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Le rôle des réseaux de ressources génétiques forestières à l’appui de la recherche européenne[34] (Jozef Turok[35])

Avec leurs réunions tenues régulièrement chaque année et les contacts fréquents entre scientifiques de différents pays européens, les cinq Réseaux du Programme européen des ressources génétiques forestières (EUFORGEN) offrent une occasion unique d’identifier les besoins en matière de recherche et de préparer et d’élaborer des propositions de projets communs. Partant, les membres du Réseau travaillent ensemble comme partenaires dans différents projets de recherche, examinent l’application et facilitent la diffusion des résultats sur une grande échelle. Les réseaux EUFORGEN sont composés de membres officiellement nommés par les pays participants qui font fonction de centres nationaux de coordination pour les différentes espèces. Etant donné que plus de trente pays européens y participent, ils représentent une couverture éco-géographique plus vaste que la majorité des projets de recherche. Au niveau technique, les réseaux EUFORGEN s’efforcent de mettre en oeuvre des activités coopératives qui complètent l’approche adoptée dans des projets de recherche individuels, par exemple en rattachant la conservation in situ et la conservation ex situ. En fait, durant ces dernières années, il y a eu en Europe maintes activités de recherche sur la diversité génétique des forêts, en particulier pour les feuillus. Un grand nombre de projets dans ce domaine ont été soutenus financièrement par la Commission européenne.

Deux exemples de projet très réussis sont EUROPOP - le projet terminé depuis peu sur la diversité génétique des populations riveraines de peuplier noir européen, coordonné par Alterra Green World Research, les Pays-Bas et l’Action concertée pour l’évaluation des ressources génétiques du chêne liège, conduite par Estacao Florestal Nacional, Portugal. EUROPOP, lancé par des membres du Réseau sur le peuplier noir (Populus nigra) d’EUFORGEN, a formulé une série de recommandations techniques qui seront inscrites à l’ordre du jour de la prochaine réunion du Réseau sur le peuplier noir d’EUFORGEN qui se tiendra en octobre 2001. Leur examen et leur adoption successive contribueront à réaliser l’objectif principal du Réseau, c’est-à-dire faciliter l’application de mesures pratiques pour la conservation des ressources génétiques dans les écosystèmes ripicoles de l’Europe. Les synergies entre le projet pour le chêne liège (Quercus suber) financé par l’UE et le Réseau correspondant sur le chêne liège d’EUFORGEN ont été considérées comme essentielles pour établir il y a trois ans des expériences coordonnées sur les provenances dans sept pays de la Méditerranée (Algérie, Espagne, France, Italie, Maroc, Portugal et Tunisie). Le Réseau sur le chêne liège a également continué de jouer un rôle en échangeant des informations entre pays après l’achèvement du projet de l’UE.

La conservation des ressources génétiques de l’orme est menée dans le cadre du Règlement CE 1467/94 (Gen Res 78). Le projet vise à assurer une meilleure évaluation des collections existantes d’ormes européens (Ulmus glabra, U. minor, U. laevis) et à adopter des mesures de conservation ex situ efficaces. Y prennent part des partenaires de neuf pays qui fournissent leurs compétences sur divers aspects tels que les marqueurs moléculaires, la cryopréservation, l’entomologie et la pathologie. Les activités de l’UE comprennent l’établissement d’une base de données européenne, la caractérisation de la diversité génétique à l’aide de marqueurs moléculaires, l’identification de clones précieux, la rationalisation des collections existantes, la mise au point de techniques de cryopréservation, l’établissement d’une collection de base de matériel génétique et la sensibilisation du public. En particulier, le projet a contribué à la formulation de la stratégie de conservation ex situ pour les espèces d’Ulmus menacées en Europe. L’action menée dans le cadre du projet de l’UE a été complétée par une stratégie de conservation in situ adoptée par le Réseau sur les essences feuillues nobles d’EUFORGEN (qui considère les espèces d’orme comme méritant la priorité absolue pour la conservation). Les recommandations et les actions d’EUFORGEN soulignent la nécessité d’une gestion dynamique et intégrée des ressources génétiques en Europe afin de compléter d’autres mesures. Le coordonnateur du projet UE de la France a participé aux cinq réunions du Réseau EUFORGEN tenues jusqu’ici, assurant un flux continu d’informations entre les deux. Des liens ont également été établis entre des activités menées dans les pays membres et non membres de l’UE.

La recherche sur la variation géographique des arbres forestiers, soutenue par le projet CYTOFOR financé par l’UE, est essentielle aux fins de la conservation des ressources génétiques et de l’amélioration des arbres. Le projet a compris un certain nombre de composantes, y compris des études phylogéographiques, des investigations historiques (routes de migration de la période postglaciaire), l’hybridation entre les espèces, des liens entre des études écologiques et de génétique démographique. Le projet a adopté une approche d’espèces multiples, associant des données génétiques sur 22 espèces importantes économiquement ou écologiquement appartenant à 7 familles différentes. Neuf pays y ont participé. Parmi les applications de cette recherche figurent la certification du matériel de reproduction forestier, la détermination de l’origine des populations et l’établissement de priorités pour des mesures de conservation. Les outils comprenaient les marqueurs d’ADN chloroplastique pour des études phylogéographiques. Les modes de distribution des haplotypes semblaient être fortement liés à la biologie de l’espèce ou à l’histoire des populations. Sorbus torminalis a montré une structure non géographique, alors que les modèles pour Ulmus étaient comparables à ceux pour Quercus, affichant un modèle géographique clair en Europe (http://www.pierroton.inra.fr/cytofor). Les résultats du projet CYTOFOR constituent une base essentielle pour les recommandations techniques qui sont actuellement en cours d’élaboration par le Réseau sur les espèces feuillues nobles d’EUFORGEN. Elles s’adressent aux gestionnaires et aux services forestiers responsables de la conservation des ressources génétiques dans les pays européens.

Le nouveau projet CASCADE de l’UE (http://soi.cnr.it/~chestnut/home.html) est axé sur l’évaluation de la diversité génétique pour ce qui concerne les caractères adaptatifs et les marqueurs génétiques chez le marronnier (Castanea sativa) en rapport avec les facteurs évolutifs et l’impact des activités humaines, et sur la formulation des priorités de conservation à long terme. Douze institutions de la Grèce, de la France, de l’Italie, de l’Espagne, de la Suède et du Royaume-Uni participent à ce projet. Le projet couvre différents thèmes de recherche et des aspects socio-économiques de la conservation des ressources génétiques. Une stratégie de conservation à long terme des ressources génétiques du marronnier (Castanea) a été élaborée dans le cadre du Réseau sur les essences feuillues nobles d’EUFORGEN. Les pays participant à EUFORGEN sont les utilisateurs désignés des résultats du projet de l’UE, qui fournira des conseils pour le perfectionnement et la mise en oeuvre de la stratégie.

L’objectif de DYNABEECH de l’UE (http://www.biotheon.com/dynabeech) consiste à évaluer l’impact de l’aménagement forestier sur les structures écologiques et génétiques du hêtre européen (Fagus sylvatica) en comparant la forêt sous gestion intensive et les “forêts vierges” dans quatre localités. Six partenaires de l’Autriche, de la France, de l’Italie, de l’Allemagne et des Pays-Bas participent au projet.

Le projet OAKFLOW (http://www.pierroton.inra.fr/oakflow) vise à examiner le flux de gènes intra- et interspécifique en tant que mécanisme pour favoriser la diversité chez les chênes blancs de la zone tempérée (Quercus). Il y a 13 partenaires et un certain nombre de sous-contractants, qui accueillent également des “Parcelles faisant l’objet d’études intensives”. Les objectifs consistent à suivre le flux de gènes à l’aide du pollen et des semences, à évaluer les conséquences écologiques et génétiques de ce flux ainsi que ses effets sur les règles relatives à la gestion. Les règles mises au point concernant la gestion et en particulier les données sur la dimension du voisinage qui ont été obtenues sont très importantes pour l’élaboration de directives concernant la conservation préparées et diffusées par le biais du Réseau des feuillus à vocation sociale d’EUFORGEN (chênes de la zone tempérée et hêtre). En fait, les liens entre le projet de l’UE et le Réseau EUFORGEN figuraient parmi les principaux thèmes examinés lors de la quatrième réunion du Réseau, en Norvège, en juin 2001.

Outre la collaboration avec les projets susmentionnés financés par l’UE, un projet a également été lancé par EUFORGEN, soutenu par le gouvernement luxembourgeois, sur les ressources génétiques des espèces feuillues en Europe du Sud-Est. Le projet EUFORGEN/Luxembourg vise à perfectionner des stratégies nationales sur la conservation et l’utilisation durable des ressources génétiques forestières en Bulgarie, en République de Moldova, en Roumanie et en Ukraine. Une approche complémentaire a été choisie qui comprend la conservation in situ de la diversité génétique des forêts spontanées, et le perfectionnement et l’utilisation des technologies pour la conservation ex situ. Le projet a mis fortement l’accent sur la création de capacités et le renforcement des liens entre les institutions et les scientifiques participants, et entre ceux-ci et leurs homologues d’autres pays européens. Le principal objectif de la seconde phase du projet (2001-2004) est de créer les conditions pour la conservation et la gestion durable des ressources génétiques forestières dans les pays participants. Cela sera réalisé moyennant la conservation et la gestion complémentaires des ressources génétiques forestières des feuillus; la résolution des problèmes de fond et la formulation de propositions pour aider à affronter la situation et appuyer la mise en place de programmes nationaux; la gestion de l’information et la sensibilisation du public. Le projet a des liens étroits avec quatre Réseaux du programme EUFORGEN et permet de mettre à l’essai certains des outils qui ont été créés dans le cadre de ces réseaux.

Enfin, les réunions du réseau EUFORGEN offrent également l’occasion d’attirer l’attention sur d’autres projets auxquels les membres du Réseau ne participent pas directement. Par exemple, à la dernière réunion du Réseau sur les essences feuillues nobles (tenue en Irlande en mai 2001), on a présenté un nouveau projet appelé “Améliorer la productivité de Fraxinus afin de répondre aux besoins européens en testant, sélectionnant, propageant les ressources génétiques améliorées” (RAP), qui traite de la diversité génétique, de la sélection, de la reproduction sexuelle et végétative et d’autres aspects importants de la productivité du frêne. (http://www.eu.int/comm/research/quality-of-life/ka5/en/00631.html)

Les réseaux EUFORGEN collaborent à des aspects liés à la recherche avec l’Union internationale des instituts de recherches forestières (IUFRO), particulièrement ses groupes de travail sur la conservation, les ressources génétiques et la sélection. Par exemple, la base de données bibliographiques sur la littérature grise dans le domaine des ressources génétiques forestières, a commencé par un effort conjoint. (http://www.ipgri.cgiar.org/networks/euforgen/Biblio/search.asp)

Les exemples ci-dessus illustrent le rôle du Programme EUFORGEN pour mobiliser des fonds pour des activités menées par les Réseaux, dans le but de promouvoir et de faciliter les activités de conservation des ressources génétiques en Europe. Il faut en outre recueillir et intégrer des informations provenant de différentes sources (par exemple, marqueurs moléculaires, expériences concernant les provenances, sources historiques et données écologiques) pour la formulation de stratégies de conservation efficaces sur le long terme. Ces connaissances ne peuvent être créées et utilisées efficacement que moyennant la collaboration entre toutes les activités de recherche nationales et internationales pertinentes.

Naturellement, la diffusion des résultats est un autre aspect important. Plusieurs projets de recherche sont en cours sur la diversité génétique des forêts et l’on dispose déjà de nombreux résultats. Un nombre croissant de pays répondent aux conditions pour participer aux programmes et projets entrepris dans le cadre de l’UE comme résultat du processus d’intégration européenne. Afin d’atteindre un plus grand nombre de gestionnaires des forêts et d’autres utilisateurs dans les pays européens, une conférence se tiendra en 2002 en vue de partager les résultats obtenus par les différents groupes, avec des participants provenant des projets mentionnés financés par l’UE, les réseaux EUFORGEN et d’autres parties intéressées.

La FAO est membre des comités directeurs du Programme européen des ressources génétiques forestières (EUFORGEN) et y participe activement. Par ailleurs, la FAO et l’IPGRI travaillent en étroite collaboration au niveau technique.


[34] Reçu en juin 2001, Original: anglais.
[35] Directeur régional et coordonnateur du Réseau EUFORGEN, Bureau régional pour l’Europe, IPGRI, Rome, [email protected], http://www.ipgri.org

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