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II. Asie et Pacifique

VUE D'ENSEMBLE

Situation économique générale

Les récentes performances économiques des pays en développement de l'Asie confirment leur niveau d'intégration à l'économie mondiale, leur dynamisme retrouvé pour sortir de la crise et leur hétérogénéité. En 2000, les performances économiques, quoique vigoureuses, ont quelque peu faibli au début du deuxième semestre, sous l'effet du ralentissement économique mondial. La faiblesse persistante de la demande extérieure, notamment en ce qui a trait aux produits électroniques, a contribué à une réduction générale de la croissance, qui s'établit à près de 5,6 pour cent en 200136.

La croissance économique des économies asiatiques s'est quelque peu ralentie en 2001.

Les projections concernant la croissance du PIB pour 2002, affectée par les événements du 11 septembre, ont été révisées à la baisse pour la plupart des pays de la région. Dans son ensemble, cette dernière devrait connaître un taux de croissance de 5,6 pour cent; toutefois, l'impact des attentats, et leurs conséquences répercutées par des voies diverses, se fera sentir à des degrés variables selon les pays.

S'agissant de l'Asie du Sud-Est, l'Indonésie, les Philippines, la Thaïlande, le Viet Nam et, en particulier, la Malaisie, ont enregistré des taux de croissance élevés en 2000. En 2001, cependant, les taux de croissance devraient être plus contenus dans tous les grands pays de la sous-région, et notamment en Malaisie et en Thaïlande.

Tableau 9

TAUX DE CROISSANCE ANNUEL DU PIB EN TERMES RÉELS DANS DES PAYS SÉLECTIONNÉS DE L'ASIE EN DÉVELOPPEMENT

Pays/région

1996

1997

1998

1999

2000

20011

20021

 

(Pourcentage)

Bangladesh

5

5,3

5

5,4

6

4,7

3,2

Chine

9,6

8,8

7,8

7,1

8

7,3

6,8

Inde

7,3

4,9

5,8

6,8

6

4,4

5,2

Indonésie

8

4,5

-13,1

0,8

4,8

3,2

3,5

Malaisie

10

7,3

-7,4

6,1

8,3

0,3

2,5

Pakistan

2,9

1,8

3,1

4,1

3,9

3,7

4,4

Philippines

5,7

5,2

-0,6

3,4

4

2,9

3,2

Thaïlande

5,9

-1,5

-10,8

4,3

4,4

1,5

2

Viet Nam

9,3

8,2

3,5

4,2

5,5

4,7

4,8

Asie en développement

8,3

6,5

4

6,2

6,8

5,6

5,6

1 Projections.

2 Chine, à l'exclusion de la Région administrative spéciale de Hong Kong et de Taïwan Province de Chine.

Source: FMI. 2001. Perspectives de l'économie mondiale, décembre. Washington.

En 2000, la croissance économique a atteint 8 pour cent en Chine, poursuivant ainsi les performances brillantes des dernières années. En 2001, toutefois, le ralentissement considérable des exportations a entraîné une légère réduction du taux de croissance, mais on prévoit que la vigueur de la demande intérieure, conjuguée aux investissements étrangers, permettront d'obtenir une croissance vigoureuse et soutenue en 2002.

Tableau 10

TAUX DE CROISSANCE NET DE LA PRODUCTION DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT D'ASIE ET DU PACIFIQUE

Année

Agriculture

Cultures

Céréales

Bétail

Produits
alimentaires

Autres
produits

 

(Pourcentage)

1992-96

4,9

4,1

2,5

7,3

5,3

0,0

1997

4,0

1,6

0,2

7,4

4,0

4,4

1998

2,6

1,5

1,9

5,7

3,3

-8,1

1999

3,3

3,4

3,1

2,1

3,5

-0,1

2000

1,7

0,3

-3,6

4,6

1,7

2,6

20011

1,1

-0,7

-2,3

3,8

0,9

3,6

1 Chiffres provisoires.

Source: FAO.

L'Asie du Sud dans son ensemble a enregistré au cours des dernières années des taux de croissance généralement inférieurs, quoique honorables, à ceux de l'Asie du Sud-Est, notamment en Inde et au Bangladesh. Si on la compare à la majorité des petits pays d'Asie, la région est moins vulnérable à la récession qui touche le commerce et l'activité économique à l'échelle mondiale, sans pour autant en être totalement préservée. Ainsi, on prévoit un ralentissement de la croissance économique en 2001 pour l'Inde, le Bangladesh et le Pakistan.

Après une croissance relativement lente de la production agricole en 2000, le déclin semble s'être poursuivi en 2001.

Situation de l'agriculture

La croissance générale de la production agricole de la région est tombée à 1,7 pour cent en 2000, poursuivant ainsi la tendance au déclin graduel de la croissance, observée au cours des dernières années. Cette réduction des performances a été entièrement attribuable à la croissance moins rapide de la production agricole, qui est tombée à 0,3 pour cent après une expansion de 3,4 pour cent en 1999. La production céréalière a reculé de 3,6 pour cent en 2000, la majeure partie du déclin étant liée à la chute de la production céréalière chinoise. En revanche, la production animale de la région a progressé de 4,6 pour cent, contre 2,1 pour cent l'année précédente.

D'après les estimations préliminaires pour 2001, la croissance de la production agricole régionale devrait ralentir encore jusqu'à environ 1 pour cent, avec une contraction de près de 1 pour cent de la production agricole, parallèlement à une expansion prévue d'à peine moins de 4 pour cent de la production animale. Quant à la production céréalière, elle devrait, toujours selon les prévisions, reculer de 2,3 pour cent, par suite des conditions météorologiques défavorables dans les principaux pays céréaliers de la région.

En 2000, la détérioration des performances a en grande partie concerné l'Asie du Sud, où la production agricole a décliné de 0,3 pour cent après une croissance vigoureuse atteignant 4 à 5 pour cent l'année précédente. La production agricole a décliné de 1,2 pour cent, tandis que la production animale augmentait de 2,8 pour cent, reproduisant les résultats de 1999. En Inde, la production agricole a reculé de 1,1 pour cent, après avoir connu une expansion de près de 5 pour cent l'année précédente. Ce phénomène est directement lié au déclin de 2,1 pour cent de la production agricole, accompagné d'une augmentation de 3 pour cent de la production animale. Alors que la croissance de la production avait été relativement vigoureuse en 2000, se fixant à 6,5 et 3,7 pour cent au Bangladesh et au Népal respectivement, elle a été modeste au Pakistan et au Sri Lanka, avec 1,6 et 0,8 pour cent, respectivement.

Les projections concernant 2001 font état d'un recul supplémentaire de 1,5 pour cent de la production agricole, conséquence du déclin estimé de la production agricole dans les trois principaux pays de la sous-région, à savoir l'Inde, le Pakistan et le Bangladesh, où la production agricole a été affectée par les conditions météorologiques défavorables qui ont prévalu dans les principales régions productrices.

En Chine, la croissance de la production agricole en 2000, qui s'est établie à 2,6 pour cent, n'a marqué qu'un modeste progrès par rapport aux 2,1 pour cent atteints en 1999. Bien que tout à fait honorables, ces taux sont nettement inférieurs aux 4,2 pour cent et 6,4 pour cent de 1998 et 1997, et à la moyenne de 6,6 pour cent pour la période 1992-1996. Le déclin de la performance en 2000 s'explique par la quasi-stagnation de la production agricole, dont la progression n'a été que de 0,3 pour cent, et par les performances en progrès de la production animale, qui aurait atteint 5,8 pour cent. La production céréalière, quant à elle, a décliné de près de 10 pour cent, par suite notamment des nouvelles orientations des politiques gouvernementales de soutien des prix, qui ont entraîné une réduction des emblavures (voir ci-après l'accession de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce [OMC] et ses conséquences pour les politiques agricoles du pays).

Selon les projections initiales, la production agricole de la Chine devrait, en 2001, connaître un taux d'expansion analogue à celui de 2000, soit près de 2,5 pour cent. Une fois de plus, la production animale devrait, avec une croissance de 4 à 5 pour cent, l'emporter sur la production agricole, dont la progression ne dépassera sans doute pas 0,5 pour cent. La production céréalière poursuivra probablement son déclin, par suite de la réduction supplémentaire des superficies cultivées et des mauvaises conditions météorologiques. La croissance de la production agricole comme de la production animale devrait, par ailleurs, rester très inférieure aux taux qui ont prévalu avant 1997.

En Asie de l'Est et du Sud-Est, la production agricole a quelque peu ralenti en 2000, s'établissant à 2,9 pour cent selon les estimations, alors que le taux de croissance avait atteint 4,8 pour cent en 1999, année de redressement après les médiocres performances de 1997 et 1998. L'Indonésie, dont la production agricole n'a enregistré qu'une croissance modeste - 0,8 pour cent - contre une progression de 5,9 pour cent de la production animale, devra se contenter d'un taux de croissance de 1,5 pour cent, tandis que le Cambodge, la République de Corée, la Malaisie et les Philippines ont tous vu leur production augmenter de 2 à 3 pour cent. En République populaire démocratique de Corée, la sécheresse aiguë qui a sévi en 2000, dans le sillage de l'hiver le plus rigoureux depuis des décennies, a entraîné une contraction de 3,8 pour cent de la production, avec un déclin particulièrement marqué du volume céréalier pour la deuxième année consécutive. En revanche, le secteur agricole du Viet Nam a poursuivi ses belles performances des années précédentes, avec une augmentation de la production annuelle de l'ordre de 4 à 5 pour cent.

Les estimations préliminaires pour 2001 font état d'un ralentissement de la croissance de la production agricole pour la sous-région, avec un taux légèrement inférieur à 1 pour cent correspondant à une stagnation de la production agricole et, par contraste, une production animale augmentant d'environ 4 pour cent. La plupart des pays de la sous-région devraient poursuivre cette tendance avec, en particulier, une contraction marquée de la production au Cambodge, où de sévères inondations ont gravement affecté la production de riz, et un fléchissement moins marqué aux Philippines et au Viet Nam. En République populaire démocratique de Corée, la production céréalière s'est nettement redressée en 2001, après la récolte des plus médiocres de l'année précédente.

Dans les pays en développement du Pacifique, la production agricole a atteint 1,6 pour cent en 2000, après avoir connu une expansion de 3,7 pour cent en 1999, tandis que les estimations concernant 2001 laissent prévoir une stabilité de la production agricole. Ces prévisions reflètent les pronostics concernant la Papouasie-Nouvelle-Guinée, principal producteur agricole de la sous-région, qui a enregistré une progression de 1 pour cent en 2000, après avoir connu un taux d'expansion de 5,7 pour cent en 1999, mais dont la production semble avoir stagné en 2001.

En janvier 2002, la Chine a adhéré à l'Organisation mondiale du commerce.

L'ACCESSION DE LA CHINE À L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE ET SES CONSÉQUENCES POUR LES POLITIQUES AGRICOLES DU PAYS

Le 10 novembre 2001, la Conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce, réunie à Doha, a approuvé l'accord d'adhésion de la Chine à l'OMC. L'agriculture a été placée au centre des négociations concernant l'adhésion, et l'accord d'accession comprend de nombreux engagements concernant l'agriculture. Cependant, il existe des divergences quant à l'incidence probable de cette accession. Pour certains, l'impact sur le secteur agricole chinois sera substantiel37, tandis que d'autres considèrent que l'effet général sur l'agriculture sera limité38. Cette divergence d'opinion peut être attribuée, en partie, à l'incertitude générale qui règne à propos des changements d'orientation pouvant survenir après l'accession à l'OMC, qui comprendront: un aperçu sommaire des politiques agricoles actuellement en vigueur en Chine et des performances antérieures du secteur agricole39; un examen des points saillants de l'accord d'accession touchant le secteur agricole; et le passage en revue d'options pouvant être adoptées par les décideurs.

L'évolution du rôle du secteur agricole dans l'économie chinoise

La libéralisation de l'économie chinoise est en cours depuis plus de deux décennies. Depuis le lancement des réformes économiques en 1978, l'économie de la Chine s'est développée de façon substantielle, avec un taux annuel de croissance du PIB de 8,5 pour cent entre 1979 et 1984, et de 9,7 pour cent entre 1985 et 1995 (tableau 11). En dépit de la crise financière qui a frappé l'Asie, le PIB a poursuivi sa croissance annuelle au taux de 8,2 pour cent entre 1996 et 2000. Le commerce extérieur, quant à lui, a progressé encore plus rapidement, puisque le coefficient commerce extérieur/PIB est passé de 13 pour cent en 1980 à 44 pour cent en 200040.

L'économie et l'agriculture de la Chine ont connu une croissance rapide depuis l'amorce des réformes économiques à la fin des années 70.

Bien que les réformes aient englobé l'ensemble de l'économie depuis le début des années 80, la plupart des transformations qui ont suivi ont été amorcées dans le secteur agricole, et elles en sont tributaires41. La décollectivisation, l'augmentation des prix et l'assouplissement des restrictions locales aux échanges commerciaux ont déclenché le décollage de l'économie agricole de la Chine à partir de 1978. La production céréalière a augmenté de 4,7 pour cent par an entre 1978 et 1984, et ce taux a même été dépassé pour les productions horticole, animale et aquatique (tableau 11). Malgré le ralentissement de la croissance du secteur agricole liée à la disparition des gains ponctuels de productivité liés à la collectivisation, le pays a continué de bénéficier de taux de croissance du secteur agricole supérieurs à l'augmentation démographique (tableau 11). Mais le secteur industriel et celui des services devaient, à leur tour, connaître un essor encore plus vigoureux, si bien que la part de l'agriculture dans le PIB, qui dépassait 30 pour cent avant 1980, était tombée à 16 pour cent en 2000 (tableau 12). Parallèlement, la part du secteur agricole en tant que fournisseur d'emplois est tombée de 81 pour cent en 1970 à 50 pour cent seulement en 2000.

La rapidité de la croissance économique, associée aux phénomènes d'urbanisation et de développement des marchés alimentaires, a stimulé la demande de viande, de fruits et d'autres denrées n'appartenant pas aux catégories de base, entraînant d'importants réaménagements structurels de la production agricole42. Ainsi, la part du bétail dans la valeur de la production agricole a plus que doublé, passant de 14 pour cent à 30 pour cent entre 1970 et 2000 (tableau 12). L'un des indicateurs les plus significatifs de cette modification structurelle est la part considérablement réduite - notamment celle des céréales - revenant aux cultures, qui est tombée de 82 pour cent à 56 pour cent.

Le commerce extérieur a, lui aussi, subi d'importantes transformations. Alors que la part occupée par les produits de base - principalement agricoles - dans le total des exportations dépassait 50 pour cent en 1980, elle est tombée à 10 pour cent seulement en 2000 (tableau 12). Au cours de la même période, la part des denrées alimentaires dans le total des exportations est passée de 17 pour cent à 5 pour cent, tandis que celle des importations alimentaires chutait de 15 pour cent à 2 pour cent. La composition du commerce agricole reflète de plus en plus l'avantage comparatif détenu par la Chine (tableau 12 et figure 23).

Tableau 11

TAUX DE CROISSANCE ANNUEL DE L'ÉCONOMIE CHINOISE, 1970-2000

 

Période préréforme 1970-78

Période de réforme

   

1979-84

1985-95

1996-00

 

(Pourcentage)

Produit intérieur brut

4,9

8,5

9,7

8,2

Agriculture

2,7

7,1

4,0

3,4

Industrie

6,8

8,2

12,8

9,6

Services

n.d.

11,6

9,7

8,2

Commerce extérieur

20,5

14,3

15,2

9,8

Importations

21,7

12,7

13,4

9,5

Exportations

19,4

15,9

17,2

10,0

Production céréalière

2,8

4,7

1,7

0,03

Cultures oléagineuses

2,1

14,9

4,4

5,6

Fruits

6,6

7,2

12,7

8,6

Viandes rouges

4,4

9,1

8,8

6,5

Poisson

5,0

7,9

13,7

10,2

Valeur de la production des

 
 
 
 

entreprises rurales

n.d.

12,3

24,1

14,0

Population

1,80

1,40

1,37

0,90

PIB par habitant

3,1

7,1

8,3

7,1

Note: Le chiffre concernant le PIB pour la période 1970-1978 correspond au taux de croissance du revenu national en termes réels. Les taux de croissance sont calculés au moyen de la méthode de régression. Les taux de croissance de produits spécifiques et de catégories de produits sont basés sur les données de production; les taux de croissance sectoriels se rapportent à la valeur ajoutée exprimée en termes réels.

Source: National Bureau of statistics of China. China Statistical Yearbook, thèmes divers. Beijing, China Statistical Publishing House; Ministère de l'agriculture. Agricultural Yearbook of China, thèmes divers. Beijing.

De fait, le volume net des exportations de produits de la terre vendus en vrac, tels que les céréales, les graines oléagineuses et les cultures sucrières, a chuté, tandis que les exportations de produits à forte intensité de main-d'œuvre et à valeur plus élevée, tels que les produits horticoles et animaux (dont l'aquaculture), ont augmenté. Au cours des années 90, le pourcentage des exportations céréalières, qui s'établissait à environ 20 pour cent, a été inférieur de moitié à celui du début des années 80. A la fin des années 90, les produits horticoles, animaux et aquatiques représentaient environ 80 pour cent des exportations agricoles43.

Tableau 12

ÉVOLUTION STRUCTURELLE DE L'ÉCONOMIE DE LA CHINE, 1970-2000

 

1970

1980

1985

1990

1995

2000

 

(Pourcentage)

Part du PIB

 
 
 
 
 
 

Agriculture

40

30

28

27

20

16

Industrie

46

49

43

42

49

51

Services

13

21

29

31

31

33

Part de l'emploi

 
 
 
 
 
 

Agriculture

81

69

62

60

52

50

Industrie

10

18

21

21

23

22.5

Services

9

13

17

19

25

27.5

Part des exportations

 
 
 
 
 
 

Produits de base

...

50

51

26

14

10

Denrées alimentaires

...

17

14

11

7

5

Part des importations

           

Produits de base

...

35

13

19

18

21

Denrées alimentaires

...

15

4

6

5

2

Part de la production agricole

           

Cultures

82

76

69

65

58

56

Elevage

14

18

22

26

30

30

Pêches

2

2

3

5

8

11

Foresterie

2

4

5

4

3

4

Part de la population rurale

83

81

76

74

71

64

Source: National Bureau of statistics of China. China Statistical Yearbook, thèmes divers; China Rural Statistical Yearbook, thèmes divers. China Statistical Publishing House, Beijing.

Il semble, d'après l'examen de ces tendances, que la Chine se soit déjà engagée vers un schéma de production et d'échanges commerciaux plus adapté à ses ressources intérieures et à son avantage comparatif, à savoir autoriser l'entrée d'une quantité croissante de produits à forte utilisation des terres agricoles, tout en stimulant les exportations de cultures à forte intensité de main-d'œuvre. Son adhésion à l'OMC aura pour effet principal une accentuation des évolutions déjà esquissées.

Au cours des trois dernières décennies, d'importantes réformes du secteur agricole ont été mises en œuvre.

La politique agricole au cours de la période de réforme

En dépit des tendances que nous venons de décrire, il est quasiment indéniable que l'accession de la Chine à l'OMC lance de nouveaux défis au secteur agricole. La nature et la profondeur de l'impact ressenti dépendront de la manière dont les responsables du secteur agricole chinois géreront ce dernier en fonction de l'entrée en vigueur de nouvelles règles commerciales. Avant de procéder à un examen plus détaillé, rappelons brièvement les politiques agricoles de la Chine au cours de la période de réforme.

Les politiques budgétaires et financières. Malgré l'augmentation graduelle, au cours de la période de réforme, des dépenses gouvernementales dans la plupart des domaines touchant l'agriculture, le coefficient des investissements agricoles relativement au PIB agricole accuse un déclin depuis la fin des années 70. En 1978, les investissements du secteur public représentaient 7,6 pour cent du PIB agricole44 mais, dès 1995, cette proportion était tombée à 3,6 pour cent. De plus, au cours des deux dernières décennies, le système financier ainsi que le système gouvernemental d'achats agricoles ont été à l'origine d'importants transferts de capitaux du secteur industriel vers l'industrie et des régions rurales vers les zones urbaines45.

Les politiques en matière de devises étrangères et de commerce extérieur. Les politiques extérieures suivies par la Chine ont joué, pendant de nombreuses décennies, un rôle déterminant dans l'évolution de la croissance du secteur agricole. Pendant toute la période qui a précédé les réformes (1950-1978), la politique d'autarcie et la surévaluation de la devise ont découragé les exportations46. Une fois les réformes amorcées, les autorités ont laissé le taux de change réel accuser une dépréciation atteignant jusqu'à 400 pour cent entre 1978 et 1994. Les ajustements apportés au taux de change tout au long de la période de réforme ont accentué la compétitivité des exportations et contribué aux bons résultats obtenus par la Chine dans ce domaine.

Les politiques applicables au développement rural et au marché du travail. Les efforts de modernisation du pays ont été étroitement tributaires du transfert de la main-d'œuvre agricole vers les travaux non agricoles. Cet effort a été accompli grâce à l'absorption de la main-d'œuvre par des entreprises implantées dans les zones rurales, ainsi que par des migrations massives vers les villes. L'industrialisation rurale a joué un rôle déterminant dans la création d'emplois pour la main-d'œuvre rurale, augmentant la productivité de cette main-d'œuvre ainsi que les revenus des agriculteurs. La part des entreprises rurales dans le PIB a augmenté, passant de moins de 4 pour cent dans les années 70 à plus de 30 pour cent en 1999. Les entreprises rurales ont dominé le secteur de l'exportation tout au long des années 9047. Plus important encore, les entreprises rurales emploient 35 pour cent de la main-d'œuvre agricole travaillant hors exploitation. En outre, une proportion substantielle et croissante de la main-d'œuvre rurale (de 8 pour cent en 1990, elle est passée à 13 pour cent en 2000)48 se compose de travailleurs indépendants. Selon une étude récente, plus de 100 millions de travailleurs ruraux ont également trouvé du travail dans le secteur urbain à la fin des années 9049.

Les politiques applicables aux prix et à la commercialisation des aliments. Les réformes concernant les prix et les marchés ont fait partie de la panoplie de mesures visant à réorienter les politiques de la Chine, lors du passage d'une économie à planification centralisée à une économie de marché. Cependant, les réformes ont été lentes à démarrer et elles n'ont progressé que de façon graduelle. La libéralisation des marchés a commencé avec les produits de base considérés comme dénués d'importance stratégique, tels que les légumes, les fruits, le poisson, le bétail, ainsi que les cultures oléagineuses et sucrières, tandis que les cultures de grande envergure étaient quelques peu laissées à l'écart. Dans les premiers temps, les grandes réformes ont été réalisées par le biais de mesures administratives50. Cependant, à mesure que s'élargissait le droit d'exercer le commerce privé au début des années 80, et que les négociants étaient autorisés à acheter et à vendre les excédents de la quasi-totalité des produits agricoles, les fondements du système de commercialisation par le biais de l'Etat se sont trouvés minés.

Les marchés agricoles de la Chine ressemblent de plus en plus à ceux des économies davantage orientées vers le marché.

Depuis le milieu des années 80, les réformes du marché se poursuivent de manière sporadique. En dépit, toutefois, des corrections de cap appliquées périodiquement au processus de réforme, on a vu les marchés faire progressivement leur apparition en Chine rurale. Ainsi, la proportion des denrées vendues au détail sur le marché a continué d'augmenter. La part de l'agriculture, qui atteignait à peine 6 pour cent en 1978, était passée à 40 pour cent en 1985, 79 pour cent en 1995 et 83 pour cent en 199951. Par ailleurs, malgré ces interventions, l'Etat n'a pas réussi à interrompre les flux interprovinciaux de céréales. Une récente étude a démontré que les prix agricoles de toutes les principales denrées, y compris le riz, le blé et, en particulier, le maïs et la graine de soja, avaient évolué de façon parallèle entre des localités géographiquement très éloignées52. Les marchés de la Chine gagnent en intégration et en efficacité, et ils ressemblent de plus en plus à ceux des économies axées sur le marché.

La vente des choux-fleurs et des épinards produits à la ferme
Aujourd'hui, en Chine, la majeure partie des produits agricoles s'échangent sur des marchés privés

- FAO/22265/A. PROTO

Quelle est donc l'incidence de ces politiques sur le contexte international? Les tableaux 13 et 14 donnent les taux estimatifs de protection nominale (TPN) pour les principales denrées agricoles depuis 1985. Les TPN servent à estimer le pourcentage de différentiel entre les prix intérieurs des produits agricoles et les prix à la frontière des mêmes produits. Un TPN positif indique que les prix intérieurs sont supérieurs aux prix à la frontière - en d'autres termes, que les producteurs nationaux reçoivent une subvention, tandis qu'un TPN négatif indique que les prix intérieurs sont inférieurs aux prix à la frontière - en d'autres termes, que les producteurs nationaux sont assujettis à une taxation implicite. Par ailleurs, bien que des ajustements supplémentaires puissent être nécessaires pour tenir compte de la qualité et d'autres facteurs, ces TPN illustrent de façon approximative la nature des changements de politiques opérés dans le passé. Ainsi, le fait d'imposer aux agriculteurs un quota de livraison à un coût inférieur au marché a représenté pour eux une taxation implicite, parallèlement à une subvention implicite des consommateurs urbains - lesquels obtenaient les produits à un prix inférieur au cours du marché53. Entre 1990 et 1997, les prix moyens versés aux agriculteurs pour les céréales et les graines de soja livrées en vertu des contingents obligatoires étaient inférieurs de un huitième à un tiers aux prix à la frontière. C'est seulement au cours des dernières années que ces prix se sont situés au-dessus des prix à la frontière. Soulignons que les TPN. concernant le riz ont été essentiellement négatifs tout au long de cette période, et cela pour les trois ensembles de prix. En revanche, le blé et le coton, à savoir les principales denrées agricoles importées par le pays, ont bénéficié d'un traitement favorable relativement au riz. Cette différence est encore plus marquée lorsque que l'on considère que, s'agissant du riz, la proportion de la production obtenue au prix inférieur fixé pour les volumes contingentés est plus élevée. Il faut rappeler, en outre, que contrairement aux autres denrées, les producteurs de viande continuent, semble-t-il, de percevoir des prix inférieurs à ceux qu'ils obtiendraient s'ils vendaient leur productions aux cours internationaux (tableau 14).

Tableau 13

CHINE: BARÈMES NOMINAUX DE PROTECTION DES CÉRÉALES, 1978 - DÉBUT 2000

 

Prix d'achat officiel du volume contingenté

Prix d'achat négocié

Prix d'achat sur le marché de gros

 

Riz

Blé

Maïs

Soja

Riz

Blé

Maïs

Soja

Riz

Blé

Maïs

Soja

 

(Pourcentage)

1978-79

-42

15

12

2

-6

72

65

22

10

89

92

40

1980-84

-43

-3

-15

13

2

50

28

25

9

58

46

44

1985-89

-30

4

-13

-13

-5

34

17

15

-4

52

37

39

1990-94

-37

-14

-35

-32

-16

14

-7

7

-7

30

12

26

1995-97

-23

-12

-14

-22

-4

6

3

8

-1

19

20

19

1998-00

-3

10

22

33

-16

9

19

39

-6

26

32

49

1998

2

16

33

8

-16

5

26

37

-6

22

40

37

1999

-6

22

30

53

-19

12

20

59

-9

30

33

67

2000

-4

-7

2

38

-13

9

11

21

-2

26

23

44

Note: Les prix à la frontière sont les prix moyens à l'exportation (riz et parfois maïs) ou à l'importation (blé, soja et parfois maïs) pour des variétés comparables aux céréales produites par le pays. Les données concernant 2000 ont été relevées au début de l'année. La conversion des prix à la frontière a été effectuée au moyen de taux de change officiels.

Source: J. Huang et S. Rozelle. 2001. La nature et l'étendue des distorsions concernant les mesures incitatives du secteur agricole en Chine. Document présenté à la deuxième réunion d'accession à l'OMC, Réforme des politiques et réduction de la pauvreté en Chine, Mission permanente de la Banque mondiale, Beijing, 26-27 octobre 2001.

Tableau 14

CHINE: BARÈMES NOMINAUX DE PROTECTION DU COTON ET DES PRODUITS ANIMAUX, 1997-1999

Année

Coton

Porcs

Boeufs

Poulets

 

(Pourcentage)

1997

20

-19

-2

-34

1998

11

-25

-10

-37

1999

4

-17

24

-30

1997-99

12

-20

4

-33

Note: Les prix à l'exportation de la viande de porc, de boeuf et de poulet, ainsi que les prix d'importation du coton, sont utilisés comme prix à la frontière. Les prix intérieurs sont ceux pratiqués sur les marchés de gros urbains. Le prix de gros du coton est estimé selon la formule: prix d'achat par l'Etat multiplié par 1,25. La conversion des prix à la frontière a été effectuée au moyen de taux de change officiels.

Source: J. Huang et S. Rozelle. 2001. La nature et l'étendue des distorsions concernant les mesures incitatives du secteur agricole en Chine. Document présenté à la deuxième réunion d'accession à l'OMC, Réforme des politiques et réduction de la pauvreté en Chine, Mission permanente de la Banque mondiale, Beijing, 26-27 octobre 2001.

Dans le cadre de son accord d'accession à l'OMC, la Chine s'est engagée à libéraliser encore ses échanges commerciaux agricoles.

Les engagements pris par la Chine en vue de son accession à l'OMC et les dispositions concernant l'agriculture

Il est possible de classer en trois catégories principales les engagements pris par la Chine en matière agricole: l'accès au marché, le soutien à la production intérieure et les subventions à l'exportation.

Tableau 15

CHINE: BARÈMES TARIFAIRES EN VIGUEUR POUR LES PRINCIPAUX PRODUITS AGRICOLES ASSUJETTIS À UNE PROTECTION EXCLUSIVEMENT TARIFAIRE

 

Barèmes tarifaires effectifs en 2001

Barèmes en vigueur à compter du 1er janvier

   

2002

2004

 

(Pourcentage)

Orge

114 (3)1

3

3

Graine de soja

32

3

3

Agrumes

40

20

12

Autres fruits

30-40

13-20

10-13

Légumes

30-50

13-29

10-15

Viande de boeuf

45

23,2

12

Viande de porc

20

18,4

12

Viande de volaille

20

18,4

10

Produits laitiers

50

20-37

10-12

Vin

65

45

14

Tabac

34

28

10

1 L'orge a été assujettie à un régime de licence et à un contingent d'importation; le barème tarifaire a été fixé à 3 pour cent pour les importations contingentées, et à 114 pour cent pour les importations hors-contingent - dont le volume a été nul en 2001.

2 Le barème tarifaire, qui atteignait 114 pour cent avant 2000, a été abaissé à 3 pour cent début 2000.

Source: Protocole d'accès de la Chine à l'OMC, novembre 2001.

En ce qui concerne l'accès au marché, la Chine s'est engagée à abaisser les barrières tarifaires sur tous les produits agricoles, à élargir l'accès accordé aux producteurs étrangers de certaines denrées par le biais du contingent tarifaire (CT) et à éliminer les restrictions quantitatives sur d'autres denrées (voir l'enca-dré 2). Il semble que la Chine ait pris des engagements substantiels en ce qui concerne l'accès aux marchés d'importation (tableaux 15 et 16). Dans l'ensemble, les tarifs d'importation applicables aux produits agricoles (exprimés en moyenne simple) seront ramenés d'environ 21 pour cent en 2001 à 17 pour cent d'ici 2004 (après avoir déjà chuté de 42,2 pour cent en 1992 à 23,6 pour cent en 1998). Les contingents bénéficiant d'un barème tarifaire inférieur seront élargis, tandis que la part revenant au commerce d'Etat sera substantiellement réduite.

Tableau 16

CHINE: ENGAGEMENTS D'ACCÈS AU MARCHÉ DES PRODUITS FORESTIERS ASSUJETTIS À CONTINGENTS À BARÈME TARIFAIRE

 

Volume des importations (millions de tonnes)
Part du commerce d'Etat (%)

Croissance du volume contingenté

Tarif du volume contingenté

Tarif du volume non contingenté

           

2002

2003

2004

 

Volume réel 2000

Contingent
2002

Contingent
2004

 
       

(Pourcentage)

(Pourcentage)

Riz

0,24 (100)1

3,76 (50)

5,32 (50)

19

1

74

71

65

Blé

0,87 (100)

8,45 (90)

9,64 (90)

8

1

71

68

65

Maïs

0,0 (100)

5,70 (67)

7,20 (60)

13

1

71

68

65

Coton

0,05 (100)

0,82 (33)

0,89 (33)

5

1

54,4

47,2

40

Laine2

0,30

0,34

0,37

5

1

38

38

38

Huiles

               

comestibles3

1,79 (100)

5,69 (40)

6,81 (10)

15

9

75

71,7

68,3

Sucre4

0,64

1,68

1,95

8

20

90

72

50

1 Les chiffres entre parenthèses représentent le pourcentage du commerce non étatique à l'intérieur du contingent d'importation.

2 Echanges désignés pour la période 2002-04, puis élimination progressive.

3 Le régime des contingents à barème tarifaire sera éliminé progressivement d'ici 2006. En 2005, les contingents d'importation s'élèveront à 7,27 millions de tonnes, à raison de 9 pour cent pour les tarifs contingentés et 65 pour cent pour les tarifs hors contingent.

4 Contingent à élimination progressive pour le commerce d'Etat.

Source: Protocole d'accès de la Chine à l'OMC, novembre 2001; State Statistical Bureau. 2001. China Statistical Yearbook. China Statistical Publishing House, Beijing.

Hormis quelques rares exceptions - notamment certaines denrées considérées comme «produits stratégiques pour le pays» - la plupart des produits agricoles obéissent à un régime exclusivement tarifaire. Ainsi, toutes les barrières non tarifaires, ainsi que les procédures d'attribution de licences et de contingents, seront éliminées pour ces catégories de denrées, et leur protection effective sera considérablement réduite d'ici à janvier 2002, pour s'amenuiser encore d'ici à 2004 (tableau 15). Cependant, ces mesures ne s'accompagneront pas nécessairement d'une croissance correspondante des importations. En fait, la Chine dispose d'avantages comparatifs pour bon nombre des denrées présentées au tableau 15. Le véritable défi, s'agissant des produits agricoles bénéficiant de protections exclusivement tarifaires, sera constitué par des cultures telles que l'orge, ainsi que le vin et les produits laitiers. Le cas des graines de soja, pour lesquelles la Chine ne dispose que d'un avantage comparatif réduit, pourrait également être instructif. Avant 2000, le droit d'importation pour les graines de soja atteignait jusqu'à 114 pour cent; les importateurs devaient obtenir des licences; et les producteurs chinois répondaient à la majeure partie de la demande nationale de graines de soja. Cependant, en prévision de l'accession de la Chine à l'OMC, les tarifs ont été abaissés jusqu'à 3 pour cent en 2000, et les contingents d'importation ont été éliminés de façon progressive. Ces mesures entraînèrent un déclin des prix, et on vit les TPN tomber de 44 pour cent début 2000 (tableau 13) à moins de 15 pour cent en octobre 2001. Il s'ensuivit une augmentation en flèche des importations, qui passèrent de 4,32 millions de tonnes en 1999 à 10,42 millions de tonnes en 2000, et qui devraient dépasser 14 millions de tonnes en 2001.

Il faut préciser que des variations aussi spectaculaires devraient être limitées aux denrées considérées comme «produits nationaux stratégiques». En fait, l'accord entre la Chine et l'OMC permet au gouvernement de gérer le commerce du riz, du blé, du maïs, des huiles comestibles, du sucre, du coton et de la laine au moyen du contingent tarifaire (CT)54. Comme on le voit au tableau 16, alors que le tarif applicable aux volumes contingentés est de 20 pour cent pour le sucre et de 9 pour cent pour les huiles comestibles, il n'est que de 1 pour cent pour le riz, le blé, le maïs et la laine - cependant, les volumes importés à ces niveaux de tarif font l'objet de restrictions. Il n'en reste pas moins que les volumes contingentés devraient augmenter sur une période triennale allant de 2002 à 2004, à un taux annuel variant de 4 à 19 pour cent. Parallèlement, les tarifs applicables aux ventes hors contingent enregistreront un recul substantiel au cours de la première année d'accession et poursuivront leur déclin entre 2002 et 2005.

La Chine devra éliminer graduellement la plupart de ses monopoles de commerce d'Etat.

Une fois écoulées quatre ou cinq années après l'accession, un certain nombre d'autres changements sont programmés. La Chine s'est engagée, par exemple, à éliminer progressivement ses contingents tarifaires applicables aux huiles comestibles après 2006. Les monopoles d'Etat portant sur le commerce de la laine seront également éliminés progressivement après 2004, et ils disparaîtront graduellement pour la plupart des autres produits agricoles (tableau 16). La Compagnie nationale chinoise d'importation et d'exportation des céréales, de l'huile et des denrées alimentaires, continuera de jouer un rôle important pour le riz, le blé et le maïs; toutefois, l'avenir sera caractérisé par une concurrence croissante émanant des entreprises privées d'importation et d'exportation de céréales.

L'accord d'accession de la Chine à l'OMC contient également un certain nombre d'autres engagements, dont certains spécifiques au pays. En premier lieu, contrairement aux autres pays, la Chine devra éliminer progressivement toutes les subventions à l'exportation55. En deuxième lieu, en dépit de son statut de pays en développement, l'exemption de minimis appliquée à la Chine (voir l'encadré 2, p. 44) ne représente que 8,5 pour cent de la valeur de production d'une denrée agricole de base en vue d'un soutien spécifique à cette denrée, et le même pourcentage de la valeur de la production agricole totale pour un soutien non spécifique; ce pourcentage est à comparer avec celui de 10 pour cent applicable aux autres pays en développement, et de 5 pour cent applicable aux pays développés. En troisième lieu, les subventions aux investissements et aux intrants destinés aux agriculteurs à faible revenu et à faibles ressources, qui ne sont pas assujetties aux engagements de réduction, doivent être prises en compte dans le calcul de la mesure globale de soutien (MGS) (voir encadré 2).

La Chine s'est également engagée à accepter une série de conditions spécifiques en matière d'antidumping et de droits de compensation. Ainsi, pendant une période de 15 ans, la Chine sera soumise à un ensemble différent de règles, destinées à faciliter la mise en cause pour antidumping, la présentation de preuves et l'application de sanctions à l'encontre de la Chine. En revanche, à titre de réciprocité, la Chine bénéficiera des mêmes droits à l'égard des autres pays.

Les engagements et les privilèges qui caractérisent d'autres volets de l'accord pris entre la Chine et l'OMC auront des répercussions directes ou indirectes sur son agriculture. A titre d'exemple, s'agissant des produits chimiques utilisés en agriculture, la Chine s'est engagée à remplacer les restrictions quantitatives frappant les importations de trois types d'engrais (DAP, NPK et urée) par le contingent tarifaire. En outre, elle opérera une réduction des tarifs au moment de son accession et appliquera, d'ici 2005, des réductions supplémentaires à la quasi-totalité des produits industriels, par exemple les tracteurs et les pesticides. De plus, la Chine réduira de façon substantielle ses mesures non tarifaires et éliminera les contingents, les régimes d'appels d'offres et les licences d'importation sur les produits non agricoles, et cela d'ici à 2005 au plus tard. S'agissant des produits textiles et des vêtements, toutefois, les restrictions «volontaires» d'exportations, actuellement mises en œuvre, ne seront pas complètement éliminées avant la fin de 2008, si bien que les exportations risquent de ne pas croître aussi rapidement qu'elles l'auraient fait sous un régime moins restrictif. Par ailleurs, des engagements substantiels ont également été pris en vue de l'ouverture des marchés des services en Chine.

Les récents aménagements de politique et les changements probables liés à l'accession de la Chine à l'OMC

Bien que les réformes agricoles mises en œuvre par la Chine depuis la fin des années 70 facilitent l'adaptation du secteur aux changements qui se produiront au lendemain de son accession à l'OMC, le pays reste confronté à de nombreuses difficultés pour honorer ses engagement envers cette organisation56. Cependant, ces difficultés pourraient tout aussi bien être perçues comme l'occasion d'insuffler un nouvel élan aux réformes touchant le commerce intérieur et extérieur. Ainsi, les décisions faisant suite à l'accession à l'OMC devraient prendre l'une des deux formes suivantes: des décisions de politique destinées à honorer les engagements vis-à-vis de l'OMC, ou encore des réformes de politique visant à stimuler l'économie et à atténuer les perturbations découlant de l'entrée à l'OMC.

La Chine remanie en profondeur sa législation afin de se conformer aux règles de l'OMC.

Les changements législatifs

D'importants changements sont prévus dans le domaine législatif. Ainsi, la Chine s'est vu accorder un an à partir de la date de son accession pour harmoniser ses institutions, ses règlements et sa législation régissant les politiques économiques avec l'esprit de non-discrimination et de transparence de l'OMC. Les préparatifs à cet effet avaient déjà été amorcés à la fin des années 90.

Afin de fournir des orientations générales aux ministères et aux autorités locales en vue d'amender ou d'abroger les règlements, les lois et les politiques régissant le domaine, deux importants ensembles de règlements ont été promulgués en janvier 2002: le Règlement sur le processus législatif et le Règlement sur le processus législatif à vocation administrative. Ces nouveaux règlements, qui constituent essentiellement un guide à l'intention des autorités locales et des ministères, ont été promulgués de manière à assurer le transfert de nombreuses fonctions gouvernementales aux mécanismes du marché, et à inciter les autorités gouvernementales à jouer un rôle plus direct, à caractère davantage réglementaire, en ce qui concerne le commerce des échanges en général.

Les efforts entrepris en vue de créer et de mettre en œuvre ce nouveau cadre réglementaire ont une large portée. Ainsi, lors de la dernière étape des négociations avec l'OMC, chacun des ministères a institué une commission chargée de passer en revue l'ensemble des lois et des règlements relevant de sa compétence, afin de les rendre compatibles avec les règles de l'OMC et avec les engagements pris par la Chine en vue de son accession. Les autorités locales, pour leur part, ont constitué des commissions semblables. Sur la base de plusieurs expériences récentes comportant un processus d'amendement des lois et des règlements, parallèlement à la création de nouvelles institutions touchant le domaine agricole, la preuve a été faite de l'efficacité de ces commissions et de la détermination de la Chine à honorer de manière générale ses obligations envers l'OMC. A titre d'exemple, la loi sur les brevets en vigueur en Chine, initialement promulguée en 1984 puis amendée en 1992, a fait l'objet d'une nouvelle mouture et est entrée en vigueur le 1er juillet 2001. En outre, un nouvel ensemble des règlements portant sur la protection des variétés végétales a pris effet en 1999, au moment où la Chine est devenue le 39e pays membre de l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV).

Parallèlement, depuis 2000, le Ministère de l'agriculture a abrogé plusieurs règlements prévoyant l'octroi de subsides à certains types d'entreprises, ou établissant un régime discriminatoire entre les différents acteurs économiques opérant dans le domaine des intrants agricoles. Le Règlement concernant le développement intégré des entreprises agricoles, industrielles et commerciales dans le cadre des fermes d'Etat, promulgué en 1983 pour favoriser le développement de fermes à statut public, ainsi que le Règlement sur le développement d'entreprises détenues par les cantons et les villages ruraux, publié en 1979 pour venir en aide aux entreprises de propriété collective, ont tous deux été également éliminés. Les règlements régissant la gestion des semences, qui conféraient un pouvoir monopolistique aux entreprises locales productrices de semences, ainsi que les règles en matière d'essais de terrain concernant les pesticides, discriminatoires à l'encontre des sociétés étrangères, ont de même été abolis.

En dépit des réformes sur grande échelle mentionnées ci-dessus, la Chine continue de nécessiter des réformes approfondies au niveau institutionnel pour lui permettre de s'acquitter des obligations légales qu'elles a prises en vertu du Protocole d'accession à l'OMC.

Le commerce des produits agricoles devra être encore libéralisé.

Les réformes concernant le commerce des produits agricoles

C'est peut-être dans le domaine de la législation et des règlements encadrant le commerce que le processus de réforme et de libéralisation entrepris en Chine est le plus avancé. Au cours des 20 années de ré-forme, le régime du commerce extérieur de la Chine est progres-sivement passé d'un système étroitement centralisé et planifié, tourné vers la substitution des importations, à un régime plus décentralisé et orienté vers le marché dans une optique de promotion des exportations57. Les modifications ainsi apportées aux politiques commerciales notamment ont graduellement transformé la structure du commerce de la Chine en faveur des produits pour lesquels elle possède un avantage comparatif. Il n'en demeure pas moins que les échanges portant sur une vaste gamme de produits agricoles continueront de se faire, sous l'égide de l'Etat, en vertu d'accords échappant à la transparence58. Les quelques prochaines années seront critiques pour la Chine en ce qui a trait aux progrès des réformes du régime commercial des produits agricoles, y compris les mesures tarifaires et non tarifaires.

Les modifications apportées aux politiques tarifaires sont plus directes et plus simples que les réformes concernant les politiques non tarifaires. La Chine s'est conformée au calendrier de réduction des barrières tarifaires stipulé dans le Protocole. Le 1er janvier 2002, le barème tarifaire moyen a été réduit à 12 pour cent, alors qu'il était de 15,3 pour cent en 2001. S'agissant des produits agricoles, la réduction tarifaire les a ramenés de 21 pour cent à 15,8 pour cent. Quant aux subventions aux exportations, elles devaient également être complètement éliminées au 1er janvier 2002.

A la lumière des réductions constantes de tarifs apportées au cours de la dernière décennie, les modifications résultant de l'accession de la Chine à l'OMC ne devraient guère poser de problèmes. Toutefois, il faudra procéder à des réformes approfondies du régime des mesures non tarifaires. En effet, le commerce d'État représente un volet particulièrement important à prendre en compte dans la perspective des réformes touchant la politique commerciale agricole de la Chine. Cette dernière s'est engagée à éliminer les restrictions aux droits d'exercice du commerce portant sur tous les produits à l'exception de ceux régis par les CT, pour lesquels l'élimination du commerce d'Etat se fera de façon plus graduelle (tableau 16). Il est prévu que trois ans après l'accession de la Chine à l'OMC, le secteur privé devrait dominer le commerce dans presque toutes les catégories de produits agricoles. Cependant, les dispositions prévoient que l'Etat restera présent pour trois denrées: le blé, le maïs et le tabac.

La Chine devra, par ailleurs, affronter trois autres problèmes importants: les barrières techniques au commerce, les mesures sanitaires et phytosanitaires et les dispositions institutionnelles régissant l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC).

Chinoises travaillant au repiquage du riz
Les récentes réformes opérées dans le secteur céréalier ont conduit les agriculteurs à réduire leurs emblavures de céréales et à adopter de meilleures variétés

- FAO/22495/M. TRAMAGNINI

La réforme du marché intérieur et le développement de l'infrastructure

Après 20 années de réforme, le secteur agricole de la Chine est aujourd'hui davantage axé sur le marché59. C'est avec une régularité croissante que l'on a vu les négociants échanger les produits à travers le pays. Dès la fin des années 90, seuls les céréales, le coton et, dans une certaine mesure, les cocons de ver à soie et le tabac, restaient assujettis à des interventions sur les prix. Même dans de tels cas, les marchés concernés, notamment ceux des céréales, sont devenus de plus en plus concurrentiels, intégrés et efficaces au fil des années60.

La réforme des marchés agricoles intérieurs doit également être approfondie.

Malgré ces progrès, la Chine reste confrontée à des tâches nombreuses liées à la poursuite des réformes du marché aux termes du régime de l'OMC. Elle devra, et c'est là un autre défi de taille, améliorer l'efficacité des marchés intérieurs, tout en amortissant les perturbations causées par la libéralisation des échanges. Le cas des céréales peut être vu comme illustrant la direction prise par les réformes du marché. Au cours des deux dernières décennies, les responsables du commerce d'Etat des céréales n'ont cessé de fournir des performances médiocres sous l'effet de mesures incitatives mal conçues et souvent conjuguées au fardeau fiscal. En dépit des efforts tendant à réformer le système, de nombreuses sociétés céréalières d'Etat restaient déficitaires à la fin des années 90. Par ailleurs, les pratiques de commercialisation de la Chine avaient suscité des critiques à l'échelle internationale. Les négociateurs de l'OMC ont souvent mis en relief les effets de distorsion du marché liés au système traditionnel chinois d'établissement des prix des denrées alimentaires. Pour d'autres, le régime préférentiel accordé aux entreprises d'Etat céréalières constituait une violation des principes de traitement national prônés par l'OMC.

Confrontée à ces pressions et à ces préoccupations, la Chine a lancé, en 2000, un nouvel ensemble de réformes. A titre de première mesure, le gouvernement a progressivement renoncé à son contrôle sur le commerce des céréales de qualité inférieure (telles que le riz précoce indica et le maïs en Chine du Sud, le blé de printemps en Chine du Nord et l'ensemble du blé cultivé en Chine du Sud). Cette politique a eu pour effet quasi immédiat un ajustement des schémas de variétés de cultures dans certaines régions, où l'on a vu les producteurs commencer à planter de meilleures variétés afin d'améliorer la qualité des récoltes. Compte tenu des bons résultats obtenus grâce à cette réforme touchant les variétés de céréales en 2000, le gouvernement a aujourd'hui entrepris de libéraliser officiellement le marché des céréales. L'opération a tout d'abord été entreprise dans un sous-ensemble de provinces côtières déficitaires en céréales - Zhejiang, Jiangsu, Shanghai, Fujian, Guangdong et Hainan -, et l'on prévoyait de l'étendre en 2002 à toutes les provinces déficitaires en céréales.

En réponse à l'accession à l'OMC, le gouvernement a également élaboré des plans ambitieux pour intensifier les investissements dirigés vers l'infrastructure des marchés. Il existe, en effet, un besoin reconnu de créer un réseau efficace d'information des marchés à l'échelle nationale. Le Ministère de l'agriculture s'efforce de normaliser les produits agricoles au plan de la qualité et de promouvoir leur commercialisation par les agriculteurs. On envisage, dans cette perspective, la création d'associations centrées sur les technologies agricoles. Toutes ces mesures s'inscrivent dans un effort visant à réorienter les ressources budgétaires - employées précédemment pour financer les coûteux programmes nationaux de subvention des prix - vers les investissements entraînant une amélioration de la productivité et de l'infrastructure de commercialisation. L'ampleur de cette réorientation est illustrée par le fait que le volume total des subsides versés au titre des interventions sur les prix et les marchés avait atteint, en 2000, 40,3 milliards de yuan renminbi, soit près de 4 pour cent du budget national.

La faible surface des exploitations agricoles chinoises pourrait entraver les gains de productivité.

Les politiques d'utilisation des terres, l'organisation des exploitations agricoles et les entreprises agricoles

Les répercussions de l'accession de la Chine à l'OMC au plan de l'utilisation des terres et de l'organisation des exploitations agricoles font également l'objet d'un débat animé. Les préoccupations qu'elle suscite sont axées sur la capacité concurrentielle des petites exploitations agricoles chinoises une fois le commerce libéralisé. Rappelons que tous les ménages agricoles chinois sont titulaires d'une parcelle de terre, mais que cette terre, déjà très exiguë, tend à se restreindre encore puisqu'elle est tombée de 0,56 ha en 1980, à 0,45 ha en moyenne en 2000. Bien qu'une telle structure puisse être considérée comme positive aux plans de l'équité et de la stabilité sociales, la fragmentation des terres ne manquera pas de nuire à une meilleure productivité de la main-d'œuvre et des revenus agricoles. Pour certains, il serait possible d'agrandir les fermes et d'améliorer la productivité si le régime foncier offrait de meilleures garanties. D'autres réclament la poursuite du régime selon lequel les autorités locales réattribuent de façon périodique la terre aux agriculteurs afin qu'elle demeure entre les mains de l'ensemble des résidents ruraux.

Bien que de nombreux responsables semblent aujourd'hui tabler sur un raffermissement des régimes fonciers, ils restent à la recherche de mesures supplémentaires permettant de conserver certaines des garanties d'équité offertes par le régime actuel de gestion des terres. La loi dispose que, dans les régions rurales, la terre est détenue collectivement par le village, qui se compose en moyenne de 300 ménages, ou par un groupe restreint, le cunmin xiaozu, qui se compose normalement de 15 à 30 ménages, et elle est louée à des ménages. L'un des changements les plus importants apportés ces dernières années concerne l'extension, de 15 à 30 ans, de la durée des contrats d'utilisation. En 2000, près de 98 pour cent des villages avaient déjà amendé les contrats passés avec les agriculteurs afin de tenir compte de cette extension des droits d'utilisation63.

Le gouvernement cherche aujourd'hui à établir un mécanisme qui permettrait aux agriculteurs exerçant encore à plein temps d'obtenir un supplément de terre à cultiver afin d'augmenter leurs revenus et d'améliorer leur compétitivité. A cette fin, une nouvelle loi concernant les baux ruraux a récemment été élaborée. Bien que la propriété de la terre demeure entre les mains de la collectivité, la loi confère au titulaire du contrat la quasi-totalité des autres droits dont il jouirait dans le cadre d'un régime de propriété privé. En particulier, la loi définit clairement les droits de transfert et d'échange des terres soumises à bail. Il s'agit là d'une reconnaissance des changements en cours car, en effet, une proportion croissante des terres chinoises se trouve mise en location64. La nouvelle loi autorise également les agriculteurs à utiliser les terres prises en location comme caution en vue d'obtenir des prêts commerciaux, et elle permet aux membres de la famille d'hériter des titres fonciers au cours de la période soumise à contrat.

Les autorités encouragent également les grandes entreprises agricoles, afin de renforcer la productivité de l'agriculture du pays; mais cette question reste controversée. Des exploitations de grande envergure ont bénéficié d'un soutien sous forme d'incitations telles que les dégrèvements fiscaux pour les investissements d'infrastructures, les subventions au crédit pour les intrants et le financement d'installations de transformation des aliments.

Parallèlement, on s'efforce d'améliorer la productivité des exploitations agricoles en encourageant les organisations d'agriculteurs. Les décideurs admettent aujourd'hui que, compte tenu de la faible surface des fermes chinoises, la création d'organisations rurales efficaces pourrait représenter l'option la plus prometteuse pour ce qui est d'augmenter la productivité et les revenus. C'est dans cette perspective que les quelque 240 millions d'exploitations agricoles chinoises ont été autorisées à se constituer en organisations d'agriculteurs. Ces dernières sont encouragées à opérer en collaboration étroite avec les autorités gouvernementales dans le domaine de la diffusion de la technologie, de l'information sur les marchés et du contrôle de la qualité65.

Les réformes du secteur financier

Les réformes du secteur financier ont été plus lentes que celles concernant certains des autres secteurs, et le gouvernement conserve la haute main dans ce domaine66. Les engagements pris par la Chine, stipulent qu'elle ouvrira graduellement ses marchés financiers. Après une période de transition de quatre ans, toutes les restrictions d'ordre régional seront supprimées et les banques bénéficieront d'un régime national non discriminatoire. Les répercussions pour le secteur agricole ne sont pas claires; dans les régions pauvres en particulier, le secteur risque d'en pâtir; cependant, il n'est pas sûr que la situation s'aggrave relativement au régime précédent. Le secteur financier, quant à lui, a systématiquement extrait des fonds du secteur agricole67 et, tout au long de la période de réforme, on a enregistré un reflux net de capitaux. Cependant, l'expérience d'autres pays donne à penser qu'à court terme, les petits agriculteurs démunis se verront rationner le crédit jusqu'à disparition68.

Les investissements agricoles et les politiques de soutien

La Chine a accepté, et c'est l'une de ses concessions les plus fondamentales, d'éliminer progressivement ses subventions à l'exportation au cours de la première année d'accès à l'OMC. De telles subventions ont fréquemment servi à promouvoir les exportations de maïs, de coton et d'autres produits agricoles; de la sorte, les prix intérieurs bénéficiaient d'un soutien indirect.

En outre, l'OMC exerce un contrôle très strict sur le type et sur le montant de certaines subventions pouvant être offertes par les pays membres. Tout comme les autres membres de l'OMC, la Chine doit fixer des règles précises concernant le montant pouvant être intégré à la politique de la «catégorie orange» (voir encadré 2, p. 44). Le protocole d'accession de la Chine fixe le niveau de minimis de subvention à 8,5 pour cent de la valeur brute de la production agricole. Selon une étude récapitulative des investissements gouvernementaux dans ces secteurs, la limite de minimis a peu de chances d'être contraignante pour le moment69. Les véritables conséquences pourraient ne pas se faire sentir avant quelque temps, les budgets devenant alors plus souples après des années de poursuite de la croissance économique.

Une fois tournée la page de l'accession à l'OMC, la Chine pourra mieux s'interroger sur la meilleure façon d'utiliser ses conditions de minimis. Une étude récente a montré qu'en dépit du fait que les secteurs à forte intensité de main-d'œuvre, tels que l'élevage et l'horticulture, avaient des TPN négatifs fin 2001, de nombreux produits nécessitant une forte intensité d'utilisation des terres, dont le maïs, le blé, les oléagineuses et le sucre, avaient des TPN positifs, allant de 5 à 40 pour cent 70. Les cultures présentant des TPN positifs relèvent pratiquement toutes de la gestion du contingent tarifaire; ce constat a d'importantes implications sur les modalités permettant à la Chine de soutenir le plus efficacement possible son secteur agricole. Plutôt que de poursuivre dans l'optique de soutien au marché ou de subventions, la Chine pourrait promouvoir des mesures renforçant la productivité telles que la recherche agricole et les investissements dans les domaines du transport et des communications.

La Chine réoriente son régime de soutien à l'agriculture, passant du soutien des prix aux investissements destinés à renforcer la productivité.

L'incidence de l'accession à l'OMC est destinée à varier, non seulement d'une culture à l'autre, mais selon les régions, en fonction de leur avantage comparatif en matière de production agricole et de politiques gouvernementales. Il est souhaitable que, lors de la réorientation du régime de soutien au secteur, le caractère différencié de cette incidence au niveau régional soit pleinement pris en compte, une juste priorité étant accordée aux effets produits sur les régions rurales les plus pauvres.

Les récents remaniements apportés à la politique de soutien du gouvernement en faveur du renforcement de la productivité agricole semblent indiquer que les changements de politiques sont déjà en cours. A titre d'exemple, vers la fin des années 90, les dépenses gouvernementales réelles au titre de la recherche agricole ont progressé d'environ 10 pour cent par an - et les investissements publics dans le domaine de la biotechnologie végétale ont connu un taux de croissance encore plus rapide71.

Les ajustements structurels du secteur agricole constituent une priorité.

Les ajustements structurels et les macropolitiques touchant l'agriculture

Les ajustements structurels touchant l'agriculture, déjà promus au rang d'objectif central des politiques du gouvernement en 2000, ont encore gagné en importance en 2001. Ces ajustements comprennent les changements structurels dans la hiérarchie des denrées agricoles, l'amélioration de la qualité pour les principales denrées, et la promotion de la spécialisation régionale. Ces nouvelles orientations de politique, qui découlent en partie des efforts déployés par la Chine pour se préparer à l'adhésion à l'OMC, portent l'appellation suivante: «Ajustements stratégiques de la structure agricole»72. Les principales politiques et mesures de soutien concernant ces ajustements englobent bon nombre des dispositions analysées plus haut.

Le cap fixé aux politiques est de relancer les réformes du système de commercialisation des céréales et de réorienter une partie des ressources allouées par le gouvernement - initialement orientées vers le coton et vers les céréales constituant l'alimentation de base - en faveur de produits agricoles pour lesquels la Chine dispose d'un avantage comparatif, tels que les cultures maraîchères, mais aussi de promouvoir la spécialisation régionale. Il s'agit, ce faisant, de s'appuyer davantage sur des mesures indirectes compatibles avec la philosophie de l'OMC: améliorations technologiques, investissements dans l'infrastructure et création d'un contexte institutionnel et économique propice.

Un certain nombre de politiques pourront venir compléter la transformation structurelle de l'agriculture et contribuer à accroître la capacité concurrentielle de la Chine dans un contexte post-OMC; toutefois, ces politiques ne relèvent pas des autorités directement responsables de l'agriculture. C'est pourquoi, les opérateurs agricoles devront accroître l'envergure de leurs entreprises, ce qui nécessitera le déplacement d'un nombre très important de travailleurs qui seront, dès lors, appelés à travailler davantage hors exploitation, et en particulier à se déplacer vers les zones urbaines. De ce fait, les politiques visant à promouvoir la mobilité de la main-d'œuvre ne manqueront pas de profiter aux revenus et à la production agricoles. Il faudra veiller, dans cette perspective, à appliquer des politiques d'emploi favorisant l'urbanisation, le développement des cantons ruraux et la structuration du marché du travail - notamment en éliminant les barrières à l'expansion des petites entreprises des zones rurales. Une prise en compte des besoins particuliers des zones rurales les plus pauvres semble également justifiée.

CONCLUSIONS

La Chine a déjà entrepris de s'adapter au contexte dans lequel elle évoluera après son accession à l'OMC. Les barèmes tarifaires ont été abaissés; de nombreux textes législatifs et réglementaires ont été amendés; les priorités en matière d'investissement ont été réaménagées; et les stratégies politiques ont évolué. Le gouvernement dispose d'un large éventail d'options. Même si le protocole de l'OMC auquel la Chine a adhéré impose des restrictions à ses initiatives, les autorités chinoises peuvent encore soutenir de façon active le secteur agricole. Certaines initiatives dans ce domaine paraissent incontournables, telles que l'intensification du soutien par le biais d'investissements destinés à stimuler la productivité et auxquels l'OMC n'impose aucune restriction, telles aussi que les dépenses en matière de recherche agricole, de construction de réseaux routiers ou de création de réseaux d'information d'envergure nationale, parallèlement au renforcement du potentiel des barrières techniques aux échanges commerciaux, et des mesures et normes sanitaires et phytosanitaires.

Cependant, même une fois de tels investissements effectués, la Chine disposera d'une certaine latitude, compte tenu des limites de ses moyens budgétaires, pour promouvoir certains secteurs. Même si les secteurs à forte utilisation de terre risquent de rencontrer des difficultés, la Chine dispose d'un avantage comparatif pour de nombreux produits - cultures horticoles, fruits, bétail et aquaculture - en mesure de rivaliser avec les produits d'importation, voire d'être exportés.

Enfin, et c'est l'aspect le plus important, l'attitude du Gouvernement chinois à l'égard de l'OMC implique l'adoption d'un paradigme entièrement nouveau, puisque l'on passe d'une implication directe du gouvernement dans l'économie à un rôle réglementaire à caractère plus indirect. Cette réorientation exige la création d'institutions permettant la production et la gestion efficace des biens publics, ainsi que la régulation des marchés afin d'en rectifier les déviations. Si le gouvernement sait adopter une politique efficace et diversifiée, la Chine pourra alors exploiter au mieux les avantages de la situation, tout en atténuant le coût de conséquences inévitables.


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