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Exemple n° 3: Tourteaux et farine de coprah - Asie du Sud-Est


Introduction

L’huile de coprah est extraite de la pulpe de noix de coco séchée, ou coprah. Le résidu qui subsiste après l’extraction mécanique de l’huile s’appelle le tourteau de coprah et, lorsque qu’il a été soumis à l’action d’un solvant pour augmenter la production d’huile, on obtient la farine de coprah. Ces sous-produits du coprah sont des sources intéressantes de protéines pour l’alimentation animale, en particulier pour le bétail laitier. Au début des années 1990, l’Union européenne a renforcé les règles relatives à la présence d’aflatoxine B1 dans les aliments du bétail laitier, abaissant la teneur limite de ces aliments à 5 µg/kg et celle des sous-produits du coprah à 20 µg/kg. Cette décision a mis en péril le marché de l’exportation des sous-produits du coprah, d’une importance vitale pour les pays exportateurs. La perte du marché, dont la valeur atteignait 80 millions de dollars É.-U. pour un seul pays du sud-est asiatique, aurait conduit à la fermeture des huileries et mis des millions de planteurs de coprah en grande difficulté.

On a alors eu recours à l’approche HACCP pour tenter de sauver le débouché européen en augmentant très sensiblement le nombre des lots conformes à la nouvelle réglementation et en rétablissant la confiance de l’Europe dans le produit. Dans cet exemple, nous avons pris comme base les résultats de la recherche associée (Andanar W., 1991; Anon, 1993).

Tâche 1 - L’équipe HACCP

Normalement, l’équipe HACCP comprend un spécialiste de la méthode, un mycotoxicologue, un spécialiste des oléagineux, un socioéconomiste, un mycologue, un ingénieur du séchage et des représentants des huileries de coprah publiques et privées.

Tâches 2 et 3 - Description et utilisation prévue du produit (vérifié)

Les renseignements sont donnés dans le tableau 7.

Tâches 4 et 5 - Schéma du produit (vérifié)

Le schéma du produit sera établi à l’aide des informations fournies par l’équipe HACCP et vérifié par une visite dans les grands centres de production de coprah et les principales huileries, en interrogeant les principaux acteurs et en observant leurs pratiques. On trouvera à la figure 10 un exemple typique de schéma du produit.

Tableau 7. Description et utilisation prévue du produit.

Nom du produit

Tourteau ou farine de coprah

Description

Résidu de pulpe de coprah après extraction mécanique de l’huile (tourteau) ou extraction supplémentaire à l’aide d’un solvant (farine)

Spécifications du client

Teneur en eau de l’aliment granulé inférieure ou égale à 12%
Teneur en aflatoxine B1 inférieure à 20 parties par milliard

Conditions de conservation

Température ambiante dans l’entrepôt du transformateur (25-35°C)

Durée de conservation

Jusqu’à 12 mois si la teneur en eau est inférieure ou égale à 12%

Utilisation prévue

Ingrédient entrant dans la composition d’aliments pour la volaille et les ruminants, principalement le bétail laitier

Emballage

Vrac, en cale de navire

Utilisateur visé

Fabricants d’aliments composés pour animaux de la CE

Teneur limite en aflatoxine B1: inférieure ou égale à 20 µg/kg.

Figure 10. Schéma du produit vérifié

Étape

Classification



1)

Plantation de cocotiers

Point critique n°1


Récolte - décorticage





2)

Plantation de cocotiers

BPA


Ouverture





3)

Plantation de cocotiers

Point critique n°2


Séchage





4)

Négociant primaire

BPF


Ramassage/séchage





5)

Négociants secondaires/urbains

BPF


Stockage





6)

Huileries

BPF


Achat





7)

Huileries



Extraction mécanique/Extraction chimique/

Point critique n°3


Granulation pour obtenir des tourteaux ou de la farine de coprah





8)

Exportation

BPS


Expédition des tourteaux ou de la farine de coprah


Tâche 6: Analyse des risques de contamination par les mycotoxines et détermination des mesures permettant de les limiter

Analyse des risques de contamination par les mycotoxines

a) Identification

L’aflatoxine est la seule mycotoxine dont la teneur ait été réglementée pour protéger la santé et la production animales, et pour garantir que la teneur du lait en aflatoxine M1, métabolite de l’aflatoxine B1, ne dépasse pas la limite impérative de 0,05 µg/litre.

b) Détermination des étapes du schéma du produit auxquelles la contamination par les mycotoxines est le plus susceptible de se produire

Des études de surveillance et des essais contrôlés ont été réalisés pour déterminer à quelles étapes la contamination par les aflatoxines était le plus susceptible de se produire. Les résultats ont indiqué que l’aflatoxine était produite dans les dix jours suivant l’ouverture de la noix de coco, lorsque le facteur d’humidité de la pulpe était supérieur à 0,82 et que des moisissures, sources de mycotoxines, pouvaient se développer. Cette situation se produisait à l’étape 3 (sur la plantation) ou à l’étape 4 (chez le négociant primaire). Les teneurs en aflatoxine étaient toujours nulles avant l’ouverture des noix, à condition que celles-ci soient saines. Si la noix avait été ouverte prématurément, pendant la récolte ou le décorticage, elle pouvait être contaminée avant le séchage. Les noix rejetées par les producteurs de noix de coco séchée étaient souvent des noix fendues, et constituaient un cas d’espèce.

Aux étapes suivantes, le risque de contamination était faible, à l’exception de l’étape 7 où l’utilisation d’un excès d’humidité pour confectionner les pellets les exposait au risque de moisissure et de contamination par des mycotoxines.

c) Mesures permettant d’empêcher la contamination par les mycotoxines

La mesure jugée de loin la plus importante est le séchage uniforme, en l’espace de 48 heures, pour ramener la teneur en eau en dessous de la limite de sécurité.

Les études de surveillance ont largement montré que le séchage traditionnel dans la fumée était lié à une faible teneur du coprah en aflatoxine.

On a constaté que les teneurs moyennes en aflatoxine du coprah séché au soleil étaient très élevées. Cela tient principalement au fait qu’il faut quatre ou cinq jours entiers pour atteindre la teneur en eau de sécurité, mais les agriculteurs ne laissent le produit sécher que pendant deux ou trois jours. Prolonger le séchage ne serait pas une solution complètement satisfaisante puisque le coprah pourrait encore avoir une teneur en eau supérieure à la teneur limite pendant plus de 48 heures et risquerait d’être contaminé pendant le séchage. Cette option repose par ailleurs sur l’hypothèse que le temps est parfait pour le séchage. Si le séchage est ralenti par la nébulosité ou interrompu par la pluie, il y a de fortes chances que l’on retrouve des teneurs élevées en aflatoxines B1. On a donc estimé que déconseiller le séchage au soleil était une mesure d’intervention.

Il fallait trouver des moyens d’inciter les agriculteurs et les négociants à produire du coprah pauvre en aflatoxines. Une possibilité s’est offerte avec la modification du système national de classement qui a consisté à différencier les niveaux de qualité selon le pourcentage de moisissure vert-jaune et à augmenter les primes en faveur du coprah séché, de sorte qu’il devenait intéressant de sécher jusqu’à la teneur limite.

Tâches 7 à 10: Établissement d’un plan HACCP

On trouvera au tableau 8 une représentation schématique du plan HACCP mis en place pour les sous-produits du coprah. Dans le texte qui suit, le plan est développé par étape du schéma du produit.

Étape 1: Plantation, récolte et décorticage - Point critique n° 1

Cette étape a été classée comme point critique et assortie d’une mesure d’intervention visant à éliminer les noix de coco fendues pendant la récolte et le décorticage. Cette mesure permettrait d’éliminer toute aflatoxine déjà présente.

Le seuil critique fixé est l’absence complète de noix de coco fendues, contrôlée par le personnel chargé de récolter et de décortiquer les noix après avoir été formé à cette opération. Il peut être validé par le dosage de la teneur en aflatoxine des lots de noix de coco acceptées.

Étape 2: Plantation, ouverture des noix - BPA

Les noix de coco sont fractionnées par moitiés, parfois en morceaux plus petits, juste avant le séchage. Il est conseillé de veiller à ce que la pulpe de la noix de coco soit protégée du contact avec le sol, riche en possibilités d’inoculation. Cela relève normalement des BPA.

Étape 3: Plantation, séchage - Point critique n° 2

Cette étape a été classée comme point critique, la mesure d’intervention consistant à sécher les noix en l’espace de 48 heures jusqu’à ce que la teneur en eau soit inférieure à la limite de sécurité. Cette mesure permettrait d’empêcher le développement de moisissures et la formation d’aflatoxine.

Des études contrôlées du séchage et du stockage ont permis de conclure que le séchage dans la fumée protégeait le coprah d’une contamination par l’aflatoxine. Il suffisait que la teneur résiduelle en eau soit inférieure ou égale à 16 pour cent pour que le produit se conserve convenablement, alors que le séchage à l’air chaud ou au soleil devait être fait uniformément et jusqu’à ce que la teneur en eau n’atteigne plus que 12 pour cent au maximum pour empêcher la contamination par l’aflatoxine. Ces paramètres de teneur en eau sont obtenus en fixant des seuils critiques pour le temps de séchage. Selon le type de séchoir, le temps de séchage nécessaire pour atteindre la limite de sécurité et le programme de retournement du coprah seront différents. Il faut, par exemple, 24 heures pour sécher le coprah dans la fumée en retournant les morceaux toutes les huit heures. Les séchoirs à air chaud couramment utilisés prennent en revanche 30 heures et nécessitent un changement de position sur le lit toutes les 10 heures.

Les seuils critiques sont vérifiés par un contrôle de la durée du séchage et de la périodicité du retournement ou du déplacement des morceaux sur le lit du séchoir. Ils sont validés en mesurant la teneur en eau du produit.

Étape 4: Négociant primaire, achat et séchage - BPF/BPS

Un système national de classification prévoyant une prime pour le coprah de première qualité présentant moins de 1 pour cent de moisissure vert-jaune (caractéristique d’Aspergillus flavus ou A. parasiticus, qui produisent de l’aflatoxine) et une teneur en eau inférieure à 12 pour cent a été créé. Le fait que les négociants primaires achètent du coprah de première qualité et le conservent séparément du coprah de moindre qualité est considéré comme faisant partie des BPF.

Les négociants primaires achètent souvent, à moindre prix, du coprah de moindre qualité dont la teneur en eau peut atteindre 18 pour cent et qu’ils font sécher pour ramener cette teneur à 12 pour cent. Cette pratique laisse souvent le coprah garder pendant plus de 48 heures une teneur en eau supérieure à la limite de sécurité et augmente considérablement le risque de formation de moisissure et d’aflatoxine.

Les négociants primaires ne conservent le coprah que pendant une courte durée en attendant d’en avoir amassé suffisamment pour vendre à un négociant secondaire. De bonnes pratiques de stockage permettront de faire en sorte que le coprah reste sec.

Étape 5: Négociants secondaires, achat et stockage - BPF/BPS

L’achat de coprah de première qualité relève aussi des BPF à cette étape. Le coprah de cette qualité doit être conservé séparément des autres qualités et commercialisé comme coprah à faible teneur en aflatoxine.

De bonnes pratiques de stockage, consistant par exemple à stocker sur palettes dans des entrepôts bien ventilés et dotés d’une toiture saine, empêchent la réhumidification du coprah et sa contamination ultérieure par des moisissures et des aflatoxines (Head S. W., 1999).

Le coprah de qualité inférieure sèche en magasin et les colonies de moisissures se succèdent jusqu’à ce qu’il ait atteint la teneur en eau de 12 pour cent. À ce stade, le coprah n’est plus visiblement moisi et ne présente aucun signe de moisissure vert-jaune, mais sa surface est piquée, signe de pénétration des moisissures qui permet de le différencier.

Étape 6: Huileries, achat - BPF

L’achat de coprah de première qualité, indispensable pour la fabrication de sous-produits contenant des teneurs acceptables en aflatoxine, est considéré comme faisant partie des BPF. Il convient de noter que la classification selon la moisissure tient maintenant compte du coprah dont la surface est piquée.

Les huileries tendent à acheter et à stocker de grandes quantités de coprah. Pour autant que le coprah ait une teneur en eau ne dépassant pas 12 pour cent, il ne subira pas de formation d’aflatoxine si les bonnes pratiques en matière de stockage sont appliquées. Il importe cependant d’avoir des locaux bien aérés, car des “points chauds” peuvent se former et aller jusqu’à la combustion spontanée.

Étape 7: Huilerie: extraction mécanique et chimique, granulation - point critique n° 3

Aucune mesure n’est nécessaire pour empêcher la formation d’aflatoxine pendant le pressage et l’extraction de l’huile par solvant. En fait, les températures utilisées pendant le pressage stérilisent la pulpe de coprah, détruisant les spores fongiques et, par conséquent, le risque de contamination ultérieure.

La formation des pellets, à l’étape 7, a été définie comme point critique et un seuil critique fixé à 12 pour cent d’humidité dans les pellets refroidis. L’insuffisance de refroidissement ou d’aération des pellets entraîne une teneur en eau inacceptable. Pour un procédé donné, les seuils critiques sont le temps de passage dans la tour de refroidissement et le débit d’air, et leur contrôle consistera à mesurer ces deux paramètres. Le seuil critique est validé en déterminant régulièrement la teneur en eau des pellets refroidis.

Le coprah en forme de pellets est stocké soit dans des sacs, soit en vrac jusqu’à ce qu’il puisse être expédié. De bonnes pratiques en matière de stockage empêcheront toute contamination ultérieure par l’aflatoxine.

Étape 8: Expédition - BPF/BPS

Aucune augmentation des teneurs en aflatoxine n’est susceptible de se produire durant l’expédition à condition que la teneur en eau du sous-produit du coprah au moment du chargement soit inférieure ou égale à 12 pour cent et que le produit ne soit pas endommagé par l’eau de mer. Des pratiques telles que celle d’ouvrir les hublots par beau temps contribuent à réduire encore le risque de formation de moisissure.

Plusieurs expéditions de sous-produits de coprah ont été suivies attentivement sans qu’il ait été constaté d’augmentation des teneurs en aflatoxine.

Tâche 11: Établir des procédures de vérification

Des méthodes de validation doivent être établies à chaque point critique, comme indiqué ci-dessus, et la vérification générale se compose de l’ensemble des valeurs quantitatives des teneurs en aflatoxine mesurées sur les échantillons prélevés avant chargement immédiatement avant l’exportation.

Le plan HACCP est contrôlé chaque trimestre et modifié s’il en est besoin.

Tâche 12: Tenir un dossier et des documents de bord

Le Plan HACCP doit être accompagné d’une documentation complète comprenant aussi les données enregistrées sur la plantation et auprès du négociant primaire.

Tableau 8. Feuille de travail pour un plan HACCP, Sous-produit du coprah en Asie du Sud-Est

Étape du procédé

Description du risque

Mesures d’intervention possibles

Point critique?

Seuil critique

Méthode de contrôle

Mesure corrective

Dossier

1
Plantation Récolte/décorticage

Moisissure

Choisir uniquement des noix saines

Point critique n° 1

Absence de fissure visible

Inspection des coques

Jeter les noix fendues

Cultivateur

2
Plantation Ouverture


Éviter la contamination des sols

BPA

Absence de terre sur la pulpe

Inspection des noix

Laver pour éliminer la terre

Cultivateur

3

Moisissure

Sécher en moins de 48 heures après l’ouverture jusqu’à la teneur limite en eau


Mettre au séchoir moins de 12 heures après avoir ouvert les noix

Délai écoulé avant séchage

Jeter les noix qui ont dépassé le délai

Cultivateur

Plantation

Séchage


a) Séchage dans la fumée jusqu’à une teneur en eau <=16%

aucune partie >17%

ou

Point critique n°2a

Sécher pendant au moins 24 heures

Retourner le coprah toutes les 8 heures

Durée du séchage

Programme de retournement

Parfaire le séchage/jeter

Retourner aussitôt après

Cultivateur

Cultivateur



b) Séchage à l’air chaud jusqu’à une teneur en eau <=12%

aucune partie >13%

Point critique n°2b

Sécher pendant au moins 30 heures

Changer la position sur le lit toutes les 10 heures

Durée du séchage

Programmer le déplacement

Parfaire le séchage/jeter

Déplacer aussitôt après

Cultivateur

4
Négociant primaire
Achat/Séchage

Moisissure

Système national de classement
Acheter du coprah de 1er choix


BPF/BPS




5
Négociants secondaires
Achat/Stockage

Moisissure

Système national de classement
Acheter du coprah de 1er choix


BPF/BPS




6
Huilerie
Achat/


Système national de classement
Acheter du coprah de 1er choix


BPF/BPS




7
Huilerie
Extraction mécanique/granulation

CONTAMINATION PAR L’AFLATOXINE

Contrôler l’humidité du produit granulé pendant le refroidissement et l’aération

Point critique n°3

Teneur finale en eau<=12%

Détermination de la teneur en eau d’échantillons représentatifs

Continuer le refroidissement/l’aération pour sécher

Dossier de fabrication

8
Expédition
Exportation

CONTAMINATION PAR L’AFLATOXINE

Empêcher la réhumidification pendant l’expédition


BPF/BPS




Références

Andanar, W. (1991). ‘Improvements in coconut growing and processing methods in the Philippines’. CBI News Bulletin 180 23-4

Anon. (1993). ‘Aflatoxin project in the Philippines’ Cocomunity 23, 6.

Head, S. W., Swetman, A. A., Nagler, M. J. (1999). ‘Studies on deterioration and aflatoxin contamination in copra during storage’. OCL 6 (3)


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