SYSTEME MONDIAL D'INFORMATION ET D'ALERTE RAPIDE SUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE DE LA FAO
PROGRAMME ALIMENTAIRE MONDIAL

RAPPORT SPECIAL : MISSION FAO/PAM D'EVALUATION DES RECOLTES ET DES DISPONIBILITES ALIMENTAIRES EN SOMALIE

3 septembre 1999

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Faits saillants

    • De même qu'en 1998, la campagne Gu de 1999 a été désastreuse par suite de l'insuffisance et de l'irrégularité des précipitations, de l'absence de protection phytosanitaire et de la reprise des conflits civils dans différentes régions de Somalie du Sud.

    • On prévoit que la production totale de céréales pour 1999 sera de près de 136 000 tonnes, soit 32  pour cent en-dessous de la moyenne obtenue pendant les années d'après-guerre (1993-1998), mais environ 18 pour cent au-dessus de la récolte fortement réduite de l'année dernière.

    • De fortes augmentations des prix du sorgho et du maïs ont grandement limité l'accès à l'alimentation de larges segments de la population.

    • On estime à 310 000 tonnes les besoins en importation de céréales pour la campagne commerciale 1999/2000 (août/juillet). On prévoit que les importations commerciales s'élèveront à 240 000 tonnes, alors que l'aide alimentaire annoncée se monte à 63 000 tonnes, laissant un déficit de 7 000 tonnes.

    • La plupart des ménages ayant pratiquement épuisé les mécanismes de survie traditionnels du fait de mauvaises récoltes successives, plus de 1,2 million de personnes sont confrontées à de graves pénuries alimentaires et ont besoin d'une aide internationale.
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1. VUE D'ENSEMBLE

Compte tenu des rapports indiquant que l'offre alimentaire se détériorait rapidement à cause de la sécheresse, des infestations de ravageurs et de la reprise des combats entre factions, une mission FAO/PAM d'évaluation des récoltes et des disponibilités alimentaires a été envoyée en Somalie du 5 au 15 août 1999 afin d'évaluer les principales cultures de la campagne «Gu» de 1999 et l'approvisionnement alimentaire général et pour estimer les besoins en importation de céréales, y compris l'aide alimentaire, pour la campagne commerciale 1999/2000 (août/juillet). La Mission s'est longuement entretenue avec des donateurs bilatéraux et multilatéraux et des ONG à Nairobi et a examiné les résultats d'une enquête d'évaluation des cultures que vient de terminer en Somalie du Sud l'Unité d'évaluation de la sécurité alimentaire1. La Mission a aussi participé à un atelier de responsables du suivi sur le terrain qui s'est tenu à Jowhar (Moyen-Chébéli) et engagé une prospection aérienne sur la Somalie du Sud, avec quelques études sur le terrain à Jowhar. Avant le séminaire, des réunions ont été organisées avec les responsables du suivi pour un examen approfondi des évaluations.

La Mission a constaté qu'après quelques pluies précoces de courte durée en mars, la saison Gu avait commencé fin avril, suivie par des pluies irrégulières et inférieures à la moyenne en mai et un mois de juin sec. La faible pluviométrie et la mauvaise distribution des pluies ont entraîné des mauvais rendements et, en de nombreux endroits, des récoltes vraiment désastreuses. Le maïs irrigué a souffert de l'étiage des fleuves Chébéli et Juba en début de saison et du manque de pompes. Néanmoins, à partir de juillet, de petites pluies propices à Hagai (dans les régions côtières du Sud) et Karin (au Nord-Ouest) ont quelque peu amélioré les perspectives de production du maïs. On estime à 283 530 hectares la superficie moissonnée pour le sorgho et le maïs pendant cette campagne Gu, alors que l'année dernière cette superficie était de 163 270 hectares et en 1997 de 423 059 hectares. Les rendements ont été généralement inférieurs à la moyenne enregistrée pendant la période d'après-guerre (1993-1998) 2.

On prévoit que la production de céréales Gu en 1999, qui représente de 75 à 80 pour cent de la production annuelle les années normales, sera d'environ 135 683 tonnes (37 135 tonnes de sorgho et 98 548 tonnes de maïs), soit 18 pour cent de plus que lors de la campagne Gu de l'année dernière, mais 32 pour cent de moins que la moyenne d'après-guerre. A ce niveau, la culture de sorgho représente à peine plus d'un tiers de la moyenne d'après-guerre, qui était d'environ 100 000 tonnes, tandis que la culture de maïs correspond environ à la moyenne. Au niveau régional, la production de céréales, estimée à 128 883 tonnes en Somalie du Sud et à 6 800 tonnes en Somalie du Nord-Ouest, a diminué de 27 pour cent et 59 pour cent respectivement par rapport à la moyenne d'après-guerre. C'est surtout dans les zones de culture non irriguées de Bay, Bakool, Hiran et Gedo que la récolte de sorgho a été mauvaise, tandis que certaines cultures ont été récoltées dans les zones irriguées des régions de Chébéli et Juba.

Reflétant encore une autre mauvaise récolte Gu, les prix des céréales au détail ont considérablement augmenté par rapport à la même période de l'année dernière, mais avec de grandes variations régionales. Les prix du sorgho ont augmenté de 27 à 79 pour cent, de même que le prix du maïs. L'augmentation du prix des céréales tient non seulement aux approvisionnements insuffisants, mais aussi, en particulier à Mogadiscio, à une augmentation de la masse monétaire, des factions injectant de nouvelles devises dans le marché, ce qui s'accompagne d'une dévalorisation du shilling somali (SoSh).

Les perspectives pour la saison Deyr 1999/2000 (octobre à février) sont incertaines, les plus récentes prévisions météorologiques suggérant une forte probabilité de pluviosité inférieure à la normale. Selon les projections de la Mission, la production de céréales Deyr correspondra à la moyenne d'après-guerre de 70 000 tonnes, par rapport à 95 000 tonnes lors d'une année normale d'avant-guerre. On estime donc à environ 206 000 tonnes la production totale de céréales en 1999/2000, soit environ 6 pour cent de plus que la récolte médiocre de l'année dernière et 23 pour cent de moins que la moyenne d'après-guerre. Avec un stock d'ouverture d'environ 18 000 tonnes, l'offre intérieure totale de céréales est estimée à 224 000 tonnes pour la campagne commerciale 1999/2000 (août/juillet). Les besoins de céréales pour la consommation intérieure pendant la campagne commerciale 1999/2000 sont estimés à 534 000 tonnes, si bien que les besoins d'importation se chiffrent à environ 310 000 tonnes. Les importations commerciales étant estimées à 240 000 tonnes, le volume de céréales manquant s'élève à 70 000 tonnes. Les annonces d'aide alimentaire par le PAM et Care (Etats-Unis)/Bread-for-Life s'élèvent à 63 000 tonnes (35 000 tonnes et 28 000 tonnes respectivement), laissant un déficit non couvert de 7 000 tonnes.

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2. LE CONTEXTE SOCIO-ECONOMIQUE

Après l'effondrement de l'Etat et une décennie de troubles civils, la Somalie reste profondément divisée. On y relève des zones en crise, des zones de relèvement et des zones en transition. Une grande partie de la Somalie du Centre et du Sud, c_ur de la production agricole, appartient à la première catégorie. Ces dernières semaines, les combats se sont intensifiés dans de nombreuses régions et l'insécurité restreint la production et l'aide alimentaire tant aux victimes de la guerre qu'aux victimes de la sécheresse. Les zones de relèvement sont, surtout, le «Somaliland» au Nord-Ouest, qui a déclaré son indépendance en 1991, créé son propre gouvernement et introduit sa propre monnaie, le shilling du Somaliland, en 1994 (SlSh) et le Nord-Est, qui en juillet 1998 a déclaré l'autonomie régionale pour le «Puntland», avec sa propre administration régionale. Les zones de transition incluent le Moyen et le Bas Chébéli, Hiran, le Moyen-Juba et certaines parties de Gedo, caractérisées par une administration localisée (sur la base des clans), mais bénéficiant d'une sécurité relative.
Dans ces conditions, bien qu'il soit difficile de généraliser , on peut dire qu'en ce qui concerne une grande partie du pays, le développement s'est pratiquement arrêté au cours de la dernière décennie 3. Selon les estimations, l'espérance de vie diminue, (41-43 ans en 1998 contre 46 en 1990); le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans est proche de 25 pour cent; le taux d'alphabétisation des adultes qui était de 24 pour cent en 1989 est tombé à 14 pour cent; et l'inscription dans les écoles primaires se situe entre 13 et 16 pour cent.

2.1 Estimations révisées de la population

Après de nombreuses discussions sur les estimations de la population, qui jusqu'à récemment étaient de l'ordre de cinq à dix millions, le Bureau des Nations Unies pour le développement de la Somalie a engagé en 1995 une étude approfondie de diverses estimations et publié ses propres estimations en décembre 1997. Sur la base de ces chiffres révisés, la population de la Somalie en 1999 est estimée à 6,04 millions, avec un taux de croissance annuel de 2,7 pour cent. La Mission est partie de cette estimation révisée de la population pour calculer les besoins de consommation en céréales du pays en 1999/2000.

Les déplacements internes de la population sont considérables, encore que le concept de « personnes déplacées sur le territoire national » soit difficile à définir dans une société ayant une tradition de forte mobilité de la population. Etant donné la fluidité de la situation, de nouveaux mouvements survenant régulièrement, il est difficile d'estimer le nombre de personnes déplacées sur le territoire national: une estimation récente place ce nombre à 300 000, la majorité étant actuellement à Mogadiscio. Un nombre semblable de personnes vit dans des camps de réfugiés en Ethiopie et au Kenya.

2.2 Evolution économique récente 2/

2/ La présente section s'appuie largement sur les travaux de recherche du Bureau des Nations Unies pour le développement de la Somalie.

On a parlé de la Somalie comme d'une « économie non traditionnelle », et il est certes remarquable que dans une situation d'urgence chronique complexe amplifiée par des facteurs naturels défavorables, l'économie ne se soit pas totalement effondrée. Dans les régions connaissant une stabilité et une sécurité relatives, le secteur privé est prospère dans des secteurs comme la construction et les services, qui sont alimentés par des envois de fonds de personnes travaillant à l'étranger qui jouent un rôle pivot dans ce qui reste de l'économie. En 1998, le PIB était estimé à 750 millions de dollars des Etats-Unis, soit environ 75 pour cent du PIB de 1990, tandis que le PNB, défini comme le PIB plus les revenus extérieurs nets, était estimé à 1 050 millions de dollars. Le revenu extérieur net, estimé à environ 300 millions de dollars par an, comprend essentiellement des envois de fonds de personnes travaillant à l'étranger et joue un rôle essentiel dans le financement du commerce extérieur du pays. Même si les envois de fonds de l'étranger bénéficient essentiellement à la population urbaine, leurs effets se font aussi sentir dans les régions rurales. Sur la base de ces chiffres approximatifs, le PNB par habitant pour 1998 a été estimé à 178 dollars.

L'injection récente dans l'économie nationale par certaines factions de nouvelles devises locales, estimées à 4 millions de dollars, a entraîné une dépréciation spectaculaire du shilling somali (graphique 1). Jusqu'à cette période de l'année, la masse monétaire a augmenté de 30 pour cent par rapport à 1998. Le shilling somali s'est déprécié de 35 pour cent à Mogadiscio, passant de 7 500-8 500 pour un dollar en juin 1998 à 12 550 en juin 1999. En revanche, le shilling du «Somaliland» (qui ne figure pas dans le graphique) est resté relativement stable au cours des 12 derniers mois et s'est légèrement renforcé par rapport au dollar, passant de 3 875 shillings du «Somaliland» en juin 1998 à 3 525 shillings du «Somaliland» pour un dollar en juin 1999 à Hargeysa.

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Source : Bureau des Nations Unies pour le développement de la Somalie.

La contribution du secteur de l'exportation à l'économie somalienne a généralement diminué, le commerce officiel s'effondrant pratiquement après 1990. Les exportations ont été dominées traditionnellement par le bétail et les bananes, avec quelques cuirs et peaux. Les exportations de bétail se relèvent d'une interdiction d'importation de 15 mois imposée par l'Arabie Saoudite en raison d'une suspicion de fièvre de la Vallée du Rift. L'interdiction, qui a été imposée en février 1998 et levée en mai 1999, a entraîné une perte de revenus estimée à 22 millions de dollars. Les exportations de bananes de la Somalie, autrefois au deuxième rang des sources de recettes d'exportation, ont diminué depuis 1991 par suite d'une baisse de la production. En outre, on prévoit que la modification des conditions d'importation des bananes en Union européenne, consécutive à une décision récente de l'Organisation du commerce mondial qui a supprimé le quota spécifié dont bénéficiait la Somalie, portera un nouveau coup à cette industrie. La production de bananes de cette année est estimée à 30 000 tonnes par rapport aux 53 000 tonnes de l'année dernière et a une moyenne d'environ 106 000 tonnes entre 1985 et 1990. Avec un accès limité aux grands marchés d'exportation, les bananes peuvent compléter les sources d'alimentation intérieures à une période où l'approvisionnement en céréales est insuffisant. Néanmoins, leur contribution serait modeste (30 000 tonnes de bananes n'apporteraient que l'équivalent de 4 500 tonnes de céréales).

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3. PRODUCTION ALIMENTAIRE EN 1999/2000

La production céréalière de la Somalie du Sud représente près de 70-75 pour cent du volume total des denrées alimentaires produites dans le pays. Le sorgho et le maïs sont les principales cultures de base cultivées pour l'essentiel dans des conditions de pluviosité irrégulières et imprévisibles. Le long des grands fleuves - le Chébéli et le Juba - de petits agriculteurs utilisant des pompes à moteur et l'écoulement par gravité irriguent normalement d'importantes superficies correspondant, selon les estimations, à 30 pour cent de la superficie totale recouverte. Le maïs, les pois à vache, les bananes et les légumes sont les principales cultures cultivées sous irrigation. Pour l'essentiel, la Somalie a deux grandes campagnes agricoles, la campagne principale Gu qui va de la fin mars à juin, la récolte ayant lieu en juillet/août, et la campagne secondaire, Deyr, qui démarre en octobre, la récolte ayant lieu en janvier. Entre les saisons Gu et Deyr, il y a la saison «Hagai» avec des pluies intermittentes qui tombent entre juillet et septembre, et la saison sèche «Jill», entre janvier et mars.

En Somalie du Nord-Ouest, la campagne principale Gu est normalement suivie de la campagne secondaire «Karen», au cours de laquelle les pluies tombent de fin juillet à septembre. La production de céréales Karen s'ajoute normalement à la production principale Gu. En fonction de leur fiabilité, les pluies Hagai et Karen sont d'une importance déterminante pour reconstituer l'humidité du sol, surtout en cas d'arrêt prématuré des pluies de la campagne principale. Les précipitations sont également bénéfiques pour l'alimentation animale, puisqu'elles prolongent les périodes depâturage et d'apport en eau entre les grandes saisons.

Depuis que les troubles civils se sont déclarés au début des années 1990, les niveaux de production alimentaire demeurent généralement faibles. Des conditions météorologiques défavorables et l'insuffisance des moyens de production ont aggravé les conséquences de l'insécurité et des déplacements. Le manque de pièces de rechange et de combustible a réduit l'utilisation du petit stock de tracteurs. Les mauvaises récoltes successives ont également privé les agriculteurs d'un excédent de production pour la conservation de semences. Le manque de pesticides a contribué à la prolifération de ravageurs, en particulier les chenilles légionnaires, la mineuse du maïs et du sorgho et les oiseaux quelea. Le bétail a également été affecté par l'irrégularité des conditions météorologiques, l'insécurité et le manque de médicaments et de services vétérinaires.

3.1 La campagne Gu de 1999

Après quelques pluies précoces de courte durée au mois de mars, la campagne Gu a démarré fin avril, suivie par des pluies irrégulières et inférieures à la moyenne au mois de mai, et d'un mois de juin sec. La plupart des zones agricoles ont subi une pluviosité irrégulière et mal répartie qui a affecté les cultures non irriguées, entraînant des rendements médiocres, et, dans de nombreux endroits, des récoltes vraiment mauvaises. En outre, le bas niveau des eaux des fleuves Chébéli et Juba plus tôt dans la saison, dû à une faible pluviosité dans les hauts plateaux éthiopiens, a affecté l'irrigation par gravité et retardé la plantation de maïs.

La superficie récoltée pour les céréales de cette campagne est estimée à 283 530 hectares, soit un progrès par rapport à la superficie de l'année dernière qui avait été réduite à 163 270 hectares du fait de El Niño, mais bien en-dessous de l'estimation de 1997 de 423 059 hectares. Globalement, les estimations des rendements de cette campagne sont semblables aux niveaux moyens des années d'après-guerre. Les rendements de sorgho oscillent généralement entre 100 et 400 kg/ha, à l'exception du district de Balad dans la région du Moyen-Chébéli et de Beletweyene dans la région de Hiran, qui ont enregistré les rendements les plus faibles et les plus élevés de 60 kg/ha et 600 kg/ha respectivement. Les rendements de maïs vont de 50 kg/ha à 800 kg/ha, avec une moyenne de 250 kg/ha dans les régions non irriguées et de 650 kg/ha le long des vallées du Juba et du Chébéli, témoignant de la disponibilité d'eau pour l'irrigation.

Tableau 1: Superficie plantée en sorgho et maïs Gu et estimations de la production par région, 1999

Région
 
Sorgho
Maïs
Total
Superficie
(ha)
Production
(tonnes)
Superficie
(ha)
Production
(tonnes)
Superficie
(ha)
Production
(tonnes)
Hiran
6 700
3 680
6 000
3 550
12 700
7 230
Bay
73 950
18 830
11 400
2 170
85 350
21 000
Bakool
11 800
1 705
560
55
12 360
1 760
Moyen-Chébéli
5 600
660
8 800
3 900
14 400
4 560
Bas-Chébéli
19 100
2 865
77 200
65 270
96 300
68 135
Moyen-Juba
9 900
2 610
11 100
8 720
21 000
11 330
Bas-Juba
550
165
12 450
8 905
13 000
9 070
Gedo
13 100
1 320
6 220
4 478
19 320
5 798
Sous-Total
140 700
31 835
133 730
97 048
274 430
128 883
Somalie du Nord-Ouest
6 600
5 300
2 500
1 500
9 100
6 800
Total
147 300
37 135
136 230
98 548
283 530
135 683

Source
:
Unité d'évaluation de la sécurité alimentaire.

Cette année, la campagne Gu a été marquée par des infestations parasitaires et des épidémies, en particulier des chenilles légionnaires, des mineuses du sorgho et du maïs, des pucerons et des oiseaux quelea. Les évaluations sur le terrain indiquent une réduction allant jusqu'à 40 à 60 pour cent des récoltes attendues dans certaines zones. Les cultures de sorgho et de maïs ont souffert, du début jusqu'au milieu du cycle de végétation, d'infestations de mineuses et de chenilles légionnaires. Le manque de pesticides a contribué à l'impossibilité de contenir les ravageurs. Pour ce qui est du sorgho, la seule grande maladie mentionnée est le charbon de tête, qui a frappé notamment au début de la période de maturation. Cette maladie fongique est facilement disséminée par des courants aériens, et comme c'est une maladie transmise par les semences, elle peut persister d'une saison à l'autre lorsque l'on utilise des semences non traitées de l'année précédente. Comme une aide aux semences est prévue lors de la prochaine saison Deyr, les agriculteurs ont souligné la nécessité de traiter les semences avec des fongicides appropriés avant qu'elles ne soient distribuées pour les semis.
Le tableau 1 donne une estimation de la production totale de céréales Gu de 135 683 tonnes, environ 18 pour cent au-dessus de la mauvaise saison de l'année dernière, mais 44 et 22 pour cent en-dessous de l'année 1997 et de la moyenne des années d'après-guerre, respectivement. La production de sorgho, estimée à 37 135 tonnes, a été particulièrement mauvaise dans les zones non irriguées de Bay, Bakool, Hiran et Gedo. La production de maïs, estimée à 98 548 tonnes, y compris un volume estimatif de 6 620 tonnes de production hors saison (Hagai), dépasse d'environ 14 pour cent la moyenne des années d'après-guerre. La production Hagai pourrait être révisée en hausse, du fait d'une pluviosité favorable qui a encouragé une culture active dans plusieurs régions du Sud. Les pluies Hagai seront également bénéfiques à d'autres cultures à cycle court, comme les pois à vache, le sésame et les légumes, tout en reconstituant les réserves d'eau et les pâturages destinés au bétail.

3.2 La campagne Deyr 1999/2000

La campagne secondaire Deyr, qui dure généralement d'octobre à janvier/février, assure en moyenne de 20 à 30 pour cent de la production nationale annuelle de céréales. Selon des données correspondant à la période d'avant-guerre, une moisson Deyr «normale» serait d'environ 95 000 tonnes de céréales. Cependant, la moyenne des cinq années d'après-guerre (1993-1998) indique une production de céréales Deyr de 70 000 tonnes. En outre, selon les dernières prévisions météorologiques de l'Institut international de recherches pour les prévisions climatiques (IRI) disponibles pour la période allant d'octobre à décembre 1999, la probabilité de pluviosité normale est de 35 pour cent seulement, la probabilité de pluviosité supérieure à la normale étant de 25 pour cent, la plus haute probabilité, 45 pour cent, étant que l'on ait des niveaux inférieurs à la normale. La Mission a donc projeté une production de céréales Deyr pour 1999/2000 d'un niveau égal à la moyenne des années d'après-guerre 1993-98, soit 70 000 tonnes.

3.3 Production céréalière en 1999/2000

On prévoit que la production totale de céréales en 1999/2000 sera de 205 683 tonnes, correspondant à une moisson Gu de 135 683 tonnes et à une moisson projetée Deyr de 70 000 tonnes. A ce niveau, la production céréalière totale en 1999/2000 dépassera d'environ 6 pour cent la mauvaise production de 1998/99, mais sera de 23 pour cent environ inférieure à la moyenne des années d'après-guerre. Le graphique 2 indique que la récolte de céréales de 1999/2000 viendra au troisième rang des plus mauvaises moissons des sept dernières années et sera inférieure à la moitié de la moyenne des années d'avant-guerre (1982-1988).

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3.4 Production animale

Le secteur animal occupe une place centrale dans la vie économique et culturelle du peuple somalien, en particulier dans les régions du Nord et du Centre. Le chameau, l'animal le plus prisé, prospère dans les basses terres semi-arides et les zones côtières, tandis que les bovins sont de plus en plus élevés en altitude, là où la pluviosité est meilleure. Les ovins et caprins sont généralement répartis dans les terres montagneuses. Selon les données de base sur le bétail, communiquées en 1998, l'apport de ce secteur au PIB a été d'environ 60 pour cent, représentant 80 pour cent des recettes d'exportation.

Les informations sur la population animale estimative et sa distribution dans le pays sont rares et varient selon les sources, du fait essentiellement qu'aucun recensement n'a été effectué pendant toute la période de troubles civils. Les renseignements fournis à la Mission indiquaient un nombre total de 39 millions de têtes, dont 19 millions de caprins, 6 millions de bovins, 6 millions d'ovins, et 8 millions de chameaux.

L'amélioration des pâturages et de la disponibilité en eau potable pour les animaux grâce aux pluies Haggai et Karen explique l'assez bon état de santé dans lequel se trouve le bétail. Il s'agit notamment des zones de pâture le long des Bas et Moyen Chébéli, ainsi que des régions des Bas et Moyen Juba. Ailleurs, les résidus des récoltes complètent les pâturages naturels insuffisants. Bien que la fréquence des maladies animales ait été, selon les rapports, généralement faible par rapport à la saison Gu précédente, qui a été affectée par les pluies de El Niño, la faible productivité du secteur s'expliquerait, dans une large mesure, par l'insuffisance des approvisionnements en médicaments et des services vétérinaires.

La vente du bétail est l'une des principales sources de moyens de subsistance de la population somalienne. Le secteur animal, et du même coup l'ensemble de l'économie, ont été gravement frappés par l'interdiction d'exporter du bétail en Arabie Saoudite, imposée en février 1998 en raison d'une suspicion de fièvre de la Vallée du Rift. Néanmoins, une fois l'interdiction levée en mai 1999, la commercialisation du bétail a repris. De ce fait, les prix des animaux exportables ont commencé à augmenter, bien qu'ils soient encore relativement faibles.

Tableau 2: Production de céréales Gu 1999, comparée à la production de 1997 et de 1998 et à la moyenne de la production des années d'après-guerre (1993-1998) (tonnes)

Région
Production céréalière totale Gu 1999
Production céréalière totale Gu 1998
Production céréalière totale Gu 1997
Moyenne des années d'après-guerre
Changements en pourcentage
Gu 1999/Gu 1998
Changements en pourcentage
Gu 1999/Gu 1997
Changements en pourcentage
Gu 1999/après-guerre
Hiran
7 230
2 917
6 605
6 954
+148
+9
+4
Bay
21 000
11 160
56 304
52 664
+84
-63
-61
Bakool
1 760
870
2 914
4 388
+102
-40
-60
Moyen-Chébéli
4 560
10 300
21 210
24 426
-56
-79
-81
Bas-Chébéli
68 135
43 090
65 394
54 539
+58
+4
+25
Moyen-Juba
11 330
15 696
18 361
13 253
-28
-38
-15
Bas-Juba
9 070
11 644
12 235
8 363
-22
-26
+9
Gedo
5 798
6 275
22 829
10 964
-8
-75
-47
Total partiel
128 883
101 952
205 852
175 551
+26
-37
-27
Somalie N/O
6 800
12 790
23 720
16 458
-47
-71
-59
Autres
0.00
600
11 500
7 333
-100
-100
-100
Total
135 683
115 342
241 072
199 342
+18
-44
-32

Source
:
Unité d'évaluation de la sécurité alimentaire.

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4. SITUATION PAR REGION

Hiran

La région de Hiran fait partie des régions de la vallée de Chébéli, elle est contiguë à l'Ethiopie à l'Ouest, où s'exerce un important commerce transfrontières de cultures et d'animaux. Les cultures et le bétail sont les principaux moyens de subsistance de la population de la région, sur la base de systèmes d'exploitation pastorale et agro-pastorale. La saison Gu en cours a démarré tard, a repris, puis est retombée en-dessous des niveaux normaux, ce qui a nui aux rendements des cultures. Celles-ci ont souffert, en outre, du manque de moyens pour lutter efficacement contre les ravageurs et les maladies.

La production céréalière totale de la région est estimée à 7 230 tonnes, réparties presque également entre le maïs et le sorgho. A ce niveau, la production dépasse légèrement la moyenne des années d'après-guerre, qui était de 6 954 tonnes. Bien que le sorgho ait été gravement attaqué par des ravageurs, la production a sensiblement augmenté par rapport au fiasco presque total de la saison Gu de 1998, où elle s'élevait à seulement 67 tonnes, contre 3 680 tonnes cette saison. La production de maïs, de 3 550 tonnes, dépasse d'environ 62 pour cent la précédente moisson Gu. Les exploitants des zones non irriguées de la région ont été gravement affectés et sont maintenant confrontés à une forte insécurité alimentaire au moins jusqu'à la prochaine récolte Deyr en janvier.

Toutefois, la pluviosité dans les zones pastorales s'est légèrement améliorée cette saison. On a signalé que la plupart des animaux se portaient assez bien. Les averses Hagai du mois de juillet ont touché les parties méridionales de la région, notamment le district de Jalalaqsi, où les pâturages et l'approvisionnement en eau se sont nettement améliorés.

Bay

La région de Bay est l'une des grandes zones de production de sorgho du pays. Les pluies Gu de 1999 ont commencé tard, ce qui a affecté les travaux de préparation de la terre et les semis. Les pluies ont augmenté de fin avril à mai, favorisant l'établissement des cultures. Néanmoins, une pluviosité inférieure à la normale et mal répartie fin mai et juin a inversé les perspectives de production qui sont retombées à un niveau inférieure à la normale. Des infestations de ravageurs et de maladies, en particulier des oiseaux quelea, ont entraîné d'importantes pertes de céréales prêtes à être moissonnées.

La production totale de céréales de la région est estimée à 21 000 tonnes, dont 18 830 tonnes de sorgho et 2 170 tonnes de maïs. La production dans les districts de Baidoa, Quansasdheer et Dinsor constitue près de 80 pour cent de la production totale de sorgho dans la région. La faible production de maïs reflète en grande partie la faible résistance de la culture au stress hydrique par rapport au sorgho.

L'élevage contribue largement aux moyens de subsistance de la population, surtout en période de production limitée de céréales. L'état des animaux a été estimé assez bon, surtout dans les districts de Quansadheere et Baidoa, grâce à la disponibilité de fourrages et à l'amélioration de l'approvisionnement en eau dans le cadre du programme de remise en état des points d'eau financé par l'UNICEF. L'incidence des maladies animales a été généralement faible, mais les médicaments et les services vétérinaires manquent dans ce district.

Bakool

La région de Bakool joue un rôle important dans la production agricole et animale du pays. Le long de la frontière avec l'Ethiopie, un trafic important, notamment de bétail. Les niveaux de production de part et d'autre de la frontière influent largement sur le volume et la direction des flux céréaliers de part et d'autre de la frontière. La pluviosité Gu cette saison a été irrégulière et en-dessous de la normale. La longue période sèche en mai et juin a réduit l'humidité des sols à un moment où les cultures avaient un grand besoin d'eau, ce qui a entraîné une chute des rendements.

La production de sorgho a été estimée à 1 705 tonnes. La production de maïs dans la région est insuffisante. Les réserves des ménages étant déjà épuisées, la récolte de maïs de cette saison a été consommée verte. La moisson de cette saison Gu ne durera que quelques mois.

Moyen-Chébéli

L'état des cultures dans les zones non irriguées était mauvais du fait du stress hydrique. Bien que les pluies Hagai de juillet soient arrivées trop tard pour sauver la récolte, les agriculteurs ont profité des pluies hors saison pour planter des variétés de maïs, pois à vache, sésame et légumes divers à maturité précoce. La production totale de maïs est estimée à 3 900 tonnes, correspondant à environ 86 pour cent de la production céréalière totale de la région. Une part importante de la production provenait des districts de Jowhar et Balad.

L'état du bétail s'est amélioré grâce à une augmentation des aliments provenant des résidus des cultures et des pâturages ravivés par les pluies Hagai. La reconstitution des réserves d'eau a allégé la pénurie d'eau destinée à l'usage animal et domestique.

Bas-Chébéli

La région du Bas-Chébéli offre un grand potentiel pour la production agricole, surtout le maïs et le riz paddy irrigués. Les efforts des agriculteurs pour diversifier la production se sont traduits par une augmentation régulière de la superficie consacrée aux cultures de rapport comme les pois à vache, le sésame et les cultures horticoles. La saison Gu a été généralement mauvaise, du fait du démarrage tardif des pluies et du bas niveau d'eau dans le fleuve, ce qui a retardé les semis. Toutefois, certaines des cultures semées tardivement, ainsi que les variétés à cycle long ont profité des pluies Hagai qui ont démarré début juillet. La production de maïs pour cette saison, estimée à 65 270 tonnes, représente près de 66 pour cent de la production totale de maïs dans le pays. Néanmoins, malgré la superficie relativement importante (19 100 hectares), dédiée au sorgho non irrigué, la production est estimée à 2 865 tonnes seulement, du fait des conditions météorologiques défavorables et des attaques des oiseaux. La situation s'est améliorée en ce qui concerne l'eau, les pâturages et le bétail.

Moyen-Juba

Le Moyen-Juba est une zone où l'irrigation prédomine le long des vallées du fleuve Juba, où l'on produit d'importantes quantités de maïs. D'autres cultures, comme la banane, le pois à vache, le sésame et les légumineuses, sont cultivées pendant la campagne principale Gu, mais peuvent aussi être prolongées jusqu'aux pluies hors saison Hagai, à condition qu'elles soient fiables. Les semis sont importants également dans des zones de décrue, le long des rives du fleuve Juba, si bien que la région est l'un des principaux producteurs de céréales du pays.

Cette saison, les zones non irriguées de la région ont été touchées par la sécheresse aux stades de l'établissement des cultures et du remplissage des grains. Les rendements du maïs cultivés par irrigation ont été relativement bons, allant de 700 à 800 kg/ha, alors que dans les zones non irriguées, la récolte a été presque nulle. La production de sorgho a été fortement réduite par les oiseaux, en particulier dans les districts de Sakow et Buáale. La production totale de céréales de la région est estimée à 11 330 tonnes, dont 2 610 tonnes de sorgho et 8 720 tonnes de maïs.

On a signalé que le secteur animal s'était amélioré, grâce aux fortes averses Hagai qui ont régénéré les pâturages.

Bas-Juba

A l'extrême Sud de la Somalie, le Bas-Juba comprend quatre districts - Afmadow, Badhad, Jamame et Kismayo. La région a de grandes possibilités de production agricole, en particulier à Jamame, ainsi que de production animale, dans les districts de Kismayo et Afmadow. Lorsqu'il fonctionne, le port de Kismayo joue un rôle stratégique dans l'exportation de bétail et l'importation de marchandises pour le marché intérieur

La production totale de céréales cette saison est estimée à 9 070 tonnes, le maïs dont la production est évaluée à 8 905 tonnes, représentant 98 pour cent de la production. Le sorgho, avec des rendements tombés aussi bas que 300 kg/ha, a été cultivé dans les districts de Afmado et Badhad, essentiellement sur des terres non irriguées.

Dans les zones pastorales, le bétail serait en bon état , mais la disponibilité de médicaments et de services vétérinaires est insuffisante.

Gedo

Gedo est une des régions de la vallée du Juba où l'essentiel de la production provient de zones d'irrigation et de décrue. La culture traditionnelle irriguée de maïs et de sorgho cède de plus en plus la place à des cultures commerciales comme les légumes, le sésame et les pois à vache. Lors de la campagne Gu de 1999, les récoltes de céréales non irriguées ont été inférieures à la moyenne, du fait essentiellement de la faible pluviosité et des infestations parasitaires. On estime que la production totale de céréales est d'environ 5 800 tonnes, le maïs représentant près de 77 pour cent. La récolte de sorgho a été médiocre, entraînant une hausse des prix inhabituelle pour la saison.

Bien que le bétail soit apparemment en bon état, les pâturages se sont détériorés dans de nombreuses parties de la région. On a signalé quelques déplacements anticipés à la recherche de pâturages et d'eau dans certains districts comme Garbaharey et Elwak. La commercialisation du bétail se serait améliorée une fois levée, il y a près de trois mois, l'interdiction d'importation en Arabie Saoudite.

Somalie du Nord-Ouest

La campagne agricole en Somalie du Nord-Ouest diffère légèrement de celle des parties méridionales du fait de la périodicité et des caractéristiques différentes des précipitations. Dans les parties septentrionales du pays, les pluies Gu tombent entre avril et juin, et les pluies Karen entre août et septembre, après une période sèche en juillet. Le maïs et le sorgho font partie des grandes cultures de base, mais il y a diversification sous forme de légumes, sésame et pois à vache.

Le bétail représente la principale source de revenus et de moyens de subsistance des peuples de la région. Du fait de la levée récente de l'interdiction, les exportations de bétail, surtout par le port de Berbera, vers l'Arabie Saoudite et au-delà, devraient gonfler les revenus des agriculteurs. Bien que les précipitations aient démarré en temps voulu, la productivité a été généralement mauvaise et irrégulière, surtout dans les zones agricoles des districts de Boroma et Gabley. La pluviosité enregistrée pendant la campagne a été d'environ 50 pour cent inférieure à la moyenne à long terme.

La superficie totale cultivée est estimée à 9 100 hectares (6 600 hectares de sorgho et 2 500 hectares de maïs). Avec des rendements moyens de sorgho et de maïs estimés à 800 et 600 kg/ha respectivement, la production est évaluée à 5 300 tonnes pour le sorgho et 1 500 pour le maïs. La production totale de céréales est donc estimée à 6 800 tonnes.

Somalie du Nord-Est

Les activités agricoles en Somalie du Nord-Est, qui en juillet de l'année dernière a déclaré sa propre administration régionale du Puntland, sont limitées du fait de la nature aride et semi-aride des terres. La population vit essentiellement de ses activités pastorales.

Les pluies médiocres de cette saison Gu ont eu de graves répercussions sur le secteur animal. La quantité de pluies reçue par 60 pour cent des terres de pâturage potentiel n'a même pas atteint 50 pour cent de la normale. Un grand nombre d'animaux, à Hawd-Nugal et dans la partie Nord de Mudug, ont été gravement affectés.

La levée de l'interdiction sur l'exportation du bétail a apporté un soulagement bien nécessaire. Toutefois, la commercialisation du bétail n'a pas vraiment repris, du fait de conditions météorologiques en mer défavorables aux petits bateaux. La demande d'animaux propres à l'exportation et les prix correspondant à ces animaux étaient encore faibles en août, soit trois mois environ après la levée de l'interdiction.

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5. BILAN DE L'OFFRE ET DE LA DEMANDE DE CEREALES

5.1 Importations commerciales

Les importations de céréales et d'autres produits, en particulier le sucre et l'huile végétale, jouent un rôle de premier plan dans les approvisionnements alimentaires de la Somalie. Les importations de céréales se composent surtout de riz, de farine de blé et de pâtes. Au cours des trois dernières années, les importations de céréales ont oscillé entre 200 000 et 240 000 tonnes, le riz représentant de 40 à 50 pour cent de toutes les importations de céréales (tableau 3). Le niveau plutôt bas des importations de riz l'année dernière s'explique en grande partie par l'affaiblissement de la capacité d'importation due à la réduction des recettes d'exportation après l'interdiction des importations de bétail en Arabie Saoudite. Du fait de la levée de cette interdiction, on prévoit une amélioration des exportations de bétail et donc de la capacité d'importation de produits alimentaires.

Tableau 3: Importations annuelles de céréales, 1996-1998 (tonnes d'équivalent-ceréales)

Produit
1996
1997
1998
Riz
Blé
Farine de blé
Pâtes
120 433
3 100
80 942
21 460
118 478
865
93 846
24 932
86 834
1 418
95 471
22 506
Total
225 935
238 121
206 229

Note: Facteurs de conversion en équivalent-céréales: farine de blé = 1,33, pâtes = 2,00
Source: Estimations de la Mission fondées sur des statistiques de la CNUCED et de l'Unité d'évaluation de la sécurité alimentaire.

Il se peut que les chiffres d'importation soient sous-estimés du fait d'enregistrements incomplets dans les ports et du détournement de produits dans des lieux de débarquement clandestins pour des raisons de sécurité. Il existe aussi un commerce transfrontières informel actif, avec notamment de la farine de blé (et du sucre) de Somalie exportée dans les pays voisins, l'Ethiopie et le Kenya, et des céréales dans le sens opposé. Les réfugiés d'Ethiopie de l'Est, par exemple, vendent une partie de leurs allocations d'aide alimentaire en céréales de l'autre côté de la frontière, surtout sur le marché de Hargeisa. Certaines années, les réexportations et les exportations informelles transfrontières de Somalie sont contrebalancées par des importations de pays voisins. Cependant, cette année, les entrées en Somalie auraient été minimales du fait de l'insuffisance de l'offre dans les pays voisins. Le recours accru de l'Ethiopie aux ports somaliens devrait aussi relever les revenus et donc la capacité d'importation.

5.2 Prix du marché

Globalement, en juin 1999, les prix au détail de la plupart des produits alimentaires étaient bien plus élevés que l'année dernière à la même époque. L'augmentation du prix du sorgho allait de 27 pour cent à Bardheere à 79 pour cent à Mogadiscio. La plupart des autres marchés ont enregistré des augmentations de 40 à 45 pour cent environ. Un scénario semblable a été enregistré pour le maïs, sauf à Bardheere où les prix ont baissé de 12 pour cent. Dans la zone du shilling du «Somaliland», les prix n'ont augmenté que de 11 pour cent. Outre l'insuffisance de l'offre de céréales, la hausse des coûts du transport due à la désorganisation des voies commerciales traditionnelles et à la détérioration de l'état des routes ont contribué à la forte augmentation des prix.

Les mouvements mensuels des prix sur certains marchés entre juin 1998 et juin 1999 indiquent une augmentation des prix du sorgho lors du quatrième trimestre de 1998, après les résultats catastrophiques de la campagne Gu, auxquels la récolte Deyr relativement meilleure du début 1999 (graphique 3) a partiellement remédié. La deuxième hausse est survenue au deuxième trimestre de 1999, en raison de pénuries qui se sont intensifiées, mais aussi du fait d'une augmentation de la masse monétaire (injection de nouvelles devises) et de l'inflation des prix qui l'a accompagnée.

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Les prix du maïs ont été assez stables jusqu'à la fin du premier trimestre de 1999. Les prix ont été relativement stables à Berbera, dans la zone du shilling du «Somaliland», pour les deux produits.

Les termes de l'échange pour les éleveurs et pour les travailleurs non qualifiés se sont généralement détériorés. Les termes de l'échange caprin/sorgho (quantité de sorgho achetée grâce à la vente locale d'une chèvre) ont baissé de 27 pour cent entre juin 1998 et juin 1999. La baisse a été bien plus prononcée pour le lait de chameau/sorgho qui a oscillé entre 17 et 54 pour cent sur les différents marchés. La baisse la plus alarmante a été observée pour les termes de l'échange travail non qualifié/sorgho. Un travailleur non qualifié à Baardheere, par exemple, qui, il y a un an, achetait 17 kg de sorgho avec le salaire d'une journée, pouvait à peine se payer 3 kg au milieu de l'année 1999. On voit combien la sécurité alimentaire des groupes vulnérables est devenue précaire.

5.3 Prévision du bilan offre/demande de céréales pour 1999/2000

Le bilan céréalier du tableau 4 se fonde sur les hypothèses suivantes:

Sur la base de ces hypothèses, la Mission estime à 534 000 tonnes le montant total des besoins en céréales pour la campagne commerciale 1999/2000 (août-juillet), alors que les quantités disponibles sur le marché intérieur sont estimées à 224 000 tonnes. Il manque donc 310 000 tonnes, dont 240 000 tonnes (comme en 1997) seront couvertes par des importations commerciales, selon les estimations de la Mission. Actuellement, l'aide alimentaire prévue pour la Somalie entre août 1999 et juin 2000 se monte à 63 000 tonnes, dont 35 000 tonnes venant du PAM et 28 000 tonnes de deux autres ONG (Care-Etats-Unis et Bread-for-Life). Le déficit céréalier non couvert est donc d'environ 7 000 tonnes. Etant donné que les mécanismes de survie sont maintenant pratiquement épuisés après une succession de mauvaises récoltes de céréales, une aide internationale sera nécessaire pour combler ce déficit.

Tableau 4: Bilan offre/demande de céréales, août 1999/juillet 2000 (en milliers de tonnes)

DISPONIBILITES INTERIEURES
224
Stocks d'ouverture (1.8.99)
18
Production 1999/2000
206
Estimation Gu 1999
136
Prévision Deyr 1999/2000
70
CONSOMMATION TOTALE
534
Utilisation pour l'alimentation humaine
492
Utilisation pour l'alimentation animale animaux
3
Pertes de semences
21
Stocks de clôture (31.7.2000)
18
BESOINS D'IMPORTATION
310
Volume estimatif des importations
commerciales nettes
240
Annonces d'aide alimentaire
63
Déficit céréalier non couvert
7

 

5.4 Aide alimentaire d'urgence

En sus de l'Appel commun interinstitutions des Nations Unies en faveur de la Somalie pour 1999, la communauté de donateurs a lancé, par l'intermédiaire de l'Organe de coordination de l'aide en Somalie, composée de donateurs bilatéraux, d'institutions de l'ONU et d'ONG, un Appel d'urgence pour la Somalie du Sud et la Somalie centrale pour la période juillet-décembre 1999. L'appel pour un montant de 17,5 millions de dollars des Etats-Unis demande, notamment, 30 000 tonnes d'aide alimentaire d'urgence pour les six prochains mois (10,7 millions de dollars); 2 100 tonnes de semences de sorgho, ainsi que des outils pour les communautés agricoles de Bay, Bakool et le Bas et Moyen-Chébéli (1 million de dollars); 1 500 tonnes d'aliments d'appoint pour environ 60 000 enfants de moins de cinq ans (1,6 millions de dollars); des médicaments et des fournitures médicales afin de faire face à des problèmes liés aux oreillons, aux carences en micro-nutriments, aux maladies diarrhéiques, au choléra et au paludisme (1,8 million de dollars); ainsi que des fonds à l'appui d'installations de distribution d'eau (assainissement de trous de sonde, construction de puits et fourniture de pompes à main, traitement de l'eau pour la prévention du choléra - 1,2 million de dollars).

Besoins d'aide alimentaire d'urgence

Neuf années de troubles civils prolongés, de laisser-aller et de catastrophes naturelles (inondations et sécheresse) ont détruit une grande partie des ressources matérielles de la Somalie et continuent d'user les mécanismes de survie et l'énergie des groupes les plus résistants de la société somalienne. La capacité de la Somalie à se nourrir est menacée par les éléments suivants:

En outre, les rivalités de clans et l'insécurité ont sévèrement détérioré l'efficacité des mécanismes de réponse traditionnels, au point que la vulnérabilité chronique a tendance à dégénérer rapidement en vulnérabilité aiguë. L'érosion des biens des familles et la fragilité des mécanismes de survie, associées à une diminution du cheptel et à une réduction des revenus, rendent de nombreuses communautés des zones non irriguées vulnérables aux effets des mauvaises récoltes. Les groupes de population ayant des sources d'alimentation et de revenus limitées, en particulier les agriculteurs qui ont peu, voire pas du tout, de bétail, et les personnes qui vivent de leur travail salarié sont constamment confrontés à l'insécurité alimentaire. De même, les clans et les minorités dotés de moyens limités tendent à être chroniquement vulnérables.

En 1998, le PAM a distribué 25 195 tonnes de produits alimentaires, dont 21 000 tonnes de céréales. Sur ce total, 51 pour cent sont distribués dans le cadre de secours d'urgence, et les 49 pour cent restants dans le cadre d'activités « Vivres contre travail » et d'un appui aux institutions sociales. Au total, 1,6 million de Somaliens ont bénéficié de l'aide du PAM en 1998. Lors du premier semestre de 1999, le PAM a distribué 14 454 tonnes de produits alimentaires, dont 13 000 tonnes de céréales, à plus de 500 000 Somaliens de Bay, Bakool, Gedo, Hiraan, Bas-Chébéli, Moyen-Chébéli, Bas-Juba, Moyen-Juba, Puntland et Somaliland.

Le PAM en Somalie a lancé en juillet 1999 une Intervention prolongée de secours et de redressement (IPSR). Celle-ci devrait durer trois ans, jusqu'en juillet 2002, et nécessite 63 104 tonnes de produits alimentaires, dont 52 708 tonnes de céréales, destinées à 1,3 million de Somaliens vulnérables par an. L'IPSR offre un large cadre pour des programmes intégrés de relèvement, tout en permettant à la fois de saisir les possibilités de développement et de répondre aux situations d'urgence. L'objectif de l'ISPR est de contribuer à améliorer la sécurité alimentaire des ménages et de promouvoir/renforcer les économies locales de Somalie, grâce à une aide au relèvement et à la reprise, un soutien aux institutions sociales et une aide d'urgence.

Sur la base d'une évaluation des récoltes Gu de 1999 PAM/FAO/FSAU/FEWS (Programme Alimentaire Mondial/Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture/Unité d'évaluation de la sécurité alimentaire/système d'alerte rapide en cas de famine), on estime que de 1,2 à 1,5 million de Somaliens risquent l'insécurité alimentaire, dont 730 000 à Bay, Bakool et une partie de Gedo, 83 000 à Hiraan, 193 000 dans le Bas-Chébéli et 160 000 dans le Bas-Juba. Le PAM évalue actuellement l'ampleur du problème dans les zones non irriguées et fluviales, afin d'identifier les lieux exacts où se trouvent la population affectée et leurs mécanismes de survie. Sur la base de cette évaluation, le PAM élaborera et mettra en _uvre des programmes appropriés permettant de répondre aux besoins alimentaires, en partenariat avec les autorités locales et la communauté des ONG travaillant dans les zones affectées.
Compte tenu de l'environnement politique et socio-économique de la Somalie du Sud, le ciblage géographique, le ciblage axé sur les communautés et le ciblage axé sur les institutions sont utilisés pour toucher les ménages dans le besoin. Un vaste réseau de responsables du suivi s'est révélé essentiel pour l'évaluation et l'élaboration des priorités et la conception et la réalisation des interventions. La participation de la communauté à tous les stades de l'intervention, programmation comprise, a largement contribué au succès des interventions qui ont ainsi pu toucher des régions éloignées.

Le système de sous-traitance des transports du PAM avec le secteur privé (transporteurs somaliens) et l'exigence d'une caution de bonne exécution équivalant à la valeur CAF des produits alimentaires faisant l'objet du contrat se sont révélés efficaces et ont assuré que les villages et hameaux affectés bénéficient d'une aide alimentaire, sans perte pour le PAM.
L'aide alimentaire annoncée à titre indicatif par le PAM, entre août 1999 et juin 2000, s'élève à un total de 35 000 tonnes. En outre, CARE-Etats-Unis et Bread for Life prévoient une aide alimentaire de 28 000 tonnes (23 000 tonnes et 5 000 tonnes, respectivement) entre août 1999 et juin 2000.

 

Le présent rapport a été établi sous la responsabilité des secrétariats de la FAO et du PAM à partir d'informations provenant de sources officielles et officieuses. La situation pouvant évoluer rapidement, prière de s'adresser aux soussignés pour un complément d'informations le cas échéant.

Abdur Rashid
Chef, SMIAR, FAO, Rome
Télécopie: 0039-06-5705-4495
Courrier électronique: [email protected]

Mohamed Zejjari
Directeur régional, OAP, PAM, Rome
Télécopie: 0039-06-6513-2839
Courrier électronique: [email protected]

Les alertes spéciales et les rapports spéciaux peuvent aussi être reçus automatiquement par courrier électronique dès leur publication, en souscrivant à la liste de distribution du SMIAR. A cette fin, veuillez envoyer un courrier électronique à la liste électronique de la FAO à l'adresse suivante: [email protected] sans remplir la rubrique sujet, avec le message ci-après:

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1 L'Unité d'évaluation de la sécurité alimentaire est gérée par le PAM et financée par la Communauté européenne.

2 La moyenne d'après-guerre se réfère aux années de troubles civils qui ont suivi l'effondrement du gouvernement en 1991.

3 Le rapport du PNUD de 1998 sur le développement humain en Somalie classe ce pays 175e  sur 175 Etats - juste en-dessous de la Sierra Leone - pour ce qui est de son niveau de développement humain; ce classement repose sur un indice associant des facteurs économiques à des résultats dans des domaines comme l'éducation, la santé, la nutrition et l'espérance de vie.

4 L'hypothèse adoptée pour la consommation de céréales par habitant, inférieure au chiffre donné par les missions précédentes FAO/PAM de 90 kg par an, tient compte des ajustements des schémas de consommation alimentaire des populations, qui consomment pour l'essentiel davantage de produits animaux, de poissons, de bananes et de légumineuses, en réponse aux mauvaises récoltes successives de céréales.