SYSTEME MONDIAL D'INFORMATION ET D'ALERTE RAPIDE SUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE DE LA FAO

RAPPORT SPÉCIAL

LA FAMINE MENACE L'AFGHANISTAN TANDIS QUE LES APPROVISIONNEMENTS ALIMENTAIRES SE RAREFIENT DANS LES PAYS VOISINS

25 octobre 2001

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LA SITUATION ALIMENTAIRE EN AFGHANISTAN

La crise alimentaire que connaît l'Afghanistan, qui va en s'aggravant, menace sérieusement de déboucher sur une famine généralisée, alors qu'au même moment, la situation des approvisionnements alimentaires dans les pays voisins est gravement minée par une sécheresse prolongée. Cette année, la production alimentaire a en effet subi, au Pakistan, en République islamique d'Iran, au Tadjikistan, en Ouzbékistan et au Turkménistan, une réduction marquée du fait de la gravité de la sécheresse. Dans ces conditions, la situation alimentaire déficitaire qui prévaut dans ces pays et qui a déclenché une assistance alimentaire d'urgence dans certains d'entre eux, n'est guère un encouragement pour les millions d'Afghans déplacés ou résidents qui, dans le passé, satisfaisaient une partie de leurs besoins alimentaires grâce aux approvisionnements provenant des pays voisins. Le Pakistan et la République islamique d'Iran apportent un soutien à des millions de personnes réduites au statut de réfugiés par les conflits précédents, mais l'insuffisance de leurs ressources hypothèque gravement leur capacité de prise en charge des nouveaux arrivants.

Avant même les événements du 11 septembre, l'Afghanistan était aux prises avec une grave crise alimentaire, conséquence de trois années consécutives de sécheresse et de difficultés économiques de plus en plus aigus liés à la poursuite de la guerre civile. Une mission conjointe FAO/PAM qui s'est rendue dans le pays en mai dernier y a observé, dans de nombreuses régions du pays, des conditions allant de la famine naissante à la famine largement répandue, les habitants ayant épuisé leurs stratégies de survie en vendant leurs moyens de production et entrepris de se déplacer à la recherche de nourriture dans d'autres régions du pays ou en dehors des frontières. Les opérations militaires déclenchées le 7 octobre ont provoqué de nouveaux déplacements de population, aggravant encore une situation alimentaire critique.

Alors que la majorité des quelque 23 millions d'Afghans ont de graves difficultés d'approvisionnements alimentaires, près de 7,5 millions d'entre eux, à savoir les plus durement affectés, ont un besoin urgent d'aide alimentaire. Le PAM a prévu de livrer mensuellement 52 000 tonnes d'aide alimentaire afin de nourrir les personnes les plus vulnérables du pays, qu'il s'agisse des réfugiés (1,5 million) ou des résidents (6 millions). Cependant, les difficultés de transport et de distribution gênent la livraison des volumes requis. Il faudra sans doute transporter par voie aérienne une partie de l'aide alimentaire destinée aux régions peu accessible du pays, notamment les régions montagneuses du centre, avant que l'hiver ne commence à sévir à la mi-novembre.

Cette situation difficile coïncide avec la campagne de semis du blé, qui représente 80 pour cent de la production céréalière du pays. Compte tenu des importants déplacements de population, du manque d'intrants et de la perturbation des activités agricoles par les opérations militaires, la production céréalière de 2001, qui est censée répondre aux besoins durant la période 2001/02 (juillet/juin), ne pourra manquer de subir un recul marqué, ce qui ne manquera pas d'aggraver la situation alimentaire difficile dans laquelle se trouve déjà le pays.

Après une décennie de guerre destructrice avec l'Union soviétique, suivie d'une guerre civile qui dure depuis 13 ans, l'infrastructure agricole et celle des autres secteurs de l'économie afghane sont dévastées. Les réseaux d'irrigation sont anéantis, les services agricoles ont pratiquement disparu et les agriculteurs n'ont qu'un accès très limité aux intrants agricoles indispensables. Des milliers d'hectares de terres agricoles de première qualité ont été retirés de la production, en raison principalement du manque d'irrigation et de la présence de millions de mines terrestres. De nombreuses localités ont été coupées du reste du pays par suite des dégâts infligés au réseau routier, aux ponts et aux autres voies de communication. Les arbres fruitiers et les forêts, qui constituent une importante source de devises étrangères, ont virtuellement disparu. Quant à la production bétaillère, également importante pour l'exportation et source de nourriture et de force motrice pour les agriculteurs, elle a été gravement amputée. Ces trois dernières années, le pays a subi une sécheresse dévastatrice qui a encore alourdi le bilan d'années de guerre et a pratiquement réduit à la famine de larges tranches de la population. La production céréalière de 2001, estimée à 2 millions de tonnes, n'atteint que la moitié environ de celle de 1998.

Compte tenu de la réduction de la production en 2001, les besoins en importations céréalières pour la campagne de commercialisation en cours (juillet - juin 2001/02) devraient s'établir au niveau quasi record de 2,2 millions de tonnes, dont 760 000 tonnes initialement projetées sous forme d'importations commerciales. Toutefois, en raison de la situation actuelle, les importations commerciales pourraient ne représenter qu'un tiers du volume estimatif initial. À supposer que l'aide alimentaire d'urgence programmée, en tout 494 000 tonnes, soit livrée d'ici juin 2002, le déficit global en 2001/02 (juillet/juin) risque fort d'avoisiner 1,5 million de tonnes de céréales. Dans de telles conditions, seule une mobilisation massive de l'aide alimentaire et des autres formes de secours, accompagnée d'une distribution dirigée vers les groupes vulnérables, permettra d'écarter la menace de famine généralisée qui pèse actuellement sur le pays.

Une fois le conflit résolu de façon définitive, il faudra que soit adopté un train de mesures visant à redresser le secteur agricole, notamment par la reconstruction des réseaux d'irrigation, la fourniture d'intrants aux agriculteurs, la reconstitution de la force motrice et la remise en état des sous-secteurs de l'horticulture, du bétail et de la foresterie, ainsi que par le rétablissement des services de vulgarisation/éducation et le renforcement des capacités institutionnelles. Selon les estimations de la FAO, un financement d'environ 200 millions de dollars américains sera nécessaire pour mettre en _uvre un programme d'envergure nationale d'aide d'urgence et de redressement du secteur agricole.

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LA SITUATION DANS LES PAYS VOISINS

Pakistan

Une mission d'évaluation des cultures et des approvisionnements alimentaires FAO/PAM s'est rendue dans le pays en mai/juin 2001 et a constaté que les précipitations ont été inférieures de 50 à 80 pour cent à la normale dans la plupart des régions du pays au cours de la campagne agricole de l'hiver dernier (janvier- mars 2001). Quant aux pluies de mousson de l'an dernier, elles ont également été inférieures de plus de 40 pour cent au volume normal. Ces conditions climatiques ont gravement affecté l'agriculture pluviale ainsi que la végétation dans les pâturages.

La production de blé de culture pluviale, estimée à environ 541 000 tonnes en 2001, a été inférieure de près de 70 pour cent à la dernière moyenne quinquennale et de 62 pour cent à celle, déjà réduite, de l'an dernier. Cependant, étant donné que près de 90 pour cent de la production de blé proviennent de cultures irriguées, l'impact global de la sécheresse n'a pas été aussi marqué. Il n'en demeure pas moins que la production globale de blé - cultures d'irrigation et cultures pluviales - de 2000 a été estimée à 18,73 millions de tonnes, soit un niveau nettement inférieur aux 21 millions de tonnes engrangés l'an dernier. Quant à la récolte de riz de 2001, ensemencée au mois de mai pour être rentrée en octobre/novembre, elle devrait s'établir au niveau réduit de 3,9 millions de tonnes (riz usiné) par suite des pénuries d'eau dans les cultures d'irrigation, contre un volume de 4,8 millions de tonnes en 2000 et une moyenne de 4,6 millions de tonnes pour les cinq dernières années. Avec l'adjonction de la récolte de céréales secondaires, soit environ 1,9 million de tonnes, la production céréalière totale de 2001 est donc estimée à 26,5 millions de tonnes, soit 13 pour cent de moins que la récolte de l'an dernier.

Le volume global des approvisionnements céréaliers suffira à peine à répondre aux besoins de consommation de la campagne de commercialisation 2001/02. Selon les prévisions, la consommation intérieure ainsi que les autres modes d'utilisation devraient être satisfaits à partir de la production actuelle conjuguée à une ponction sur les importants stocks de blé laissés par la bonne récolte de l'an dernier. On prévoit également un certain volume d'exportations de blé découlant de contrats passés antérieurement. Les exportations de riz devraient s'établir à un volume inférieur à celui de l'an dernier, à savoir 2 millions de tonnes. Toutefois, la sécheresse prolongée a gravement érodé la sécurité alimentaire d'un nombre important d'agriculteurs, en particulier au Baloutchistan, dans certaines parties du Sindh et du Choulistan et du Pundjab.

Les pluies de mousson, modérées par endroits et violentes dans d'autres qui sont tombées au cours de la dernière semaine de juin et début juillet, notamment dans les secteurs du nord-est du Cachemire, ainsi que durant la dernière décade de juillet au Potohar, dans la province frontalière du Nord-Ouest et dans d'autres régions septentrionales, ont entraîné des inondations qui ont fait un certain nombre de victimes et des centaines de sans-abri.

Le Pakistan héberge près de 2 millions d'Afghans qui y ont cherché refuge durant le conflit précédent. Toutefois, par suite des événements récents, le nombre des réfugiés est en augmentation.

République islamique d'Iran

Les effets désastreux de trois années consécutives de sécheresse se sont fait sentir dans tous les secteurs de l'économie. Selon un rapport interagences des Nations Unies publié au mois de juillet, près de 90 pour cent de la population - urbaine, rurale et nomade - en sont gravement affectés. Les rivières et les fleuves à l'étiage ainsi que le déclin rapide des nappes phréatiques ont entraîné une pénurie aiguë d'eau potable dans les villes comme dans les campagnes. Les provinces affectées ont été le théâtre d'importants mouvements de populations rurales emmenant leur bétail vers d'autres régions pour y trouver de l'eau. On estime à 200 000 le nombre d'éleveurs nomades qui auraient perdu leur seule source de subsistance.

Selon les données estimatives concernant la production de 2001, la production de blé s'établirait à 7,5 millions de tonnes, alors que la dernière moyenne quinquennale est de 20,7 millions de tonnes. On prévoit que la production d'orge, comme celle de maïs et de riz, seront également inférieures à la moyenne.

Le 10 août 2001, des inondations soudaines ont frappé les provinces orientales du Goulestan, du Khorasan et du Semnan, affectant 1,2 million de personnes au Goulestan, la province la plus touchée. Les pertes financières subies par le secteur agricole (y compris sous forme de bétail) ont été estimées à 23 millions de dollars américains ; en outre, près de 750 000 hectares de terres arables ont subi de graves dégâts.

Le pays vient en aide à plus de 1,5 million de réfugiés afghans, victimes du conflit précédent.

Tadjikistan

La sécheresse, le manque d'eau, la dégradation extrême des réseaux d'irrigation et les problèmes structurels ne font qu'aggraver la situation des approvisionnements alimentaires par rapport à l'année dernière, au cours de laquelle un déficit important avait été enregistré, entraînant une situation extrêmement tendue des approvisionnements alimentaires tout au long de l'année. Les deux principaux fleuves, l'Amu et le Syr, qui alimentent le réseau d'irrigation très étendu du pays, ont eu un débit inférieur de moitié au volume habituel. On estime que les précipitations n'ont représenté que 60 pour cent des niveaux moyens, en particulier durant les mois de mars et d'avril, cruciaux pour la récolte de blé. Les approvisionnements en intrants agricoles sont insuffisants, notamment en ce qui concerne les semences et les engrais de qualité. Il en va de même pour les équipements agricoles, qui ne répondent pas à la demande. En outre, près de 40 à 50 pour cent des équipements de pompage et près de 60 pour cent des équipements lourds utilisés pour l'entretien des canaux et des voies de drainage sont hors d'usage, ce qui réduit de façon marquée l'efficacité du réseau d'irrigation.

La mission FAO/PAM d'évaluation des récoltes et des approvisionnements alimentaires qui s'est rendue dans le pays en juin et juillet 2001 a estimé la production céréalière à 303 000 tonnes contre 355 000 tonnes rentrées en 2000. Quant à la production de blé, principale denrée alimentaire, elle est estimée à 233 000 tonnes contre 283 000 tonnes l'an dernier et 366 000 tonnes en 1999.

Les besoins d'importations céréalières - du blé principalement - pour la campagne de commercialisation de 2001/02 (juillet/juin) sont estimés à 788 000 tonnes. Si l'on tient compte d'une capacité projetée d'importations commerciales de 400 000 tonnes, ainsi que des engagements d'aide alimentaire pour un volume de 43 000 tonnes, le déficit non couvert est estimé à 345 000 tonnes. Un déficit d'une telle ampleur, touchant une population en grande partie démunie, risque d'avoir de graves conséquences pour la sécurité alimentaire si l'on ne fait pas le nécessaire pour le combler. Etant donné que cette situation s'est déjà produite l'an dernier, et compte tenu de l'absence d'autres sources de revenu, de nombreux ménages ont épuisé leurs stratégies de survie et ont besoin d'une aide alimentaire d'urgence.

Le PAM a fourni, depuis octobre 2000, une aide alimentaire d'urgence à 1,6 million de personnes dans le cadre des programmes d'alimentation des groupes vulnérables (910 000 personnes) et d'échanges nourriture contre remise en état des actifs (250 000 personnes). On prévoit que l'opération d'urgence en cours arrivera à son terme d'ici décembre 2001; elle aura alors distribué un total de 72 468 tonnes de farine de blé, 2050 tonnes d'huile végétale, 1 200 tonnes de légumineuses et 700 tonnes de sel.

Ouzbékistan

Les graves pénuries d'eau ainsi que la sécheresse des deux dernières années ont gravement affecté la production agricole. On signale en outre que le débit des deux principales sources d'irrigation, à savoir les fleuves Amu Darya et Syr Darya, ne représente que 40 pour cent du volume normal, alors que le climat, exceptionnellement chaud et sec, a entraîné une demande accrue d'eau d'irrigation. Par ailleurs, le faible volume d'eau disponible serait pollué par un taux de salinité élevé.

La production totale de céréales de cette année ne devrait pas, selon les prévisions, dépasser 3,4 millions de tonnes, soit près de 500 000 tonnes de moins que la récolte médiocre de l'an dernier, et près d'un million de tonnes de moins que la production de 1999, considérée comme moyenne. La production de blé est estimée à 3,2 millions de tonnes, et celle de riz à 100 000 tonnes, à comparer avec les productions de 1999, à savoir 3,6 millions de tonnes de blé et 421 000 tonnes de riz. Les régions les plus touchées sont les régions autonomes du Karakalpakstan et du Khorzan, où les emblavures ainsi que la production des cultures de printemps ont été réduites de moitié. On prévoit en outre que la récolte de coton, principale culture d'exportation, n'atteindra pas l'objectif officiel de 3,9 millions de tonnes de graines de coton.

À titre prévisionnel, les besoins en importations de 2001/2002 sont estimés à 0,9 million de tonnes, soit près de 293 000 tonnes de plus que les importations de l'année précédente. Le gouvernement a lancé un appel à l'assistance internationale pour la remise en état des réseaux d'irrigation et de l'équipement de désalinisation, de même que pour la fourniture d'une aide alimentaire ciblée dans certaines régions. Selon les estimations de l'UNOCHA, près de 600 000 personnes risquent, faute d'une assistance, de souffrir de pénuries alimentaires dans le Karakalpakstan et le Khorzan. La mission FAO/PAM d'octobre 2000 a constaté que 45 000 habitants du Karakalpakstan avaient souffert de graves pénuries alimentaires.

Turkménistan

Pendant deux années consécutives, la sécheresse ainsi que les pénuries d'eau d'irrigation ont affecté la production agricole. Les réservoirs alimentés par le fleuve Amu Darya, qui fournit près de 90 pour cent de l'eau d'irrigation du pays, sont demeurés à un niveau nettement inférieur à celui de l'année précédente, tandis que le fleuve Murghab, qui fournit l'eau d'irrigation à la province de Mary, a été virtuellement à sec pendant la majeure partie de la campagne agricole de cette année.

Selon les prévisions initiales de la FAO, la production céréalière devrait s'établir à 1,5 million de tonnes, soit un volume analogue aux estimations de 2000, dont 1,4 million de tonnes de blé, 50 000 tonnes d'orge, 20 000 tonnes de maïs et 20 000 tonnes de riz. Les niveaux de production céréalière ont pu être maintenus grâce à une certaine augmentation des emblavures de blé. Les régions les plus touchées sont, une fois encore, la province de Mary, qui borde la République islamique d'Iran et l'Afghanistan, le Dashagouz, voisin de la région du Karakalpakstan en Ouzbékistan. Les besoins en importations céréalières en 2001/02 ont été estimés à 40 000 tonnes. Malgré les rapports préliminaires faisant état de pénuries alimentaires, et en dépit de la situation tendue que connaît le pays en matière d'approvisionnements alimentaires, le gouvernement n'a lancé aucun appel à l'assistance internationale.

Le présent rapport a été établi sous la responsabilité du Secrétariat de la FAO à partir d'informations provenant de sources officielles et officieuses. La situation pouvant évoluer rapidement, prière de s'adresser, pour tout complément d'information, à: M. Abdur Rashid, Chef, SMIAR, FAO; Télécopie: 0039-06-5705-4495, Mél: [email protected]) .

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