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SECTION III: SYSTEMS AND TECHNIQUES OF AQUACULTURE (contd.)

4. DISCUSSION GENERALE DE LA METHODE D'ELEVAGE DE POISSONS EN CAGES

Les modalités suivant lesquelles des poissons ont été élevés en cage ainsi que les résultats obtenus ont été synthétisés à l'échelle mondiale, sur la base de la documentation mise à ma disposition (Tableau XI)5. C'est à la fois sur la base de ces données et des observations faites personnellement à Kossou que sera conduite la discussion ci-dessous, traitant des problèmes associés en général à l'élevage de poissons en cage, et en particulier à celui de T. nilotica dans le Lac de Kossou.

4.1 Les cages d'élevage de poissons

Les cages d'élevage doivent idéalement être bon marché, tout en étant suffisamment durables. Ces critères sont satisfaits différemment selon les matériaux localement disponibles, selon le type d'élevage choisi, et selon les investissements qui peuvent être consentis dans l'optique économique locale.

En élevage du type traditionnel, les matériaux habituellement utilisés sont des lattis de bambou et de bois ou des planches (Cambodge, Indonésie et Thaïlande). En élevage du type intensif, les pisciculteurs préfèrent du filet en nylon (Japon par exemple) ou le grillage, métallique ou plastique (Etats-Unis, par exemple). Ce dernier présente les grands avantages d'être très léger, très durable (si des précautions élémentaires sont prises lors des manutentions) et relativement bon marché. Il semble également que le grillage plastique cause moins de blessures aux poissons que le grillage métallique. La croissance des algues y est parfois moins rapide et plus facilement contrôlée que sur du filet nylon (Milne, 1972).

Un trop faible taux de renouvellement de l'eau de la cage pouvant fortement diminuer la production en poissons (Schmittou, 1969), l'importance relative des vides existant dans les parois de la cage doit toujours être tenue en considération. Par exemple, le grillage plastique Netlon à mailles de 8 mm de côté n'offre que 60 pour cent d'ouverture alors que les mailles de 24 mm de côté en offre 85 pour cent. Pour I. punctatus, R.A. Collins (1970b) recommande des mailles d'au moins 13 mm de côtés. En présence d'une croissance excessive d'organismes (algues, bryozoaires, etc.) sur les parois des cages, leur nettoyage régulier doit être effectué. La position de la cage par rapport aux courants induits par le vent en particulier, au sein de la masse d'eau, peut également affecter la production (Schmittou, 1969).

Lorsque un cadre de soutien rigide est utilisé, il est fait de bois ou de métal (aluminium ou acier par exemple). Le désavantage majeur du bois est son poids qui augmente en cours d'élevage, au fur et à mesure qu'il s'imbibe d'eau. Par contre l'utilisation de ce matériau, facile à façonner et assembler, diminue dans bien des cas le prix de revient des cages, par exemple à Kossou.

La présence d'une couverture opaque peut avoir pour avantages de réduire la croissance des algues, d'empêcher la prédation, de diminuer les risques de vol, et d'encourager les poissons à mieux s'alimenter. Ce dernier point, essentiel pour I. punctatus (Schmittou, 1969), n'est cependant pas valable pour S. gairdneri, beaucoup moins farouche (R.A. Collins, 1972). Ceci pourrait être le cas également pour T. nilotica.

La nécessité d'une boîte d'alimentation destinée à contenir la nourriture et diminuer les pertes, semble controversée. Etendue à l'entière surface supérieure de la cage, elle ne contribue que peu à limiter la dispersion des aliments par les poissons. Partielle, elle favorise les poissons les plus aggressifs au détriment des autres. Une boîte d'alimentation de 25 × 45 cm d'ouverture n'a pas donné satisfaction dans l'élevage d'I. punctatus au delà de la taille de 340 à 450 g (C.M. Collins, 1972). Pour S. gairdneri, il est recommandé de ne pas utiliser de boîte d'alimentation partielle (R.A. Collins, 1972). Il semble que ce serait également le cas pour T. nilotica en présence d'un granulé flottant. Cependant avec des granulés ordinaires, la boîte d'alimentation réduit considérablement les pertes en nourriture, surtout si la mer est agitée et qu'un courant d'eau traverse la cage.

5 Je remercie vivement le Dr. Z. Shehadeh pour m'avoir procuré plusieurs publications inaccessibles en Côte-d'Ivoire.

TABLEAU XI

Modalités et résultats des élevages de poissons en cage à travers le monde en eaux douces et en eaux saumâtres

PAYS
Type élevage
(1)
ESP. PISCICOLE

(2)
CHARGE MOY. CAGESCAGES
Type et lieu
(7)
DUREE
ELEVAGE
(8)
RECOLTE MOY.PRODUCTION
kg/m
(11)
ALIMENT. ARTIFICIELLEREFERENCE
(15)
Type
(3)
Ni
(4)
Ni/m3
(5)
kg/m3
(6)
Type
(9)
kg/m3
(10)
Type
(12)
Quant.
(13)
Qn
(14)
COTE-D'IVOIRE
Kossou Expérim.1974
T. nilotica

(moy. gén.)
9–55 g
(29 g)
215 à 488
-
215 à 488
(340)
2–21
(9,8)
Cages flottantes 1 m3 - Lac92 à 164 jrs
(125 j)
157 à 271 g
(197 g)
35 à 76
(61,1)
35 à 64
(50,8)
12,9/mois
Granulés prot. 25%3 à 6%
1 fois/jr
2,6 à 3,7
(3,1)
Observations personnelles
ETATS-UNIS
Alabama Expérim.
T. nilotica (T. aurea)13,6 g-286 à 8573,9 à 11,7Cages flottantes (0,7 m3) en étangs156 jrs(?)(?)(?)Granulés flottants
Intensif
(?)1,2 à 1,7Pagan, 1970
TANZANIE 
Expérim.
T. zillii2,6 g
53 mm
3 538830,216Cages flottantes en filet + bambou3 mois15,6 g 91 mm(1,25)(1,0)Mélange: déch. brass+far.poiss.15–30%(?)Ibrahim et al., 1974
T. esculenta19 g
98 mm
2 362190,360Lac Victoria
(a) 3,5 × 3,5 × 3,5 m
43 m3 (8 mm)
6 mois46,6 g 142 mm(0,84)(0,48)(10:1) + feuilles50%(?)
T. zillii + T. esculenta16,3 g
90 mm
936220,360(b) 5 × 5 × 5 m
125 m3 (20 mm)
5 mois83,1 g
82,2 g
(1,74)(1,38) 1 fois/jr(?)
CAMBODGE
Traditionnel

THAILANDE
Semi-trad.
Pangasius spp.
Poisson-chat
80 à 100 g7 50046 à 1004–10Cages flottantes bambou ou planches 40 à 75 m2 × 2 m Bords rivières8–10 mois1 000 à 1 200 g(80)----Hickling, 1962
 P. sutchi (50%)
Ophicephalus
spp. (33%)
C. batrachus
Puntius
spp.
---10–30

suivi de mortalité élevée
Env. 1 000 cages (4 × 3 × 2 m moy.) 4 000 t/an

Bords rivières
--Annuel 160-Poisson Riz + son Maïs

 Végétx.
10–15% 4–6% en

2–3 fs/jr
8–10Anon., 1970a

Ling, 1967
THAILANDE
Semi-trad.
Pangasius spp.
Poisson-chat
alevins-150 à 300-Cages flottantes----Poisson
Son riz
-(?)Bardach et al., 1972
INDONESIE
Ouest Java Semi-trad.
C. carpio
Carpe commune
8 à 12 cm200 à 4001762,6Cages sur fond
Bambou - Riv. org. 2,25 × 1,2 × 0,65 m Moy. 1,7 m3
4 mois180 à 200 g2–3 mois 37-NaturelNéant-Hickling, 1962
JAPON
Commerc.
C. carpio70 g3 50019413,6Cages flottantes en filet nylon 9 m2 × 2 m - Lacs6–8 mois800 g--Intensif(?)(?)Anon., 1969a
Expérim. 1963
C. carpio80 à 100 g-30–352,0
(0,7–4,5)
Ibidem
7 à 81 m2 × 2 m en Lacs
3–5 mois400 à 600 g10–337,5 à 20Intensif(?)1,1 à 2,5Kuronuma, 1968
U.R.S.S.
Expérim. 1965
C. carpio40 g-100 à 2504,2 à 9,75Cages flottantes filet nylon
3 m2 × 1 m
Lacs + effl. chds.
3,5 mois390 à 480 g48–9840–90
(26/mois)
Intensif végétal + 10–15% prot.anim.25–50% en x repas(?)Gribanov et al., 1968
ETATS-UNIS
Commerc.
I. punctatus
Poisson-chat, ictalure
--195 à 200-Cages flottantes
Etangs + Lacs
----Intensif
Gran.flott.
--Bennett, 1971
Commerc.
I. punctatus15 cm
30 g
-390 Cages flottantes
Mailles > 1,8 cm
Etangs + Lacs
6 mois650 à 700 g--Intensif
Granulés flottants
3–11% R.A. Collins, 1970b
Texas Commerc.
I. punctatus---38–99Cages flottantes
1 m3 - effl. chd.
30 jrs-69–17830–79Gran.flott.4%
2 fs/jr
1,3R.A. Collins, 1970a
Oklahoma Expérim.
I. punctatus12–23 cm
25–60 g
216 à 360216 à 3605,4 à 21,6Cages flottantes
1 m3 - Lac
7–9 mois380 à 570 g97–19791–175
(20/mois)
Purina
Trout
Chow flott.
1,75 à 6%
(1 fs/jr)
1,4 à 1,7C.M. Collins, 1972
Alabama Expérim.
I. punctatus20 g-400 à 5008–10Cages flottantes
Etangs
5–6 mois450 g180 +-PTC flottant(?)1,25Anon., 1969c
Alabama Expérim.
I. punctatus194 g-300 à 50058–97Cages flottantes
Etangs 1 et 2,9 m3
40 jrs-180 +57–89
(73,3)
PTC flottant1,5 à 4%1,0 à 1,6Schmittou, 1969
S. Nebraska Expérim.
I. punctatus15 g490 à 5002163–3,3Cages flottantes 2,29 m3161 jrs220 à 28535,5 à 5732–54PTC flottant(?)1,2 à 1,3Feit, 1971
S. Illinois Expérim.
I. punctatus12–15 cm
25–30 g
2002867–8Cages flottantes
0,7 m3 - Lac
saison
(t°>16°C)
750 g--(?)(?)(?)Anon., 1970b
ETATS-UNIS
S. Illinois Expérim.
S. gairdneri
Truite arc-en-ciel
--242-Cages flottantes
Lac
saison
froide
-33 +30,3Intensif
Granulés
(?)(?)Buck et al., 1970
cité Tatum, 1973
Arkansas Expérim.
S. gairdneri56,7 g400 à 700274 à 48015,5 à 27,2Cages flottantes
1,458 m3 - Lac
s.froide
115 jrs
163 g45 à 8027,6 à 55,3Intensif
Granulés
(?)1,4 à 1,7R.A. Collins, 1972
CHILI
Expérim.
S. gairdneri6–8 g
6 mois
3 200
6 400
40–800,25 à 0,65Cages flottantes filet - Lac
4 × 4 × 5 m = 80 m3
12–14 mois150
200 g
4,6(4,6)Intensif
Granulés
(?)1,6 à 2,0Arroyo, 1973
CANADA
Québec Expérim.
S. fontinalis
Saumon de fontaine
10–15 cm1 20053-Cage flottante filet - Lac
22,656 m3
-------Séguin, 1970
JAPON
Commerc.
S. quinqueradiata
Yellowtail, sériole
5–10 cm
10–50 g
1 500 à 2 500100,15 à 0,55Cages flottantes bambou + filet
144 m3 - Baies mar.
7,5 mois1 000 à 2 000 g10–15-Poisson fraisIntensif
2 fs/jr
(?)Ling, 1973
ETATS-UNIS
Alabama Expérim.
S. gairdneri
Truite arc-en-ciel
93,8 g-196 à 39218,4 à 36,8Cages flott. cyl.
0,76 m3 - Baies mar.
4 mois317 à 355 g(103+)29 à 65Purina
Tr. Chow
3–5%
2 fs/jr
3,3 à 4,7 (mort.)Tatum, 1973
Floride Expérim.
T. carolinus
Pompano
7 g100 à 900100 à 9000,7 à 6,3Cages flott. alum.
1 m3 - Baie mar.
11–12 mois454 gmax.
113–116
-Intensif(?)(?)Anon., 1973a
Washington Expérim
Commerc.
Oncorhynchus spp.
Saumon Pacifique
10–20 g-(?)(?)Cages flottantes
50 × 12 × 3 m = 1 800 m3 - Baies mar.
7 mois300 à 400 g(16+)-Granulés
Orégon
(?)1,0Anon., 1973b
Milne, 1972

4.2 Les espèces piscicoles élevées en cage

Comme nous l'avons vu précédemment (Sec. 1.3), les espèces piscicoles destinées à l'élevage en cages doivent répondre à des critères bien définis, Parmi ceux-ci, le potentiel d'adaptation à l'environnement “cage” est très important pour assurer la réussite des élevages. Par exemple, il est actuellement reconnu que l'adaptabilité de S. gairdneri à cette méthode de production est très élevée et bien meilleure que celle d'I. punctatus, le poissonchat nord américain (R.A. Collins, 1972). Il n'y a pas de doute que la carpe commune ne soit aussi un poisson convenant fort bien à ce traitement. Nos récentes observations sur le comportement de T. nilotica en cages confirment celles de Pagan (1969), qui lui a également reconnu un excellent potentiel d'adaptation.

L'un des grands avantages d'élever T. nilotica en cages est qu'il ne s'y multiplie pas, résolvant ainsi le grave problème de surpopulation, caractéristique de la pisciculture conventionnelle des tilapias en général. L'élevage en cages n'empêche pas nécessairement les tilapias de se reproduire mais il est peu probable que des oeufs, même fertilisés, parviennent à se développer avec succès dans une cage flottante contenant une forte densité de poisson. Pagan (1969) a été jusqu'à considérer qu'il n'y pas de reproduction en cages. Ibrahim et al. (1974) signalent que T. esculenta et T. zillii ont atteint la maturité dans ces conditions mais qu'il n'y a pas eu de reproduction, malgré la très faible densité des élevages. Nos observations sur T. nilotica donnent des résultats identiques6.

Le potentiel de T. nilotica est d'autant plus accru que son taux de survie en cages est très élevé, même dans des conditions occasionnellement défavorables (Pagan, 1969). Cela s'explique en grande partie par un métabolisme relativement peu élevé et une grande tolérance thermique. A 25°C, la consommation d'oxygène dissous d'alevins de 2 g n'est que de 14,8 cc/h/100 g de poids vif, soit 3,7 fois moins que des alevins similaires de S. trutta maintenus à leur température optimale (Denzer, 1968). Le métabolisme par unité de poids diminuant au fur et à mesure que ce dernier augmente, il peut être conclu que T. nilotica devient particulièrement résistant à un déficit passager en oxygène dissous, à partir de 20–30 g. Cette hypothèse est confirmée par les observations faites à Kossou en fin janvier 1975, lorsque aucune mortalité ne survint alors que le taux en oxygène dissous dans les cages n'était que de 1,1 mg/L à 26,7°C, en début de journée. Bien que la température optimale se situe aux environs de 25°C, des alevins de 2 g ont survécu entre 11 et 42°C, démontrant ainsi une grande tolérance thermique (Denzer, 1968). La résistance aux manipulations s'est également révélée très grande.

La résistance de T. nilotica aux maladies et aux parasites est apparemment forte (Pagan, 1969). Alors qu'I. punctatus élevé en cages semble assez susceptible aux maladies bactériennes (par exemple C.M. Collins, 1973), aucune observation ne confirme une telle sensibilité pour T. nilotica, ni dans les élevages d'Alabama ni dans ceux de Côte-d'Ivoire. Au Lac Victoria, les élevages de T. esculenta et de T. zillii ont été attaqués par Saprolegnia (Ibrahim et al., 1974), mais il se pourrait qu'un terrain favorable y ait été créé par une alimentation déficiente.

La mortalité des poissons élevés en cages est généralement peu élevée, si les principes d'élevage sont correctement appliqués. Aux Etats-Unis, pour I. punctatus, elle varie en générale entre 2 et 10 pour cent (8 mois en moy. - C.M. Collins, 1972). En Alabama pour des individus de 194 g au départ, elle n'a été que de 0,4 à 0,8 pour cent en 40 jours (Schmittou, 1969). Dans des élevages en forte densité de S. gairdneri (Pmi = 56,7 g), la mortalité n'a été que de 0,6 pour cent en quatre mois (R.A. Collins, 1972). A Kossou, la mortalité dans les élevages de T. nilotica (5,9 pour cent; Sec. 3.2.2) a été légèrement supérieure à celle des élevages précédents, dû probablement aux manutentions nécessitées par l'expérimentation.

6 T. mossambica se serait reproduit avec succès dans des cages flottant dans le Lac Atitlan, Guatemala (Bardach et al., 1972, p. 365).

4.3 L'alimentation artificielle

L'alimentation artificielle est indispensable aux poissons élevés en cage. Sa composition et sa présentation ainsi que la quantité distribuée journellement influencent fortement son rendement et la production piscicole.

4.3.1 Le type d'alimentation artificielle

L'alimentation utilisée dans l'élevage en cages varie essentiellement suivant les aliments disponibles, adaptés à l'espèce piscicole et au type d'élevage considéré (Tableau XI). En élevages traditionnels, ce sont principalement des sous-produits locaux non traités (riz, maïs, déchets de brasserie, poisson frais non commercialisable), qui sont placés dans les cages (Cambodge et Thaïlande). En élevages commerciaux, ce type d'alimentation n'est préféré (au Japon par exemple) qu'en l'absence d'une nourriture artificielle fabriquée industriellement (mélange de sous-produits locaux), équilibrée (vitamines et minéraux) et conditionnée sous forme de granulés relativement stables dans l'eau (Etats-Unis et Europe). Les granulés du type “flottant” semblent préférables.

La composition de l'alimentation est d'importance primordiale dans le mantien d'un rendement maximum dans l'utilisation des calories alimentaires pour l'élaboration de tissus (Phillips, 1972). Il faut donc idéalement distribuer un aliment (nutritionnellement) complet, équilibré quant aux différentes sources calorifiques, et adapté à l'espèce piscicole produite. Cependant, les besoins nutritionnels exacts de T. nilotica ne sont pas encore connus. En pisciculture conventionnelle intensive, les tilapias sont nourris de granulés de composition similaire à celle des autres espèces d'eaux chaudes (Ghittino, 1972). Hastings (1973), au cours d'essais, a utilisé avec succès une formule normalisée contenant entre autres 35,7 pour cent de protides, 5,8 pour cent de lipides et 33,8 pour cent de glucides.

En cages, en élevages intensifs, l'aliment le plus utilisé aux Etats-Unis semble avoir été un aliment flottant pour truites élevées en canal cimenté (par exemple, Purina Trout Chow à 40 pour cent de protéines) ainsi qu'un aliment flottant spécial pour poissonschats (par exemple, Purina Catfish Cage Chow à 36 pour cent de protéines). A Kossou, les granulés donnés au T. nilotica ont été du type non flottant et nettement moins riches en protéines (24,7 pour cent).

Le régime alimentaire de T. nilotica, dans son milieu naturel, se caractérise par une très grande diversité à prédominance végétale (par ex., Daget, 1954; Lowe McConnell, 1958; Yashuov et Chervinski, 1960, 1961; Moriarty et Moriarty, 1973). Il accepte très bien toute sorte de sous-produits agricoles et industriels ainsi que les granulés (Hastings, 1973). Etant un omnivore à tendance végétarienne, il semble donc a priori que l'aliment artificiel idéal devrait contenir un taux assez élevé d'hydrate de carbone comme source calorifique (d'ap. Phillips, 1972). En fait, le granulé utilisé à Kossou se conforme bien à cet apparent besoin puisque sa teneur en glucides atteint 53,6 pour cent (Tableau IV). Cette haute teneur en glucides peut, dans un aliment, compenser la faible teneur relative en protides (Hastings et Dickie, 1972), et cela pourrait s'appliquer dans le cas particulier d'un poisson à tendance végétarienne comme T. nilotica.

4.3.2 La ration alimentaire journalière

Dans les cages, la quantité de nourriture naturelle accessible aux poissons étant insignifiante, le choix de la ration alimentaire journalière en vue d'un rendement optimal de la nourriture artificielle revêt beaucoup plus d'importance qu'en étangs (Shell, 1967a). Ce choix est d'autant plus difficile que la relation existant entre le taux d'alimentation (exprimé en pour cent de Bi poids vif des poissons) et le taux de conversion de cette alimentation (quotient nutritif) est fonction de l'espèce piscicole, de la taille des individus, de la qualité de l'alimentation et de la température de l'eau (Shell, 1967b). Pour des T. nilotica en étang nourris de granulés contenant 46 pour cent de protéines, Swingle (1967) recommande des rations journalières de 0,05B (individus de moins de 50–60 g) et 0,03B (individus de 50 à 300–350 g). Toujours en étangs mais ávec des granulés moins riches en protéines (35,7 pour cent), Hastings (1973) a choisi une ration de 0,04B. Pour une croissance optimum, I. punctatus consomme journellement 3 pour cent de son poids vif jusqu'à la taille de 500 g et 2 pour cent ensuite (Ghittino, 1972). La quantité relative de nourriture nécessaire diminue en effet au fur et à mesure que la taille individuelle des poissons augmente (Phillips, 1972), mais il existe très peu d'information quant à la mesure exacte de cette interaction (Shell, 1967a). De plus, le taux d'alimentation requis augmente avec la température de l'eau. Ces variations expliquent l'inconsistence apparente des rations alimentaires journalières utilisées dans les élevages en cages (Tableau XI).

A Kossou, les T. nilotica ont été alimentés à raison de 3 à 6 pour cent de la biomasse présente. Il semble que cette ration pourrait être légèrement diminuée afin d'en améliorer le rendement (voir Sec. 4.3.3). La valeur énergétique des granulés utilisés étant relativement élevée (env. 3 500 cal/kg) renforce cette opinion7.

Il a été démontré que la fréquence de l'alimentation journalière joue un rôle important (Shell, 1967a). T. nilotica n'ayant pas d'estomac proprement dit et la capacité du “bulbe intestinal” étant relativement faible, il pourrait être souhaitable de fractionner la ration alimentaire en plusieurs repas. Dans ce cas, celle-ci pourrait probablement être un plus élevée, tout en conservant un rendement avantageux (Shell, 1967b). Cette augmentation de la fréquence des repas se justifie également par la lenteur relative de la digestion chez T. nilotica. Les drèches de brasserie par exemple ne sont digérées qu'en 12 heures, alors que Clarias lazera les digère en 6 h seulement (Micha, 1973).

4.3.3 Rendement de l'alimentation artificielle

Le rendement de l'alimentation artificielle dans un élevage en cage y réflète essentiellement l'interaction des poissons (taille et densité), de la nourriture (qualité, ration et distribution), et de l'environnement physico-chimique, en particulier température de l'eau, teneur en oxygène dissous et taux de renouvellement de l'eau dans la cage. De tous les paramètres de production piscicole, le quotient nutritif (Qn) est celui qui s'est révélé le plus affecté par des conditions défavorables d'élevage (Schmittou, 1969).

Pour une ration alimentaire identique, le rendement de la nourriture distribuée diminue lorsque la taille individuelle augmente, ou lorsque la densité de charge est trop faible ou trop élevée. D'autre part, la relation entre le taux de conversion de la nourriture et la ration alimentaire étant parabolique, le rendement diminue également de part et d'autre d'une ration optimale (Swingle, 1962, cité dans Hastings et Dickie, 1972).

Dans l'élevage intensif de poissons en cages, le rendement de l'alimentation varie en général de 1,2 à 1,7 kg de granulés flottants par kilogramme de poisson produit (Tableau XI). Aux Etats-Unis, en général, un granulé énergétiquement riche (40 pour cent protéine) et flottant possède un Qn = 1,3 avec I. punctatus (C.M. Collins, 1972). Les élevages en cages de petits alevins de T. nilotica en Alabama, avec une alimentation probablement similaire, ont un Qn de 1,2 à 1,7 (Pagan, 1970). Par contre en étangs, Swingle (1967) utilisant des granulés à 46 pour cent de protéine a atteint, pour cette même espèce, des valeurs minimes de 0,7 à 1,2 (Qn moy. = 1,0). En bassins cimentés, Hastings (1973) expérimentant avec des teneurs protéiques variables de 20 à 40 pour cent a observé un Qn minimum de 1,1 pour 30 pour cent de protides alors qu'il augmentait à 1,8 et 3,3 pour des teneurs respectives de 25 et 20 pour cent de protides. Dans un autre essai similaire par contre, le Qn minimum (1,5) a été mesuré pour 40 pour cent de protéines, une augmentation graduelle de sa valeur étant obtenue avec la diminution de la teneur protéique.

Au cours de nos essais, il semblerait donc qu'il y ait eu un gaspillage de nourriture et cela pour plusieures raisons:

7 Tenant compte d'une digestibilité estimée, chez T. nilotica, à 90 pour cent pour les protides, 85 pour cent pour les lipides et 80 pour cent pour les glucides, la valeur énergétique des granulés reste encore d'environ 2 900 cal/kg.

  1. de la mi-décembre à la mi-janvier, la teneur en oxygène dissous a atteint des valeurs probablement défavorables aux poissons, sans cependant causer de mortalité apparente (Tableau III);

  2. une ration alimentaire trop élevée, surtout pour les poissons de plus de 60 g;

  3. une densité trop faible ou trop élevée de l'élevage;

  4. un aliment granulé non-flottant;

  5. une alimentation un peu trop pauvre en protéines.

Mais la combinaison des types d'élevage “combiné-trié” et “alimentation réduite” semble devoir permettre l'amélioration du rendement de l'aliment actuel.

4.4 La croissance moyenne des poissons élevés en cages

La croissance moyenne individuelle des poissons élevées en cage diminue lorsque les conditions physico-chimiques d'environnement deviennent défavorables. Par exemple, la présence autour de la cage de mailles réduisant dans une trop grande proportion les échanges d'eau à travers la cage diminue significativement la croissance d'I. punctatus, même en l'absence d'algues (Schmittou, 1969). A Kossou, une diminution similaire de la croissance de T. nilotica a été observée lorsque la teneur en oxygène dissous dans les cages a atteint des valeurs proches de 2,3 mg/L, en janvier 1975 (Tableaux III et V).

Le taux de croissance diminue également lorsque la biomasse des poissons augmente. Ce phénomène a été observé en cages pratiquement pour toutes les espèces: pour I. punctatus (C.M. Collins, 1972); pour T. carolinus (Anon., 1973a); pour C. carpio (Gribanov et al., 1968); pour S. gairdneri (Tatum, 1973); et pour T. nilotica (Pagan, 1970). Nos résultats confirment cette relation (Fig. 8).

D'autre part, la croissance moyenne augmente lorsque la ration alimentaire augmente, le taux de croissance maximum ne correspondant pas nécessairement au rendement optimum de l'alimentation (Shell, 1967b). Dans l'essai 053 par exemple (Tableau VI), la ration a été plus importante que dans d'autres essais comparables et a résulté en une croissance relativement élevée de T. nilotica (TSC = 58 pour cent au Pmi 176 g), le quotient nutritif atteignant cependant une valeur relativement grande.

En cages, il semble que ce soit C. carpio qui, en général, démontre la croissance la plus rapide, passant de 40–80 g à plus de 400 g en quatre mois environ (Tableau XI). En 6–8 mois, elle atteint 800 g et plus, la charge initiale étant cependant relativement faible (14 kg/m3 max.). La croissance d'I. punctatus semble également très bonne, pouvant atteindre plus de 700 g en une saison d'élevage de 7–8 mois, en densité faible (7–8 kg/m3). Par contre, S. gairdneri présente un accroissement moyen en poids beaucoup moins prononcé, un peu plus de 100 g en quatre mois. T. nilotica paraît se situer, au point de vue croissance en cages, entre ce dernier et le premier groupe. En élevages standards (Tableau V), le poids moyen augmente en trois mois de 120–200 g suivant que la biomasse initiale est élevée (20 kg/m3) ou moyenne (10–14 kg/m3). En quatre mois, la croissance atteint généralement 150–180 g en charge moyenne.

Hastings (1973), nourrissant des T. nilotica en étangs (2 alevins/m2 - alim. 0,04 Bi) avec des granulés riches (31,7 et 35,5 pour cent de protéines), a observé une croissance moyenne de 80–85 g en trois mois. D'après Micha (1973 - Fig. 38) et dans des conditions semblables, la croissance moyenne en quatre mois atteint 130 g environ. Avec des drèches de brasserie, l'accroissement par contre n'est que de 50 g et 70 g, respectivement, en trois et quatre mois. En six mois, il n'est encore que de 90 g. Il semble donc que la croissance moyenne individuelle de T. nilotica élevés en cages et nourris de granulés à 25 pour cent de protéines soit plus importante qu'en étangs, où la charge est cependant bien moins forte par unité de volume.

T. nilotica présente un dimorphisme sexuel caractéristique, la croissance des mâles étant beaucoup plus élevée que celle des femelles. En étangs et en culture monosexe, Micha (1973 -Fig. 37) a observé une croissance moyenne des mâles de 2,7 à 2,8 fois supérieure à celle des femelles après 3–4 mois d'élevage, la croissance des mâles étant de 40 g et 55 g respectivement. Les résultats de l'élevage E05 (essais 008, 014, 022 et 025) d'une population monosexe mâle a démontré une bien meilleure croissance globale (Fig. 12) que les autres élevages comparables (en part. E04). En trois et quatre mois, la croissance moyenne a été respectivement de 150 g et 220 g (Tableau V), non seulement plus élevée qu'en étangs mais aussi meilleure que les valeurs obtenues dans les élevages normallement constitués.

4.5 La production des élevages en cages

Comme c'est le cas pour la croissance individuelle, la production des poissons élevés en cages diminue en conditions physico-chimiques défavorables. Par exemple, une réduction des échanges d'eau par de petites mailles (6,4 mm au lieu de 12,3 mm) a diminué la production d'I. punctatus de moitié (Schmittou, 1969). Dans notre cas, les productions comparativement réduites observées subitement au cours de la période du 16 décembre au 15 Janvier (Tableau V, Fig. 9) ne peuvent s'expliquer que par une détérioration des conditions d'oxygénation de l'eau (Tableau III, Fig. 2). Cette détérioration, liée au cycle thermique annuel, coïncide avec la seconde circulation totale de la masse d'eau qui, dans le sud du lac de Kossou, a lieu au cours de la saison froide et sèche (décembre à février).

La production totale des cages s'accroît en même temps que la biomasse initiale augmente (Pagan, 1970; C.M. Collins, 1972; Tatum, 1973), du moins jusqu'à une charge initiale optimale, fonction du traitement de l'élevage et en particulier de sa durée, de son alimentation et de l'espèce piscicole. Cet optimum correspond alors, en fin d'élevage, à la capacité de charge maximum. Celle-ci peut être excessivement élevée comme par exemple dans les élevages américains du poisson-chat (I. punctatus: 200 kg/m3). Dans les élevages de C. carpio, elle atteint au moins 60 kg/m3 (Gribanov et al., 1968). En Arkansas, la capacité d'une cage contenant S. gairdneri a atteint 80 kg/m3 (R.A. Collins, 1972) et en Alabama plus de 100 kg/m3 (Tatum, 1973), tandis qu'en Floride l'on arrivait à 166 kg/m3 avec T. carolinus en milieu saumâtre (Anon., 1973a). Comparé à de telles valeurs, la capacité de charge maximum à Kossou pour T. nilotica élevé quatre mois en cage peut être qualifiée d'intermédiaire (90–100 kg/m3).

A cette capacité maximum de la cage correspond une production maximum. Les données sont peu nombreuses à ce sujet. Pour C. carpio, la production maximum semble supérieure à 90 kg/m3 (Gribanov et al., 1968). En neuf mois et pour I. punctatus, elle se situerait vers 175 kg/m3 (C.M. Collins, 1972). Pour S. gairdneri, elle semble varier entre 55 et 65 kg/m3 (R.A. Collins, 1972; Tatum, 1973). Pour T. nilotica en élevage à Kossou (Fig. 13), la production maximum est estimée à environ 68 kg/m3. En résumé, les productions maximum moyennes par mois d'élevage des principales espèces étudiées peut donc être estimées comme suit et comparées à celle de T. nilotica:

  1. C. carpio: 26+ kg/m3/mois (3,5 mois);

  2. I. punctatus: 20 kg/m3/mois (9 mois);

  3. T. nilotica: 17 kg/m3/mois (4 mois);

  4. S. gairdneri: 15+ kg/m3/mois (4 mois).

En fait la variation entre les espèces est relativement réduite et T. nilotica se classe, comme pour la croissance moyenne, en position intermédiaire.

L'évolution de l'élevage vers cette capacité et cette production maxima des cages se fait nécessairement au départ d'une charge initiale de biomasse (poids moyen et densité) bien définie, que l'on peut qualifier de biomasse initiale optimale (Bi opt.). Pour T. nilotica, Pagan (1970) avait déjà observé que Bi = 11,7 kg/m3 ne permettait pas, en élevage intensif, d'atteindre en cinq mois la production maximum. A Kossou (Fig. 13), pour quatre mois d'élevage, il semblerait que Bi opt. = 22 kg/m3 environ. Pour les autres espèces élevées intensivement en cage, les estimations par mètre cube de cage sont les suivantes (Tableau XI): C. carpio (6, 5 mois), 25 kg (Dr Huisman, communication personnelle); I. punctatus (neuf mois), 22 kg; S. gairdneri, 25 kg.

Les productions réalisées dans les élevages expérimentaux et commerciaux varient beaucoup en-deçà des productions maxima possibles, dans les limites reprises ci-dessous (Tableau XI):

EspèceP (kg/m3)P (kg/m3/mois d'élevage)
C. carpio  7,5 – 902 – 25
I. punctatus  30 – 1756 – 19
S. gairdneri27 – 607 – 15
T. nilotica (Kossou)35 – 646 – 17

Les productions observées au cours d'une première année d'élevage de T. nilotica à Kossou apparaissent donc très encourageantes. Ceci d'autant plus que la période favorable à de tels élevages en climat tropical semble devoir s'étendre, dans les conditions actuelles, sur environ 300 jours par an, du moins dans le sud du Lac de Kossou8. Cette situation devrait normalement s'améliorer dans quelques années, lorsque le lac se sera stabilisé chimiquement. Dans une telle éventualité, la production pourrait alors dépasser 150 kg par cage par an et même atteindre, dans les conditions les plus favorables, 200 kg/m3/an.

D'après les travaux récents de Micha (1973) en République Centrafricaine, les productions de T. nilotica (2 alevins/m2) observées en étangs peuvent varier, en élevage intensif, entre 25 kg/are/an (drèches de brasserie) et 67 kg/are/an (granulés à 32 pour cent de protéines végétales). Deux ares d'étang bien nourris produisent donc annuellement un maximum de 140 kg de poissons de tailles très diverses (alevins compris), soit environ 100 kg de poissons commercialisables (plus de 100 g) dont peu d'individus de taille supérieure à 200 g. Cette production équivaut quantitativement a celle d'UNE seule cage d'un mètre cube de volume mais qualitativement les poissons de cette dernière ont une valeur marchande bien plus grande (voir Sec. 4.6).

Il a été démontré (Sec. 3.2.4) que l'exploitation rationnelle des populations de T. nilotica élevées en cages peut se faire, en général, à quatre ou cinq mois. En étangs par contre, il faut attendre au moins douze mois en monoculture de la même espèce, alimentée de drèches de brasserie, dû à une reproduction non contrôlée et difficilement contrôlable (Micha, 1973).

4.6 La récolte en poissons: qualité et profit

Après avoir examiné les résultats des élevages en cages d'un point de vue purement biologique, il s'agit maintenant de combiner ce dernier avec les aspects économiques de telles opérations. Dans cette dernière optique, un élevage efficient n'est pas nécessairement celui qui produit le poids le plus élevé de poisson. L'efficience, en fait, consiste à produire un poisson de bonne valeur marchande avec un rendement acceptable de la nourriture, au cours d'une période donnée et en quantité économiquement satisfaisante. La notion de biomasse initiale optimale introduite précédemment (voir Sec. 4.5) doit donc être redéfinie comme étant “la biomasse de poisson la plus importante qui peut être efficacement élevée en cage au cours d'une période donnée, jusqu'à la taille marchande”. C'est la biomasse initiale économiquement optimale (BIEO).

8 Dans le nord du lac, la période favorable atteint vraisemblablement au moins 330 jours.

Sur la base des données de la section précédente (Sec. 4.5) il est certain que cette BIEO, exprimée par unité de volume9 de la cage considérée, dépend de l'espèce piscicole en élevage. Cependant elle dépend aussi (Schmittou, 1969) de la qualité de l'eau, de la biomasse pouvant être efficacement produite avec l'alimentation disponible, de la mortalité escomptée, de la durée de l'élevage et de la taille marchande des poissons récoltés. Les résultats de l'élevage se mesurent cette fois au coût unitaire de production du poisson et au bénéfice net total rapporté à l'investissement (C.M. Collins, 1972).

La commercialisation des poissons élevés en cages se fait de préférence en frais, généralement après trois à huit mois d'élevage plus ou moins intensif, selon l'alimentation disponible et la valeur marchande du poisson produit. La taille marchande de celui-ci varie d'une espèce à l'autre, et pour la même espèce, d'un pays et même d'une saison à l'autre. C. carpio (sauf en Indonésie) et le poisson-chat (en Asie particulièrement) se commercialisent à une taille relativement grande, plus de 600 g en général (Tableau XI). Par contre les truites elevées en cages étant destinées au marché de luxe grandissant du “poisson-portion”, leur poids individuel à la vente ne dépasse guère 200 g. Le saumon (S. salar) est élevé jusqu'à une taille relativement grande de plusieurs kilogrammes. La taille marchande des tilapias varie énormément en Afrique. En République Centrafricaine, elle est de 100 g (hastings, 1973), tandis qu'en Côte-d'Ivoire, elle dépasse parfois largement 200 g. Des poissons atteignant cette taille se vendent cependant sans difficultés et à bon prix. Ce dernier varie actuellement de 100 à 500 CFA.Fr./kg suivant la région et la saison, le prix maximum étant atteint sur le marché d'Abidjan.

Dans les limites de charge décrites précédemment (Sec. 4.6), le coût de production du poisson par kilogramme diminue quand la biomasse initiale augmente. Le bénéfice net total montre la même relation. Parmi les divers élevages d'I. punctatus testés, C.M. Collins (1972) a obtenu un profit optimum de l'élevage des plus grands alevins (20–23 cm) à la plus forte densité (360 par m3). De même en Floride, c'est l'élevage de pompano à la densité la plus élevée (900 par m3) qui a donné le bénéfice le plus important, U.S.$ 160 par cage en 11 mois environ (Anon., 1973a).

Ces résultats suggèrent donc, des points de vue économique et biologique, des élevages au départ de biomasses initiales élevées. Ce type d'élevage est cependant plus délicat à conduire. Il exige une bonne circulation d'eau propre et bien oxygénée à travers les cages ainsi qu'une alimentation intensive équilibrée et adaptée à la population présente dans chaque cage. Le prix de revient de cette alimentation, basée de préférence sur les sous-produits locaux, est déterminant dans le coût de production, et ainsi dans les bénéfices réalisables. C'est le problème urgent à résoudre actuellement en Côte-d'Ivoire, avant de permettre à l'élevage de poissons en cages de se développer sur une base économiquement saine.

Il a été discuté précédement (Sect. 3.2.4) de la qualité commerciale des poissons produits en cages à Kossou. Il en ressort que la taille des alevins à mettre en charge initialement ne doit pas de préférence être inférieur à 20 g. Dans toute la mesure du possible, elle devrait atteindre de 25 à 30 g en moyenne, dans une population de tailles individuelles relativement uniformes. Dans un élevage du type combiné-trié, l'exploitation peut alors se faire à 120 jours (exploitation partielle) et à 150 jours (exploitation finale). Cette double exploitation présente le grand avantage d'étaler dans le temps la réalisation des profits, tout en uniformisant la qualité des récoltes. Par contre, ce type d'élevage augmente les manutentions (triage à 60 jours) et les risques de mortalité qui les accompagnent.

Sur la base des connaissances actuelles, c'est l'élevage du type standard qui semble donc donner le plus de garantie de succès. Si la taille des alevins disponibles reste identique (20–30 g), l'exploitation commerciale ne peut être envisagée qu'après 150 jours. Si l'on veut raccourcir cette durée de l'élevage à 120 jours, il faut envisager une charge initiale d'alevins plus gros (40 g par exemple).

9 Il a été démontré que le facteur limitant le nombre de poissons qui peuvent être placés en élevage intensif n'est pas l'espace dont dispose chaque poisson mais bien le volume d'eau par poisson. Ce volume d'eau peut être grandement augmenté par une circulation accrue, permettant ainsi une forte augmentation de la densité de l'élevage (Bardach et al., 1972).

Le problème de l'alevinage de T. nilotica, controlé dans le temps à la fois des points de vue qualité et quantité, se pose donc si l'on envisage le développement futur de l'élevage de cette espèce en cages. Dans les conditions climatiques de Côte-d'Ivoire, T. nilotica se reproduit pratiquement toute l'année, sans grandes difficultés. Cependant le nombre d'alevins produits en moyenne par ponte est relativement peu élevé (env. 500 à 600). Une bonne croissance de ces alevins (Pm 25 g en 2 mois env.) ne semble s'obtenir en étangs d'alevinage qu'à la densité relativement faible de quatre individus par m2 au maximum (M. Planquette, comm. pers.). La charge d'une cage nécessitant environ 800 alevins de 25 g chacun, il faudrait donc actuellement mobiliser 200 m2 d'étang d'alevinage pendant deux mois, pour chaque cage à mettre en charge. Pour 500 cages cela représente donc 10 ha, un investissement important qui ne peut être financé au départ, principalement dans un pays en voie de développement, qu'avec l'aide de l'Etat. Afin de réduire cet investissement, il semble cependant souhaitable dès à présent de mettre au point une méthode d'alevinage de T. nilotica plus adaptée à des besoins réguliers et importants en alevins calibrés.

5. REMERCIEMENTS

Les résultats présentés n'auraient pu être atteints sans le support matériel de M. Planquette, Directeur de la Station de Recherches Piscicoles du CTFT, à Bouaké, qui nous a fourni la majorité des alevins nécessaires. Je le remercie vivement ainsi que M. A. Vieyra, Directeur des Pêches Continentales de Côte-d'Ivoire, qui a mis la Station d'alevinage de Bouaflé à ma disposition. Je suis aussi reconnaissant au Dr. Z. Shehadeh, Officier de Pêches FAO-Rome, pour ses conseils et encouragements prodigués au cours de ses deux missions à Kossou.

Mes sincères remerciements vont également au personnel des équipes de menuiserie (Dir. M. D. Ekissi), de pêche (Dir. M. N. Niaba), et de biologie (MM. M. Fofana et K. Koffi) pour leur aide précieuse dans la construction des cages et la réalisation du plan expérimental. Le personnel de la Section de Limnologie, sous la direction de M. S. Krzelj (FAO) a recueilli les données climatiques et physico-chimiques nécessaires à la bonne interprétation des résultats biologiques.

M. S. Krzelj a exécuté avec compétence l'intérim pendant mes absences afin d'assurer la continuité des recherches, ce dont je lui suis très reconnaissant. L'Autorité pour l'Aménagement de la Vallée du Bandama (AVB) représentée en la personne du Dr. A. Fanny, Directeur du Projet Pêche, a constamment assuré le financement nécessaire aux recherches. Qu'ils trouvent ici l'expression de toute ma gratitude.

Ce travail a été réalisé dans le cadre du Projet de Développement de la Pêche au Lac Kossou, assisté financièrement par le Programme de Développement des Nations Unies et exécuté par la FAO, en collaboration avec l'AVB. Les idées exposées ici n'engagent que ma propre responsabilité et ne réflètent pas nécessairement les vues de ces Organisations.

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LISTE D'ABREVIATIONS

abs.absolu
ap.après
Bbiomasse
Bi    "          initiale mensuelle
Bf    "          finale mensuelle
°Cdegré centigrade
cgcage (un mètre cube)
cmcentimètre
ddensité (N/m3)
Eélevage
E (STD)    "       standard
E (CT)    "       combiné-trié
E (AR)    "       alimentation réduite
exc.excepté
excl.exclu
Ggrands poissons (relatif)
ggrammes
ind.individu
Jrs., j.jours
kgkilogramme
LSlongueur standard (poisson)
Mpoissons mâles seulement
mmètre
mort.mortalité
moy.moyen, moyenne
ms.mois
Nnombre (poissons)
Ni    "       initial
Nf    "       final
nourr.nourriture
Ppetits poissons (relatif)
Pmpoids moyen
Pmi    "    initial
Pmf    "    final
Prod.production
prof.profondeur
Qnquotient nutritif
Ssaison
tr.transition
TSCtaux de croissance spécifique
TSPtaux de production spécifique

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