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I. Le rôle de l'agriculture et de la terre dans la fourniture de biens collectifs mondiaux

INTRODUCTION

Dix ans après la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) - également appelée «Sommet de la planète Terre» ou «Rio 92» -, qui s'est tenue à Rio de Janeiro en 1992, l'Afrique du Sud accueillera le «Sommet mondial sur le développement durable» à Johannesburg. Au Sommet de Rio, les dirigeants du monde entier ont adopté le programme Action 21 pour parvenir à un développement durable au XXIe siècle. Au sommet de Johannesburg, qui se tiendra en août-septembre 2002, l'attention portera sur les principaux problèmes que pose à la communauté mondiale la mise en application des différents chapitres d'Action 21, et sur les principaux résultats qu'elle peut en attendre.

Dix ans après le Sommet de la terre à Rio de Janeiro, le Sommet mondial sur le développement durable fera le point sur l'application d'Action 21.

La FAO est l'organisme de coordination des travaux concernant quatre chapitres d'Action 21, qui sont: Planification et gestion des terres (Chapitre 10), Lutte contre le déboisement (Chapitre 11), Mise en valeur durable des montagnes (Chapitre 13), et Développement agricole et rural durable (Chapitre 14). Elle est aussi acteur principal de la mise en œuvre de plusieurs autres chapitres du plan d'action, notamment: Lutte contre la désertification et la sécheresse (Chapitre 12), Préservation de la diversité biologique (Chapitre 15), Océans et mers (Chapitre 17), Eau douce (Chapitre 18) et Substances chimiques toxiques (Chapitre 19), de même que pour la mise en œuvre de certains accords multilatéraux sur l'environnement issus du Sommet de Rio. Parmi ces accords, citons la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la Convention sur la diversité biologique (CDB) et la Convention sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique1.

Le concept de biens collectifs mondiaux prend de l'importance dans le débat sur le développement durable.

Un concept a pris de l'importance dans les débats sur le développement durable, qui ont préludé au Sommet de Johannesburg, celui des biens collectifs mondiaux, considéré de plus en plus comme un concept utile pour aborder les problèmes mondiaux d'environnement, et renforcer la volonté politique et le financement afin de mieux coordonner les actions au niveau mondial. Une documentation abondante s'est constituée récemment sur divers aspects de ces biens collectifs tels que la santé, le savoir, l'héritage culturel, la stabilité financière, la paix et la sécurité2, mais on a moins parlé de leur importance dans le cadre de l'agriculture et des ressources naturelles.

NOTION ÉCONOMIQUE DE BIENS COLLECTIFS LOCAUX ET MONDIAUX

Le concept de biens collectifs est lié aux notions économiques d'externalité et de défaillance du marché. On parle d'externalité lorsque les activités d'une entreprise, par exemple, ont des effets non intentionnels ou indésirables entraînant un avantage (externalité positive) ou un préjudice (externalité négative) pour un tiers qui n'aurait normalement pas de rapport avec le produit de l'entreprise3. En général, l'avantage ou le coût imposé n'est pas répercuté dans les opérations commerciales. On parle de défaillance du marché lorsque les effets positifs ou les conséquences négatives d'une action ne sont pas correctement répercutés dans le prix des produits concernés, dont l'offre est par conséquent excédentaire ou insuffisante.

Les biens collectifs sont une catégorie particulière d'externalités, et sont des biens dont la consommation ne peut être confinée à un consommateur ou un groupe de consommateurs4. A proprement parler, les biens collectifs purs sont des biens dont la consommation se caractérise par la non-exclusion et la non-rivalité de leur consommation5.

Les biens collectifs purs exhibent des caractéristiques de non-exclusion et de non-rivalité complètes. A l'opposé, les biens caractérisés par l'exclusion complète et la rivalité complète sont les biens privés. Entre ces deux extrêmes, toute une série de biens dits «quasi collectifs» se caractérisent par différents degrés de non-exclusion et non-rivalité. Par exemple, si les actions visant à promouvoir la biodiversité et la préservation du paysage ou à atténuer le changement climatique sont généralement considérées comme des biens collectifs purs, on pourrait considérer, dans le cas des parcs nationaux d'accès libre, que leur consommation ne donne pas lieu à exclusion mais à rivalité. De même, pour les parcs nationaux d'accès réglementé ou payant ou pour ceux qui ne sont pas surchargés, on peut considérer qu'il y a exclusion, mais non-rivalité.

Les biens collectifs mondiaux sont des biens procurant des avantages universels mais fournis par un groupe plus restreint.

Les biens collectifs ayant souvent une spécificité locale, comme la lutte contre les inondations, les effets déplacés de l'érosion des sols et la protection des bassins hydrographiques, on peut les qualifier de biens collectifs locaux. D'autres, en revanche, dépassent le cadre local ou régional et leurs effets, par nature, débordent les frontières. On désigne sous les termes de biens collectifs mondiaux les biens collectifs ayant par nature un impact mondial. On peut citer comme exemples la biodiversité et l'atténuation du changement climatique au niveau mondial. Kaul, Grunberg et Stern donnent des biens collectifs mondiaux la définition suivante:

Un bien collectif mondial est un bien collectif dont les avantages ont tendance à être universels en termes de pays (c'est-à-dire à s'étendre à plus d'un groupe de pays), de peuples (à toucher plusieurs groupes de population, voire tous) et de générations (à s'étendre aux générations actuelles et futures ou, du moins, à répondre aux besoins des générations actuelles sans hypothéquer les choix de développement des générations à venir)6.

L'agriculture et la terre fournissent d'importants biens collectifs mondiaux ou y contribuent: biodiversité et atténuation du changement climatique en sont deux exemples.

BIENS COLLECTIFS LIÉS AU VOLET «TERRE» D'ACTION 21

Le tableau 37 montre certains des biens collectifs associés au volet «Terre» d'Action 21 (cette liste ne doit pas obligatoirement être considérée comme exhaustive). Il s'agit notamment de biens collectifs locaux et mondiaux et de biens semi-collectifs caractérisés par des degrés différents de rivalité et d'exclusion. Les biens collectifs sont aussi classés selon le caractère local, régional ou global de leurs effets.

Plusieurs options d'utilisation des sols, présentées dans le Chapitre 10, visent à favoriser la préservation de la biodiversité par le maintien de la diversité des espèces et la régénération des terres dégradées. Ces mesures sont aussi celles qui sont susceptibles de contribuer le plus largement à la fixation du carbone dans le sol et la biomasse, et à favoriser la vie des espèces menacées dans les zones environnantes.

Tableau 37

BIENS COLLECTIFS ASSOCIÉS AU VOLET «TERRE» D'ACTION 21, ET ÉTENDUE DE LEURS RETOMBÉES

Chapitre d'Action 21

Biens collectifs associés

Etendue des retombées

10 - Planification et gestion des terres

Stabilité de l'écosystème

Régionales, mondiales

 

Préservation de la diversité biologique
Piégeage du carbone

Locales, régionales, mondiales
Mondiales

11 - Lutte contre le déboisement

Diversité biologique des forêts
Stabilité de l'écosystème
Flore et faune
Réduction des rejets de gaz à effet de serre dus aux incendies de forêt

Locales, régionales, mondiales
Régionales, mondiales
Locales, régionales, mondiales
Locales, régionales, mondiales

 

Piégeage du carbone

Mondiales

12 - Lutte contre la désertification et la sécheresse

Piégeage accru du carbone
Protection des étendues d'eau
Préservation de la diversité biologique des terres arides

Mondiales
Locales, régionales, mondiales
Locales, régionales, mondiales

13 - Mise en valeur durable des montagnes

Stabilité de l'écosystème
Stabilité hydrologique
Piégeage du carbone

Régionales, mondiales
Locales, régionales
Mondiales

14 - Développement agricole et rural durable

Préservation de la diversité agrobiologique
Piégeage du carbone

Locales, régionales, mondiales
Mondiales

15 - Préservation de la

Préservation de la diversité agrobiologique
Piégeage du carbone

Locales, régionales, mondiales
Mondiales


DIVERSITÉ BIOLOGIQUE

Le Chapitre 11 - Lutte contre le déboisement - traite aussi de biens collectifs purs tels que la diversité biologique, la stabilité du cycle hydrologique et du système climatique planétaire et le maintien ou le rétablissement de la stabilité des écosystèmes (ces derniers ayant les caractéristiques d'un bien collectif local ou régional). La lutte contre la désertification et la sécheresse (Chapitre 12) et la remise en état des écosystèmes montagneux dégradés (Chapitre 13) peuvent contribuer à protéger la flore et la faune sauvages et la diversité biologique, et à atténuer le changement climatique par le piégeage du carbone.

Les biens collectifs relatifs à un développement agricole et rural durable (Chapitre 14), comprennent des ressources et des avantages largement partagés tels que la préservation de la diversité agrobiologique et la connaissance qu'en ont les agriculteurs, les bénéfices de la protection des bassins hydrographiques et de la protection contre les inondations, et l'atténuation du changement climatique par la fixation du carbone. La recherche et les connaissances agricoles diffusées par les centres du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI) constituent un apport essentiel aux biens collectifs mondiaux dans la mesure où ces innovations sont partagées par la communauté mondiale. L'agriculture peut aussi contribuer à engendrer des externalités négatives telles que l'appauvrissement en éléments nutritifs, l'augmentation de la fréquence des inondations en aval et la disparition des forêts naturelles et des zones humides. L'activité agricole classique, hautement commerciale, est souvent accusée de détruire la diversité des espèces et les processus naturels de régénération.

On pourrait citer comme autres exemples de biens collectifs mondiaux la sécurité sanitaire des aliments, la lutte contre les ravageurs des plantes et des maladies animales transfrontières7, la protection des étendues d'eau internationales et la destruction des réserves de pesticides périmés.

Les progrès accomplis depuis le Sommet de Rio de 1992 dans la fourniture de biens collectifs mondiaux relatifs à la terre ont été très lents.

PROGRÈS DE LA FOURNITURE DE BIENS COLLECTIFS MONDIAUX DEPUIS LE SOMMET DE RIO

Action 21 préconise principalement que des mesures soient prises pour réduire les externalités négatives des activités économiques, sans toutefois aborder expressément les biens collectifs mondiaux. Il est par conséquent difficile de définir et d'évaluer directement des indicateurs permettant de mesurer les progrès accomplis à cet égard. On trouvera ci-après un rapide aperçu de ce qui a été réalisé pour certains des biens collectifs mondiaux mentionnés par Action 21.

Remise en état des terres dégradées. Il s'agit notamment de la remise en état complète de terres sévèrement dégradées, de l'amélioration de terres marginales ou arides actuellement exploitées et de l'amélioration des pratiques d'exploitation des terres. Les renseignements dont on dispose sur ces points sont épars et il est difficile d'évaluer la superficie totale des terres qui ont fait l'objet d'une remise en état. Environ 20 pour cent des terres menacées d'aridité dans le monde ont des sols dégradés du fait des activités humaines, mettant en péril les moyens d'existence de plus d'un milliard de personnes 8. Dans l'ensemble, les progrès ont été très lents. Les pertes des terres et la désertification persistent avec une intensité et des effets ressentis plus particulièrement dans de nombreux pays à faible revenu. Une fois régénérés, ces sols pourraient permettre d'accroître la fixation du carbone et améliorer les conditions de vie des personnes menacées.

Les forêts luxuriantes d'Homs en République arabe syrienne exigent une gestion et un contrôle judicieux
L'entretien des écosystèmes forestiers contribue à la protection de la flore et de la faune, à la diversité biologique et à l'atténuation des changements climatiques grâce à la fixation du carbone

- FAO/20565/M. MARZOT

Création de zones protégées d'importance mondiale. Les efforts pour préserver la biodiversité ont principalement consisté à créer des zones protégées et des réserves. Selon des estimations récentes, les réserves du patrimoine naturel d'importance mondiale seraient passées à 131 millions d'hectares dans les pays développés et à 133 millions d'hectares dans les pays en développement. Ces zones ont cependant été créées en transformant des forêts naturelles d'arbres ou d'arbustes en réserves plutôt qu'en remettant en état des terres dégradées.

Zones de forêt naturelle et de plantations forestières. Le dernier rapport sur l'Evaluation des ressources forestières mondiales (voir encadré 1, p.36) indique que le couvert de forêt naturelle a diminué de 16,1 millions d'hectares par an entre 1990 et 2000 (et est ainsi tombé de 3 milliards 808 millions à 3 milliards 682 millions d'hectares). Les plantations forestières, en revanche, ont légèrement augmenté, passant de 155 millions d'hectares à 187 millions d'hectares pendant la même période. Le résultat est une diminution nette du couvert arboré de 12,5 millions d'hectares, mais le rythme net de déboisement semble s'être ralenti par rapport à ce qu'il était avant 1990.

Vers des pratiques agricoles plus durables. Depuis le Sommet de Rio de 1992, l'agriculture biologique a pris de l'importance dans les pays développés, et les pratiques agricoles ont évolué vers l'agriculture de conservation et la protection intégrée (PI) contre les ravageurs, avec le développement de la culture des légumineuses dans les assolements, l'utilisation d'engrais organiques compostés ou non et, la sélection d'espèces et de variétés appropriées pour la lutte biologique contre les ravageurs. L'agriculture de conservation est maintenant pratiquée sur près de 60 millions d'hectares dans des pays divers (voir encadré 10). Ces nouvelles tendances ont largement contribué à améliorer la nutrition des sols et leur teneur en matière organique, ainsi qu'à accroître la fixation du carbone dans les sols.

Encadré 10

AGRICULTURE DE CONSERVATION

L'agriculture de conservation1 est une stratégie permettant d'empêcher, voire d'inverser, la baisse de fertilité des sols couramment entraînée par le labourage mécanisé. Elle comprend plusieurs techniques mais, en règle générale, le labourage est réduit et les résidus de culture sont laissés sur place pour protéger le sol du vent, favoriser l'activité biologique et fournir de la matière organique au sol. Ces résidus créent à la surface du sol une structure qui laisse pénétrer l'eau jusqu'aux racines des végétaux et empêche son ruissellement en surface qui entraîne le sol.

L'agriculture de conservation a commencé aux Etats-Unis à la fin des années 70, en réaction à l'érosion de plus en plus marquée des sols, aux problèmes de fertilité et à l'escalade des prix des carburants qui a suivi l'embargo pétrolier de 1973 et a fait du labourage une opération coûteuse. De nos jours, près de 60 millions d'hectares de terre agricole dans le monde entier sont cultivés de cette manière. Les Etats-Unis restent les pionniers de l'agriculture de conservation, bien que ce soit en Amérique du Sud que cette méthode ait connu l'essor le plus vigoureux. Dans le sud du Brésil, en Argentine et au Paraguay, près de la moitié des terres sont maintenant cultivées selon cette méthode.

Après quelques années, on peut en tirer les avantages suivants:

  • accroissement et stabilisation des rendements;
  • économies substantielles d'eau d'irrigation;
  • réduction de la disparition des couches superficielles des sols;
  • économie d'argent et de travail par l'absence de labourage;
  • réduction du ruissellement, des inondations et de la pollution chimique des cours d'eau;
  • meilleure approvisionnement local en eau grâce à la réduction du ruissellement;
  • réduction de l'ensablement des cours d'eau.

Le passage à l'agriculture de conservation oblige les agriculteurs à acheter un matériel d'ensemencement spécial ou à adapter le matériel existant. Cette méthode requerrant un emploi minime de pesticides chimiques, les agriculteurs doivent apprendre à lutter contre les ravageurs et les maladies par les techniques de protection (PI) intégrée qui font appel aux ennemis naturels des ravageurs. Cela prend du temps, et parce que les ennemis des cultures ne sont plus éliminés par le labour, les agriculteurs qui adoptent cette méthode emploient au départ davantage d'herbicides, au lieu d'en utiliser moins. Après quelques années, cependant, l'amélioration des rendements doit normalement compenser ces dépenses supplémentaires. Finalement, la lutte intégrée contre les ravageurs leur permet de réduire considérablement l'emploi des herbicides, voire d'y renoncer complètement.

L'agriculture de conservation a encore un effet bénéfique. Les végétaux sont constitués par une grande part de carbone et dégagent, lorsqu'ils se décomposent ou brûlent, du dioxyde de carbone, le gaz à effet de serre qui contribue le plus, pris isolément, au changement climatique. Mieux exploitées, les terres agricoles peuvent restituer ce carbone au sol sous forme de matière organique, par un processus que l'on appelle piégeage ou fixation du carbone.

1 On trouvera un complément d'information sur l'agriculture de conservation à l'adresse Internet suivante: www.fao.org/ag/AGS/AGSE/agse_e/Main.htm

Progrès réels et potentiels de la promotion directe des biens collectifs mondiaux. Une estimation récente des réserves mondiales de carbone permet de penser que l'exploitation et la gestion durables des forêts du globe permettraient de stocker 184 Tg de carbone (1 Tg = 1012 g) de plus chaque année dans les forêts et les produits du bois pendant les 50 prochaines années, avec une fourchette de 108 à 251 Tg par an9. De même, les sols agricoles contiennent généralement de 100 à 200 tonnes de carbone par hectare sur une profondeur d'un mètre. Sur les sols où est pratiquée la culture intensive, une modification des pratiques pourrait augmenter la teneur en matière organique et la fixation du carbone. Il est en revanche difficile d'estimer dans quelle mesure les ressources foncières et forestières ont contribué à atténuer le changement climatique depuis le Sommet de Rio de 1992.

Progrès concrets dans la préservation de la diversité biologique. En ce qui concerne la préservation de la biodiversité, on a sensiblement progressé dans la connaissance de la transformation qualitative et quantitative des grands écosystèmes dont bon nombre offrent une grande diversité biologique. De même, des progrès importants ont été faits dans la sensibilisation et dans la création de zones protégées et de collections de gènes ex situ importantes pour l'alimentation et l'agriculture.

Le financement de la recherche agricole dans l'intérêt de la communauté mondiale est en diminution.

La recherche du GCRAI, bien collectif mondial. Les pays en développement sont fortement tributaires de la recherche et des connaissances diffusées par les centres nationaux et internationaux de recherche. Ainsi, la recherche agricole et la diffusion des connaissances dans les pays en développement, surtout lorsqu'elles concernent des régions pauvres en ressources, pourraient être considérées comme des biens collectifs. En particulier, les travaux menés par les centres du GCRAI et la diffusion de leurs résultats sont souvent considérés comme biens collectifs mondiaux10 et sont partagés par la communauté mondiale. Néanmoins, ces 10 dernières années, le financement du système du GCRAI et de la recherche technologique n'a cessé de diminuer, si bien que les centres du GCRAI se trouvent dans une situation financière de plus en plus contraignante. L'insuffisance de financement pourrait rendre les centres moins aptes à mener des recherches et à diffuser les connaissances requises pour améliorer la production alimentaire et lutter contre la faim et la pauvreté11.

Des progrès ont été faits dans la connaissance et la préservation de la diversité biologique

Développement des bases de connaissances. La constitution d'une documentation et l'enregistrement du savoir des agriculteurs sur la diversité agrobiologique pourraient être considérés comme un autre exemple de bien collectif mondial. Les déclarations des Etats à la CDB font penser qu'environ deux tiers des pays ont réalisé des études de cas de ce genre (par exemple sur la pollinisation, les biotes des sols, la gestion intégrée des paysages et les systèmes agricoles)12.

Engagement international pour la protection des ressources phytogénétiques. La reconnaissance du principe des droits de l'agriculteur dans l'accord conclu récemment sur la protection des ressources phytogénétiques constitue un grand pas en avant qui aidera à protéger la diversité agrobiologique mondiale dans les banques de gènes, sur les champs des agriculteurs et dans la nature. La notion de droits de l'agriculteur doit former l'assise d'un système officiel de reconnaissance et de récompense destiné à encourager et à développer le rôle des agriculteurs et des communautés rurales dans la préservation et l'utilisation durable des ressources phytogénétiques13. L'accord assure un partage équitable des avantages mondiaux résultant de l'utilisation des ressources phytogénétiques, et préconise une obligation de paiement lorsque cette utilisation permet de retirer des avantages commerciaux14.

La rémunération des fournisseurs est indispensable pour que la fourniture de biens collectifs mondiaux soit suffisante.

FINANCEMENT DES BIENS COLLECTIFS MONDIAUX

La consommation des biens collectifs ne donnant pas lieu à exclusion, on est tenté d'en profiter sans payer (à supposer qu'il s'agisse de biens collectifs bénéfiques). De ce fait, des mécanismes de rémunération de ceux qui les fournissent sont nécessaires pour faire en sorte que le bien soit réparti dans des proportions socialement souhaitables. Cela est aussi vrai pour les biens collectifs mondiaux, puisque la communauté mondiale en bénéficie, alors que ceux qui le fournissent représentent un groupe beaucoup plus restreint.

Exemple de technique agricole de conservation dans un champ de maïs au Brésil
Ici, la culture se transforme en paillis qui protège la surface du sol contre l'érosion en améliorant l'infiltration de l'eau et en empêchant la croissance de plantes adventices

- FAO/30003/T. FRIEDRICH

Action 21 préconise des mesures qui produisent à la fois des biens collectifs et des biens privés, bien que les mécanismes de financement de leur application n'aient pas été spécifiquement conçus pour les uns ou les autres. Cependant, le rapport mondial de situation sur le financement en faveur du développement durable a brossé un tableau décevant de ce qui a été fait pour répondre aux objectifs et mécanismes de financement prévus par le Sommet de Rio15. Malgré la promesse des pays développés de porter leur aide au développement à hauteur de 0,7 pour cent de leur PNB, cette aide a fortement diminué après le Sommet de Rio, tombant de 0,33 à 0,22 pour cent du PNB des donateurs, avant de remonter légèrement à 0,24 pour cent en 1999. L'aide à l'agriculture (au sens large) a accusé une baisse en termes réels de plus de 40 pour cent entre 1988 et 1999. A l'intérieur du secteur, la diminution de l'aide a été forte en ce qui concerne les services agricoles, la production végétale et l'exploitation forestière, malgré une augmentation de la part destinée à la protection de l'environnement, à la recherche et la formation, et à la vulgarisation.

L'aide officielle au développement a diminué depuis le Sommet de Rio de 1992, particulièrement pour l'agriculture et les régions rurales.

L'investissement étranger direct (IED) se concentre dans un petit nombre de pays. Dans les pays les moins avancés, les flux ont été négligeables, et le secteur agricole et celui des ressources naturelles n'en ont pas bénéficié. L'IED est attiré par les possibilités de marché, ce qui veut dire que, d'une manière générale, il ne faut pas s'attendre à ce que cet instrument de financement soit très productif en termes de biens collectifs. De surcroît, il ne s'appuie généralement pas sur des considérations de durabilité16.

D'un autre côté, les mécanismes mondiaux de financement tels que le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) (voir encadré 11) constituent une source importante de financement pour de nombreux accords multilatéraux concernant l'environnement, et donc pour la fourniture de biens collectifs mondiaux. Le FEM a contribué à financer plus de 800 projets. Entre 1991 et 1999, plus de 2 milliards de dollars ont été affectés à des projets relatifs à la biodiversité, au changement climatique, aux eaux internationales, à l'appauvrissement de la couche d'ozone et à la dégradation des terres, et des sommes encore plus importantes ont été mobilisées à titre de cofinancement. La part la plus importante des crédits a été consacrée à des projets concernant la biodiversité, suivis de près par des projets concernant le changement climatique.

Enfin, certaines sources nouvelles apparaissent pour financer les biens collectifs mondiaux. Des fonds nationaux se créent dans le cadre de la CDB, de la Convention sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique. Une autre source de financement provient des apports de capitaux avec transfert de technologie vers les pays en développement prévus par le Mécanisme pour un développement propre (MDP) (dans le cadre du protocole de Kyoto, qui n'a pas encore été ratifié). Cependant, comme dans le cas des mécanismes de financement classiques (APD et IED), les dotations à ces différents mécanismes sont irrégulières, et plusieurs d'entre eux ne sont même pas encore pleinement développés ou appliqués.

ACCROÎTRE LA COOPÉRATION FINANCIÈRE INTERNATIONALE POUR PROMOUVOIR LES BIENS COLLECTIFS MONDIAUX

Accroître l'ADP pour qu'elle atteigne le niveau fixé au Sommet de Rio a occupé une place importante dans la préparation de la Conférence des Nations Unies pour le financement du développement. Le Consensus de Monterrey a préconisé des mesures concrètes pour atteindre l'objectif de consacrer 0,7 pour cent du PNB à l'aide au développement des pays en développement17.

Il faut accroître l'aide officielle au développement, particulièrement en faveur de l'agriculture et des régions rurales.

Il faut cependant accorder une attention particulière à l'agriculture et aux régions rurales. En effet, pour réussir une stratégie de lutte contre la pauvreté et la faim, il faut commencer par reconnaître qu'il s'agit essentiellement de phénomènes ruraux et que l'agriculture est un élément essentiel des moyens d'existence des populations rurales. Il faut donc faire cesser la baisse des ressources globales affectées à la réduction de la faim, à l'agriculture et au développement rural. Il importe également de reconnaître qu'il faudra consacrer des efforts beaucoup plus importants au secteur agricole et au développement rural pour atteindre les objectifs environnementaux définis dans le volet Terre d'Action 21.

L'un des moyens d'accroître la volonté politique et les engagements de financement en faveur de l'agriculture et du développement rural serait de reconnaître le rôle important qu'ils peuvent jouer dans la fourniture de biens collectifs mondiaux. En effet, le financement qui leur est réservé est limité.

De nouveaux mécanismes de financement des biens collectifs mondiaux sont apparus.

Pour fournir des biens collectifs mondiaux liés au volet Terre d'Action 21, il ne suffira pas d'augmenter le financement du développement en général et du développement agricole et rural en particulier. Les mécanismes de financement doivent être dirigés spécialement vers la fourniture de ces biens. Il importe de conserver l'idée que les biens collectifs mondiaux sont des biens et services dont bénéficie l'ensemble de la communauté mondiale mais qui sont fournis par un groupe de personnes plus restreint, et qu'il est dans l'intérêt de la communauté mondiale de rémunérer ceux qui les fournissent. Les mécanismes de financement doivent en effet être perçus et conçus comme le paiement de biens et de services fournis.

Il faut mobiliser des crédits supplémentaires pour rémunérer ceux qui fournissent les biens collectifs.

L'autre grande question qui vient à l'esprit est de savoir si le fait d'accroître le financement des biens collectifs mondiaux contribuera aussi à réduire la pauvreté dans le monde. Cela dépendra bien sûr des circonstances particulières et des modalités de rémunération des fournisseurs, mais il serait très souhaitable de repérer les synergies entre la fourniture de biens collectifs mondiaux et la lutte contre la pauvreté et de modeler les mécanismes de rémunération en conséquence.

Encadré 11

NOUVELLES POSSIBILITÉS DE FINANCEMENT DES BIENS COLLECTIFS LIÉS AU VOLET TERRE D'ACTION 21

Fonds pour l'environnement mondial (FEM). Créé en 1991 et restructuré après le Sommet de Rio, le FEM est destiné à assurer la coopération et un financement internationaux pour lutter contre les principaux facteurs qui menacent l'environnement mondial. Il réunit 166 gouvernements membres, la communauté scientifique et plusieurs organisations privées et organisations non gouvernementales (ONG). Les organes d'exécution sont le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et la Banque mondiale. Le Fonds finance et recueille des crédits pour cofinancer des projets relevant des domaines suivants: 1) de la diversité biologique; 2) du changement climatique; 3) des eaux internationales et; 4) de l'appauvrissement de la couche d'ozone. Les projets ayant trait à la dégradation des sols peuvent aussi bénéficier de crédits du Fonds dans la mesure où ils se rattachent à l'un des quatre domaines principaux. Des propositions spécifiques, y compris celle de faire de la dégradation des terres un domaine à part entière, doivent être soumises pour approbation définitive à l'assemblée du FEM d'octobre 2002.

Remise de dettes en échange de la protection de la nature, en particulier en Afrique subsaharienne. Le financement durable de la dette constitue un moyen important de mobiliser des ressources pour l'investissement public et privé. Remettre la dette en échange de la protection de la nature est un mécanisme par lequel des pays en développement se voient remettre leur dette internationale pour l'affecter au financement de projets écologiques bénéfiques pour l'environnement mondial. Des études ont montré que le taux de déboisement est le plus élevé dans les pays d'Afrique qui sont justement très endettés. Cela permet de penser qu'il existe de vastes possibilités de freiner le déboisement et de développer les biens collectifs mondiaux dans ces pays (par exemple par le reboisement et les activités de gestion des terres) qui pourraient se réaliser grâce à ces mécanismes.

Fonds spécial pour les changements climatiques. La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) fait obligation aux pays développés et aux pays en développement de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère et d'accroître la capacité d'absorption en agissant sur la biomasse et les sols. La création d'un Fonds spécial pour les changements climatiques a été proposée pour aider les pays les moins avancés à développer leur capacité et à financer la mise en applications des dispositions prévues par la Convention. Bien que la structure du fonds proposé ne soit pas encore clairement arrêtée, certains pays ont déjà versé des contributions en vue de la création du fonds.

Mécanisme pour un développement propre (MDP). Ce mécanisme, conçu dans le cadre du Protocole de Kyoto, qui n'est toujours pas ratifié, permet aux pays de financer des projets de réduction des émissions dans des pays en développement et de recevoir en contrepartie un crédit d'émissions de carbone. Le MDP pourrait se révéler être l'un des mécanismes de financement les plus novateurs pour favoriser les biens collectifs mondiaux associés à la terre. On trouvera au chapitre suivant une étude plus approfondie du MDP.

Fonds nationaux pour l'environnement. Des fonds pour l'environnement se sont créés dans quelques pays en développement, dont le nombre va en augmentant, dans le cadre de deux conventions des Nations Unies, la CCNUCC et la CDB. Ils sont généralement gérés par des organismes privés et leurs capitaux proviennent de dons des Etats et d'organismes donateurs ainsi, que de taxes et de prélèvements pour l'environnement. Ces fonds pourraient être utilisés plus largement.

Mobilisation accrue de ressources intérieures. La mobilisation de ressources intérieures pour promouvoir les biens collectifs mondiaux devrait renforcer les mécanismes existants de financement et contribuer à ouvrir de nouvelles possibilités. La suppression des subventions à effets pervers, le paiement à leur prix réel des ressources et des services naturels, l'établissement de droits de propriété sur la terre, l'eau et la forêt, les réformes fiscales en vue d'instaurer des taxes pour l'environnement et la mise à contribution des bénéficiaires des biens collectifs locaux et mondiaux sont autant de facteurs pouvant contribuer à créer un environnement propice à la mobilisation de ressources intérieures et susceptible d'attirer des ressources extérieures.

1 Fonds pour l'environnement mondial (FEM). 2001. Note sur le projet de création d'un nouveau domaine d'intervention consacré à la dégradation des sols (GEF/C 18/4), Conseil du FEM, 5-7 décembre 2001.

L'une des possibilités serait que toute nouvelle ADP soit liée à l'affectation de ressources intérieures pour la fourniture de biens collectifs mondiaux. Il faudrait cependant compléter le financement et envisager sérieusement de créer de nouveaux mécanismes permettant à la fois de fournir des biens collectifs mondiaux et de transférer des ressources entre pays développés et pays en développement. La difficulté de la tâche est de concevoir ces mécanismes de telle sorte qu'ils contribuent aussi largement à réduire la pauvreté. (On trouvera dans l'encadré 11 un aperçu de certains des mécanismes de financement existants ou potentiels.)

CONCLUSIONS

Dans le débat général sur les biens collectifs mondiaux, il convient de s'intéresser davantage à ceux qui concernent la terre, au même titre qu'à d'autres aspects qui ont jusqu'ici fait l'objet d'une attention plus soutenue tels que la santé, le savoir, l'héritage culturel, la stabilité financière, la paix et la sécurité. En raison du caractère mondial de ces biens collectifs relatifs à la terre, il est justifié de leur consacrer des moyens de financement accrus et de créer de nouveaux mécanismes financiers à cet effet. Pour faire une place plus importante aux biens collectifs mondiaux et coordonner les efforts à l'échelle mondiale pour réduire la pauvreté, il faudrait créer des instruments, des politiques et des programmes qui, tout en permettant la mise en œuvre effective du volet «Terre» d'Action 21, contribuent à réduire la pauvreté.

On trouvera dans la section qui suit une étude plus approfondie du nouveau mécanisme de financement de la fourniture de biens collectifs mondiaux: le mécanisme pour un développement propre (MDP), issu du Protocole de Kyoto sur le changement climatique mondial.


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