SYSTEME MONDIAL D'INFORMATION ET D'ALERTE RAPIDE SUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE DE LA FAO
PROGRAMME ALIMENTAIRE MONDIAL

RAPPORT SPÉCIAL

MISSION FAO/PAM D'ÉVALUATION DES RÉCOLTES ET DES DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES AU TIMOR ORIENTAL

21 décembre 1999



1 VUE D'ENSEMBLE

La violence extrême qui a fait rage après le référendum du 30 août a entraîné des déplacements massifs depopulations aussi bien à l'intérieur du Timor oriental qu'à l'extérieur de ses frontières. Les systèmes de distribution et de commercialisation des denrées alimentaires ont été paralysés en même temps que le commerce et les services essentiels, et le cycle agricole a été perturbé. En outre, les infrastructures et les biens ont subi d'importants dégâts, mais l'agriculture a été moins durement touchée, étant donné que les récoltes avaient déjà eu lieu et que seule une proportion limitée des cultures de la deuxième campagne, relativement mineure, a été incendiée dans les champs.

La situation n'étant pas encore stabilisée, diverses évaluations seront nécessaires dans différents secteurs pour évaluer la nature et l'ampleur du problème et déterminer le niveau d'intervention nécessaire. Cela étant, une mission FAO/PAM d'évaluation des récoltes et des disponibilités alimentaires s'est rendue au Timor oriental du 25 novembre au 6 décembre pour évaluer la situation actuelle de l'agriculture et les perspectives en matière de disponibilités alimentaires. Ses objectifs spécifiques étaient les suivants: (i) évaluer les perspectives immédiates en matière de disponibilités alimentaires jusqu'à la prochaine récolte principale en avril 2000, (ii) fournir une prévision provisoire de la production de maïs et de riz de l'année prochaine et (iii) évaluer le degré de vulnérabilité de différents groupes; tous ces objectifs sont jugés essentiels pour un ciblage efficace de l'aide alimentaire. L'information existante et les données essentielles concernant principalement l'agriculture et les institutions sociales ayant été détruites en grande partie pendant les troubles, la mission s'est fondée sur les données statistiques publiées en Indonésie, des discussions avec les organismes internationaux et bilatéraux clés, des rencontres avec des petits producteurs et des visites de terrain dans les régions agricoles et les zones vulnérables, notamment Bobonaro, Covalima, Oecussiand et Aileu, qui ont subi des dégâts importants, et Viqueque, Baucau et Los Palos, moins durement touchées.

L'aide alimentaire aura un rôle important à jouer au cours des prochains mois, mais les perspectives globales en matière de disponibilités alimentaires à moyen et à long termes (la campagne de commercialisation avril 2000 - mars 2001) sont moins inquiétantes qu'on ne l'envisageait au plus fort de la crise. La mission a constaté que, contrairement à ses attentes initiales, les dégâts étaient nettement moins graves que prévu. Dans l'ensemble, les cultures secondaires de maïs et de riz étaient encore sur pied et elles fourniront des approvisionnements essentiels durant les prochains mois, de même que le manioc et la patate douce. Les dégâts ont surtout concerné le bétail ainsi que les stocks de denrées alimentaires et de semences, qui ont été pillés ou brûlés, et les travaux agricoles sont été fortement perturbés, ce qui a retardé ou va retarder des activités essentielles telle que la préparation des terres et les semis. Les semis du maïs de la campagne principale, en novembre/décembre, sont surtout compromis par les déplacements de populations, étant donné que, dans certaines zones, une proportion relativement importante des agriculteurs ne sera pas revenue à temps pour les mener à bien. En outre, on avait d'abord cru que la pénurie de semences de maïs serait lourde de conséquences, mais les efforts internationaux de distribution de semences coordonnés par l'ONU et les ONG ont été extrêmement efficaces et ont couvert une forte proportion des besoins. Les échanges entre agriculteurs et les stocks qui n'ont pas été détruits apporteront le complément nécessaire et la perte de production sera donc plus faible en 2000 qu'on ne le pensait auparavant. Pour le riz, il n'est pas nécessaire de terminer les semis et le repiquage avant la mi-janvier, et les perspectives de redressement sont donc meilleures. Pour la campagne actuelle, les déplacements de populations et le manque de semences ne sont pas considérés comme d'importants problèmes, mais les superficies plantées diminueront quelque peu à cause de la nette réduction touchant la traction animale et motorisée, essentielle pour la préparation des terres. Bien que la saison des pluies ait commencé avec un léger retard, les cultures ont bénéficié de précipitations favorables dans l'ensemble en novembre et au début décembre.

L'agriculture a été moins perturbée qu'on ne le prévoyait au paroxysme de la crise, mais, du fait des problèmes indiqués plus haut, une chute notable de la production céréalière est inévitable. La mission prévoit en l'an 2000 la production de 80 000 tonnes de maïs et de 36 000 tonnes de riz, soit des chiffres respectivement inférieurs d'approximativement 30 pour cent et 20 pour cent à la tendance des cinq dernières années (une telle période de référence s'imposant pour les raisons mentionnées ci-dessus; la simple indication « inférieur aux attentes » sans autres précisions n'éclairerait guère le lecteur). La production céréalière de la campagne de commercialisation 2000-2001 devrait donc être de 125 000 tonnes alors que, sans les perturbations, elle aurait pu atteindre 171 000 tonnes avec les systèmes de culture actuels. Il est toutefois important de signaler que, le cycle végétatif étant encore peu avancé, ces projections sont extrêmement provisoires; les chiffres réels dépendront dans une large mesure de l'évolution de la situation au cours des quatre prochains mois, surtout du point de vue météorologique. Par conséquent, la mission recommande l'envoi d'une mission en avril/mai, au moment de la récolte principale, pour faire le point sur les cultures et les disponibilités alimentaires.

La mission estime que, pour les quatre prochains mois (de décembre à mars), avant le début de la récolte principale de céréales, les besoins alimentaires de la population du Timor oriental, compte tenu du nombre de personnes déplacées qui devraient être de retour, se monteront à quelque 33 000 tonnes de maïs et un peu plus de 12 000 tonnes de riz, à quoi il faut ajouter, vu le niveau général d'incertitude et les besoins éventuels en cas d'imprévus, des stocks d'urgence correspondant à la consommation de maïs et de riz pendant 30 jours. Les disponibilités actuelles - les stocks nationaux (aide alimentaire non comprise), la production de maïs et de riz de la deuxième campagne et la quantité estimée de manioc et de patate douce en équivalent céréales - devraient correspondre à environ 12 500 tonnes de maïs et 6 500 tonnes de riz, si bien que, par rapport aux besoins, le déficit global, avant l'aide alimentaire, serait approximativement de 29 000 tonnes de maïs et 9 000 tonnes de riz. Le PAM ayant utilisé les stocks du BULOG, l'Office national de logistique disponibles dans l'ensemble du territoire au début de la crise, les besoins en riz sont couverts de façon adéquate. Pour ce qui est des céréales, le déficit global, jusqu'à la prochaine moisson en mars, se monte à environ 4 500 tonnes et pourrait être couvert par les importations commerciales et l'aide alimentaire non déclarée fournie par les ONG.

Une aide alimentaire sera essentielle pour les zones considérées comme particulièrement vulnérables à des pénuries alimentaires. La mission a évalué le degré relatif de vulnérabilité des diverses régions en se fondant sur des critères tels que l'ampleur des destructions, les perturbations subies par l'agriculture et le niveau d'activité du marché. Il faudrait affiner cette évaluation, mais il est recommandé de la prendre comme base pour cibler la fourniture d'aide alimentaire à l'avenir. En se fondant sur les critères utilisés, on peut toutefois déjà dire que des zones comme Bobanoro, Cova-lima et l'enclave d'Oecussi sont considérées comme comparativement plus vulnérables à des pénuries alimentaires que, par exemple, Baucau.

On sait qu'il y a des poches de sous-alimentation au Timor oriental, mais l'information à ce sujet est peu abondante. Au cours de l'année écoulée, les problèmes relatifs à la disponibilité de denrées alimentaires ont été fortement aggravés par la sécheresse entraînée par El Niño, qui a fortement réduit la production alimentaire en 1998, et par la crise financière asiatique, qui a occasionné d'énormes hausses des prix. À la connaissance de la mission, aucune enquête sur la sous-alimentation n'a récemment été réalisée dans l'ensemble du territoire. Les données nutritionnelles disponibles sont très limitées ou peu fiables, et la mission est donc d'avis que les organes compétents des Nations unies devraient examiner attentivement les problèmes nutritionnels en coopération avec des ONG internationales. Il faut également suivre de près l'évolution de la situation globale pendant la période de soudure.

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2 L'ÉCONOMIE ET L'AGRICULTURE

Le Timor oriental occupe approximativement la moitié est de l'île de Timor; située dans l'océan Indien à quelque 500 km au nord de l'Australie. C'est un petit territoire montagneux d'environ 14 500 km2. Même avant les récents événements et les déplacements de populations, c'était une des régions les plus pauvres de l'Asie. On considère qu'approximativement 50 pour cent de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté; l'espérance de vie est d'environ 56 ans, et seulement deux personnes sur cinq sont alphabétisées. Le niveau des infrastructure et la prestation des services essentiels laissent également à désirer: 30 pour cent seulement des foyers ont accès à de l'eau potable et 22 pour cent à l'électricité. Moins de la moitié (49 pour cent) des villages étaient desservis par une route asphaltée avant la crise.

L'environnement et les ressources naturelles de l'île jouent un rôle extrêmement important pour son développement, mais les conditions ne sont pas aussi favorables que dans de nombreux autres petits États insulaires. L'économie repose surtout sur l'agriculture, qui représente la principale composante du PIB, emploie près des trois-quarts de la main-d'_uvre, constitue le principal moyen de subsistance de plus de 70 pour cent de la population et présente le meilleur potentiel pour les exportations et le commerce. C'est surtout une agriculture de subsistance axée sur la production des denrées alimentaires de base (maïs, riz, manioc et patate douce) qui emploie une main-d'_uvre familiale et achète peu d'intrants. Le caractère accidenté du terrain, la mauvaise qualité des sols, l'érosion et l'imprévisibilité des précipitations posent toutefois d'importants problèmes quant à l'utilisation des terres. En général, les sols ne peuvent pas supporter une végétation abondante, ce qui limite les possibilités de diversification des cultures. Les producteurs sont donc peu enclins à prendre des risques et cherchent plus à réduire leurs pertes potentielles qu'à obtenir les meilleurs rendements possibles. L'île est régulièrement frappée par des anomalies météorologiques liées à El Niño, qui diminuent encore davantage la production vivrière. On estime qu'environ 600 000 hectares pourraient se prêter à l'agriculture, qui n'est toutefois pratiquée que sur approximativement la moitié de cette superficie.

En outre, quelque 200 000 hectares conviennent à l'élevage, qui constituait jusqu'à présent la deuxième source principale d'exportation du territoire après le café. Toutefois, suite aux récents événements et vu les problèmes de sécurité, les préoccupations relatives aux droits de propriété et le manque d'investissements, le potentiel de ce secteur est loin d'être pleinement utilisé.

La pêche offre des possibilités considérables, mais elles ne sont que très partiellement exploitées, le développement de ce secteur restant très insuffisant. Moins de la moitié de la main-d'_uvre travaille à temps plein, et l'équipement utilisé est peu efficace. La pêche est principalement pratiquée au large de la côte dans la région de Dili, la capitale, et d'Atauro.

La foresterie présente un potentiel de développement limité à cause de l'ampleur du déboisement dû principalement à la culture sur brûlis. De façon générale, les perspectives d'expansion de ce secteur sont faibles, seules quelques zones de taille réduite en offrant la possibilité. Le bois de santal a constitué pendant longtemps un important produit d'exportation qui fournissait des revenus élevés, mais son exportation a cessé au cours des années 30 pour cause de surexploitation.

Le climat est dominé par les précipitations intenses dues à la mousson du nord-est, qui sont suivies par une saison sèche très marquée. C'est la principale saison humide dans les régions septentrionales de l'île, alors que, dans le sud, la saison des pluies, plus longue, s'étend de décembre à juin, ce qui crée des conditions plus favorables pour les campagnes secondaires de maïs et, éventuellement, de riz. Les précipitations moyennes sont les plus faibles sur la côte nord (entre 600 mm et 1 000 mm par an) et c'est dans les zones montagneuses du centre qu'elles sont les plus élevées (entre 1 800 mm et 3 000 mm). Dans les zones côtières méridionales, elles varient entre 1 250 et 3 000 mm. La figure 1 indique la distribution des précipitations.

Figure 1: Distribution moyenne des précipitations dans le Timor oriental

Figure 1

On peut distinguer trois modes différents d'utilisation des terres en fonction du régime pluviométrique, du relief et des sols:

- Les basses terres du nord et les zones montagneuses de faible altitude: ces zones sont les moins favorables à l'agriculture étant donné que la plupart d'entre elles ont des sols peu fertiles et une saison humide courte ou peu fiable. Il y a toutefois des poches de sols alluviaux offrant un potentiel raisonnable (Manautuo, Dili et Liquica).

- Les basses terres et les zones montagneuses de faible altitude du sud: de façon générale, ces zones, traditionnellement sous-utilisées, sont celles qui présentent le meilleur potentiel pour l'agriculture. Les sols et la topographie (pentes modérées) sont généralement favorables à la culture. Certains secteurs limités sont exposés aux inondations ou ont des sols inappropriés (Viqueque, Cova Lima et Manufahi).

- Les hautes terres: lorsque les sols sont appropriés, les hautes terres présentent un bon potentiel pour les cultures arboricoles comme le café, le bancoul et le santal ainsi que pour des plantes de zone tempérée à plus haute altitude. Le cacao peut être cultivé dans les régions plus basses. Le potentiel est généralement limité pour ce qui est des cultures vivrières et de l'élevage; des pratiques de gestion adaptées au sol, au relief et au régime local de précipitations sont alors nécessaires (Ermera et Aileu).

Durant les années normales, le cycle agricole du Timor oriental commence en novembre, au début de la saison des pluies, avec la préparation de la terre et la plantation du maïs; la préparation des pépinières et le repiquage du riz ont ensuite lieu en décembre/janvier. Le maïs est récolté en avril, et le riz de la saison humide en mai ou juin. Dans les zones méridionales où il y a une deuxième saison des pluies et dans les zones disposant de moyens supplémentaires d'irrigation, une deuxième campagne de maïs ou de riz est possible, mais son importance est toutefois relativement faible. Le dolique et la patate douce sont aussi cultivés au début de la saison des pluies en novembre. Le manioc étant une plante pérenne, on peut compter sur lui comme ressource alimentaire en cas de besoin. La figure 2 montre l'étalement des principales cultures dans l'année au Timor oriental.

Figure 2: Calendrier cultural du Timor oriental

CULTURES
N
D
J
F
M
A
M
J
J
A
S
O
Maïs (culture principale)                        
Maïs (culture de contre-saison)                        
                         
Riz (culture principale)                        
Riz (culture de contre-saison)                        
                         
Manioc                        
Manioc (année précédente)                        
                         
Patate douce                        
                         
Pois, dolique                        
Arachide et haricots                        

Plantation
 
Récolte
 

Certaines zones ont, en outre, de vastes exploitations arboricoles - où l'on cultive en particulier le café dans les hautes terres et la noix de coco dans les basses terres -, qui représentent une importance source de revenu pour les familles.

Une augmentation des superficies cultivées pourrait se traduire par un accroissement de la production vivrière, mais la faible utilisation de techniques modernes et d'intrants favorise fortement un système de culture intensive basé sur l'utilisation équilibrée de quantités plus grandes d'engrais, l'emploi de variétés de semences offrant un rendement plus élevé et l'irrigation. Les principales cultures d'exportation sont notamment le café, le copra, de même que, par le passé, le bois de santal.

2.1 L'impact économique de la crise

Le 5 mai 1999, les gouvernements de l'Indonésie et du Portugal se sont entendus sur une transition graduelle en trois phases dans le territoire: (1) la période allant du 5 mai au 30 août 1999 pour la préparation et la tenue d'un référendum sur l'indépendance, (2) la phase post-référendaire, au cours de laquelle la responsabilité de la sécurité et de la prestation des services gouvernementaux devait encore incomber à l'Indonésie, et (3) la transition vers l'indépendance contrôlée par des autorités civiles provisoires et une force de maintien de la paix relevant de l'ONU. En dépit de cet accord destiné à assurer une transition pacifique, les troubles civils et la violence ont fait rage après le référendum du 30 août, par lequel la majorité (78 pour cent) des Timorais ont rejeté l'autonomie en faveur de l'indépendance.

Les chiffres précis ne sont pas encore disponibles, mais on estime que la violence a fait de nombreuses victimes, et des centaines de milliers de personnes ont été déplacées à l'intérieur du pays ou se sont réfugiées au Timor occidental. En outre, les infrastructures, les services essentiels et les biens ont subi d'énormes dégâts. Ainsi, selon les estimations disponibles, la capitale, Dili, et les centres urbains plus petits ont subi d'importants dégâts et la destruction de jusqu'à 50 pour cent des infrastructures sociales et des bâtiments. De plus, les possessions individuelles des ménages (surtout le bétail et les biens de base) ont été aussi détruites ou pillées. Des composantes essentielles de l'économie et du commerce ont donc, dans l'ensemble, presque entièrement disparu au cours de la vague intense de violence qui a déferlé après le référendum.

La situation s'est nettement améliorée à la suite de la résolution 1264 du Conseil de sécurité et du déploiement d'une force internationale de maintien de la paix (INTERFET), mais la reconstruction du Timor oriental prendra beaucoup de temps et nécessitera des ressources financières et humaines considérables. Entre-temps, une aide humanitaire sera essentielle pour protéger la sécurité alimentaire et satisfaire les besoins fondamentaux.

Comme la plupart des familles d'agriculteurs entreposent leurs récoltes dans leur maison, des stocks essentiels de denrées alimentaires et de semences ont souvent été détruits1/. Ceux qui étaient encore disponibles ont été utilisés comme rations alimentaires d'urgence par les personnes déplacées. Les semis seront limités par le manque de semences, mais aussi de manque de main-d'_uvre, vu qu'un grand nombre de personnes déplacées ne pourront vraisemblablement pas revenir à temps pour préparer les terres et effectuer les semis. Les animaux d'élevage, qui constituent un bien important pour les ménages, ont aussi été tués en grand nombre. En plus de constituer une perte économique, la réduction du nombre d'animaux aggravera encore les problèmes de la préparation des terres et la plantation, ce qui se traduira par une réduction de la production en 2000-2001.

Le niveau de destruction a toutefois varié d'une région à l'autre, celle de Viqueque2/ ayant été, par exemple, épargnée dans une large mesure. De plus, les dégâts matériels se sont surtout produits dans les zones proches des routes principales, et les villes et villages de l'intérieur n'ont guère été touchés.

Outre les dommages infligés à l'agriculture et aux biens matériels, le Timor oriental a perdu des ressources humaines essentielles, car la violence ciblait tout particulièrement les dirigeants instruits et les employés assurant la prestation des services, et la majorité des fonctionnaires ont quitté la province, beaucoup d'entre eux étant indonésiens. La baisse des effectifs des administrations et des services et les pénuries de main-d'_uvre qualifiée auront inévitablement des répercussions négatives sur les activités économiques à court et à moyen termes.

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3. PERSPECTIVES RELATIVES À LA PRODUCTION ET AUX DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES

3.1 Principales cultures vivrières

Le maïs est, de loin, la plus importante céréale cultivée au Timor oriental et constitue la source principale d'hydrate de carbone dans le régime alimentaire des familles. Le système le plus utilisé est la culture sur brûlis, et le maïs est cultivé en association avec d'autres plantes comme le dolique, le manioc ou la patate douce. Comme pour d'autres cultures vivrières, la productivité et la production totale de maïs restent fortement limitées par la faible utilisation d'intrants, en particulier les engrais et les semences améliorées. De plus, d'autres techniques permettant d'accroître les rendements, comme le paillage et l'utilisation de légumineuses fixatrices d'azote, sont également peu employées. Les rendements restent donc faibles et atteignent en moyenne 700 kg par hectare sur les sols de mauvaise qualité et entre 1 300 et 1 500 kg/ha sur les sols plus fertiles. Les variétés locales ont des cycles de maturation courts allant de 80 à 110 jours. Avec le système actuel de cultures intercalaires, de 5 à 10 kg de semences sont utilisés par hectare. La production annuelle de maïs est d'environ 125 000 tonnes par an, mais la sécheresse l'a fortement réduite en 1998. Il est toutefois très difficile de concilier les statistiques officielles, en particulier en ce qui concerne les rendements, avec les observations réalisées sur le terrain et le niveau général des investissements consacrés à la production agricole. Il est, par exemple, impossible d'obtenir au Timor oriental les rendements de trois à quatre tonnes par hectare indiqués dans certaines publications compte tenu du niveau d'utilisation d'intrants, de la faiblesse des investissements et de l'agriculture de subsistance généralement pratiquée.

Le riz est important aussi bien comme culture vivrière que comme culture commerciale; il est semé à la fin du mois de décembre et repiqué à la mi-janvier. La campagne principale est celle de la saison humide, de novembre à mars, mais une deuxième récolte a lieu dans les zones irriguées par des cours d'eau et des canaux, qui représenteraient environ 10 pour cent des superficies totales cultivées en riz. Trois principaux modes de culture sont utilisés:

- Des rizières en terrasses, alimentées en eau uniquement par les précipitations et donnant des rendements moyens d'approximativement 800 kg/ha.
- Une production bénéficiant d'une irrigation saisonnière pratiquée en détournant l'eau des cours d'eau quand leur débit est suffisant.
- Des rizières entièrement irriguées généralement situées dans les basses terres.

Les rendements peuvent atteindre environ 2 tonnes/ha dans les zones où l'irrigation est assurée, et il serait assez facile de les porter à 3 tonnes/ha en utilisant des engrais. On utilise surtout des variétés traditionnelles de riz ainsi que, dans une certaine mesure, des variétés améliorées comme IR 64.

Racines et tubercules: Le manioc doux est important à la fois parce qu'il complète les céréales dans le régime alimentaire et qu'il contribue à la sécurité alimentaire lors des mauvaises années. Il lui faut environ neuf mois pour parvenir à maturité et il a pour avantages de tolérer la sécheresse et de s'adapter aux sols peu fertiles. À la différence des racines, qui ne contiennent que de la fécule, les feuilles sont utilisées dans le régime alimentaire comme source de protéines, de minéraux et de vitamines. La patate douce, le taro et l'igname sont aussi cultivés, en particulier dans les zones les plus humides.

Légumineuses: Le dolique, habituellement cultivé en association avec le maïs, est la principale légumineuse. Le haricot mungo est aussi abondamment cultivé, surtout le long de la côte méridionale. L'arachide, cultivée dans de grandes parcelles dans la région de Baucau, ne représente ailleurs qu'une faible proportion des cultures familiales. Le pois cajan, auquel les zones arides conviendraient extrêmement bien, est peu cultivé, probablement à cause de la très faible teneur des sols en chaux. D'autres haricots (vert, blanc et rouge) sont principalement cultivés dans les zones montagneuses.

Arbres fruitiers: La noix de coco et ses produits dérivés (noix vertes et huile), la banane douce et le plantain, la mangue, le fruit à pain, la papaye, la noix de bancoul, la noix d'arec, le corossol et le tamarin constituent tous de bonnes sources de revenu et jouent également un rôle important dans le régime alimentaire. Les grandes plantations d'arbres sont rares. Un palmier, le talipot (Coripha sp), fournit du sagou, communément utilisé pour parer aux imprévus.

Légumes: La courge, très courante, est plantée en association avec le maïs. L'ail, les échalotes, le concombre, le piment, le choux et la tomate sont aussi cultivés pour la consommation domestique et la vente. Les légumes feuillus, comme la moutarde verte et les feuilles de manioc, représentent une composante importante du régime alimentaire.

Élevage: Les buffles, concentrés spécialement dans les zones irriguées, sont les bovins les plus nombreux sur la côte méridionale, où le fourrage est relativement abondant à cause des fortes précipitations. Les ruminants sont communs, en particulier les chèvres, dans les régions côtières du nord. Les ménages possèdent généralement quelques poulets et cochons. Ces animaux étant élevés de façon extensive et recevant peu de rations d'appoint, leur état nutritionnel est rarement bon et ils sont durement frappés par les maladies. Le nombre de cochons et de poulets a fortement diminué parce que beaucoup ont été tués pendant les troubles ou abattus pour être consommés.

Le tableau 1 indique les tendances officielles (1992-1997) concernant la production des principales cultures vivrières, et le tableau 2, la production de paddy dans les différentes régions en 1997, année relativement favorable.

Tableau 1. Timor oriental: Production des cultures principales, 1992 -1997 (en tonnes1/ )

Culture 1992 1993 1994 1995 1996 1997
Maïs 94 000 104 400 115 700 103 000 122 400 126 300
Riz (paddy) 56 300 64 000 67 000 47 700 69 500 72 000
Manioc 2/ 51 500 70 000 74 300 75 600 78 100 82 300
Patate douce 2/ 10 400 19 100 18 000 18 200 17 100 17 600
Petit pois 4 000 4 200 1 200 2 500 3 700 4 000

Source: Ministère de l'agriculture, Bureau du Timor oriental.
1/ Les chiffres sont arrondis
2/ Poids frais

Tableau 2. Timor oriental: Production de paddy et de maïs de la saison humide et de la saison sèche par région en 1997 (tonnes1/ )

Région   Maïs Paddy
  % du total   % du total
Cova-lima 5 000 7 16 000 13
Ainaro 1 600 2 4 500 4
Manufahi 2 200 3 5 000 4
Viqueque 17 200 24 14 000 11
Lautem 3 200 4 7 700 6
Baucau 12 000 17 14 000 11
Manatuto 4 800 7 4 000 3
Dili 200 0 2 000 2
Aileu 1 700 2 10 500 8
Liquica 500 1 5 000 4
Ermera 3 300 5 6 200 5
Bobanaro 15 000 21 28 600 23
Ambeno 5 300 7 8 800 7
Total 72 000 100 126 300 100

Source: Ministère de l'Agriculture, Bureau du Timor oriental.
1/ Les chiffres de production sont arrondis

3.2 Perspectives immédiates pour les disponibilités alimentaires (décembre 1999 - mars 2000)

Pour la campagne agricole et la campagne de commercialisation de 1999-2000 (avril/mars), les ressources alimentaires nationales auraient normalement dû être surtout fournies par le maïs et le riz de la récolte principale et de la récolte secondaire ainsi que par les tubercules, les haricots, les pois et les légumes. La situation étant restée, dans une large mesure, relativement normale jusqu'au référendum du 30 août, il est vraisemblable que ces cultures avaient déjà été récoltées et consommées à cette date et que des stocks avaient été mis de côté pour l'alimentation et les semences. Entre la fin août et la récolte de maïs de mars, les stocks accumulés par les ménages et les institutions (Bulog) ont probablement constitué la principale source de céréales, un petit complément ayant été fourni par la production de la deuxième campagne.

Pour évaluer le niveau des stocks de maïs et de riz (aide alimentaire non comprise), disponibles au début décembre, la mission a donc utilisé une estimation de la production totale de 1999, ajustée en tenant compte des pertes après récolte, des semences, de la consommation, des ventes et des pertes subies pendant les troubles. Sur cette base, elle a estimé que les stocks existant après les troubles seraient concentrés dans l'importante région productrice de Viqueque (voir tableau 2) où les destructions ont été relativement limitées, mais qu'ils seraient peu abondants à Bobanaro, la principale région productrice du territoire, où la violence a durement sévi. Le tableau 3 présente une estimation des stocks disponibles (aide alimentaire non comprise).

Tableau 3. Timor oriental: Estimation des stocks de céréales au 1er décembre 1999 (aide alimentaire non comprise)

  Production
(en tonnes)
Population Consommation1/ Stocks2/
     Maïs        Riz       Total     Maïs Riz Maïs (prévus) Riz (prévus)
Maïs (actuels) Riz (actuels)
Covalima 17 000 3 250 20 250 60 839 5 355 1 971 11 645 1 279    
Ainaro 4 200 1 040 5 240 51 082 4 496 1 655 -296 -615    
Manufahi 5 000 1 398 6 398 43 419 3 822 1 407 1 178 -9    
Viqueque 13 300 10 205 23 505 64 627 5 688 2 094 7 612 8 111 5 700 4 200
Lautem 8 000 2 015 10 015 52 487 4 620 1 700 3 380 315    
Baucau 13 700 7 735 21 435 93 551 8 234 3 031 5 466 4 704 300  
Manatutu 4 000 3 055 7 055 39 674 3 492 1 285 508 1 770    
Dili 1 900 130 2 030 156 488 13 774 5 069 -11 874 -4 939    
Aileu 10 200 1 105 11 305 34 922 3 074 1 131 7 126 -26 400  
Liquica 4 800 325 5 125 55 580 4 892 1 800 -92 -1 475    
Ermera 6 000 2 113 8 113 90 795 7 992 2 941 -1 992 -829    
Bobonaro 28 700 9 750 38 450 86 933 7 652 2 816 21 048 6 934 900  
Ambeno 8 700 3 283 11 983 57 289 5 042 1 856 3 658 1 427    
Total 125 500 45 403 170 903 887 686 78 132 28 756 47 368 16 647 7 300 4 200

1/ Consommation calculée sur la base de 367 et 135 grammes par habitant et par jour respectivement pour le maïs et le riz pendant 240 jours.(d'avril à novembre 1999).
2/ Les stocks prévus correspondent à l'estimation des quantités disponibles en incluant les ventes mais pas les destructions survenues pendant les troubles. Les stocks actuels (décembre) ont été calculés en ajustant les montants des stocks prévus pour tenir compte des pertes subies pendant les troubles. Un chiffre négatif indique qu'une région accuse un déficit, normalement comblé par les échanges commerciaux.

En outre, le Timor oriental a reçu une grande quantité d'aide alimentaire internationale, principalement par l'entremise du PAM, du CICR et de CARE. On estime que 3 700 tonnes de maïs et 4 600 tonnes de riz étaient disponibles au début décembre. Entre décembre et mars, 15 000 tonnes de maïs et 9 900 tonnes de riz devraient encore être livrées.

Le manioc et la patate douce constitueront aussi une source précieuse de nourriture au cours des quatre prochains mois. Pour en tenir compte, une estimation de l'équivalent céréales de leur production (calculée sur la base des chiffres de l'année entière) a également été incluse dans le bilan de la période décembre-mars.

Pour évaluer les besoins alimentaires au cours des quatre prochains mois, la mission a utilisé les normes de consommation historiques de maïs et de riz décortiqué établies sur la base des données concernant la production moyenne et les disponibilités. La consommation moyenne (1992 -1997) de maïs étant estimée à environ 367 grammes par habitant et par jour et celle de riz à 135 grammes, la consommation totale de céréales se monterait à 502 grammes par habitant et par jour, soit approximativement 10 pour cent de plus que le niveau minimum recommandé de 450 grammes dans un régime alimentaire quotidien de 2 100 Kcal. Le manioc et les autres tubercules pourraient toutefois constituer des sources d'énergie supplémentaires.

3.3 Bilan des disponibilités et de la demande de denrées alimentaires, décembre 1999 - mars 2000

Compte tenu des indications données au point 3.2 et des estimations relatives à la consommation et aux autres besoins, le bilan pour la période décembre 1999-mars 2000 a été établi sur la base des éléments suivants:

Le bilan céréalier est présenté au tableau 4.

Tableau 4. Timor oriental: Bilan céréalier (décembre 1999 - mars 2000) - en tonnes.

  Maïs Riz Total
Disponibilités totales 12 500 6 500 19 000
Stocks initiaux 7 300 4 200 11 500
Production de la deuxième campagne 1 500 1 000 2 500
Manioc et tubercules 1/ 3 700 1 300 5 000
Utilisations totales 41 400 15 300 56 700
Besoins alimentaires 2/ 33 000 12 200 45 200
Stocks en fin de période 3/ 8 400 3 100 11 500
Déficit 28 900 8 800 37 700
-Stocks d'aide alimentaire disponibles sur place 3 700 4 600 8 300
- Aide alimentaire (en cours d'acheminement) 15 000 9 900 24 900
Déficit non couvert/excédent 4/ (10 200) 5 700 (4 500)

1/ En équivalent céréales réparti proportionnellement à l'importance relative du maïs et du riz dans le régime alimentaire.
2/ Maïs: 367 grammes par habitant par jour et riz: 135 grammes par habitant et par jour pendant 120 jours. Les chiffres arrondis.
3/ Y compris les stocks pour imprévus et les stocks d'urgence (maïs et riz) pour 30 jours calculés sur la base des besoins quotidiens par habitant. Les chiffres sont arrondis.
4/ Les chiffres placés entre parenthèses indiquent un déficit. Les chiffres sont arrondis.

3.4 Perspectives pour la production alimentaire en 2000

La période actuelle correspondant au début du cycle cultural, surtout consacré à la préparation de la terre et aux semis, toute prévision concernant la production de l'année prochaine ne peut être que provisoire. D'éventuels problèmes météorologiques et d'autres événements imprévus pourraient fort bien entraîner des changements. Toutefois, en plus des incertitudes normales, le cycle agricole a été perturbé cette année par des événements qui auront diverses répercussions. En ce qui concerne les principales cultures, la situation est la suivante:

Maïs

Riz

La production des autres cultures ne devrait pas connaître de difficultés importantes et, en fait, la mission a noté une nette augmentation de la distribution commerciale de tubercules et de légumes au cours des dernières semaines, ce qui donne à penser que ces cultures n'ont guère été touchées et représenteront une source importante de nourriture pendant les prochains mois.

En s'appuyant sur les facteurs ci-dessus - le taux de retour de la population, la distribution des semences, la disponibilité d'animaux de trait, etc. - et en tenant compte du potentiel de chaque zone, la mission prévoit provisoirement que la production de maïs atteindra approximativement 90 000 tonnes de maïs (70 pour cent du potentiel) l'année prochaine, et celle de riz décortiqué 36 000 tonnes (environ 80 pour cent du potentiel). La production céréalière totale se monterait donc à quelque 125 000 tonnes l'année prochaine. Il faut toutefois répéter que ces chiffres sont provisoires et qu'il sera nécessaire de réévaluer la situation en avril ou mai prochain au moment de la récolte du maïs et de la maturation du riz. Le tableau 5 présente les prévisions concernant la production céréalière.

Tableau 5. Timor oriental: Production de maïs et de riz prévue en 2000/2001 (en tonnes)

  Maïs Riz (décortiqué) Total
  Potentielle prévue potentielle prévue potentielle Prévue
Covalima 17 000 4 298 3 250 2 600 20 250 6 898
Ainaro 4 200 3 136 1 040 832 5 240 3 968
Manufahi 5 000 4 689 1 398 1 118 6 398 5 807
Viqueque 13 300 13 358 10 205 8 164 23 505 21 522
Lautem 8 000 10 096 2 015 1 612 10 015 11 708
Baucau 13 700 9 299 7 735 6 188 21 435 15 487
Manatutu 4 000 3 666 3 055 2 444 7 055 6 110
Dili 1 900 1 685 130 104 2 030 1 789
Aileu 10 200 9 412 1 105 884 11 305 10 296
Liquica 4 800 1 894 325 260 5 125 2 154
Ermera 6 000 4 850 2 113 1 690 8 113 6 540
Bobonaro 28 700 17 054 9 750 7 800 38 450 24 854
Ambeno 8 700 5 011 3 283 2 626 11 983 7 637
Total 125 500 88 449 45 403 36 322 170 903 124 771

3.5 Les cultures et les disponibilités de denrées alimentaires dans les régions

La situation ayant varié considérablement dans le Timor oriental, de même que l'ampleur des dégâts, on trouvera ci-dessous de brèves indications sur les cultures et les disponibilités de denrées alimentaires dans les différentes régions.

Lautem, le district situé à l'extrémité est du territoire, a une population normale d'environ 52 000 habitants. Vu les faibles rendements que permettent les méthodes de culture, ce district est traditionnellement un des plus pauvres du Timor oriental, bien qu'on y trouve des plaines très fertiles. Le niveau général de mécanisation et d'utilisation d'intrants est extrêmement faible, sauf dans quelques secteurs où des programmes de développement ont été mis en _uvre. On y cultive principalement le maïs, mais aussi un peu de riz au voisinage de la ville de Lautem. La zone comprise entre Lautem, Com et Los Palos a été durement touchée par les destructions et les pertes de stocks de denrées alimentaires et de semences, et de nombreux buffles et autres bovins ont été tués. La plupart des personnes déplacées sont revenues, et le maïs a pu être semé à temps grâce aux réserves existantes et à un système efficace de distribution des semences. Des livraisons de semences seront toutefois nécessaires pour la plantation de riz dans la région de Lautem.

Baucau a une population normale d'environ 93 000 personnes; on y cultive surtout le riz et, dans une moindre mesure, le maïs. Ce district est un important producteur de denrées alimentaires. Les destructions et les déportations y ont été relativement plus faibles qu'ailleurs. Malgré la faible quantité de semences disponible, le maïs a pu être semé à temps en altitude. La production de riz subira cependant les conséquences d'une pénurie chronique de traction animale et motorisée.

Viqueque a une population normale de 64 000 personnes; la production de riz et de maïs y est excédentaire. Certains villages ont subi des dégâts, mais les principales zones productrices au voisinage d'Uatulary, Uatucarabo et Viqueque n'ont guère été touchées. Le riz a surtout été récolté en novembre, et la mission n'a constaté aucune difficulté majeure concernant la disponibilité de riz et de maïs. Le principal problème sera la remise en état des rizeries et des réseaux de transport pour commercialiser les excédents de maïs et de riz. Outre les cultures vivrières, on y trouve aussi de vastes plantations de cocotiers dans la région côtière. À Uatulary, des semences de riz produites localement sont en cours d'acquisition en vue de leur redistribution dans les districts sinistrés.

Manatutu compte normalement 39 000 habitants et comprend trois zones écologiques principales: la zone côtière sèche du nord, les hautes terres et la région côtière humide du sud. Les régions septentrionales ont été les plus durement touchées par les dégâts et les destructions, surtout autour de la ville de Manatutu, et la plus grande partie de la population a été déportée. Les autres secteurs ont moins souffert, et les importantes zones productrices voisines de Natarbura dans le sud n'ont subi que peu de dégâts. La plupart des personnes déplacées sont revenues, et les perspectives de retour à la normale sont favorables pour l'agriculture, sauf dans le nord, où les semences manquent encore et où la pénurie de traction pour la préparation des terres pourrait entraver la culture du riz.

Le district de Dili n'est pas une zone agricole importante et, en temps normal, a recours à l'importation de denrées provenant de districts excédentaires. La population rurale de Dare, Marabia et Balibar a semé le maïs en temps voulu. Toutefois, dans l'est, Metirano et Hera ont été durement touchées et ont donc bénéficié d'une aide fournie sous forme d'outils agricoles et de semences de maïs. Sur l'île d'Atauro, l'agriculture et la pêche n'ont, dans l'ensemble, pas été touchées par les actes de violence.

Aileu a une population normale de 35 000 habitants et produit du maïs, du riz et un peu de café. Les infrastructures et les logements ont surtout été endommagés dans la zone environnant le chef-lieu et ont subi moins de dégâts dans les zones rurales situées à l'écart des routes. Le nombre de personnes déplacées a varié d'un endroit à l'autre, mais la majorité des résidents urbains et ruraux sont maintenant revenus. Le café n'a pas été touché, et les semis de maïs ont atteint actuellement un niveau acceptable. Comme dans d'autres districts, le manque de traction posera des problèmes pour la préparation des terres pour le riz.

Manufahi, qui comptait 43 000 habitants, produit principalement du maïs ainsi qu'un peu de riz et de café. Les zones voisines de Same ont été durement touchées par la destruction généralisée des maisons, de l'infrastructure agricole et de l'outillage. De ce fait, la plupart des agriculteurs se sont réfugiés dans les hautes terres et, à Betano, de nombreuses personnes ont été déportées au Timor occidental. Dans les régions plus hautes proches de Manufahi et de Turiscay, l'agriculture a été relativement peu perturbée. La majorité de la population est maintenant revenue, et, malgré le peu de semences disponibles antérieurement, les semis du maïs sont bien avancés, et la récolte de café paraît prometteuse.

Ermera avait plus de 90 000 habitants, dont 80 pour cent sont revenus. On y produit du riz et du maïs, mais la principale culture est le café. Les infrastructures ont été fortement endommagées à Gleno et Ermera. Les semis de maïs se sont terminés presque partout en temps voulu. Il y a, dans les villages, des stocks de café relativement importants provenant de la récolte précédente; ils pourront être commercialisés dès que les conditions seront plus favorables. Dans l'ensemble, les perspectives sont bonnes pour la prochaine récolte.

Ainaro, qui avait une population de 51 000 personnes, produit surtout du maïs ainsi qu'un peu de riz et de café. Dans les hautes terres, plusieurs produits horticoles de valeur élevée sont cultivés (pommes de terre, carottes, haricots et choux). Les dégâts et les déplacements de populations ont durement frappé le chef-lieu, Ainaro, et les sous-districts de Dare et Aitutu, surtout le long de la route d'Ainaro, mais ont été de faible ampleur dans le reste du district. Dans les zones touchées, la population n'a pu revenir que quand le sol était déjà trop humide pour les semis, ce qui pourrait favoriser les maladies fongiques. De ce fait, les semis de maïs sont inférieurs à la normale.

Liquisa comptait 55 000 habitants. Ce district produit peu de denrées alimentaires mais, comme Ermera, beaucoup de café. Les villes de Liquica, Maubara et Bazartete ont été durement frappées. Néanmoins, les cultures vivrières ne s'en ressentiront guère, étant donné qu'elles sont surtout produites dans les sols fertiles d'une altitude supérieure à 500 m. Dans les zones les plus hautes, selon les endroits, il y a eu très peu de dégâts ou, au contraire, de grands déplacements de populations et une perturbation totale des activités (autour de Leotela et Vatovou). On signale actuellement le retour de 40 pour cent seulement de la population, ce qui aura des répercussions sur la production vivrière au cours de la campagne agricole actuelle.

Bobonaro, qui comptait 87 000 habitants, est le principal district producteur de riz et de maïs du Timor oriental. La milice y était solidement implantée, et la région a subi des dégâts, des perturbations et des déplacements de populations très importants, surtout dans le sous-district de Maliana, où les infrastructures ont été presque totalement détruites. La plupart des habitants se sont réfugiés dans les collines ou ont été déplacés au Timor occidental. À l'heure actuelle, on estime que 60 pour cent d'entre eux sont de retour. Les agriculteurs revenus avant décembre ont pu semer le maïs en utilisant les semences disponibles dans les stocks restants ou distribuées dans le cadre des opérations de secours. L'année prochaine, la production totale de maïs sera néanmoins bien inférieure à la normale à cause de la diminution des superficies ensemencées. Il devrait en être de même pour le riz à cause du manque de traction pour la préparation des terres et de la réduction des superficies ensemencées qui en découle. On s'attend toutefois à ce que les agriculteurs revenus trop tard pour semer le maïs se concentrent sur la culture du riz pour améliorer la sécurité alimentaire des ménages, ce qui pourrait compenser dans une certaine mesure la diminution prévue des superficies cultivées en riz.

L'enclave d'Ambeno avait 57 000 habitants. La violence y a sévi pratiquement sans faiblir de la fin août à l'arrivée des troupes d'INTERFET; il n'y restait plus alors que 3 000 personnes. À l'heure actuelle, 60 pour cent des habitants sont revenus, et le rapatriement continue. On y produit surtout du riz, mais aussi des quantités importantes de maïs, la culture dominante variant d'un endroit à l'autre. Il ne restait probablement aucun stock de semences, mais de nombreuses personnes revenant du Timor occidental ont rapporté des quantités importantes de maïs et de riz qui pourraient être utilisées pour les semis. En outre, des stocks de céréales ont été trouvés dans des villages abandonnés mais non détruits ou en possession de certains groupes qui s'étaient réfugiés dans l'enclave. Les quantités de semences disponibles sont toutefois beaucoup trop faibles, et les opérations de secours et de distribution sont en train d'y remédier. La production totale de maïs subira le contrecoup du retour tardif des cultivateurs qui ne seront pas là au moment le plus approprié pour les semis. Cela pourrait être partiellement compensé par le fait que la saison des pluies est en retard, ce qui permettra d'effectuer les semis après la date normale, et que les semences distribuées sont surtout celles de variétés à haut rendement. Comme dans les autres zones de production, le manque de traction pour la préparation des terres constituera probablement un handicap pour la culture du riz. Toutefois, comme ailleurs, les habitants rentrant trop tard pour semer le maïs devraient se tourner vers le riz, ce qui compenserait partiellement la baisse de production et augmenterait la sécurité alimentaire des ménages.

Covalima avait 60 000 habitants. Début novembre, il n'en restait plus que 15 000. On estime actuellement qu'un tiers seulement d'entre eux sont revenus, mais ils devraient être rejoints par beaucoup d'autres d'ici peu. Ce district est un important producteur de maïs, mais on y cultive aussi un peu de riz. Là encore, l'arrivée tardive des agriculteurs déplacés pourrait avoir de graves répercussions sur la production de maïs. Plusieurs facteurs pourraient cependant compenser la réduction éventuelle des semis: les graines distribuées dans le cadre des opérations de secours ont été traitées avec des fongicides pour protéger les plants dès le début de leur croissance et elles appartiennent à des variétés améliorées qui devraient donner des rendements plus élevés; en outre, Covalima a l'avantage d'avoir deux campagnes agricoles (novembre-mars et avril-mai).

3.6 État nutritionnel

On sait qu'il y a des poches de sous-alimentation dans le Timor oriental, mais l'information à ce sujet est rare. Au cours de l'année écoulée, les problèmes concernant la disponibilité de denrées alimentaires ont été fortement aggravés par la sécheresse occasionnée par El Niño, qui a eu de graves répercussions sur la production alimentaire en 1998, et par la crise financière asiatique, qui a entraîné d'énormes hausses des prix. À la connaissance de la mission, aucune enquête sur la sous-alimentation couvrant l'ensemble du territoire n'a été effectuée récemment. En janvier 1999, le CIRC a réalisé une enquête nutritionnelle dans 15 villages et six districts en utilisant le « bâton de QUAC »5, qui permet normalement d'identifier davantage de cas que la méthode traditionnelle basée sur le poids et l'âge. D'après les résultats obtenus, 51 pour cent des enfants souffraient d'une carence protéique modérée ou grave . Il faut replacer ce pourcentage élevé dans son contexte en tenant compte du fait que l'enquête a eu lieu pendant la période de soudure et qu'on sait depuis toujours que la région où elle a eu lieu contient des poches de sous-alimentation dues vraisemblablement à des facteurs socio-économiques plutôt qu'à l'insécurité alimentaire. Ce chiffre révèle toutefois une incidence saisonnière de la sous-alimentation pendant la période de soudure.

On connaissait la faiblesse de la structure sanitaire, et la situation a encore empiré à la suite des incidents récents (pillage et incendie de nombreuses installations médicales). Il y a une pénurie générale de personnel, et les employés ne reçoivent pas leurs salaires. Le CIRC et d'autres ONG ont recommencé à fournir des services hospitaliers à Liquica, Maliana, Dili, Baucau, Los Palos et Suai. La détérioration de la situation sanitaire et des conditions de logement de la population (en particulier dans les zones urbaines) pourrait favoriser une aggravation de la sous-alimentation.

3.7 Analyse de vulnérabilité

On peut définir la vulnérabilité dans le Timor oriental en fonction de la situation géographique ou de l'appartenance à certains groupes. La détermination de la vulnérabilité géographique est fondée directement sur le degré de destruction des infrastructures publiques et privées, ainsi que sur la présence de marchés communautaires et sur les indicateurs de référence concernant la pauvreté.

On peut identifier aussi les groupes vulnérables sur la base des méthodes qu'ils utilisent traditionnellement pour obtenir les denrées alimentaires de base.

3.7.1 Matrice de vulnérabilité géographique

Pour déterminer l'emplacement des zones vulnérables et leur degré de vulnérabilité, la mission a mis au point une matrice de vulnérabilité en utilisant principalement les paramètres suivants:

i) Estimation du niveau de pauvreté des ménages: En 1998, le gouvernement indonésien a annoncé un programme national de sécurité alimentaire destiné à aider les ménages nécessiteux. Le nombre de personnes devant en bénéficier au Timor oriental était évalué à 95 720, soit 56 pour cent de la population totale. Dans le cadre des « opérations spéciales de marché » prévues au titre de ce programme, BULOG devait fournir aux ménages 10 kg de riz par mois à un prix subventionné de 1 000 rph/kg. Les ménages nécessiteux étaient identifiés en fonction d'indicateurs socio-économiques tels que l'accès à un emploi, les biens possédés par le ménage, la santé, l'éducation6 (BKKBN, 1998). La définition de la pauvreté adoptée par le gouvernement de l'Indonésie ne concorde pas nécessairement avec celle de l'insécurité alimentaire en ce qui concerne, par exemple, les ménages agricoles pauvres qui produisent assez de denrées alimentaires pour subvenir à leurs besoins, mais les chiffres correspondants fournissent une référence concernant le niveau global de vulnérabilité de chaque région.

ii) Existence de marchés et répercussions des troubles civils sur l'économie locale: L'existence de marchés ne révèle pas seulement la disponibilité de denrées alimentaires, qu'elles soient produites localement ou importées, mais également un niveau minimal de pouvoir d'achat. Cet indicateur deviendra encore plus critique quand les populations seront revenues, que les marchés se seront mis en place et que les gens auront repris leurs activités professionnelles. Des études de marché portant sur la disponibilité d'une variété de produits alimentaires (et non alimentaires) en même temps que sur les fluctuations des prix serviront à déterminer le retour relatif à la normale des économies locales. Le commerce des céréales est actuellement extrêmement limité dans l'ensemble du pays. Les principaux articles qu'on trouve dans les marchés sont des légumes, des fruits, du sel, du sucre, du benzène et des fournitures ménagères de base.

iii) Niveau de destruction: Les destructions les plus graves ont été principalement commises le long des axes routiers et dans des installations essentielles, notamment dans les localités portuaires. Dans l'ouest du Timor oriental, les miliciens battant en retraite ont détruit systématiquement les infrastructures publiques et privées. Les villages éloignés ont été relativement épargnés, mais l'insécurité alimentaire y est d'autant plus accentuée par leur éloignement et leur manque d'accès aux marchés. Dans les zones touchées directement par les incendies et le pillage, les stocks de denrées alimentaires, les semences et les moyens de production comme le bétail et les véhicules ont aussi été détruits en grande partie, ce qui contribue directement à une augmentation de l'insécurité alimentaire.

iv) Degré de vulnérabilité géographique: L'indice composite de vulnérabilité géographique est la moyenne pondérée des indicateurs mentionnés ci-dessus.

Le tableau 6 donne un aperçu de la vulnérabilité relative des différents districts en fonction des paramètres énumérés ci-dessus.

Tableau 6: Matrice de vulnérabilité géographique pour le Timor oriental

Districts Référence:7
niveau de pauvreté avant le référendum
Existence de marchés Impact sur l'économie locale Niveau de destruction Degré de vulnérabilité géogra-phique
Aileu faible oui faible moyen faible
Ainaro faible non moyen moyen moyen
Baucau moyen oui faible faible faible
Bobonaro moyen oui élevé elevé élevé
Covalima faible non élevé elevé élevé
Dili faible oui moyen moyen moyen
Ermera moyen oui moyen moyen moyen
Lautem élevé oui moyen moyen moyen
Liquica moyen oui moyen elevé moyen
Manatuto élevé oui faible faible moyen
Manufahi faible non moyen moyen faible
Oecussi (enclave) moyen non élevé elevé élevé
Viqueque élevé oui faible faible moyen

3.7.2 Groupes vulnérables

Il y a deux catégories principales de populations vulnérables au Timor oriental. Les premières ont tous les attributs traditionnellement associés à la vulnérabilité; ce sont notamment les familles monoparentales, les orphelins, les personnes handicapées, les personnes âgées ou malades, les femmes enceintes ou allaitantes et les minorités. Vu les répercussions immédiates du retrait du gouvernement de l'Indonésie (source d'emploi) et l'écroulement du secteur commercial, on voit apparaître de « nouveaux » groupes vulnérables composés de petits employés des secteurs public et privé. Les membres de ces groupes sont sans emploi, n'ont pas accès à la terre et ne possèdent aucun lien traditionnel avec l'agriculture.

3.8 Mécanismes d'adaptation

Après le retrait des forces et de l'administration indonésiennes, l'appui gouvernemental dont bénéficiaient les habitants du Timor oriental - y compris le soutien fourni par les fonctionnaires, les services publics, l'importation et la vente de riz subventionné (entre 3 000 et 4 000 tonnes par mois) et d'autres mesures de protection sociale - ne leur est plus fourni, et la mise en place d'un système équivalent prendra un temps considérable. Ils ont toutefois appris au fil du temps à faire face à de telles situations à cause des difficultés qu'ils ont connues à de nombreuses reprises dans le passé en ce qui concerne la sécurité alimentaire, y compris des catastrophes environnementales et autres de nature complexe. Des événements tels que les sécheresses ont incité la population à diversifier sa production agricole et, même dans les zones urbaines, à se doter de jardins familiaux. Ces traditions ont pour objet de réduire les risques de pénuries alimentaires plutôt que d'optimiser la productivité et la production globale. De ce fait, les investissements dans des technologies permettant, par exemple, d'améliorer les rendements, qui pourraient renforcer la sécurité alimentaire à long terme, sont restés extrêmement faibles.

Les habitants du Timor oriental possèdent aujourd'hui une forte tradition de résistance et d'adaptation aux événements. Par exemple, quand survenaient des troubles politiques ou civils, ils se réfugiaient dans les collines et les montagnes pendant de longues périodes et parvenaient à s'alimenter avec ce qu'ils trouvaient dans la forêt et sur les collines. Après les troubles de cette année, la population a fait face au problème en se nourrissant de plantes sauvages ou de tubercules (manioc, igname, taro, feuilles et fruits). En outre, les familles qui avaient prévu le cours qu'allaient prendre les événements ont non seulement entreposé des denrées alimentaires et des semences dans des endroits stratégiques, mais les ont même emportées dans les montagnes ou les collines.

Quand la mission s'est rendue sur place à la fin du mois de novembre, les producteurs avaient recommencé à vendre des fruits et des légumes, et la vente de viande avait également repris progressivement. Vu les pénuries généralisées, les prix de la plupart des denrées alimentaires sont inévitablement beaucoup plus élevés qu'auparavant, même s'ils ont, dans l'ensemble, commencé à diminuer quelque peu au fur et à mesure que les activités commerciales redevenaient normales. Toutefois, une grande partie des ménages d'agriculteurs ont consommé directement les denrées produites par eux au lieu de les vendre et ont eu recours également à l'aide alimentaire fournie par les organismes internationaux. En outre, certaines familles stockent l'aide alimentaire qu'elles reçoivent pour parer aux imprévus.

Rien ne permet d'affirmer que beaucoup de gens mettent en vente les moyens de production éventuellement encore en leur possession pour faire face à la situation actuelle. Il faudrait toutefois suivre cela de près, étant donné l'augmentation du pouvoir d'achat des membres de certains groupes, notamment parmi les rapatriés. Néanmoins, avec la reprise du commerce intérieur, les ménages les plus pauvres en seront peut-être réduits à vendre leurs dernières possessions pour pouvoir s'alimenter et satisfaire leurs besoins fondamentaux. Certaines familles avaient déjà prévu ce qui allait se passer et, avant le référendum, avaient vendu du maïs, du bétail, du café et d'autres biens pour avoir le plus possible d'argent liquide, plus facile à transporter.

Un autre moyen important de surmonter les difficultés est le recours aux mécanismes d'échange existant dans une société qui privilégie le partage de toutes les denrées alimentaires disponibles, système surtout fréquent dans les communautés rurales.

Les méthodes utilisées, plus particulièrement dans le secteur agricole, varient d'une région à l'autre: par exemple, dans les régions côtières du nord (Oecussi, Liquica, Dili, Baucau, Manatuto), la noix de coco joue un rôle important à la fois comme source de revenu et comme nourriture et, face aux pénuries alimentaires, les gens cherchent de quoi manger dans les collines et les forêts. D'autre part, dans les zones montagneuses (Ermera, Aileu, Ainaro, Maliana), le café est une importante culture de rapport. La mission a constaté qu'il en reste actuellement une quantité raisonnable qui n'a pas été vendue. La population locale cherche également de la nourriture dans les collines et les forêts avoisinantes. Dans les zones côtières du sud (Covalima, Suai, Same, Viqueque, Manuhafi), le sagou fourni par le talipot est une importante source traditionnelle d'aliment pendant les périodes de soudure, mais il n'a qu'une faible valeur nutritive.

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4 OPÉRATIONS D'URGENCE ET AIDE ALIMENTAIRE

4.1 Opérations d'urgence du PAM

Après l'arrivée de la force internationale de maintien de la paix au Timor oriental le 23 septembre, le PAM (au titre de l'opération d'urgence EMOP 6175) a commencé dans les deux jours à parachuter des biscuits à forte teneur en protéine et des rations quotidiennes humanitaires aux personnes déplacées qui avaient trouvé refuge dans les hautes terres du centre. En octobre, la sécurité s'était améliorée et il était devenu possible d'entrer en contact avec les personnes déplacées qui rentraient chez elles; 2 700 tonnes d'aide alimentaire ont alors pu être acheminées par convoi terrestre et par hélicoptère aux groupes sur le chemin du retour. L'EMOP 6175 a pris fin en novembre et a été suivie d'EMOP 6177, qui a duré six mois. En outre, à partir de novembre, le nombre de points de livraison et de distributions a été augmenté, et on a utilisé davantage de camions ainsi que des péniches pour desservir les zones côtières du sud. En novembre, le PAM a livré 4 900 tonnes de céréales. Différents modes de distribution ont été employés: rations humanitaires pour les rapatriés, distributions générales, vivres-contre-travail, protection des semences et livraison aux hôpitaux et aux orphelinats. Le tableau 7 donne plus de détails à ce sujet.

Tableau 7: Timor oriental: Livraison d'aide alimentaire (EMOP 6175 et 6177)

Mois Céréales
(en tonnes)
Aliments prêts
à consommer
(en tonnes)
Bénéficiaires
Septembre (23-30) 150 200 123 000
Octobre 2 750 40 275 000
Novembre 4 900 20 486 000
Total - Céréales 7 800 260  
Total - Aide alimentaire 8 880 1    

1 Y compris les légumineuses et l'huile.

L'estimation initiale du nombre de bénéficiaires d'EMOP 6177 était de 413 000 personnes, dont la moitié devait recevoir des rations complètes et l'autre moitié des demi-rations; il y avait en outre quelque 58 000 personnes appartenant aux groupes vulnérables qui devaient recevoir des rations supplémentaires d'aliments mélangés. Le nombre de bénéficiaires prévu a été atteint en novembre, mais il était calculé sur la base d'une ration de 10 kg de céréale pour une période de 25 jours, et le nombre de personnes recevant des rations complètes a donc été plus élevé.

Maintenant que la population retrouve sa stabilité et que les gens peuvent reprendre leurs activités normales, un ciblage davantage axé sur des critères géographiques et communautaires devrait se traduire par une diminution du nombre de personnes recevant des rations complètes.

Vu l'ampleur des destructions et des perturbations subies par l'économie et l'agriculture, une aide alimentaire sera essentielle au cours des quatre prochains mois pour maintenir l'état nutritionnel, parer aux imprévus et éviter que les gens ne continuent à se défaire de leurs possessions. La distribution générale de vivres devra ensuite laisser la place à des programmes d'aide alimentaire ciblés destinés aux groupes vulnérables. En plus des stratégies mises en _uvre dans le cadre d'EMOP 6177, les méthodes suivantes de distribution d'aide alimentaire sont recommandées:

4.2 Ciblage de l'aide alimentaire

Le ciblage géographique de l'aide alimentaire et l'identification des groupes vulnérables devant en bénéficier doivent être effectués en coordination avec les partenaires locaux comme le CNRT, les autorités religieuses, etc. Il faut veiller à assurer la plus grande transparence possible étant donné le risque que des ménages ne nécessitant pas une aide extérieure en bénéficient indûment. Il est indispensable, à cet égard, que le programme prévoie des modifications éventuelles de la composition des rations ou de l'assortiment de vivres fournis aux bénéficiaires. En outre, il faudra envisager de cibler certaines minorités politiques et religieuses qui sont actuellement tenues à l'écart du processus de prise de décision et dont la sécurité alimentaire est, de ce fait, de plus en plus précaire maintenant que leurs membres commencent à revenir du Timor occidental. Une coopération étroite avec le programme de réconciliation de l'UNTAET sera nécessaire pour régler ce problème complexe.

Ce sont toutefois les districts les plus vulnérables de Bobonaro, Covalima et Oecussi qui devront bénéficier de rations complètes dans le cadre des distributions générales de vivres (voir tableau 8). De plus, le programme vivres-contre-travail s'adressera à certains groupes déterminés, tout comme, naturellement, le programme destiné aux rapatriés. Les autres projets cibleront des institutions comme les écoles, les hôpitaux et les orphelinats.

Tableau 8: Nombre de bénéficiaires du 1er décembre 1999 au 31 mars 2000

Vulnérabilité Géographique1/ Distribution générale de vivres Vivres- contre-travail Aide alimentaire aux rapatriés Programme d'alimentation scolaire Hôpitaux et orphelinats Santé
maternelle et infantile
Faible Rien/demi-ration 5 000 bénéficiaires directs + 20 000 bénéficiaires indirects 70 000 50 000 3 000 50 000
Moyenne Demi-ration ou ration complète          
Élevée Ration complète          

1/ Faible =19 % =145 000 personnes/Moyenne=58 %=431 000 personnes /Élevée=23 %=173 000 personnes.
N.B : Le PAM se base sur une population moyenne de 750 000 personnes pendant les quatre mois de cette période.

La répartition de la distribution générale de vivres indiquée au tableau 8 est basée sur la matrice de vulnérabilité géographique (voir tableau 6) en fonction de laquelle sont identifiés les districts vulnérables du territoire. Vu leur niveau élevé de vulnérabilité, les districts de Bobonaro, Covalima et Oecussi pourront bénéficier d'une ration complète. Pour leur part, les districts présentant, d'après la matrice, une vulnérabilité moyenne ou basse recevront, au plus, une demi-ration; (par exemple, dans un district comme Aileu, où la vulnérabilité est faible et où les marchés ont repris leurs activités, aucune distribution générale de vivres ne devrait avoir lieu).

4.3 Logistique

Le manque de capacité logistique au Timor oriental dû au retrait de l'administration indonésienne ayant encore été aggravé par les importants dégâts infligés à une infrastructure déjà limitée, le PAM a pris en main la fourniture et la coordination des biens logistiques (Opération spéciale 6178) et a assumé également la responsabilité des entrepôts de BULOG, utilisés par les Indonésiens pour l'importation, le stockage et la distribution du riz dans l'ensemble du territoire.

Le PAM a mobilisé des hélicoptères, des avions, des péniches de débarquement et des cargos, ainsi que plus de 60 camions pour former la structure de base du transport terrestre au Timor oriental. De plus, il a demandé aux contingents militaires américain, français et australien de mettre des véhicules à sa disposition. Des employés du PAM sont spécialement chargés de coordonner efficacement le transport aérien, terrestre et maritime des denrées alimentaires et d'autres marchandises.

Avec l'arrivée de la saison des pluies, le PAM a dû examiner les stratégies à utiliser pour fournir une aide alimentaire dans les zones difficiles à atteindre par la route. À cette fin, il a évalué les ports, les plages et les entrepôts permettant de desservir des centres de population importants sur les côtes nord (Liquica, Manatuto, Baucau) et sud (Los Palos, Viqueque, Same et Suai), à partir desquels les aliments pourraient être acheminés vers l'intérieur des terres.

Entre le 23 septembre et le 1er décembre, le PAM a transporté plus de 8 880 tonnes d'aide alimentaire par terre, par air et par mer; les quantités transportées ont augmenté progressivement jusqu'à atteindre 5 000 tonnes en novembre. Vu les besoins estimés, ce chiffre se stabilisera vraisemblablement à 4 500 tonnes en décembre, janvier et février, puis diminuera fortement après la récolte du maïs en mars.

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5. MESURES À COURT ET À MOYEN TERME POUR LE REDRESSEMENT DE L'AGRICULTURE

Diverses interventions seront nécessaires au Timor oriental dans le secteur de l'agriculture pour améliorer la productivité et la production vivrière. Il faudrait élaborer des stratégies à long terme incluant notamment la recherche et le développement et le renforcement des possibilités de commercialisation. Dans l'intervalle, plusieurs mesures sont recommandées pour améliorer la sécurité alimentaire à court et à moyen terme, notamment:

Le présent rapport a été établi sous la responsabilité du Secrétariat de la FAO et du PAM à partir d'informations provenant de sources officielles et officieuses. La situation pouvant évoluer rapidement, prière de s'adresser aux soussignés pour tout complément d'information.
Abdur Rashid
Chef, SMIAR FAO
Telex 610181 FAO I
Télécopie: 0039-06-5705-4495
Courrier électronique:
[email protected]
Mme J. Cheng-Hopkins
Directeur régional, OAP, PAM
Telex: 626675 WFP 1
Télécopie: 0039-06-6513-2863
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1 / Les semences entreposées dans les arbres ou ensevelies dans le sol ont constitué une source précieuse d'approvisionnement durant la période qui a suivi les troubles.

2 / L'agriculture a été également épargnée dans une large mesure dans cette zone.

3 Les chiffres sont arrondis.

4 Pour calculer l'équivalent céréales, on divise les quantités de manioc ou de patate douce par 4.

5 C'est un instrument d'utilisation simple qui sert à déterminer l'état nutritionnel en fonction de la mesure de la circonférence du bras et de la taille de la personne.

6 Source: BKKBN: l'organisme indonésien de planification familiale qui fixe les taux de pauvreté.

7 Source: BKKBN, l'organisme indonésien de planification familiale qui fixe les taux de pauvreté.

8 Les fonctionnaires ne devraient recevoir des rations d'appoint de riz que pendant cette période de transition.