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Chapitre 15
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

15.1 L'ORGANISATION DE VOYAGES D'ETUDE

Dans son ensemble, l'organisation du voyage d'étude fut excellente. Depuis le moment de son arrivée à Beijing jusqu'à son départ, les participants furent totalement pris en charge par leurs hôtes chinois. Le programme général élaboré à l'origine fut ponctuellement respecté dans chaque province et municipalité visitées. Ce programme permit en trois semaines d'échanges intensifs d'apprécier à leur juste valeur les multiples activités aquacoles de cinq régions différentes.

Au cours du voyage, il apparut cependant que quelques améliorations pourraient être envisagées lors de l'organisation de futurs voyages d'étude similaires. Les suggestions recueillies auprès des participants se rapportent principalement aux différents briefings généraux, reçus à l'arrivée dans chaque province et municipalité. Il est rapidement apparu que, malgré les efforts méritoires des traducteurs, de nombreuses difficultés surgissaient régulièrement, par exemple concernant les noms de lieux et de personnes. Il était également très difficile pour les participants de suivre les itinéraires proposés et de se rendre compte de la localisation géographique des sites visités ou discutés.

Il est donc recommandé que pour des voyages d'étude futurs l'on fasse usage de plus de moyens audio-visuels, tant pour le briefing général d'introduction organisé à Beijing que pour les briefings régionaux ultérieurs. Dans le cas précis de l'aquaculture par exemple, l'on peut songer à un briefing général basé sur la présentation d'une série standard de diapositives, présentant sous forme de tableaux, cartes, diagrammes et schémas, les données de base décrites ici aux quatre premiers chapitres: topographie et climatologie de Chine; organisation administrative générale; ressources aquatiques; productions aquatiques; espèces piscicoles principales; systèmes culturaux; historique et critique du développement; organisation centrale, régionale et locale de l'aquaculture; recherche/formation. Une telle présentation verbale devrait être accompagnée d'une documentation écrite schématique, distribuée à chaque participant. Parmi celle-ci devrait également figurer une carte administrative de Chine montrant l'itinéraire général du voyage d'étude ainsi que le programme général de ce dernier, les principaux noms des lieux à visiter et des personnes à rencontrer. Lors des briefings régionaux, ce matériel serait complété par des données plus spécifiques comme par exemple le programme détaillé des visites locales, les noms de lieux et de personnes qui y seront rencontrées, une carte schématique de l'itinéraire régional. Ce matériel écrit non seulement faciliterait la tâche des traducteurs mais il permettrait également aux participants de se concentrer davantage sur les aspects techniques proprement dits, tout en pouvant à loisir se référer aux documents en leur possession.

Au cours des visites de réalisations piscicoles, les participants ont rapidement réalisé qu'elles étaient beaucoup plus fructueuses lorsqu'elles étaient organisées selon un schéma bien précis. Après une brève introduction par le technicien responsable, donnant une idée générale des points forts de la visite, les participants parcouraient les installations piscicoles tout en se faisant décrire et expliquer sur place les équipements et les techniques utilisées. En fin de visite, une discussion générale avait lieu, organisée autour des sujets principaux observés au cours de cette visite.

15.2 L'AFRIQUE FRANCOPHONE ET LES ENSEIGNEMENTS DE L'AQUACULTURE CHINOISE

L'objectif du voyage d'étude était d'observer le développement de l'aquaculture chinoise dans les eaux continentales, tout en s'informant sur les aspects organisationnels et techniques de ce développement. Sur la base de leurs observations, les participants pourraient mieux évaluer les possibilités de transfert technologique vers leur propre pays.

Tous les participants furent grandement impressionnés par les réalisations chinoises dans le domaine de la pisciculture continentale. Il leur est cependant rapidement apparu qu'il leur serait difficile de simplement copier les enseignements reçus et d'espérer ainsi atteindre des résultats identiques. Trop de différences existent entre l'Afrique et la Chine, des points de vue des ressources disponibles, des besoins nationaux, des structures sociales, des systèmes économiques, etc. Le climat et les ressources en eau peuvent être très différents. Les espèces piscicoles mêmes sont essentiellement différentes. Il s'agissait donc pour les participants africains de s'intéresser non seulement aux aspects techniques mais, en priorité, aux principes directeurs responsables du développement rapide de l'aquaculture dans le milieu rural chinois.

Il n'y a pas de doute qu'une des principales raisons de ce succès réside dans la longue tradition de pisciculture et d'exploitation relativement intensive des eaux continentales. Une telle tradition fait défaut en Afrique, ce qui constitue un handicap certain. Une situation similaire existe pour la maîtrise de l'eau, un autre atout majeur en Chine et qui ne se retrouve en Afrique à une échelle comparable qu'à Madagascar.

L'intégration de la pisciculture aux autres activités de production, permettant l'utilisation maximum des ressources en terres et en eaux, constitue le point le plus saillant de l'aquaculture chinoise. Cette intégration a une application directe dans les programme de développement rural des pays africains, bien que le système observé au cours du voyage d' d'étude ne puisse pas nécessairement être transplanté tel quel dans ceux-ci. Le choix des espèces piscicoles, ainsi que les types de cultures et d'élevages doivent être réalisés en fonction des conditions locales. Des efforts ont été faits au cours de ces dernières années dans plusieurs des pays participants (e.g., Centrafrique, Congo, Côte-d'Ivoire, Madagascar), en vue d'introduire et de développer ce genre d'intégration. De nombreuses possibilités existent également en d'autres pays (e.g., Cameroun, Gabon, Guinée, Haute-Volta, Rwanda, Sénégal, Zaïre). Elles devraient y être exploitées dans la mesure du possible.

L'organisation et la planification du développement aquacole en Chine sont évidemment adaptées aux systèmes social et politique du pays. Ceci pose des difficultés majeures d'adaptation dans la plupart des pays des participants. Néanmoins, deux principes importants sont apparus d'application générale: i) la valeur d'une organisation centrale, indépendante et spécialisée pour les produits aquatiques, compétente à la fois pour les eaux douces, les eaux saumâtres et les eaux marines, que ce soit au niveau recherche, formation ou production; et ii) les possibilités qu'offre une planification décentralisée à l'échelon local, en vue de satisfaire les besoins locaux, de mobiliser les masses paysannes pour son exécution et de réaliser ainsi une intégration réelle.

La recherche scientifique aquacole non seulement se fait dans les laboratoires spécialisés des instituts et des universités, mais également à tous les niveaux intermédiaires, jusqu'à celui de la brigade de production, au coeur même du milieu rural. D'étroits rapports existent entre les différentes unités de recherche au niveau de la commune populaire, du district, de la province et de la nation en vue de garantir à tous les échelons la coordination, le contrôle et le support nécessaires. Cette étroite relation chercheurs-producteurs permet d'éviter que les résultats des recherches scientifiques ne restent que théoriques, comme cela se passe en général dans beaucoup d'autres pays.

La formation et l'enseignement aquacoles sont également orientés vers l'intégration de la théorie à la pratique: enseignement théorique et expérience pratique sont intimement liés. Les techniciens et pisciculteurs ruraux sont formés sur place, dans les communes et les brigades de production, par des enseignants venant des écoles techniques et même des universités. Ceci permet simultanément à ces derniers de découvrir sur place une solution aux problèmes de production existants. Les producteurs ruraux peuvent cependant aussi recevoir une certaine formation théorique en des centres spécialisés, mais tout en y travaillant à l'étude pratique et à la solution de problèmes piscicoles.

L'application du principe “trois dans un” à la planification, à la recherche et à la formation aquacoles résulte en une vulgarisation rurale très efficace. Les participants du voyage d'étude ont pu largement apprécier les résultats ainsi obtenus au niveau de la production piscicole entre autres.

Le développement simultané de toutes les ressources locales est généralisé en Chine et l'application de ce principe est valable dans la plupart des pays participants. Par exemple les plantes aquatiques, considérées comme une nuisance et éliminées dans beaucoup de pays, sont systématiquement cultivées en Chine et utilisées pour l'alimentation animale et la fabrication de compost. L'exploitation de la vase des étangs, des lacs et des rivières pour la fertilisation organique et l'amélioration des sols, ainsi que l'exploitation des mollusques pour l'alimentation animale, en sont deux autres exemples.

Au cours du voyage d'étude, les participants ont pu s'initier à divers systèmes culturaux piscicoles, appliqués soit en étang, soit en lac, réservoir, rivière ou chenaux. Dans les étangs, le système cultural est généralement semi-intensif, basé sur la polyculture, la fertilisation organique et l'alimentation végétale. Dans les eaux libres par contre, le système cultural est plutôt extensif, basé sur l'alimentation naturelle et l'empoissonnement périodique de jeunes poissons. Bien qu'en Afrique d'autres espèces piscicoles soient indigènes, de nombreux principes chinois de gestion pourraient y être adoptés avec profit.

Deux des principaux développements récents de l'aquaculture chinoise sont la reproduction contrôlée des carpes chinoises et la production massive de leurs alevins. Le premier problème n'existe généralement pas encore en Afrique, où l'élevage des diverses espèces de tilapia permet d'envisager les méthodes de reproduction naturelle. Certaines exceptions existent cependant, par exemple là où l'on tente de développer l'élevage du poisson-chat (par exemple Cameroun, Centrafrique), de la carpe commune (par exemple Cameroun, Centrafrique, Côte-d'Ivoire, Madagascar) ou de carpes chinoises (par exemple Côte-d'Ivoire, Madagascar). Dans ces cas particuliers, l'expérience chinoise de la reproduction contrôlée pourrait et devrait être davantage utilisée. Par contre, la production massive d'alevins en milieu rural africain n'a pas encore été réalisée, même pour les tilapias. Alors qu'en Chine, les alevins sont produits en masse bien souvent par les paysans eux-mêmes et localement, cette technique est encore réservée en Afrique - lorsqu'elle existe - aux techniciens et aux stations piscicoles de l'Etat. Là encore, l'expérience chinoise de la décentralisation de l'alevinage pourrait être adaptée et encouragée, afin de remédier au manque actuel de matériel d'empoissonnement et de pallier aux difficultés de sa distribution à de vastes régions, en l'absence d'un système de communication adéquat.

En présence de sources sûres d'alevins, le système cultural chinois d'élevage piscicole semi-intensif peut être assez facilement adapté à certaines régions africaines, en priorité là où existe le développement rural intégré et où des associations de producteurs se sont établies, par exemple sous une forme coopérative comme au Cameroun, Congo, Côte-d'Ivoire, Rwanda et Zaïre. En l'absence d'une technologie bien définie permettant actuellement la polyculture de production d'un nombre important d'espèces piscicoles africaines, l'élevage en mélange par exemple de Sarotherodon niloticus (planctonophage) et de Tilapia rendalli (macrophytophage) peut y donner d'excellentes productions en présence d'une bonne fertilisation organique et d'une alimentation à base de végétaux et de sous-produits agricoles, selon le système cultural semi-intensif chinois.

Il apparaît cependant nécessaire de mettre au point en station de recherche et en Afrique des systèmes polyculturaux plus complets, se basant sur des espèces indigènes (par exemple tilapias divers, poisson-chat) et, si nécessaire, sur des espèces exotiques (par exemple carpes chinoises, carpes indiennes).

En plusieurs occasions, le groupe d'étude a pu observer combien l'application intelligente de techniques piscicoles au développement des pêcheries pouvait être profitable, dans les lacs naturels et les réservoirs. La polyculture extensive y permet l'exploitation complète de la nourriture naturelle et même parfois des déchets des terres avoisinantes. Les empoissonnements annuels maintiennent les productions à des taux élevés. L'aménagement intégré du bassin versant (par exemple forêts, agriculture, élevage, pêche, tourisme) assure la protection de ce dernier, tout en optimisant l'exploitation de ses ressources. Tous ces aspects et leur application possible aux pays en voie de développement ont été longuement discutés dans un précédent rapport (Tapiador et al., 1978). Pour l'Afrique en particulier, l'application des techniques chinoises de pisciculture extensive pourrait être envisagée, tout particulièrement dans les nombreux petits et moyens réservoirs d'irrigation des régions de savane existant par exemple au Cameroun, en Côte-d'Ivoire, en Haute-Volta, au Mali, au Niger, au Sénégal et au Togo.

L'exploitation par la pisciculture extensive en enclos de sections de rivières et de chenaux a également soulevé l'intérêt des participants. Ici encore, la combinaison d'empoissonnements périodiques et de la polyculture procure des productions piscicoles intéressantes. Cependant, l'expansion de ce système cultural à d'autres pays, en l'absence de la notion de propriété collective et d'une administration communale, pourrait y soulever divers problèmes, par exemple de législation, d'environnement et de gestion. Dans la majorité des pays africains, ce type d'exploitation piscicole risque d'être difficilement appliqué. Il pourrait néanmoins être envisagé dans certains cas particuliers, comme par exemple en aval de barrages hydro-électriques et en certaines saisons ainsi que dans les canaux principaux d'irrigation de complexes agro-industriels en l'absence de pollution chimique.

Par contre, une attention toute particulière devrait être portée en Afrique à l'utilisation d'enclos piscicoles en lacs et réservoirs. Bien que les participants n'aient eu l'occasion d'observer qu'une seule réalisation de ce genre - la production d'alevins dans une baie de réservoir - ils ont unanimement exprimé leur intérêt en vue de l'exportation de cette technologie vers leur pays. Malheureusement aucune expérience importante de ce genre n'y a encore été tentée. Il serait donc souhaitable que des recherches soient entreprises en Afrique à ce sujet, en vue de la production non seulement d'alevins d'empoissonnement mais aussi de poisson de consommation, par un système cultural semi-intensif.

Ce sont les élevages en cage qui ont suscité le plus d'intérêt, qu'ils soient conduits en réservoir, en rivière ou en chenal navigable. Tous les systèmes culturaux observés - extensifs ou semi-intensifs, en cage flottante ou en cage fixe, à l'échelle expérimentale, pilote ou commerciale - présentent un potentiel certain pour les pays africains. Cependant, avant de pouvoir les diffuser, il est nécessaire de solutionner l'approvisionnement régulier en alevins de l'espèce piscicole choisie, en l'occurence un tilapia africain et de préférence S. niloticus. En l'absence d'une nourriture naturelle abondante dans les cages, il faudra de plus assurer une alimentation artificielle de bonne qualité, basée par exemple sur des sous - produits agricoles disponibles localement. Une certaine expérience existe déjà dans ces domaines en Afrique (par exemple Bénin, Côte-d'Ivoire) et les possibilités de développement y sont nombreuses, dans la plupart des pays participants. Des progrès rapides pourraient y être réalisés, comme en Chine, à condition de disposer des inputs nécessaires.

En conclusion, plusieurs des principes à la base du succès du développement important de l'aquaculture continentale chinoise au cours de ces trente dernières années pourraient être appliqués en Afrique dans un but similaire. Ces principes se réfèrent principalement à l'organisation administrative nationale et régionale, au processus de planification, à l'organisation de la recherche et de la formation, à la conception du développement rural, ainsi qu'au choix d'une technologie piscicole adaptée aux possibilités locales.

L'expérience chinoise empiriquement acquise au cours de plusieurs siècles de pratique de l'intégration pêche/pisciculture et agriculture/pisciculture, présente une valeur considérable pour les pays africains intéressés dans le développement rural intégré. Elle ne peut cependant pas être importée sans adaptation aux conditions locales. Dans la plupart de ces pays, en effet, plus d'importance devra être donnée aux bénéfices économiques, sociaux et nutritionnels. Afin de réunir la main-d'oeuvre qualifiée, nécessaire à des unités de production économiquement rentables, il faudra plus que probablement se tourner vers des associations de producteurs.

Un potentiel important existe en Afrique pour l'utilisation de la présente technologie chinoise, adaptée à l'élevage des tilapias en étang, en enclos piscicole et en cage. L'aménagement des pêcheries des petits et moyens réservoirs d'irrigation des régions de savane pourrait également s'inspirer des réalisations chinoises dans ce domaine. Cependant ces potentiels de développement piscicole ne pourront se réaliser qu'en présence d'une production massive d'alevins et de systèmes culturaux adaptés. Ces derniers pourraient être en priorité la polyculture semi-intensive en étang, des élevages semi-intensifs en enclos piscicole lacustre, et des élevages extensifs à intensifs en cage. Des recherches de mise au point et des projets pilotes d'évaluation devraient alors successivement assurer les bases du développement piscicole, dans le cadre général d'un développement rural intégré.

15.3 LA CHINE ET LES ENSEIGNEMENTS DE L'AQUACULTURE D'AFRIQUE FRANCOPHONE

La Chine possède une très longue expérience du poisson et de sa culture intensifiée, en interdépendance avec l'agriculture et l'élevage. Cependant, la majeure partie de ses succès en aquaculture est basée non sur des résultats scientifiques mais, au contraire, sur l'empirisme. Emergeant à peine d'un isolement complet d'une dizaine d'années, ses chercheurs et techniciens éprouvent un immense besoin de s'informer des nombreux progrès réalisés au cours de cette période dans le reste du monde. Ce besoin a été ressenti par les participants du voyage d'étude tout au long de leur périple à travers le pays.

Malheureusement, le développement de l'aquaculture africaine en étant encore à ses tout débuts, peu d'informations techniques fondamentales purent être échangées à ce sujet avec nos hôtes chinois.

L'attention de ceux-ci fut attirée sur quelques-uns des progrès réalisés récemment en Afrique comme par exemple: la production à l'échelle pilote de S. niloticus mâles en étangs commerciaux (Côte-d'Ivoire); la mise en place d'écloseries modernes du type hongrois pour la carpe commune et les carpes chinoises (Madagascar); et l'élevage intensif de tilapia en cage flottante (Côte-d'Ivoire).

Dans un proche avenir, d'autres réalisations africaines devraient se matérialiser et pourraient alors devenir des sources additionnelles d'informations valables pour les techniciens chinois, comme par exemple: les élevages piscicoles en enclos lagunaire (Bénin, Côte-d'Ivoire); les élevages intensifs et commerciaux de tilapias en cage, en lagune (Côte-d'Ivoire) et en réservoir (Côte-d'Ivoire, Haute-Volta); la production massive en écloserie moderne d'alevins de poisson-chat, Clarias lazera (Centrafrique); la gestion d'écloseries modernes pour la production massive d'alevins de carpe commune, de carpe herbivore et de carpe argentée (Madagascar); et l'élevage polycultural en ferme côtière pilote de mulets, de Chanos chanos et de crevettes pénéides (Madagascar).

Les enseignements que la Chine peut retirer en Afrique francophone des réalisations existantes sont donc assez réduits. Cependant, si le développement aquacole s'y poursuit au rythme actuel, des informations d'un intérêt grandissant y apparaîtront et s'y multiplieront au cours des cinq prochaines années.

15.4 RECOMMANDATIONS

Sur la base des conclusions exprimées ci-dessus, l'on peut émettre une série de recommandations. Celles-ci se subdivisent en deux groupes, selon qu'il s'agit de recommandations en faveur du développement de l'aquaculture continentale, soit en Afrique francophone (Sections 15.4.1 et 15.4.2), soit en Chine (Sections 15.4.3 à 15.4.8).

15.4.1 Développement intégré pisciculture/agriculture/élevage

L'expérience, bien qu'empirique, accumulée en Chine à ce sujet, est d'une valeur considérable pour les pays africains désireux de pratiquer le développement rural intégré. Afin d'en promouvoir la diffusion, il est recommandé: a) de préparer un film fixe illustrant les diverses techniques chinoises dans ce domaine, en relation directe avec la pisciculture. Ce film fixe serait accompagné d'un commentaire en français décrivant en détail les opérations illustrées; b) d'organiser en Chine un stage pratique de formation francophone d'une durée de trois à quatre mois au cours duquel des techniciens africains séjourneraient dans des fermes intégrées et y étudieraient les diverses opérations liées à la production piscicole.

En fait, ces deux recommandations pourraient être combinées. Il est de plus suggéré qu'elles soient exécutées en étroite collaboration avec le nouveau Centre Régional Principal de Wuxi (Jiangsu), établi avec l'assistance PNUD/FAO-ADCP dont la vocation première est d'organiser la formation et les recherches sur la pisciculture intégrée.

15.4.2 Production massive d'oeufs et d'alevins

Certains pays africains francophones ont déjà importé une ou plusieurs espèces de carpes chinoises (par exemple Côte-d'Ivoire et Madagascar), tandis que d'autres pays projettent de le faire. Il y a peu de doutes qu'une assistance technique y sera nécessaire pour l'établissement d'écloseries simples mais productives, en vue de la production massive d'oeufs et d'alevins. Un problème similaire se pose à certains pays ayant importé d'autres espèces exotiques (par exemple la carpe commune) ou tentant la production d'espèces locales se reproduisant difficilement en étang (par exemple le poisson-chat).

Il est recommandé que dans ces cas particuliers, l'on fasse appel à des techniciens chinois compétents dans ce domaine, afin de mettre en route des systèmes adaptés aux conditions locales.

15.4.3 Recherches sur les systèmes intégrés

Des recherches sont nécessaires en Chine pour établir les bases scientifiques des techniques utilisées empiriquement dans le développement intégré pisciculture/agriculture/ élevage. Une analyse critique et rationnelle des résultats observés est devenue nécessaire si l'on veut généraliser les hautes productions obtenues localement et sporadiquement. Cette analyse est également indispensable pour comprendre la nature réelle des mécanismes en jeu. Ceci permettra alors de les adapter à des situations nouvelles et de les appliquer avec un succès semblable.

L'ouverture cette année du Centre Régional Principal d'Aquaculture de Wuxi (Jiangsu), l'un des quatre centres régionaux du réseau asiatique (projet PNUD/FAO - RAS/76/003), fut conçu dans ce but. Les techniciens chinois y recevront une formation spécialisée dans ce domaine, des recherches scientifiques fondamentales et appliquées y seront conduites, et un centre d'information spécialisé en aquaculture intégrée y sera organisé.

15.4.4 L'amélioration de la technologie des écloseries

La technologie adoptée dans les écloseries chinoises pour la reproduction contrôlée des géniteurs, l'incubation des oeufs et leur éclosion est relativement simple, tout en permettant la production massive d'alevins. Les installations bien que faciles à entretenir et de coût modeste, ne permettent cependant pas un contrôle efficace des différentes phases de la production comme par exemple, fécondation, incubation, éclosion et élimination des oeufs morts/malades. Ceci pourrait expliquer les taux relativement peu élevés de fécondation et d'éclosion observés dans certaines écloseries.

Il serait souhaitable de comparer les résultats obtenus par cette technologie avec ceux obtenus en appliquant une technologie moderne, permettant un contrôle plus intense de toutes les phases. Ceci pourrait inclure par exemple la fécondation artificielle, l'utilisation de solutions favorisant la fécondation, l'emploi de carafes d'incubation, ainsi que l'application de traitements chimiques en cours et en fin d'incubation, selon la méthodologie appliquée à grande échelle et avec succès en Hongrie.

Afin de permettre aux techniciens chinois de se familiariser avec cette méthodologie nouvelle il est recommandé que des stages pratiques de deux à trois mois soient organisés pour eux à l'écloserie en eau chaude de Szazhalombatta, Hongrie. De tels stages pourraient être utilement suivis d'un séjour d'une à deux semaines à l'écloserie de l'Organisation pour l'amélioration des eaux intérieures (OVB) à Lelystad (Pays-Bas), en saison de production d'alevins de carpe commune et de carpe herbivore.

15.4.5 L'amélioration de la technologie des élevages en cage

Sur la base des observations faites lors des visites de quelques installations et des données techniques recueillies, il semblerait que de nettes améliorations pourraient être apportées à la technologie actuellement utilisée. En effet, les rendements obtenus sont assez faibles, surtout en présence d'une alimentation artificielle relativement riche. Plusieurs raisons peuvent être invoquées, comme par exemple l'utilisation de filets à trop petites mailles (réduction des échanges d'eau) et des taux/densités de charge trop faibles.

Il est recommandé d'organiser des voyages d'étude et des stages pratiques de courte durée, dans des institutions et des installations commerciales ayant une bonne expérience de production piscicole en cage, pour des techniciens chinois. Dans le cas d'élevages en cage en eau continentale, une telle expérience existe par exemple aux Etats-Unis (truite, tilapia, poisson-chat), en Hongrie (carpes chinoises, sandre, esturgeon), aux Pays-Bas (carpe commune, carpe herbivore, truite arc-en-ciel), aux Philippines (tilapia), et en République démocratique allemande (carpe commune, truite arc-en-ciel).

15.4.6 Elevages intensifs en étangs et bassins

La nécessité de créer des élevages piscicoles intensifs dans les zones suburbaines se fait de plus en plus pressante en Chine orientale. Des essais sont en cours mais la plupart d'entre eux n'ont pas encore atteint le stade pilote. Afin d'accélérer le développement de tels systèmes culturaux, tout en profitant de l'expérience importante existant en d'autres pays, il est recommandé d'organiser des voyages d'étude et des stages pratiques pour de petits groupes de techniciens chinois. Au cours de telles visites, ils pourront s'intéresser par exemple aux élevages intensifs en raceway et en bassin circulaire, à la technologie associée à la recirculation de l'eau, à la fabrication et à la distribution d'aliments artificiels, ainsi qu'aux méthodes modernes de manipulation des animaux d'élevage. Les aspects de rentabilité économique des élevages intensifs devraient également être examinés de près. Ces visites pourraient être organisées de préférence aux Etats-Unis, en Grande Bretagne, en Italie et au Japon, à la fois dans des installations gouvernementales et privées.

15.4.7 Littérature technique

Ainsi que déjà mentionné précédemment, l'arrêt complet de contacts avec la recherche scientifique et les développements technologiques étrangers au cours des dix dernières années, constitue encore aujourd'hui un handicap sérieux, malgré les efforts récents d'ouverture à l'extérieur. Les instituts de recherche, les centres d'enseignement supérieur et leurs techniciens manquent désespérément de publications étrangères et de matériel de référence, relatifs aux développements récents de l'aquaculture et des sciences annexes.

Il est recommandé qu'au minimum dans chaque province, municipalité et région autonome où l'aquaculture continentale revêt une importance particulière, un centre de documentation spécialisé soit organisé et équipé. Une documentation moderne de base devrait y être rassemblée, par exemple sous la forme de microfiches. Un équipement pour la reproduction de ces dernières permettrait leur diffusion régionale massive et peu coûteuse aux institutions spécialisées, qui elles-mêmes seraient équipées de lecteurs de microfiches. Il est en outre recommandé que ces centres soient établis avec l'étroite collaboration du Centre de Documentation PNUD/FAO de Wuxi (Centre Régional Principal d'Aquaculture - Réseau Asie). La formation des responsables des nouveaux centres de documentation pourrait également y être organisée.

15.4.8 Collaboration future avec la FAO

Des bases de proche collaboration ont été établies avec la FAO et, en particulier, avec le Département des pêches, à travers son service des Ressources des Eaux Intérieures et de l'Aquaculture (FIRI) et son Programme de Développement et de Coordination de l'Aquaculture (ADCP). Cette collaboration devrait non seulement se poursuivre mais également se renforcer au cours des prochaines années, principalement par l'intérêt commun d'établir et de développer le Centre Régional Principal d'Aquaculture de Wuxi.

Il est recommandé, dans le cadre de cette collaboration, de favoriser davantage les échanges d'informations entre les techniciens FAO et ceux du Bureau National des Produits Aquatiques. Ces échanges devraient se faire à la fois sous la forme de séances de travail communes et d'envois de publications spécialisées.


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