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PREMIÈRE PARTIE: LA GESTION DE LA CAPACITÉ DE PÊCHE: RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS


1. CONSIDÉRATIONS D’ORDRE GÉNÉRAL

La gestion de la capacité de pêche peut être définie comme la mise en œuvre d’un ensemble de politiques et mesures techniques en vue d’assurer un certain équilibre entre les intrants de pêche et la production tirée des captures.

En développant un cadre approprié pour la gestion de la capacité de pêche, les autorités publiques chargées des pêches devraient se référer au PAI sur la Gestion de la capacité de pêche et aux documents préparés par la FAO et d’autres organisations dans le cadre de cette initiative internationale.

Les autorités publiques chargées des pêches devraient accorder toute l’attention requise aux articles pertinents du Code de conduite pour une pêche responsable (CCPR) (notamment les articles 6 et 7). Le CCPR souligne la nécessité d’établir des points de référence clairs et prendre en compte la dimension économique de la question, notamment dans l’optique de la réduction du gaspillage économique et de la promotion d’une industrie de la pêche viable. La CCPR met également l’accent sur la nécessité d’adopter un cadre approprié pour évaluer et accompagner les politiques nationales dans la structuration de leur capacité de pêche.

Les autorités publiques chargées des pêches, pourraient utilement se référer également aux initiatives pertinentes prises par la FAO à la suite de l’adoption du PAI-Capacité, relatives notamment aux subventions et autres incitations économiques ainsi qu’à la pêche illégale, non réglementaire et non déclarée.

Dans les pays où la gestion de la capacité de pêche n’est pas encore traitée de manière systématique, il pourrait s’avérer utile que les autorités publiques chargées des pêches entreprennent une étude nationale de la question, en vue d’en évaluer la pertinence vis à vis d’une exploitation durable des ressources halieutiques nationales, et vis à vis du cadre des politiques et méthodes utilisées pour la gestion des pêches.

2. ÉVALUATION DE LA CAPACITÉ DE PÊCHE

La capacité de pêche peut être estimée en relation à l’effort de pêche ou à la production, et mesurée par toute une gamme d’indicateurs. Afin de pouvoir procéder à une comparaison de grande ampleur au niveau international, la Consultation technique de la FAO sur la mesure et l’évaluation de la capacité de pêche a recommandé aux Etats d’exprimer leurs évaluations nationales sur ces deux bases.

Les autorités publiques chargées des pêches devraient adopter une définition nationale de la capacité de pêche et sélectionner, sur cette base, des indicateurs appropriés en permettant la mesure. Les autorités publiques chargées des pêches devraient convenir d’une définition commune et d’indicateurs communs, lorsque la gestion de la capacité de pêche doit s’appuyer sur une coopération internationale dans le cadre des organisations ou accords de pêche régionaux.

Afin d’évaluer l’importance de la surcapacité, les autorités publiques chargées des pêches devraient ensuite décider de points de référence appropriés et envisager la nécessité d’adopter un point de référence commun pour les pêches internationales auxquelles elles participent.

En vue d’entreprendre des comparaisons internationales d’importance, la Consultation technique de la FAO sur la mesure et l’évaluation de la capacité de pêche a recommandé que le MSY soit utilisé par tous les Etats comme point de référence global, ? en plus des points de référence qui pourraient être choisis par ailleurs pour la gestion de la capacité de pêche aux niveau national et international.

Comme indiqué dans le PAI-Capacité, la mesure et l’évaluation de la capacité de pêche devraient être abordées comme un processus dynamique de diagnostics périodiques et d’améliorations méthodologiques. Conformément au principe de précaution, les autorités de la pêche ne devraient pas permettre qu’une incertitude sur la mesure précise de la capacité et d’une éventuelle surcapacité puisse retarder l’application de politiques de contrôle de la capacité et, le cas échéant, de réduction de la capacité.

Des outils se développent progressivement qui pourraient, dans un proche avenir, permettre une mesure et une évaluation plus précise de la capacité de pêche. Néanmoins, étant donné leur relative complexité les autorités publiques chargées des pêches pourraient considérer plus approprié de procéder à une première évaluation de la capacité basée sur l’opinion d’experts, ainsi que beaucoup de pays ont pu le pratiquer. Cette première évaluation pourrait inclure une estimation des écarts possibles qui existent entre les niveaux d’effort et de production actuels et souhaités.

3. POLITIQUES DE GESTION

La préparation des plans de gestion de la capacité de pêche requiert l’adoption d’un cadre de politiques, élargi à tout le secteur, qui va permettre aux autorités publiques chargées des pêches et aux autres acteurs concernés de rechercher des niveaux plus appropriés et plus durables du ratio intrant/production. Ce cadre doit accompagner l’adoption et la mise en œuvre de toutes mesures qui pourraient être nécessaires au contrôle et à l’ajustement, directement ou indirectement, de ce ratio.

Les autorités publiques chargées des pêches qui ne sont pas encore confrontées à des situations de surcapacité graves devraient reconnaître que l’approche de précaution requiert que la gestion de la capacité de pêche soit exercée à titre préventif dans le cadre général de la gestion des pêches plutôt que de constituer une réaction limitée, post-facto, à la réduction des intrants excédentaires.

Les autorités publiques chargées des pêches pourraient avoir à entreprendre un changement majeur des orientations de leur politique des pêches, et passer d’une situation où la priorité est donnée à la seule production physique, à une prise en compte de la contribution économique des ressources halieutiques. Les restrictions à la production imposées par la nature finie des stocks et le fait qu’il y ait d’importantes possibilités d’augmentation des avantages économiques à tirer de l’exploitation rationnelle des ressources disponibles constituent des considérations essentielles dans le cadre de la réorientation de cette politique.

Afin de faciliter l’élaboration de politiques appropriées, les autorités publiques chargées des pêches pourraient utilement entreprendre une évaluation des conséquences de la surcapacité dans le cas de quelques pêcheries et de certaines flottilles, en mettant l’accent sur l’évolution de la production et des performances économiques ainsi que sur l’impact de la surcapacité sur les principaux acteurs.

Les décideurs devraient reconnaître que la surcapacité est une conséquence directe d’un accès libre et gratuit et examiner la question de la gestion de la capacité de pêche dans cette optique. Il est essentiel d’entreprendre une analyse approfondie des conditions d’accès existantes et des dispositions alternatives possibles dans l’élaboration d’une politique de gestion de la capacité de pêche. Cette analyse doit inclure les effets de la demande croissante en produits halieutiques et de possibles augmentations des prix.

En élaborant ces politiques, il est essentiel de reconnaître que la capacité de pêche n’est pas fixe. Elle fluctue. Une meilleure compréhension de l’investissement et du comportement du pêcheur est indispensable pour mieux anticiper les fluctuations de la capacité.

Conformément aux articles pertinents du PAI-Capacité sur cette question, les autorités publiques chargées des pêches devraient procéder à une évaluation des types de subventions et d’incitations économiques mises à la disposition de leur industrie des pêches, et évaluer l’impact éventuel de chacune de ces mesures sur la durabilité de la ressource, la capacité actuelle de la flottille, et les décisions prévues en matière d’investissement, en traitant en priorité les pêcheries et les flottilles qui montrent des signes de surcapacité.

4. LES OPTIONS DE GESTION

Les autorités publiques chargées des pêches devraient aborder la question de la gestion de la capacité de pêche dans la perspective des principales méthodes utilisées en matière de gestion des pêches pour assurer le contrôle, direct ou indirect, de l’effort et de la production. Il faut admettre que la gamme des méthodes de gestion de la capacité est limitée et assujettie à des contraintes sociopolitiques et techniques. D’un point de vue général, les autorités devraient reconnaître que certaines méthodes peuvent être plus appropriées pour certaines pêcheries que pour d’autres et se garder la possibilité d’appliquer différentes méthodes aux différentes composantes de leurs pêcheries.

Les autorités publiques chargées des pêches qui s’appuient principalement sur des mesures de conservation pour la gestion de la pêche devraient en évaluer les effets sur la capacité de pêche. Les autorités qui procèdent par étape pour introduire des mesures de contrôle de la capacité devraient réévaluer les mesures de conservation existantes afin de s’assurer d’une complémentarité entre les nouvelles mesures et les précédentes.

Certaines méthodes de gestion des pêches créent un environnement qui supprime les incitations entraînant des excès de capacité et encourage des ajustements de la capacité par l’industrie. Celles-ci tendent à être plus efficaces et plus faciles à appliquer. Il est recommandé d’examiner le problème du contrôle de la capacité de cette manière, à chaque fois que ce sera possible.

Dans les pays où elles ont été appliquées, les méthodes basées sur les droits de propriété ou d’usage, tels que les quotas individuels transférables (QIT), ont clairement changé les incitations d’une manière qui amène l’industrie de la pêche à résoudre, d’elle même, le problème de la capacité. Il s’agit là d’un avantage significatif et les autorités devraient étudier l’utilisation des systèmes de quotas individuels pour gérer leurs pêches chaque fois que cela est possible.

Les autorités publiques chargées des pêches devraient considérer l’utilisation de zones exclusives comme une approche forte de la gestion de la capacité de certaines pêcheries, notamment pour la pêche côtière et les pêches relativement sédentaires. L’application de cette approche aux petites pêches nécessite souvent un examen plus approfondi, surtout dans les cas où des systèmes de gestion traditionnels sont encore utilisés. En cas d’utilisation d’une approche de cogestion dans ce contexte, les autorités publiques chargées des pêches devraient décider précisément des droits et responsabilités qui sont transférés à chaque groupe et de quelle façon il sera possible de rendre la gestion de la capacité de pêche efficace.

La régulation de l’entrée dans les pêcheries et un système d’octroi de licence destiné à réguler les intrants de pêche constituent la principale alternative aux méthodes basées sur les incitations. Lors de la mise en œuvre de programmes d’entrée limitée basés sur l’octroi de licence, il est essentiel d’évaluer le potentiel de substitution des intrants. Si le potentiel est élevé, ces programmes devront être plus spécifiques (et donc plus difficiles à mettre en œuvre) pour arriver à contrôler la capacité de pêche. Même si le potentiel immédiat de substitution est limité, il est probable que le programme va induire des incitations à étendre les possibilités de substitution à moyen ou long terme. Par conséquent, dans le cadre du contrôle de la capacité de pêche, il serait sage pour les autorités publiques chargées des pêches de considérer la régulation de l’entrée et l’octroi de licence comme une étape vers l’établissement d’un régime de gestion plus efficace.

Lorsque des systèmes d’octroi de licence plus restrictifs doivent être mis en œuvre, il convient d’accorder une grande attention simultanément: aux intrants à restreindre, au type d’accès à accorder (secteur, type de flottille, secteur de pêche, pêche spécifique), à la durée des licences octroyées et aux conditions initiales de leur délivrance et de leur éventuel renouvellement. L’expérience tend à suggérer que la plupart des problèmes rencontrés sont liés à une mauvaise conception du système. Les autorités qui envisagent l’introduction d’un tel système devraient tirer les leçons de cette expérience pour assurer que les spécifications sont suffisamment robustes. Le système peut être encore renforcé s’il est basé sur une participation de l’industrie et peut évoluer vers la cogestion.

Dans le cas d’un secteur de pêche en développement, l’introduction anticipée d’un système de la limitation des licences peut s’avérer une alternative valable aux mesures basées sur les incitations, spécialement si ces dernières ne sont pas facilement applicables. Si les autorités publiques chargées des pêches envisagent l’introduction de schémas de limitations des licences, elles devraient profiter de l’expérience acquise par ailleurs et demeurer conscientes du fait que la plupart des difficultés liées à ces schémas résultent réellement d’une introduction tardive, d’une application laxiste et d’une participation insuffisante de l’industrie.

L’acceptabilité politique de l’utilisation de la taxation et du prélèvement de frais d’accès aux ressources doit être laissée à l’appréciation de chaque Etat. Néanmoins, il n’y a pas de raison à priori que la taxation ne puisse pas être utilisée pour gérer la surcapacité et les autorités publiques chargées des pêches devraient envisager sérieusement son utilisation.

Le rachat de l’excédent de capacité a été entrepris dans un certain nombre de pays, avec un succès mitigé. Avant de mettre en œuvre des schémas de rachat, les autorités publiques chargées des pêches devraient s’assurer que les conditions de leur efficacité à long terme soient remplies, tout en accordant toute l’attention requise au problème lié à l’utilisation finale des navires rachetés. Les autorités publiques chargées des pêches devraient aussi examiner l’effet des schémas de réduction de la capacité sur la main d’œuvre en général et sur les moyens d’existence des petits pêcheurs en particulier.

Les autorités publiques chargées des pêches devraient évaluer l’impact qu’une re-distribution significative de leur surcapacité peut avoir sur la ZEE d’un autre Etat, et si elle est potentiellement nuisible, prendre des mesures visant à décourager autant que possible ces transferts.

Pour beaucoup de stocks et de flottilles, la gestion de la capacité de pêche doit être abordée au niveau international, notamment au travers des organisations régionales de pêches. Cela souligne la nécessité de renforcer ces organisations et leur capacité à étudier les questions liées à la capacité de pêche, en mettant l’accent sur la participation et sur le mandat de ces organisations.

Les autorités publiques chargées des pêches devraient également évaluer l’effet de tout transfert de la capacité de pêche vers la haute mer qui pourrait résulter de mesures prises pour gérer la capacité de pêche au niveau national. Il convient d’être particulièrement attentif lorsque des schémas de rachat de grande ampleur sont mis en œuvre.

Comme stipulé dans le PAI-Capacité, les Etats devraient participer à l’Accord des Nations Unies de 1995 sur les stocks de poisson et à l’Accord de conformité de la FAO. Les autorités publiques chargées des pêches devraient aussi prendre des mesures afin de collaborer effectivement pour examiner la gestion de la capacité dans la pêche en haute mer, entre autres, à travers une participation effective dans les organisations régionales de pêches existantes et à travers la création de nouvelles organisations régionales, si nécessaire.

5. LE SUIVI ET LA RECHERCHE

Les autorités publiques chargées des pêches qui envisagent l’introduction de nouvelles mesures afin de gérer la capacité de pêche devraient évaluer, et si nécessaire redéfinir, la segmentation existante du secteur (par stocks ou groupes de stocks, et par segments de flottilles) - par rapport à la gestion de la capacité de pêche en général, et si nécessaire, en tenant compte des méthodes de gestion spécifiques à utiliser.

De tout temps, la plupart des pays ont développé des systèmes de suivi et des programmes de recherche complémentaires qui mettent l’accent sur une meilleure connaissance des captures et de l’état des ressources. Les autorités chargées des pêches pourraient utilement développer des systèmes similaires pour le suivi de leurs flottilles et pour améliorer la connaissance de leurs caractéristiques et dynamiques, tant au niveau du secteur qu’au niveau des pêcheries, et en tenant compte des modifications de la ressource et des conditions économiques et réglementaires.

Les autorités chargées des pêches devraient apporter un appui renforcé à la recherche sur les questions liées à la gestion de la capacité de pêche. Il est également important de mettre en place une recherche internationale coordonnée, notamment en ce qui concerne le développement de politiques et d’outils plus adaptés à une utilisation dans les pays en voie de développement.

6. LES PETITES PÊCHES

Au moment de la formulation des plans de gestion de la capacité de pêche, il est essentiel d’étudier les intérêts et problèmes du secteur des petites pêches (de subsistance, commerciale, ou de loisir), Deux points posent problème et nécessitent l’attention des autorités publiques chargées des pêches. Tout abord, les intérêts des petits pêcheurs et des pêcheurs industriels doivent être équilibrés, notamment s’il y a interaction. Ensuite, dans les pays en voie de développement en particulier, il y a lieu d’éviter que des conditions d’entrée libre et gratuite entraînent la paupérisation des petits pêcheurs, ce qui est généralement le cas si les alternatives en matière d’emploi sont très limitées.

Dans de nombreux pays, la première étape à franchir par les autorités de pêche doit être de renforcer l’organisation des petits pêcheurs, pour ensuite élaborer en coopération étroite avec ces organisations des schémas d’aménagement possibles et convenir d’une mise en application, au moins à titre expérimental. Les pays en développement où la pêche artisanale domine sont souvent confrontés à une surcapacité croissante, mais aussi à un manque notable de moyens financiers et techniques pour aborder ce problème. Dans ces pays, l’assistance des bailleurs de fonds pourrait s’avérer très utile.

7. LA PARTICIPATION DE L’INDUSTRIE

Dans le cadre du développement des politiques de gestion de la capacité de pêche, les autorités devraient entreprendre des consultations élargies avec l’industrie et les autres acteurs concernés, et rechercher un consensus sur les problèmes et méthodes de gestion de la capacité. Plus généralement, les autorités publiques chargées des pêches devraient considérer comme essentiel un engagement fort de l’industrie dans le processus de gestion de la capacité de pêche.

Dans de nombreux cas, une participation active de l’industrie dans la gestion de la capacité de pêche peut nécessiter un renforcement des capacités de l’industrie et des organisations de pêcheurs. Par la suite, l’introduction de nouvelles méthodes de gestion peut nécessiter des ajustements dans le mode d’organisation du secteur et des pêcheurs, ainsi que le développement d’une nouvelle interface institutionnelle entre les autorités publiques chargées des pêches, l’industrie et les autres acteurs directement concernés.


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