été contaminées par le fusarium. Mais dans l'ensemble, les rendements de sorgho et de céréales devraient être bons, et c'est également vrai pour d'autres produits, comme l’igname, les pois, l’arachide et le soja.

3.2.3 Production

La production totale de la campagne 1997 B devrait atteindre 1,941 million de tonnes, ce qui représente une augmentation de six pour cent par rapport à la campagne 1996 B (tableau 3). Les céréales comptent pour presque 128 000 tonnes (en augmentation de 17 pour cent par rapport à la campagne 1996 B), les légumineuses, pour moins de 54 000 tonnes (en diminution de 26 pour cent), les bananes, pour 1,171 millions de tonnes (en augmentation de 12 pour cent), et les racines et tubercules, pour environ 589 000 tonnes (en baisse de 3 pour cent). Dans l'ensemble, et à l'exception du blé et du paddy, la production vivrière est nettement inférieure aux niveaux d'avant la crise (1990): en moyenne, la production de la campagne 1997 B est inférieure de 19 pour cent à celle de la même campagne en 1990 B.

Tableau 3: Rwanda - Production de cultures vivrières: prévisions pour la campagne 1997 B, comparée aux années précédentes (en milliers de tonnes)
TOTAL  1990 B  1996 B  1997 B  97/90 B (%)  97/96 (%)
Sorgho  113 728  85 176  107 104  94  126
Maïs  14 427  12 495  11 327  79  91
Blé  4 738  5 614  4 897  103  87
Paddy  3 934  5 496  4 305  109  78
TOTAL DES CEREALES  136 827  108 780  127 633  93  117
Haricots  68 899  60 347  43 515  63  72
Pois + A33  4 736  4 350  2 578  54  59
Arachides  4 710  4 220  3 149  67  75
Soya  12 890  3 302  4 279  33  130
TOTAL DES LEGUMINEUSES  91 235  72 219  53 521  59  74
BANANES  1 378 132  1 049 397  1 170 819  85  112
Pommes de terre  136 101  96 381  96 125  71  100
Patates douces  453 215  368 601  357 524  79  97
Taro et ignames  61 666  39 384  46 916  76  119
Manioc  128 239  102 638  88 294  69  86
TOTAL RACINES ET TUBERCULES  779 221  607 004  588 859  76  97
TOTAL  2 385 415  1 837 401  1 940 833  81  106

Etant donné le grand nombre des réfugiés rentrés cer derniers mois, la production par tête sera inférieure à celle de la campagne 1996 B pour toutes les cultures.

Le Tableau 4 présente des estimations détaillées de la production dans chaque préfecture.

Tableau 4: Rwanda: Production de cultures vivrières de la campagne 1997 B par préfecture (milliers de tonnes)
Culture/Préfectures  Butare  Byumba  Cyangugu  Gikongo  Gisenyi  Gitarama  Kibungo  Kibuye  Kigali  Ruhengeri  Umutara  Rwanda
Sorgho  11 642  30 640  233  2 877  433  5 496  13 424  2 143  28 063  3 740  8 440  107 104
Maïs  221  1 251  253  114  4 559  284  467  460  1 869  1 294  554  11 327
Blé  496  442  185  357  3 418  4 897
Paddy  1 411  375  784  221  536  421  556  4 305
Haricots  1 173  2 799  2 338  355  4 270  3 124  4 399  652  10 973  11 503  1 930  43 515
Pois  86  277  168  79  465  227  64  659  93  311  151  2 578
Arachide  140  373  43  25  1 450  128  911  77  3 149
Soja  775  588  840  313  1 243  64  38  161  186  71  4 279
Bananes  61 548  133 266  51 113  24 619  75 770  149 221  249 054  17 860  212 788  132 849  62 734  1 170 819
Pommes de terre  387  1 991  612  1 716  34 065  1 259  751  2 625  2 080  49 213  1 427  96 125
Patates douces  33 794  48 440  15 381  28 367  46 797  47 855  15 149  13 619  37 858  52 171  18 092  357 524
Taro et igname  3 759  968  6 676  2 341  3 719  6 740  2 506  2 964  6 942  6 895  3 406  46 916
Manioc  4 919  6 228  8 044  1 063  4 669  27 752  1 122  1 280  23 989  5 728  3 499  88 294

Sur la base des estimations actuelles des campagnes A et B de 1997, les données de la production agricole pour toute l’année comparées aux années précédentes figurent au tableau 5. La production agricole totale en 1997 devrait être supérieure de 7 pour cent à celle de 1996, mais en retrait de 18 pour cent par rapport à 1990. Le déficit de production de légumineuses est de 17 pour cent par rapport à l’an dernier et de 37 pour cent par rapport à 1990. La production de céréales devrait être nettement supérieure au niveau de l’an passé (+ 21 pour cent), tout en restant inférieure au résultat de 1990.

Tableau 5: Production vivrière annuelle, 1990-97 (en milliers de tonnes)
Culture  1990  1991  1992  1993  1994  1995  1996  1997  97/96 %  97/90 %
Bananes  2 777  2 120  2 316  2 136  1 489  2 002  2 105  2 248  107  81
Légumineuses  248  242  230  178  51  124  189  156  83  63
Céréales  252  244  239  233  132  141  182  221  121  88
Racines et tubercules  1 448  1 429  1 783  1 697  1207  881  1 144  1 246  109  86
TOTAL  4 725  4 035  4 568  4 244  2 879  3 158  3 620  3 871  107  82




4. ANALYSE RÉGIONALE DE LA PRODUCTION VIVRIÈRE ET ANIMALE ET DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

 

4.1 Butare

Butare est une des préfectures qui ont subi les pertes les plus importantes en vies humaines durant les événements de 1994. Au début de 1994, la population était estimée à 820 000 habitants. Elle s’établit aujourd’hui autour de 613 000 habitants, soit 75 pour cent de la population de l’époque, et comprend quelque 300 000 rapatriés - divisés à peu près équitablement entre une première vague de réfugiés qui sont rentrés fin 1994 et une nouvelle vague qui est arrivée du Burundi en 1996. Ces derniers ont contribué à un net accroissement des superficies ensemencées durant la campagne B, mais les niveaux démographiques fortement réduits expliquent qu’il y a encore une part appréciable de terres non cultivées, notamment dans les communes fertiles de Ntazo, Mugusa et Muyira. Durant la campagne A de 1997, ces régions et d’autres zones de la préfecture ont été victimes d’une grave sécheresse. Pendant la campagne en cours, elles ont été en revanche frappées par un excès de pluies qui ont inondé notamment la vallée de Akanyuru, endommageant gravement les cultures de haricots, de maïs, de sorgho et de patates douces.

En général, les perspectives sont bonnes pour le sorgho et le maïs. Les rapatriés récents ont contribué à accroître les superficies ensemencées en patates douces et à améliorer l’état des bananeraies. En revanche, la pénurie d’intrants de base compromettra le résultat global de la campagne. La récolte totale de 1997 devrait être modeste du fait du manque d’intrants et des pluies excessives dans les régions les plus fertiles, ce qui entraînera un déficit important de denrées vivrières de base pour la préfecture. La situation alimentaire sera particulièrement difficile dans les communes aux sols relativement pauvres de Maraba, Huye, Runyinya, Nyabisindu, Ruhashya, Rusatira et Mbazi.

Le cheptel -bovins, ovins, caprins et petits animaux- demeure à des niveaux très réduits. Les agriculteurs voudraient reconstituer leurs stocks mais auraient besoin d’une aide au crédit et de fournitures améliorées de produits vétérinaires.

La situation de la sécurité alimentaire est particulièrement difficle pour les "ménages vulnérables" qui cultivent environ un quart d’hectare de terres essentiellement pauvres. Dans les zones défavorisées à forte densité de population, ces ménages représentent 30 à 40 pour cent de l’ensemble des ménages ruraux. Ils dépendent en grande partie de sources supplémentaires de revenus pour satisfaire leurs besoins alimentaires, et ils sont souvent obligés, pour chercher du travail, de migrer vers des zones moins peuplées, comme la Préfecture de Gikongoro.

Dans l’ensemble, la situation de la sécurité alimentaire demeure précaire. La Préfecture continue à avoir besoin d’une aide alimentaire, plutôt au titre de programmes de vivres-contre-travail que d’une distribution gratuite, qui permettraient de surmonter les graves problèmes logistiques que rencontrent les autorités locales dans la distribution. En outre, les programmes de fourniture d’intrants doivent être renforcés pour résoudre les pénuries considérables de la campagne B.

4.2 Byumba

Avec le retour de réfugiés en grand nombre de la République démocratique du Congo et de la Tanzanie, les superficies ensemencées ont continué à augmenter et à se rapprocher des niveaux normaux. Les conflits portant sur la terre se sont faits moins sentir que dans d’autres zones du pays, car, dans de nombreux cas, les champs avaient déjà été occupés par les familles des rapatriés. L’accroissement des superficies a été particulièrement important pour le sorgho, qui a dépassé les niveaux normaux, notamment dans les communes de Buberuka, où il a été semé par les rapatriés du Congo. Dans le Byumba oriental, toutefois, de nombreux réfugiés ne sont rentrés de Tanzanie qu’en janvier -c’est-à-dire trop tard pour participer activement à la campagne B de 1997, en particulier pour les travaux longs et laborieux de préparation des terres restées longtemps en jachère. Les rapatriés ont également planté de vastes superficies de pommes de terre, voyant ainsi un moyen de résoudre rapidement leur insécurité alimentaire.

Les pluies sont arrivées tardivement vers la fin mars, mais ont été par la suite régulières et abondantes -voire excessives- avec de la grêle et des inondations qui ont endommagé les cultures dans les communes de Giti, Rutare, Kinyami et Kiyombe. Les fortes précipitations tombées dans toute la Préfecture réduiront les rendements en causant des maladies des racines pour les haricots et le mildiou de la pomme de terre. Le sorgho,qui est généralement semé en janvier, a eu du mal à démarrer à cause du retard des pluies dans tout l’est, mais s’est développé normalement dans les zones d’altitude. Les intrants ont connu une flambée des prix avec le retour des réfugiés. Les semences de qualité, les engrais, le fumier et les pesticides étaient insuffisants.

La situation de la sécurité alimentaire n’est pas alarmante, mais on prévoit d’importants déficits vivriers, en particulier compte tenu des prévisions de mauvaise récolte pour les haricots et les pommes de terre. Selon une enquête réalisée par "Save the Children Fund" (Grande-Bretagne) dans le nord-est du Byumba, les "ménages vulnérables" restés dans le pays couvrent actuellement avec leur propre production 20 à 30 pour cent de leurs besoins alimentaires, tandis que les ménages de rapatriés, 15 à 25 pour cent. Ils s’efforcent d’assurer leur sécurité alimentaire en travaillant dans les plantations de thé ou en migrant vers d’autres préfectures en quête d’un emploi.

4.3 Cyangugu

En général, les résultats de la campagne B devraient être bons, bien que légèrement inférieurs à la normale. Les pluies ont été régulières, mais plus qu’abondantes au mois d’avril, et la grêle a causé quelques dégâts aux cultures.

La production de haricots devrait chuter à cause du manque de semences et des maladies des racines qui ont été particulièrement aiguës durant cette campagne. Les rendements des cultures de soja et d’arachide seront bons, mais les superficies ensemencées sont nettement inférieures à la normale. La production de riz et de maïs est encourageante. Celle de bananes devrait subir un fort recul à cause de diverses infestations de champignons. Les plantations de café sont en mauvais état car elles n’ont pas été entretenues et ont été attaquées par de nombreuses maladies. Sur les terres humides, les superficies ensemencées sont proches de la normale, mais les rendements seront faibles en raison de la pénurie de pesticides (en particulier de Dithane).

Le cheptel a été reconstitué, et est désormais légèrement supérieur aux niveaux d’avant la crise. Cependant, faute de cadres vétérinaires, il n’existe aucun programme d’aide à l’élevage.

Si la situation de la production est généralement encourageante, celle des disponibilités sera fonction du commerce transfrontalier, en grande partie informel. La Préfecture partage normalement sa production avec la ville de Bukavu de l’autre côté de la frontière du Congo. Cette année, il pourrait y avoir davantage de sorties de denrées avec un risque de déficit important du côté rwandais. La situation devrait être gardée sous surveillance. Jusqu’à nouvel ordre, l’aide alimentaire ne devrait pas être nécessaire, mais une assistance sous forme d’intrants sera requise au cours de la prochaine campagne.

4.4 Gikongoro

Comme la campagne A, la campagne B de 1997 a été difficile pour la Préfecture. Les superficies ensemencées ont été limitées par la carence de main d’oeuvre, notamment dans les communes ayant subi de graves pertes en vies humaines en 1994, comme Rwaniko et Mubuga. Nombre de survivants ont migré vers les centres commerciaux et ne cultivent plus leurs champs. De nombreux réfugiés ne sont pas encore rentrés - même si quelque 40 000 personnes sont arrivées en février - mais trop tard pour la campagne en cours. D’autre part, un grand nombre d’anciens agriculteurs sont encore prisonniers et reçoivent des vivres de leur femme ou de membres de leur famille. Il y a donc encore une part importante de terres en jachère. Les fournitures d’intrants sont insuffisantes, malgré les efforts de la Direction régionale des services agricoles (DRSA) et d’une aide substantielle des donateurs. Les zones d’altitude ont connu une grave pénurie de houes, dont le prix a atteint 1 200 FRW la pièce (4 dollars E-U.).

Pour le côté positif, le Projet de développement agricole de Gikongoro a appuyé la multiplication de semences et de matériel végétal pour les haricots, les pommes de terre et les patates douces; l’entretien du réseau d’irrigation; des opérations de reboisement; et la reconstitution des troupeaux de bovins.

Comme dans d’autres régions du pays, les pluies sont généralement arrivées à temps, mais ont été irrégulières et excessives, avec de la grêle ou des inondations dans les zones de moyenne altitude. Les dégâts aux haricots, aux petits pois, au maïs et au sorgho sont considérables.

La situation du cheptel s’est améliorée et le nombre de têtes de bétail est proche des niveaux d’avant la crise. Mais un soutien vétérinaire aussi bien en termes de personnel que de médicaments fait cruellement défaut. La tuberculose et la fièvre aphteuse sont au centre des préoccupations.

La situation de la sécurité alimentaire de la Préfecture reste précaire, et il faudra des efforts importants d’aide alimentaire et d’intrants pendant les deux prochaines campagnes de 1998.

4.5 Gisenyi

Il y a eu un retour massif de réfugiés rwandais de la République démocratique du Congo, à temps pour les préparatifs de la campagne B. Les superficies ensemencées se sont accrues considérablement par rapport à la campagne précédente et, d’après les données de l’enquête d’évaluation préliminaire, pourrraient même dépasser les niveaux de 1990. Les pluies sont arrivées à temps, ont été régulières et, parfois excessives, sans toutefois causer de dégâts sensibles aux cultures. On prévoit de bons rendements pour les bananes, les patates douces, les petits pois et les céréales. Le mildiou limitera les rendements de pommes de terre, tandis que les feuilles de haricots sont victimes de maladies.

Les marchés sont bien approvisionnés, à l’exception des haricots dont les disponibilités sont très limitées. Les échanges commerciaux transfrontaliers avec la RDC ont été entièrement rétablis. Cependant, la balance commerciale de denrées vivrièrse entre Gisenyi et la région de Kivu au Congo doit être surveillée de près pour garantir la sécurité alimentaire de la Préfecture.

On est en train de reconstituer les troupeaux, sans atteindre toutefois les niveaux d’avant la crise. De graves incidences de maladies ont été observées, mais il manque un appui vétérinaire.

Si les perspectives globales sont bonnes pour la récolte B de 1997 par rapport à la campagne B de l’an dernier, elle ne devrait pas suffire à satisfaire entièrement les besoins alimentaires de la Préfecture.

4.6 Gitarama

Les superficies ensemencées ont été considérablement accrues dans des communes comme Mukingi, Nyambuye, Tambwe et Kigoma. D’autres ont été entravées par de graves pénuries de main d’oeuvre, notamment Musambira, Runda, Taba, Kayenzy, Murama et Masango. Les superficies semées en haricots ont augmenté particulièrement dans la zone nord de Ndiza, mais les rendements devraient être faibles en raison du mauvais état des sols. Dans toute la Préfecture, les terres semées en taro, culture à la valeur nutritionnelle limitée, se sont accrues sensiblement, traduisant les stratégies des agriculteurs d’augmenter le volume des cultures vivrières, c’est-à-dire de la production énergétique, pour pallier le risque d’une insécurité alimentaire prolongée.

Les pluies arrivées tardivement ont continué régulièrement, mais ont été plus courtes que d’habitude. La maladie des racines a frappé les haricots au stade de la maturation ou de la récolte, et les rendements de pommes de terre seront réduits par le mildiou. Les bananes souffrent des infestations de fusarium qui semble attaquer en particulier la variété Kayinja. Les cultures d’arachide -qui présentent un intérêt particulier dans la zone de Mayaa (Ntongwe et Mugina) et dans le centre de la Préfecture (Tambwe, Mukingi, Musambira et Kigoma)- ont souffert du manque de semences. Les patates douces promettent de bons résultats et constituent la base de la sécurité alimentaire pour les habitants de Gitarama.

La situation de la sécurité alimentaire de la Préfecture demeure précaire, en particulier pour les communes de Murama, Massango, Tambwe, Musambira et Kigoma. Il faut continuer à surveiller la sécurité alimentaire et la nutrition des ménages vulnérables, et une aide alimentaire et une assistance sous forme d’intrants continuera à être requise.

4.7 Kibungo

Kibungo a un énorme potentiel de production agricole, d’élevage et de pêche en eau douce. Elle assure 50 pour cent de la production nationale de bananes et 80 pour cent des approvisionnements en bananes de Kigali.

En moyenne, les terres cultivées par ménage rural sont les plus étendues du pays. Le réseau routier est parmi les meilleurs au Rwanda, ce qui facilite les échanges internes et externes. Mais comme les autres préfectures, Kibungo doit actuellement affronter d’énormes problèmes liés aux réfugiés "anciens" et "nouveaux" rentrant dans le pays.

Quelque 350 000 "nouveaux" rapatriés, soit environ 45 pour cent de la population sont revenus à Kibungo entre novembre 1996 et avril 1997, essentiellement de la Tanzanie. En 1994, quelque 150 000 "anciens" réfugiés, soit 20 pour cent de la population actuelle, étaient rentrés. Aussi la population actuelle ne compte-t-elle qu’un tiers environ d’habitants qui n’ont jamais quitté le pays. Les autorités locales ont mené à bonne fin la réaffectation des terres, mais la campagne actuelle constituera une période de transition difficile tant pour les nouveaux rapatriés que pour les "anciens" qui doivent abandonner une partie des terres qu’ils occupaient.

Dans ce contexte, les superficies ensemencées ont augmenté considérablement, même si des disponibilités adéquates d’intrants auraient permis de le faire davantage. Les pluies sont arrivées avec du retard mais en abondance. Les perspectives des semis précoces de haricots (environ un tiers) ne sont pas encourageantes à cause des maladies des racines et des feuilles, mais les haricots semés plus tard en raison de l’arrivée tardive des semences sont plus prometteurs. La production de manioc a été entravée par le manque de matériel végétal et les rendements seront faibles à cause du virus de la mosaïque. Par ailleurs, la production de patates douces et de sorgho s’annonce bonne, tandis que celle de bananes devrait être excellente.

Les troupeaux de bovins ont été reconstitués à un niveau légèrement supérieur à celui d’avant la crise. En revanche, les ovins, les caprins et les petits animaux restent en-deçà des niveaux précédents. En outre, on craint que les méthodes d’élevage extensif pratiquées normalement entrent en conflit avec les nouveaux règlements de répartition des terres. Les produits vétérinaires sont disponibles dans les zones limitrophes de la Préfecture d’Umutara, mais sont pratiquement inexistants dans d’autres zones.

L’aide alimentaire ne sera généralement plus nécessaire à Kibungo, sauf pour un nombre restreint de ménages vulnérables qui devraient la recevoir sous forme de vivres-contre-travail plutôt que d’une distribution gratuite. Toutefois, l’aide aux intrants sera déterminante pour la prochaine campagne, tout comme les programmes de soutien de l’élevage pour la sécurité alimentaire future de la Préfecture.

4.8 Kibuye

En dépit des efforts d’amélioration de la situation de la sécurité alimentaire dans la Préfecture, la part de terres non cultivées est encore considérable; une partie des bananeraies est abandonnée et la fourniture d’outils de base et d’autres intrants est toujours insuffisante. Comme dans d’autres régions, les pluies tardives, irrégulières et excessives ont réduit les perspectives de récolte de haricots. Le virus de la mosaïque s’est avéré particulièrement virulent pour le manioc durant cette campagne. Les efforts de reconstitution des troupeaux de bovins ont été très lents et les produits vétérinaires sont difficiles à trouver. Les marchés sont généralement mal approvisionnés, et les déficits de haricots et de céréales se font sentir davantage dans les zones de plus haute altitude de Budaha-Ndiza et Buberuka. En revanche, des excédents de maïs sont signalés dans les régions plus élevées de Bufundu et Bushiro.

La situation générale de la sécurité alimentaire dans la Préfecture atteint des proportions alarmantes. Une nouvelle aide alimentaire sera indispensable mais devrait être fournie de façon à soutenir les activités de production vivrière, comme, par exemple, la bonification des terres marécageuses et la multiplication des semences.

4.9 Kigali rural

Les superficies ensemencées tendent à être supérieures à la normale dans le nord, à peu près les mêmes ou légèrement inférieures à l’est et comparativement faibles dans la région productrice de Bugesera, où une seule commune, Gashora, semble avoir des superficies satisfaisantes. Les perspectives générales de rendement sont relativement bonnes, sauf pour les haricots et le manioc qui ont été frappés par les maladies observées dans la plupart des autres préfectures. Les plantations de bananes et de café -les cultures principales de la Préfecture et d’importantes sources de revenus agricoles- ont beaucoup souffert du manque d’entretien. La variété de bananes Kayinja a été particulièrement touchée par le fusarium.

Après les mauvaises récoltes de la campagne A de 1997 et avec le retour de nombres considérables de réfugiés, la Préfecture dans l’ensemble -en dépit des bons résultats escomptés dans le nord- continuera à souffrir d’un déficit alimentaire qui sera particulièrement vif dans la région de Bugesera. Une aide alimentaire sera nécessaire pour les ménages vulnérables ainsi qu’une aide aux intrants pour les zones rurales en général, notamment sous la forme de matériel végétal sain pour les patates douces et le manioc.

4.10 Ruhengeri

Avec le retour massif de réfugiés de la République démocratique du Congo, les superficies ensemencées se sont accrues considérablement par rapport à la précédente campagne B. Les pluies ont démarré dans les délais prévus en février dans certaines communes (Nkuli), mais ont eu du retard à Nyamugali, Ruhondo et Gatonde. En général, les précipitations ont été normales, mais des pluies excessives en avril ont causé des inondations et des glissements de terrain. Comme ailleurs, les pommes de terre ont été victimes du mildiou, le manioc de la mosaïque et les haricots de la maladie des racines et de la mouche noire.Cependant, la production globale devrait être satisfaisante car l’accroissement des superficies pourrait compenser les pertes de rendements. Les marchés sont mal approvisionnés dans toute la Préfecture, compte tenu d’achats considérables par les négociants ougandais et de la demande accrue des personnes rentrées récemment. La taille des troupeaux de bovins se rapproche des niveaux d’avant la crise, mais dans l’ensemble, la production animale ne suffit pas à satisfaire la demande d’une population plus nombreuse.

4.11 Umutara

La production agricole est d’importance secondaire dans la Préfecture d’Umutara, hormis pour les communes de Muvumba, Murambi, Rukara et certaines parties de Kagitumba, où Muvumba seulement -et dans une moindre mesure, Murambi- cultive des superficies appréciables pour la campagne actuelle. Les perspectives de production sont généralement bonnes, à l’exception des pommes de terre et du manioc. La population dans le reste de la Préfecture vit essentiellement de l’élevage dont elle dépend pour l’achat des denrées alimentaires. Les échanges commerciaux avec l’Ouganda -bétail contre cultures vivrières- sont très importants, notamment dans la région septentrionale de Mutara. Les programmes d’appui technique sont insuffisants, en particulier si on les compare aux investissements considérables effectués par les éleveurs dans leurs troupeaux. L’amélioration de la production animale constitue à la fois un enjeu important et une occasion à ne pas perdre pour garantir la sécurité alimentaire future de la région.



5. SITUATION DES APPROVISIONNEMENTS ALIMENTAIRES

 

5.1 Prix des denrées alimentaires et accès à la nourriture

Le fort accroissement de la demande de vivres dû au retour de plus d’1,4 million de réfugiés rwandais au cours de l’année passée, associé à une croissance démographique naturelle de quelque 200 000 habitants et aux résultats médiocres de la production de légumineuses pour la campagne A de 1997 se sont traduits par une envolée des prix des denrées alimentaires de base dans tout le pays. Les prix avaient déjà considérablement augmenté entre juin et décembre 1996, notamment pour les haricots. Ces tendances se sont poursuivies, voire se sont partiellement accélérées, au cours du premier semestre de 1997. Le tableau 6 montre les indices des prix alimentaires de juin 1997 pour les principaux marchés de toutes les préfectures par rapport aux prix de juin 1996.

Tableau 6: Indices des prix des denrées alimentaires de base par préfecture: juin 1997 - juin 1996 (=100) 1/
Préfecture  Sorgho  Haricots  Pommes de terre  Patates douces  Manioc  Bananes plantains
Butare  150  218  154  235  257  155
Byumba  121  278  158  227  144  109
Cyangugu  147  276  197  345  312  194
Gikongoro  145  241  213  475  167  128
Gisenyi  126  241  138  185  183  93
Gitarama  167  259  171  215  180  140
Kibungo  146  449  138  91  182  132
Kibuye  121  267  171  225  164  95
Kigali rural  139  276  207  400  285  134
Kigali ville  175  300  129  157  214  133
Ruhengeri  156  282  153  242  145  95
TOTAL  144  297  167  246  193  129

1/ moyenne de la première moitié de juin 1996 et de la première moitié de juin 1997
Source: Minagri/Union européenne -Liste des prix sur les marchés, première moitié de juin 1997

Les renchérissements les plus importants ont été signalés pour les haricots, dont les prix ont triplé dans tout le pays. A Kibungo, ils ont plus que quadruplé. Ils ont été suivis des patates douces qui, en juin 1997, étaient deux fois et demie supérieurs à la moyenne nationale de juin 1996. Les augmentations ont été particulièrement marquées dans les préfectures de Gikongoro, Cyangugu et Kigali rural, où les prix ont plus que triplé ou quadruplé, traduisant l’extrême pénurie des approvisionnements. Les prix du manioc ont doublé en moyenne au niveau national, mais ont pratiquement triplé dans les préfectures de Cyangugu et Kigali rural. Les prix moyens nationaux des pommes de terre ont augmenté de 67 pour cent, et ont doublé à Gikongoro et Kigali rural. Le sorgho a connu un renchérissement moyen de 44 pour cent à l’échelle nationale. Les bananes ont subi la plus faible augmentation (moyenne nationale d’environ 30 pour cent) mais avec de fortes variations d’une préfecture à l’autre, allant du doublement des prix à Cyangugu à des baisses de l’ordre de 5 pour cent à Gisenyi, Kibuye et Ruhengeri. Les prix de la capitale ont été supérieurs aux moyennes nationales pour toutes les denrées de base, sauf les pommes de terre et les patates douces.

Au cours des prochains mois, les prix devraient fléchir avec l’arrivée de la récolte B de 1997. Ils resteront néammoins nettement supérieurs aux niveaux de l’an dernier, en particulier pour les légumineuses et les racines et tubercules.

Cette évolution des prix a eu des conséquences décisives pour l’accès à la nourriture, en particulier pour les ménages vulnérables. Des enquêtes réalisées en mai 1997 par "Save the Children Fund" (Grande-Bretagne) dans plusieurs préfectures et communes le confirment. Les résultats indiquent, par exemple, que les ménages pauvres rentrés dans le Byumba occidental devront acheter 75 à 80 pour cent de leurs besoins alimentaires au marché au deuxième semestre de cette année, soit à peu près autant que les ménages pauvres qui n’ont pas quitté le pays (70-80 pour cent). Dans les communes densément peuplées de Gikongoro et Butare, les ménages pauvres de rapatriés devront acheter 45 à 50 pour cent de leurs besoins alimentaires au marché, tandis que ceux qui sont restés dans le pays, 55 à 65 pour cent. Dans le Kibungo central, les ménages cultivant actuellement 0,5 ha devront acheter 45 à 50 pour cent, ceux cultivant 0,25 ha, entre 25-35 pour cent et 65-70 pour cent, en fonction du nombre de membres de la famille ayant une activité économique. Après avoir fait le décompte des achats sur le marché et de l’agriculture d’auto-subsistance, certains ménages souffriront encore d’un déficit alimentaire à différents degrés qui devra être comblé par l’aide alimentaire. Bien que ces études aient une portée limitée, elles montrent clairement la forte dépendance des ménages pauvres à l’égard des achats sur le marché pour satisfaire leurs besoins alimentaires et, par conséquent, l’incidence dramatique des augmentations récentes des prix sur leur sécurité alimentaire.

5.2 Situation de l’offre et de la demande des produits alimentaires

Compte tenu des évaluations de la population et de la production agricole ci-dessus, la Mission a estimé les besoins d’importations alimentaires par voie commerciale et à des conditions de faveur pour le deuxième semestre 1997. Elle a en outre calculé la balance de l’offre et de la demande pour toute l’année 1997, en prenant en considération les niveaux de consommation d’avant la crise et les estimations de la situation des stocks internes du pays et de ses échanges extérieurs d’aliments de base.

Les besoins de consommation sont calculés sur la base de la consommation historique de 33 kg de céréales par personne et par an, 32 kg de légumineuses, 188 kg de racines et tubercules et 408 kg de bananes. L’utilisation fourragère des céréales est négligeable depuis la forte réduction du cheptel national en 1994. Parmi les autres utilisations des céréales figurent la conservation des semences et les pertes (dues principalement aux ravageurs durant le stockage et les transactions). Dans l’ensemble, les utilisations non alimentaires et les pertes devraient représenter 11 pour cent des céréales, 20 pour cent des légumineuses, 9 pour cent des racines et tubercules et 3 pour cent des bananes et des plantains.

La situation des stocks vivriers actuels du Rwanda sont fonction en grande partie des stocks d’aide alimentaire. En temps normal, les ménages ruraux constituent des stocks de légumineuses durant la campagne A et des stocks céréaliers durant la campagne B. Les négociants n’ont généralement pas de stocks importants de ces denrées. Le Gouvernement détenait autrefois de stocks d’écoulement et de petites réserves par le biais de l’Office semi-public pour l’alimentation et l’élevage (OPROVIA), mais cette institution n’est pas en fonction actuellement. Après la mauvaise récolte de haricots durant la campagne A de 1997, ni les agriculteurs ni les négociants ne devraient détenir que des stocks résiduels minimum au début juillet 1997, et étant donné les perspectives des haricots pour la campagne B, la situation des stocks à la fin de l’année n’a guère de chances de s’améliorer. La situation des céréales devrait être plus favorable, compte tenu des estimations relativement bonnes de la production pour les deux campagnes.

Les statistiques des importations alimentaires commerciales compilées par diverses sources, notamment par l’Office national des douanes, la Banque Nationale du Rwanda (BNR) et le Ministère de la Planification (MINIPLAN), ne fournissent pas un tableau homogène. L’incertitude des statistiques officielles est aggravée par l’abondant commerce transfrontalier parallèle avec les pays voisins, qui peut changer de sens en termes d’importations nettes ou d’exportations nettes pour une même denrée durant la même année. L’analyse régionale qui précède suggérait que, cette année, les échanges entre Cyangugu et Bukavu au Congo, et entre Ruhengeri et Umatara d’un côté, et l’Ouganda de l’autre, devraient être surveillés de près. Ces derniers mois, il semble y avoir eu des sorties nettes de denrées alimentaires vers le Congo et l’Ouganda, tandis qu’à l’époque de la mission FAO/PAM en décembre 1996, le pays faisait état d’importations nettes de haricots d’Ouganda. Après avoir examiné l’ensemble de ces facteurs, la mission estime les importations commerciales respectivement de l’ordre de 15 000 tonnes et 14 000 tonnes pour les céréales et les légumineuses durant le deuxième semestre 1997.

Tableau 7: Balance de l’offre et de la demande des denrées alimentaires: Juillet-décembre 1997 (en milliers de tonnes)

Population au 30/9/96: 8 056 000
Total céréales  Légumineuses  Total céréales 
et légumineuses.
 
Racines et 
tubercules
 
Bananes
Disponibilités intérieures  144  59  203  589  1 171
Stocks d’ouverture  16  5  21  0  0
Production 1997 B  128  54  182  589  1 171
Utilisation totale  163  144  323  810  1 679
Consommation  133  129  262  757  1 643
Autres utilisations/pertes  14  11  25  53  35
Stocks de clôture  16  5  37 
Besoins d’importations  19  86  105  221  508
(équivalent céréales) 1/  19  86  105  66  37
Importations comm.estimées  15  14  29  0  0
Besoins d’aide alimentaire 2/  4  72  76  66  37

1/ Les bananes équivalent céréales ne comprennent pas les bananes utilisées pour la fabrication de la bière
2/ Comprend l’aide alimentaire d’urgence ou non.

Tableau 8: Balance de l’offre et de la demande des denrées alimentaires -Janvier-décembre 1997 (en milliers de tonnes)

Population au 30/9/96: 8 056 000
Total céréales  Légumineuses  Total céréales 
et légumineuses
 
Racines et 
Tubercules
 
Bananes
Disponibilités intérieures  245  161  406  1 246  2 249
Stocks d’ouverture  23  4  27  0  0
Production B 1997  222  157  379  1 246  2 249
Utilisation totale  325  292  617  1 612  3 323
Consommation  263  255  519  1 500  3 255
Autres utilisations/pertes  27  31  58  112  67
Stocks de clôture  16  5  40 
Besoins d’importations  61  131  192  366  1 074
(équivalent céréales) 1/  61  131  192  110  78
Importationscomm.estimées  30  28  58  0  0
Besoins d’aide alimentaire 2/  31  103  134  110  78

1/ Les bananes équivalent céréales ne comprennent pas les bananes utilisées pour la fabrication de la bière
2/ Comprend l’aide alimentaire d’urgence ou non.

Compte tenu de ces hypothèses, la balance de l’offre et de la demande alimentaires estimée par la mission pour le deuxième semestre de 1997 indique un déficit de 19 000 tonnes de céréales, 86 000 tonnes de légumineuses, 221 000 tonnes de racines et tubercules et 508 000 tonnes de bananes (Tableau 7). Le déficit de racines et tubercules a été converti en équivalent céréales car ces denrées ne sont pas disponibles au titre de l’aide alimentaire; en outre, elles coûtent cher à l’exportation car elles sont volumineuses et périssables. Plus des deux tiers de la production de bananes sont consommés (principalement par les hommes) sous la forme de bière de banane et ne sont donc pas aisément remplaçables par des céréales dans le panier de la ménagère. Néanmoins, la part de bananes cuites et consommées comme fruit, avec un contenu calorique plus élevé, a été convertie en équivalent céréales.

En tenant compte d’éventuelles importations commerciales, il resterait des besoins d’aide alimentaire de 4 000 tonnes de céréales et de 72 000 tonnes de légumineuses. La conversion des déficits de racines et tubercules et d’une partie des bananes ajouterait 103 000 tonnes d’équivalent céréales. A des fins de comparaison, les distributions d’aide alimentaire durant le premier semestre 1997 se sont chiffrées à quelque 110 000 tonnes.

Pour l’année 1997, le déficit de céréales et de légumineuses est estimé à 192 000 tonnes, dont 134 000 seraient nécessaires sous forme d’aide alimentaire (tableau 8). La conversion des déficits correspondants de racines, tubercules et bananes ajouterait 188 000 tonnes d’équivalent céréales à couvrir par l’aide alimentaire.

5.3 Aide alimentaire d’urgence

Durant la première moitié de 1997, 110 000 tonnes d’aide alimentaire ont été distribuées, dont 65 000 tonnes de céréales et 31 000 tonnes de légumineuses. La part d’aide alimentaire du PAM s’établissait à environ 80 pour cent. A des fins de comparaison, l’aide alimentaire du précédent semestre (deuxième moitié de 1996) s’était élevée à 45 000 tonnes.

Cet accroissement de près de 150 pour cent par rapport au semestre précédent s’explique par la forte augmentation des besoins alimentaires suivant le retour en masse des réfugiés et les récoltes médiocres, notamment de légumineuses, durant la campagne 1997 A. Par ailleurs, il reste un grand nombre de "ménages vulnérables" qui ont subi le contrecoup des troubles civils de la première moitié de la décennie. En effet, plus de 70 pour cent de l’aide alimentaire pour la période janvier-juin 1997 a été distribuée aux nouveaux rapatriés et aux ménages vulnérables, principalement dans les préfectures de Kibungo, Gisenyi, Ruhengeri, Byumba et Kigali rural. Parmi les populations ciblées figuraient les orphelins, les personnes âgées, les handicapés et les ménages qui avaient dû abandonner les terres qu’ils occupaient avant la vague actuelle de rapatriement, ainsi que les victimes des sécheresses dans le sud et le centre du pays, notamment à Butare et Gikongoro, durant la campagne 1997 A. D’autres programmes d’aide alimentaire d’urgence comprenaient des programmes de nutrition infantile sélective et de récupération nutritionnelle.

Outre la distribution gratuite d’aliments, environ 20 pour cent de l’aide alimentaire a été fournie sous la forme de vivres-contre-travail dans le cadre de programmes d’urgence pour la remise en état du secteur agricole et des infrastructures sociales, ainsi que de programmes de construction de logements.

Durant la période à l’étude, le PAM a fourni quelque 15 000 tonnes de vivres par mois à 146 communes. Fin juillet, en collaboration avec le Gouvernement, le PAM aura distribué des rations pour 6 mois à 1,5 million de personnes.

Au début du second semestre 1997, une grande part de la population actuellement bénéficiaire de l’aide devrait avoir atteint un niveau d’auto-suffisance alimentaire grâce à sa propre production ou à d’autres sources de revenus, ce qui devrait permettre de réduire les distributions mensuelles à 10 000 tonnes. Toutefois, il faut une étroite surveillance de la nutrition et de la sécurité alimentaire de la population vulnérable. Les activités de "Save The Children Fund" (Grande-Bretagne) vont dans ce sens. La deuxième moitié de 1997 sera, par conséquent, une période de transition, où près de 700 000 personnes auront encore besoin d’une aide alimentaire, compte tenu des résultats escomptés de la campagne agricole B de 1997. Les besoins d’aide alimentaire estimés pour le deuxième semestre 1997 sont résumés au tableau 9. Etant donné les perspectives d’importants déficits alimentaires durant la campagne B, ces besoins doivent être suivis de près à mesure que l’on reçoit des informations complémentaires sur la campagne en cours.

Une attention particulière sera accordée aux groupes vulnérables, en particulier aux nouveaux rapatriés qui ne sont pas encore installés, ainsi qu’aux ménages vulnérables des préfectures et des communes qui devraient connaître les déficits les plus marqués. Afin d’éviter de créer une dépendance parmi la population bénéficiaire, une grande part de l’aide sera fournie au titre de programmes de vivres-contre-travail au lieu d’être distribuée gratuitement. L’accent sera mis sur la promotion d’une sécurité alimentaire durable pour les ménages, la remise en état des infrastructures de base et la construction de logements. L’aide aux réfugiés du Congo et du Burundi ainsi qu’aux nouveaux rapatriés rwandais sera poursuivie. Un aspect important est la distribution de "rations de protection" visant à s’assurer que les ménages ruraux pauvres n’utilisent pas lematériel végétal pour la consommation humaine durant la campagne de soudure.

Les stocks d’aide alimentaire dans le pays étaient estimés à quelque 10 000 tonnes fin juin 1997. En outre, le PAM et l’UE détiennent des stocks sous-régionaux d’environ 40 000 tonnes qui pourraient être distribués au Rwanda, le cas échéant.

Tableau 9: Estimations actuelles des bénéficiaires d’aide alimentaire et besoins durant la période juillet-décembre 1997
Type d’assistance  Groupe cible  Besoins alimentaires 
mensuels (tonnes) 
Total
complément d’alimentation  74 500  751  4 506
alimentation institutionnelle  17 500  317  1 902
vivres-contre-travail  350 000  5852  35 112
aide aux rapatriés  125 000  1583  9 498
groupes vulnérables  50 000  414  2 484
Sous-total  617 000  53 502
aide aux réfugiés  20 000  327  1 962
orphelins  3 000  291
projet de nutrition PAN (RWA 4244)  53 445  4 148
TOTAL  693 445  59 903

Etant donné les énormes déficits de denrées de base prévus pour le reste de l’année, la Mission souligne la nécessité d’une gestion particulièrement prudente de l’aide alimentaire afin de satisfaire le double objectif d’empêcher les ménages ruraux d’utiliser leur matériel végétal pour la consommation humaine et d’éviter une surabondance d’aide alimentaire qui aurait un effet dissuasif sur les semis de la campagne 1998 A. Les quantités d’aide alimentaire planifiées pour l’instant pour la deuxième moitié de 1997 doivent être surveillées de près et pourraient devoir être subir une révision à la hausse.



6. INTERVENTIONS IMMÉDIATES ET À MOYEN TERME

 

6.1 Reconstituer les capacités d’alerte rapide et de statistiques agricoles

Le Ministère de l’agriculture (MINAGRI) est toujours dépourvu de service opérationnel de statistiques agricoles. Les missions périodiques FAO/PAM d’évaluation des cultures et des approvisionnements alimentaires ont souligné les graves lacunes dérivant des méthodes actuelles d’évaluation en l’absence totale de données statistiques d’après la crise. Ces problèmes ont été également examinés au cours d’un atelier de la FAO organisé à Kigali en avril 1997. La Mission conclut que MINAGRI devrait désormais reconstituer son service de statistiques agricoles de façon modulée et adaptée à la réalité des moyens et des potentiels existants. Avec l’accord du Ministère, la mission recommande que (i) la FAO aide le Gouvernement à mettre en place urgemment d’ici septembre 1997 un système relativement simple d’alerte rapide et d’information sur les cultures, comprenant une méthodologie d’évaluation rapide des récoltes, dont l’efficacité serait estimée au cours d’une mission d’évaluation des disponibilités alimentaires en décembre 1997; à cet effet, un projet est à l’étude depuis longtemps; (ii) en 1998, les bases soient jetées pour l’élaboration d’un système adéquat de statistiques agricoles.

6.2 Distribution d’urgence d’intrants essentiels pour les campagnes A et B de 1998

La mission a observé qu’en dépit des efforts importants déployés par les donateurs pour la distribution d’intrants, les disponibilités insuffisantes d’intrants de base -des houes aux semences et au matériel végétal- constituaient un obstacle majeur à l’accroissement des superficies ensemencées et des rendements et, partant, de la production totale pour la campagne 1997 B. De nombreux rapatriés récents ainsi que des ménages vulnérables établis ont besoin d’une aide urgente pour démarrer la campagne de 1998 B en septembre prochain. A moins de recevoir une assistance appropriée au cours des deux prochains mois, ils ne seront pas en mesure de se préparer à temps pour la campagne à venir. Un programme d’urgence a été préparé pour la FAO à cet effet, évalué à quelque 16 millions de dollars E.-U. Il a pour but d’aider 420 000 ménages ruraux, soit 2,1 millions de personnes, à reprendre leurs activités durant les campagnes 1998 A and B. Il envisage de distribuer près de 10 000 tonnes de matériel d’ensemencement et 1,4 million de houes (cf. tableau 10). La moitié des besoins totaux devra parvenir avant septembre 1997 (campagne 1998 A) et le reste pour la campagne de 1998 B qui démarrera en février 1998. De l’avis de la mission, ce projet devrait être complété par une assistance à la multiplication et à la distribution de matériel végétal sain de racines et tubercules, qui s’est révélé un grave problème durant la campagne actuelle.La rapidité est essentielle pour assurer le bon départ de la nouvelle campagne et la mission lance un appel pressant pour une action urgente.

Tableau 10: Besoins d’urgence d’intrants agricoles de base pour les ménages vulnérables et les rapatriés récents
Intrants  Quantité totale (tonnes)  Coût total ($ E.-U.)
Semences de haricots  8 400  5 880 000
semences de légumes  10.1  320 400
semences de soja  630  630 000
rhyzobium (pour soja)  12.6  88 200
semences de petits pois  840  840 000
semences d’arachides  210  357 000
Houes (pièces)  1 680 000  6 720 000
Matériel total  14 817 600
Frais généraux et directs de fonctionnement  1 600 000
TOTAL  16 417 600
 

6.3 Remise en état du secteur agricole

La plupart des réfugiés étant de retour dans le pays, il est désormais temps de s’attaquer aux problèmes de relèvement à moyen et long terme. La remise en état des sous-secteurs du café et du thé est primordiale pour l’économie du Rwanda et nécessitera une aide internationale. La production actuelle de café est inférieure de moitié environ aux niveaux d’avant la crise. La qualité du café s’est fortement détériorée ces dernières années, et la reprise sera lente du fait du mauvais entretien des plantations. Pour ce qui est du thé, on a commencé à remettre en état les usines de torréfaction du thé et on estime que 1 500 à 2 000 emplois sont créés pour chaque manufacture de thé.

En outre, il faut voir plus loin que les prochaines campagnes et envisager un relèvement complet du secteur agricole et sa réforme éventuelle, d’une agriculture extensive et traditionnelle vers une gestion moderne et intensive. Le Gouvernement du Rwanda a engagé un processus de réflexion sur des lignes d’action possibles à moyen terme, pour la période 1996-2002. Des efforts de collaboration entre le Secrétariat permanent du Ministère de la planification, du Ministère de l’agriculture et de la FAO ont permis de dégager une série provisoire d’objectifs stratégiques, notamment un accroissement des terres cultivables par ménage rural, grâce, entre autres, à une utilisation améliorée des terres marécageuses et une meilleure gestion des ressources naturelles dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage et de l’agro-foresterie. La communauté des donateurs devrait examiner attentivement ces propositions d’action visant à faciliter la transition agricole du Rwanda.



 
Le présent rapport a été établi sous la responsabilité des Secrétariats de la FAO et du PAM à partir d’informations provenant de sources officielles et officieuses; il est réservé à un usage officiel. La situation pouvant évoluer rapidement, prière de s’adresser, pour tout complément d’information, à: 
Abdur Rashid, Chef, SMIAR, FAO 
Télex 610181 FAO I 
Télécopie 0039-6-5225-4495 
Courrier électronique (Internet): [email protected] 
Mohamed Zeijari, Directeur, OSA, PAM 
Télex 62667 WFP 1 
Télécopie 0039-6-5228-2839
 


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