SYSTEME MONDIAL D'INFORMATION ET D'ALERTE RAPIDE SUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE DE LA FAO
PROGRAMME ALIMENTAIRE MONDIAL

RAPPORT SPÉCIAL

MISSION FAO/PAM D'ÉVALUATION DES RÉCOLTES ET DES APPROVISIONNEMENTS ALIMENTAIRES AU TADJIKISTAN

7 août 2001

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Points saillants

  • Le Tadjikistan est confronté pour la deuxième année consécutive à un déficit alimentaire grave résultant de conditions climatiques défavorables qui ont exacerbé les problèmes structurels et d'une détérioration de la situation du secteur agricole.
  • La production céréalière de 2001 devrait être de 303 000 tonnes, soit une baisse de 15 pour cent par rapport aux estimations révisées de l'année dernière et de 36 pour cent par rapport à la moyenne des cinq dernières années.
  • Les besoins d'importations de céréales pour la campagne de commercialisation 2001/2002 sont estimés à 784 000 tonnes. Le volume prévu d'importations commerciales étant de 400 000 tonnes et l'aide alimentaire annoncée se montant à 43 000 tonnes, il reste un déficit non couvert de 341 000 tonnes.
  • Il est recommandé de fournir, entre octobre 2001 et juin 2002, une aide alimentaire ciblée, comprenant quelque 90 500 tonnes d'aide alimentaire d'urgence, à environ 1 million de personnes vulnérables, en particulier celles qui vivent dans les zones frontalières éloignées et dans les régions montagneuses.
  • Une aide d'urgence est nécessaire pour la remise en état de l'infrastructure d'irrigation qui se délabre, l'entretien et la rénovation de l'équipement agricole, la production et l'achat de semences de céréales de qualité satisfaisante et la mise en place d'un système de financement rural adéquat. Si de telles mesures ne sont pas prises, la baisse de la production agricole se poursuivra vraisemblablement, quelles que soient les conditions climatiques.

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1. APERÇU GÉNÉRAL

La production de céréales, en particulier de blé, diminue régulièrement au Tadjikistan depuis le plafond atteint en 1997. La sécheresse de l'année dernière a eu de fortes répercussions sur le secteur agricole déjà fragile du pays, qui a connu de graves problèmes structurels dus en partie aux troubles civils et à l'instabilité politique du milieu des années 1990. En outre, la pénurie de ressources financières et techniques a également entraîné une paralysie presque totale des systèmes d'irrigation du pays, des industries de transformation des produits agricoles, de la production d'intrants agricoles et des unités d'approvisionnement, ainsi qu'une grave détérioration des machines et de l'équipement agricoles. La diminution des précipitations en 2000/2001 a rendu la situation encore plus défavorable dans ce secteur. C'est dans ce contexte que le gouvernement du Tadjikistan a demandé à la FAO et au PAM de l'aider à examiner la situation actuelle et les perspectives du pays en matière d'alimentation pour la campagne de commercialisation 2001/2002. Une mission FAO/PAM d'évaluation des récoltes et des approvisionnements alimentaires s'y est donc rendue du 19 juin au 3 juillet pour estimer la récolte céréalière de 2001 et les besoins en importations de céréales, y compris les besoins d'aide alimentaire et agricole, pour la campagne de commercialisation 2001/2002.

La mission a visité 30 des 58 districts composant trois des quatre provinces du pays, dont les zones les plus sinistrées des régions frontalières et des districts montagneux. Elle a eu des entretiens approfondis avec des responsables gouvernementaux aux niveaux central, provincial, de district et local; des responsables et des membres d'exploitations collectives (kolkhozes) et de fermes d'État (sovkhozes); des agriculteurs privés (dehkan); et le personnel d'institutions du système des Nations Unies et d'ONG. La mission a également mis à profit une enquête de pré-évaluation réalisée par le bureau du PAM. Les estimations et prévisions concernant la superficie et le rendement qui figurent dans le présent rapport reflètent les renseignements obtenus lors de ces discussions ainsi que des observations et analyses de la situation sur le terrain, y compris les conditions météorologiques. Des images de l'indice de végétation d'une résolution de un kilomètre fournies par le satellite SPOT-4, qui montrent la vigueur et l'étendue de la végétation, ont servi à comparer la situation actuelle avec celles des périodes de croissance de ces dernières années.

Au cours de ses longues visites sur le terrain, la mission a noté que les cultures pluviales de blé d'hiver et de blé de printemps (récoltées en juin-juillet) ont donné de très mauvais résultats à plusieurs endroits. Au niveau national, le rendement moyen du blé irrigué est estimé à 1,2 tonne/ha, tandis qu'on prévoit 0,35 tonne/ha pour le blé pluvial. Les rendements des autres cultures secondaires étaient aussi relativement faibles par rapport à l'année précédente. Dans les rivières et les canaux, les niveaux d'eau ont été cette année bien inférieurs aux débits normaux, réduisant fortement les possibilités d'irrigation. Ce problème est encore aggravé par le mauvais état des réseaux d'irrigation et le manque d'équipement agricole opérationnel. Un autre problème est la difficulté à disposer en temps voulu de semences de bonne qualité, d'engrais, de produits agrochimiques, d'électricité et de carburant diesel. Si les problèmes structurels auxquels est actuellement confronté le secteur de l'agriculture ne sont pas résolus dans un avenir immédiat, la production risque de diminuer encore quelles que soient les conditions climatiques. En fait, la réduction des chutes de pluie et de neige pour une deuxième année consécutive n'a fait qu'aggraver les problèmes structurels et techniques déjà graves dont souffre ce secteur.

La mission estime à 303 000 tonnes la production céréalière totale de 2001, soit une baisse de 15 pour cent par rapport aux estimations révisées de 2000 et de 36 pour cent par rapport à la moyenne sur cinq ans. En conséquence, les besoins en importations de céréales pour la campagne de commercialisation 2001/2002 (juillet/juin) sont estimés à 784 000 tonnes. Compte tenu d'un volume prévu d'importations commerciales de 400 000 tonnes et des annonces d'aide alimentaire qui s'élèvent à 43 000 tonnes, le déficit non couvert s'établit à 341 000 tonnes. Si des interventions ciblées de la communauté internationale n'y remédient pas, un déficit d'une telle ampleur pour ce pays appauvri pourrait avoir des conséquences désastreuses, en particulier pour les populations les plus vulnérables qui vivent dans les zones frontalières éloignées non irriguées et dans les régions montagneuses du pays. Les ménages concernés ont déjà épuisé leurs capacités d'adaptation du fait de la situation identique qui a prévalu l'année dernière. Dans ces zones, la mission a observé des cas graves de malnutrition, notamment des enfants souffrant de retards de croissance et de dépérissement.

La mission a noté que les régions montagneuses et les zones frontalières éloignées subissent le plus fortement l'impact de la sécheresse et font face à de graves difficultés alimentaires. Il est donc recommandé de fournir une aide alimentaire ciblée, incluant 71 000 tonnes de farine de blé, à environ 1 036 000 personnes pendant la période allant d'octobre 2001 à juin 2002.

Les cultures de céréales et les jardins de certains des ménages vivant dans les zones non irriguées ont eu une production presque nulle. L'absence d'autres possibilités d'emploi à proximité de leur lieu de résidence réduit fortement leur pouvoir d'achat. À cause des conditions géographiques et du manque de moyens de transport, il est souvent absolument impossible aux habitants de ces régions de trouver du travail ailleurs que dans leur environnement immédiat.

Une source de préoccupation est la réduction constante des superficies cultivées en céréales et leur conversion à la production de coton. La culture du coton est apparemment encouragée aux dépens de celle des céréales, mais les rendements du coton ont malheureusement aussi continué à baisser, en grande partie à cause de la détérioration des systèmes d'irrigation. En termes de devises, les exportations de fibres de coton ont rapporté quelque 92 millions de dollars au cours des deux dernières années, principalement parce que la hausse des prix a compensé la diminution des exportations en 2000. Vu l'instabilité des cours mondiaux du coton, qui ont récemment baissé, et la précarité du secteur agricole du pays, l'inquiétude est de mise quant à la sécurité alimentaire au Tadjikistan.

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2. L'ENVIRONNEMENT SOCIO-ÉCONOMIQUE 1/

Le Tadjikistan est un pays enclavé de 143 000 km2 bordé à l'est par la Chine, au sud par l'Afghanistan, au nord par le Kirghizistan et à l'ouest par l'Ouzbékistan. Seuls 960 000 hectares (7 pour cent de la superficie totale) sont arables, alors que le reste du pays est composé de zones montagneuses (50 pour cent) ayant une altitude moyenne de 3 000 mètres ou d'étendues désertiques. Les conditions climatiques varient fortement selon les régions et l'altitude - allant de plaines chaudes et sèches à de hautes montagnes glaciaires. Le Tadjikistan possède environ 60 pour cent de l'ensemble des glaciers de l'Asie centrale, qui constituent des réserves d'eau importantes pour les cours d'eau du pays. Comme de nombreux pays méridionaux de l'Asie centrale, il est sujet à de forts tremblements de terre, car il est situé sur une ceinture sismique active.

2.1 L'économie

Le processus de transition politique, économique et sociale de la dernière décennie a entraîné des problèmes sans précédent pour le Tadjikistan. Quand il est devenu indépendant, ce pays était un des plus pauvres de l'ex-Union soviétique et il a aussitôt après perdu les transferts de Moscou, qui représentaient jusqu'à 40 pour cent du PIB à la fin des années 1980. En outre, les troubles civils survenus en 1992 ont paralysé le processus de réforme économique et structurel. Le PIB a chuté de près de 60 pour cent entre 1991 et 1997. Après un processus de réconciliation nationale mis en oeuvre en 1997, le gouvernement a lancé un vaste programme de réforme économique élaboré en 1996. Grâce à cela ainsi qu'à la paix relative et à une vive augmentation de l'offre face aux prix favorables de l'aluminium, le taux de croissance cumulatif du PIB a atteint 20 pour cent entre 1997 et 2000.

Dans son rapport sur le développement humain de 2001, le PNUD plaçait toutefois le Tadjikistan au 103ème rang sur 162 pays pour ce qui est de l'indice du développement humain (IDH), et la Banque mondiale estime que 85 pour cent de ses 6,34 millions d'habitants vivent dans la pauvreté. Même avec un taux de croissance réel soutenu du PIB de 5 pour cent, le Tadjikistan mettrait 15 ans à retrouver les niveaux de PIB qu'il connaissait avant l'indépendance.

La production agricole a maintenant chuté de 55 pour cent par rapport à 1991, ce qui souligne l'importante baisse de la productivité. Le secteur industriel représente légèrement plus de 20 pour cent du PIB tout en employant moins d'un dixième de la main-d'oeuvre. Exposé à des difficultés techniques et financières identiques à celles auxquelles est confrontée l'agriculture, il a vu sa production tomber de 42 pour cent, le nombre de ses employés de 48 pour cent et sa productivité de 88 pour cent par rapport aux niveaux de 1991. L'aluminium brut reste la principale source de recettes d'exportations, le coton venant en deuxième place. Ces deux produits fournissent au pays les deux tiers de ses rentrées de devises.

Le volume et la valeur des exportations de ces produits sont indiqués au tableau 1.

Tableau 1 - Tadjikistan : total des recettes d'exportation du coton et de l'aluminium

Année
Aluminium
Coton
Revenu
($)
Quantité
(tonnes)
Prix moyen par tonne
Revenu
($)
Quantité
(tonnes)
Prix moyen par tonne
1998
233 620 656
186 609
1 252
111 974 827
88 413
1 266
1999
233 620 656
186 609
1 252
91 184 941
92 235
989
2000
433 555 330
273 541
1 585
91 828 590
78 796
1 165
Total
900 796 642
646 759
 
294 988 358
259 444
 
Moyenne
300 265 547
215 586
1 393
98 329 453
86 481
1 137
Source : Commission des douanes du Tadjikistan (2001).


Les recettes d'exportation ont permis au Tadjikistan d'importer 321 000 tonnes de blé et 54 000 tonnes de farine de blé en 2000. Toute variation des cours internationaux de l'aluminium et des fibres de coton a donc des répercussions directes sur le revenu national et la sécurité alimentaire.

Depuis l'indépendance, le Tadjikistan, pour financer les déficits de sa balance commerciale et de ses opérations courantes, a contracté des emprunts extérieurs et accumulé des arriérés. Malgré l'adoption en 1996 d'une politique de taux de change flottant, les opérations courantes restent nettement déficitaires. Suite notamment à la dévaluation du rouble tadjik, qui a entraîné une compression des importations, le déficit courant est passé de 8,3 pour cent du PIB en 1998 à 3,4 pour cent en 1999. L'accroissement des importations de denrées alimentaires rendues nécessaires par la sécheresse l'a toutefois fait remonter à 6,4 pour cent en 2000.

En 2000, la dette extérieure se montait à 1,2 milliard de dollars, dont quelque 43 pour cent était de nature bilatérale, 30 pour cent multilatérale, et 27 pour cent correspondant aux crédits commerciaux. Le total des obligations au titre du service de la dette était de 32 millions de dollars en 2000, dont 22 millions ont été acquittés. Au cours des prochaines années, le service de la dette atteindra probablement de 70 à 80 millions de dollars par an étant donné l'expiration des périodes de grâce accordées pour les dettes rééchelonnées antérieurement, ce qui devrait accroître le risque d'insécurité alimentaire et réduire la capacité du pays à couvrir le coût croissant des importations de denrées alimentaires.

2.2 Examen du secteur agricole

Le secteur agricole au Tadjikistan a de nombreux problèmes à surmonter. C'est surtout lui qui a subi le contrecoup des ajustements structurels de l'économie. Sa productivité a diminué à cause de l'écroulement du système d'approvisionnement en intrants et de la détérioration du réseau d'irrigation et de l'équipement agricole. Les difficultés de l'économie et du marché ont accru l'importance de l'agriculture de subsistance aux dépens de la production commerciale. L'insuffisance des précipitations au cours de ces dernières années a aggravé encore les problèmes beaucoup plus profonds auxquels est confronté le secteur agricole du pays.

En 2000, ce secteur représentait 17,4 pour cent du PIB. La main-d'oeuvre active totale du pays était composée de 1,62 million de personnes, dont 67 pour cent dans l'agriculture. Le salaire moyen mensuel dans ce secteur était de 7,89 somonis par jour 2/ (3,1 dollars E.-U.), c'est-à-dire à peu près la moitié du revenu national moyen d'environ 16 somonis (6,3 dollars E.-U.). Les niveaux de la production agricole brute, de la productivité et de l'emploi représentaient respectivement environ 55 pour cent, 44 pour cent et 124 pour cent des chiffres de 1991. Le secteur agricole fournit entre 10 et 20 pour cent du total des recettes d'exportations.

Les réformes foncières

Les sources officielles indiquent que 39 pour cent de l'ensemble des superficies cultivées et 34 pour cent des terres irriguées ont été privatisées et converties en terres affermées, en sociétés par actions ou en exploitations privées (dehkan), dont quelque 75 000 hectares de « terres présidentielles »3/. Dans l'ensemble, environ 55 pour cent des unités agricoles ont été privatisées jusqu'à présent. Le gouvernement a l'intention de privatiser encore 120 exploitations collectives donnant de mauvais résultats d'ici la fin de 2001.

Le type le plus courant de dehkan est une exploitation familiale comportant en moyenne 4 hectares de terres arables. L'obtention de terres en vue de la constitution d'une ferme dehkan est un processus laborieux nécessitant l'intervention de plusieurs autorités locales et nationales (le président de l'exploitation collective, le gouvernement du district et la Commission des ressources foncières). En outre, le traitement des demandes de certificat de droits fonciers et l'obtention de celui-ci coûtent entre 40 et 200 dollars, somme prohibitive pour l'agriculteur moyen. Les familles sont parfois regroupées en associations privées qui reçoivent de 50 à 500 hectares d'une ancienne exploitation collective ou ferme d'État. Les terres sont alors subdivisées au sein de l'association et cultivées individuellement par les familles, mais la planification de la production agricole se fait encore conjointement. Toutefois, ces associations continuent de dépendre dans une large mesure des exploitations d'État pour se procurer des intrants, de l'équipement et avoir accès à l'irrigation, ce qui les place dans une situation défavorable. De plus, les exploitations privées n'ont pas le droit de vendre les terres qu'elles gèrent bien qu'elles détiennent les titres fonciers. Les terres que les agriculteurs sont autorisés à cultiver peuvent leur être retirées s'ils obtiennent des résultats «insuffisants», ce qui compromet les investissements dans les terres et l'équipement agricole.

Les jardins potagers et les parcelles cultivées par les ménages servent de plus en plus à une agriculture de subsistance du fait de la dégradation des conditions économiques du pays. D'après l'Enquête sur les niveaux de vie au Tadjikistan, ces parcelles fournissent aux familles rurales près de 50 pour cent de leurs revenus en nature et en espèces. Elles ont une taille moyenne de 0,13 hectare, soit environ un cinquième du total des terres arables disponibles par employé agricole actif. Elles sont utilisées pour la culture intensive de fruits, de graines oléagineuses et de légumes ainsi que pour des doubles récoltes dans les plaines.

L'approvisionnement en intrants

Le réseau actuel d'institutions d'approvisionnement en intrants est inadapté et incapable de répondre à la demande émanant d'un nombre croissant d'agriculteurs privés. De surcroît, vu les prix élevés qui ont cours sur le marché intérieur et la baisse de la rentabilité, l'utilisation d'intrants agricoles essentiels, comme les engrais, les produits agrochimiques, les semences et l'équipement agricole, a brutalement chuté depuis l'indépendance.

L'organisation de l'approvisionnement en intrants encourage activement la production de coton, les cultivateurs de ce secteur bénéficiant d'un accès exclusif ou de conditions plus favorables que les autres agriculteurs. Les contrats conclus pour la culture du coton prévoient la fourniture d'intrants par le réseau de distribution de l'État. Toutefois, alors que le prix du coton y est spécifié, ceux des intrants ne le sont souvent pas, ce qui se traduit parfois par des termes de l'échange négatifs et entraîne des difficultés financières pour de nombreux agriculteurs. Ces derniers ne disposant pas de capitaux suffisants pour se lancer avec succès dans le secteur agricole privé quand les exploitations sont restructurées, ils ont cependant tendance à continuer à dépendre du secteur public pour exercer une activité agricole viable.

L'infrastructure de production

Les statistiques officielles indiquent que le réseau d'irrigation du pays couvre quelque 718 000 hectares de terres. Outre son importance vitale pour la production agricole, ce réseau constitue également une source importante d'eau potable et contribue aussi à couvrir les autres besoins des ménages. Ces dernières années, du fait des fortes limitations budgétaires, de la guerre civile et de l'instabilité macro-économique, le Ministère de l'irrigation et des ressources en eau a considérablement réduit ses activités, ce qui a compromis le fonctionnement du réseau d'irrigation du pays. La plus grosse partie des principales infrastructures d'irrigation et de drainage (stations de pompages, canalisations de distribution, ouvrages de dérivation, principaux canaux, etc.) menace ruine et n'est entretenue qu'en cas de crise, souvent en utilisant des pièces provenant de machines hors-service, et peu de nouveaux investissements sont consacrés à l'équipement ou à l'achat de pièces détachées.

Commercialisation et transformation

Dans l'ensemble, les marchés se sont désintégrés au Tadjikistan et souffrent d'un grand manque d'information relativement aux prix sur les marchés nationaux et internationaux. Malgré la déréglementation officielle, la Bourse nationale du coton et les autorités des districts établissent des quotas pour les superficies cultivables par les exploitations collectives ou privées et fixent des objectifs pour leur production. Les activités d'exportation restent entre les mains des quelques exploitants qui parviennent à obtenir des licences. Les agriculteurs ne sont cependant payés qu'avec beaucoup de retard et les sommes qu'ils reçoivent sont très faibles. En outre, l'intérêt que manifeste l'État en faveur de la promotion du coton pour préserver les rentrées en devises l'incite à conserver les grandes exploitations, ce qui limite toute restructuration dans les régions de culture de coton ainsi que la diversification des cultures.

La commercialisation des autres cultures est apparemment beaucoup plus active qu'avant la libéralisation. La mise en place d'un marché national pour les produits agricoles se heurte toutefois à de nombreux obstacles, en particulier le coût élevé du transport des produits volumineux dans le pays. Les négociants et les agriculteurs font face à de nombreux frais imprévus tout au long de la chaîne de commercialisation, de l'exploitation au point de vente, et les transmettent aux consommateurs en vendant les produits alimentaires à un prix élevé. Vu la baisse du pouvoir d'achat des ménages ruraux et la distorsion des prix à la consommation au niveau local, de nombreuses personnes doivent modifier en profondeur ou réduire leur régime alimentaire, même si les produits alimentaires et autres sont généralement disponibles sur les marchés.

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3. LES FACTEURS AFFECTANT LA PRODUCTION VIVRIÈRE EN 2000/2001

3.1 Le climat: pluies, chutes de neige et températures

Les graphiques 1 présentent les niveaux des précipitations dans les principales zones de production vivrière du Tadjikistan au cours des trois dernières années comparés à la moyenne interannuelle. Les précipitations ont été presque partout inférieures à cette dernière, se montant en moyenne à 60 pour cent des niveaux normaux. Les observations actuelles sont toutes inférieures d'au moins 7 pour cent à celles de l'année dernière, la différence atteignant même parfois jusqu'à 61 pour cent. L'un des facteurs les plus importants est qu'en mars et avril, mois clés pour le cycle de culture du blé, les précipitations ont été universellement faibles, atteignant en moyenne seulement 44 pour cent de la moyenne à long terme.

Le facteur météorologique pertinent est le volume des chutes de neige, qui contribuent fortement à la réhumidification du sol dans les zones pluviales situées en altitude et constitue une source durable d'eau pour l'irrigation en alimentant les cours d'eau et les réservoirs dans les régions montagneuses les plus élevées. Aucune donnée n'était disponible sur les chutes de neige, mais on estime que, comme en 2000, les niveaux des réservoirs de neige des glaciers ne dépassent pas 40 à 60 pour cent des niveaux normaux. De ce fait, les débits des cours d'eau représentent approximativement 40 à 85 pour cent des niveaux normaux.

Graphiques 1 - Tadjikistan: Précipitations enregostrées dans diverses stations en 1999/2000 et 2000/2001 comparées à la moyenne interannuelle

Un autre facteur qui a nui aux récoltes céréalières de cette année a été l'irrégularité des températures. Les températures mensuelles moyennes ont constamment dépassé de 1, 2 et 3 degrés la moyenne à long terme en février, mars et avril. Mais des températures maximales atteignant 40 degrés Centigrade ont été enregistrées en mars et avril (au moment de la floraison du blé et du stade initial de remplissage des grains) en même temps que des écarts de température anormalement élevés (17-20 degrés) entre la nuit et le jour. Cette situation et le faible niveau des précipitations au cours des mêmes mois ont eu des répercussions défavorables sur les phases essentielles de la croissance du blé et créé des conditions entraînant de faibles rendements dans les zones irriguées et réduisant considérablement les récoltes dans les zones de culture pluviale.

3.2 Superficies ensemencées

La mission estime que 348 000 hectares ont été ensemencés en céréales cette année, dont 84 pour cent en blé4/, ce qui représenterait une baisse d'environ 2 pour cent par rapport à son estimation en 2000 (355 000 hectares). Les cultures de blé irrigué ont diminué d'environ 11 pour cent, alors que celles de blé pluvial ont augmenté de 7 pour cent. On prévoit une augmentation de 4 pour cent des ensemencements en céréales secondaires (orge, maïs et riz), qui représentent 16 pour cent de l'ensemble des superficies cultivées en céréales (tableau 3). La réduction des superficies irriguées consacrées au blé dans la province de Khatlon a atteint le niveau très élevé de 80 pour cent. Dans l'ensemble, le blé est irrigué de façon marginale et lors des années de sécheresse. L'irrigation contribue très peu à la détermination du rendement des cultures et est parfois inefficace pendant les phases cruciales de la croissance.

La mission a observé dans toutes les provinces une diminution considérable des superficies irriguées cultivées en blé au profit de cultures plus rentables, principalement le coton. Les conditions favorables (garanties d'achat et fourniture de moyens de production) accordées à la production du coton ont encouragé les agriculteurs à accroître les superficies qui lui sont consacrées. Le calendrier cultural du coton et celui du blé se chevauchent pendant trois mois (avril-juin), ce qui empêche les doubles campagnes.

Périodes d'ensemencement

Un autre facteur qui influence les niveaux de production de blé et l'utilisation des terres est une tendance (très marquée dans certains endroits) à ensemencer au printemps plutôt qu'en hiver. Les ensemencements tardifs en hiver, qui compromettent les rendements, constituent aussi une source de préoccupation. Ces deux développements reflètent les prix relativement élevés des intrants et de l'énergie agricole en automne ainsi que la baisse du pouvoir d'achat des agriculteurs. Cette année, l'ensemencement du blé s'est fait généralement de façon tardive et la culture du blé de printemps a augmenté dans certaines régions. Les céréales de printemps, dont le cycle est plus court, ont un rendement plus faible et sont également exposées à des risques plus élevés quand les précipitations sont insuffisantes, comme cela s'est produit au cours des deux dernières campagnes.

3.3 Moyens de production et intrants

Semences

On considère que le manque de semences de qualité dans les zones irriguées et la poursuite de l'utilisation de génotypes dégénérés dans les systèmes irrigués et pluviaux ont contribué fortement à la baisse des rendements au cours des dernières années.

Aux taux d'adoption actuels 5/, on estime que, dans l'ensemble, de 60 à 65 000 tonnes de semences de blé sont nécessaires annuellement. Sur la base d'une période de remplacement de quatre ans, les besoins de semences de qualité se monteraient à 15-16 000 tonnes. Toutefois, le remplacement des semences n'ayant pas été pratiqué au cours des dix dernières années, on estime que le besoin réel de semences de qualité est quasiment égal aux besoins annuels totaux de semences.

La disponibilité de semences de qualité est limitée structurellement par le manque de capacité de multiplication des semences6/ ainsi que par le manque de fonds permettant d'importer de l'étranger des semences de qualité appropriée. La situation a été aggravée par la sécheresse de l'année dernière. La mission a observé à de nombreuses reprises des épis composés de quelques grains atrophiés dans des champs ayant un rendement atteignant jusqu'à 0,8 t/ha. Elle a noté que le poids spécifique de 1 000 grains, qui est normalement de 42 grammes, est souvent inférieur à 25 grammes. De tels grains ne peuvent pas être utilisés comme semences. La mission en conclut donc que, l'année prochaine, la quantité disponible de semences appropriées sera moindre que cette année, ce qui devrait compromettre fortement les rendements et la production totale.

Les engrais et les pesticides

Les besoins du pays en engrais (on estime à quelque 150 000 tonnes la quantité d'engrais NPK nécessaire) sont, pour leur plus grande part, couverts par les importations, principalement de l'Ouzbékistan. L'usine d'engrais de la province de Khatlon a une capacité de production annuelle de 65 000 tonnes d'urée à base de gaz naturel, mais, d'après les renseignements reçus, elle ne tournait qu'à 10 pour cent de sa capacité. Cette année, elle a même cessé ses activités, l'engrais n'ayant pas été vendu à cause du montant élevé des prix intérieurs qui dépassent de beaucoup les prix paritaires à l'importation.

Selon toutes les sources d'informations, les engrais minéraux les plus courants - l'urée, le nitrate d'ammoniaque, les superphosphates simple et triple et le KCL - étaient disponibles sur le marché. Les taux d'application des engrais azotés étaient toutefois inférieurs de 10 à 15 pour cent aux besoins des cultures. Au niveau national, on considère que l'application moyenne effective d'engrais couvre 25 pour cent des besoins, à l'exception du coton et d'autres cultures commerciales mineures. Cette année, l'utilisation d'engrais a fortement diminué pour toutes les cultures sauf le coton. Les exploitations collectives ont un pouvoir d'achat limité et les cultivateurs privés s'appauvrissent et s'endettent de plus en plus à cause de l'insuffisance persistante de leurs cultures de céréales et de leur incapacité à acheter les engrais requis. La tendance à une diminution de la fertilité du sol qui commence à se manifester va vraisemblablement se poursuivre, et on pourra bientôt constater l'épuisement des nutriments.

Au Tadjikistan, on utilisait traditionnellement beaucoup tous les autres produits agrochimiques, surtout pour la culture du coton. En fait, la disponibilité de pesticides et de fongicides est très limitée, et leurs prix sont élevés. D'après les informations reçues, les produits agrochimiques ont été peu employés cette année pour le coton et il n'y a eu aucune attaque par les ravageurs ni aucune maladie. Vu la poursuite de l'utilisation de semences inappropriées, la mauvaise préparation du terrain, le fait que l'assolement n'est pas pratiqué et l'accès inexistant aux herbicides, les plantes adventices constituent un problème croissant et disputent aux cultures céréalières l'humidité et les nutriments qui ne sont déjà présents qu'en quantité minimale dans les sols appauvris du pays.

L'énergie agricole

Jusqu'en 1991, au Tadjikistan, l'agriculture était extrêmement mécanisée et développée dans le cadre des exploitations collectives et des fermes d'État. Avant l'écroulement de l'Union soviétique, on comptait un tracteur pour 50 hectares cultivés. Aujourd'hui, leur équipement (tracteurs, moissonneuses-batteuses, camions et pulvérisateurs) est périmé et, dans la plupart des kolkhozes et des fermes privées collectives, on ne compte qu'un tracteur pour 150 ou même 350 hectares. De nombreuses exploitations privées individuelles ne possèdent aucun équipement et le travail y est fait manuellement ou en recourant à des animaux de trait. Les agriculteurs les plus aisés peuvent louer des tracteurs au prix fort pour les principaux travaux de préparation du terrain7/. Toutefois, le nombre limité de tracteurs disponibles dans le pays et la pointe de la demande qui a lieu pendant la période des semis du blé se sont traduits au fil des ans par une accélération excessive des activités et de mauvaises pratiques de labour ainsi que, comme de nombreux responsables d'exploitations agricoles l'ont signalé cette année, par une réduction des superficies cultivées.

L'outillage agricole est également technologiquement inapproprié: l'appareil le plus couramment utilisé, une charrue à quatre socs, travaille la terre à 25 cm de profondeur et crée une couche dure et imperméable qui empêche une rétention correcte de l'humidité du sol.

L'irrigation

Les superficies irriguées représentent 75 pour cent (718 000 hectares) de l'ensemble des terres arables (FAO/AQUASTAT). Plus de 46 pour cent (330 000 hectares) des systèmes d'irrigation fonctionnent par gravité et sont alimentés par d'importantes structures (dérivations, canaux, cours d'eau et réservoirs) qui dépendent des conditions climatiques, en particulier les chutes de neige dans les montagnes. Quarante-deux pour cent (300 000 hectares) de l'ensemble des terres irriguées le sont au moyen de pompes qui fonctionnent d'avril à septembre. Les nappes phréatiques sont souvent utilisées, en particulier dans le nord, et les zones ainsi irriguées représentent environ 8 pour cent du total. Récemment, certains exploitants privés ont eu recours de façon limitée à ces nappes en creusant de petits puits pour pratiquer des cultures horticoles et commerciales.

Le faible niveau de précipitations et le mauvais état des structures existantes ont fortement compromis l'efficacité de l'irrigation. On estime que de 40 à 50 pour cent des dispositifs de levage sont hors de service, et les pompes doivent être mises au rebut à un rythme inquiétant à cause de l'utilisation excessive de celles qui fonctionnent encore. L'infrastructure des canaux et du réseau de drainage a souffert du manque d'entretien dû aux problèmes d'ordre budgétaire et institutionnel8/. Quelque 60 pour cent de l'équipement lourd utilisé pour l'entretien des canaux et du drainage est hors de service. L'inefficacité du système de drainage a entraîné la saturation en eau et la salinisation du réseau, problème de plus en plus préoccupant qui touche, estime-t-on, quelque 120 000 à 180 000 hectares. En outre, le réseau d'irrigation, mis au point dans le cadre d'un système agricole et économique différent pour un mode de production à grande échelle hautement mécanisé et spécialisé, n'est peut-être pas financièrement et économiquement viable dans la situation économique actuelle.

On estime que 400 à 500 000 hectares de culture reçoivent des volumes réduits d'eau et qu'entre 150 et 160 000 hectares sont irrigués de façon marginale. L'intensité d'irrigation des 718 000 hectares de terres est donc faible, et l'efficacité du système, extrêmement réduite, continuera à se détériorer si des mesures ne sont pas prises d'urgence. Le Tadjikistan pourrait pourtant doubler ses superficies irriguées vu l'abondance des sources d'eau dans le pays.

En ce qui concerne l'aide d'urgence nécessaire pour le secteur agricole, le Service des opérations spéciales de secours de la FAO va publier un rapport détaillé sur les besoins à satisfaire pour assurer le redressement de l'agriculture, les coûts correspondants et les autres mesures requises.

3.4 Les rendements céréaliers et la production

Blé: On prévoit que les terres irriguées fourniront cette année 182 000 tonnes de blé, soit approximativement 18 pour cent de moins que la faible production de 2000. Les précipitations ayant été un peu plus favorables pendant l'automne et l'hiver, le blé irrigué a donné de meilleurs résultats dans la partie ouest (principale zone de production) de la province centrale des régions RS que dans le reste du pays et, au printemps, la production de blé a également bénéficié quelque peu de l'alimentation en eau du réseau d'irrigation. Les pires rendements, inférieurs à ceux de 2000 qui étaient déjà très faibles, ont été observés dans les provinces du sud-ouest et du nord, celle de Khatlon étant la plus durement touchée cette année. On attribue principalement la réduction de la production à la forte diminution (16 pour cent) des zones ensemencées en blé et au volume d'eau insuffisant disponible pour l'irrigation de cette plante aux stades les plus cruciaux de son développement (tallage, épiaison, floraison et début de la détermination du rendement). Tous les autres facteurs structurels décrits ci-dessus (la qualité des semences, les engrais, l'énergie agricole) ont également exercé une influence.

Suite à l'insuffisance des précipitations, la production de blé pluvial a été presque réduite à néant; on l'estime cette année à 51 000 tonnes, soit 16 pour cent de moins que le chiffre extrêmement bas de l'année dernière. Comme l'a constaté la mission, en particulier dans les principales régions de production pluviale partout où il y a eu une croissance végétale, le tallage était extrêmement faible, l'épiaison était très limitée et, sur les épis mûrs, les grains étaient peu nombreux et atrophiés. L'absence totale de pluie au printemps, période pendant laquelle le blé a le plus besoin d'eau, a neutralisé l'effet positif de l'abondance relative des pluies d'automne.

Riz, maïs, orge et légumes: La production de riz paddy devrait se monter à 25 000 tonnes en 2001, soit 4 pour cent de moins qu'en 2000 à cause de la disponibilité plus limitée d'eau pendant le déroulement de la campagne. Le riz est cultivé dans les parties basses des rives et des cours d'eau. On ne prévoit aucune expansion de cette culture, mais on pense que les agriculteurs continueront à préférer cultiver le riz dans les zones où il est traditionnellement planté, celles-ci convenant moins à d'autres cultures.

On prévoit que, cette année, la production de maïs atteindra 27 000 tonnes, soit une hausse de 8 pour cent par rapport à 2000 due à l'augmentation des superficies ensemencées, comme la mission a pu le constater sur place, mais les rendements devraient être en baisse. Sur la base des observations qu'elle a réalisées directement sur le terrain, la mission estime que la production totale d'orge devrait diminuer de 16 pour cent par rapport à l'année dernière à cause de la réduction de la couverture d'irrigation de cette culture.

On s'attend à une forte réduction des superficies plantées en légumes et de leur production à cause de l'insuffisance de l'irrigation.

Les tableaux 2 et 3 fournissent des détails sur les prévisions concernant les superficies ensemencées en céréales et leur production en 2001. Le graphique 2 indique les tendances de la production céréalière de 1991 à 2001. Les prévisions relatives à la production en 2000 établies par la mission de l'année dernière ont été confirmées par de nouvelles analyses approfondies. On a constaté, en particulier, la validité des estimations portant sur les zones ensemencées en blé. L'évaluation de la production en 1999-2000 proposée par la mission est toutefois quelque peu supérieure aux prévisions de l'année dernière, mais nettement plus faible que le niveau indiqué dans les statistiques officielles (environ 544 000 tonnes). Une mise à jour des estimations relatives à la production est présentée dans le tableau 2.

Tableau 2 - Tadjikistan: blé irrigué et pluvial - superficies, rendements et production en 2000 et prévisions pour 2001

Région/culture
2000
2001
Superficie :
Comparaison
2001/2000
(%)
Production :
Comparaison
2001/2000
(%)
Superficie
(en milliers d'hectares)
Rendement
(tonnes/ha)
Production
(en milliers de tonnes)
Superficie
(en milliers d'hectares)
Rendement
(tonnes/ha)
Production
(en milliers de tonnes)
Blé irrigué
               
GBAO
5
1,1
6
4
1
4
80
73
Leninabad (Sughd)
43
1,3
56
40
1,2
48
93
86
Khatlon
90
1,3
117
76
1,2
91
84
78
Régions RS
29
1,5
44
28
1,4
39
97
90
Total/blé irrigué
167
1,3
223
148
1,2
182
89
82
Blé pluvial
               
GBAO
1
0,4
0.4
2
0,4
1
200
200
Leninabad (Sughd)
16
0,4
6
16
0,3
5
100
75
Khatlon
80
0,4
32
89
0,3
27
111
83
Régions RS
37
0,6
22
37
0,5
19
100
83
Total/blé pluvial
134
0,4
61
144
0,3
51
107
84
Totalité du blé
301
0,9
284
292
0,8
233
97
82

Tableau 3 - Tadjikistan: ensemble des céréales - superficies, rendements et production en 1998, 1999 et 2000 et prévisions pour 2001

Région/culture
1998
1999
2000
2001
Superfi-cie (en milliers d'ha)
Rendement (tonnes/ha)
Produc-
tion
(en milliers de tonnes)
Superfi-cie (en milliers d'ha)
Rendement (tonnes/ha)
Produc-
tion
(en milliers de tonnes)
Superfi-cie (en milliers d'ha)
Rendement (tonnes/ha)
Produc-
tion
(en milliers de tonnes)
Superfi-cie (en milliers d'ha)
Rendement (tonnes/ha)
Produc-
tion
(en milliers de tonnes)
Superficie : 2001/2000
Produc-tion : 2001/2000
Blé
                           
GBAO
6
1,5
9
6
1,8
11
6
1
6
6
0,8
5
100
83
Leninabad (Sughd)
68
1,3
89
67
0,9
61
59
1,1
62
56
1,0
53
95
86
Khatlon
196
1,2
229
183
1,2
228
170
0,9
149
165
0,7
118
97
79
Régions RS
70
0,9
62
70
0,9
66
66
1
66
65
0,9
57
98
87
Total/blé
340
1,14
389
326
1,1
366
301
0,9
283
292
0,8
233
97
82
Céréales secondaires
                         
Orge
28
0,9
26
33
0,78
25
30
0,7
21
30
0,6
18
100
86
Maïs
11
3
36
12
2,92
35
11
2,3
25
13
2,1
27
118
108
Riz paddy
8
2,5
20
10
1,8
18
13
2,0
26
13
1,9
25
100
95
Total/céréales secondaires
47
 
82
55
 
78
54
 
72
56
 
70
104
97
Total/toutes céréales
387
 
471
381
 
444
355
 
355
348
 
303
98
85

3.5 Coton

Étant donné la priorité accordée actuellement au coton (seul l'aluminium rapporte plus que lui à l'exportation), l'expansion des superficies qui lui sont consacrées s'est encore poursuivie cette année (environ 8 pour cent). Le coton souffre néanmoins des mêmes problèmes structurels que les autres cultures, mais dans une moindre mesure.

Les kolkhozes et les autres exploitations d'État qui existent encore soumettent chaque année leurs programmes de culture et leurs plans de production à l'approbation du gouvernement, qui leur impose de consacrer de plus en plus de ressources - terre, eau et autres intrants - à la culture du coton, et celle-ci a souvent un accès prioritaire à l'irrigation. De façon générale, les exploitations agricoles privées nouvellement créées sont également obligées de produire du coton conformément aux instructions des pouvoirs publics.

Les pénuries alimentaires prenant de plus en plus d'ampleur, le gouvernement considère également la production céréalière comme prioritaire, mais cela ne s'est pas traduit par des mesures permettant réellement d'accroître la superficie des terres consacrées aux céréales et leur productivité.
Cette année, la sécheresse et la situation générale du pays auront à nouveau des effets défavorables sur la production du coton. Malgré l'accroissement des superficies cultivées, la production se maintiendra au mieux au même niveau que l'année dernière. La mission a observé le très mauvais état des cultures de coton dans de nombreux endroits du fait des pénuries en eau d'irrigation et du non fonctionnement ou du mauvais fonctionnement du réseau d'irrigation. D'après des prévisions provisoires, la production pourrait atteindre quelque 335 000 tonnes, soit autant qu'en 2000, mais 40 pour cent seulement du chiffre atteint en 1991 (graphique 3).

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3.6 L'élevage

Le Tadjikistan possède un vaste cheptel (au 1er janvier 2000, on estimait à 1,06 million le nombre de têtes de bovins et à 2,22 millions celui des têtes d'ovins et de caprins). Les animaux sont le plus souvent la propriété privée des ménages - quelque 70 pour cent dans le cas des moutons et des chèvres et environ 85 pour cent pour les bovins - alors que le secteur d'État et collectif ne possède plus que 24 pour cent du total en 2001 contre 47 pour cent en 1991. Cette année, la totalité du cheptel représente environ 70 pour cent de ce qu'il était en 1991 (tableau 4).

La production de viande et de produits laitiers a également diminué depuis la période soviétique, mais les niveaux réels de consommation ne sont pas parmi les plus faibles des PFRDV. D'après les données officielles les disponibilités annuelles par habitant sont actuellement de 9,5 kg pour la viande et 50 kg pour le lait.

La capacité de production de matière sèche des pâturages (environ 3,6 millions d'hectares) devrait constituer une base de ressources suffisante pour la population animale existante. La mission a toutefois observé un surpâturage et une érosion agricole des parcours de printemps à proximité des zones cultivées9/. De plus, le pâturage tournant ne serait plus pratiqué comme autrefois. Par ailleurs, les aliments pour animaux les plus nutritifs ne sont plus du tout disponibles et la production de fourrage a été considérablement réduite au cours des dix dernières années. À l'heure actuelle, la superficie et la production des cultures fourragères représentent respectivement 40 et 10-15 pour cent de ce qu'elles étaient en 1991. La production fourragère a diminué à cause de la conversion des terres, allant de pair avec un déclin général de l'agriculture ces dernières années dû aux problèmes structurels relatifs aux intrants et à l'irrigation.

La baisse de l'élevage a principalement pour causes la guerre civile, la réduction de la capacité des ménages à avoir accès aux pâturages et au fourrage et la perturbation générale du secteur d'État et du secteur collectif. À l'heure actuelle, la reconstitution du cheptel se déroule bien du point de vue quantitatif, mais on ne pratique plus l'entretien des génotypes ni l'amélioration par sélection. L'accès aux services vétérinaires et à la protection contre les maladies pose aussi des problèmes au secteur privé. De nombreux clients privés ne peuvent pas avoir accès à ces services soit parce que ces derniers ne sont pas disponibles, soit parce qu'ils sont trop onéreux.

On ne signale aucune perte de cheptel due à la sécheresse. Toutefois, suite à la perturbation des services vétérinaires, certaines maladies ont commencé à devenir endémiques, comme la brucellose, la tuberculose et, dans certaines parties du pays, la fièvre aphteuse et l'anthrax.

Tableau 4 - Tadjikistan : Cheptel par type (en milliers de têtes)

Type
Total
Propriété privée
Propriété collective/État
Pourcentage du total
Privée
Collective/État
1991
1999
2000
2000/
1991
1991
1999
2000
2000/
1991
1991
1999
2000
2000/
1991
1991
2000
1991
2000
Bovins
1352
1037
1061
78%
814
877
907
111%
538
160
154
29%
60
85
40
15
Ovins et caprins
3292
2196
2210
67%
1647
1534
1565
95%
1645
662
645
39%
50
71
50
29
Tous types confondus
4644
3233
3271
70%
2461
2411
2472
100%
2183
822
799
37%
53
76
47
24

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4. SITUATION PAR RÉGION

4.1 Oblast de Khatlon (province)

Khatlon représente environ 34 pour cent (2,15 millions) de la population totale du pays. La superficie consacrée aux cultures vivrières est la plus importante des quatre régions. En 2001, cette province a semé 165 000 hectares de blé (soit 56 pour cent de la superficie totale consacrée au blé dans le pays).

Khatlon constitue la région sud-ouest du pays et se compose essentiellement de plaines. Les étés sont très chauds et les hivers froids, et la province dépend de l'irrigation pour la production agricole. Mais le réseau d'irrigation est généralement en mauvais état à cause des pompes en panne, des canaux bouchés ou rompus et des problèmes d'approvisionnement électrique. Dans de nombreuses parties de la province, les sols sont relativement pauvres en matières organiques. La salinité de la couche arable est aussi problématique.

La mission a visité plusieurs districts gravement frappés par la sécheresse et a observé les effets dévastateurs de cette dernière sur les cultures et, donc, sur les moyens de subsistance de la population. Pour le blé, les cultures pluviales ont donné de mauvais résultats dans de nombreuses régions, et la production des cultures irriguées a été la plus touchée cette année à cause de la réduction de 16 pour cent des emblavures, certaines terres ayant été consacrées à la culture du coton. Le rendement moyen du blé dans cette province est estimé à 720 kg/ha, le plus faible du pays. La superficie totale ensemencée en blé est en baisse d'environ 10 pour cent par rapport à 2000.

4.2 Oblast de Leninabad

Dans cette province du nord vit environ 30 pour cent de la population nationale. En 2001, la superficie consacrée au blé représentait environ 22 pour cent des emblavures totales du pays. La province se porte économiquement mieux que les autres régions, car les industries y sont plus nombreuses qu'ailleurs. Mais beaucoup d'entre elles sont actuellement sur le déclin en raison de problèmes liés à leur gestion et à la perte de leurs marchés.

Compte tenu de tous les facteurs qui ont affecté le blé tant pluvial qu'irrigué, la mission estime à 950 kg/ha le rendement moyen de la province dans son ensemble.

4.3 Les régions RS

Les régions RS (sous subordination républicaine) occupent la partie centrale du pays. Doushanbe comprise, elles représentent 31 pour cent de la population totale. Selon les estimations, la superficie ensemencée en blé serait en baisse d'environ 2 pour cent par rapport à 2000, et le rendement moyen serait de 880 kg/ha.

4.4 Province autonome de Gorno-Badakhshan

La province orientale de Gorno-Badakhshan (Gorno-Badakhshan Autonomous Oblast, GBAO) est montagneuse; le Pamir culmine à 7 400 mètres. Seule une petite partie de cette région est arable, et les cultures se trouvent surtout en terrasses. Peu dense, elle ne représente que 3 pour cent environ de la population du pays. Sa production de céréales est également peu importante. Cette année, les agriculteurs s'attendaient à des pénuries d'eau pour le blé, et la superficie irriguée consacrée à cette culture a donc diminué de quelque 20 pour cent. La superficie totale des emblavures n'a toutefois pas baissé, les cultures pluviales ayant pris plus d'ampleur. Les ressources en eau limitées ont été utilisées en partie pour la culture des légumes, plus rentable. On estime que la production de blé en 2001 sera inférieure de 17 pour cent à celle de l'année précédente.

-------

5. ANALYSE DE L'OFFRE ET DE LA DEMANDE EN CÉRÉALES, 2001/2002

Le bilan céréalier pour 2001/2002 (tableau 5) est fondé sur une population estimée de 6,34 millions d'habitants10/ et les hypothèses ci-après :

Tableau 5 - Tadjikistan : Bilan céréalier, 2001-2002 (en milliers de tonnes)

 
Blé
Riz (usiné)
Maïs
Orge
Total
Disponibilités intérieures
233
17
27
18
295
Utilisation des stocks
         
Production intérieure
233
17
27
18
295
Utilisation totale
1017
17
27
18
1079
Utilisation alimentaire (besoins)
926
15
12
11
964
Semences (fourniture)
60
1
1
6
68
Pertes et utilisation animale
31
1
14
1
47
Reconstitution des stocks
         
Besoins d'importations
784
     
784
Importations commerciales prévues
400
     
400
Aide alimentaire (annoncée)
43
     
43
Déficit non couvert
341
     
341
Note : le paddy a été converti en riz à un taux de conversion de 67 pour cent

Les besoins totaux en importations de céréales en 2001/2002 sont estimés à 784 000 tonnes (77 pour cent des besoins totaux). En supposant que les importations commerciales se montent bien à 400 000 tonnes et compte tenu des 43 000 tonnes d'équivalent blé d'aide alimentaire annoncées par le PAM, le déficit non couvert des approvisionnements alimentaires en 2001/2002 est estimé à 341 000 tonnes d'équivalent blé. Un tel déficit pourrait avoir des conséquences catastrophiques, en particulier pour les résidents des zones pluviales éloignées. Ces derniers ont épuisé leurs capacités d'adaptation au cours de l'année dernière. Cette année, l'absence de précipitations a rendu leur situation encore plus précaire en anéantissant presque totalement leur production céréalière ainsi que la production des jardins potagers des ménages. N'ayant guerre ou pas d'autres possibilités de générer des revenus, ces populations sont extrêmement vulnérables et ont besoin d'aide. Les besoins totaux d'aide alimentaire d'urgence pour les personnes durement éprouvées sont estimés à environ 80 500 tonnes, le reste devant être couvert par une aide alimentaire de programme.

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6. LES BESOINS D'AIDE ALIMENTAIRE

6.1 La politique et les mesures gouvernementales

Depuis le milieu des années 1990, le gouvernement du Tadjikistan a entrepris une réforme des systèmes agricoles pour autoriser l'exploitation privée et permettre aux ménages d'accroître leur production vivrière11/. Suite à la sécheresse qui a sévi en 2000, le gouvernement a encouragé les citoyens à choisir le maïs comme deuxième culture, ce qui a permis aux ménages disposant de terres irriguées d'accroître la production pour leur consommation personnelle. Aucune autre mesure importante n'a été prise par le gouvernement pour atténuer les effets de la sécheresse.

À l'heure actuelle, l'État a du mal à verser aux groupes vulnérables de la population les prestations prévues dans le cadre des deux types existants de systèmes de sécurité sociale, le programme de prestations en espèces destinées aux pauvres et les pensions de vieillesse. En raison des difficultés budgétaires de l'État, les prestations d'assistance sociale ne sont souvent pas versées régulièrement. De plus, les pensions elles-mêmes sont très faibles, et de nombreux retraités ne peuvent pas en vivre. Les deux années de sécheresse ont accru le nombre de personnes vulnérables nécessitant une aide au titre du programme d'assistance sociale. Le gouvernement a donc sollicité l'aide des donateurs internationaux pour atténuer les effets de la sécheresse.

6.2 L'aide fournie par le Programme alimentaire mondial

Le Programme alimentaire mondial fournit une aide alimentaire au Tadjikistan depuis 1993. Jusqu'en 1999, les opérations d'urgence (OPUR) du PAM s'adressaient aux victimes de la guerre civile, en particulier les retraités, les veuves, les invalides et les personnes placées en institutions. En 1996, il a lancé un certain nombre d'activités vivres-contre-travail, dont un programme de baux fonciers qui a aidé les ménages souffrant le plus d'insécurité alimentaire à avoir accès à des terres à cultiver pour leur propre consommation. Le PAM a ainsi aidé à remettre en culture près de 10 000 hectares. Depuis juillet 1999, il a commencé la mise en oeuvre du Programme d'intervention prolongée de secours et de redressement, qui a pour objectif de distribuer quelque 50 000 tonnes à 370 000 bénéficiaires par le biais des activités suivantes: alimentation des groupes vulnérables, programme de baux fonciers, vivres-contre-travail, santé et nutrition, activités génératrices de revenus et programme d'alimentation scolaire.

Suite à la sécheresse de l'an 2000, le PAM a lancé une opération d'urgence à l'intention de 1,16 million de personnes pour une période initiale de neuf mois, d'octobre 2000 à juin 1001, qui a été récemment prolongée de six mois jusqu'à décembre 2001. Cette OPUR fournit une aide alimentaire par l'entremise de deux composantes: a) l'alimentation des groupes vulnérables, qui dessert 910 000 personnes, et b) le programme de vivres-contre-travail pour la remise en état des actifs, qui compte 250 000 bénéficiaires.

Jusqu'en juin 2001, le PAM a distribué 39 170 tonnes de farine, 2 050 tonnes d'huile végétale et 1 200 tonnes de légumes secs ainsi que 700 tonnes de sel. Des contributions d'environ 33 000 tonnes de farine de blé, 1 500 tonnes d'huile végétale et 700 tonnes de sel ont été confirmées. Les ressources dont dispose l'OPUR restent toutefois gravement insuffisantes, puisqu'il manque 35 pour cent de farine de blé, 32 pour cent d'huile et 87 pour cent de tourteaux.

6.3 Les mécanismes d'adaptation des ménages

La réduction des récoltes pendant une deuxième année consécutive a fortement compromis la capacité des ménages à satisfaire leurs besoins de consommation. Différentes stratégies d'adaptation sont en cours d'épuisement au moment même où on constate des niveaux élevés de malnutrition et d'anémie, ce qui rend encore plus pressante la nécessité de faire appel à la communauté internationale pour poursuivre l'aide aux personnes démunies du Tadjikistan.

Les moyens de subsistance

Les trois quarts environ de la population du Tadjikistan vivent dans les zones rurales, et la principale activité économique est l'agriculture. Les ménages ruraux ont très peu de possibilités de gagner un revenu en dehors de l'agriculture. Le secteur privé est peu important et fournit surtout des emplois dans le commerce de détail, la restauration et le bâtiment, l'État étant le plus gros employeur. La plupart des ménages ruraux gagnent leur vie en travaillant pour les sovkhozes et les kolkhozes ou en appartenant à une exploitation collective privée. Le salaire versé dans un kolkhoze ou sovkhoze dépend des résultats obtenus par celui-ci. De nombreuses exploitations sont fortement endettées et n'ont pas été en mesure de payer leurs employés régulièrement depuis plusieurs années. Au lieu de cela, ces derniers reçoivent des paiements en nature minimes. Certains foyers ont accès à un terrain qu'ils cultivent pour leur propre consommation. D'autres en sont réduits à ramasser du bois (les résidus des plants de coton après la récolte) pour se chauffer pendant l'hiver ou pour le vendre. Les ménages continuent donc de travailler même sans être rémunérés par crainte de perdre l'accès aux terres qu'ils cultivent. Dans la province de Khatlon, un des quatre kolkhozes les plus florissants payait 32 somonis par mois et environ 200 kg de farine de blé et 20 kg de viande par an en fonction de la taille de la famille. Ce salaire relativement élevé constitue une exception plutôt que la règle. Le salaire moyen versé aux travailleurs agricoles a fortement diminué par rapport au salaire national moyen, dont il représentait 88 pour cent en 1995 et moins de la moitié (45 pour cent) en 2000.

De nombreux ménages, y compris ceux qui travaillent pour l'État ou l'industrie, pratiquent des activités agricoles pour compléter leurs faibles revenus. Ils disposent traditionnellement pour cela d'un petit terrain (0,1-0,15 ha) autour de leur maison. Quelque 84 pour cent des ménages ont accès à un jardin potager, dans lequel ils cultivent des plantes vivrières, notamment des légumes et des fruits, pour leur propre consommation. Ces potagers, surtout quand ils sont irrigués, sont utilisés de façon intensive et produisent deux ou trois récoltes par an. Ces jardins constituent une source importante d'aliments pour les ménages ruraux qui, les années normales, couvrent ainsi entre 50 et 75 pour cent de leurs besoins. Cette année, la poursuite de la sécheresse et la pénurie d'eau pour l'irrigation ont fortement compromis ce mécanisme d'adaptation essentiel et fiable. La production minime de ces cultures s'est traduite par une perte de denrées alimentaires pour la consommation directe des ménages, mais il en résulte également que ces derniers doivent alors chercher d'autres sources de revenus en dehors de l'agriculture (très limitées) pour compenser leurs pertes en matière de production alimentaire. Les ménages les plus durement touchés sont ceux qui cultivent des terres non irriguées où ils n'ont même pas pu faire pousser des légumes cette année.

Même avant les récoltes désastreuses de 2000, les ménages avaient de graves problèmes d'insécurité alimentaire. Beaucoup mettaient déjà en oeuvre divers mécanismes d'adaptation pour faire face aux pertes d'emploi et à la baisse de leurs revenus. Les principaux mécanismes d'adaptation incluent notamment la fabrication de briques, la confection de vêtements, l'artisanat, les ventes de fruits et divers petits négoces. Les ménages cultivant des graines oléagineuses comme le sésame se sont apparemment mieux tirés d'affaire que ceux qui cultivent des céréales, car ils ont obtenu ainsi des revenus plus élevés leur permettant de satisfaire leurs besoins alimentaires et non alimentaires. Les ménages pratiquant des activités en dehors de l'agriculture pour obtenir un revenu supplémentaire ont mieux tiré leur épingle du jeu que ceux qui étaient entièrement tributaires d'un travail pour un kolkhoze ou de la production agricole. On estime que quelque 6 pour cent des ménages recevaient des envois d'argent de la part de membres de leurs familles. Ces envois d'argent jouent un rôle important pour compenser l'insuffisance de la production alimentaire, mais les ménages pour lesquels ils représentent la principale source de revenus sont très vulnérables à l'insécurité alimentaire. Ces envois ne sont pas réguliers et les ménages n'ont aucune idée du moment où ils recevront à nouveau de l'argent.

Les foyers vivant à proximité de la frontière avec le Kirghizistan pratiquaient le commerce transfrontalier. D'autres cultivaient des terres de l'autre côté de la frontière et vendaient leurs productions dans ce pays. Par contre, ceux qui vivaient près de l'Ouzbékistan étaient moins bien lotis, le commerce transfrontalier y étant très limité au niveau des ménages. C'est dans les districts éloignés proches de la frontière de l'Ouzbékistan que vivaient les ménages les plus pauvres, qui se trouvaient dans l'impossibilité de commercialiser les produits de leur artisanat (p. ex. des tapis), les centres urbains étant trop éloignés.

Au fil des ans, de nombreux ménages ont épuisé leurs actifs pour compenser la chute de leurs revenus. D'après une enquête réalisée par le Food Economy Assessment Group pour le compte du PAM en 2001, certains ménages désespérés en proie à d'énormes difficultés financières sont allés jusqu'à démanteler partiellement leurs maisons et vendre des tuiles ou des parties du toit.

La mission s'est également entretenue avec des ménages bénéficiant d'une aide alimentaire de la part du PAM ou d'ONG qui ont aidé à combler leur déficit alimentaire en 2000. Ayant épuisé leurs mécanismes d'adaptation, beaucoup ne savent pas comment ils vont remédier aux pénuries alimentaires cette année. De surcroît, il n'y a guère d'indications que les ménages ou les pouvoirs publics aient trouvé de nouveaux mécanismes d'adaptation pour atténuer les effets de la sécheresse.

Les modifications du mode d'alimentation

Dans son évaluation de la pauvreté de 1999, la Banque mondiale a constaté que d'importantes modifications du régime alimentaire s'étaient produites avant la sécheresse. En moyenne, les membres des ménages consommaient 1 800 calories au lieu des 2 200 nécessaires. En 1999, quelque 85 pour cent des ménages avaient déjà modifié leur profil de consommation alimentaire et consommaient des denrées moins chères. Près de 44 pour cent avaient réduit le nombre de leurs repas et 30 pour cent consommaient des portions plus petites. Même chez les ménages aisés, un sur trois prenait des repas moins nombreux et un autre tiers, des portions plus petites. Parmi les autres stratégies d'adaptation, on citera la vente des actifs (28 pour cent des ménages) et l'emprunt (34 pour cent).

Au fil des ans, la consommation des principales composantes du régime alimentaire, surtout celle des aliments à forte densité nutritive, a considérablement baissé. Au plan national, la consommation annuelle de viande par habitant est tombée de 27,8 kg en 1972 à 4,9 kg en 1997. Il y a eu également une baisse de la consommation de lait (de 172 kg en 1992 à 46,7 kg en 1997) et d'_ufs (de 99 à 6 pendant la même période); seule celle de pommes de terre est restée stable, alors que même celle du pain a diminué. Cette tendance à la baisse de la consommation des denrées alimentaires essentielles constitue, du point de vue de la nutrition, une grande source de préoccupation, en particulier pour les enfants et les femmes.

L'état nutritionnel

Les trois enquêtes nutritionnelles réalisées au cours des quatre dernières années ont révélé des taux élevés de malnutrition chronique chez les enfants de moins de cinq ans, 39 pour cent d'entre eux se trouvant dans cette situation d'après l'enquête la plus récente effectuée en septembre 2000 par Action Against Hunger en collaboration avec German Agro Action, la FICR, Mission Ost et le PAM. Ce taux, qui n'a pas augmenté depuis l'enquête de 1999, se situe constamment à un niveau élevé proche de 40 pour cent. La malnutrition chronique sévit plus fortement dans les zones montagneuses, où l'on estime son taux à 46 pour cent, ainsi que dans la province de Gorno-Badakhstan, où il est de 41 pour cent. Dans les plaines et les vallées, il atteint 40 pour cent. Les taux de malnutrition les plus faibles sont observés dans les villes (24 pour cent) et les zones périurbaines (30 pour cent). D'autres données ont révélé des taux très élevés d'anémie; 40 pour cent de la population adulte, 60 pour cent des femmes en âge de procréer et 62 pour cent des adolescentes sont anémiques. Ces niveaux élevés d'anémie constituent une importante source de préoccupation du point de vue nutritionnel puisque les conditions climatiques sont défavorables et que le niveau de consommation alimentaire est déjà bas. Le déficit vivrier de cette année réduira encore la consommation d'aliments à forte densité nutritive, et la situation, déjà mauvaise, va donc encore empirer. Dans des conditions normales, les niveaux de malnutrition ne devraient pas dépasser 2 à 3 pour cent.

Ce niveau élevé d'anémie accroît les risques de mortalité maternelle pour les femmes en âge de procréer ainsi que les risques de mortalité infantile. On reconnaît que les problèmes de nutrition ne sont pas seulement imputables à l'insécurité alimentaire, mais aussi à l'environnement sanitaire des ménages. L'accès insuffisant de nombreux ménages à l'assainissement et à de l'eau propre et saine contribue au mauvais état nutritionnel des enfants au Tadjikistan. À de nombreux endroits, la mission a constaté que les ménages buvaient de l'eau sale provenant directement des canaux dans lesquels le bétail, les chiens et les résidents locaux se trempent pour se rafraîchir. Ces mauvaises conditions sanitaires contribuent à aggraver leur état nutritionnel déjà marginal, notamment celui des enfants, qui ont normalement grandement besoin d'éléments nutritifs. Il faut donc remédier aux problèmes environnementaux liés à la santé, en particulier en ce qui concerne l'eau et l'assainissement, pour assurer une amélioration de l'état nutritionnel.

Les problèmes propres aux femmes

Par suite de la guerre civile qui a éclaté peu après l'écroulement de l'Union soviétique, de nombreuses femmes se sont retrouvées veuves ou séparées de leur mari parce que les hommes ont été tués ou ont fui en exil. Le PNUD estime à 25 000 le nombre total de veuves, chacune ayant en moyenne cinq enfants, et celui des orphelins à 55 000. La désintégration de la protection sociale et, maintenant, les deux saisons consécutives de sécheresse ont encore accru le fardeau économique qui pèse sur les femmes. Celles-ci ont un taux de chômage démesurément élevé et leurs revenus sont quatre fois inférieurs à ceux des hommes. Du fait de l'augmentation du chômage, beaucoup de femmes ont été incitées à se sentir coupables de travailler et de ne pas rester à leur foyer. Beaucoup d'entre elles, en particulier les veuves, pratiquent la mendicité en compagnie de leurs enfants, et d'autres, vu l'absence d'autres sources de revenus, ont été contraintes d'accepter de se livrer au transport de la drogue12/.

6.4 Estimation du nombre de personnes en difficulté et des besoins d'aide alimentaire d'urgence en 2000/01

Selon la mission, les problèmes les plus graves se posent dans les terres hautes et les zones montagneuses ainsi que dans les zones frontalières éloignées du Tadjikistan, en particulier à proximité de l'Ouzbékistan. Un ciblage précis sera nécessaire pour que les groupes souffrant le plus d'insécurité alimentaire puissent effectivement bénéficier du programme. Il convient toutefois de noter que la pauvreté est très généralisée au Tadjikistan, si bien qu'il est difficile de faire une distinction entre cette dernière et les effets de la sécheresse.

Les groupes les plus durement frappés sont notamment les ménages qui sont totalement ou principalement tributaires des précipitations et n'ont que peu ou pas du tout accès aux installations d'irrigation. Ils ont perdu la quasi totalité de leurs cultures. Les ménages qui ne possèdent ni vache ni autre bétail ne peuvent guère recourir à d'autres sources de revenus. En outre, les ménages dirigés par des femmes, surtout lorsqu'ils comprennent de jeunes enfants, sont parmi les plus durement touchés.

La mission estime que 1,04 million de personnes auront besoin d'aide d'octobre 2001 à juin 2002, date à laquelle la prochaine récolte est prévue. Cette estimation repose sur les critères suivants:

Le tableau 6 ci-dessous indique le nombre de personnes nécessitant une aide dans chaque région ainsi que la quantité totale de denrées alimentaires nécessaire d'octobre 2001 à juin 2002. Une partie de ces besoins est prise en compte dans le cadre de l'OPUR actuellement en cours, qui a été prolongée de juin 2001 jusqu'à décembre 2001.

La quantité totale d'aide alimentaire qui serait nécessaire de janvier à juin 2002 se monte donc à 37 214 tonnes de farine de blé, 5 875 tonnes de mélange blé-soja, 7 051 tonnes de légumes secs et 4 700 tonnes d'huile.

Toutefois, comme indiqué précédemment, les ressources dont dispose l'opération en cours sont de 40 pour cent inférieures aux besoins. Il faudrait que les donateurs comblent ce déficit et fournissent une aide couvrant les nouveaux besoins supplémentaires (janvier-juin 2002) pour que les besoins d'aide alimentaire d'urgence puissent être satisfaits.

Tableau 6 - Tadjikistan : Nombre de personnes ayant absolument besoin d'une aide alimentaire d'urgence et quantités de blé et d'autres denrées alimentaires nécessaires (2001/2002)

Régions
Population rurale au milieu de l'année 2001
Nombre de personnes gravement touchées nécessitant une aide pendant neuf mois
Nombre de personnes modérément touchées nécessitant une aide pendant six mois
Nombre total de personnes ciblées
Besoins de farine de blé (tonnes)
Mélange blé/soja
et maïs/soja (tonnes)
Légumes secs (tonnes)
Huile
(tonnes)
GBAO
178 500
35,700
17 850
53 550
3 856
320
386
386
Leninabad
1 618 636
169 688
161 854
331 541
22 485
1 874
2 248
2 248
Khatlon
2 030 004
220 463
203 000
423 463
28 820
2 402
2 882
2 882
Régions RS
1 141 278
113 390
114 128
227 519
15 348
1 279
1 535
1 535
Tadjikistan
4 968 418
539 241
496 832
1 036 073
70 509
5 875
7 051
7 051

6.5 Considérations nutritionnelles

La Mission recommande qu'une aide alimentaire ciblée soit fournie à environ 1 036 000 personnes (539 000 pendant neuf mois et 497 000 pendant six mois) à raison de 300 g de farine de blé, 30 g de légumes secs et 30 g d'huile enrichie de vitamine A par jour, ce qui fournira 1 400 kg calories, soit 67 pour cent des besoins quotidiens en énergie. Une ration partielle est recommandée pour éviter une dépendance totale à l'égard de l'aide alimentaire. De plus, les ménages auront besoin de denrées alimentaires supplémentaires, par exemple des légumes et des produits laitiers, pour leur garantir une alimentation satisfaisante. Grâce à cette aide, les ménages devraient pouvoir utiliser leurs revenus limités pour acheter des denrées alimentaires supplémentaires qui leur font actuellement défaut. Il est également recommandé de fournir 100 grammes de mélange blé-soja enrichi à 25 pour cent des ménages qui ont des enfants de moins de cinq ans et aux femmes enceintes pour éviter une détérioration accrue de l'état nutritionnel des femmes et des enfants, déjà inadéquat.

Le présent rapport a été établi sous la responsabilité des Secrétariats de la FAO et du PAM à partir d'informations provenant de sources officielles et officieuses. La situation pouvant évoluer rapidement, prière de s'adresser, pour tout complément d'information, à:
Abdur Rashid
Chef, SMIAR, FAO
Télécopie: 0039-06-5705-4495
Mél: [email protected]
Khaled Adly
Directeur régional, OMN, PAM, Le Caire
Télécopie: 0020-2-754-7614
Mél : [email protected]
Il est également possible de recevoir automatiquement, par messagerie électronique, les Alertes spéciales et les Rapports spéciaux, dès leur publication, en souscrivant à la liste de distribution du SMIAR. À cette fin, veuillez envoyer un message électronique à l'adresse suivante: [email protected] , sans indiquer la case "sujet" en indiquant le message suivant:
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1 / La présente section a été établie à partir de renseignements provenants de plusieurs sources, notamment: Republic of Tajikistan: Poverty Assessment; Banque mondiale 2000. Tajikistan - Towards Accelerated Economic Growth. A country Economic Memorandum, Banque mondiale 2001; Republic of Tajikistan Statistical Appendix, FMI 2000; Tajikistan - Human Development Report, PNUD 2000.

2 / 1 $ EU = 2,55 somonis sur le marché libre au moment de la visite de la Mission en juin 2001.

3 / Entre 1995 et 1998, le gouvernement a privatisé 75 000 hectares de terres présidentielles pour accroître les avoirs fonciers des particuliers en vue de la production agricole destinée aux besoins des ménages. En moyenne, chaque ménage a reçu 0,15 hectares de terre irriguée ou 0,5 hectare de terre non irriguée.

4 / Les données officielles des dix dernières années indiquent que les superficies cultivées en céréales ont progressivement augmenté, passant de 215 000 hectares environ en 1991 à quelque 410 000 hectares en 2000.

5 / Les agriculteurs du Tadjikistan utilisent d'importantes quantités de semences de blé : de 200 à 230 kg par hectare dans les zones irriguées et 180 kg pour la culture pluviale, ce qui s'explique par le faible taux de tallage (3 en moyenne) des principaux génotypes utilisés et par la nécessité d'assurer une densité de peuplement efficace.

6 / Comme par le passé, la multiplication des semences de qualité reste confiée à certains sovkhozes spécialisés (var. : Navruz et Sharora). La production nationale a toutefois rarement couvert l'ensemble des besoins, et on a toujours eu recours à l'importation de semences certifiées depuis la Russie (var. : Omskaya-1), l'Ouzbékistan (Ulugbek), le Kirghizistan (Kyrgyz-100) et le Kazakhstan (Bogarnaya-56, Bezostaya-1, Steklovidnaya-24). L'Ouzbékistan et le Kirghizistan, souffrant eux-mêmes d'un manque de semences, ont récemment interdit les exportations. Des ONG ont importé de la Turquie (Atay-85 et Sultan-95) et des États-Unis (Jagar) des semences certifiées qui avaient fait leurs preuves antérieurement. La Mission s'est rendue dans trois exportations spécialisées dans la multiplication des semences dans les provinces de Khatlon et de Leninabad, mais, en fait, aucune d'entre elle n'en produisait.

7 / D'après les renseignements reçus, le labourage d'un hectare coûterait 50 kg de blé, 40 litres de carburant diesel et 1 kg de lubrifiant.

8 / Jusqu'en 1992, l'infrastructure d'irrigation était relativement bien entretenue grâce au financement satisfaisant fourni par le gouvernement central. Depuis lors, les ressources ont progressivement chuté et couvriraient aujourd'hui moins de 10 pour cent des besoins. Des redevances doivent être acquittées pour l'eau depuis 1996 mais, en plus du fait qu'elles équivalent à moins de 20 pour cent des coûts calculés, le système de collecte actuel est inefficace et les taux de paiement sont très faibles (les agriculteurs paient seulement 15 pour cent de ces redevances).

9 / La distribution d'anciens pâturages de la région de Khatlon et Kylob a apparemment été encouragée par les autorités locales, qui cherchent des terres à distribuer pour les exploitations privées individuelles ou collectives.

10 / Projections pour juin 2002 basées sur l'estimation de l'année dernière et un taux de croissance de 2 pour cent.

11 / D'après le rapport sur l'évaluation de la pauvreté au Tadjikistan de la Banque mondiale, le Programme présidentiel de réforme foncière a eu un important impact positif sur les moyens de subsistance des bénéficiaires. Il avait également pour objectif d'accroître la production vivrière à 200-400 kg d'équivalent blé, sous réserve de conditions climatiques favorables.

12 / Selon les estimations de l'International Crisis Group, jusqu'à 25 pour cent des drogues provenant de l'Afghanistan transitent par le Tadjikistan, principalement par la province de Gorno-Badakhstan.