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LEÇONS À RETENIR

«Le monde bouge... il faut que ça bouge au niveau
de notre village...».

La démarche du projet a permis d'identifier et d'utiliser les canaux traditionnels de communication et les formes d'organisation les plus adaptées au milieu social et culturel. L'approche participative a favorisé l'expression des besoins des groupes cibles et la mise en place d'activités qui ont bénéficié à la société villageoise dans son ensemble.

Des ouvertures se sont créées et les acquis des femmes peuvent se résumer ainsi: plus de confiance en soi et davantage de possibilités de développer leurs propres capacités. Même si le projet n'a pas proposé une approche 'genre' spécifique, les femmes elles-mêmes vont certainement y arriver, en partsie grâce au projet, en partie grâce à l'évolution et à l'esprit du temps. Les femmes de Mamacita elles-mêmes le disent: «Le monde bouge... il faut que ça bouge au niveau de notre village...».

Néanmoins il est plus aisé de mesurer les effets directs sur les conditions de vie que d'appréhender l'impact au niveau des changements d'attitude et de mentalité. Enfin, ajoutons que, de l'avis des femmes interrogées, les activités entreprises avec le projet sont en parfaite syntonie avec leurs attentes et avec celles de leurs communautés.

Objectifs et compétences

Il existe une cohérence interne entre les deux objectifs de développement et les objectifs immédiats du projet. Cependant, si on les compare avec les ressources humaines disponibles, une certaine inadéquation apparaît évidente entre les résultats attendus et la possibilité concrète pour ces ressources d'y parvenir. L'éventail des objectifs immédiats a permis aux femmes de choisir les activités qui répondaient à leurs intérêts; en même temps, cette "mégalomanie" au sein de l'intervention a fait qu'on a cherché à toucher à tout sans l'expertise nécessaire.


Planification, indicateurs, suivi-évaluation

Le système de planification doit être constamment relié au système de suivi-évaluation et à la réelle capacité d'exécution des activités planifiées; de même, la programmation doit prendre en compte les contraintes naturelles et culturelles du milieu qui, comme dans le cas du projet, ont quelques fois annulé les efforts de planification.

Les dotations de personnel, de moyens financiers, d'équipement et d'outils doivent être faites au moment prévu; les consultations doivent être fournies au moment où elles s'avèrent nécessaires et où les conseils et les recommandations peuvent être pris en compte dans la planification des activités en cohérence avec les temps réels du travail et son caractère saisonnier.

Des indicateurs ont été établis en fonction de chaque activité. Il a été toutefois difficile de les appliquer, qu'il s'agisse des aspects quantitatifs ou qualitatifs, à cause des «mésaventures» du système de collecte de données et des difficultés liées à l'analyse et à la prise de décision.

Il est primordial d'habituer le personnel à collecter des données dès le démarrage d'une action et de le sensibiliser à l'utilité de constituer une base de données référentielle pour quantifier et évaluer les résultats. Le système de suivi doit être adapté aux capacités réelles du personnel à s'en approprier et à l'opérationnaliser; il doit satisfaire en premier lieu aux besoins d'information qui surgissent au sein du projet pour réaliser ses plans et ses activités et pour développer le travail de tous les jours.


Questions d'organisation

Un atout certain pour le projet a été l'existence, dans les villages, d'organisations endogènes, telles que les tons et les groupes d'entraide traditionnels. Si le contexte religieux, le patriarcat et la hiérarchisation de la société constituent des limites très fortes à l'épanouissement des capacités des femmes, il s'agit toutefois de limites à l'intérieur desquelles elles savent toujours trouver des moyens "socialement acceptables" pour garantir leur expression et influencer les décisions au niveau de la famille et de la communauté villageoise.

Le projet a bâti les groupements féminins sur le modèle des tons, mais avec une plus grande exigence au niveau de la direction et de la gestion. L'alphabétisation et les formations ont représenté la possibilité d'induire un changement qualitatif dans la désignation des responsables et une plus grande exigence de compétence.

L'organisation a constitué un facteur très important pour hausser le statut des femmes dans le village. Le groupement féminin est reconnu par la population comme porteur de développement et comme interlocuteur du Conseil du village. L'organisation représente une occasion pour exercer des responsabilités publiques, pour s'exprimer plus librement, pour proposer des idées. La mise en discussion de l'ordre social est une conséquence directe des activités menées par les femmes et de leur impact dans la société villageoise.

Le réseau, ainsi que le rôle des animatrices rurales et de ses suppléantes dans celui-ci, est fondamental pour la durabilité du processus et constitue le résultat le plus évident des formations dispensées par le projet. Parmi les femmes, ce sont les animatrices qui ont le mieux assumé les responsabilités, arrivant à un niveau d'autonomie vis-à-vis du village et du projet en tant que canal de transmission de connaissances et de savoir- faire pour les autres femmes.

La reconnaissance des groupements féminins comme associations est très importante pour augmenter l'auto-estime des femmes et leur positionnement en tant qu'acteurs à part entière dans les programmes de développement. La création de l'Union des groupements féminins de Kayes-Nord, qui n'était pas prévue comme objectif du projet, représente un indicateur de la conscience et de la volonté des femmes d'assumer la responsabilité de pérenniser les acquis du projet.


Le projet de tutelle

L'existence d'une structure référentielle de tutelle comme le projet PRODESO est un bon choix et un facteur qui contribue à la pérennisation des acquis. Toutefois il faudrait bien préciser les limites et les prérogatives de la tutelle, ainsi que les tâches lui revenant institutionnellement. La tutelle, malgré les bonnes intentions, peut parfois constituer un poids si ces prérogatives ne sont pas claires.

Dans le cas de l'introduction du PNVA, le projet de tutelle aurait dû mieux négocier les modalités d'insertion du programme dans sa zone d'action pour garantir sa compatibilité avec les objectifs des autres projets déjà opérationnels. A plus forte raison dès lors qu'il s'agissait d'un projet de femmes, lesquelles sont souvent exclues des programmes de développement.


Personnel du projet

Dans le choix du personnel du projet, il faut veiller à que les différentes rôles soient couverts par des profils professionnels adéquats: gestion et direction du projet, animation du groupe cible, assistance technique pour les activités, autant de fonctions qui doivent s'identifier avec des personnes dotées des compétences spécifiques.

L'évolution d'un projet montre qu'à chaque étape correspondent des besoins différents en compétences; il est donc primordial de trouver un équilibre entre les personnes et les priorités du projet et les moyens pour pouvoir introduire des changements si nécessaire. Chacun des spécialistes du projet devrait être reconnu pour ses capacités et points forts et en même temps garantir la juste distribution des tâches et des responsabilités.

Le profil de la personne qui a dirigé la démarche a représenté un plus. Elle a été essentielle grâce à sa très bonne connaissance du milieu et de ses enjeux. Cette connaissance du milieu prend toute son ampleur si elle est conjuguée à la capacité de prendre du recul.

Il est également primordial pour un projet d'avoir un/une responsable chargé (e) des activités de gestion du projet et des relations avec l'extérieur.

Le fait d'avoir doté le projet d'une expertise internationale légère a été un choix pertinent dans la mesure où cela a permis de réorienter et redéfinir les actions et de minimiser les coûts de cet apport en laissant la responsabilité directe de la mise en place des directives au personnel national. Cependant, comme dans le cas du projet, quand il y a une expertise associée, il est important de s'assurer que l'expertise nationale est capable de donner une orientation et d'exprimer un avis technique fondé sur le travail de l'expertise associée.

Il n'a pas été facile de disposer de personnel féminin pour le travail de terrain. La présence d'encadreurs masculins a probablement freiné le processus d'implication des femmes dans les activités mais, en revanche, elle a certainement favorisé l'implication des hommes. La présence des animatrices rurales a permis de rééquilibrer en partie la situation.

 

Sécurité alimentaire

La production maraîchère a joué en certains moments un rôle important pour l'acquisition de céréales. Dans les années caractérisées par un mauvais hivernage et par une production céréalière déficitaire, les femmes se sont lancées très tôt dans le maraîchage pour disposer de moyens pour s'approvisionner en céréales.
L'introduction de semences hâtives sélectionnées, très chères et souvent mal conservées, ne répond pas à une stratégie de durabilité. Il faut améliorer la production et la conservation des semences locales.


Revenus

La grande activité génératrice de revenus a été le maraîchage. La disponibilité de techniques efficaces a augmenté les bénéfices de cette activité, mais le manque de données sur les revenus qu'elles tirent de chaque initiative économique empêche les femmes de prendre conscience de toute la valeur de leur travail.


La président du groupement de Moundingtakou brandit le récépissé de la reconnaisance juridique de son GF.

Hydraulique

Pour la réalisation d'ouvrages comme les barrages et les puits, le constat est qu'il vaut mieux se baser le plus possible sur les ressources et entreprises locales. Des ouvrages sont toujours utiles pour créer du travail dans une zone: il vaut mieux avoir recours aux villageois en les rémunérant aux taux courants et utiliser le système "vivres-contre-travail" à l'occasion des grands travaux où tout le monde doit participer (transport matériel et terre, plantation des arbres, etc.).

Il faut tenir compte du fait que la bonne maintenance des ouvrages hydrauliques ne peut se faire que si le comité de gestion est formé et motivé pour la prise en charge dès le début de l'action.

Les ouvrages hydrauliques peuvent être l'une des causes de certaines maladies, facteur devant être pris en compte dans les actions de sensibilisation relevant du domaine de la santé.


Fonds de roulement et crédits

Le premier intérêt de la mise en place d'un fonds de roulement et d'un système de crédit est en rapport avec l'apprentissage de la gestion qui doit en découler. Il faudrait considérer en premier lieu cette perspective didactique.

Au niveau de la philosophie du fonds de roulement, il est nécessaire de renforcer davantage les actions liées à l'épargne.

Le manque de rigueur dans l'exigence des remboursements et la décision arbitraire de congeler les remboursements des crédits de la deuxième phase a été un précédent qui n'a pas milité en faveur de la crédibilité et de l'apprentissage à la gestion dans un contexte de rareté de moyens. La mise en place d'un fonds de roulement est certes pertinente, mais il faut repenser la philosophie et les modalités de gestion de ce fonds.

Le volet crédit représente à lui seul une base pour un projet, du fait des compétences et du suivi continu qu'il requiert si l'on veut vraiment créer des capacités de gestion d'entreprise auprès des femmes.


Allégement des tâches

De manière générale, l'augmentation de la production s'est accompagnée d'une plus grande sollicitation de moyens de travail par les femmes. Il est très important, dans un projet qui se propose d'intensifier la production agricole, de bien identifier les tâches assumées par les femmes et de s'attaquer résolument à toute les modalités qui permettent de les alléger de manière efficace, en appuyant l'acquisition d'outils et de moyens mécaniques.


Communication

La communication des acquis du projet en terme d'organisation et d'actions concrètes avec les femmes rurales s'est montré un moyen formidable pour diffuser un certain esprit d'engagement par rapport à une réalité où l'isolement et l'enclavement représentent des facteurs contraignants. Les animatrices rurales du projet ont été de plus en plus associées à des émissions radio destinées aux femmes et, à la fin du projet, certaines d'entre elles avaient acquis une telle sécurité et un tel savoir-faire qu'elles étaient régulièrement appelées à collaborer avec la radio rurale. La radio, seul moyen de communication efficace en milieu rural diffusé à tous les niveaux, représente un atout formidable pour la formation à distance; elle pourrait donc être exploitée davantage.


Reproductibilité de l'expérience

Tant dans son concept que par sa démarche, le projet a été en accord avec les politiques de développement du Gouvernement malien, notamment en ce qui concerne les priorités dégagées par le Ministère du développement rural et de l'eau (MDRE) pour promouvoir la participation effective des femmes rurales au développement. Le projet a déjà appliqué certains aspects de la stratégie en faveur des femmes rurales que le MDRE se propose de mettre en place à l'échelle nationale. Il est donc considéré comme une expérience pilote dans la sous-région.

Quelques conseils pour des initiatives similaires

DOCUMENTS RELATIFS AU PROJET

Agnès Le Magadoux, Rapport intérimaire de la 2ème phase, FAO, 1995.

Programme de coopération FAO/Belgique , Document de projet FAO/GCP/MLI017/BEL, 1994.

Agnès Le Magadoux , Rapport de mission au Mali, nov.-déc. 1994.

Fiorella Bomé , Rapport de mission au Mali, janvier 1996.

Fiorella Bomé , Rapport de mission au Mali, nov.-déc. 1996.

Fiorella Bomé , Eléments pour un nouveau projet dans les Zones pastorales PRODESO, déc. 1996.

Revue technique tripartite Belgique/FAO/Mali , Rapport de mission au Mali, mars 1997.

Guy De Lannoy , Développement du volet horticole, Rapport de mission, juin 1997.

Projet GCP/MLI/017/BEL , Document de synthèse de la III phase du projet, mars 1997.

Fiorella Bomé , Rapport de mission au Mali, février 1998.

Projet GCP/MLI/017/BEL , Résultats de suivi-évaluation. Campagne 1997-1998, juillet 1998.

Projet GCP/MLI/017/BEL , Rapport terminal. Conclusions et recommandations du projet, sept. 1998.

Evaluation tripartite de la III phase du Projet GCP/MLI/017/BEL, jan-fév. 1999.

Marema Toure , Résumé exécutif, Evaluation tripartite, jan.-fév. 1999.

Lisette Causberg , Résumé exécutif, Evaluation tripartite, jan.-fév. 1999.

Kadidja Diarra , Résumé exécutif, Evaluation tripartite, jan.-fév. 1999.

BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

Agnès Le Magadoux , Politique et stratégie de développement en faveur des femmes rurales, FAO, Rome, 1994.

Genre, clé pour le développement et la sécurité alimentaire , Plan d'action 1996-2000. FAO, Rome, 1997.

K.Diarra, M.Mukashefu, B. Sanogo, Projet MLI/91/005 .Aux femmes rurales, Mali, déc. 1998.

Jean Bonnal , Participation et risques d'exclusion à partir de quelques exemples sahéliens, FAO, Rome, 1995.

Marie Monimart , Femmes du Sahel. La désertification au quotidien. Ed.Khartala, Paris, 1989.

Chantal Rondeau , Les paysannes au Mali. Espaces de liberté et changements. Ed.Khartala, Paris, 1994.

Un matin de bonne heure, les femmes de Sawarané pilent le mil

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