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DEUXIÈME PARTIE: PRATIQUES OPTIMALES EN MATIÈRE DE CONTRATS DE FERMAGE


4 Éléments d’un contrat de fermage

Introduction

4.1 Cette deuxième partie du Guide expose les types d’éléments à inclure dans les contrats de fermage. Dans une large mesure, ces contrats sont traités d’une façon générique, comme cela a été le cas dans la première partie. Cela conduira à ignorer pour l’essentiel les différences fondamentales entre les droits réels et les droits personnels qui existent dans un certain nombre de systèmes juridiques. Bien qu’il ait été adopté une approche générique plutôt que juridique dans le présent chapitre, il faudra sous certains points établir des distinctions entre les baux proprement dits et les contrats de licence. Le chapitre 5 analyse les autres dispositions à insérer dans les contrats de licence, l’accent étant mis en particulier sur les accords de métayage, qui revêtent une grande importance au plan mondial. Le chapitre 6, enfin, contient un certain nombre de recommandations concernant l’exécution des contrats de fermage.

Encadré 4.1

PRATIQUES OPTIMALES EN MATIÈRE DE BAUX AGRICOLES

· noms des parties

· date d’entrée en vigueur

· durée de l’accord

· description des biens

· contenu de l’accord intervenu

· droit de possession du fermier pendant la durée du bail

· utilisations et responsabilités en matière d’utilisation de la terre

· principaux éléments de l’accord

· loyer ou contrepartie

· dispositions relatives à l’indemnisation

· procédure de règlement des différends

4.2 Il y a lieu de préciser que les considérations évoquées dans cette deuxième partie se rapportent aux pratiques optimales suivies dans les sociétés qui respectent ou aspirent à respecter la loi et où les parties peuvent conclure volontairement des accords relativement équitables. Ces pratiques aident à élucider le contenu des baux convenus par les parties plutôt que de vouloir modifier l’équilibre des forces entre elles. Cependant, même dans les pays où les rapports de forces sont inégaux, les recommandations tendant à introduire une transparence adéquate dans les baux agricoles peuvent aider à protéger les droits de la partie la plus faible.

4.3 L’on trouvera dans l’encadré 4.1 une énumération des pratiques à suivre quant à ce que doivent être les éléments des contrats de fermage. Ces éléments ne seront pas indispensables dans tous les cas, mais tout écart significatif par rapport aux pratiques indiquées risque de déboucher sur un contrat de bail qui n’est pas aussi efficace qu’il pourrait l’être.

Nom des parties

4.4 L’identité des parties d’un contrat de bail agricole est une considération fondamentale dans la mesure où elle garantit un certain degré de protection et de confiance pour les intéressés17. L’identité des parties représente également une importance capitale pour les responsables de la formulation des politiques dans ce domaine. Si les accords conclus individuellement entre propriétaires et fermiers peuvent ne guère susciter de problèmes pour ce qui est de leur identité, l’intervention de co-propriétaires ou de co-fermiers peut soulever des questions spécifiques qu’il importe de régler. S’il existe des co-propriétaires, s’agit-il d’une propriété conjointe (ce qui donnera lieu à la conclusion d’un seul accord) ou détiennent-ils chacun une partie de la terre (ce qui exigera la subdivision de l’accord avec chacun d’entre eux)? S’il y a des co-fermiers, il faudra veiller à ce que le bail continue de progresser en cas de décès de l’un d’entre eux.

4.5 Un problème potentiellement plus sérieux se pose lorsque tous les fermiers effectifs ne sont pas identifiés comme parties à l’accord. Cela est souvent le cas dans des cultures familiales, où le contrat identifie un seul fermier (l’exploitant, habituellement de sexe masculin), tandis que c’est généralement la famille tout entière qui travaille la terre. Cela peut n’avoir aucune conséquence juridique du vivant du fermier mais, si celui-ci vient de disparaître, le bail risque d’être résilié, ce qui privera les survivants de la terre qu’ils exploitaient. Ce problème a été résolu dans certains pays en accordant à certains membres de la famille des fermiers des droits de succession limités18. Ce droit est habituellement limité aux conjoints (habituellement l’épouse), qui sont autorisés à conserver la possession de la terre jusqu’à l’expiration du bail. Dans certains cas, ce droit est élargi pour permettre aux conjoints d’être subrogés dans tous les droits du fermier initial (ce qui peut comporter le droit à reconduction ou à prolongation du bail ou à une indemnisation à l’expiration du terme, par exemple).

Entrée en vigueur et durée de l’accord

4.6 S’il faut indiquer la date convenue d’entrée en vigueur du bail, c’est pour faire en sorte qu’aussi bien le bailleur que le preneur sachent à partir de quel moment la responsabilité de la terre passe de l’un à l’autre. Il importe aussi pour les parties de s’entendre sur la durée de l’accord, qui peut être déterminée (par exemple un an), avec ou sans faculté de renouvellement, ou périodique (par exemple mensuelle ou annuelle), sous la réserve, souvent, d’un terme initial minimum. Certains baux prévoient une extension automatique qui permet aux fermiers de demeurer en possession de la terre à l’expiration du bail, ce qui a été officialisé dans certains systèmes par l’introduction de procédures formelles de reconduction convenue ou imposée du bail.

4.7 La durée des baux peut être réglementée par la loi (voir la troisième partie), mais il est bon, dans tous les cas, d’établir une correspondance entre le terme et les résultats qui peuvent être raisonnablement escomptés de l’accor19, qui peuvent avoir trait par exemple aux types de récolte devant être cultivée. Si le cycle végétatif complet pour certains légumes peut être de deux à trois mois, par exemple, la cession à bail d’une plantation de cocotiers devrait durer au moins 50 ans. De même, la durée du bail pourra être reliée aux exigences de la famille, par exemple au délai à prévoir pour que les membres de la famille du propriétaire de la génération montante soient prêts à exploiter la terre.

Description des biens

4.8 Il est bon, dans tous les cas, que les biens loués soient décrits de façon claire et dépourvue d’ambiguïté. Dans le cas de petits lopins de terre loués sur une base annuelle pour y faire paître des animaux, un accord oral suffira généralement20 (insister sur un accord écrit dans le cas de transactions aussi informelles serait tout à fait contraire à la plupart des pratiques établies et imposerait en outre une paperasserie inutile). Que les accords soient ou non établis par écrit, toutefois, il conviendra d’indiquer comment les limites de la propriété ont été déterminées. Dans le cas de baux de longue durée ou de baux portant sur des exploitations vastes ou à la fois sur des terres et des immeubles, il sera préférable d’inclure un plan et une description écrite qui non seulement permettront de déterminer quels sont les éléments inclus ou exclus mais pourront en outre constituer la base d’autres accords.

Contenu de l’accord intervenu

4.9 Bien que les contrats concernant l’occupation de biens fonciers puissent être et soient en fait souvent conclus oralement, il est préférable d’établir par écrit les contrats de longue durée. Au Danemark, par exemple, tous les baux agricoles doivent être faits par écrit et mentionner spécifiquement le loyer et le terme21. Il en va de même en Allemagne22. En outre, dans certains pays, ces contrats doivent être présentés sous une forme spécifique ou doivent être notariés. Les fermiers coutumiers au Botswana, par exemple, reçoivent un certificat de cession coutumière de terre comme preuve de leurs droits. Dans d’autres cas, le texte écrit de l’accord ne fait qu’ajouter clarté et certitude à l’accord intervenu oralement. Dans le cas de baux d’assez longue durée, il pourrait être bon d’imposer l’enregistrement du bail (voir la troisième partie). Dans de nombreux pays, l’exigence d’un enregistrement ne s’applique qu’aux baux de longue durée, par exemple ceux de 20 ans ou plus.

Droits et responsabilités en matière d’utilisation de la terre

4.10 La mesure dans laquelle les preneurs se voient accorder une possession exclusive est l’un des principaux éléments distinctifs des contrats de fermage et de licence. Dans le cas d’un contrat de fermage pur et simple, le fermier a généralement possession intégrale et exclusive de la terre, ce qui signifie que le propriétaire devra si besoin est mentionner spécifiquement dans le bail qu’il se réserve le droit d’accès à la terre, par exemple pour l’inspecter périodiquement, l’intervalle dépendant du type de bien dont il s’agit et de l’utilisation qui en est faite. Lorsque le contrat prévoit l’établissement d’un état annuel des lieux, l’on pourra prévoir une inspection au même moment. De même, si le bailleur a des obligations spécifiques en matière de maintenance ou de réparation, il faudra lui réserver le droit d’accès à la terre pour mener à bien ces activités. En pareils cas, le fermier pourra avoir le droit d’exclure tous les autres, comme si la terre lui appartenait intégralement. Outre qu’un tel système a pour effet de transférer les responsabilités découlant de l’occupation de la terre du bailleur au preneur, cette situation donne au fermier un maximum de liberté de gestion, y compris la possibilité de créer des droits accessoires, comme des licences et (parfois) des sous-locations, pour intégrer à l’exploitation des sous-traitants ou des spécialistes.

4.11 Le titulaire d’une licence ne jouit pas de cette exclusivité. Il a seulement l’autorisation d’entreprendre sur la terre certaines activités (comme labourage ou pâturage), tandis que le propriétaire conserve tous les droits et toutes les responsabilités découlant de l’occupation de la terre. Dans le cas d’un contrat de licence, par conséquent, il n’est pas nécessaire pour le bailleur de se réserver le droit de pénétrer dans la propriété louée ou d’autres droits étant donné que, juridiquement, le titulaire de la licence n’a pas pleine possession de la terre.

4.12 Il conviendra par conséquent de faire en sorte que le fermier ait, dans des limites appropriées, le droit de choisir le type de cultures qu’il entend exploiter. Il y a lieu de préciser à ce propos que, surtout dans le cas de baux de courte durée, ce type de liberté est dans une large mesure un vœu pieux dans de nombreuses régions du monde. L’encadré 4.2 décrit comment, en Colombie, les ouvriers agricoles ont lutté avec succès pour obtenir certains droits sur l’utilisation de leur terre.

Encadré 4.2

LIBERTÉ DE CHOIX DES CULTURES DANS LE SYSTÈME DES VIVIENTES EN COLOMBIE

Les vivientes étaient habituellement des paysans sans terre qui vivaient et travaillaient dans les haciendas en contrepartie de quoi il recevaient un petit lopin de terre sur lequel ils cultivaient leurs propres récoltes. Si, à l’origine, ils n’exerçaient généralement qu’un contrôle minime sur ce lopin de terre, les vivientes ont peu à peu acquis certains droits à une série de mesures législatives. Conformément à la loi No. 200 de 1944, à la loi No. 290 de 1957 et à la loi Sexta de 1975, les vivientes ont obtenu le droit à un lopin de terre d’une superficie minimum de 0,5 hectare, d’utiliser librement cette terre (ce qui leur a permis de cultiver non seulement des récoltes vivrières mais aussi des caféiers), le droit de conserver la récolte sans devoir en céder une partie quelconque au propriétaire et le droit à indemnisation pour les améliorations apportées à la terre. Parallèlement au renforcement progressif des droits des vivientes sur ces petits lopins de terre, les propriétaires ont de plus en plus répugné à appliquer ce système, préférant plutôt avoir des métayers, dans le cas desquels il était plus facile de mettre fin au bail.

(Raymond, P. 1986. ‘La aparcería en las haciendas chara-leñas.’ Cuadernos de agroindustria y economía rural 17(2): 105-156).

Droit de résiliation

4.13 En ce qui concerne la durée du contrat, les deux parties doivent être raisonnablement certaines d’arriver jusqu’à l’expiration du bail. Lorsqu’il s’agit d’un bail annuel ou d’assez courte durée, cela peut ne pas poser de problème. Pour des baux de plus longue durée, toutefois, il se peut que, dans certaines circonstances, le bailleur souhaite reprendre possession de la terre (par suite de la faillite de l’exploitation, par exemple, ou de la nécessité pour le fermier de passer à une exploitation ou à un lopin de terre de plus grandes ou de plus petites dimensions). Pour couvrir ce type de situations, l’on peut inclure dans le contrat une clause autorisant l’une ou l’autre des parties à dénoncer le bail à des moments spécifiés et pour des raisons précises. Au Botswana, par exemple, le propriétaire ne peut mettre fin à un bail coutumier contre la volonté du fermier que dans quatre cas spécifiques23:

Principaux éléments de l’accord

4.14 Quel que soit le type de bail, il est toujours important d’établir les bases sur lesquelles l’accord est conclu et d’y inclure à cette fin une série de clauses en exposant le contenu. La liste des clauses qui peuvent être insérées dans un bail est très longue. Les plus usuelles sont néanmoins celles qui concernent l’entretien de la terre, l’obligation de restituer la terre dans le même état à la fin du bail, les dispositions concernant les améliorations à apporter à la propriété, l’interdiction de céder le bail ou de sous-louer la terre sans l’autorisation du propriétaire et l’obligation de payer les impôts fonciers. Les types et formes de clause à inclure dans un contrat de licence peuvent varier étant donné que le titulaire de la licence n’a pas la possession exclusive de la terre. Un aspect intéressant est que la déréglementation des baux en Angleterre et au Pays de Galles a conduit à la multiplication, dans les nouveaux baux, des clauses relatives à la protection de l’environnement24.

Clauses relatives à l’entretien de la terre

4.15 Même si le bail contient une clause concernant l’obligation de maintenir la terre en bon état, il convient - en tous les cas dans le cas de la cession à bail d’exploitations tout entières - d’inclure une clause définissant la répartition détaillée des obligations de réparation et d’entretien du bailleur et du preneur. Cette répartition dépendra de la durée et des autres conditions du bail, les baux de longue durée allant généralement de pair avec l’imposition d’obligations plus lourdes à cet égard au fermier. Des clauses de ce type doivent être incluses dans le bail même si celui-ci ne porte que sur une terre de superficie réduite car, même en pareils cas, canaux de drainage et clôtures peuvent exiger un entretien.

4.16 Du fait de la nature et de la durée des contrats d’affermage d’exploitations tout entières, la plupart des activités d’entretien sont généralement à la charge des fermiers. Toutefois, il n’est pas raisonnable ni approprié d’atteindre des fermiers qu’ils réparent le gros oeuvre des bâtiments ou le gros matériel25. Bien qu’il n’existe aucune prescription de caractère général, il convient de conserver la répartition des responsabilités entre bailleur et preneur, le premier devant prendre soin du gros oeuvre des bâtiments et le locataire des accessoires et du matériel.

Restitution de la terre dans le même état à l’expiration du bail

4.17 Quelle que soit la façon dont les responsabilités touchant l’entretien soient réparties entre le bailleur et le preneur, tous les baux devraient comporter une clause selon laquelle le fermier doit restituer la terre en bon état. Il y a lieu de noter que ce type de clause prévoit que la terre doit être restituée en «bon état» plutôt que dans le même état que celui dans lequel elle se trouvait lors de sa location. En effet, dans un grand nombre de systèmes juridiques, l’obligation de conserver la terre en bon état comporte également celle de la mettre d’abord dans un tel état.

4.18 Un accord oral peut suffire à cette fin lorsque la terre est de petites dimensions ou le bail de courte durée. Dans le cas d’une propriété de plus grande superficie, d’une exploitation complète ou d’un bail plus long, il pourra y avoir lieu aussi de rédiger une description détaillée de l’état physique de la propriété lors de la conclusion du bail. Si le mauvais état initial de la terre ne dispenserait pas de l’obligation de la laisser en bon état à l’expiration du bail, il faut dans tous les cas être raisonnable quant à ce qui peut être réalisé dans un délai déterminé. À cette fin, il sera bon de tenir un registre continu de l’état de la propriété. En outre, la qualité des réparations devra être acceptable à la lumière des usages locaux. Dans ce cas aussi, une description de l’état du matériel facilitera cette comparaison.

Arrangements concernant les améliorations à apporter à la terre ou les changements d’utilisation

4.19 Indépendamment d’une répartition adéquate des responsabilités en matière d’entretien et de réparation, il est bon de veiller à ce que le fermier ne puisse pas altérer la terre ou changer son utilisation sans le consentement exprès du bailleur. Il pourra y avoir des exceptions, par exemple s’il faut ériger une clôture pour empêcher que le bétail ne pénètre sur la terre.

Responsabilités financières concernant les ressources partagées

4.20 Dans le cas de baux de longue durée, particulièrement lorsque la possession exclusive de la terre est accordée aux familles, il pourra être nécessaire pour le propriétaire de définir les responsabilités respectives en ce qui concerne le paiement des divers droits liés à l’utilisation et à l’occupation du bien. Il pourra s’agir des impôts et droits locaux (comme les droits d’eau), d’une proportion du coût d’entretien des ressources communes (comme les routes d’accès et réseaux de drainage) et d’une prime d’assurance appropriée pour couvrir les risques de vol, d’incendie et de dégâts. Encore une fois, la nature et l’étendue de ces responsabilités partagées dépendront à la fois de la nature de la terre louée ainsi que de la durée escomptée du bail.

Loyer ou autre contrepartie

4.21 Il est essentiel que le fermier paie le loyer ou une autre contrepartie (comme une part de la récolte ou des fruits) au propriétaire. La valeur effective de cette contrepartie peut ne pas être connue au début du bail (comme c’est le cas lorsque le fermier doit payer une partie de la produc-tion conformément à un contrat de métayage). Néanmoins, le bail devra spécifier clairement comment cette contrepartie sera calculée et quand elle sera exigible (voir l’encadré 4.3 pour un exemple tiré du Nigéria).

Encadré 4.3

CONTREPARTIE VERSÉE EN ÉCHANGE DE LA TERRE DANS LA RÉGION DES IBO AU NIGÉRIA

Comme bien d’autres pays d’Afrique, la coutume, chez les Ibo, consistait à payer un «tribut» ponctuel ou un paiement symbolique en contrepartie du droit d’utiliser la terre. Ayant acquitté ce tribut, le fermier était alors libre d’utiliser autant de terre qu’il pouvait exploiter. Ce système, appelé fermage Kola, prévoyait par conséquent le versement d’une prime unique pour une occupation permanente. Souvent, les fermages Kola sont complétés par une référence à la superficie des terres utilisées et au volume de la récolte annuelle.

4.22 Le facteur primordial à avoir à l’esprit pour déterminer la contrepartie à payer est que celle-ci doit être spécifiée et certaine. Cela n’exclue pas des éléments non payés, comme les arrangements d’entraide d’usage, qui sont pratique commune dans de nombreux pays. Ce que les baux doivent exclure, toutefois, sont les pratiques léonines selon lesquelles les fermiers et leur famille doivent fournir des éléments de loyer «non spécifiés», comme un travail non rémunéré.

4.23 Outre qu’il faudra déterminer la valeur de la contrepartie et les dates auxquelles elle devra être payée, il pourra s’avérer nécessaire aussi de prévoir la possibilité de la revoir à une ou plusieurs dates spécifiées à l’avenir. Les clauses de révision sont plus fréquentes (et plus nécessaires) dans le cas de baux de longue durée, lorsque le fermier paie habituellement un loyer en espèces. En pareils cas, lorsque la valeur réelle du loyer peut varier en raison de l’inflation ou de fluctuations monétaires et lorsque la valeur relative des produits agricoles peut changer avec le temps, des révisions périodiques protégeront les intérêts financiers du propriétaire ainsi que les capacités de payer du fermier.

Clauses d’indemnisation

4.24 Beaucoup de contrats ne contiennent aucune clause concernant l’indemnisation, mais cela peut être particulièrement important dans le cas de contrats de fermage. En effet, il faut souvent améliorer ou transformer la terre pour qu’elle puisse être utilisée, et cela est généralement une des obligations du fermier. Parfois, ces améliorations supposent des coûts qui ne peuvent pas être récupérés à l’expiration du bail mais qui ajoutent de la valeur à la terre. En pareil cas, le fermier doit pouvoir réclamer une indemnisation pour cette augmentation de valeur.

4.25 Inversement, les altérations peuvent avoir endommagé la terre et ainsi l’avoir dévalorisée. En pareille situation, ce sera le propriétaire qui voudra réclamer une indemnisation pour cette réduction de la valeur de sa propriété. Pour l’éviter, certains systèmes juridiques exigent que ces investissements soient amortis pendant la période de validité du bail. Cela risque cependant de décourager des investissements majeurs, particulièrement lorsque l’expiration du bail approche et que l’horizon temporel se rétrécit.

4.26 Dans tous les cas, il est bon de négocier à la fois les conditions dans lesquelles une indemnisation sera payée ainsi que les modalités selon lesquelles la valeur de l’indemnisation sera calculée. Cela est particulièrement important si l’on considère le déséquilibre des rapports de forces entre bailleurs et preneurs après le commencement du bail. Pour calculer le montant dû, l’on peut prévoir soit un ajustement du loyer ou de la contrepartie payée, soit refléter le montant correspondant dans la valeur en capital de la terre.

Règlement des différends

4.27 Le bail devrait également comporter des dispositions relatives au règlement des différends pouvant surgir. De telles dispositions devront couvrir aussi bien les différends de caractère général entre les parties que les différends spécifiques touchant des points comme la révision du loyer, l’obligation d’entretien et les demandes d’améliorations. Il est cependant tout aussi important d’éviter les différends que de les régler. Dans tous les cas, par conséquent, les contrats devront essayer de prévoir dans quel domaine des litiges pourront surgir afin de faire le nécessaire pour les éviter.

5 Pratiques optimales en matière de contrats de licence et de métayage

Introduction

5.1 Le chapitre 4 a évoqué en termes génériques la situation du contrat de fermage, mais l’on examinera dans le présent chapitre les éléments des rapports entre bailleurs et preneurs qu’il convient plutôt de considérer, juridiquement, comme des contrats de licence ou contrats personnels d’utilisation de la terre. En fait, l’omniprésence des contrats de métayage dans de vastes régions d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud montre qu’ils demeurent la forme prédominante de baux agricoles. Les contrats de métayage et autres accords de licence ont pour effet de diviser les responsabilités associées à l’exploitation entre le bailleur et le métayer ou titulaire du droit de licence, de sorte qu’ils ont un statut et un impact différents. Dans le cas d’un contrat de fermage, l’une des parties loue la terre à une autre, tandis que dans celui d’un contrat de métayage ou d’un accord de licence, une partie accorde une licence à l’autre, l’idée étant que les propriétaires seront davantage impliqués dans l’exploitation de la terre. Cependant, dans de nombreuses régions (particulièrement là où il existe de grandes exploitations), il est rare que les propriétaires participent activement à l’exploitation, si ce n’est en donnant accès à la terre et à certains intrants minimes aux métayers.

5.2 Les droits sur la terre qu’un propriétaire transfère par un accord de licence peuvent être moins étendus que ceux qui sont conférés par un contrat de fermage. Néanmoins, il n’en découle pas nécessairement qu’un contrat de licence doit être moins complet qu’un contrat de fermage. Au contraire, comme il faut veiller à ce qu’un contrat de licence définisse comme il convient quels sont les apports et les produits partagés, il peut être aussi complet qu’un contrat de fermage, même si c’est d’une façon différente.

Encadré 5.1

PRATIQUES OPTIMALES EN MATIÈRE D’ACCORDS DE LICENCE

· noms des parties;

· exposé de l’accord de partage de la terre;

· entrée en vigueur, durée et modalités de résiliation du bail;

· part des intrants;

· part des produits;

· règlement des différends.

5.3 Comme dans le cas des contrats de fermage, plusieurs dispositions essentielles doivent figurer dans tous les accords de licence. Dans le cas des accords les plus simples, les dispositions essentielles sont celles qui ont pour objet de donner certitude et clarté aux relations entre les parties, et d’indiquer la raison pour laquelle le droit de licence a été accordé, la durée de l’accord et la contrepartie qui a été convenue. Les contrats de métayage doivent être plus complexes dans la mesure où ils doivent définir en détail les responsabilités et droits respectifs du propriétaire et du métayer. Aussi la présente section sera-t-elle consacrée aux contrats de métayage en particulier plutôt qu’aux accords de licence en général. Les dispositions essentielles des contrats de métayage sont indiquées dans l’encadré 5.1. Comme on l’a vu au chapitre 4, les dispositions en question précisent l’accord intervenu entre les parties plutôt que de modifier le rapport de forces entre elles. Toutefois, même dans les pays où les rapports de forces sont inégaux, des mesures permettant d’évaluer de manière transparente le volume de la récolte pourront contribuer à éviter des différends.

Noms des parties

5.4 Comme dans le cas d’un contrat de fermage, le contrat de métayage doit définir nommément les parties, d’autant qu’il s’agit d’un accord personnel entre propriétaire et métayer.

Accord de partage de la terre

5.5 Cette disposition peut se rapporter à tout ou partie d’une terre ou d’une exploitation. Cette disposition est un aspect fondamental de la relation entre propriétaire et métayer car elle indique la raison de l’accord (et indirectement la raison pour laquelle l’accord n’est pas un bail) et la façon dont la terre sera gérée. Comme l’accord ne fait pas intervenir de transfert de droits réels, le métayer devra spécifier qu’il a un droit d’accès à la terre à des fins d’exploitation.

Entrée en vigueur, durée et modalités de résiliation

5.6 Comme dans le cas d’un contrat de fermage, la date d’entrée en vigueur et la durée de l’accord doivent être déterminées à l’avance. La considération primordiale, dans le cas d’un contrat de métayage, est la nécessité de faire en sorte que les parties aient une possibilité suffisante de mettre en oeuvre l’accord qu’elles ont conclu, ce qui pourra prendre quelques mois s’il s’agit d’une seule campagne agricole ou plusieurs années s’il s’agit d’une exploitation d’élevage. Par ailleurs, l’une ou l’autre des parties pourra souhaiter insérer dans le contrat des clauses de résiliation qui pourront être liées à des événements externes spécifiés, comme la nécessité d’utiliser la terre à d’autres fins prédéterminées, ou l’inexécution de l’accord par l’une ou l’autre des parties.

Part des intrants

5.7 Cette disposition définit les responsabilités respectives des parties pour ce qui est de l’apport des intrants nécessaires à l’exploitation de la terre. Dans la pratique, les deux parties apportent habituellement des intrants, mais l’accord peut spécifier une simple répartition de tous les éléments fixes et variables du capital (propriétaire) et du travail (métayer) mais aussi des arrangements extrêmement complexes. Dans le premier cas, il pourra s’agir de se référer brièvement à la répartition des responsabilités. Dans le deuxième cas, en revanche, il pourra être nécessaire d’établir un inventaire de l’ensemble des biens en capital et du matériel, en indiquant pour chaque élément un pourcentage spécifique de répartition. Si cela est approprié eu égard à l’envergure de l’accord, l’on devrait également mentionner quelle est la partie qui devra prendre à sa charge les coûts de réparation et d’entretien et des primes d’assurance et la partie qui devra tenir la comptabilité des dépenses de l’exploitation.

Part des produits

5.8 Un contrat de métayage doit spécifier, non pas un loyer comme dans le cas d’un contrat de fermage, mais plutôt les parts des produits de la terre qui reviennent aux parties. Il pourra s’agir d’une répartition simple selon la part des intrants que chacune des parties s’est engagée à apporter. L’on peut également envisager une répartition plus complexe reflétant non seulement la part relative des intrants mais aussi la mesure dans laquelle ces derniers ont influé sur la production. L’on peut citer comme exemple la division d’une première tranche de la production - habituellement jusqu’à concurrence d’une limite convenue - et sur la base de la valeur pure et simple des intrants, le reste de la production étant répartie en fonction de l’apport de services de gestion. Étant donné la valeur de la terre, il est probable que le propriétaire obtiendra une proportion plus importante de la première tranche de la production, tandis que les services de gestion fournis par l’exploitant conduiront généralement à lui donner une plus grande proportion du reste.

Prévention et règlement des conflits

5.9 Bien qu’il puisse surgir des litiges à propos de n’importe quel aspect du contrat, les plus fréquents sont ceux qui concernent les parts respectives de la production. Ces différends sont généralement imputables au sentiment de méfiance qu’il existe entre le propriétaire et l’exploitant. Il arrive souvent, par exemple, que le propriétaire pense que la production brute est plus importante que ne le dit l’exploitant, ce qui sous-entend que ce dernier s’est approprié une part de la production plus importante que celle qui était initialement convenue.

5.10 Il conviendra de spécifier des procédures de règlement des différends semblables à celles qui sont incorporées aux contrats de fermage, mais le mieux serait d’éviter ce type de litige, ce que l’on peut faire en stipulant dans l’accord que l’exploitant doit informer le propriétaire de la date de la récolte, ce qui lui donnera la possibilité de vérifier personnellement par l’entremise d’une tierce partie indépendante ce qu’est effectivement la production brute.

6 Recommandations concernant l’exécution des contrats de fermage

Introduction

6.1 Le présent chapitre met l’accent sur les pratiques à suivre pour faire en sorte que les baux agricoles puissent être exécutés efficacement. L’on peut, à cet égard, établir une distinction entre les facteurs techniques, qui se rapportent directement aux relations découlant du bail, et le contexte, à savoir l’environnement dans lequel les baux sont exécutés, dont il est question dans la troisième partie. Il est indispensable de mettre au point un mécanisme efficace pour améliorer les baux agricoles et, dans ce contexte, l’accent est mis sur les améliorations qui peuvent raisonnablement être apportées aux facteurs techniques.

Préparation d’un bail ou de clauses types

6.2 Des baux types existent déjà dans plusieurs pays. Ils sont parfois rédigés par les pouvoirs publics, afin de fournir un type de contrat officiellement sanctionné, ou bien par des groupes de propriétaires ou de fermiers à l’intention de leurs membres. L’on peut également se procurer des baux types en s’adressant à des avocats ou aux autres personnes qui s’occupent de rédiger des baux. Bien que ces documents aient inévitablement un caractère général, ils permettent de tenir compte de tous les problèmes critiques lors de la conclusion de l’accord, même si les parties décident de modifier ou de supprimer certaines de leurs dispositions.

6.3 L’élaboration d’un bail type pourrait à première vue éliminer les éléments de flexibilité qu’exigent souvent les relations entre bailleur et preneur26. Toutefois, cela n’est pas nécessairement le cas. En s’inspirant des éléments essentiels exposés dans le présent Guide, un contrat, sous sa forme la plus simple, peut être un document d’une page tout au plus indiquant les aspects fondamentaux des relations entre les parties, la définition de la terre, les dates d’entre en vigueur et d’expiration du bail et la contrepartie. Dans le cas d’accords plus complexes, particulièrement ceux qui concernent une répartition des fruits ou la cession à bail d’une exploitation, l’on pourra ajouter des pages supplémentaires pour spécifier les autres éléments à convenir. Ainsi, un bail type pourrait en fait comprendre un nombre variable de pages standard, selon la complexité de l’accord et les souhaits des parties.

Engagement d’appliquer un contrat type lorsque les conditions du bail sont contestées

6.4 Une formule voisine de l’élaboration d’un bail type peut être une définition officielle des dispositions normalement incluses dans de tels accords, notamment une répartition standard ou idéale des droits et responsabilités concernant aussi bien les intrants que les produits. Bien qu’elle ne constitue pas un élément contraignant et ne limite pas le droit des parties d’arrêter leurs propres conditions, ce renvoi à une norme établie peut être utilisé en cas de différends pour déterminer indirectement quels sont les droits et responsabilités respectifs. L’un de ces droits peut être celui d’obtenir que tous les contrats de location à bail d’une exploitation tout entière fassent l’objet d’un écrit, ce qui pourra permettre à l’une ou l’autre des parties d’un accord conclu autrement que par écrit de faire valoir son droit à un contrat écrit reflétant les conditions précédemment convenues.

Effort de transparence

6.5 Il conviendra non seulement de suivre des pratiques optimales lors de la conclusion de baux mais aussi de faire en sorte que les baux, surtout de longue durée, soient conservés en lieu sûr de sorte que l’une ou l’autre des parties puissent vérifier les conditions initialement convenues en cas de différend. Certains systèmes imposent l’enregistrement de baux à long terme (par exemple de plus de 20 ans) afin de les rendre opposables aux tiers, ce qui garantit que quiconque conclut un contrat avec le propriétaire sait que d’autres ont des droits importants sur la terre. Sachant que cette obligation peut susciter des difficultés et entraîner des coûts considérables dans certains pays, l’on peut, à défaut ou à titre intérimaire, confier les tâches d’enregistrement à une personne respectée de la communauté locale.

Accès aux informations appropriées

6.6 L’un des éléments qui entravent le plus le développement des baux agricoles dans toutes les régions du monde est l’absence d’informations appropriées sur les pratiques et tendances actuelles. L’établissement d’un simple système d’enregistrement des loyers, commissions et parts des intrants et des produits, par exemple, pourrait mettre les fermiers mieux à même de négocier le bail. De même, un tel système permettrait également aux propriétaires de savoir s’ils tirent ou non de leur terre un rendement approprié. Étant donné la diversité des facteurs qui peuvent affecter les loyers et autres paiements dus, le mieux est de concevoir de tels systèmes au plan local et de les combiner avec l’enregistrement des baux. Des systèmes plus perfectionnés pourraient également comporter des listes des obligations habituellement prévues dans les baux, une référence aux prix des produits et aux autres sources d’information utile, comme le coût et la disponibilité du crédit.


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