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4. PROPAGATION ARTIFICIELLE DU POISSON (continuer)

4.3 Technologie de la reproduction artificielle (continuer)

4.3.5 Développement et incubation des oeufs

Sitôt fécondé, l'oeuf amorce son développement, selon un processus d'évènements complexes. Les oeufs sont mis à incuber dans les conditions les plus favorables à un développement normal et capables d'assurer leur survie. Durant l'incubation, le cycle embryonnaire se poursuit à l'abri de l'enveloppe de l'oeuf, que les larves finiront par briser au moment de leur éclosion.

4.3.5.1 Schéma général du développement de l'oeuf de poisson. Au moment où l'oeuf achève de gonfler, les deux parties du germe sont bien constituées et tout à fait distinctes, non seulement de forme mais aussi de couleur. Le pôle animal s'élève comme un petit mamelon au-dessus de la masse du vitellus et devient jaune foncé. Au bout de peu de temps, dont la durée dépend de la température de l'eau, commence le clivage du pôle animal et le “mamelon” constitué d'une cellule unique se segmente successivement en 2, 4, 8, 16 et 32 cellules (Fig. 27). A ce stade, l'oeuf ressemble à une mûre (morus en latin), d'où le terme de stade “morula”. Les segmentations successives produisent un “blastoderme” multicellulaire, constitué au début d'une seule couche de cellules. Graduellement, apparaîtront plusieurs assises de cellules qu'on nomme “blastomères”, qui deviennent de plus en plus petites au fur et à mesure que leur nombre se multiplie. Au stade morula, l'embryon est extrèmement sensible aux secousses, qui peuvent arracher les cellules de la surface de l'oeuf, provoquant la mort de l'embryon. Dans les blastomères se creuse finalement une cavité interne, le blastocèle, entre le vitellus et la masse des cellules. A ce stade de sphère creuse, l'embryon est la “blastula”.

Au début, les cellules du blastoderme se disposent sur le vitellus, formant au-dessus de sa masse une sorte de calotte, ou de disque. Au fur et à mesure que progresse la segmentation, les cellules recouvrant le vitellus finissent par l'entourer complètement, ne laissant à une extrémité qu'une petite ouverture: le blastopore. Plus tard, celui-ci se fermera à son tour complètement, marquant le point de transition entre le stade initial de développement du germe et le développement de l'embryon.

La masse cellulaire s'épaissit en forme de demi-anneau à l'opposé du blastopore et, aux deux extrémités, apparaissent les bourgeons céphalique et caudal. Bientôt, les extrémités, de la tête et de la queue sont clairement discernables, tandis que les premiers segments du corps deviennent visibles. Les yeux se développent comme “vésicules optiques” sur la tête, alors que le bourgeon caudal croît longitudinalement (Fig. 28). A mi-chemin de la morphogenèse embryonnaire, le coeur se forme et commence à battre, en même temps que se développe un système capillaire (ou un gros vaisseau sanguin) à la surface de la masse vitelline. L'embryon amorce progressivement des contractions intermittentes de la queue, qui s'étendent ensuite au corps tout entier. Plus tard, il commence à se retourner dans l'espace périvitellin. Cette torsion et d'autres mouvements deviennent de plus en plus vigoureux avant l'éclosion.

Les métabolites de l'embryon contiennent certaines enzymes, dont l'action dissout de l'intérieur la membrane de l'oeuf et, en l'affaiblissant, permet à l'embryon de la rompre facilement et d'éclore.

Le temps que mettent les oeufs à se développer varie généralement selon les espèces (Tableau 3). Mais il dépend aussi de la température pendant l'incubation et de l'oxygénation au début du processus. Un faible apport d'oxygène durant la dernière moitié du développement n'en ralentira pas le rythme, mais peut tuer l'embryon.

En eau froide, la morphogenèse de l'embryon et l'action dissolvante des enzymes sur la membrane de l'oeuf sont considérablement ralenties, à tel point que l'embryon peut être retenu longtemps dans l'oeuf, parfois jusqu'à plusieurs jours. Toutefois, comme l'embryon n'interrompt pas son développement, les larves qui écloront seront plus avancées. Des températures élevées, au contraire, provoquent l'éclosion prématurée d'embryons incomplètement formés, pour la plupart incapables de survivre. C'est pourquoi, il est recommandé de maintenir pendant toute la période de développement de l'embryon une température optimale dans les incubateurs.

Tableau 3
Durée du développement de l'oeuf chez différentes espèces

Nom du poissonTempérature optimale d'incubation °CNombre de jours ou d'heuresjours-degrés
Carpe commune
(Cyprinus carpio)
20–22
3,5–4 jours
60–70
Sandre
(Stizostedion lucioperca)
10–15
7–11 jours
100–110
Brochet
(Esox lucius)
8–15
8–12 jours
120
Poisson-chat européen (Glane)
(Silurus glanis)
22–25
2,5–3 jours
50–60
Tanche
(Tinca tinca)
22–25
3 jours
60–70
Carpe chinoise
(Ctenopharyngodon idella)
22–25
1–1,5 jours
24–30
Carpe argentée
(Hypophthalmichthys molitrix)
22–25
1–1,5 jours
24–30
Carpe grosse tête
(Aristichthys nobilis)
23–26
1–1,5 jours
26–30
Rohu
(Labeo rohita)
24–30
14–20 heures
20–22
Catla
(Catla catla)
24–30
14–20 heures
20–22
Poisson-chat d'Asie
(Pangasius sutchi)
28–29
23–25 heures
?
Clarias macrocephalus26–30
18–20 heures
?
Gourami géant
(Osphronemus goramy)
28
44–48 heures
?
Ictalure tacheté
(Ictalurus punctatus)
24–30
14–20 heures
20–22
Mulet cabot
(Mugil cephalus)
20–22
50–60 heures
?
Coporo
(Prochilodus mariae)
25–26
17–18 heures
18–20
Sapoara falsa
(Curimata sp.)
25–26
15–16 heures
16–18
Cachama
(Colossoma oculus)
25–26
18–19 heures
?

Il est également nécessaire de protéger les oeufs au cours de leur développement contre leurs ennemis comme les bactéries et les champignons (Saprolegnia). Les attaques bactériennes et fongiques affaiblissent l'enveloppe de l'oeuf qui perd de sa dureté et se ride pour, finalement, éclore prématurément (Fig. 29). On peut l'éviter en traitant les oeufs au tannin (solution de 5 à 8 g dans 10 litres d'eau) pendant la dernière moitié de leur développement (Fig. 30). Ce traitement peut, toutefois, provoquer une éclosion tardive, car le tannin dénature les protéines de la membrane superficielle de l'oeuf, empêchant les enzymes de dissoudre cette enveloppe. Le traitement sert aussi à prévenir une éclosion précoce ou à retenir l'embryon dans l'enveloppe. Les embryons peuvent, cependant, être amenés à éclore au moment souhaité si l'on brise mécaniquement l'enveloppe des oeufs en les agitant vigoureusement. Il ne faudra pas retarder l'éclosion des oeufs qui auront été traités au tannin peu de temps avant la fermeture du blastospore, car, au cours de leur développement ultérieur dans l'incubateur, l'assise de l'enveloppe dénaturée par le tannin doit disparaître.

4.3.5.2 Technologie de l'incubation de l'oeuf de poisson. Le développement de l'oeuf est un processus rapide, surtout chez les poissons tropicaux et subtropicaux, aussi, est-il difficile d'identifier chez ceux-ci autant de phases du développement qu'on en trouve chez la truite et le saumon. Les principaux stades discernables sont le gonflement de l'oeuf, le développement du germe et les phases de la morphogenèse embryonnaire. Pour assurer aux larves une survie dans de bonnes conditions, il est nécessaire de prendre soin des oeufs au cours de ces différents stades de développement en les plaçant dans les incubateurs appropriés.

Sujétions de l'oeuf de poisson au cours de son développement. Tout au long de celui-ci l'oeuf a besoin d'un apport continu d'oxygène à haute concentration, dont la consommation, négligeable aux stades inititaux, s'accroît au fur et à mesure dans des proportions considérables. Pour que l'oeuf se développe normalement dans de bonnes conditions, il doit se trouver à la même température que celle à laquelle le poisson s'est adapté dans la nature: des températures supérieures ou inférieures influeront défavorablement sur le processus de développement et compromettront tout l'effort du pisciculteur. Celui-ci doit donc veiller avec le plus grand soin à maintenir l'eau à une température optimale pendant la période d'incubation.

Une eau pure et dépourvue de plancton constitue une autre condition fondamentale du fonctionnement des écloseries. Une eau polluée est capable de causer des difficultés considérables. De même, la faune planctonique, particulièrement les copépodes du genre Cyclops, peut détruire en masse les oeufs et les larves (Fig. 29).

Au cours de leur développement, les oeufs excrètent certains déchets nuisibles, comme le CO2 et le NH3, qui, si on les laisse s'accumuler dans l'eau, peuvent empoisonner les oeufs. Il faut donc les éliminer continuellement au fur et à mesure de leur production en maintenant un courant d'eau constant.

Les oeufs de la plupart des espèces de poissons sont très sensibles aux secousses et autres chocs d'origine mécanique, surtout au moment des premiers clivages, pendant les phases morula. Un violent courant d'eau survenant brusquement dans l'incubateur peut détruire tous les oeufs en très peu de temps.

Chez certaines espèces, les oeufs sont extrèmement sensibles à l'ultra-violet et aux radiations du spectre visible. Aussi, dans la plupart des cas, est-il essentiel d'incuber les oeufs en un endroit situé bien à l'ombre.

4.3.5.3 Incubateurs à oeufs de poisson. L'ingéniosité humaine s'est employée à imaginer plusieurs types d'incubateurs capables de répondre aux diverses exigences des oeufs de différentes espèces. Le type d'appareil utilisé en un endroit quelconque dépend de la nature des oeufs à incuber et aussi du genre d'accessoires qui y sont aisément disponibles. Car même les plus couramment utilisés ne sont pas toujours faciles à trouver et le prix de leur commande à l'étranger pourrait être prohibitif. Très souvent, il n'y a pas d'autres possibilités que de fabriquer sur place les incubateurs avec les matériaux locaux. Ces appareils peuvent rendre d'excellents services et, de toute façon, ils sont bien moins coûteux que les incubateurs commerciaux.

Il est préférable, quel que soit le modèle utilisé, de les alimenter par gravité avec un courant d'eau pure, car ce genre de système ne fera probablement jamais défaut. Nous décrivons dans les paragraphes suivants les différents incubateurs les plus couramment utilisés.

Incubateurs du type auge. Les auges, qui sont des incubateurs du type le plus primitif, sont utilisées pour l'éclosion des oeufs de truite. L'eau entre à une extrémité et s'évacue à l'autre bout par un trop plein (Fig. 31). Ces bacs, généralement longs de 1 à 3 m, conviennent pour l'incubation des oeufs lourds, comme ceux des salmonidés; mais ils peuvent aussi servir à l'incubation des oeufs attachés à des “nids”.

Le bac d'incubation est un meilleur dispositif que l'auge. Il consiste en deux boîtes, l'une à l'intérieur de l'autre (Fig. 31). La boîte intérieure a le fond percé de trous, ou bien constitué d'un tissu filtrant. L'eau pénètre par en-dessous et lave les oeufs lourds qui restent immobiles. Ce système est plus efficace que l'auge pour l'incubation des oeufs de salmonidés ou pour les oeufs attachés au matériau des nids artificiels.

Les auges sont utilisées pour l'incubation des oeufs d'ictalure, également pour les oeufs qui adhèrent aux nids artificiels ou qui s'agglutinent les uns aux autres. Celles utilisées pour l'ictalure, larges de 50 cm, profondes de 25 et longues de 2,50 m, sont en aluminium ou en tôle d'acier (Fig. 32). Des séparations mobiles peuvent être disposées dans l'auge pour isoler les oeufs d'âge différent, chaque compartiment devant être muni de ses propres tuyaux d'arrivée et d'évacuation d'eau.

Un axe de 25 cm de diamètre traverse l'auge en son centre et dans toute sa longueur, faisant fonction d'arbres à pales qui repose sur des paliers montés à chaque extrémité de l'auge et, éventuellement, sur les séparations. Les pales de tôle sont espacées entre les paniers où l'on met les oeufs à incuber. L'arbre, qui doit tourner à 30 rotations/minute, est entraîné par un moteur électrique d'¼ de CV (à 1 750 rpm), par l'intermediaire de deux poulies de transmission, l'une de 25 cm de diamètre, l'autre de 3 à 4 elle-même fixée au centre d'une grande poulie de 30 cm.

Les paniers contenant les oeufs sont suspendus par des crochets aux parois de l'auge. Profonds de 7,5 à 8 cm et eux-mêmes partagés en deux ou quatre compartiments, ils sont faits de treillage métallique à maille de 5 à 6 mm. Les pales fixées sur l'arbre doivent être suffisamment longues pour descendre au-dessous du niveau du fond des paniers, de manière que, en tournant, elles produisent sur les oeufs une agitation de l'eau analogue à celle que provoque le mâle en éclosion naturelle. L'auge doit être alimentée par un courant continu d'eau fraîche et bien aérée.

C'est pour l'incubation des oeufs d'ictalure tacheté que l'on utilise les auges modernes les plus efficaces. La masse d'oeufs, agglutinée en bloc, est agitée par des pales qu'entraîne un moteur électrique ou une roue hydraulique. L'agitation doit être juste suffisante pour remuer toute la masse d'oeufs; sinon, ceux-ci risqueraient d'être projetés hors des paniers. L'eau d'alimentation doit être bien aérée et les déchets promptement enlevés.

Incubateurs en forme d'entonnoir. La Fig. 33 montre comment ils se présentent. L'appareil d'origine est la bouteille de Zoug, en verre, dans laquelle l'eau entre par le fond à travers un petit cône d'entonnoir et sort par l'extrémité supérieure. Le courant ascendant maintient les oeufs en suspension et en mouvement sur toute la hauteur de la colonne d'eau. Pour éviter que l'eau ne gicle au dehors, un trop-plein est prévu sur la coiffe en plastique (ou en métal) de l'incubateur, à moins qu'il ne soit inséré à travers une rustine de chambre à air dans le haut de la bouteille. Ce genre d'incubateurs à entonnoir peut aussi être en terre cuite, en plastique ou en toile, monté avec du tissu filtrant. La rigidité de la forme conique est maintenue par un cadre, ou deux anneaux (au moins) de métal ou de bambou. Pour éviter qu'une arrivée d'eau trop forte n'endommage les oeufs, on munit le fond soit d'une pomme d'arrosoir (ou de douche), soit de un ou deux entonnoirs de cuisine en plastique (Fig. 34 et 35).

Les bouteilles de Zoug (ainsi nommées d'après le lac de Zoug, en Suisse, où elles ont été pour la première fois employées) étaient en verre et d'une capacité de 6 à 10 litres. Ce sont aujourd'hui des jarres de fibre de verre, dont le contenu varie de 40 à 80 ou à 200 litres. On utilise aussi de grands incubateurs à entonnoir en métal, mais dont il faut peindre l'intérieur en teinte neutre, à moins de les doubler d'une feuille de plastique. Les incubateurs à entonnoir faits d'une feuille de plastique (Fig. 36) tiennent environ 6 à 8 litres de liquide s'ils ne sont pas immergés; tandis que ceux qui le sont, faits de toile et de tissu filtrant combinés (Fig. 35), ont une capacité variant entre 15 et 100 litres.

La bouteille de MacDonald est un récipient de verre, à corps cylindrique allongé et à fond sphérique (Fig. 33). L'eau, qui pénètre à travers un tube fixé dans le corps cylindrique et descend jusqu'au fond de la bouteille, agite et brasse continuellement la masse d'oeufs.

Dans les incubateurs du type entonnoir (bouteilles de MacDonald incluses), les oeufs sont séparés les uns des autres, retournés et brassés continuellement par le courant d'eau ascendant qui leur apporte suffisamment d'oxygène et évacue les déchets. Mais il importe de bien régler le débit pour ne pas risquer d'endommager les oeufs.

Ces modèles à entonnoir sont les appareils les plus couramment utilisés pour l'incubation. Ils s'emploient avec les oeufs non-collants de poids spécifiques différents, ainsi qu'avec ceux dont la couche adhésive a été éliminée. On peut aussi les utiliser pour les oeufs qui adhèrent aux nids artificiels. Ils requièrent un débit d'eau de 0,2 litre/min au début du développement de l'oeuf (pour un incubateur d'un volume d'environ 10 litres), puis de 0,5 à 1 litre/min après la fermeture du blastospore. Un brassage modéré et lent des oeufs est signe d'un débit correct de l'arrivée d'eau.

Incubateurs à cylindre ou tambour à révolution. Ces appareils sont faits de tissu filtrant tendu sur un cadre métallique (Fig. 37). Le haut et le fond du cylindre sont en bois ou en métal, avec une ouverture pour introduire les oeufs et enlever les larves écloses. Le tambour, qui tourne autour d'un axe quand il est placé dans une rivière, est entraîné par une roue à aubes ou bien par un moteur électrique. On fait incuber dans cet appareil les oeufs lourds qui roulent au fond, comme ceux des esturgeons et des mahseers.

Ces cylindres (ou tambours) à révolution peuvent être fabriqués facilement dans n'importe quel atelier mécanique. Leur avantage est de pouvoir incuber un grand nombre d'oeufs, quoiqu'on éprouvera quelques difficultés à manutentionner les oeufs et à enlever les larves écloses.

Incubation en bacs aérés. En l'absence d'eau courante, les oeufs flottants peuvent être mis à incuber dans de grands récipients, où l'on crée un mouvement et une oxygénation continus en pompant de l'air à l'intérieur. Les bulles d'air agitent l'eau, obligent les oeufs à flotter et fournissent de l'oxygène. On met approximativement de 300 à 400 oeufs par litre d'eau dans ces récipients ce qui signifie que 400 000 oeufs environ peuvent être incubés dans 1 m3. Ce type d'incubateur est utilisé pour faire éclore les oeufs du mulet cabot (Mugil cephalus), en maintenant la salinité à 32 pour cent, la température à 22°C et l'oxygène à environ 7 parties pour mille.

Incubation en “hapas”. Le hapa, qui mesure en général 2 m × 1 m × 1 m, consiste en deux chambres faites de tissu filtrant, l'une à l'intérieur de l'autre (Fig. 38). Les oeufs sont versés sur le hapa intérieur, dont la maille est de 2 à 2,5 mm. Le hapa extérieur a une maille encore plus fine pour retenir les larves, qui, lorsqu'elles éclosent, tombent dans le hapa extérieur à travers les mailles larges du hapa intérieur. Les enveloppes d'oeufs et les oeufs morts, toutefois, restent dans le hapa intérieur. On implante en général les hapas dans des fonds d'eaux libres, où le courant fournit l'oxygène requis.

Incubation dans des plateaux où l'agitation des oeufs est produite par un goutte-à-goutte. Les oeufs incubent normalement si on les maintient épars sur un plateau creux contenant 1 ou 2 cm d'eau et si un goutte-à-goutte régulier y tombe d'une hauteur de 20 à 30 cm. Le goutte-à-goutte doit être assez efficace pour fournir suffisamment d'oxygène et pour éliminer les déchets. Selon la taille des oeufs, 5 à 10 de ceux-ci peuvent être incubés sur 1 cm2 de plateau. On peut utiliser cette méthode pour les oeufs lourds et pour ceux qui s'agglutinent en bloc. Toutefois, elle ne vaut que pour les incubations expérimentales, pas pour la propagation de masse.

Incubation dans une chambre de vaporisation (ou d'aspersion). Les oeufs collés aux nids artificiels, qui ont un espace périvitellin très étroit et une enveloppe suffisamment dure, peuvent être incubés dans une chambre d'aspersion (Fig. 39). Par cette méthode, les oeufs absorbent l'oxygène de l'air, qui en contient 20 fois plus que l'eau même saturée d'oxygène. En recouvrant la surface de l'oeuf d'une couche d'eau très fine, ou bien en maintenant l'oeuf juste humide, l'oxygène de l'air peut y pénétrer par diffusion. Pour maintenir constamment humide la surface des oeufs, des pommes d'arrosoir vaporisent dessus une fine averse d'eau, à la pression de 0,5 à 4,5 atmosphères. Les oeufs de sandre, qui s'agglutinent en grappes épaisses sur les “nids”, sont incubés de cette façon. Même les oeufs logés profondément dans la grappe reçoivent ainsi suffisamment d'oxygène. Au contraire, si ces nids artificiels sont tenus immergés dans l'eau, beaucoup d'oeufs nichés à l'intérieur de la grappe périront par manque d'oxygène. En outre, la chambre d'aspersion permet d'éviter l'infection par Saprolegnia, qui, comme les autres champignons, ne supporte pas l'agitation de l'air. Ce n'est que lorsque les oeufs sont prêts à éclore que l'on met le “nid” dans l'eau.

Si l'on dispose de courant électrique, on pourra utiliser un compresseur domestique pour alimenter ces chambres en eau, à condition que celle-ci soit bien pure.

4.3.5.4 Technique chinoise de reproduction des carpes locales. La technique chinoise de production en masse de carpes locales, telle qu'elle est pratiquée par les paysans eux-mêmes, est unique, car elle n'utilise que du matériel et des outils du cru. La technique est simple et ne requiert aucune connaissance, adresse, ou précision spéciales. Elle ne demande que certaines installations, telles que des bassins pour la fraie et l'incubation qui sont adjacents aux étangs des reproducteurs.

Bassins-frayères. Ce sont habituellement des bacs circulaires de ciment, de 8 à 9 m de diamètre et profonds de 1,20 m à 1,50 m, d'une capacité de 50 m3 (Fig. 40). Leur fond présente une pente de la périphérie vers le centre, où se trouve un tuyau d'écoulement relié à la chambre de collecte des oeufs. Les parois du bac sont percées d'orifices obliques, d'amenée d'eau, afin de créer un courant de circulation pendant la période de fraie. Le courant d'eau permanent aide à induire la ponte de ces géniteurs de rivière.

Chaque bassin est pourvu d'une chambre où les oeufs fécondés se rassemblent automatiquement et d'où ils sont retirés, comptés et transférés dans les bassins ou appareils d'incubation. Le tuyau de sortie du bassin-frayère est pourvu d'un filtre qui facilite la collecte des oeufs pour le comptage. Ce dispositif est un manchon de tulle moustiquaire à maille fine (2 à 2,5 mm) et de 45 cm de diamètre, placé diagonalement du fond vers le haut et aboutissant à la chambre de collecte des oeufs, elle-même faite également de tulle moustiquaire et mesurant 60 × 40 × 30 cm. Le courant d'eau qui se déverse hors du bassin-frayère véhicule les oeufs, qui flottent déjà, dans la chambre de collecte d'où ils sont retirés périodiquement. Ce grand bassin-frayère exige un débit d'eau courante qui peut atteindre 200 à 400 litres par seconde.

Bassin d'incubation et d'éclosion. Ce sont des bassins circulaires (de 3,50 m à 4 m de diamètre et profonds de 1 m) à une ou plusieurs chambres d'incubation (Fig. 41). Un anneau intérieur, constitué en partie de tissu filtrant, empêche les oeufs et les larves d'être entraînés par le tuyau d'évacuation.

Lorsque le bassin comprend plusieurs chambres, celles-ci sont concentriques et séparées entre elles par des parois de ciment, munies de “fenêtres” sur lesquelles est tendu serré un tissu filtrant à mailles très fines. La circulation de l'eau étant ici particulièrement importante, plusieurs tuyaux sont disposés obliquement depuis le fond du bassin et en travers de celui-ci. Là où l'alimentation en eau courante est insuffisante, on se sert de roues à pales pour activer la circulation des oeufs dans le bassin, dont la vitesse doit être de 0,20 m à 0,30 m par seconde. Cette vitesse est suffisante pour faire rouler les oeufs au fond des bassins, afin de simuler les conditions naturelles d'incubation et d'éclosion en rivière.

Les larves nouvellement écloses sont ensuite transférées dans des nasses de filet installés dans un bassin voisin, jusqu'à ce qu'elles aient résorbé leur vésicule et rempli d'air leur vessie natatoire. Les larves sont ensuite transférées dans les bassins de premier alevinage soigneusement préparés à l'avance, ou bien envoyées à d'autres exploitations piscicoles.

Les Chinois utilisent aussi des jarres d'incubation du type entonnoir, dont quelquesunes sont portatives (Fig. 42).

Induction de la reproduction. Pour induire leurs grandes carpes à se reproduire, les Chinois utilisent la gonadotrophine chorionique humaine (HCG) au taux de 800 à 1 000 UI par kg de poids corporel de la femelle. L'hormone est injectée en deux doses, à intervalle de huit heures, la première étant de 10 à 15 pour cent supérieure à la seconde (autrement dit, 60 pour cent de la dose totale en premier et 40 pour cent huit heures plus tard). Les mâles reçoivent l'injection en une fois au moment où les femelles prennent leur seconde dose.

Pour garder propre le bassin de reproduction, les géniteurs sont stockés dans des bacs de filet où ils peuvent vider leur intestin avant d'être traités. La gonadotrophine chorionique humaine combinée avec un courant d'eau artificiel les induit à frayer.

4.3.5.5 Causes de la mortalité des oeufs pendant l'incubation. D'habitude, les oeufs fécondés se développent normalement si les conditions préalables déjà mentionnées (oxygène, température, évacuation des déchets, etc.) sont réunies. Toutefois, dans la pratique, il arrive souvent que quelques oeufs meurent après une période brève de développement, soit au stade morula, soit avant la fermeture du blastopore.

Le manque d'oxygène peut être l'une des causes de mortalité en certaines parties des appareils d'incubation où les échanges se font mal. Une température inopportune tue également les oeufs, généralement pendant la morphogenèse de l'embryon. Au début, la totalité des oeufs semble de bonne venue et bien développée. Plus tard, quelques-uns blanchissent ou s'opacifient à la suite des blessures qu'ils auront subies au cours de leur extraction manuelle ou de la fécondation artificielle. Dans les écloseries commerciales, la perte de quelques oeufs est à peu près inévitable.

Les oeufs non fécondés ne peuvent pas se distinguer immédiatement des oeufs fécondés. Ils gonflent pareillement et la polarisation se produit de manière identique. Mais, après le premier clivage, ils stagnent et le pôle animal, qui a normalement l'apparence d'un léger mamelon, prend une forme inhabituelle: il s'allouge et devient pointu. Le premier clivage est suivi d'un processus anormal, en ce sens que les deux blastomères résultants ne sont pas identiques de forme ni de dimension. C'est d'ailleurs également le cas des clivages successifs: après le stade 16 ou 32, quelques cellules commencent à se séparer de la masse et deviennent clairement visibles dans l'espace périvitellin.

Les oeufs fécondés, également, peuvent laisser apparaître des cellules libres dans l'espace périvitellin, s'ils ont souffert d'agitations mécaniques, de frictions ou de secousses, par exemple. Ces oeufs ne survivront pas.

Les oeufs sains restent transparents ou brillants pendant leur développement et leur contenu est clair. On les distingue facilement des mauvais oeufs, qui sont blancs, opaques et présentent un contenu trouble. Lorsqu'ils atteignent la phase de clôture du blastopore les bons et les mauvais oeufs se distinguent aisément: c'est à ce stade que l'on peut déterminer le taux de fécondation.

A ce moment, ou plus tard, voici comment ce taux est estimé: on se munit d'un tube de verre, de 30 cm de long et d'un diamètre supérieur de 30 à 50 pour cent à celui des oeufs en question. Si le diamètre des oeufs est de 2,2 à 2,5 mm (comme celui de la carpe commune), on prendra un tube de 3,0 à 3,5 mm; si le diamètre des oeufs est de 3,5 à 4 mm (celui des carpes chinoises et indiennes), le tube devra avoir un diamètre de 5,0 à 5,5 mm. On plonge le tube dans la masse des oeufs, en fermant avec le pouce l'extrémité supérieure: dès que l'on soulève le pouce, le tube se remplit d'oeufs. Le taux de fécondation est alors calculé en comptant les oeufs bons et mauvais que contient le tube. On obtiendra des résultats fiables en prélevant successivement des échantillons dans le fond, au milieu et à la surface de la masse d'oeufs.

L'enveloppe de l'oeuf protège normalement le germe et l'embryon. Toutefois, une mortalité des embryons peut survenir à la suite d'attaques de bactéries, de champignons (Saprolegnia) et de microcrustacés carnivores (Cyclops), ou bien d'animaux prédateurs (insects ou autres) (voir Fig. 29). Tous ces organismes attaquent l'oeuf de l'extérieur et détruisent sa membrane. Si l'eau d'incubation est polluée de matière organique dissoute, les bactéries proliféreront et, à l'aide de leurs enzymes, attaqueront la membrane protidique de l'oeuf qui perd sa rigidité, provoquant finalement la mort de l'embryon ou son éclosion prématurée. Les spores microscopiques des champignons aquatiques, tels que Saprolegnia sont répandues partout; elles se fixent sur les oeufs imparfaits, ou déjà morts, et se développent rapidement pour passer à l'attaque des oeufs sains, bientôt asphyxiés dans l'écheveau touffu des filaments du champignon. Les oeufs infectés s'agglutinent et finalement meurent.

Quant aux cyclopidés, ils blessent l'oeuf en l'écorchant de leurs pattes griffues, tandis que les larves d'insectes, comme les chironomidés, crèvent de leurs mandibules la membrane et détruisent l'oeuf.

4.3.5.6 Traitement des oeufs pendant l'incubation. On lutte contre les crustacés et les larves d'insectes, soit en filtrant l'eau des bacs, soit en traitant les oeufs avec de l'éther organique d'acide phosphorique à 1 ppm, ou avec d'autres insecticides. Les attaques bactériennes, elles, peuvent seulement être évitées en purifiant l'eau de l'écloserie.

Les oeufs gâtés sont un excellent milieu de culture pour les champignons, particulièrement les Saprolegnia. On se sert généralement de vert de malachite contre les champignons. Les oeufs infectés sont traités une fois par jour; dans le cas d'infections limitées, le traitement se fait directement dans l'incubateur (jarre, entonnoir ou auge) avec une solution à 5 ppm de vert de malachite pendant 30 à 60 minutes. Par contre, pour le traitement à grande échelle, le vert de malachite est versé en petites quantités dans un bac commun de façon à obtenir une solution à seulement 0,1–0,2 ppm, qui se décharge ensuite dans tous les incubateurs reliés au bac commun. Il est toutefois difficile de contrôler la concentration de la solution avec cette méthode et ce n'est habituellement qu'après une longue pratique que l'on arrive à déterminer d'après la couleur de l'eau (bleu clair) le degré correct de concentration. Or celle-ci doit être calculée avec beaucoup de soin, car, si elle est trop forte, elle devient toxique pour les larves de poisson.

On se sert aussi de formaline contre les infections fongiques, mais cette méthode exige beaucoup de précision et de soins. Un traitement unique au tannin s'est révélé très efficace contre les attaques fongiques en conditions tropicales et subtropicales. Une solution fraîche de 5 à 8 g de tannin dans 10 litres d'eau est préaparée à cet effet, dont on verse un ou deux litres dans chaque incubateur d'une capacité de 30 à 50 litres. La solution se déverse sur les oeufs par le tuyau d'alimentation, ou par un entonnoir de cuisine dont l'extrémité est prolongée jusqu'au fond de l'incubateur, après avoir fermé tout d'abord l'arrivée d'eau (voir Fig. 30). La solution de tannin est agitée doucement pendant 10 à 20 secondes, après quoi l'on ouvre de nouveau l'arrivée de l'eau, qui éliminera la solution de tannin.

Les oeufs de poisson dont l'incubation est brève ne sont pas aussi vulnérables aux attaques fongiques, étant donné qu'ils se développent plus rapidement que les champignons.

Figure 27

Figure 27 Développement de l'oeuf fécondé

Figure 28

Figure 28 Morphogenèse de l'embryon et développement de la larve

Figure 29

Figure 29 Les ennemis des oeufs et des embryons au cours de leur développement

Figure 30

Figure 30 Traitement préventif des oeufs de poisson au tannin contre les attaques fongiques et bactériennes

Figure 31

Figure 31 Auge allongée et bac d'incubation des oeufs plus lourds que l'eau, servant aussi à l'élevage des larves

Figure 32

Figure 32 Bac pour incubation des oeufs d'ictalure tacheté, ou d'autres espèces à oeufs collants

Figure 33

Figure 33 Bouteilles de Zoug et autres incubateurs en forme d'entonnoir

Figure 34

Figure 34 Entonnoir de plastique pour l'incubation des oeufs de carpe ordinaire

Figure 35

Figure 35 Incubation des oeufs délicats du type plus léger que l'eau (flottants)

Figure 36

Figure 36 Fabrication d'un entonnoir de plastique (du type entonnoir) à tissu filtrant, pour les oeufs flottants

Figure 37

Figure 37 Incubateur cylindrique à révolution

Figure 38

Figure 38 Hapas utilisés en Inde pour la reproduction et l'éclosion

Figure 39

Figure 39 Chambre de vaporisation pour l'incubation des oeufs collants, adhérant aux “nids” artificiels

Figure 40

Figure 40 Plan d'un bassin-frayère chinois (dimensions en centimètres)

Figure 41

Figure 41 Plan d'un bassin d'éclosion à 3 chambres (dimensions en centimètres)

Figure 42

Figure 42 Plan de jarre portative d'éclosion utilisée en Chine (dimensions en centimètres)

4.3.6 Technologie de l'élevage des larves

4.3.6.1 Eclosion naturelle. Une fois que l'embryon est devenu larve, celle-ci éclot en brisant l'enveloppe de l'oeuf, opération mécanique que secondent les enzymes de l'embryon qui ont dissous de l'intérieur cette enveloppe. L'éclosion n'est pas un événement prédéterminé dans le temps: il peut être accéléré ou retardé considérablement. La température de l'eau de l'incubateur influe sur le développement et l'éclosion des oeufs, qui sont l'un comme l'autre plus rapides en eau chaude par suite de l'activation du métabolisme et de la production des enzymes chargées de dissoudre la membrane de l'enveloppe. Si l'eau de l'incubateur est trop chaude, l'absence de synchronisation entre la morphogenèse et la production d'enzymes peut causer l'éclosion prématurée de larves débiles.

L'eau froide retarde la morphogenèse aussi bien que la secrétion d'enzymes, mais cette dernière accuse un retard plus prononcé. Dans les eaux trop froides, même à supposer qu'il supporte cette température, l'embryon “mûr pour éclore” n'y parviendra pas parce que la production d'enzymes aura été retardée. Cependant, la larve continue de se développer à l'intérieur de l'enveloppe de l'oeuf et ce ne sera qu'après le retour à des conditions convenables de température qu'elle se libèrera, sous forme de larve plus développée que la normale. On peut ainsi retarder la naissance des larves de brochet, de sandre, de carpe commune et de plusieurs autres poissons en plongeant leurs oeufs près à éclore dans une eau à basse température.

4.3.6.2 Accélération de l'éclosion. On peut faire éclore plus rapidement les oeufs en les traitant avec une enzyme alcaline du genre protéase, que l'on utilise en blanchisserie pour le nettoyage biologique des tissus souillés de matières organiques. Cette enzyme agit sur la membrane de l'oeuf qu'elle dissout. Pour cela, on en mélange 0,4 à 0,5 g à 200–500 cm3 d'eau par litre d'oeufs. On coupe l'arrivée d'eau et, après avoir soutiré un peu du liquide de l'incubateur, on y verse la solution que l'on mélange vigoureusement à la main. Les enveloppes des oeufs commenceront à disparaître au bout de 3 à 5 minutes. On réouvrira alors le robinet d'arrivée d'eau pour éliminer les résidus d'enveloppes dissoutes et les mauvais oeufs. Les larves pourront à ce moment être siphonnées hors de l'incubateur, ou bien on les laissera s'échapper dans des dispositifs d'élevage (Fig. 43a). Il faut préciser que, même à une concentration dix fois supérieure à celle mentionnée, cette enzyme n'a aucune action nuisible sur les larves.

4.3.6.3 Séparation des larves et des déchets (enveloppes, oeufs morts, etc.). Lorsque les larves nagent activement, elles peuvent être séparées par la technique dite de “sortie en nageant” (Fig. 43b). Les larves qui viennent de naître nagent verticalement vers la surface de l'incubateur, où, s'il se trouve un orifice de vidange servant de trop-plein, elles seront aspirées par le courant et entraînées, soit dans un collecteur avant d'être transférées dans le dispositif d'élevage, soit directement dans celui-ci. Ce procédé fonctionne bien dans la pratique, quoique, si le débit de l'alimentation est trop fort, un certain nombre de mauvais oeufs et d'oeufs flottants seront eux aussi entraînés avec les larves.

Les larves inactives (comme celles de la carpe commune) peuvent être séparées chimiquement des débris d'enveloppes et des oeufs morts, en se servant de l'enzyme protéase alcaline qui dissout les membranes des oeufs et les mauvais oeufs, comme nous l'avons dit précédemment.

Les larves qui ne nagent pas, mais qui battent l'eau continuellement de leur queue, s'accumuleront tôt ou tard dans un coin du bac ou de la jarre d'incubation, d'où on pourra les siphonner facilement. De même pour les larves lourdes, qui s'accumulent dans le fond de l'incubateur à l'écart des enveloppes d'oeufs et des oeufs morts plus légers que l'eau.

Dans les hapas d'éclosion, la séparation se fait automatiquement. Seules les larves s'échappent dans le hapa extérieur, laissant derrière elles les débris d'enveloppes et les oeufs morts dans le filet intérieur, qui est alors promptement retiré dès que l'éclosion est terminée.

Même si la séparation des larves vivantes et des déchets organiques représente souvent une besogne fastidieuse, il faut absolument ne pas la négliger afin de prévenir les infections bactériennes et fongiques.

4.3.6.4 Comportement des larves fraîchement écloses. Leur façon de se comporter varie selon les espèces (Fig. 44). Certaines larves nagent verticalement vers la surface, puis retombent au fond: c'est le comportement le plus courant chez plusieurs espèces comme les carpes chinoises et indiennes, les géniteurs des rivières d'Amérique du Sud, le sandre, les mulets, les corégones, etc.

Après avoir nagé pendant quelques instants, certaines larves se collent à des objets du milieu aquatique grâce à une matière adhésive que secrète une glande céphalique. A ce groupe appartiennent les larves de la brème, de la tanche, d'Acpius (l'aspe), du brochet et de quelques cyprinidés comme la carpe commune. Dans un groupe différent de ces mêmes larves “suspendues”, auquel appartiennent celles du poisson-chat européen (le glane), leurs queues frétillent continuellement; tandis que chez un autre groupe, les larves reposent au fond, sur le côté ou sur le dos, certaines bougeant de façon intermittente ou continue. C'est à ce dernier groupe qu'appartiennent les larves des salmonidés, des cichlidés, etc.

Ce comportement peut changer au cours du développement. Parmi les larves nageuses, certaines peuvent reposer sur le fond sans remuer, d'autres se mettre à s'agiter vivement ou à sauter. Le procédé d'élevage que l'on choisira doit tenir compte du comportement des larves des différentes espèces.

4.3.6.5 Processus du développement larvaire. La larve qui vient d'éclore est très différente du poisson adulte. Elle ne possède ni bouche, ni intestin, ni cloaque, ni branchies, ni vessie natatoire. La vésicule vitelline lui fournit les réserves énergétiques nécessaires à sa croissance et à son développement - réserves de haute qualité alimentaire dont lui a fait don la mère.

La dimension de la vésicule et le volume des réserves alimentaires, qui varient d'un poisson à l'autre, portent témoignage pour le degré des soins parentaux passifs. Les larves qui possèdent de grosses vésicules vitellines sont capables de vivre plus longtemps sans apport alimentaire extérieur.

La bouche et l'intestin se développent durant la vie larvaire, tandis que décroît progressivement le volume de la vésicule vitelline. Le temps que mettent les larves pour commencer à utiliser la nourriture extérieure varie avec les espèces, selon la taille de leur vésicule, d'un jour seulement pour certains poissons à trois ou quatre, ou davantage, pour d'autres. Ce sont ceux-ci qui ont le plus de chance de survivre, car ils diposent de plus de temps pour chercher à l'extérieur leur nourriture et peuvent, en attendant, se subvenir grâce à leurs réserves vitellines.

La larve des poissons n'a pas de branchies, avons-nous dit, sauf chez quelques-uns comme Misgurnus fossilis, Cobitis taenia, etc., qui portent des branchies primitives extérieures et tubiformes. Les canaux de Cuvier agrandis, ou un réseau capillaire de la peau qui recouvre la vésicule vitelline, leur servent d'organe respiratoire.

Le processus respiratoire, qui permet au corps de la larve d'absorber l'oxygène dissous, devient mécanisme de diffusion. Si la teneur de l'eau en oxygène tombe au-dessous d'un certain niveau, soit par défaut d'échanges au sein de la masse liquide, soit par concentration excessive de larves dans un espace trop restreint, l'apport d'oxygène devient insuffisant et les larves s'affaiblissent de plus en plus. Il leur sera même impossible de récupérer si la teneur en oxygène s'améliore. La mortalité des larves en écloserie est due en grande majorité à un défaut d'oxygénation localisé, qui, malgré l'afflux d'eau constant, peut se produire dans les angles des bacs d'élevage.

Pour prévenir le défaut d'oxygénation de l'eau et la mortalité larvaire qui en résulte, on n'utilise pas de “caissons” d'élevage pour les larves qui gisent au fond ou ne manifestent que des mouvements limités. Les grandes jarres du type entonnoir sont meilleures pour ce genre de larves, car l'afflux d'eau, qui ne permet pas aux larves de reposer au fond, les fait se grouper en gros essaims constamment agités de mouvements qui leur assurent l'oxygène nécessaire. Avec ces appareils, la survie des larves atteint 95 à 100 pour cent.

Les branchies commencent à se former au cours du développement larvaire et assument progressivement la fonction respiratoire.

Dans les stades du début, la larve ne possède pas d'organe spécial comme la vessie gazeuse pour équilibrer son poids, elle ne peut done nager comme le fait le poisson adulte. A la fin de la première phase du développement larvaire, quand apparaissent la bouche, l'intestin et la vessie gazeuse, l'alevin nage et monte fréquemment à la surface de l'eau où il aspire des bulles d'air dont il gonfle sa vessie, réalisant alors un parfait équilibre hydrostatique. Désormais, l'alevin peut nager comme le poisson adulte qu'il deviendra.

La larve des poissons n'est pas dotée de paires de nageoires, mais en possède une supplémentaire autour de la partie postérieure de son corps. Elle peut aussi avoir certains organes qui lui sont propres, comme la glande qui secrète de la matière glutineuse, dont est munie la tête de la carpe commune, du glane européen, du brochet et d'autres espèces.

Chez la plupart des poissons, la peau des larves est à peu près totalement dépourvue de pigments, d'où l'absence de protection contre les rayons ultra-violets du soleil. On a observé des cas de mortalité larvaire due aux radiations solaires chez le sandre et le cachama (Colossoma occulus), mais qui peuvent être également dangereuses pour les autres larves dépigmentées.

Le remplissage d'air qui s'effectue dans la vessie natatoire marque un tournant dans la vie des larves de poisson. Peu de temps après, elle se met en quête de nourriture, même s'il subsiste encore 20 à 30 pour cent de sa vésicule vitelline. A ce stade, la présence du vitellus lui permet de survivre, car il lui est encore difficile pendant quelque temps de trouver à l'extérieur la nourriture qui lui convient.

A partir du moment où la larve gonfle d'air sa vessie natatoire, elle devient “juvénile” ou, selon une appellation courante en pisciculture, “jeune frai”.

4.3.6.6 Besoins des larves en cours de développement. Jusqu'à l'absorption d'air, le développement larvaire dépend de conditions propres, essentiellement différentes de celles du développement de l'oeuf.

La larve de poisson exige un environnement aquatique riche et, de préférence, saturé en oxygène. Ceci est particulièrement important pour les larves passives. Beaucoup de larves, qui nagent vigoureusement dans les premiers jours qui suivent l'éclosion, vont reposer dans le fond où elles deviennent passives lorsqu'apparaissent leurs principaux organes (bouche, yeux, intestin, vessie natatoire (ou gazeuse), cloaque, branchies, etc.). Les larves actives qui nagent ou qui frétillent continuellement agitent l'eau autour de leur corps. Si l'afflux d'eau est suffisant, leur environnement ne manquera pas d'oxygène. De telles larves peuvent être élevées facilement en caissons flottants ou d'élevage.

Comme l'oeuf, la larve a besoin d'une température déterminée pour son développement. Toute modification rapide de la température peut lui être nuisible, même si les résultats des expériences sont à cet égard contradictoires. Il vaut mieux éviter le choc dû à de grosses fluctuations thermiques durant la phase larvaire: des changements brutaux de température tueront certainement les larves. Le renouvellement constant de l'eau assurera l'élimination automatique des déchets organiques produits par les larves. Il faut également séparer les larves nouvellement écloses des débris d'enveloppes d'oeufs et des mauvais oeufs, dont la présence déterminerait la prolifération de bactéries et de champignons.

4.3.6.7 Techniques d'élevage de larves. La pisciculture moderne utilise trois modèles d'appareils pour l'élevage commercial des larves: le type entonnoir, le type caisson et le type aquarium, ce dernier sans eau courante mais avec système d'aération, tandis que les deux premiers sont alimentés par un courant d'eau continu (Fig. 45). Tous ces dispositifs doivent être tenus à l'ombre pour éviter l'exposition directe aux rayons solaires.

Dispositifs du type entonnoir. Différents modèles de taille variable sont utilisés avec succès pour l'élevage des larves. Si le filtrage du trop-plein est trop rapide, de nombreuses larves seront pressées contre le tissu filtrant et mourront. Par conséquent, la surface filtrante de ce type d'appareil doit être suffisamment grande pour que l'eau puisse passer facilement sans dommage pour les larves. Le modèle le meilleur est l'entonnoir immergé (Fig. 45), suffisamment grand pour héberger des centaines de milliers de larves. La Fig. 46 montre le mode de fabrication d'un appareil de ce type.

Les jarres de fibre de verre (Fig. 45) fonctionnent de manière satisfaisante si le manchon de tissu filtrant est suffisamment large et bien ajusté (collé en général avec de la colle synthétique résistante à l'eau). Dans tous les cas, la maille du tissu filtrant doit être choisie en fonction de la taille des larves: trop petite elle sera obstruée par les déchets et ne filtrera pas bien, trop large elle risquera de blesser les larves ou de les laisser échapper. On utilise en général une maille de 300 à 400 microns pour les larves de la carpe commune, des cyprinidés européens, des carpes indiennes et chinoises, des géniteurs des bassins de l'Orénoque et de l'Amazone.

Il est recommandé d'employer ces appareils pour les larves qui restent posées au fond. Pour un entonnoir de 10 litres de volume, il faut un débit d'eau d'environ 0,5 à 1 litre par minute.

Dispositifs du type “caisson filtrant”. C'était, dans les premiers temps, les seuls systèmes utilisés pour l'élevage des larves, eux aussi de modèles et de tailles variables. Il s'agissait tantôt d'enceintes d'étamine à maille de 600 microns fixées sur un cadre de bois ou de fer reposant dans un bac d'eau; tantôt de caissons flottants entièrement faits de tissu filtrant de maille analogue; tantôt de caissons ou de tambours (flottants ou fixés), aux parois de plastique ou de toile, le fond constitué de tissu filtrant (Fig. 45).

Dispositifs du type aquarium à eau dormante. Ils ont la forme d'une grande jarre cylindrique à base tronconique, où l'eau est oxygénée par un système d'aération puisqu'il n'y a pas d'alimentation continue (Fig. 45). On ne peut y mettre qu'un petit nombre de larves (10 à 50 par litre). Ce genre de dispositif est employé en général pour les larves de mulet cabot.

Une fois son enceinte intérieure enlevée, le hapa d'éclosion est un autre type de système à eau dormante. On le met généralement dans les bassins, sans système d'aération mais il ne donne souvent que de mauvais résultats, en raison de la mortalité élevée due au défaut d'oxygène et/ou aux maladies bactériennes et fongiques.

4.3.6.8 Ennemis des larves de poisson. Les micro- et macro-prédateurs sont responsables de dégâts assez importants parmi les larves. Les micro-prédateurs sont les cyclopidés carnivores qui s'aggrippent aux larves dont ils écorchent l'épiderme très fin ou la nageoire avec leurs pattes griffues, provoquant des blessures mortelles. Quelques cyclopes sont capables de tuer en un minimum de temps des centaines de larves.

Les prédateurs de plus grande taille sont les animaux qui mâchonnent ou avalent la larve toute entière, tels qu' insectes, larves d'insectes, vers, poissons (même les jeunes), etc. On doit protéger les dispositifs d'élevage, ou mieux l'écloserie elle-même, contre ces prédateurs.

Figure 43a

Figure 43a Siphonage des larves et des mauvais oeufs

Figure 43b

Figure 43b Séparation des larves fraîchement écloses par la technique dite de ‘sortie en nageant’

Figure 44

Figure 44 Comportements divers de larves de poisson fraîchement écloses

Figure 45

Figure 45 Dispositifs divers d'élevage des larves

Figure 46

Figure 46 Fabrication d'un collecteur de larves, du type entonnoir immergé

4.3.7 Technologie de l'élevage des juvéniles et des alevins

4.3.7.1. Différences entre larves et juvéniles. Un tournant survient dans la vie du poisson lorsque la larve devient juvénile. La phase larvaire se termine au moment où l'animal, ayant rempli d'air sa vessie natatoire, commence à nager comme un véritable poisson et à s'alimenter d'organismes extérieurs. C'est de ce moment qu'il inaugure le stade juvénile (ou jeune frai). En plus des impératifs qui conditionnent le cycle précédent (oxygénation suffisante, température idoine, évacuation des déchets organiques, lutte contre les ennemis), le juvénile a besoin de nourriture extérieure qui doit être satisfaisante à la fois en quantité et en qualité. Ce jeune frai détient encore une parcelle du vitellus embryonnaire d'où il peut tirer sa subsistance durant un à quatre jours selon les espèces, ce qui lui donne le temps d'apprendre à trouver sa nourriture. Une fois le vitellus entièrement consommé, il lui faut absolument être en mesure de résoudre son problème alimentaire, faute de quoi il s'affaiblirait de manière irréversible.

Si on le compare à son état antérieur, le juvénile a besoin de plus de précautions et d'attention pour pouvoir survivre et grandir convenablement. On estime que l'absence d'alimentation appropriée est la cause principale de la mortalité des juvéniles.

4.3.7.2 Première nourriture des juvéniles. La reproduction contrôlée des poissons en eaux réchauffées, dès qu'on a commencé de la pratiquer, a complètement bouleversé les idées en matière d'alimentation initiale. On croyait jusque là que le phytoplancton constituait la première nourriture de jeune frai. Plus tard, cette notion a été restreinte au zooplancton. Mais, nombreux sont les exemples de taux de survie très faible dans des étangs riches de zooplancton: soit parce que la bouche du juvénile était trop petite, soit parce que le zooplancton était trop gros. En tout cas, les juvéniles se montraient incapables de manger leur proie. Comme les organes du goût ne sont pas encore bien développés à ce stade, le jeune frai doit détecter sa nourriture uniquement par les yeux. D'où la nécessité pour lui de disposer d'un environnement bien éclairé: ni trop, ni pas assez. Il faut aussi que les organismes alimentaires soient suffisamment proches du juvénile pour qu'il puisse les apercevoir.

Ceci posé, on estime aujourd'hui que les rotifères (Fig. 47) constituent la première nourriture naturelle la meilleure pour le juvénile de petite taille (environ 1 cm de long au total). Les rotifères ne sautent pas, mais tournent en rond lentement, laissant au juvénile toute latitude pour les attraper si son premier essai rate. Les grands protozoaires du genre Paramecium conviennent aussi très bien comme première nourriture du jeune frai.

Indépendamment de la qualité, la nourriture doit être accessible en quantité suffisante afin que le jeune frai ait toutes les chances de mener à bien sa croissance le plus rapidement possible.

Le stade juvénile peut se diviser en deux phases: la phase précoce et la phase jeune alevin. La distinction est basée sur le genre de nourriture, les habitudes alimentaires et autres marques de comportement. Durant la première phase, les juvéniles requièrent des soins et un “nourrissage” spéciaux. Au fur et à mesure qu'ils avancent vers la seconde phase, ils apprennent à exercer leur activité en vue de s'alimenter et à perfectionner leur adresse à la chasse de leurs proies (à l'aide de leurs organes sensoriels qui se développent simultanément). Comme leur taille a considérablement augmenté, les jeunes alevins peuvent maintenant avaler des organismes plus gros que précédemment, tels que des cladocères et des copépodes (Fig. 48). Devenus forts et rapides, ils sont maintenant capables d'éviter leurs prédateurs. Ils peuvent même détecter et manger des aliments artificiels. Moyennant quelques précautions, on peut les prendre à l'épuisette et les manipuler sans risquer de les blesser. Le jeune frai devient “jeune alevin” une dizaine de jours après qu'il a commencé de se nourrir. Il mesure alors entre 1,5 et 1,8 cm, de la tête à l'extrémité de la queue.

4.3.7.3 Pratique du premier alevinage (ou “nursery”). Très délicat et sensible, le jeune frai exige des soins attentifs, particulièrement en ce qui concerne son alimentation. Aussi, à propos de cette période, parle-t-on de “premier alevinage” plutôt que d'élevage.

Le jeune frai peut être nourri de la phase précoce à la phase jeune alevin dans l'un des systèmes suivants: 1) jarre, aquarium ou auge “de nourrissage”; 2) bac de ciment; 3) réservoir spécial d'alevinage; 4) petit bassin de terre; 5) bassin de plus grande dimension (Fig. 49).

Il importe de n'élever dans le même bassin que des juvéniles de même âge et de même espèce, car les mélanges risquent d'être une source de problèmes.

Premier alevinage en jarre, auge et aquarium. Dans ces récipients, les juvéniles sont concentrés en un espace relativement restreint, dont il est nécessaire de renouveler constamment l'oxygénation et d'évacuer parfaitement les déchets organiques. L'alimentation est également un facteur important, que l'on satisfera avec de la nourriture vivante, comme par exemple des nauplies d'Artemia et des rotifères pour les petits juvéniles, des vers hachés (Tubifex) pour les plus gros comme ceux de brochet, de poisson-chat, etc.

Un courant d'eau continu permettra de fournir l'oxygène nécessaire et d'éliminer les déchets, mais on devra veiller à ce que les juvéniles ne s'échappent pas ni ne soient pressés par le courant contre le filtre-crépine. Si on donne de la nourriture vivante, il faut s'assurer qu'elle n'est pas évacuée avec la vidange du bac: à cet effet, on installe un manchon filtrant fait d'un tulle à maille fine (100 à 200 microns) tendu sur un cadre métallique galvanisé. La vidange se fait par un tube inséré à l'intérieur du manchon. Comme la maille de la surface filtrante se bouche facilement, il faut la nettoyer tous les jours avec une brosse fine.

Cette méthode pose un problème: c'est la nourriture, dont l'élevage commercial nécessite d'énormes quantités pour alimenter les juvéniles de taille normale (de 7 à 10 mm). Il faut savoir, par exemple, que 100 000 jeunes “feuilles” de carpe commune, dont la taille équivaut à la moyenne parmi les espèces élevées en eaux chaudes, consomment journellement entre 3 et 4 litres de nauplies d'Artemia fraîchement écloses, dans les sept premiers jours de leur existence de juvénile. Cela se traduit par une dépense énorme, à moins de disposer à bon compte d'une source abondante d'oeufs d'Artemia salina. Cette crevette vit dans les mares et les lacs peu profonds d'eau très salée. Son premier stade larvaire, la nauplie, est suffisamment petite pour convenir exactement comme première nourriture aux juvéniles de nombreux poissons. Ses oeufs sont extrèmement abondants dans les eaux salées, particulièrement dans les marais salants d'où l'on extrait le sel marin par évaporation de l'eau de mer. Ces oeufs, une fois séchés, sont normalement disponibles sur le marché comme nourriture des poissons d'aquarium.

Il est facile de les faire éclore en préparant une solution d'eau salée avec 35 à 50 g de sel ordinaire dans 1 litre d'eau et en y plongeant les oeufs, la température étant maintenue à 26–28°C. La bonne réussite de l'éclosion nécessite une aération vigoureuse, suffisamment forte pour tenir constamment les oeufs en suspension dans l'eau. Au bout de 24 jours, les oeufs éclosent en donnant naissance à des larves que l'on doit donner aux juvéniles aussitôt: si l'on attendait trop, ou bien les nauplies mourraient, ou bien elles deviendraient trop grosses pour être d'aucune utilité comme “première nourriture”.

La culture en masse des rotifères peut s'effectuer dans les fossés, bacs ou bassins de ciment, qu'on remplit d'eaux vannes, issues de fumier de bovin, de fiente de poule ou de canard, de lisier de porcherie. On évite la multiplication des microcrustacés et des insectes aquatiques en traitant cette eau à l'éther organique d'acide phosporique (insecticide doux), que l'on trouve habituellement dans toutes les écloseries.

Dans l'eau à 25 ou 28°C, les rotifères se développent rapidement. Au début, il faut ajouter à la culture un peu d'eau contenant des rotifères vivants. Une fois que la population a commencé à se multiplier, on doit procéder chaque jour à sa récolte avec un filet approprié, sinon la culture “vieillit” et devient moins productive. Les rotifères se donnent aux juvéniles en masse concentrée et avec le moins d'eau possible, sinon la matière organique que contient cette eau de culture risquerait de réduire l'oxygène de l'eau du bac et de provoquer la mortalité chez les juvéniles.

En aquarium, comme dans tout autre récipient de premier alevinage, on peut nourrir approximativement un juvénile par cm3, à condition qu'il y ait un courant d'oxygénation continu. La nourriture se donne toutes les demi-heures ou toutes les heures et l'on doit nettoyer chaque jour le bac et le filtre.

La technique de premier alevinage en petit récipient, qu'on peut appeler la technique “en série”, n'a pas encore été introduite à l'échelle commerciale, quoiqu'elle ait des chances de prendre à l'avenir davantage d'importance. En petits récipients, le jeune frai peut être nourri pendant 7 à 10 jours, après quoi on le transfère dans des dispositifs d'élevage plus grands, des auges par exemple. L'auge de premier alevinage est de forme semi-cylindrique et son fond est muni d'un filtre-crépine par où s'évacuent les déchets. Sa capacité est d'environ 100 litres d'eau, où peuvent être élevés 30 000 à 50 000 jeunes alevins. Pourvue obligatoirement d'une installation d'eau courante, la nourriture y est distribuée toutes les deux heures sous forme d'aliments artificiels réduits en poudre extrèmement fine et tamisée (maille de 100 à 200 μ), composés spécialement comme première nourriture. Il est également indispensable de procéder chaque jour au nettoyage de l'auge.

Premier alevinage en bacs de ciment. Ces bacs sont d'assez grande dimension, leur plan d'eau ayant de 5 à 20 m2. Ils donnent de bons résultats, surtout en régions tropicales et subtropicales. La technique est la suivante:

le jour même où l'on pense obtenir les oeufs fécondés, on recouvre le fond du bac d'une litière de foin et l'on y verse de l'eau jusqu'à 10 ou 15 cm de hauteur. Très rapidement, une microfaune riche en paramécies et en rotifères se multiplie sur le foin. Une fois les larves parvenues dans l'incubateur au stade juvénile, on enlève 90 pour cent du foin et l'on laisse dans le bac 15 à 20 cm d'eau débarrassée de Cyclops. Après quoi, le bac est mis en charge avec les juvéniles dont la première nourriture sera constituée de paramécies et de rotifères. Il n'est pas nécessaire que le bac soit alimenté en eau courante, mais il faut, chaque jour en fin d'après-midi, relever le niveau de 3 à 5 cm pour aérer suffisamment l'eau pendant la nuit. A partir du 3ème ou du 4ème jour, on peut donner deux ou trois fois par jour du mésoplancton soigneusement filtré, de préférence des Moina et autres cladocères (de 150 à 250 microns). Dès le 6ème ou 7ème jour, on peut aussi distribuer au jeune frai une première nourriture artificielle finement moulue et tamisée.

Au bout de 10 à 14 jours, il faut retirer du bac les jeunes alevins, car l'oxygène risquerait de leur manquer durant la nuit par suite de la floraison d'algues indésirables. A ce moment, les jeunes alevins ont jusqu'à 1,5 à 2 cm de longueur totale, selon la nourriture disponible.

La charge biotique de ces bacs peut atteindre environ 1 000 à 2 000 juvéniles par m2 de surface, ce qui offre à chaque animal 5 ou 10 cm2 d'espace. Quand la charge est élevée, il est recommandé d'aérer le bac pendant la nuit à l'air comprimé.

Dans les bacs de plus grande dimension (plus de 100 m2), le jeune frai peut être élevé jusqu'au stade alevin, c'est-à-dire lorsqu'il est âgé de 3 ou 4 semaines et long de 2,5 à 3 cm.

Premier alevinage en réservoirs spécialement construits. Les jeunes alevins peuvent être nourris dans des réservoirs spécialement préparés pour leur élevage ultérieur en condition contrôlée (Fig. 49). La profondeur de ces bassins n'atteint que 25 à 50 cm sur 60 à 80 pour cent de leur surface, le reste (soit 20 à 40 pour cent) étant occupé par une fosse profonde de 75 à 100 cm. Le “haut-fond” est l'endroit où le jeune frai s'alimente et vit, tandis que la fosse lui sert d'abri où il peut se réfugier en cas de mauvais temps. Ces réservoirs sont en général de forme allongée, longs de 20 à 40 m sur 5 à 6 m de large. Ils peuvent être construits en série, avec des partitions de brique ou de ciment, surtout lorsque la superficie du terrain est limitée. Au centre de chaque réservoir, la fosse, qu'il est préférable de construire en ciment ou en brique, est aménagée en pente douce vers le dispositif de vidange. Ce plancher du réservoir, qui doit être bien aplani de manière à éviter que la végétation aquatique n'y prenne racine, peut être pavé de briques ou de plaques de ciment espacées en échiquier, de manière à laisser 40 à 50 pour cent de sa surface en terre non recouverte. La construction en série de 10 à 20 de ces réservoirs permet de réaliser une économie substantielle. Ils sont prévus munis de dispositifs d'évacuation de l'eau et de collecte automatique des juvéniles. Ces chambres recueillent ainsi le jeune frai sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'épuisette.

Dans ce genre de réservoirs, la technique de premier alevinage procède comme suit (Fig. 50):

le jour où l'on prévoit que les oeufs seront fécondés, la fosse du réservoir est remplie d'eau et garnie au fond d'une litière de foin. Au moment où les larves, dans les incubateurs, passent au stade juvénile, on remplit entièrement le réservoir jusqu'à une hauteur recouvrant le haut-fond d'environ 5 cm. Le foin, qui a déjà commencé de macérer dans la fosse, est alors disposé uniformément près des parois, puis on met en charge le réservoir. A partir du 3ème ou 4ème jour, on fume tôt le matin, au taux de 1 kg de bouse de bovin par 10 ou 15 m2 de surface. Il n'est pas nécessaire d'alimenter ces réservoirs en eau courante, mais leur niveau doit être relevé chaque soir de 2 à 3 cm. On peut commencer de donner la première nourriture artificielle après le 7ème jour.

La croissance du jeune frai doit être observée quotidiennement. Si elle s'interrompt, il faut ou bien retirer une partie de l'élevage, ou bien forcer sur la nourriture. La charge biotique de ces réservoirs peut atteindre 1 000 à 2 000 juvéniles par m2. Au bout de 10 à 15 jours, les juvéniles - devenus alevins - peuvent être récoltés.

Premier alevinage en petits bassins de terre. La dimension de ces bassins varie de 100 à 2 000 m2. Le jeune frai y est élevé jusqu'au stade de premier alevin. La technique que nous décrivons ici, et qu'illustre la Fig. 51, s'est révélée très rémunératrice.

a) Préparation du bassin

Au jour prévu pour la ponte d'oeufs fécondés, on prépare le petit bassin en le remplissant d'eau que l'on traite immédiatement aux insecticides doux, tels que Ditrifon, Masoten, Flibol, etc., à base d'éther organique d'acide phosphorique. Ces produits tuent tous les crustacés (cladocères et copépodes), ainsi que les insectes aquatiques, permettant par conséquent aux rotifères de se multiplier en l'absence de prédateurs. La dose à employer est de 0,5 ppm du produit à 100 % de concentration, ou de 1 ppm s'il n'est qu'à 50 % (soit 1 g/m3 d'eau). Le cas échéant, on peut employer jusqu'à 4 ou 5 ppm. Pour obtenir une bonne production de rotifères, on fertilise le bassin au taux de 1 kg de superphosphate, 1,5 kg de nitrate d'ammonium et 1,5 kg de carbamide par are de la surface du bassin. En outre, on ajoute du fumier à raison de 50 à 70 kg par are.

Le composé organique d'acide phosphorique sert à tuer tous les arthropodes (insectes et crustacés), sans risque pour les larves jusqu'à la concentration de 50 ppm, au-dessus de laquelle le produit devient toxique.

Le temps nécessaire à la production d'une bonne culture de rotifères est essentiellement fonction de la température. On considère comme “bonne” la population de rotifères si on récolte au filet à plancton (à maille de 60 à 80 μ) de 1 à 3 cm3 environ (en volume humide) de rotifères en filtrant 100 litres de l'eau du bassin.

Avant la mise en charge, il est recommandé de vérifier la densité de la population de rotifères et de s'assurer de l'absence totale de copépodes cyclopidés. Une centaine de Cyclops par litre est suffisante pour tuer 90 à 95 pour cent des juvéniles en très peu de temps.

b) Préparation du jeune frai

Initialement, le jeune frai dispose de deux sortes de nourriture: son propre vitellus et la nourriture extérieure. Cette double source alimentaire lui donne plus de chances de survie. Celles-ci, a-t-on observé, sont d'autant plus grandes que le jeune frai commence plus tôt à prélever sa nourriture à l'extérieur. Aussi, lorsqu'il est encore dans les jarres d'incubation, lui donne-t-on des jaunes d'oeufs durs émiettés au mixeur électrique. Bien qu'imparfaitement digéré par les juvéniles, les jaunes d'oeufs durs dilatent leur intestin et facilite ultérieurement le passage à d'autres nourritures. Cette alimentation est de nouveau répétée trois heures après, puis les juvéniles sont mis dans le bassin préparé au préalable, à raison de 400 à 600 par m2. Plus tard, on récoltera comme alevins 35 à 50 pour cent environ de cette population.

Il est recommandé de n'élever le jeune frai qu'en monoculture. Il faut éviter également de mélanger les groupes d'âge différents de la même espèce. Quelques petits cladocères (de préférence Moina et Daphnia) devront être introduits dans le bassin le jour où il est mis en charge. La multiplication des cladocères prend du temps et lorsqu'ils deviendront abondants, le jeune frai aura suffisamment grandi pour pouvoir s'en nourrir.

Etant donné leur désir d'obtenir une croissance rapide de leur élevage, les pisciculteurs commencent habituellement à distribuer une nourriture artificielle au jeune frai aussitôt après la mise en charge des bassins. La plus commune consiste en un mélange finement moulu et tamisé (à travers une maille de 100 à 150 μ) de levure (40 %), de poudre de sang (25 %), de soja fermenté et prédigéré (20 %), de farine de poisson extra-fine (10 %) et d'huile de soja (5 %). Au taux de 0,5 kg à 1 kg par 100 000 juvéniles, cette nourriture est donnée en deux fractions dans la journée, habituellement en la semant sur le haut-fond du bassin. Au bout de 10 jours, on augmente à 400–500 μ la dimension des particules du mélange dont la composition reste la même. Les graminées des berges, une fois fauchées et jetées tout autour de la partie surélevée du bassin, permettent de produire un complément de nourriture naturelle.

Au bout d'un mois, les jeunes alevins sont retirés de ce petit bassin pour être mis dans un autre plus grand.

Premier alevinage en bassins de plus grande dimension. Les bassins (ou étangs) de 2 000 à 5 000 m2 sont considérés comme grands sous les tropiques, alors que ceux mesurant de 1 à 2 ha le sont réellement selon toutes les normes. La technique de nourrissage y est exactement la même que dans les petits bassins, sauf en ce qui concerne la préparation de l'étang.

Cette opération doit s'effectuer une dizaine de jours avant la mise en charge, quinze jours plus tôt si la température est inférieure à 15°C. On se sert d'éther organique d'acide phosphorique à raison de 1 ppm pour tuer les arthropodes. Le procédé de fertilisation avec engrais chimiques et fumier est également le même que pour les petits bassins. Le taux de charge est toutefois différent: en général, de 150 à 300 juvéniles au m2.

L'alimentation artificielle est toujours importante ici, durant le premier mois, mais pas au même degré. Car, comme les alevins doivent continuer d'être élevés pendant longtemps dans ces mêmes bassins de grande dimension, il est nécessaire de réduire la population pour que les jeunes poissons aient suffisamment d'espace et de nourriture pendant leur croissance, laquelle est très rapide.

On réserve parfois au jeune frai une petite partie du bassin (de 100 à 500 m2 environ), dans une chambre isolée où il est nourri jusqu'au 10ème jour. Dans ce cas, seule cette chambre est traitée à l'insecticide, tandis que l'étang tout entier est fertilisé et fumé. Au bout de dix jours, le jeune frai est libéré de sa chambre et lâché sur toute la surface de l'étang.

La croissance du jeune frai jusqu'au stade alevin et au-delà est alors continuée dans ces mêmes étangs, les seuls changements portant sur les besoins d'oxygène, de nourriture et d'espace qui vont en augmentant.

Chez tous les poissons approximativement de même taille, le frai a une alimentation et des habitudes alimentaires très voisines: il y a très peu de différences à cet égard entre le frai d'espèces carnivores et non-carnivores. Ce sont la taille initiale du juvénile et la dimension de sa bouche qui déterminent la différence de grandeur de la nourriture.

A 3 ou 4 semaines d'âge, l'alimentation et les habitudes alimentaires changent chez le jeune frai qui devient alors alevin: progressivement, celui-ci adoptera l'alimentation et les habitudes alimentaires de l'adulte.

4.3.7.4 Les ennemis du jeune poisson. Ce ne sont pas les mêmes selon l'âge du poisson. Aussi peut-on les différencier en: 1) ennemis du jeune frai; 2) ennemis des juvéniles plus formés; 3) ennemis des alevins.

Ennemis du jeune frai. A ce stade précoce des juvéniles, leurs ennemis les plus sérieux sont les cyclopidés carnivores, dont la présence dans un bassin de nourrissage signifie la condamnation du jeune frai. Les insectes et leurs larves (notonectes, libellules) peuvent aussi causer des ravages dans leurs rangs. Mais ce sont les cyclopidés qui, normalement, provoquent (avec le manque de nourriture) la plus forte mortalité du jeune frai.

Ennemis des juvéniles plus formés. Devenus plus agiles, avec une peau plus épaisse et plus résistante, ces juvéniles sont moins vulnérables aux attaques des Cyclops. Ce sont les insectes et leurs larves qui, à ce stade, peuvent être les plus dangereux (ainsi que la sous-alimentation, en cas de nourriture insuffisante). Le manque d'oxygène est aussi capable de tuer ces jeunes alevins dans les étangs exagérément fumés. Des variations thermiques soudaines de l'eau et de grands froids peuvent également exterminer totalement une population de juvéniles.

La “maladie du bouton blanc”, causée par Ichthyophthirius (Fig. 52), et l'infection due aux Trichodina peuvent apparaître à la fin du stade juvénile. Si les jeunes ont été en contact avec des poissons adultes infectés ou avec de l'eau d'autres étangs contaminés, les parasites unicellulaires tels qu'Ichthyophthirius, Trichodina, Chilodonella, Tetrahymena, etc. (Fig. 53) peuvent, à un moment quelconque de leur cycle de développement, contaminer à leur tour l'étang d'alevinage.

Ennemis des alevins. Outre le défaut de nourriture, le manque d'oxygène et les sautes brusques de température, l'infection par Ichthyophthirius, Trichodina et les vers des branchies (Fig. 54) peut exterminer la totalité de la population des étangs d'alevinage en un minimum de temps.

4.3.7.5 Prévention et lutte contre les parasites. Le meilleur moyen de lutter contre les attaques de parasites consiste à donner aux jeunes poissons un mélange adéquat de nourriture naturelle et d'aliments artificiels équilibrés. S'il est en bonne santé, le jeune frai ne peut être gravement atteint par les parasites, tandis que, au contraire, s'il est faible et sous-alimenté, il ne résistera pas à l'infection.

A titre de mesure préventive importante, il faut aussi s'assurer que les jeunes ne viennent pas en contact avec des poissons adultes qui pourraient être porteurs de parasites. Les eaux d'écoulement des étangs d'élevage sont généralement infectées de parasites, qui, dans tout bassin d'alevinage surpeuplé, trouveraient un milieu des plus favorables à leur multiplication. Aussi, recommande-t-on de ne jamais utiliser l'eau d'un étang à poissons pour nourrir les jeunes dans un bassin d'alevinage.

La troisième mesure consiste à assécher les bassins de nourrissage du jeune frai et les étangs d'alevinage quand on ne les utilise pas. Il n'est pas conseillé de se servir du même bassin pour d'autres usages hors saison (par exemple comme marché au poisson). Il est nécessaire de laisser à sec ces espaces pendant au moins 1 à 2 mois, afin d'éliminer les parasites nocifs.

La désinfection avant ou après la mise en eau des bassins, avec de la chaux vive, du chlorure de chaux, du vert de malachite ou de la formaline, peut permettre d'éliminer diverses espèces de parasites. La chaux vive est en général réservée aux petits bassins de terre; elle est très efficace au taux de 100 à 200 kg/ha répandus uniformément sur le fond humide du bassin.

Pour les bacs de ciment, le nettoyage à la brosse dure et à la formaline assure une bonne désinfection, en diluant dans 4 parties d'eau une solution concentrée de formaline industrielle. Parfois, on remplace la formaline par une solution concentrée de vert de malachite (1 g dans 10 à 25 litres d'eau).

Certains indices permettent de diagnostiquer la contamination des poissons par des organismes unicellulaires. Par exemple: la nage en surface du jeune frai ou des alevins en bancs compacts, leur accumulation autour de la vanne d'admission d'eau, l'apparition de sujets de teinte sombre ou celle, de temps en temps, de poissons morts en surface. Il convient de préciser que, seuls, les poissons qui meurent d'infection parasitaire viennent flotter en surface, tandis que ceux qui meurent d'inanition ou par suite d'autre causes alimentaires restent au fond. La détection de l'infection dès ses débuts aide à lutter plus efficacement contre la maladie.

4.3.7.6 Traitement des infections parasitaires chez le jeune poisson

Traitement au vert de malachite. On l'emploie surtout contre la maladie “du bouton blanc” (Ichthyophthiriase). La dose normale est seulement de 0,1 à 0,2 ppm de vert de malachite dans les bacs ou bassins; mais on peut aller jusqu'à 2 ppm dans les réservoirs de ciment à condition de pouvoir changer toute l'eau en 10 à 15 minutes. On l'utilise aussi contre l'infection fongique des oeufs (Saprolegnia) à la dose de 5 ppm pendant 30 à 60 minutes.

Traitement à la formaline. A la concentration de 200–400 ppm, on l'emploie contre les Costia dans les petits bacs pendant 15 à 40 minutes. Les bains de formaline à 250–500 ppm pendant 300 minutes sont aussi utilisés contre les vers des branchies chez le jeune frai, à 1 000 ppm pendant 15 à 30 minutes pour les géniteurs.

Traitement au sulfate de cuivre. On l'utilise à la dose de 500 ppm contre la Saprolegnia. Les poissons infectés sont maintenus dans la solution jusqu'à ce qu'ils manifestent des signes de malaise. On l'emploie également pour traiter la pourriture des branchies, ou branchiomycose, provoquée par un champignon du genre Branchyomyces. La dose recommandée est de 100 ppm pendant 10 à 30 minutes.

Traitement au chlorure de chaux et à l'oxyde de cuivre. A la dose de 5 ppm, ce mélange de CaCl2 et de CuO est efficace contre Chilodonella, Costia et Trichodina. La dose létale pour les poissons étant de 100 ppm, celle de 5 ppm peut être utilisée pour les poissons de toutes tailles.

Traitement à l'éther organique d'acide phosphorique. Cet insecticide est en vente partout sous différentes appellations commerciales: Dipterex, Dylox, Masoten, Flibol, etc. On peut l'employer contre les vers communs des branchies (Dactylogyrus, Gyrodactylus) et contre les copépodes parasites (Lernaea). La dose recommandée est de 0,25 à 1,0 ppm du produit actif. Il se décompose rapidement lorsque le pH et la température de l'eau sont élevés.

Traitement au permanganate de potasse. On l'emploie à la dose de 6 à 10 ppm contre les parasites externes comme Saprolegnia, en tenant pendant 60 à 90 minutes les poissons infectés dans la solution. Le même dosage peut servir à la désinfection générale des bacs d'écloserie.

Traitement antibiotique. Toute une gamme d'antibiotiques sert au traitement de maladies bactériennes telles que celles causées par Myxobacterium, Aeromonas, Pseudomonas. Les antibiotiques (oxytetracycline, chloramphenicol, furasolidon, etc.) sont mélangés, soit a l'eau des bassins ou bacs à la dose de 50 ppm par litre, soit à la nourriture à raison de 200 à 1 000 ppm. Dans ce dernier cas, les antibiotiques servent aussi bien à la prévention qu'à la thérapeutique des infections bactériennes.

4.3.7.7 Traitement des jeunes poissons avant leur transport, ou avant le repeuplement d'autres étangs. On laisse généralement baigner pendant 2 à 3 minutes les jeunes poissons dans une solution à 2 pour cent de sel ordinaire, pour les débarrasser de leurs parasites avant de les faire voyager ou de les mettre à l'eau dans d'autres bassins ou étangs.

Il est recommandé de soumettre les géniteurs eux-mêmes à ce genre de traitement avant de les manipuler pour la reproduction. On les plonge à l'aide d'une épuisette pendant 2 à 3 minutes dans une solution d'eau salée à 5 pour cent.

4.3.7.8 Détermination de la dose létale des produits chimiques et de leurs limites de tolérance. Il est nécessaire d'expérimenter, avant de l'utiliser, tout produit chimique destiné au traitement des jeunes poissons, afin de déterminer, d'une part, la dose létale pour le poisson et le parasite, d'autre part, le temps de tolérance que supportera le poisson. A cet effet, on prépare une solution de base du produit à essayer, en en faisant dissoudre 1 g dans 10 litres d'eau (Fig. 55). Un seau ordinaire convient tout à fait, sa capacité étant d'environ 10 litres. On prend cinq seaux analogues qu'on numérote 1 à 5 au marqueur et dans lesquels on verse, respectivement, 25, 50, 100, 200 et 400 millilitres de la solution de base. Puis, chaque seau est rempli d'eau pure et riche en oxygène, jusqu'à la marque des 10 1. Dans chaque seau, le liquide aura une concentration de 0,25, 0,50, 1, 2 et 4, respectivement, et on y plongera de 5 à 10 jeunes poissons dont on désire éprouver la tolérance au produit chimique en question. On observe alors très attentivement le comportement des poissons dans les différents seaux, pour savoir au bout de combien de temps et à quelle concentration ils donnent des signes d'épuisement et commencent à être empoisonnés. Ce procédé permet de déterminer la dose mortelle de n'importe quel produit pour n'importe quel sujet, ainsi que le temps de tolérance. Il faut toutefois mesurer la température de l'eau au moment de l'expérience, puisqu'il est bien connu que la tolérance des poissons aux produits chimiques est fonction de la température. Le même test servira pour les parasites, dont on déterminera la dose qui permet de les tuer sans risque pour le poisson.

Figure 47

Figure 47 Rotifères communs, base de la nourriture zooplanctonique naturelle du jeune frai

Figure 48

Figure 48 Crustacés communs de la faune planctonique

Figure 49

Figure 49 Dispositifs de premier alevinage

Figure 50

Figure 50 Nourrissage du jeune frai en bac spécial

Figure 51

Figure 51 Nourrissage du jeune frai dans de petits bassins de terre

Figure 52

Figure 52 Cycle biologique d'Ichthyophthirius

Figure 53

Figure 53 Principaux parasites unicellulaires des jeunes poissons

Figure 54

Figure 54 Vers communs des branchies

Figure 55

Figure 55 Essai des produits chimiques pour en déterminer les doses létales et les limites de tolérance


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