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Résumé analytique

Ces dernières années, les taux de croissance de la production agricole et du rendement des cultures, au niveau mondial, ont baissé. Ceci a conduit à craindre que la terre ne soit pas en mesure de produire suffisamment d'aliments et autres produits agricoles pour nourrir les populations futures selon leurs besoins.

Toutefois, ce ralentissement a résulté non pas d'un manque de terres ou d'eau, mais plutôt du ralentissement de la demande de produits agricoles. Ceci est principalement dû aux taux de croissance de la population mondiale qui diminuent depuis la fin des années 1960, et au fait que l'on atteint aujourd'hui dans de nombreux pays des niveaux de consommation alimentaire par habitant qui sont assez élevés, et ne pourront pas augmenter beaucoup plus. Mais il est aussi vrai qu'une proportion de la population mondiale, qui reste obstinément forte, vit toujours dans une pauvreté extrême et, par conséquent, n'a pas les revenus nécessaires pour traduire ses besoins en demande effective.

En conséquence, on s'attend à ce que la croissance de la demande mondiale de produits agricoles, qui était en moyenne de 2,2 pour cent ces 30 dernières années, chute à 1,5 pour cent par an dans les 30 prochaines. Dans les pays en développement, le ralentissement sera encore plus spectaculaire, de 3,7 pour cent à 2 pour cent. Ceci est dû, en partie, au fait que la Chine aura passé la phase de croissance rapide de sa demande de produits alimentaires.

La présente étude suggère que le taux de croissance de la production agricole mondiale peut suivre celui de la demande, à condition que soient mises en place les politiques nationales et internationales voulues pour développer l'agriculture. Il est peu probable qu'on assiste à des pénuries au niveau mondial, mais on rencontre déjà de sérieux problèmes aux niveaux national et local et la situation risque de s'aggraver à moins que des efforts ciblés ne soient déployés.

Alimentation et nutrition

D'énormes progrès d'amélioration de la sécurité alimentaire ont été accomplis. La proportion de gens vivant dans les pays en développement dont la consommation alimentaire moyenne est inférieure à 2 200 calories par jour est passée de 57 pour cent en 1964-66 à tout juste 10 pour cent en 1997-99. Néanmoins, 776 millions de personnes (environ une personne sur six) sont encore sous-alimentées dans les pays en développement.

On s'attend à ce que les progrès mondiaux de la nutrition se poursuivent, parallèlement à la réduction de la pauvreté que prévoit la Banque mondiale. Le taux de sous-alimentation devrait tomber des 17 pour cent actuels parmi la population des pays en développement à 11 pour cent en 2015, puis à tout juste 6 pour cent en 2030. D'ici 2030, les trois quarts de la population du monde en développement pourraient vivre dans des pays où moins de 5 pour cent des habitants seraient sous-alimentés. La proportion vivant dans de tels pays est actuellement inférieure à 8 pour cent.

Malgré l'impressionnante réduction de la proportion de personnes sous-alimentées, les progrès quant à la réduction du nombre total de personnes affectées vont être plus lents en raison de l'accroissement continu de la population. Le Sommet mondial de l'alimentation de 1996 a fixé comme objectif de réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées pour arriver à 410 millions environ en 2015. Les projections de la présente étude suggèrent qu'il risque d'être difficile d'y parvenir - quelque 610 millions de personnes pourraient encore être sous-alimentées cette année-là, et même d'ici 2030 il se peut qu'on en dénombre encore environ 440 millions. Accorder la priorité à la production alimentaire locale et réduire l'inégalité d'accès à la nourriture pourraient permettre un progrès plus rapide. Le problème de la sous-alimentation aura tendance à devenir plus maîtrisable et plus facile à attaquer au niveau des politiques, tant nationales qu'internationales, au fur et à mesure que le nombre de pays à forte sous-alimentation diminuera.

Agriculture, pauvreté et commerce international

La sous-alimentation est une des principales manifestations de la pauvreté. Elle aggrave aussi d'autres aspects de la pauvreté, car elle réduit la capacité de travailler et la résistance à la maladie, et affecte le développement mental et la réussite scolaire des enfants.

A l'heure actuelle, une personne sur quatre dans les pays en développement vit dans une pauvreté extrême et subsiste avec moins d'un dollar EU par jour. Cette proportion a baissé depuis 1990, où elle atteignait près d'un tiers. Mais, en raison de la croissance démographique, la réduction en nombre n'a pas été aussi rapide: de 1 269 millions à 1 134 millions. La plus récente évaluation de la Banque mondiale à l'horizon 2015 suggère que de telles réductions de la pauvreté mondiale pourraient se poursuivre. L'Afrique subsaharienne fait, toutefois, exception. Le nombre de pauvres y est monté en flèche durant les années 1990, et cela semble devoir continuer. Sept personnes sur dix parmi les populations pauvres du monde vivent encore en milieu rural. La croissance du secteur agricole a un rôle crucial à jouer dans l'amélioration des revenus des pauvres, en fournissant des emplois agricoles et en encourageant les emplois à l'extérieur des exploitations. Il se peut que certaines interventions nutritionnelles directes soient nécessaires (comme par exemple un apport supplémentaire de vitamines et de minéraux dans les aliments de base), et il sera aussi important de mettre en place des mesures concernant la santé, l'eau et l'assainissement, afin de réduire l'impact des maladies sur l'absorption des aliments.

Le commerce a un grand rôle à jouer pour améliorer la sécurité alimentaire et stimuler l'agriculture. Selon certaines estimations, les gains en bien-être mondial provenant d'une plus grande libéralisation du marché agricole pourraient atteindre 165 milliards de dollars EU par an. Mais les progrès réalisés lors du cycle de négociations commerciales en cours sont limités et les bienfaits restent jusqu'ici bien modestes. Si les réformes futures se concentrent trop étroitement sur la suppression des subventions dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la majeure partie des bénéfices reviendra probablement aux consommateurs des pays développés. Les pays en développement devraient tirer davantage profit de la suppression des barrières douanières sur les produits pour lesquels ils ont un avantage comparatif (par exemple le sucre, les fruits et les légumes), de la réduction des tarifs des produits agricoles transformés, et d'un accès préférentiel aux marchés renforcé en faveur des pays les moins développés.

Des réformes internes sont également nécessaires dans les pays en développement pour que le libre-échange puisse contribuer à la réduction de la pauvreté. Ces réformes doivent inclure: un moindre parti pris contre l'agriculture dans les politiques nationales; l'ouverture des frontières aux investissements étrangers à long terme; l'introduction de mécanismes améliorant la qualité et la sécurité sanitaire des aliments; des investissements dans les routes, l'irrigation, la fourniture de semences et l'acquisition de compétences; l'amélioration des normes de qualité; et des filets de sécurité pour les pauvres qui sont confrontés à l'augmentation du prix de la nourriture.

La mondialisation en matière d'alimentation et d'agriculture donne des espérances mais présente également des problèmes. Elle a permis, dans l'ensemble, de réduire la pauvreté en Asie. Mais elle a aussi entraîné l'essor de sociétés alimentaires multinationales qui ont le potentiel de dominer les agriculteurs dans de nombreux pays. Les pays en développement doivent disposer des cadres légaux et administratifs leur permettant de parer aux menaces tout en récoltant les bénéfices.

Production végétale

Le taux de croissance annuel de la demande mondiale de céréales est tombé de 2,5 pour cent par an dans les années 1970 et 1,9 pour cent par an dans les années 1980 à seulement 1 pour cent par an dans les années 1990. La consommation annuelle de céréales par personne (y compris aliments pour animaux) a atteint son maximum au milieu des années 1980, à 334 kg, et a chuté depuis à 317 kg.

Cette baisse n'a rien d'alarmant: elle est essentiellement la conséquence naturelle d'une croissance démographique plus lente et de changements au niveau des régimes alimentaires humains et des aliments du bétail. Cependant, dans les années 1990, elle a été accentuée par plusieurs phénomènes temporaires, dont des récessions sévères dans les pays en transition et dans certains des pays de l'Asie de l'Est et du Sud-Est.

On prévoit que le taux de croissance de la demande va augmenter de nouveau pour atteindre 1,4 pour cent par an à l'horizon 2015, puis baisser par la suite à 1,2 pour cent par an. Sur l'ensemble des pays en développement, on s'attend à ce que la production céréalière ne puisse pas suivre la demande. Les déficits céréaliers nets de ces pays, qui s'élevaient à 103 millions de tonnes, soit 9 pour cent de la consommation, en 1997-99, pourraient atteindre 265 millions de tonnes d'ici 2030, où ils représenteront 14 pour cent de la consommation. Ce manque pourra être comblé par les surplus accrus des exportateurs traditionnels de grain, ainsi que par de nouvelles exportations en provenance des pays en transition qui, d'importateurs nets, devraient devenir exportateurs nets.

Parmi les divers secteurs de culture, ce sont les oléagineux qui ont connu l'expansion la plus rapide de leur superficie, celle-ci ayant augmenté de 75 millions d'hectares entre le milieu des années 1970 et la fin des années 1990, alors que la superficie céréalière a diminué de 28 millions d'ha pendant la même période. On prévoit que la consommation future d'oléagineux par habitant augmentera plus rapidement que celle de céréales. Sur 100 calories supplémentaires apportées aux régimes alimentaires moyens dans les pays en développement entre aujourd'hui et 2030, ces cultures vont en contribuer 45.

Sources de croissance de la production végétale

Il existe trois sources principales de croissance de la production végétale: l'expansion de la superficie des terres, l'augmentation de la fréquence des récoltes (souvent grâce à l'irrigation), et l'accroissement des rendements. Il a été suggéré qu'il y a bien des chances que nous approchions du maximum réalisable dans ces trois domaines.

L'examen approfondi du potentiel de production n'appuie pas ce point de vue au niveau mondial, bien qu'il existe déjà, dans certains pays, voire même dans des régions entières, des problèmes sérieux qui pourraient encore s'aggraver.

Terres. Moins de nouvelles terres agricoles vont être mises en exploitation que dans le passé. Au cours des 30 prochaines années, les pays en développement vont devoir disposer de 120 millions d'ha supplémentaires pour les cultures, soit une augmentation globale de 12,5 pour cent. Ceci n'est que la moitié du taux d'augmentation observé entre 1961-63 et 1997-99.

Au niveau mondial, la superficie de terres agricoles potentielles non exploitées est adéquate. Une comparaison des sols, de la topographie et des climats avec les besoins des principales cultures indique que 2,8 milliards d'ha supplémentaires conviendraient à différents degrés à la production de cultures pluviales arables et permanentes. Ceci est près du double de la superficie exploitée à l'heure actuelle. Toutefois, seule une petite proportion de ces terres supplémentaires sera en réalité disponible pour l'expansion agricole dans un proche avenir, car une grande partie doit être réservée à la conservation des forêts et au développement de l'infrastructure. L'accessibilité et autres contraintes font aussi obstacle à toute expansion d'envergure.

Plus de la moitié des terres qui pourraient être mises en production est répartie sur sept pays seulement d'Amérique latine tropicale et d'Afrique subsaharienne, alors que d'autres régions et pays sont confrontés à un manque de terres aptes à la culture. Au Proche-Orient et en Afrique du Nord, 87 pour cent des terres aptes étaient déjà en exploitation en 1997-99, alors qu'en Asie du Sud, ce chiffre n'atteint pas moins de 94 pour cent. Dans ces régions, l'intensification par le biais d'une amélioration de la gestion et des technologies, sera la principale, sinon pratiquement la seule, source de croissance de la production. En de nombreux endroits, la dégradation des sols menace la productivité des terres et des pâturages existants.

Eau.L'irrigation est un élément crucial pour les disponibilités alimentaires mondiales. En 1997-99, les terres irriguées ne représentaient qu'un cinquième environ de la superficie arable totale dans les pays en développement, mais elles produisaient deux cinquièmes de la totalité des récoltes et près de trois cinquièmes de la production céréalière.

On s'attend à ce que l'irrigation joue un rôle de plus en plus important. Il est probable que, sur l'ensemble des pays en développement, la superficie irriguée passe de 202 millions d'ha en 1997-99 à 242 millions d'ha d'ici 2030. La majeure partie de cette expansion aura lieu dans des zones où les terres se font rares et où l'irrigation revêt déjà une importance cruciale.

Selon les projections, l'accroissement net des superficies irriguées atteindra moins de 40 pour cent de ce qu'il a été depuis le début des années 1960. Il semblerait qu'il y ait suffisamment de terres irriguées non utilisées pour satisfaire aux besoins futurs: les études de la FAO suggèrent un potentiel d'irrigation total de quelque 402 millions d'ha dans les pays en développement, dont la moitié seulement est utilisée actuellement. Cependant, les ressources en eau seront un important facteur qui va limiter l'expansion en Asie du Sud, où 41 pour cent des ressources renouvelables en eau douce seront utilisées d'ici 2030, ainsi qu'au Proche-Orient et en Afrique du Nord, qui en utiliseront 58 pour cent. Ces régions devront arriver à une plus grande efficacité quant à l'utilisation de l'eau.

Rendements. Au cours des quatre dernières décennies, près de 70 pour cent de l'augmentation de la production végétale dans les pays en développement provenaient de la hausse des rendements. Les années 1990 ont vu un ralentissement de la croissance des rendements. Les rendements de blé, par exemple, ont augmenté en moyenne de 3,8 pour cent par an entre 1961 et 1989, mais seulement de 2 pour cent par an entre 1989 et 1999. Quant au riz, les taux respectifs ont chuté de plus de la moitié, passant de 2,3 pour cent à 1,1 pour cent.

L'augmentation des rendements va continuer d'être le principal facteur déterminant la croissance de la production végétale à l'avenir. Dans les pays en développement, elle contribuera pour 70 pour cent à la hausse de la production végétale d'ici l'horizon 2030. Pour atteindre la production projetée, les rendements n'auront pas à augmenter aussi rapidement dans l'avenir que par le passé. Pour les rendements de blé, il suffira d'un taux d'augmentation annuel de 1,2 pour cent sur les 30 prochaines années. Il en va de même pour les autres cultures. Selon les projections, la croissance de l'utilisation d'engrais dans les pays en développement va ralentir et tomber à 1,1 pour cent par an au cours des trois prochaines décennies. Le ralentissement qui s'est déjà amorcé va donc se poursuivre.

Globalement, il est estimé que quelque 80 pour cent des augmentations futures de la production végétale dans les pays en développement devront provenir d'une intensification de l'agriculture: rendements supérieurs, davantage de cultures à récoltes multiples et périodes de jachère plus courtes.

Amélioration de la technologie

De nouvelles technologies sont nécessaires pour les régions qui manquent de terres et d'eau, ou qui rencontrent des problèmes particuliers au niveau des sols ou du climat. Il s'agit fréquemment de régions à forte concentration de populations pauvres, où de telles technologies pourraient jouer un rôle clé quant à l'amélioration de la sécurité alimentaire.

La production agricole pourrait probablement satisfaire la demande prévue d'ici l'horizon 2030, même sans de grands progrès en biotechnologie moderne. Toutefois, les nouvelles techniques d'analyse moléculaire pourraient permettre une augmentation de la productivité qui serait bienvenue, notamment dans les régions qui éprouvent des difficultés particulières, améliorant ainsi les revenus des pauvres, comme l'a fait la "Révolution verte" dans de vastes régions de l'Asie entre les années 1960 et 1980.

Ce qu'il faut pour le XXIe siècle, c'est une deuxième révolution, "doublement verte", dans le domaine de la technologie agricole. L'augmentation de la productivité reste vitale, mais elle doit être alliée à la protection ou à la restauration de l'environnement; les nouvelles technologies, quant à elles, doivent être abordables pour les pauvres et les sous-alimentés, et adaptées à leurs besoins.

La biotechnologie, en tant que moyen d'améliorer la sécurité alimentaire et de réduire les pressions sur l'environnement, est prometteuse, à condition de s'attaquer aux menaces perçues de la biotechnologie elle-même pour l'environnement. Des variétés génétiquement modifiées (résistantes à la sécheresse, à l'engorgement par l'eau, à l'acidité ou à la salinité des sols ainsi qu'aux températures extrêmes) pourraient permettre de pratiquer l'agriculture dans les régions marginales et de remettre les terres dégradées en production. Les variétés résistantes aux ravageurs peuvent réduire la nécessité de recourir aux pesticides.

Toutefois, la propagation des variétés génétiquement modifiées dépendra de la manière dont on va répondre aux inquiétudes concernant la sécurité sanitaire des aliments et la sécurité de l'environnement. En effet, l'expansion de ces variétés s'est quelque peu ralentie, tout au moins dans les pays développés, en raison de ces inquiétudes, auxquelles on devra répondre par une amélioration des essais et des protocoles de sécurité si l'on veut progresser dans ce domaine.

Dans un même temps, d'autres technologies prometteuses, associant production accrue et meilleure protection de l'environnement, ont fait leur apparition. Parmi celles-ci il faut citer l'agriculture sans labour, ainsi que les méthodes, à plus faibles intrants, des systèmes intégrés de protection ou de nutrition des plantes et de l'agriculture biologique.

Elevage

On assiste à un changement des régimes alimentaires dans les pays en développement, au fur et à mesure que les revenus augmentent. La part des aliments de base, comme les céréales, les racines et les tubercules, diminue, alors que celle de la viande, des produits laitiers et des oléagineux s'accroît.

Entre 1964-66 et 1997-99, la consommation de viande par habitant dans les pays en développement a augmenté de 150 pour cent, et celle de lait et de produits laitiers de 60 pour cent. D'ici 2030, la consommation par habitant de produits animaux pourrait augmenter encore de 44 pour cent. Comme par le passé, c'est la consommation de volaille qui connaîtra la plus rapide croissance.

L'amélioration de la productivité sera probablement une source principale de croissance. Les rendements laitiers devraient s'améliorer et, dans un même temps, la sélection animale et une meilleure gestion vont entraîner une hausse du poids d'abattage et des taux d'exploitation moyens. Ceci permettra une production accrue avec une augmentation limitée du nombre d'animaux, et un ralentissement correspondant de l'impact néfaste du pâturage ou des déchets sur l'environnement.

Dans les pays en développement, la demande va croître plus rapidement que la production, ce qui va augmenter le déficit de la balance commerciale. Pour les produits à base de viande celui-ci va monter en flèche, passant de 1,2 millions de tonnes par an en 1997-99 à 5,9 millions de tonnes en 2030 (malgré l'augmentation des exportations de viande d'Amérique latine), alors que pour le lait et les produits laitiers, la hausse de 20 millions de tonnes par an à 39 millions sera moins rapide, mais toutefois considérable.

Une part accrue de la production animale proviendra probablement des entreprises industrielles. Ces dernières années, la production de ce secteur a augmenté deux fois plus vite que celle des systèmes de polyculture plus traditionnels - et plus de six fois plus vite que celle des systèmes pastoraux.

Foresterie

Pendant les années 1990, la superficie mondiale totale des forêts s'est réduite chaque année de 9,4 millions d'ha, soit environ trois fois l'étendue de la Belgique. Néanmoins, le taux de déforestation a diminué dans les années 1990 par rapport aux années 1980. Les pays industrialisés et les pays en transition ont accru leurs superficies forestières, et de nombreux pays en développement (dont le Bangladesh, la Chine, l'Inde, la Turquie et le Viet Nam) plantent aujourd'hui plus de forêts qu'ils n'en déboisent.

Les projections relatives aux cultures suggèrent qu'une expansion des terres cultivées de 120 millions d'ha sera nécessaire d'ici 2030, alors que les zones urbaines vont continuer de s'étendre de manière considérable. Une grande partie de ces terres supplémentaires devra provenir de la déforestation. De plus, il est prévu que d'ici 2030 la consommation annuelle mondiale de bois rond industriel va augmenter de 60 pour cent par rapport aux niveaux actuels, pour atteindre environ 2 400 millions de m3.

Néanmoins, on s'attend à ce que la déforestation diminue encore dans les décennies à venir et il est peu probable que l'on connaisse, au niveau mondial, une crise quant à l'approvisionnement en bois. L'efficacité de la production de matériaux dérivés du bois continue de s'améliorer. La superficie des plantations augmente aussi rapidement: on prévoit que la production de bois rond industriel à partir des plantations va doubler d'ici 2030, passant du niveau actuel de 400 millions de m3 à environ 800 millions de m3. En outre, la forte augmentation du nombre d'arbres plantés en dehors des forêts et des plantations (comme par exemple en bordure des routes, dans les villes, autour des maisons et dans les exploitations agricoles) va améliorer l'approvisionnement en bois et autres produits arboricoles.

Les principaux défis à relever pour le secteur de la foresterie consistent à trouver des moyens de gérer les ressources arboricoles naturelles et cultivées de manière à augmenter la production, à améliorer la sécurité alimentaire et l'approvisionnement en énergie des pauvres, et à sauvegarder les fonctions écologiques des forêts ainsi que la biodiversité qu'elles apportent.

Pêches

Au cours des trois dernières décennies, la production des pêches mondiales a tenu tête à la croissance démographique. La production totale a presque doublé, passant de 65 millions de tonnes en 1970 à 125 millions de tonnes en 1999, où la consommation moyenne mondiale de poisson, de crustacés et de mollusques atteignait 16,3 kg par personne. D'ici 2030, la consommation annuelle de poisson va sans doute s'élever à quelque 150-160 millions de tonnes, soit entre 19 et 20 kg de poisson par personne.

Ce chiffre est considérablement inférieur à la demande potentielle car on prévoit que les facteurs écologiques vont limiter les disponibilités. Au début du siècle actuel, les trois quarts des stocks de poissons de mer étaient sur pêchés, épuisés ou exploités au maximum de leur potentiel durable. La croissance des volumes de captures maritimes ne pourra donc qu'être modeste. Durant les années 1990, les captures en mer se sont stabilisées entre 80 et 85 millions de tonnes par an, ce qui n'est pas loin du potentiel maximum durable.

L'aquaculture a compensé cette diminution des captures en mer, puisqu'elle a doublé sa part de la production mondiale de poisson au cours des années 1990. Sa rapide croissance va se poursuivre, à des taux de 5 à 7 pour cent par an jusqu'en 2015. Dans tous les secteurs de la pêche, il sera essentiel d'adopter des formes de gestion permettant une exploitation durable, particulièrement en ce qui concerne les ressources partagées par plusieurs pays ou n'appartenant à aucun en particulier.

Environnement et climat

Au cours des 30 prochaines années, de nombreux problèmes écologiques liés à l'agriculture vont rester préoccupants. La perte de biodiversité causée par l'expansion et l'intensification de l'agriculture se poursuit souvent sans atténuation, même dans les pays développés, où la nature est considérée comme très précieuse et, soi-disant, protégée.

Les engrais azotés sont une des principales sources de pollution de l'eau et de l'air. Les projections relatives aux cultures laissent supposer que l'augmentation de l'utilisation de ces engrais va être moins forte que dans le passé, mais elle pourrait néanmoins rester une source significative de pollution. Les projections indiquent aussi que les émissions d'ammoniac et de méthane provenant du secteur de l'élevage vont augmenter de 60 pour cent. Des ensembles complets de mesures seront nécessaires pour contrôler et réduire la pollution de l'air et de l'eau à partir de ces sources.

Le réchauffement de la planète ne devrait pas réduire les disponibilités alimentaires à l'échelle mondiale, mais il pourrait avoir des impacts significatifs aux niveaux régional et local. Les projections actuelles suggèrent que le potentiel de production végétale va augmenter sous les latitudes tempérées et septentrionales, alors qu'il risque de diminuer dans certaines parties des tropiques et sub-tropiques. Ceci pourrait accentuer encore la dépendance des pays en développement par rapport aux importations alimentaires, bien qu'en même temps les exportateurs des pays tempérés puissent se trouver mieux en mesure de combler le déficit. La hausse du niveau des mers va menacer la production végétale et les revenus dans les pays ayant de grandes étendues de terres à très basse altitude, comme le Bangladesh et l'Egypte.

L'insécurité alimentaire pour certains groupes ruraux vulnérables dans les pays en développement risque d'empirer. Les prévisions indiquent que, d'ici 2030, l'évolution du climat va handicaper de 2 à 3 pour cent la production céréalière en Afrique. Des semences améliorées et l'utilisation accrue d'engrais devraient plus que compenser cette baisse, mais ce facteur va continuer de freiner lourdement les efforts de progrès.

La foresterie et l'agriculture contribuent toutes deux à l'impact des activités humaines sur le climat. Le brûlage de la biomasse (lors du déboisement, des feux de savane, de l'élimination des résidus de culture et de la cuisine sur feu de bois ou de fumier) est une source majeure d'émission de gaz carbonique dans l'atmosphère et, parallèlement, les déchets provenant des engrais et des animaux produisent d'importantes émissions d'oxyde azoteux et d'ammoniac.

Grâce à la foresterie, une partie du gaz carbonique dégagé par les activités humaines peut être absorbée. Entre 1995 et 2050, le ralentissement de la déforestation, allié à la régénération et au développement des plantations, pourrait réduire les émissions de gaz carbonique d'un équivalent de 12 à 15 pour cent de toutes les émissions provenant des combustibles fossiles.

L'agriculture a également un rôle à jouer. D'ici 2030, la quantité de gaz carbonique captée dans les sols cultivés, sous forme de matière organique issue des résidus de culture et du fumier, pourrait augmenter de 50 pour cent si l'on introduisait de meilleures méthodes de culture.


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