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La restauration des versants abrupts déboisés de la côte orientale de l'Île du Nord, en Nouvelle-Zélande

D. Rhodes

David Rhodes est analyste principal
des politiques auprès du Ministère
de l'agriculture et des forêts,
Wellington (Nouvelle-Zélande).

Le reboisement, appuyé par l'État, des terres fortement érodées par une longue période d'élevage ovin et bovin, offre au sol une deuxième chance.

Région de la côte orientale



Une place pour chaque chose, chaque chose à sa place

Mme Isabella Beeton

La côte orientale de l'Île du Nord de la Nouvelle-Zélande est caractérisée par des terres en pente abrupte, dont les forêts naturelles qui les couvraient autrefois ont été déboisées à des fins agricoles - pour l'élevage ovin et bovin principalement - après l'arrivée des colons européens, au XIXsiècle. À la suite de cette déforestation, ces terres ont été sujettes à une grave érosion et à une perte de fertilité du sol qui ont fini par constituer une menace pour la santé économique de la région. Certaines zones de la région du Cap Est ont été indiquées comme l'un des pires exemples d'érosion pastorale au monde, et l'héritage du déboisement est encore visible aujourd'hui. Cet article illustre les efforts mis en oeuvre pour renverser cette situation grâce à la plantation d'arbres, depuis les mesures prises par le gouvernement au milieu du XXsiècle jusqu'au Projet forestier pour la côte orientale, lancé à la suite de la privatisation du Service forestier en 1987, et qui encourage les plantations privées. L'article examine les effets environnementaux et sociaux de ce projet, et notamment la protection du sol et la création d'emplois.

LE SITE ET SON HISTOIRE

La zone délimitée par les frontières de la division administrative de Gisborne, sur la côte orientale de l'Île du Nord de la Nouvelle-Zélande, renferme environ 850 000 ha de terres particulièrement sujettes à l'érosion. Les sols sont pour la plupart constitués de grès et de schiste argileux, et certains de ponce volcanique. Une intense activité géologique a brisé le schiste argileux et le grès, et l'eau s'infiltre dans ces sols avec facilité. Le processus continu d'humectation et d'assèchement de la roche, notamment du schiste argileux, en cause la désintégration.

Les étés sont chauds et secs, avec des températures dépassant souvent les 30 °C, et les vagues de sécheresse sont habituelles. La pluviosité annuelle oscille entre 1 000 et 5 000 mm, et les averses de grande intensité (de 100 à 300 mm en l'espace de 24 heures) sont fréquentes, en été comme en hiver.

Les deux tiers environ du territoire, ainsi que la plus grande partie de l'espace pastoral, sont drainés par deux cours d'eau, le Waipaoa et le Waiapu (voir la carte).

L'aménagement des terres à des fins agricoles

Avant l'établissement des colons européens, la plupart des terres étaient couvertes par des forêts naturelles, constituées notamment de podocarpes et de feuillus divers, surtout sur les pentes douces. À plus haute altitude, les forêts de hêtres Nothofagus fusca et Nothofagus menziesii étaient prédominantes. Malgré ce couvert forestier, ces terres étaient sujettes à l'érosion et faisaient parfois l'objet de glissements et de mouvements de terrain importants.

Les colons européens sont arrivés à la fin du XIXsiècle et le déboisement s'est accéléré à mesure que l'immigration s'intensifiait. Entre 1890 et 1900, avec l'apparition des navires frigorifiques, plus d'un quart des forêts de la Nouvelle-Zélande ont ainsi été déboisées, le plus souvent pour le pâturage. Cette déforestation a concerné en bonne partie les terres marginales en pente abrupte.

La mise en valeur des terres à des fins agricoles avait des motivations économiques. Les politiques protectionnistes adoptées par le gouvernement à partir des années 30 y ont contribué, de même que la fumure en couverture pratiquée dans les années 40 et le boom de la laine enregistré dans les années 50. À partir des années 60, les gouvernements qui se sont succédé ont cherché à compenser la contraction des revenus agricoles par des mesures d'incitation, et notamment par des subventions pour l'achat d'engrais, des allégements fiscaux en faveur de l'aménagement des terres et des prêts escomptés. Un Plan d'incitation à l'élevage prévoyant des primes visait à favoriser ainsi l'accroissement du cheptel (avec pour résultat que certains éleveurs ont constitué un cheptel supérieur à la capacité de charge de leur exploitation). En 1978, un Prêt d'incitation à la mise en valeur des terres a été introduit pour favoriser l'exploitation des terres; ce prêt était radié si la terre restait en exploitation pendant cinq ans. La priorité était donnée au déboisement des versants non défrichés ou convertis (Ministère de l'agriculture et des pêches, 1981). Cette année-là, un plan supplémentaire de prix minimum a également été lancé, qui offrait aux agriculteurs des garanties de prix sur plusieurs années.

Le déboisement pratiqué pendant la première moitié du XXsiècle, principalement pour l'élevage, a causé de graves glissements de terrain dans les zones pastorales d'amont

- GISBORNE DISTRICT COUNCIL, NOUVELLE-ZÉLANDE

Les conséquences

Dès 1900, les effets de la déforestation étaient évidents. De nombreux phénomènes de glissement de terrain, coulée de terre et décrochement ont fait leur apparition ou ont connu une nouvelle accélération, et des ravines ont commencé à se former (WSD, 1987). L'alluvionnement des lits de rivière (modification de la pente par l'accumulation de dépôts) s'est accentué aussi bien en volume qu'en répartition géographique à partir de 1910. À la fin des années 30, les populations situées en aval s'inquiétaient des conséquences d'une érosion incontrôlée dans les zones d'amont. L'analyse des sédiments d'un lac dans le sud de la région du Cap Est, a montré que le taux d'érosion naturelle était de 2,1 mm par an avant la colonisation, mais qu'il atteignait 14 mm par an dans les années 90 (Trustum et Page, 1991).

Les matériaux transportés en aval ont submergé bien des terrasses fluviatiles fertiles et causé la perte des terres de pâturage de la plus grande partie des troupeaux. De nombreux cas d'exhaussement de 10 à 30 m du lit des cours d'eau ont été enregistrés après la conversion des terres à l'agriculture (WSD, 1987). Les répercussions financières - outre la perte d'un grand nombre de terres productives - ont été notamment les pertes de bétail et les coûts de reconstruction ou de repositionnement des routes, des berges, des installations d'emmagasinement et d'appro-visionnement en eau, des systèmes d'irrigation, des clôtures, des ponts et des exploitations rurales.

Dès 1960, la côte orientale se trouvait dans une position socioéconomique nettement inférieure à celle des autres régions d'élevage du pays. La région se ressentait de l'exode des populations, de la stagnation économique et d'un taux de chômage élevé, dus en partie à la perte de fertilité et à l'érosion du sol. Son relatif isolement géographique, la rigidité du régime foncier, l'étendue des exploitations agricoles (dépassant généra-lement les 800 ha), ainsi que des pro-blèmes pour le recrutement de la main-d'oeuvre, aggravaient encore la situation. En 1962, dans les zones les plus touchées par l'érosion, la valeur réelle en capital des terres avait diminué de moitié par rapport à 1919 (WSD, 1987). À la fin des années 60, toutes les principales industries secondaires (par exemple, les fabriques laitières et les installations de congélation) implantées à l'extérieur de la ville de Gisborne avaient fermé, tandis que les services sanitaires, scolaires, de transport et autres étaient menacés.

Cette situation a eu un impact notable sur les tribus indigènes locales (Maori). C'est en effet sur la côte orientale, plus que dans toute autre région de la Nouvelle-Zélande, que se concentrent la plus grande partie de ces populations. Les tribus Maori ont de nombreuses possessions foncières dans la région et de solides liens culturels avec la terre. Le manque de capitaux et la propriété multiple limitent toutefois les possibilités d'exploitation de ces terres. À cela s'ajoutent des taux d'éducation supérieure inférieurs à la moyenne, un chômage plus élevé et d'autres problèmes sociaux. La plus grande partie des populations de Maori ont migré vers les villes en quête de travail.

Les répercussions au niveau de la terre ont été de longue durée. Une trentaine d'années sont en effet nécessaires pour reconstituer les pâturages sur les versants abrupts, même sans autre érosion (Hicks, 1989), et le sol ne retrouve qu'entre 80 et 85 pour cent environ de son niveau de fertilité précédent, même s'il bénéficie de semis et d'un épandage en couverture. Le taux d'érosion sous exploitation agricole était généralement bien supérieur à celui de la formation du sol. Le Ministère des travaux et du développement (WSD, 1987) est parvenu à la conclusion que dans la plus grande partie de ce pays montagneux, l'élevage pastoral ne pouvait être considéré comme une utilisation durable de la terre.

Petit cours d'eau et espace agricole couvert de sédiments au nord de la baie deTokomaru - un exemple de la façon dont l'érosion dans les zones d'amont se traduit par une perte de terres productives en aval

- MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE ET DES FORÊTS, NOUVELLE-ZÉLANDE

Mangatuna Bridge au nord de la baie de Tolaga, inondé par effet des dépôts de matériaux d'érosion transportés en aval

- MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE ET DES FORÊTS, NOUVELLE-ZÉLANDE

LES PREMIÈRES RÉPONSES DE LA FORESTERIE

Un organisme local, le Poverty Bay Catchment Board, a commencé en 1948 à effectuer des essais de plantation d'arbres dans cette zone. Leur implantation a été rapide et une fois le couvert forestier formé, le ruissellement a été considérablement réduit, avec un ralentissement des coulées de terre et de l'expansion des ravines. En revanche, les tentatives faites pour stabiliser les lits de rivière et les ravines ont été vaines.

Encouragé par ces résultats, en 1960, le gouvernement a chargé le Service forestier national d'acheter et de planter initialement 7 000 ha de terres à risque. Plusieurs solutions possibles ont ensuite été examinées pour lutter contre l'érosion, y compris l'agriculture de conservation. Un comité multidisciplinaire indépendant a recommandé en 1967 qu'une distinction soit faite entre les plaines alluviales pastorales plus fertiles («l'avant-pays pastoral») et les zones critiques d'amont, et que ces dernières soient intégralement reboisées, même si cela devait comporter la mise hors production de l'espace pastoral (Taylor, 1970).

La réponse du gouvernement a été de renforcer le programme du Service forestier concernant l'achat et la plantation des terres non boisées des zones d'amont pour lutter contre l'érosion et améliorer la productivité. Les objectifs secondaires étaient de maintenir la productivité de la terre, de promouvoir le développement économique et social et d'implanter des forêts de production.

La simple séparation des zones d'amont de l'avant-pays pastoral n'a pas reçu un véritable soutien de la part de la communauté agricole locale et les premières plantations d'arbres ont procédé au ralenti. Au milieu des années 70, il est apparu clairement que cette distinction n'était plus appropriée et une classification des terres a alors été effectuée pour les décisions concernant leur utilisation (PBCB, 1978):

Cette classification plus précise des terres a reçu un meilleur accueil. Les mesures de reboisement prises par le gouvernement visaient les terres de la Catégorie 3, ainsi subdivisées:

L'année 1984 a marqué un net tournant dans l'orientation du gouvernement, avec une focalisation accrue sur le marché libre. Le gouvernement central a commencé à se dégager d'un certain nombre de services au profit du secteur privé, sauf lorsqu'il estimait que sa participation était nécessaire pour le bien public. Une série de nouvelles politiques gouvernementales ont donc été adoptées. Le principe du recouvrement partiel du coût des services a été introduit, les prêts à des conditions de faveur ont été éliminés progressivement, les subventions ont été supprimées, et la protection des importations sensiblement réduite. Davantage de responsabilités ont été données aux utilisateurs des terres, appelés à assumer les conséquences de leurs décisions en matière d'aménagement. L'octroi de subventions n'était envisagé que lorsque des mesures urgentes s'imposaient et que les ressources à engager étaient supérieures à la capacité des individus. Dès lors, le gouvernement a également cherché à se dégager de la propriété forestière et à privatiser ses possessions.

Après 1984-1985, le fléchissement conjugué de l'aide de l'État et des prix agricoles a eu des répercussions considérables. En 1987, le taux de chômage officiel sur la côte orientale était de 14,3 pour cent, le plus élevé du pays. Selon les estimations, ce pourcentage était attribuable pour moitié aux emplois perdus entre 1985 et 1987 (WSD, 1987). Le développement de la foresterie nécessitait des engagements de fonds précoces, qui ne produiraient un profit que bien des années plus tard. Au recul constant des taux de rentabilité réelle au fil des décennies, les agriculteurs ont répondu par une augmentation des taux de charge.

Le programme de plantation a pris fin en 1987, lorsque le Service forestier national a été privatisé. La nouvelle Compagnie forestière avait une orientation commerciale et les terres particulièrement sujettes à l'érosion n'étaient pas considérées comme économiquement viables. Un examen du programme de plantation a montré que la foresterie avait contribué à la lutte contre l'érosion et au maintien de la productivité, mais que malgré la plantation de 36 100 ha en 16 ans, il fallait encore intervenir sur au moins 110 000 ha (WSD, 1987). La maîtrise en aval de l'alluvionnement et des inondations était moins bonne. Les raisons invoquées étaient les suivantes:

L'exploitation des premières forêts implantées par l'État a démarré en 1990. Au milieu des années 90, la forêt de Mangatu (13 000 ha), par exemple, produisait environ 250 000 tonnes de grumes par an.

Terres rentrant dans la catégorie 3 dans la forêt de Mangatu, dans la région de Gisborne, en 1964

- ARCHIVES NATIONALES - COLLECTION JOHN JOHNS (NOUVELLE-ZÉLANDE)

Une réponse rapide de la foresterie: le site forestier de Mangatu en 1970 après un reboisement efficace

- ARCHIVES NATIONALES - COLLECTION JOHN JOHNS (NOUVELLE-ZÉLANDE)

L'ultime épreuve

Trois mois après l'examen effectué en 1987, la région a été victime d'un cyclone tropical intense baptisé Bola, qui a apporté des vents et des pluies d'une violence que l'on n'observe qu'une seule fois par siècle. En trois jours, en mars 1988, la plus grande partie de ce pays montagneux a reçu 600 mm de pluie. L'épicentre se situait à l'intérieur des terres de Tolaga Bay, où une pluviosité record de 900 mm a été enregistrée.

Les conséquences ont été dramatiques. Les hauteurs ont été dévastées et les fonds de vallée envahis de boue. Sous l'effet du cyclone, la superficie des terres classées comme «sans utilisation productive» est passée de 38 000 ha à 41 000 ha (Hogan, 1990). Dans le seul bassin versant de Waihora, la surface à reboiser a été multipliée par six par rapport aux besoins recensés en 1983 (ECCB, 1998).

Dans les zones boisées, l'érosion était moins marquée que dans celles qui ne l'étaient pas (Kelliher, Marden et Watson, 1992). Les photographies aériennes de la région de Hawkes Bay dans le sud du Cap Est, ont révélé une instabilité de surface sur 0,1 pour cent du bassin versant reboisé, mais sur 0,9 pour cent du bassin versant utilisé pour le pâturage (Fransen et Brownlie, 1996). Cela a prouvé que les forêts de production commerciale constituaient une solution possible pour la maîtrise de l'érosion. La fermeture du couvert forestier est toutefois essentielle, et les pins de moins de six ans d'âge (qui ne constituaient pas un couvert fermé) n'ont pas protégé le sol, n'offrant donc pas une meilleure résistance à l'érosion que les pâturages (Marden et Rowan, 1993).

À la suite du cyclone Bola, le gouvernement a offert une aide financière à court terme aux agriculteurs, par le biais d'un Fonds d'aide à l'agriculture. Les exploitants ont été compensés à 60 pour cent des pertes non assurables subies, l'emploi de ces indemnités ayant été laissé à leur discrétion. La plupart des fonds ont été utilisés pour rembourser les dettes, et certains agriculteurs ont modifié leurs pratiques d'aménagement des terres. Bien peu a été toutefois destiné à la lutte contre l'érosion. Il en a été conclu que l'aide financière n'avait apporté que des changements limités et n'empêcherait pas une catastrophe similaire à l'avenir (Webber et al., 1989).

LE PROJET FORESTIER POUR LA CÔTE ORIENTALE

Face au repli général de l'économie de l'élevage ovin et bovin et aux conséquences du cyclone Bola, il a fallu envisager une nouvelle approche. Les problèmes d'érosion s'étaient aggravés et des changements permanents à grande échelle dans l'aménagement des terres s'imposaient (Nield et Kirkland, 1988). La région s'étendant de la baie de Tolaga à Te Araroa en particulier, avait été relativement négligée, à part quelques interventions de plantation forestière de conservation, et l'état de ces terres s'était encore dégradé. Le gouvernement a donc commencé à étudier des moyens pour accélérer le taux de plantation, au moindre coût possible pour l'État. Un autre facteur de la nécessité d'une nouvelle approche était que, conformément au processus de réforme économique, le gouvernement se libérait de son patrimoine forestier et vendait ses forêts sur la côte orientale.

Le Projet forestier pour la côte orientale a été lancé en 1992 pour promouvoir une foresterie commerciale à grande échelle comme instrument de lutte contre l'érosion, de création d'emplois et de développement régional, et pour identifier les besoins écologiques sur les propriétés privées (Ministère des forêts, 1994). L'objectif était de contribuer à la plantation, sur 28 ans, de 200 000 ha de terres présentant un degré d'érosion allant de modéré à grave.

Les objectifs de ce Projet forestier étaient alignés sur les buts énoncés dans le Plan élaboré par le Conseil de district de Gisborne au titre de la Loi sur la mise en valeur des ressources (1991). Cette loi est la pierre angulaire de la législation néo-zélandaise en matière de gestion de l'environnement pour tous les types de paysage, et la responsabilité de son application revient aux gouvernements locaux - c'est-à-dire aux conseils régionaux et de district. Le Conseil de district de Gisborne est donc étroitement intéressé à la gestion du projet.

Aspects opérationnels

Contrairement à d'autres initiatives précédentes, le Projet forestier pour la côte orientale encourage les plantations privées. Un processus d'appel d'offres est engagé et les candidats présentent des plans de mise en valeur forestière pour financement, des subventions étant disponibles pour des régimes sylvicoles intéressant des essences commerciales agréées. Les demandes sont évaluées au regard de certains critères (par exemple, l'existence d'un plan d'aménagement forestier, une superficie minimale de 5 ha, un certain pourcentage minimum de terres visées et la non-destruction de toute essence forestière indigène susceptible de lever), puis elles sont classées par ordre de coût après pondération des soumissions en faveur de celles qui visent un plus grand pourcentage de terres et/ou qui maintiennent un pourcentage de végétation indigène plus important. Un certain degré minimum de maîtrise de l'érosion est ainsi requis, et les offres qui y parviennent au moindre coût ont la préférence. Les soumissions sont également ajustées sur la base des taux de transport et des distances afin que les régions les plus reculées du district ne soient pas pénalisées. Les détails précis des paramètres utilisés pour établir la priorité des offres sont commercialement sensibles et demeurent confidentiels. Une limite de financement maximale pour chaque subvention est fixée chaque année. Ce montant est une valeur actuelle nette (VAN) calculée en fonction du taux de rentabilité interne sur une rotation de 29 ans. Les prix sont calculés sur la base des prix en vigueur pour les grumes. Le taux d'escompte est basé sur le taux de rendement réel d'un investissement forestier privé donné et se situe entre 9 et 12 pour cent. Une VAN négative indique le montant du paiement nécessaire pour encourager un investisseur à considérer une terre sujette à l'érosion au même titre qu'une autre terre. Un montant supplémentaire confidentiel est alors ajouté pour pourvoir au «risque» additionnel, fixant ainsi un plafond au-delà duquel les offres ne seront pas acceptées. Lorsque la concurrence est suffisante, comme cela a été le cas ces dernières années, la VAN n'est pas requise.

Les subventions sont versées par tranches, sous réserve de l'achèvement satisfaisant des travaux, et le processus d'appel d'offres permet au gouvernement de ne sélectionner que les meilleures propositions et de limiter son effort financier total aux aides approuvées. À mesure que la foresterie prend de l'importance, les offres devraient devenir de plus en plus compétitives, avec une réduction des coûts pour le gouvernement.

Les forêts indigènes ne peuvent être déboisées dans le cadre du projet, et une aide est accordée pour leur protection. Le déboisement des zones protégées et des terrains riverains est exclu.

Sylviculture

Le pin de Monterey est l'essence la plus intéressante sur le plan coût-efficacité (plus de 95 pour cent de la totalité des plantations effectuées à ce jour). Les taux de croissance du pin de Monterey sur la côte orientale comptent parmi les plus élevés du pays, et la taille moyenne d'un arbre de 20 ans est de 28 m. Par comparaison, la croissance de la plupart des autres essences est relativement lente et la régénération naturelle plutôt faible. Les essences Eucalyptus et Acacia sont plus sensibles aux mouvements du sol et aux conditions de sécheresse de la terre. Les saules et les peupliers ne sont indiqués que pour de petites superficies. Le Douglas taxifolié constitue une solution de remplacement pour les zones plus élevées et plus froides. Ni le pin de Monterey, ni le Douglas taxifolié ne sont adaptés pour les ravines particulièrement actives, mais ils conviennent tous deux pour des plantations en bordure.

La fermeture du couvert forestier et l'occupation du site par les racines étant plus rapides avec des taux de plantation élevés, des spécifications minimales de peuplement sont donc fixées. Par exemple, une coupe d'éclaircie finale est obligatoirement effectuée lorsque les arbres atteignent une hauteur moyenne de 15 m, et la densité de peuplement doit alors être de l'ordre de 250 à 500 tiges par hectare. Les rendements par zone plantée sont comparables à ceux que l'on enregistre dans les forêts commerciales non subventionnées situées sur des terrains moins escarpés, de l'ordre de 600 m3 par hectare. Toutefois, la qualité n'est pas aussi bonne.

Photographie aérienne d'une plantation à grande échelle de pins de Monterey de deux ans d'âge dans le cadre du Projet forestier pour la côte orientale, dans une zone d'amont gravement érodée

- D. RHODES

LES EFFETS SECONDAIRES DES PROJETS DE REBOISEMENT

L'examen du programme gouvernemental de reboisement, effectué en 1987 (WSD, 1987), a permis de constater que plus de 200 emplois avaient été ainsi créés, à l'intention des Maori principalement. Il s'agissait pour la plupart d'emplois destinés aux tranches d'âge les plus jeunes, qui avaient représenté 50 pour cent de l'exode. À la fin des années 70, il y a eu un ralentissement du taux de dépopulation, dû en partie à la mise en valeur des forêts. La dépendance à l'égard de l'agriculture s'est affaiblie, avec la production d'une masse monétaire plus stable dans une région où les revenus avaient un caractère essentiellement saisonnier (Aldwell, 1982). Il était toutefois encore trop tôt pour mesurer les effets indirects du programme, surtout en considération de la force d'impulsion du déclin passé.

Depuis, de nouvelles preuves ont été recueillies. Dans le district voisin de Wairoa, affecté dans la même mesure par le repli économique et les conséquences du cyclone Bola, les taux de peuplement forestier ont été semblables à ceux du Projet forestier pour la côte orientale, entre 1992 et 1995. Sous l'effet de la concurrence pour les pâturages, le prix des terres a fortement augmenté. De la même façon, dans le district de Gisborne, les prix des pâturages qui en 1992 étaient inférieurs de moitié à la moyenne nationale, se situaient au-dessus de la moyenne en 1994 (Ministère de l'agriculture et des forêts, 1999). Les emplois forestiers se sont rapidement multipliés dans le district de Wairoa entre 1992 et 1995, tandis que le taux de chômage global reculait de plus de 25 pour cent (King, Krause et Butcher, 1997; J. King, communication personnelle). La croissance de la foresterie a eu néanmoins des répercussions négatives, surtout au niveau des entreprises desservant l'agriculture (comme les équipes d'abattage à la cisaille, les fabricants d'engrais et les fournisseurs de clôtures) et de la structure sociale rurale, du moins du point de vue de la communauté agricole. L'impact le plus notable a toutefois été la création d'emplois. Pour Wairoa, il a été estimé que même avec une diminution sensible du taux de peuplement et dans l'hypothèse de l'absence de toute installation de transformation, il y aurait néanmoins une augmentation nette de 18 pour cent du revenu des ménages et une croissance nette des emplois lorsque les forêts parviendraient au stade de maturité (King, Krause et Butcher, 1997).

Une évaluation du Projet forestier pour la côte orientale conduite en 1996, a conclu que malgré la perte d'emplois agricoles, le projet assurerait une expansion constante de l'emploi jusqu'en 2005, et qu'avant même la récolte forestière, les emplois seraient plus nombreux qu'ils ne l'auraient été en l'absence de plan. Après le démarrage des opérations de récolte, 3 800 emplois auront été créés, indépendamment des éventuelles pertes d'emploi (Butcher Partners Ltd, 1996). Sur la nouvelle force de travail sylvicole associée au projet en 1997, 62 pour cent n'avaient jamais travaillé dans le secteur forestier avant 1993. Quatre-vingt-dix pour cent des travailleurs vivaient dans la région ou à proximité, bien que 23 pour cent d'entre eux n'y résidaient que depuis moins d'un an, ce qui révèle un important flux migratoire venant de l'extérieur de la région. La participation des populations de Maori, évaluée à 72 pour cent, était nettement supérieure à la moyenne nationale (52 pour cent), et 81 pour cent des travailleurs maori appartenaient à des tribus situées dans la zone d'attraction du projet (Cummins et Byers, 1997).

Le développement d'une certaine capacité de transformation a contribué à créer de nouveaux emplois. Entre 1990 et 1999, l'emploi dans le secteur forestier et de la transformation primaire, a été quasiment multiplié par six sur la côte orientale, passant de 125 à 723 en équivalent temps plein (Brown, 2000). Les plantations financées par l'État ont complété les plantations non subventionnées effectuées sur les terrains moins abrupts et se sont donc ajoutées à la masse critique nécessaire pour mettre en place des installations de transformation. Ainsi, sur les 50 000 ha plantés entre 1989 et 1993, 15 500 ha ont bénéficié d'une aide publique, tandis que le restant n'a pas été subventionné (Ministère de l'agriculture et des forêts, 1999).


Principaux changements apportés au Projet forestier pour la côte orientale

  • Le projet a aujourd'hui un unique objectif: la mise en valeur durable des terres.
  • Les terres visées sont limitées aux catégories 3b, 3c et 4, tandis que le concept de terre associée remplissant les conditions requises a été retenu, afin que la superficie traitée totale représente au moins 50 pour cent des terres visées, au bout de cinq ans.
  • Les possibilités d'intervention ont été élargies pour inclure: la plantation forestière de toute espèce certifiée comme assurant une protection efficace contre l'érosion; la plantation des ravines; et le rétablissement du maquis ou de la forêt indigène sur l'espace pastoral.
  • Les opérations d'élagage ne bénéficient plus d'une aide financière directe.
  • Les terres où la végétation indigène offre déjà une protection efficace contre l'érosion, ou est en mesure de le faire, ne sont pas visées et ne remplissent pas les conditions requises pour bénéficier de l'aide.
  • L'installation de clôtures autour des réserves indigènes pour éloigner le bétail est encouragée par un remboursement à 100 pour cent des coûts, une fois les travaux terminés.

LES LEÇONS

L'examen des efforts et leur recentrage au fil des années sont importants, et c'est ainsi que les politiques et les règlements du Projet forestier pour la côte orientale ont été modifiés à la suite d'une évaluation effectuée en 1998 (voir encadré). Le principal changement a été de réunir les quatre objectifs précédents du projet en un seul objectif: la mise en valeur durable des terres, à travers une nouvelle utilisation rentable de l'espace pastoral. La solution du reboisement a l'intérêt particulier de présenter de nombreux avantages. Le gouvernement a toutefois conclu qu'un objectif supérieur explicite était nécessaire pour éviter toute confusion, voire une éventuelle contradiction, entre des objectifs multiples et les divers moyens de les réaliser. Considérant les répercussions de l'érosion sur les activités économiques, le gouvernement a décidé que la lutte contre ce phénomène était une justification primaire suffisante pour le projet. Les autres avantages étaient considérés comme importants, mais néanmoins secondaires.

Le financement demeure inchangé, mais il a maintenant pour cible les 60 000 ha de terres les plus touchées par l'érosion (catégories 3b et 3c, et plantations en bordure des terres de la catégorie 4). L'aménagement durable des terres visées, moyennant la maîtrise de l'érosion effective et potentielle, doit être mené à bien d'ici à 2020.

Les coûts relatifs à l'installation de clôtures autour des réserves indigènes, sont désormais remboursés. Des aides financières sont encore prévues pour la plantation et la coupe d'éclaircie finale, mais l'élagage des arbres qui n'est pas considéré comme une activité en rapport avec l'érosion, en a été exclu. De même, un taux de peuplement uniforme pour les terres visées (1 200 tiges par hectare) a remplacé une prescription en matière de densité qui différait selon le degré d'érosion. Ce dernier système a été jugé impraticable car les sites de plantation présentaient généralement des risques d'érosion divers au sein de la même zone. L'utilisation d'un système de classification des terres suffisamment judicieux, comme base pour les décisions concernant l'utilisation des terres, a été fondamentale.

La foresterie s'est révélée efficace pour une modification de l'utilisation des terres sur une longue période. Le taux de croissance des racines et du couvert forestier doit toutefois aller de pair avec le taux d'érosion, et il est essentiel d'utiliser des essences à implantation rapide et relativement bon marché. Le pin de Monterey favorise la conservation du sol pendant une quarantaine d'années, et il est facile à exploiter sur un cycle commercial de 30 ans. Grâce aux rentrées de fonds provenant du premier cycle et aux infrastructures qui seront mises en place, il est prévu que la replantation sera une option logique sur le plan économique. Toutefois, d'autres méthodes que la foresterie commerciale à grande échelle, peuvent désormais être envisagées pour lutter contre l'érosion, comme le rétablissement de la végétation indigène et la plantation des ravines.

L'examen de 1987 a reconnu l'importance des bienfaits du programme, au-delà de la maîtrise de l'érosion, pour les objectifs et les priorités des communautés locales, et il a été recommandé d'en confier la gestion à un comité de coordination local. Le Projet forestier pour la côte orientale est géré par le Ministère de l'agriculture et des forêts au nom du Gouvernement de la Nouvelle-Zélande, mais un comité technique consultatif réunissant plusieurs institutions, notamment le Service de conservation, le Ministère pour l'avancement des Maori et un Comité consultatif local du district de Gisborne, examine et formule des recommandations à l'occasion de chaque appel d'offres.

PERSPECTIVES ET CONCLUSIONS

Certaines zones de la région du Cap Est ont été indiquées comme l'un des pires exemples d'érosion pastorale au monde, et l'héritage du déboisement est encore visible aujourd'hui. Les ravines les plus gravement érodées ne pourront être stabilisées, même au prix de nouvelles plantations, et resteront des cicatrices permanentes, mais le reboisement s'est révélé efficace pour arrêter un ravinement naissant sur des terres géologiquement proches. Une érosion localisée aussi grave que celle produite par le cyclone Bola, est également causée par des averses d'intensité moindre mais plus fréquentes (Kelliher, Marden et Watson, 1992). Les effets de ces tempêtes continueront toutefois de s'affaiblir au fur et à mesure de l'expansion de la foresterie comme moyen de lutte contre l'érosion.

La part des plantations non subventionnées a régulièrement augmenté depuis les années 70, bien que ces opérations aient concerné en grande partie les terres moins difficiles (catégories 1, 2 et 3a) de l'avant-pays pastoral, dans le sud de la région. Entre 1993 et 1999, les nouveaux peuplements ont été dans l'ensemble à peu près également répartis entre le Projet forestier pour la côte orientale (45 pour cent) et les entreprises privées (55 pour cent) (R.C. Hambling, communication personnelle), mais en 1997, par exemple, les plantations privées constituaient environ 75 pour cent des nouveaux peuplements dans le district de Gisborne (Ministère de l'agriculture et des forêts, 1999).

Selon les prévisions, l'approvisionnement en bois provenant de l'ensemble des forêts plantées dans la région devrait quadrupler, passant de 650 000 m3 en 2000 à 2,67 millions de mètres cubes en 2010 (Ministère de l'agriculture et des forêts, 2000). Les installations de transformation consistent aujourd'hui en une usine de bois lamellé de placage, deux scieries de capacité moyenne et trois petites scieries. Selon les estimations, les emplois créés, directement et indirectement, par la foresterie sur la côte orientale sont actuellement au nombre de 1 301, en équivalent temps plein, et on prévoit que le développement induit par la foresterie produira environ 2 300 nouveaux emplois d'ici à 2010 (Brown, 2000).

À cette échelle, l'évolution de l'utilisation des terres a de nombreuses implications sociales, qui ne sont pas toutes positives. Les premières plantations forestières dans cette zone ont rencontré une forte opposition de la part des agriculteurs et des autorités locales qui s'inquiétaient de leurs effets possibles du point de vue de la dépopulation rurale, de l'affaiblissement de la viabilité des communautés locales et de la perte de services ruraux (Cocklin et Wall, 1996). La répartition de la force de travail forestière favorise d'ordinaire les communes, parfois au détriment des communautés agricoles et rurales des vallées. Les gains nets en termes de revenu et d'emploi peuvent ne pas être équitablement répartis. Dans la plupart des cas, toutefois, l'élevage n'était plus viable à long terme, et un changement s'imposait. La modification du paysage s'est aussi accompagnée d'une évolution dans l'attitude des populations locales à l'égard de la foresterie, avec aujourd'hui une meilleure reconnaissance de ses bienfaits à longue échéance en termes de développement économique régional, d'emploi et de conservation du sol (Cocklin et Wall, 1996).

Une planification à long terme est nécessaire afin que les bienfaits économiques de l'approvisionnement en bois soient capturés localement (Aldwell, 1982; King, Krause et Butcher, 1997). Les contraintes énergétiques, la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, l'éloignement des ports et une infrastructure peu développée (avec notamment des routes sans revêtement étanche, nécessitant des travaux de réfection) constituent aujourd'hui des enjeux importants pour le gouvernement et les communautés. Il est certainement positif que cette focalisation ait remplacé les préoccupations antérieures concernant l'avenir de la terre, et des activités et des moyens d'existence qui en dépendent.

Bibliographie


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