par
André G. Coche1
Team Leader, Projet PNUD/AVB/FAO
Développement de la Pêche au Lac de Kossou
Kossou, Côte-d'Ivoire
1 Adresse actuelle: Département des Pêches, FAO, Rome, Italie
Résumé
Les connaissances actuelles concernant l'élevage de poissons en cages dans le monde sont présentées sous la forme de tableaux synthétiques présentant les avantages et difficultés de cette méthode, son statut actuel, ainsi que ses modalités et les résultats obtenus. Ces données bibliographiques sont alors discutées et comparées aux résultats des recherches effectuées avec T. nilotica dans le jeune lac artificiel de Kossou en cages d'un mètre-cube de capacité du 15 mars 1974 au 15 janvier 1975.
La méthodologie de cette expérimentation est décrite ainsi que les conditions de matériel et d'environnement dans lesquelles elle s'est réalisée. Les résultats des essais mensuels et des élevages périodiques sont présentés en détail. Ils sont ensuite discutés sur la base de ceux obtenus en d'autres parties du monde et de l'expérience personnelle acquise en la matière. Au total, 4 096 poissons de 9 à 55 g de poids individuel ont été placés en 12 élevages de 125 jours chacun en moyenne. La production totale a été de 609 kg, tandis que la récolte était de 733 kg pour 3 713 poissons (Pm 197 g).
Le taux spécifique de croissance mensuel (TSC), en moyenne 56,3 pour cent, augmente en fonction inverse de la biomasse initiale (Bi). Une relation directe existe entre la production mensuelle et Bi. Cette production, variant de 2,7 à 22,2 kg/m3, a atteint ce maximum pour Bi = 36 à 50 kg/m3, correspondant à une récolte maximum de 60 à 70 kg/m3. Le rendement mensuel (Qn) de l'alimentation rationnée à 3–6 pour cent Bi par jour (granulés 24,7 pour cent protéines) a généralement varié en dessous de Qn = 4, aux environs de Qn = 3,0. Ce quotient nutritif augmente avec le poids moyen des poissons présents. Il diminue chez les poissons de plus de 100 g pour une ration moindre (2,5–4 pour cent Bi). Ces paramètres de production ont tous été défavorablement affectés par une baisse de la teneur en oxygène dissous, en janvier 1975.
Le taux spécifique de croissance moyen (TSCm) dans les élevages a varié entre 49 et 65 pour cent, atteignant la moyenne générale de 55,4 pour cent. L'exploitation rationnelle dans ces conditions peut se faire après 82 à 150 jours d'élevage, en fonction de la taille des alevins mis en charge. La production a été de 35 à 64 kg/m3 (moy. 52,1 kg/m3 en 4 mois), en fonction directe du taux initial de charge. Il semble que la biomasse initiale optimum pour ce type d'élevage soit de 22 kg/m3, correspondant à une production maximum d'environ 68 kg/m3 soit 17 kg/m3/mois. La récolte maximum a été de 76 kg, laissant supposer une capacité de charge maximum de 90 kg/m3. La mortalité d'élevage moyenne a été de 5,9 pour cent. Le rendement de l'alimentation a varié de 2,6 à 3,7 le meilleur Qn étant obtenu avec alimentation réduite.
Les résultats suggèrent l'utilisation d'alevins d'au moins 20 g en 150 jours d'élevage intensif avec ration plus réduite. Des alevins de 40 g permettent de raccourcir cette durée d'élevage de 30 jours. Afin de maximiser production et profit, de fortes densités sont recommandées, portant la biomasse initiale aux environs de 20 kg/m3. Deux problèmes restent à résoudre: la production économique d'alevins calibrés en quantités importantes et la production locale d'une alimentation artificielle améliorant la rentabilité des élevages de poisson en cages.
Abstract
The actual knowledge relative to fish culture in cages throughout the world is synthetized in tables presenting the advantages and difficulties associated with this method, its actual status, as well as the conditions under which it is undertaken and the results. The bibliographical data are discussed and compared to results of research conducted with T. nilotica in one cubic metre cages at Lake Kossou, from 15 March 1974 until 15 January 1975.
The methodology of the experiments is described together with the material and environmental conditions in which they were carried on. The results of the monthly trials as well as those related to periodic rearing periods are presented in detail and discussed on the basis of results obtained in other parts of the world. In total, 4 096 fishes weighing from 9 to 55 g each have been raised in 12 rearing periods averaging 125 days each. Total production has reached 609 kg, the total yield being 733 kg for 3 713 fishes (mean weight 197 g).
The monthly specific growth rate (TSC), averaging 56.3 percent, increased as the initial biomass (Bi) decreased. On the contrary a direct relationship existed between monthly production and Bi. This production varying from 2.7 to 22.2 kg/m3, reached this last maximum value for Bi = 36 to 50 kg/m3, corresponding to a maximum yield of 60 to 70 kg/m3. The conversion (Qn) of the pelleted feed (24.7 percent protein, 3 to 6 percent Bi per day) varied around Qn = 3. This conversion rate increased with the mean weight of the fish. It had a lower value with fish heavier than 100 g being fed at a lower daily rate. All rearing parameters were negatively affected as the dissolved oxygen content decreased in January 1975.
The mean specific growth rate calculated for the various rearing periods ranged from 49 to 65 percent, the general average being 55.4 percent. In such conditions, fish may be rationally exploited after 82 to 150 rearing days, according to the stocking size of the fingerlings. Production ranged from 35 to 64 kg/m3 (avg. 52.1 kg/m3 in 4 months) and was directly related to the initial biomass. The optimum value for the latter appears to be around 22 kg/m3, corresponding to a maximum production of about 68 kg/m3 or 17 kg/m3/month. Maximum yield was 76 kg, leading to an estimation of the maximum carrying capacity of the cages of about 90 kg/m3. Average rearing mortality was 5.9 percent. The feed conversion rate ranged from 2.6 to 3.7, the best Qn being attained with a reduced feeding rate (4-2.5 percent Bi).
These results suggest cages should be stocked with fingerlings weighing at least 20 g each and harvested after 150 days of intensive culture at a reduced feeding rate. Fingerlings weighing 40 g in average can be harvested 30 days earlier. To maximize production and profit, high stocking densities of such fingerlings are recommended, with a suggested initial biomass of about 20 kg/m3. Two problems remain to be solved urgently: the economic production of graded fingerlings in great quantities and the local production of an adequate pelleted feed improving the profitability of fish culture in cages.
L'élevage de poissons en cages consiste à élever un groupe de poissons depuis le stade juvénile jusqu'à la taille commerciale dans un volume d'eau enclos de tous côtés, y compris le fond, tout en permettant la libre circulation de l'eau à travers la “cage”.
1.1 Avantages, limitations et difficultés de la méthode d'élevage de poissons en cages
Les avantages et inconvénients de la méthode d'élevage de poissons en cages sont présentés au Tableau I, résumant les observations des technologistes spécialisés en la matière et en particulier de C.W. Trotter (1970).
Les avantages sont nombreux, principalement si l'on considère que cette méthode de production piscicole peut être utilisée sans aménagement spécial dans la plupart des pièces d'eau; dans les excavations inondées (anciennes carrières et nines), dans les canaux d'irrigation, dans les canaux de fuite des centrales énergétiques (effluents réchauffés, par ex.), dans les étangs non vidangeables encombrés de souches forestières, envahis d'espèces piscicoles indésirables… l'élevage en cages est bien souvent la seule méthode pratique et économique possible pour la production de poissons. Cependant cette méthode convient également aux autres milieux aquatiques tels que rivières, lacs, lagunes, estuaires et baies côtières. La souplesse d'exploitation est extrême et permet de parfaitement adapter la production à la commercialisation. De très fortes densités de population, combinées à une alimentation équilibrée et intensive en milieu restreint, augmentent les taux de croissance et de production. Ceci réduit la durée de l'élevage tout en diminuant le quotient nutritif de la nourriture artificielle à des valeurs relativement basses. Dans certains cas, l'élevage en cages permet de réduire les frais d'alimentation de 50 pour cent pour une production équivalente (Trotter, 1970). Le traitement et le contrôle de l'élevage sont simplifiés, en particulier en cas de maladie. Les avantages d'ordres économiques sont également bien documentés.
TABLEAU I
Les avantages et inconvénients de la méthode d'élevage de poissons en cages
AVANTAGES | LIMITATIONS ET DIFFICULTES | |
1. | Possibilité d'utiliser au maximum toutes les ressources en eau disponibles. | Utilisation difficile en présence de surface d'eau trop agitée. |
2. | Economie en eau importante (pas de vidanges). | |
3. | Réduction des besoins en surfaces terriennes. | |
4. | Possibilité de combiner plusieurs élevages dans une même étendue d'eau, les traitements et récoltes restant indépendants. | |
5. | Déplacement aisé de l'élevage si nécessaire. | |
6. | Intensification de la production piscicole (forte densité, alimentation opt., croissance rapide). | Nécessité d'un échange d'eau suffisant au travers des cages pour élimination des produits métaboliques et apport d'oxygène dissous. Parfois, croissance rapide d'algues sur les parois des cages nécessitant un entretien fréquent. |
7. | Réduction de la durée des élevages. | |
8. | Utilisation optimale de la nourriture artificielle pour la croissance, minimisant son taux de conversion. | Dépendance absolue de l'alimentation artificielle. Nourriture de haute qualité et équilibrée nécessaire (en part. protéines, vitamines et minéraux). Pertes de nourriture artificielle hors de la cage. |
9. | Observation journalière de la population facile. | |
10. | Contrôle aisé de la reproduction (Tilapia, par exemple) | |
11. | Contrôle aisé des compétiteurs et des prédateurs. | Parfois interférence importante de la population piscicole naturelle, autour des cages (en part. carpes). |
12. | Réduction pour les poissons des manutentions et mortalité | Augmentation de la susceptibilité des poissons à une déficience du taux d'oxygène dissous dans l'eau. |
13. | Contrôle des parasites et maladies plus facile et plus économique (surtout en cages flottantes). | |
14. | Facilité et souplesse de récolte des poissons. | |
15. | Récolte complète de la production. | Augmentation des risques de vol. |
16. | Récolte d'un produit relativement uniforme. | Difficulté de produire des individus de taille uniforme. |
17. | Stockage et transport des poissons à l'état vivant grandement facilité. | Amortissement du capital investi plus ou moins court selon le type de cage adopté. |
18. | Investissement initial relativement réduit. | Augmentation des frais de main-d'oeuvre pour manutention, charge, nourrissage et entretien des cages. |
Cependant quelques limitations doivent être prises en considération, les principales étant: (1) l'absolue nécessité de l'existence d'un certain courant d'eau à travers les cages; (2) la présence d'oxygène dissous en quantité suffisante dans le milieu aquatique; et (3) l'absolue dépendance de l'alimentation apportée.
La difficulté majeure semble résider à l'heure actuelle dans la production en fin d'élevage d'individus de taille marchande uniforme.
1.2 Statut passé et actuel de l'élevage de poissons en cages
Le concept d'élever des poissons en cages est loin d'être nouveau. Cette méthode décrite pour la première fois par Lafont et Saveun en 1951 (cité dans Hickling, 1962) est traditionnellement utilisée depuis près d'un siècle au Cambodge où elle est largement pratiquée le long du Tonle Sap, du Mekong et de ses affluents pour la production de poissons Siluridae et Clariidae principalement (Hickling, 1962; Anon., 1970a; Huet, 1970).
Historiquement, cette méthode d'élevage piscicole s'est petit à petit répandue à d'autres pays de l'Extrême-Orient. En Thaïlande d'abord où des cages flottant en eau courante sont utilisées depuis une cinquantaine d'années au moins à la façon Cambodgienne (Ling, 1967; Anon., 1970a; Bardach et al., 1972). Il semble qu'ensuite ce soit dans l'île de Java, Indonésie, que la technique fut adoptée vers 1940 ainsi qu'originellement décrite par Vaas et Sachlan en 1956 (cité par Hickling, 1962). De nombreuses cages en bambou reposant sur les bords du lit de rivières fortement enrichies en matières organiques par les égoûts urbains produisent de nombreuses carpes (C. carpio) de 200 g de poids moyen en quatre mois, sans l'apport d'alimentation supplémentaire (Huet, 1956; Hickling, 1962).
Une dizaine d'années plus tard, c'est le Japon qui expérimente l'élevage de poissons en cages flottantes construites en filet. Seriola quinqueradiata (yellowtail) en eaux saumâtres et C. carpio en lacs se révèlent ainsi d'excellents producteurs (Kuronuma, 1968; Furukawa, 1973; Ling, 1973). En 1970, la production commercialisée de poissons dépasse 52 000 tonnes (Anon., 1973c) pour plus de 9 000 cages flottantes couvrant moins de 100 ha de surface d'eau (Furukawa, 1973).
Suite à ce succès et parallèlement à la mise au point de nourritures artificielles permettant l'élevage de poissons sur une base intensive, la diffusion géographique de la méthode d'élevage en cages va s'accélérer (Tableau II). Introduite en 1964 pour la première fois aux Etats-Unis en Alabama (Trotter, 1970), les recherches s'y poursuivent activement aujourd'hui dans au moins dix états. Le Canada (Séguin, 1970), le Chili (Arroyo, 1973), la Grande Bretagne (Milne, 1972), et l'U.R.S.S. (Gribanov et al., 1968) s'y intéressent également. En 1967, le Conseil Général des Pêches pour la Méditérranée établit un groupe de travail sur les pêches en eaux douces, saumâtres et hypersalines afin d'y promouvoir la production halieutique (Anon., 1970c). Trois ans plus tard ces efforts résultent en la création d'un programme de recherches englobant 19 institutions de huit nations. Les problèmes proposés pour étude conjointe incluent notamment l'élevage de poissons en cages.
Bien que la production commerciale d'Ictalarus punctatus en cages progresse rapidement aux Etats-Unis (Trotter, 1970; R.A. Collins, 1970a et b; Bennett, 1971; C.M. Collins, 1972), les grandes entreprises commerciales de production de poissons en cages opèrent généralement en eaux saumâtres, en Australie et en Grande Bretagne (Milne, 1972), en Norvège (Bardach et al., 1972; Anon., 1973d) et depuis peu dans le Puget Sound, Washington, E.U.A. (Anon., 1973b).
En Afrique pratiquement aucune expérience dans ce domaine ne semble avoir été accumulée avant 1974. Quelques observation très restreintes ont été faites sur Clarias lazera (de Kimpe et Micha, 1974) en République Centrafricaine. Quelques élevages semi-intensifs ont été réalisés en Tanzanie dans le Lac Victoria utilisant Tilapia esculenta et T. zillii (Ibrahim et al., 1974).
TABLEAU II
Distribution spécifique et géographique de l'élevage en cage dans le monde
A. ELEVAGE EN EAUX DOUCES (rivière, lac, étang, effluent thermal) | ||||
PAYS | TYPE ET LIEU | REFERENCES | ||
1. | CICHLIDAE | |||
Tilapia nilotica | Etats-Unis, Alabama, Auburn University | Expérim. depuis 1968, en étangs | Schmittou, 1969; Pagan, 1969 et 1970 | |
Côte-d'Ivoire, PNUD/AVB/FAO | Lac Kossou, expérim. depuis 1974 | Shehadeh, 1974; Coche, 1974 | ||
T. esculenta, T. zillii T. mossambica | Tanzanie, Freshwater Fish. Institute, Nyegezi Guatemala | Lac Victoria, expérim. 1972 | Ibrahim et al., 1974 | |
Lac Atitlan, expérimental | Bardach et al., 1972 | |||
2. | CYPRINIDAE | |||
Cyprinus carpio | Indonésie, Ouest - Java | Rivières + effluent organ., traditionnel | Hickling, 1962; Huet, 1956 | |
Japon | Expérim. depuis 1951 - Commercial, lacs | Kuronuma, 1968 | ||
U.R.S.S., extr. Sud et Centre | Expérim. depuis 1940 (1957), lacs + effluents chauds | Gribanov et al., 1968 | ||
3. | SILURIDAE | |||
Pangasius spp. | Cambodge (Tonle Sap, Bassin Mekong) | Eaux courantes, traditionnel | Hickling, 1962; Anon., 1970a | |
Thaïlande | Eaux courantes, commercial depuis env. 1920 | Ling, 1967; Bardach et al., 1972 | ||
4. | CLARIIDAE | |||
Clarias batrachus | Cambodge et Thaïlande | Eaux courantes, traditionnel et commercial | Huet, 1972; Anon., 1970a; Bardach et al., 1972 | |
Clarias lazera | République Centrafricaine, Landjia | Observations en eau courante | de Kimpe et Micha, 1974 | |
Côte-d'Ivoire, PUND/AVB/FAO | Lac Kossou, expérim. depuis 1974 | Coche (inédit) | ||
5. | ICTALURIDAE | |||
Ictalurus punctatus (Channel catfish) | Etats-Unis, général | Expérim. (1964) et commercial, en eaux stagnantes | Trotter, 1970; R.A. Collins, 1970b; Bennett, 1971; C.M. Collins, 1972 | |
Alabama, Agric. Exp. Sta., Auburn University | Expérim. depuis 1966, étangs | Anon., 1969c; Schmittou, 1969 | ||
Arkansas, St. Coll. Ark. | Expérim. (Dr. R.A. Collins) | Trotter, 1970 | ||
Illinois, Sthn. Ill. University | Expérim. (Dr. W.M. Lewis) | Ibid. | ||
Missouri, University | Expérim. (Dr. A. Witt) | Ibid. | ||
Nebraska (Sud) | Expérim. en étang | Feit, 1971 | ||
Oklahoma, University | Expérim. (Dr. R. Summerfelt) | Trotter, 1970 | ||
Texas, A & M University | Expérim. (Dr. H.R. Schmittou) | Ibid. | ||
Mississippi et Texas | Commercial, hiver, effluent chaud | R.A. Collins, 1970a | ||
Ictalurus catus | Etats-Unis, Alabama, Auburn University | Expérim. en étangs | Schmittou, 1969 | |
6. | OPHICEPHALIDAE | |||
Ophicephalus spp. | Cambodge et Thaïlande | Eaux courantes, traditionnel et commercial | Ling, 1967; Anon., 1970a | |
7. | CENTRARCHIDAE | |||
Lepomis macrochirus | Etats-Unis, Alabama, Auburn University | Expérim. en étangs | Schmittou, 1969 | |
8. | SALMONIDAE | |||
Salmo gairdneri | Chili, Fish & Game Div., Santiago | Expérim. depuis 1968, en lac | Arroyo, 1973 | |
Etats-Unis, Arkansas | Expérim. en lac, saison froide | R.A. Collins, 1972 | ||
Illinois (Sud) | Expérim. en lac, saison froide | acc. Tatum, 1973 | ||
Salvelinus fontinalis | Canada, Québec | Expérim. au Lac Wayagamack | Séguin, 1970 | |
9. | PLECOGLOSSIDAE | |||
Plecoglossus altivelis | Japon | Expérim. en lac | Kuronuma, 1968 | |
B. ELEVAGE EN EAUX SAUMATRES (estuaires et côtes) | ||||
1. | SALMONIDAE | |||
Salmo gairdneri (Truite arc-en-ciel) | Australie, Tasmanie | Commercial | Milne, 1972 | |
Grande-Bretagne, Ecosse | Commercial | Ibid. | ||
Norvège | Commercial | Bardach et al., 1972 | ||
Etats-Unis, Alabama (Sud) | Expérimental | Tatum, 1973 | ||
Japon (Sud) | Expérimental | Kuronuma, 1968 | ||
Salmo trutta (Truite comm.) | Australie, Tasmanie | Commercial | Bardach et al., 1972 | |
Norvège | Commercial | Ibid. | ||
Salmo salar (Saumon Atlantique) | Grande-Bretagne, Ecosse | Commercial | Milne, 1972 | |
Norvège | Commercial | Anon., 1973d | ||
Oncorhynchus spp. (Saumon Pacifique) | Etats-Unis, Washington, Puget Sound | Expérim. depuis 1969; commercial, depuis 1973 | Milne, 1972; Anon., 1973b | |
2. | CARANGIDAE | |||
Seriola quinqueradiata (Yellowtail) | Japon | Commercial depuis 1960 env., estuaires | Anon., 1969a, 1973c; Bardach et al., 1972; Furukawa, 1973; Ling, 1973 | |
Trachinotus carolinus (Pompano) | Etats-Unis, Alabama, Mar. Resources | Expérim. depuis 1969 | Tatum, 1973 | |
Floride, Univ. Miami | Expérimental | Anon., 1973a; Heald, 1973 | ||
3. | SCIAENIDAE | |||
Cynoscion nebulosus | Etats-Unis, Floride, Univ. Miami | Expérim. depuis 1973 | Heald, 1973 | |
4. | SCOMBRIDAE | |||
Thunnus thynnus | Japon, Fishery Agency | Expérim. depuis 1971 | Anon., 1971; Bardach et al., 1972 | |
5. | PLEURONECTIDAE | |||
Pleuronectes platessa | Grande-Bretagne, Ecosse | Expérim. depuis 1969 | Milne, 1972 | |
6. | TETRAODONTIDAE | |||
Fugu rubripes | Japon | Commercial à petite échelle, grande valeur | Bardach et al., 1972 | |
7. | CRUSTACEA - PENAEIDAE | |||
Penaeus spp. | Etats-Unis, Floride, Univ. Miami | Expérim. 1973, effluent chaud | Heald, 1973 |
Dès janvier 1974 un programme de recherches à débuté en Côte-d'Ivoire dans le Lac de Kossou nouvellement créé (Shehadeh, 1974). Basé principalement sur la production de Tilapia nilotica de taille marchande (Coche, 1974), des observations sont parallèlement conduites sur le poisson-chat Clarias lazera.
1.3 Espèces piscicoles élevées en cages
Il est désirable que les espèces de poissons sélectionnées pour être élevées en cages possèdent plusieurs des caractéristiques suivantes (Pagan, 1969; Ling, 1973):
des points de vue biologique et physiologique:
obtention facile des alevins nécessaires.
du point de vue économique:
Le Tableau II énumère les espèces piscicoles actuellement élevées en cages soit encore au stade expérimental, soit déjà à l'échelle commerciale. En eaux douces, ces dernières représentent essentiellement cinq Familles de poissons connus pour leur rusticité: Cyprinidae (C. carpio), Siluridae (Pangasius spp.), Clariidae (Clarias spp.), Ictaluridae (I. punctatus) et Ophicephalidae (Ophicephalus spp.). En eaux saumâtres par contre, deux Familles seulement sont principalement représentées: Carangidae (Seriola quinqueradiata) et Salmonidae (Salmo spp. et Oncorhynchus spp.).
Quelques autres Familles sont expérimentalement cultivées en cages en vue de déterminer leur potentiel commercial possible. En eaux douces, il s'agit en particulier de salmonides (Salmo gairdneri et Salvelinus fontinalis) et de cichlides (Tilapia spp.).
Parmi ces derniers, T. nilotica1 est expérimenté depuis 1968, en cages suspendues en étangs à l'Université d'Auburn, Alabama, E.U.A. (Schmittou, 1969; Pagan, 1969, 1970). Ces recherches ont démontré que cette espèce africaine possède un excellent potentiel pour cette méthode d'élevage: une croissance rapide, la possibilité d'accepter facilement l'alimentation artificielle granulée, une grande efficience de conversion en chair de cette nourriture, un taux de survie élevé, et apparemment une forte résistance aux maladies et parasites. De plus, cette espèce s'accommode de fortes densités de population. L'un de ses principaux désavantages en élevage en étangs, une tendance à la surpopulation, disparaît en cages (Pagan, 1969).
1 Récemment considéré comme Sarotherodon niloticus par certains auteurs.
L'importance et les possibilités offertes par les tilapias, et par T. nilotica en particulier, ont été récemment rappelées par Kirk (1972) en vue de leur élevage en climats tempérés dans les effluents chauds de centrales énergétiques: survie élevée, bonne croissance, et reproduction facile même en milieu saumâtre; bonne tolérance thermique; et relativement faible exigence en oxygène dissous: qualités qui s'ajoutent aux précédentes et renforcent l'intérêt de T. nilotica en vue de future essais d'élevage en cages, sur le continent africain en particulier.
Le 14 février 1971 le nouveau barrage hydroélectrique de Kossou, Côte-d'Ivoire, était fermé et un lac artificiel créé en amont. Dans le but de promouvoir le développement social et économique des populations locales déplacées par la montée des eaux, en décembre 1973 il était recommandé à l'Autorité de la Vallée du Bandama (AVB) d'envisager l'élevage de poissons en cages comme une possibilité supplémentaire d'intensifier et de diversifier la production régionale.
Dès février 1974, une évaluation préliminaire du potentiel local de l'élevage en cages fut faite sur place par le Dr. Z. Shehadeh (1974), dans le cadre existant du Projet PNUD/AVB/FAO de Développement de la Pêche au Lac de Kossou. Sur la base de ses recommandations, le premier élevage expérimental débuta le 15 mars 1974. Encouragés par les résultats obtenus, l'intensification du programme de recherches fut ensuite décidée d'un commun accord par les Autorités responsables, en vue de réunir au plus vite les données fondamentales nécessaires à une étude de faisabilité régionale. Les recherches présentées ci-après furent poursuivies entre le 15 mars 1974 et le 15 janvier 1975, dans les conditions et selon les modalités décrites dans les Sections suivantes.
2.1 Le milieu: le Lac Kossou en 1974
Le Lac Kossou prit naissance en février 1971 lors de la fermeture de la vallée du Bandama Blanc. En 1974, la cote maximale de son plan d'eau atteignit l'altitude de 190,5 m soit environ 14 m en-dessous de la cote finale. Complètement rempli (alt. 204 m), ce lac couvrira une surface de plus de 1 650 km2 s'étendant au centre de la Côte-d'Ivoire entre 7° et 8° de latitude Nord (Fig. 1). Les cages d'élevage, abritées dans la Marina de Kossou, flottent à environ 600 m au Nord-Est du centre du barrage, à un peu plus de 200 m des rives actuelles. La profondeur d'eau y a varié de 12 à 16 m.
Le climat normal de la région inondée par le Lac Kossou est d'un type intermédiaire entre le climat soudanien (au Nord) et le climat guinéen proprement dits. La moitié nord du lac (Fig. 1) appartient climatiquement au sous-type C1 tandis que dans la partie sud du lac (Kossou, par ex.) le sous-type C2 est prévalent. Ces deux climats sont caractérisés d'après Eldin (1971) par les valeurs normales moyennes suivantes:
Climat | Régime climatique | Pluies mm | Déf.hyd cumul. mm | Gr.Sson Sêche mois | Insol. ann. heures | T° moy. ann. °C | T° abs. moy.mens °C | Distribution Lac Kossou |
C1 | 2–4 Ssons | 1 100 | 400 | 5–6 | 1 800 | 25 | 19 | Au Nord Env. 7°20'lat.N. |
Harmattan | à | à | à | à | à | |||
1–3 mois | 1 600 | 600 | 2 300 | 28 | 34 | |||
C2 | 4 Ssons | 1 200 | 250 | 4–5 | 1 800 | 25 | 19 | Au Sud |
Harmattan | à | à | à | à | à | |||
0,5–2 mois | 1 800 | 400 | 2 000 | 28 | 33 |
En 1974, à Kossou, les quatres saisons se sont succédées dans le temps ainsi que schématisé à la Fig. 2. Les pluies ont été légèrement déficitaires, totalisant 1 110mm entre le 15 février et le 21 décembre 1974 (Tableau III). Pendant la période de mars à octobre, la température de l'air sous abris à généralement varié entre 18 et 32°C. D'octobre à janvier 1975, cette variation s'est graduellement accrue, les températures minima étant enrégistrées à partir de fin décembre pendant la saison d'Harmattan (11 à 40°C).
Figure 1 La Côte d'Ivoire, le Lac Kossou (Riv. Bandama) et Kossou: situation géographique, zones de végétation et zones climatiques (I: Zone de la forêt; II: Zone de la savane arborée; III: Zone de la savane herbeuse; S: domaine soudanais; C1, C2 et D: sous-types climatiques du domaine guinéen)
Les vents dominants soufflent à Kossou du secteur Sud à Ouest sauf de décembre à février (Secteur Nord à Est), saison de l'Harmattan. Ils sont généralement de force moyenne (4–14 km/h), en particulier dans la Marina de Kossou, partiellement abritée.
Du point de vue limnologique (Krzelj, 1974), le climat local et le régime fluvial amont se combinent et déterminent dans le lac les cycles thermiques et chimiques annuels. A Kossou, en 1974, le cycle limnologique a été caractérisé par quatre saisons (Tableau III et Fig. 2) comme suit:
mars à juin: températures élevées de l'eau, bonne oxygénation, pluies;
juin à septembre: températures min. de l'eau, assez bonne oxygénation, pluies. Circulation totale I (grande saison des pluies) en début août 1974;
septembre à décembre: températures élevées de l'eau, bonne oxygénation, fin des pluies;
décembre à février 1975: températures peu élevées de l'eau, mauvaise oxygénation, sec. Circulation totale II (grande saison sèche) en janvier 1975.
Des mesures limnologiques régulières, près des élevages, ont révélé au cours de l'année les valeurs extrêmes suivantes:
visibilité du disque de Secchi: 130 à 280 cm;
conductivité (prof. 0 à 3 m): 89 à 123 micromhos/cm;
alcalinité totale (prof. 0 à 3 m): 0,94 à 1,34 meq. L-1 (CO3 fixés);
teneur en ion H+: pH alcalins en général.
Températures et teneurs en oxygène dissous de l'eau circulant dans les cages, certainement les deux variables du milieu aquatique les plus déterminantes pour les élevages, ont été régulièrement mesurées dans la zone superficielle du lac (Tableau III). A 1 m de profondeur, la température de l'eau a varié entre des extrêmes de 25°C (16/7-15/8) et 33°C (16/4-15/5), tandis que la température moyenne mensuelle évoluait entre 26,9 et 29,4°C. Les teneurs en oxygène dissous ont en général été bonnes à assez bonnes, sauf au début de janvier 1975 lorsque débuta à Kossou la seconde circulation verticale totale des eaux, ramenant les eaux profondes désoxygénées en surface. La teneur en oxygène dissous est alors descendue à moins de 2.3 mg. L-1, pendant quelques jours. Un phénomène semblable mais moins prononcé s'était déjà produit au début de la saison des pluies (fin juillet), pendant que ces dernières provoquaient la première circulation totale au sein de la masse d'eau.
2.2 Le matériel d'élevage
2.2.1 Les poissons: Tilapia nilotica
Les alevins de T. nilotica nilotica (Linné 1758) - souche du Nil - nécessaires aux élevages furent obtenus de deux sources:
la Station de Recherches Piscicoles du Centre Technique Forestier Tropical, à Bouaké (majorité des alevins);
la Station d'alevinage de la Direction des Pêches Continentales à Bouaflé (quelques milliers d'alevins).
Dans les deux cas les poissons furent transportés vers Kossou en sacs plastiques, sous air comprimé. Dès leur arrivée, ils furent placés en stabulation et nourris de granulés standards (voir Sec. 2.2.3), soit en cages soit en étang, pendant au moins trois jours avant d'être placés dans les cages en élevage intensif.
Fig. 2 Conditions climatiques et limnologiques prévalentes au cours des élevages en cages à Kossou
TABLEAU III
Variations de la température de l'eau, de la teneur en oxygène
dissous et de la pluviosité à Kossou-Marina en 1974
Mois d'élevage | Temp. de l'eau à 1 m de profondeur, °C | Oxygènediss. mg. L-1 (0–3 m) | Pluies mma | |||
Temp. max.abs. | Temp. min.abs. | Temp. moyenne | ||||
1974 | ||||||
III | 16 mars-15 avr | 32,3 | 26,3 | 28,9 | - | 104 |
IV | 16 avr-15 mai | 33,0 | 27,2 | 29,3 | 4,2–7,0 | 142 |
V | 16 mai-15 juin | 32,2 | 27,2 | 29,4 | 3,2–5,4 | 22 |
VI | 16 juin-15 juill | 31,0 | 25,2 | 27,8 | 2,8–4,6 | 78 |
VII | 16 juill-15 août | 29,6b | 25,0 | 26,9b | 2,8–5,5 | 146b |
VIII | 16 août-15 sep | 30,2 | 25,6 | 27,2 | 3,8–6,2 | 164 |
IX | 16 sep-15 oct | 30,8 | 26,2 | 28,2 | 3,2–8,3 | 211 |
X | 16 oct-15 nov | 32,0 | 27,6 | 29,5 | 4,0–7,8 | 58 |
XI | 16 nov-15 déc | 31,8 | 27,3 | 29,3 | 3,6–7,5 | 5 |
XII | 16 déc-15 jan | 29,9c | 26,3 | 27,9c | 2,3–3,7 | 3c |
b Circulation totale de la seconde saison des pluies
c Circulation totale de la seconde saison sèche (Harmattan)
Il est à noter que T. nilotica a été introduit en Côte-d'Ivoire. en étangs de pisciculture d'abord et dans les eaux naturelles ensuite (Lac Kossou en 1971, par ex., voici déjà plusieurs années. Il y est considéré par les biologistes comme une espèce piscicole de bonne croissance. Il y est fortement apprécié par les consommateurs, mais d'autant plus que la taille est grande. Dans notre cas, la taille marchande minimum a été fixée à 200 g poids vif (longueur standard 170 mm) 2. Il est cependant certain que la valeur commerciale de ce poisson augmente rapidement avec la taille, surtout au-dessus de 300 g.
2.2.2 Les cages flottantes
Le modèle de cage flottante utilisée dans la majorité des cas est illustré à la Figure 3. Sa capacité d'élevage est de 1 mètre cube et le poids total à sec est d'environ 38 kg. La cage consiste de quatre parties distinctes:
la cage proprement dite: un cadre de bois “rouge” (type acajou, vol. env. 0,25 m3 = U.S.$ 30) est assemblé aux dimensions de 1 × 1 × 1,10 m avec renforts de coins et de fond. Ce cadre est recouvert sur cinq de ses faces par du treillis plastique noir (Netlon-Prix FOB fév. 1974 = env. U.S.$ 0,75/m2). Les mailles carrées (2,4 cm de côté) en matériel de 2 mm d'épaisseur laissent 84,8 pour cent de la surface grillagée totale libre pour la circulation de l'eau au travers de la cage;
les deux flotteurs (blocs de styrofoam de 1 × 0,2 × 0,1 m) fixés latéralement dans un cadre de bois blanc;
le couvercle opaque (contreplaqué marin de 1 × 1 × 0,005 m) fixé sur un cadre de bois) est percé d'une porte mobile (30 × 30 cm), prolongée vers le bas par la boîte d'alimentation (contreplaqué marin, 40 cm de profondeur). Cette boîte pénètre ainsi de 20 à 25 cm sous eau;
la mangeoire (Fig. 8): plateforme de bois blanc et de contreplaqué marin, suspendue latéralement en travers de la cage (1 × 0,25 × 0,05 m), à 55 cm sous le couvercle. Cette mangeoire est ainsi immergée en permanence de 30 à 35 cm, à environ 20 cm sous le bord inférieur de la boîte d'alimentation.
Au 15 janvier 1975, quinze cages étaient en opération, attachées en une ligne orientée du Nord-Est au Sud-Ouest, entre deux cordages reliés à un flotteur solidement ancré à chaque extrémité (Fig. 4).
2.2.3 L'alimentation artificielle
Afin de permettre l'intensification des élevages tout en fournissant aux poissons une alimentation artificielle équilibrée et contenant protéines, minéraux et vitamines en quantités apparemment suffisantes, il fut décidé d'utiliser le plus riche des aliments pour volailles fabriqué à Abidjan (Ets. Coco Service). De qualité et composition relativement constante, aisément obtenu en sacs de 50 kg en toutes saisons et d'un prix raisonnable (U.S.$ 0,24/kg), cette “farine de démarrage pour poussins de chair et futures poules pondeuses” - pour régions tropicales - devait nous permettre de lancer les recherches immédiatement. Les problèmes de nutrition proprement dite ainsi que des interactions économiques liées à l'utilisation de sous-produits locaux et à la fabrication d'un aliment pour poissons pourraient être étudiés en un second temps.
Le mélange farineux utilisé consiste de farine de luzerne séchée, de maïs blanc concassé, de son de blé, de tourteaux d'arachide, de farine de poisson et d'un mélange vitaminé3, en proportions indéterminées.
2 Dans le lac même, la relation poids/longueur des T. nilotica introduits paraît être légèrement
différente. A 200 g de poids vif correspond une longueur standard de 165 mm (F.
Roest, communication personnelle) témoignant d'une “condition” supérieure.
3 Par 100 kg de farine, ce mélange vitaminé contient: vit. A (1 million UI); vit. B2 (500 mg);
vit. B3 (1 212 mg); vit. B12 (1,2 mg); vit. D3 (0,2 million UI); vit. E 2 g); vit. K
212 mg); vit. PP (4 g) et choline (70 g).
Fig. 3. Modèle de cage flottante utilisé à Kossou. Capacité d'élevage: 1m3 - Grillage plastique, deux flotteurs latéraux, couvercle opaque avec porte et boîte d'alimentation. La mangeoire n'est pas présente ici. (voir Fig. 8). Notez les renforts de coin des cadres en bois supportant le grillage.
Fig. 4. Les cages flottantes en position dans la Marina de Kossou. Notez dans le fond, à droite, le bateau utilisé lors de la vidange mensuelle des cages.
Fig. 5. La préparation des granulés se fait en forant le mélange poisson-farine humidifié dans un moulin à viande.
Fig. 6. Séchage des granulés à l'air, sous couverture de plastique transparent, avec une bonne ventilation latérale.
Fig. 7 Les granulés pour poissons prêts à l'emploi (diamètre d'environ 3 mm)
TABLEAU IV
Composition chimique des granulés pour poissons utilisés dans les essais
d'élevage en cage. Analyse effectuée par l'Institut pour la Technologie et
l'Industrialisation des Produits Agricoles Tropicaux (ITIPAT, Abidjan - juin 1974)
ELEMENT | TENEUR pour cent |
Humidité | 9,42 |
Protides | 24,50 |
Matières grasses (lipides) | 4,34 |
Cellulose (fibres) | 2,45 |
Cendres | 5,68 |
Extractif non azoté (glucides) | 53,61 |
Calcium | 1,188 |
Phosphore | 0,904 |
Chlorures | 0,904 |
Magnésium | 0,163 |
Fer | 0,054 |
Afin de transformer ce mélange farineux en granulés stables dans l'eau, il est additionné de poisson frais moulu (20 pour cent du poids) et d'eau (50 pour cent du poids). Ces trois ingrédients sont intimement malaxés à la main. Le nouveau mélange humide ainsi obtenu est ensuite forcé au travers d'un moulin à viande équipé de perforations de 3 mm de diamètre (Fig. 5). Les granulés cylindriques ainsi formés sont séchés à l'air pendant 5 à 6 heures, sous un abri plastique transparent bien ventilé (Fig. 6). Ils sont ensuite récoltés (Fig. 7) et stockés jusqu'à utilisation, pour quelques jours au maximum (Shehadeh, 1974).
L'analyse chimique de ces granulés pour poissons (Tableau IV) a confirmé une teneur en protéines de près de 25 pour cent, une humidité de moins de 10 pour cent, et des teneurs sont assez élevées, surtout en calcium et phosphore. La stabilité des granulés immergés est excellente. La distribution de cet aliment s'est faite à la main en fin d'après-midi, chaque jour sauf le dimanche, à raison de 4 à 6 pour cent de la biomasse des poissons présents dans chaque cage, en début du mois d'élevage (voir Sec. 2.3).
2.3 La méthodologie d'expérimentation
Un “élevage” (E) par définition est représenté par la période nécessaire à la production de poissons de tailles marchandes, en utilisant au départ des alevins de tailles individuelles aussi similaires que possible. Cette période a varié de trois à sept mois en fonction du poids moyen (Pm) des alevins utilisés (9 – 55 g) et du type d'élevage expérimenté.
Un “essai” est représenté par la période séparant la mise en charge d'une cage de sa vidange (de contrôle ou définitive). Idéalement, un essai dure un mois (30 jours) mais dans quelques cas une durée plus courte a dû être admise.
Il en résulte qu'un élevage est constitué de plusieurs essais qui ont permis de suivre de près l'évolution des populations en cage, sans excessivement en perturber le déroulement normal. Cette méthode a également permis de réajuster régulièrement la ration alimentaire en fonction de la production observée4. L'inconvénient majeur en est l'augmentation des manipulations et des risques de mortalités en résultant. Celles-ci ont cependant été réduites (moy. 2,4 pour cent) par une organisation rationnelle du travail, en équipes. Cette mortalité due aux vidanges des cages a été estimée par la récolte des poissons morts dans les trois jours de leur remise en charge.
Une fois par mois, chaque cage est donc vidée (Fig. 8) et l'ensemble des poissons vivants présents en est pesé et dénombré. Un échantillon d'au moins 20 pour cent en nombre est ensuite prélevé pour être soumis à des observations plus complètes. La détermination pour chaque individu de la taille (longueur standard à ± 1 mm) et du poids frais (à ± 2 g) permet ensuite d'établir la courbe de fréquence des poids pour la population de chaque essai.
Trois types d'élevage ont été expérimentés en 1974, au cours d'un premier cycle annuel de production:
le type standard (STD) destiné à servir d'étalon dans le futur: alimentation de granulés standards (voir Sec. 2.2.3), à la dose journalière de six pour cent de la biomasse initiale mensuelle (six jours/semaine); élevage continu de la population initiale mise en charge;
le type combiné - trié (CT) destiné à améliorer la qualité marchande des poissons récoltés en fin d'élevage (tailles plus uniformes): deux cages sont combinées et alimentées comme ci-dessus; mais leurs populations sont triées en deux tailles après deux mois d'élevage. La cage contenant les “grands” individus (G) est exploitée deux mois plus tard tandis que celle contenant les “petits” individus (P) l'est seulement en fin du cinquième ou sixième mois;
le type alimentation réduite (AR) destiné à réduire le quotient nutritif, tout en maintenant une bonne croissance: alimentation standard réduite à 4 pour cent de la biomasse initiale mensuelle, après deux mois d'élevage (Pm env. 100 g).
Fig. 8 La vidange des poissons: la cage est soulevée à tribord du bateau à l'aide de cordages et d'une potence. Notez la boîte d'alimentation et la mangeoire transversale
Fig. 9. Echantillon de T. nilotica élevés en cage et récoltés après trois mois d'élevage en E01 (Pmi = 55 g; Pmf = 270 g). Exemplaires de longueur standard de 200 à 220 mm, équivalent à un poids vif de 360 à 475 g chacun.
Le programme d'expérimentation a été limité dans son importance par le nombre et le type d'alevins de T. nilotica actuellement disponibles aux environs de Kossou, au moment des vidanges finales des cages. Cependant, entre le 14 mars 1974 et le 15 janvier 1975, douze élevages ont été réalisés, totalisant 1 499 jours (125 jours par élevage en moyenne) et 51 cages - mois d'essais. Au cours de cette même période, douze cages au maximum ont été opérées simultanément, sur un total de quinze cages disponibles en janvier 1975. Les récoltes ont totalisé 698 kg, soit 3 546 poissons de taille marchande (Pm 197 g) et présentant une excellente condition (Fig. 9).
3.1 Les essais mensuels de croissance et de production
Les résultats des essais mensuels d'élevage en cages de T. nilotica en 1974 dans le Lac Kossou sont présentés au Tableau V (élevages du type standard), au Tableau VI (élevages du type combiné - trié) et au Tableau VII (élevage avec alimentation réduite).
3.1.1 Taux spécifiques de croissance mensuels
La croissance moyenne des individus de la population de poissons étudiée, rapportée à une période standardisée de 30 jours de durée, est exprimée par le “taux spécifique de croissance” (TSC). Cet index se définit comme la différence des poids moyens individuels final (Pmf) et initial (Pmi), exprimée en pour cent de ce dernier:
le Pmf observé étant proportionnellement ajusté à une période de 30 jours, si la durée de l'élevage en est différente.
En 1974, ce taux spécifique de croissance a varié entre les limites de 142 et 29 pour cent. Sa valeur moyenne générale a été de 56,3 pour cent. Une valeur supérieure à 100 pour cent n'a été observée que dans des populations constituées de petits individus (Pmi<25 g). Par contre, les TSC les plus bas (env. 30 pour cent) ne sont mesurés que pour des populations de biomasse initiale élevée (plus de 45 kg/m3) et constituées de gros poissons (Pmi>170 g), sauf du 15 décembre 1974 au 15 janvier 1975 (Période XII).
En effet, une relation assez étroite existe, pour tous les types de traitement, entre TSC et la biomasse initiale (Fig. 10). Cette relation (type exponentiel décroissant), une fois estimée mathématiquement pour les diverses saisons et les divers traitements, devrait permettre de prédire la croissance mensuelle moyenne des individus dans les populations élevées en cage.
Dans les limites des essais réalisés, une relation similaire existe entre TSC et Pmi. Les croissances moyennes en longueur et en poids observées au cours des divers élevages sont présentées plus en détails à la Section 3.2.1.2 (Fig. 12).
3.1.2 Productions mensuelles
La production mensuelle de chaque cage est exprimée par le “gain en poids” observé en fin d'une période standardisée à 30 jours (g/mois/m3), ainsi que par le “taux spécifique de production” (TSP). Similairement au TSC, cet index se définit comme le gain en poids enregistré après 30 jours d'élevage et exprimé en pour cent de la biomasse initiale (Bi):