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Perspectives pour l'environnement

L'agriculture et l'environnement

Au cours des 30 prochaines années, de nombreuses nuisances causées par l'agriculture à l'environnement resteront graves. Il se peut, cependant, que certaines puissent s'aggraver plus lentement que par le passé, et que d'autres puissent même régresser.

Les chapitres précédents de ce rapport ont déjà traité de l'impact de chaque secteur de l'agriculture sur l'environnement. On trouvera dans cette section un examen des questions d'ensemble ou transversales liées à l'environnement et une vue générale des grandes tendances de l'agriculture susceptibles d'affecter l'environnement au cours des 30 prochaines années.

L'agriculture a un impact énorme sur la planète

L'agriculture constitue la principale utilisation des terres par les humains. En 1999, les pâturages et les cultures représentaient à eux seuls 37 pour cent de la surface émergée du globe. Plus des deux tiers de la consommation humaine d'eau sont destinés à l'agriculture. En Asie, cette part en représente quatre cinquièmes.

La culture et l'élevage ont un profond effet sur l'environnement au sens large. Ce sont les causes principales de la pollution de l'eau par les nitrates, les phosphates et les pesticides. Ils constituent aussi les principales sources anthropiques des gaz à effet de serre - le méthane et l'oxyde nitreux - et ils contribuent massivement à d'autres types de pollution de l'air et de l'eau. L'étendue et les méthodes de l'agriculture, de la foresterie et de la pêche sont les principales causes de perte de biodiversité dans le monde. Les coûts externes de ces trois secteurs peuvent être considérables.

L'agriculture nuit également à son propre avenir par la dégradation des sols, la salinisation, le soutirage excessif d'eau et la réduction de la diversité génétique des cultures et du bétail. Les conséquences à long terme de ces processus sont toutefois difficiles à quantifier.

Si des méthodes de production plus durables sont adoptées, les impacts négatifs de l'agriculture sur l'environnement pourront être atténués. Dans certains cas, même, l'agriculture pourra permettre de résoudre ces problèmes, par exemple en stockant le carbone dans le sol, en aidant à l'infiltration de l'eau et en entretenant les paysages ruraux et la biodiversité.

Pourcentage des émissions annuelles d'azote selon la source


Source: adapté de Mosier et Kroeze (1998)

Les engrais, le fumier et les pesticides sont des causes majeures de pollution de l'eau

La pollution de l'eau souterraine par les produits chimiques et les déchets agricoles est un problème considérable dans presque tous les pays développés, et elle le devient de plus en plus dans les pays en développement.

Les engrais sont cause de pollution quand ils sont appliqués en quantité supérieure à ce que les cultures peuvent absorber, ou lorsqu'ils sont emportés par l'eau ou par le vent avant de pouvoir être absorbés. L'excès d'azote et de phosphates peut être lessivé dans les eaux souterraines ou s'écouler dans les eaux de surface. Cette surcharge d'éléments nutritifs cause l'eutrophisation des lacs, réservoirs et mares, et provoque une prolifération d'algues qui détruisent les autres plantes et les animaux aquatiques.

Les prévisions de production végétale à l'horizon 2030 laissent prévoir un ralentissement de l'emploi d'engrais azotés. Si l'on peut améliorer leur efficience, l'augmentation de la quantité totale d'engrais utilisés entre 1997-99 et 2030 pourrait se limiter à 37 pour cent. Leur emploi actuel dans beaucoup de pays en développement, cependant, est très inefficace. En Chine, le plus gros consommateur d'engrais azotés au monde, jusqu'à la moitié des engrais appliqués se perd par volatilisation, et 5 à 10 pour cent de plus par lessivage.

Les insecticides, les herbicides et les fongicides sont également appliqués en grande quantité dans beaucoup de pays développés et en développement, et entraînent la pollution de l'eau douce par des carcinogènes et autres poisons affectant les êtres humains ainsi que différentes espèces de faune et de flore. En outre, les pesticides réduisent la biodiversité en détruisant les mauvaises herbes et les insectes et par là les espèces dont se nourrissent les oiseaux et autres animaux.

L'emploi des pesticides s'est accru considérablement pendant les 35 dernières années, le taux de croissance ayant récemment atteint 4 à 5,4 pour cent dans certaines régions. Les années 1990 ont vu un certain déclin de l'emploi d'insecticides, tant dans des pays développés comme la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, que dans certains pays en développement comme l'Inde. Par contre, l'emploi des herbicides a continué à croître dans la plupart des pays.

Avec la montée des préoccupations concernant la pollution et la perte de biodiversité, il se peut que l'emploi des pesticides croisse plus lentement que par le passé. Dans les pays développés, la législation et la fiscalité en limitent de plus en plus l'emploi. En outre, il sera freiné par la croissance de la demande de produits biologiques, cultivés sans intrants chimiques. On verra probablement à l'avenir une augmentation de l'emploi de pesticides "intelligents", de variétés de cultures résistantes et de méthodes écologiques de lutte intégrée contre les ravageurs.

L'agriculture: cause de pollution atmosphérique

L'agriculture est également cause de pollution atmosphérique. C'est la principale source anthropique d'ammoniaque. Le bétail produit environ 40 pour cent des émissions de ce gaz dans le monde, les engrais minéraux 16 pour cent et la combustion de la biomasse et les résidus de culture environ 18 pour cent.

D'après les projections, d'ici 2030 les émissions d'ammoniaque et de méthane dues au secteur de l'élevage pourraient dépasser d'au moins 60 pour cent leur niveau actuel dans les pays en développement.

L'ammoniaque est encore plus acidifiante que l'anhydride sulfureux, et les oxydes d'azote. C'est l'une des causes principales des pluies acides qui abîment les arbres, acidifient les sols, les lacs et les cours d'eau, et nuisent à la biodiversité. A mesure que l'imposition de contrôles plus stricts réduira les émissions d'autres gaz acidifiants comme l'anhydride sulfureux, il est possible que l'ammoniaque devienne la cause majeure d'acidification. Les émissions d'ammoniaque dues à l'agriculture vont probablement continuer à s'intensifier dans les pays développés et en développement. Les projections concernant l'élevage laissent prévoir une augmentation de 60 pour cent des émissions d'ammoniaque provenant des excréments animaux.

La combustion de biomasse végétale est une autre source importante de polluants atmosphériques, dont le gaz carbonique, l'oxyde nitreux et les fumées. On estime que les humains sont responsables d'environ 90 pour cent de la combustion de biomasse, surtout par les feux de forêt allumés délibérément dans le cadre du déboisement et le brûlage des pâturages et résidus de culture pour encourager la repousse et détruire l'habitat des ravageurs. Les gigantesques incendies de forêts survenus en Asie du Sud-Est en 1997 ont brûlé au moins 4,5 millions d'hectares et couvert la région d'une nappe de fumée et de brume. On estime que le brûlage des savanes tropicales détruit chaque année trois fois plus de biomasse que les feux de forêts tropicales.

Pressions sur la biodiversité

Avec l'augmentation de leur nombre et de leurs besoins, les êtres humains se sont approprié une part croissante de la superficie et des ressources de la planète, en délogeant souvent les autres espèces. Les estimations du nombre total d'espèces vivant sur la terre varient énormément. Celles qui ont été décrites scientifiquement se montent à environ 1,75 million, mais leur total véritable est inconnu et pourrait se situer n'importe où entre 7 et 20 millions ou plus. Les estimations de la perte de biodiversité par extinction au cours des prochaines décennies varient considérablement, et vont de 2 à 25 pour cent de toutes les espèces.

La perte de biodiversité due aux méthodes agricoles se poursuit sans relâche, même dans les pays où la nature est vivement appréciée et protégée.

L'agriculture, les forêts et les pêches exercent peut-être les pressions humaines les plus importantes sur la biodiversité des terres et des mers. La diversité des espèces est étroitement liée à la superficie des habitats non cultivés. A mesure que cette superficie diminue, le nombre d'espèces qu'elle abrite décline, bien qu'à un moindre rythme. Le déboisement, le remembrement, qui entraîne la réduction des bordures de champs et des haies, et le drainage des terrains marécageux pour l'agriculture réduisent la surface totale disponible pour les espèces sauvages et fragmentent les habitats naturels. Le pacage réduit la diversité des espèces dans les pâtures.

L'intensification agricole ajoute d'autres problèmes. Les pesticides et les herbicides détruisent directement de nombreux insectes et végétaux non désirés, et réduisent les disponibilités alimentaires pour les animaux d'espèce supérieure. La perte de biodiversité ne se limite donc pas à l'étape du défrichement dans le développement agricole, elle continue longtemps après. Elle persiste même dans les pays développés où l'on apprécie la nature et où l'on s'efforce de la protéger.

Certaines espèces affectées peuvent être d'importants agents de recyclage d'éléments nutritifs et de pollinisation, ou des prédateurs de ravageurs. D'autres représentent une source potentielle de matériel génétique pour l'amélioration des espèces végétales et animales domestiquées.

Les pressions exercées sur la biodiversité au cours des trois prochaines décennies seront le résultat de tendances divergentes. Les méthodes extensives reculeront probablement devant l'intensification, qui à son tour laissera peut-être la place à l'agriculture biologique ou l'agriculture sans labour.

La perte due à l'agriculture d'habitats naturels de la faune continuera, mais à un rythme plus lent. Le déboisement ralentira, et le pâturage extensif laissera progressivement la place à l'élevage industriel. Bien que l'intensification entraîne pour l'environnement des risques particuliers, liés aux pesticides, aux engrais chimiques et aux déchets d'origine animale, la prise en considération croissante des préoccupations environnementales dans les politiques agricoles aidera à les contrer.

Réduire la pollution d'origine agricole

L'agriculture représente une source croissante de gaz à effet de serre, mais aussi une voie potentielle d'atténuation du changement climatique grâce au stockage du carbone dans les sols et la végétation.

L'expansion de l'agriculture sans labour apportera une amélioration de la structure des sols et réduira l'érosion. La lutte intégrée contre les ravageurs fera diminuer l'emploi des pesticides, tandis que les systèmes intégrés de nutrition des végétaux devraient réduire l'usage excessif des engrais chimiques.

D'autres politiques permettront de réduire le conflit entre l'intensification agricole et la protection de l'environnement. Il pourra être nécessaire d'adopter des réglementations plus sévères et des stratégies nationales en matière de gestion des déchets animaux et d'utilisation des engrais et pesticides chimiques, ainsi que de supprimer les subventions pour les intrants chimiques et l'énergie fossile. Il faudra soumettre les pesticides à des essais plus rigoureux, et surveiller plus étroitement l'accumulation des résidus.

L'agriculture et le changement climatique

L'agriculture en tant que source et puits

L'agriculture est une source importante d'émissions de gaz à effet de serre. Elle dégage de grandes quantités de gaz carbonique lors de la combustion de la biomasse, surtout dans les zones de déboisement et de feux de prairies.

L'agriculture est également responsable de presque la moitié des émissions de méthane. Bien que le méthane reste moins longtemps dans l'atmosphère que le gaz carbonique, sa puissance d'échauffement est environ 20 fois plus forte, et il représente donc un important facteur à court terme du réchauffement de la planète. Ses émissions anthropiques annuelles se montent actuellement à environ 540 millions de tonnes et augmentent d'environ 5 pour cent par an.

Le bétail cause à lui seul environ un quart des émissions de méthane, en raison des fermentations intestinales et de la décomposition des excréments. Avec l'augmentation de la quantité de bétail et l'industrialisation croissante de l'élevage, on estime que la production de fumier augmentera de 60 pour cent d'ici 2030. Les émissions de méthane dues au bétail croîtront probablement dans la même proportion.

La riziculture est l'autre source agricole principale de méthane, et représente environ un cinquième des émissions anthropiques. On prévoit que la superficie consacrée à la culture du riz irrigué augmentera d'environ 10 pour cent d'ici 2030. Il se peut, cependant, que les émissions augmentent moins que cela, car une proportion croissante de riz sera cultivée avec une irrigation et des substances nutritives mieux maîtrisées, et l'on pourra adopter des variétés dégageant moins de méthane.

L'agriculture est également responsable du dégagement de grandes quantités d'un autre gaz à effet de serre: l'oxyde nitreux. Ce gaz est produit par des processus naturels, mais sa production est renforcée par le lessivage, la volatilisation et le ruissellement des engrais azotés, et la décomposition des résidus de cultures et des déchets animaux. Le bétail compte pour environ la moitié des émissions anthropiques. On prévoit que les émissions annuelles d'oxyde nitreux dues à l'agriculture augmenteront de 50 pour cent d'ici 2030.

L'agriculture peut contribuer à atténuer le changement climatique

La culture peut aussi servir de puits pour le carbone. On pense toutefois que les sols, comme les autres puits biologiques (par exemple la végétation), sont dotés d'une limite supérieure de stockage. La quantité totale pouvant être stockée dépend du type de culture et du lieu, et le taux de séquestration décline au bout d'un certain nombre d'années de croissance, pour finalement atteindre cette limite. On estime que 590 à 1 180 millions de tonnes de carbone étaient stockées en 1997-99 rien que dans les terres cultivées, sous forme de matière organique du sol venant des résidus de cultures et du fumier. Les projections donnent à penser que d'ici 2030 ce total pourrait progresser de 50 pour cent.

D'autres changements pourraient augmenter encore cette quantité. Si seulement 2 millions des actuels 126 millions d'hectares de sols salins étaient restaurés chaque année, ils pourraient stocker 13 millions par an de tonnes de carbone de plus. Dans les pays développés, les jachères permanentes peuvent séquestrer de grandes quantités de carbone si elles sont laissées à l'état naturel ou reboisées.

Selon les conditions agro-climatiques, l'agriculture sans labour permet de stocker de 0,1 à 1 tonne de carbone par hectare et par an, et peut en outre réduire les émissions de gaz carbonique de plus de 50 pour cent en raison d'une moindre utilisation des combustibles fossiles pour le labour. Elle offre un potentiel de croissance considérable. Si 150 millions d'hectares de cultures pluviales sont convertis à l'agriculture sans labour d'ici 2030 et que le taux moyen de séquestration sur les terres gérées de cette manière est de 0,2 à 0,4 tonnes par hectare et par an, 30 à 60 millions de tonnes de carbone de plus pourraient être absorbées au cours de chacune des premières années après la conversion.

Si ces pratiques devaient être abandonnées, le carbone séquestré mettra quelques années à se dégager. Les puits de carbone agricoles de ce type sont nécessaires pour gagner du temps pendant que l'on cherche à maîtriser les émissions de carbone à leur source.

Le changement climatique aura des impacts très divers sur l'agriculture

Le changement climatique va affecter l'agriculture, la foresterie et la pêche de manière complexe, tant positivement que négativement. On s'attend à ce que la concentration mondiale de gaz carbonique dans l'atmosphère passe de 350 ppm à plus de 400 ppm d'ici 2030. Le gaz carbonique cause le rétrécissement des stomates des plantes, et donc réduit les pertes d'eau et améliore l'efficience d'utilisation de l'eau. Les concentrations croissantes de gaz carbonique dans l'atmosphère stimuleront également la photosynthèse et auront un effet fertilisant sur de nombreuses cultures.

Au cours des trois prochaines décennies, le changement climatique ne devrait pas réduire les disponibilités alimentaires mondiales, mais il se peut qu'il augmente la dépendance des pays en développement en matière d'importations alimentaires et qu'il accentue l'insécurité alimentaire des groupes et pays vulnérables.

Il est prévu que les températures moyennes mondiales augmenteront de 1,4 à 5,8°C d'ici 2100. A l'horizon 2030, l'augmentation sera moindre, entre 0,5 et 1°C.

Cette augmentation sera plus forte dans les latitudes tempérées, où le réchauffement de la planète pourra profiter à l'agriculture. Les zones cultivables s'étendront, la longueur de la saison de croissance s'allongera, le coût d'hivernage du bétail diminuera, le rendement des cultures augmentera et il est possible que les forêts poussent plus vite. Ces gains, cependant, devront être mis en balance avec la perte de superficies cultivables due aux inondations, notamment dans les plaines côtières.

Dans les régions moins bien arrosées, surtout dans les tropiques, l'élévation de la température renforcera l'évapotranspiration et réduira le taux d'humidité du sol. Certaines zones cultivées deviendront impropres à la culture et il se peut que certaines prairies tropicales deviennent de plus en plus arides.

La hausse de température élargira également l'aire de répartition des ravageurs agricoles et renforcera la capacité de leurs populations à survivre pendant l'hiver et à attaquer les cultures de printemps. Dans les océans, la hausse de température pourra réduire la croissance du plancton, blanchir les coraux et perturber les habitudes de reproduction et d'alimentation des poissons. Les espèces propres aux eaux froides comme le cabillaud pourront voir rétrécir leur aire de répartition.

L'élévation de la température mondiale entraînera aussi de plus fortes précipitations. Elles seront toutefois réparties irrégulièrement entre les régions. On prévoit en effet que dans certaines zones tropicales comme l'Asie du Sud et le nord de l'Amérique latine les précipitations seront moins abondantes qu'auparavant.

On s'attend également à ce que le climat devienne plus variable qu'à présent, avec une fréquence et une gravité accrues des phénomènes extrêmes comme les cyclones, les inondations, les chutes de grêle et les périodes de sécheresse. Ces événements entraîneront de plus fortes fluctuations du rendement des cultures et des disponibilités alimentaires locales, ainsi que de plus hauts risques de glissements de terrain et de dommages dus à l'érosion.

On prévoit que le niveau moyen de la mer montera de 15 à 20 cm d'ici 2030 et de 50 cm d'ici 2100. Cette hausse entraînera la perte des terres basses du littoral par inondation, pénétration d'eau de mer et ondes de tempête. L'affaissement du sol dû au prélèvement excessif d'eau souterraine risquera d'exacerber le problème dans certaines régions. On assistera également à des effets préjudiciables sur la culture des légumes et l'aquaculture dans les terres basses et sur les pêcheries dont les sites de frai se situent dans les mangroves. L'impact se ressentira davantage sur les zones côtières, notamment les deltas fortement peuplés et cultivés, comme au Bangladesh, en Chine, en Egypte, en Inde et dans les régions continentales d'Asie du Sud-Est. Rien qu'en Inde, on estime que les pertes pourraient atteindre 1 000 à 2 000 km2 d'ici 2030, ceci risquant d'entraîner la destruction de 70 000 à 150 000 moyens d'existence.

Il reste pourtant d'importantes incertitudes dans la plupart des projections. L'effet global sur la production alimentaire mondiale à l'horizon 2030 sera probablement limité: on prévoit que les rendements de céréales, par exemple, vont perdre environ 0,5 pour cent d'ici les années 2020. Mais il y aura de grandes variations régionales: dans les zones tempérées, on pense qu'il sera possible d'obtenir de meilleurs rendements; en Asie de l'Est, dans le Sahel et en Afrique australe, le bilan pourrait être positif comme négatif; dans les autres régions en développement, on pense qu'il faut plutôt prévoir un effet négatif sur les rendements. Dans tous ces cas, les rendements sont susceptibles d'augmenter ou de baisser de 2,5 pour cent ou moins d'ici 2030 et de 5 pour cent ou moins d'ici 2050.

Il est important de noter qu'il s'agit là uniquement de changements résultant du réchauffement de la planète en l'absence de tout autre facteur. En pratique, l'évolution de la technologie réduira ou compensera probablement l'impact du changement climatique. Les innovations technologiques les plus importantes comprendront l'amélioration des variétés végétales et des pratiques agricoles, qui feront augmenter les rendements. Les facteurs comme l'expansion de l'agriculture sans labour et de l'irrigation s'allieront à la dissémination des nouvelles variétés végétales pour réduire la vulnérabilité de certains systèmes au changement climatique.

Les inégalités en matière de sécurité alimentaire risquent de s'aggraver

Il semble que l'échauffement de la planète bénéficiera à l'agriculture des pays développés situés dans les zones tempérées, mais qu'il aura un effet négatif sur la production de nombreux pays en développement des zones tropicales et subtropicales. Le changement climatique pourrait donc renforcer la dépendance des pays en développement envers les importations et accentuer les différences existant entre le nord et le sud en matière de sécurité alimentaire.

Certaines tendances du futur amortiront le choc. L'amélioration des communications et des routes permettra aux aliments d'être transportés plus rapidement vers les régions affectées par la sécheresse ou les inondations. La croissance économique et la hausse des revenus permettront tout de même à la plupart des habitants de la plupart des pays d'améliorer leur nutrition. Du fait que les gens vont continuer de se transférer des activités agricoles vers l'industrie et les services, et des zones rurales et marginales vers les centres urbains, le nombre de pays incapables d'acheter des produits alimentaires importés et de personnes vulnérables aux baisses locales de production alimentaire va diminuer.

La sécurité alimentaire des populations et pays pauvres pourrait pourtant souffrir du changement climatique. Même à l'horizon 2030, il restera encore des centaines de millions d'humains sous-alimentés ou à la limite. Ils seront particulièrement vulnérables à la perturbation de leurs revenus ou de leurs disponibilités alimentaires du fait de récoltes perdues ou de phénomènes extrêmes comme la sécheresse ou les inondations.

Tant que les échanges agricoles ne seront pas entièrement libéralisés et que les communications avec les régions marginales resteront insuffisantes, des différences persisteront entre les prix locaux, nationaux et internationaux, ce qui entraînera un risque de hausse rapide - même si elle n'est parfois que temporaire - des prix alimentaires dans les zones touchées par les phénomènes extrêmes. Dans le sud du Mozambique, par exemple, le prix du maïs a monté rapidement au printemps 2000 à la suite des inondations, alors qu'il était de moitié ou même légèrement en baisse au nord, en raison de difficultés de transport entre les deux zones.

Les impacts négatifs du changement climatique frapperont surtout les pauvres. Les plus durement touchés seront les petits agriculteurs et les autres groupes à faibles revenus dans les régions sujettes à la sécheresse, aux inondations, à la pénétration d'eau de mer et aux ondes de tempête, et les pêcheurs affectés par le déclin des captures suite à la hausse de température de l'eau et aux déplacements des courants. Les régions qui souffriront probablement le plus de la variabilité accrue du climat et des épisodes extrêmes sont généralement celles qui sont déjà handicapées par ces mêmes phénomènes. Beaucoup de régions menacées par la hausse du niveau de la mer sont déjà pauvres et risquent de ne pas connaître un développement économique suffisant pour s'offrir une protection contre les inondations.

Le problème posé d'une accentuation de la vulnérabilité alimentaire due au changement climatique sera sans doute particulièrement grave dans 30 à 40 pays, surtout en Afrique. D'après certaines estimations, dès 2020 ou 2030, le changement climatique pourrait entraîner, dans cette région, une baisse de la production céréalière de 2 à 3 pour cent, suffisante pour accroître de 10 millions le nombre d'habitants menacés par la faim. Il s'agit là d'un effet projeté en l'absence d'autres changements et il pourrait être compensé par une croissance même modeste des rendements, mais il représente tout de même un obstacle supplémentaire pour l'agriculture africaine.

Les choix technologiques et politiques

Un grand nombre des mesures nécessaires pour atténuer le changement climatique ou s'y adapter servent aussi pour combattre les problèmes actuels comme la pollution de l'eau et de l'air, l'érosion des sols et la vulnérabilité à la sécheresse ou aux inondations.

Mesures destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre:

  • Suppression des subventions et introduction de taxes écologiques sur les engrais chimiques et les intrants énergétiques
  • Amélioration de l'efficience de l'emploi des engrais
  • Développement de variétés de riz dégageant moins de méthane
  • Meilleure gestion des déchets animaux
  • Restauration des terres dégradées
  • Amélioration de la gestion des résidus de cultures
  • Expansion de l'agroforesterie et du reboisement

Mesures destinées à promouvoir l'adaptation au changement climatique:

  • Développement et distribution de variétés végétales et de races animales résistant à la sécheresse, aux orages et aux inondations, aux températures plus élevées et aux conditions salines
  • Amélioration de l'efficacité de l'utilisation de l'eau grâce à:
    • L'agriculture sans labour dans les zones de cultures pluviales
    • L'amélioration de la tarification, de la gestion et de la technologie de l'eau dans les zones irriguées
  • Promotion de l'agroforesterie pour renforcer la résistance des écosystèmes et protéger la biodiversité
  • Maintien de la mobilité du bétail dans les zones de pâtures sujettes à la sécheresse

Mesures destinées à réduire l'insécurité alimentaire:

  • Réduction de la pauvreté rurale et urbaine
  • Amélioration des transports et des communications dans les zones vulnérables aux désastres
  • Développement des systèmes d'alerte rapide et de prévision des tempêtes
  • Plans préparant à porter secours et réhabiliter
  • Introduction de cultures halophytes et résistantes aux orages et aux inondations
  • Introduction de systèmes d'utilisation des terres aptes à stabiliser les pentes et à réduire les risques d'érosion et de glissement de terrain
  • Construction des maisons, abris pour bétail et entrepôts d'aliments au-dessus du niveau probable des inondations.



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