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Chapitre 6
Propositions

Quels sont les scénarios les plus réalistes concernant la séquestration du carbone?

En référence à l'article 3.3 du Protocole de Kyoto concernant le boisement, le reboisement et le déboisement, et à la période de 2008 à 2012 pour les pays mentionnés à l'annexe 1 du Protocole, le bilan entre les deux premières activités (46 millions de t/C/an) et la troisième (déboisement - 90 millions t/C/an), est négatif. Par ailleurs, les prévisions de la FAO pour le déboisement dans les pays en développement (Chine non comprise) sont de 90 millions d'hectares dans les prochaines 10 années. Par conséquent, la préservation de la forêt doit être une priorité dans tous les pays. Il est dommage qu'elle soit encore ignorée dans les accords de Bonn.

Si l'application de l'article 3.4 (tableau 4) est considérée en référence à la gestion améliorée et au changement d'utilisation du sol, les pays en développement ont le plus grand potentiel pour la séquestration du carbone, excepté dans la gestion des forêts (100 M C/an pour les pays développés, 70 pour les pays en développement). La gestion des sols cultivés en permanence (125 M t C/an) ou des sols de pâturage (240) et le changement de l'utilisation du sol avec conversion à l'agroforesterie (390) sont d'un intérêt majeur pour la séquestration du carbone. Le total représente 0,53 Pg ou Gt C séquestré par an, ce qui est significatif, indépendamment des autres avantages, représentant 10 pour cent de l'émission totale par la combustion des carburants. Il faudrait en tenir compte lors de la discussion des activités accessoires et de l'extension du Protocole de Kyoto aux pays en voie de développement. Si la superficie est augmentée, la séquestration du carbone dans les sols arides et les régions tropicales pourrait s'élever à 1,5 Pg C/an.

Batjes (1996), discute du potentiel de la séquestration du carbone avec une référence particulière à l'état de dégradation du sol. La méthode distingue entre la dégradation légère et la dégradation modérée, qui peuvent être restaurées par une gestion améliorée du sol, et les dégradations fortes et extrêmes qui nécessitent des travaux spécifiques de restauration, impliquant la conversion à une nouvelle utilisation du sol.

La forte dégradation est principalement liée au déboisement (113 millions d'hectares, tableau 7). La conversion à l'agroforesterie (tableau 8) dans les zones plus humides et aux prairies dans les sols arides peuvent être des solutions durables.

Pour d'autres types de sols dégradés, des projets peuvent être développés à l'aide de la réhabilitation par les plantes. Pour les décharges et les sols extrêmement pollués, il est possible d'utiliser des espèces adaptées à une concentration élevée des métaux toxiques. Les espèces adaptées aux sols salins comme Prosopis juliflora, ou d'autres espèces halophytes ont différents usages et peuvent séquestrer des quantités considérables de carbone (12 t/ha).

Les sols modérément dégradés (910 millions ha) où le principal processus de dégradation est l'érosion, doivent être mieux gérés en priorité. L'érosion éolienne, qui se produit principalement dans les sols arides de l'Afrique et de l'Argentine, peut être prévenue par l'agriculture de conservation ou une meilleure gestion du pâturage. Pour prévenir l'érosion par l'eau, qui se produit plus dans la partie centrale de l'Amérique du Sud ou en Afrique (zones tropicales), l'agriculture de conservation et l'agroforesterie peuvent être utilisées. Considérant les prévisions d'IPCC (tableau 7), 50 millions d'hectares semblent un minimum pour la gestion améliorée. Si les incitations sont fortes, le chiffre pourrait être plus élevé. Le taux annuel de séquestration du carbone peut être plus élevé que 0,36 t (Stewart, 1995). Pour les pâturages, la gestion améliorée de 168 millions ha peut être un projet plus ambitieux. Il faut toujours se rappeler que le système est réversible et que, si le non-labour est suivi de labour, le carbone accumulé peut être perdu en quelques années.

Quelles sont les principales implications pour l'agriculture?

Ces propositions ont des conséquences considérables pour l'agriculture mais il est évident qu'il y a de bonnes options pour la gestion des cultures. Celles-ci concernent surtout les sols cultivés en permanence et la composante culture de l'agroforesterie.

La première expérience majeure a été le labour de conservation développé dans les grandes Plaines des Etats-Unis, avec un climat tempéré continental. Cela a été très réussi pour la prévention de l'érosion, mais sans doute un peu moins pour la séquestration du carbone, bien que les pertes en C aient été stoppées (figure 8).

Les variantes de l'agriculture de conservation sont devenues très répandues : elles sont appliquées par des agriculteurs sur 60 millions d'hectares environ dans plusieurs pays, y compris le Brésil, l'Argentine, les Etats-Unis, l'Australie, l'Inde, et sont en cours de validation dans plusieurs pays africains. Elles impliquent la gestion agrobiologique des sols et des systèmes de rotation (CIRAD, 1996, 1998, 1999).

Les principes essentiels sont:

Ces systèmes entraînent un taux élevé de séquestration du carbone parce qu'ils combinent les effets du non-labour avec l'intrant maximum de matière organique, sous forme de résidus des cultures ou de cultures de couverture. La couverture de plantes in situ est préférée au paillis amené d'un autre sol à cause de l'importance de la matière organique souterraine dérivée des racines.

En agroforesterie, les mêmes pratiques peuvent être utilisées pour les cultures. Etant donné qu'une partie de la séquestration du carbone relative aux arbres peut être ajoutée, la combinaison constitue un système très efficace (plusieurs t de C par an).

Si la méthode de l'agriculture de conservation venait à être utilisée plus généralement, il sera nécessaire de trouver des solutions à quelques nouveaux problèmes qui peuvent être soulevés. L'un de ceux-ci concerne la lutte contre les ravageurs dans les 1-2 ans de non-labour, où une certaine lutte chimique (utilisation des herbicides) pourrait être nécessaire. Le Glyfosate est communément utilisé à cause de son efficacité sur les graminées et les espèces pérennes. Cependant, une étude attentive sera nécessaire sur l'accumulation, le temps de résidence et l'écotoxicité de ces produits dans le sol (Garcia Torres, 1997).

Le projet IFAD-FAO et le mécanisme de développement propre (MDP)

En continuation d'une première collaboration sur la mise en œuvre de la Convention pour Combattre la Désertification (CDD) et dans le cadre du Mémorandum de la compréhension (MOU) la FAO et l'IFAD ont démarré en 1999 un second projet sur «la prévention de la dégradation, l'augmentation de la biodiversité du sol et de la végétation et de la séquestration du carbone au travers d'une gestion durable des terres et des changements d'usage des terres».

Le premier objectif du projet IFAD-FAO est d'intégrer la sécurité alimentaire, la séquestration du carbone et la lutte contre la désertification, et de montrer que l'application du protocole de Kyoto et des traités post-Kyoto ont des relations avec les conventions de la biodiversité et de la désertification. Une consultation d'experts s'est tenue à Rome en 1999 et des présentations de Kookafkan, Mansuri et Young établissent clairement ces relations (FAO-IFAD, 1999).

Le second objectif du projet est d'encourager le suivi et les mesures au champ. Une large gamme de séquestration de carbone a été rapportée pour les différents systèmes d'utilisation des terres. Le projet analyse les différents scénarios quantifiés pour les différentes zones agroécologiques de l'Amérique latine et de la Zone des Caraïbes (2 sites au Mexique, 1 site à Cuba) en incluant les bénéfices pour les fermiers (récolte, réduction de coût ou du temps de travail et autres bénéfices) pour différentes conversions des usages des terres. L'une des conversions les plus importantes concerne l'alternative à l'agriculture itinérante. L'utilisation de différents modèles principalement Century (Parton, WJ et al. 1988, 1994), et Roth-C26 (Colemans et Jenkinson, 1995) permet l'estimation de la dynamique du carbone et de la quantité de matière organique nécessaire pour assurer une production durable avec l'optimisation d'autres objectifs (minimiser la dégradation de terres, maximiser la conservation de la biodiversité).

Comme une suite à ce projet, une lettre d'accord a été signé entre la FAO et le GM en août 2001 sur un programme normatif sur les mécanismes incitatifs de séquestration du carbone pour combattre la dégradation des terres et la désertification. L'objectif central de ce programme est le rassemblement, la vérification et la synthèse des informations produites par les différents projets et études de cas mis en place dans les différentes zones sèches du monde.

Le protocole de Kyoto procure aussi des opportunités de financer des projets concrets, par exemple au travers du Mécanisme de Développement Propre (MDP) ou des projets basés sur des activités (LULUCF). Ces derniers projets sont majoritairement dévolus à la forêt pour l'instant. D'autres sujets traités sont les bénéfices économiques du labour réduit (Canada) ou de l'agroforesterie (Mexique, Guatemala).

Quelques projets concernent le suivi de la biomasse forestière et deux méthodes ont été développées: la première basée sur des sites permanents donne des résultats satisfaisants au plan statistique (voir la proposition faite). La seconde utilise différentes variantes de la télédétection, depuis l'image satellitaire jusqu'à la photographie aérienne obtenue avec des avions volant à basse altitude avec des GPS.

Des possibilités existent pour développer des projets avec un financement du fond de l'environnement global (FEG ou GEF) ou de la Banque Mondiale.

Proposition d'un système de suivi des sols pour la vérification de la séquestration du carbone

Si une extension du Protocole de Kyoto est décidée, ou si le marché du carbone se développe, des instruments pour le suivi, la vérification ou la certification seront nécessaires afin de vérifier les changements dans les réserves de carbone relativement au type de sol, aux conditions climatiques, à l'occupation du sol et aux différentes pratiques de gestion du sol.

La proposition est d'établir au niveau régional ou national un réseau de suivi du sol qui représente la composante la plus permanente de l'écosystème, avec un choix d'une grille géographique systématique; l'échelle peut être discutée, en tenant compte des aspects financiers et de l'hétérogénéité des sols. En Europe, la préférence était pour les grilles de 16 x 16 km (France) ou 8 x 8 km (Grande Bretagne) qui prennent en considération la diversité des sols et l'occupation du sol.

Les parcelles permanentes, géo-référencées sont la base pour la description du profil, l'échantillonnage, l'analyse et la conservation des échantillons. La description de l'occupation du sol présente et passée et des pratiques agricoles doit être faite. Il faut réaliser qu'une période de cinq ans est la durée appropriée pour suivre les changements dans les réserves de carbone. Le réseau devrait être lié à une donnée de base digitalisée relationnelle et des données d'occupation du sol mais aussi à d'autres conditions biophysiques ou socio-économiques qui permettent la détermination de la distribution spatiale à différentes échelles (nationales, régionales) et les différentes implications (système d'information géographique). Les problèmes spécifiques de la détermination de la ligne de base ou des parcelles de référence, qui sont des questions spécifiques soulevées par IPCC, peuvent aisément être résolus.

Ce système de suivi peut être utilisé à différentes fins: séquestration du carbone du sol, qualité et dégradation du sol, pollution du sol et de l'eau, santé de la forêt, changements de la biodiversité, etc. Par conséquent, parallèlement aux mesures des changements dans la séquestration du carbone, certains bénéfices autres que les variations de rendement peuvent être évalués relatives au déclin de la dégradation du sol (érosion, désertification) ou à l'augmentation de la biodiversité.

Quelques sites peuvent être choisis par région écologique et occupation du sol avec différentes pratiques, afin d'être suivis avec un équipement supplémentaire pour une évaluation plus détaillée des stocks (par exemple, utiliser des isotopes du carbone qui permettent l'identification des sources des matières organiques) ou pour mesurer les flux de carbone. Ainsi donc il faut établir des liens avec des réseaux comme Euro flux (dans les forêts) ou Terrestrial Observation Initiative (observation du carbone terrestre TOC).

La télédétection sera un instrument très important pour extrapoler les résultats et cataloguer la couverture par la végétation et l'utilisation du sol, mais elle ne peut pas remplacer le besoin de données réelles sur les changements dans les stocks de carbone du sol.

Quelles sont les principales lacunes des connaissances ?

Des questions importantes doivent être résolues et il manque des données sur le terrain concernant l'effet des différents facteurs qui influencent la teneur en carbone sur une période de 20 à 50 ans: type du sol, conditions climatiques, utilisations du sol et pratiques agricoles.

Nouveaux projets et perspectives

Il existe de nombreuses expérimentations au niveau mondial. L'IFAD et la FAO ont développé des projets en Amérique Latine et aux Caraïbes (2 sites au Mexique, 1 à Cuba).

A la suite de la dernière réunion de la FAO et du GTZ sur la vérification des stocks de carbone et des changements au niveau national (Rome, septembre 2000), il apparaît nécessaire d'établir dans les pays en développement des ateliers pilotes pour le suivi et l'évaluation. Ces sites seront proposés au Brésil, ou il y a de nombreuses expériences historiques (chronoséquences) concernant le déboisement et le développement de prairies ou de pâturages. Ces sites pourraient être utilisés pour mettre en place les méthodologies et les modèles proposés par IPCC et les adapter aux pays tropicaux.

À l'aide de certaines techniques spécifiques (isotopes de C, fractionnement de OM), il sera possible d'obtenir de meilleures connaissances sur l'effet de différentes pratiques de gestion concernant la séquestration du carbone. Certaines recommandations générales et pratiques seront formulées et publiées dans le «Guide for Carbon Stock Evaluation in Soils» (Guide de l'évaluation du stock de carbone dans le sol).

Sur les mêmes sites, les effets de la séquestration du carbone sur les propriétés du sol et la biodiversité du sol devraient être mesurés afin d'évaluer tous les bénéfices du système.

En 2000, un nouveau réseau international a été créé, le DMC (Systèmes basés sur le semis direct et le paillis, et le labour de conservation) qui inclut maintenant 60 institutions internationales et nationales.

La CIRAD s'est joint à ce réseau et avec différents financements français de coopération a mis en place un plan d'action dans plusieurs pays en développement (Brésil, Madagascar, Mali, Laos, Tunisie), où différentes pratiques agricoles sont testées avec la mesure des stocks et les flux de CO2 et les émissions de N2O des sites repérés.

Le gouvernement allemand, à travers GTZ (Deutsche Gesellschaft fuer Technische Zusammennarbeit), a établi un partenariat avec le réseau de labour africain.

La Banque Mondiale est fortement impliquée dans de nombreux programmes de diffusion et de vulgarisation sur le semis direct et les pratiques associées, en particulier au Brésil. Une réunion a été tenue au Pakistan en février 2001, sur le thème de l'agriculture de conservation dans le système riz-blé. Une autre réunion a été tenue en Espagne sur l'agriculture de conservation en octobre 2001.

Des réunions ont été tenues au Caire et à Rabat en 2001 pour établir des projets de développement des zones arides non irriguées dans les pays du WANA (Asie de l'Ouest et Afrique du Nord). La séquestration du carbone peut représenter une solution de développement et de lutte contre la désertification.

Enfin, un congrès mondial de l'agriculture de conservation s'est tenu en octobre 2001 sous l'égide de l'ECAF et de la FAO. Il devrait permettre une mise au point sur les possibilités de l'agriculture de conservation.

Conclusion

Le développement de l'agriculture au cours des siècles et des décennies passés a entraîné la consommation des stocks de carbone dans le sol créés pendant une évolution à long terme. Dans la plupart des sols cultivés, en particulier dans les régions arides et semi-arides, cela a conduit à une réduction de la productivité des terres en relation avec la dégradation et la désertification des terres. Il est maintenant temps d'inverser cette tendance. On a démontré que c'était faisable, mais seulement si le type d'agriculture est changé. Le Protocole de Kyoto et les facilités en faveur de la séquestration du carbone dans les sols sont de bonnes opportunités pour le faire. Les sols pourraient séquestrer à peu près 20 Pg de C en 25 ans soit plus de 10 pour cent de l'émission globale. En même temps, cela offre d'autres bénéfices importants pour la qualité du sol, des cultures et de l'environnement, pour la prévention de l'érosion et de la désertification et pour la mise en valeur de la biodiversité.

Les terres cultivées, les prairies et les savanes ont un potentiel pour séquestrer du carbone dans les sols et il existe un grand besoin de pratiques culturales capables d'accroître le stockage du carbone du sol et la productivité.

La séquestration du carbone comporte aussi la promesse d'offrir des options doublement gagnantes et de nouveaux bénéfices pour les communautés des zones sèches. L'attention des gouvernements doit être attirée sur ces bénéfices potentiels et le besoin d'initier un processus de collection de données et d'analyse de stocks et de flux de carbone sur différents sites sélectionnés à une échelle déterminée.

Ces bénéfices résultent du fait que la matière organique est un facteur essentiel dans les sols, où elle détermine une cascade de propriétés ou de fonctions relatives aux propriétés du sol à l'effet de tampon, à la résilience et à la durabilité. La biodiversité dépend de la teneur en matière organique, et son augmentation dans le sol permettra de nouvelles fonctions. Les «ingénieurs du sol» (la macrofaune) assureront, par exemple, des fonctions de labour.

Ce concept implique le développement d'une utilisation du sol et de pratiques de gestion du sol spécifiques. Certaines priorités peuvent être définies pour les sols dégradés avec des mesures adaptées pour les sols cultivés en permanence, les pâturages et l'agroforesterie. Le développement de l'agriculture de conservation sera plus facile dans les pays en développement à cause de l'importance de la dégradation du sol. C'est le cas du Brésil et de l'Argentine où le développement de nouvelles pratiques, en particulier le non-labour et le semis direct sont très rapides. En Asie, la rotation riz-blé sans labour commence à se répandre et cette pratique pourrait très rapidement se généraliser. L'amélioration des pâturages dégradés et l'expansion de l'agroforesterie auront besoin de plus d'efforts et de temps.

L'Europe semble être la plus difficile à convaincre, bien que les conséquences de l'agriculture de conservation pour l'environnement, et plus spécialement la qualité de l'eau semblent maintenant devenir essentielles.

Il est évident, en particulier dans les pays à faibles ressources, que les communautés paysannes rencontrent beaucoup d'obstacles pour adopter des pratiques améliorées, même quand ils en connaissent les bénéfices potentiels. Il y a aussi des lacunes de connaissances et un manque de données associées avec pratiquement toutes les extrapolations régionales ou globales concernant les analyses quantitatives aussi bien que les problèmes de mesure ou d'interprétation des données de terrain sur les flux de carbone. Des données manquent sur les différents écosystèmes et agrosystèmes. Des critiques ont été faites sur les calculs de séquestration qui ne prennent pas tous les flux en compte, en particulier ceux associés à la production de fertilisant, à l'irrigation ou à l'application de fumier organique.

Une première étape indispensable pour traiter ces problèmes sera le développement d'un manuel de mesure et de surveillance. Ce manuel pourrait s'inspirer du travail de l'IPCC et être rédigé par un petit groupe d'experts, et largement circulé pour révision parmi les experts et les gestionnaires. Il est impératif, à ce stade, que des projets pilotes soient développés au travers du Fond Global pour l'Environnement (GEF), du Mécanisme Global (GM) et de la Banque Mondiale pour expérimenter différentes approches pour séquestrer le carbone dans les zones sèches, au travers de l'adoption de techniques qui puissent promouvoir la fertilité du sol et la productivité. De tels projets pilotes pourraient fournir les mécanismes pour produire des données plus appropriées sur les stocks et les flux de carbone avec différents systèmes agricoles; en même temps ces projets pilotes peuvent préparer le terrain pour des applications à une échelle plus large, permettant la certification de réduction d'émissions avec des pays industriels lorsque le protocole de Kyoto sera complété.

Un projet pilote de démonstration peut également aider à créer des protocoles de terrain pour la mesure et le suivi de la séquestration du carbone, à démontrer les bénéfices agronomiques et économiques pour les propriétaires des terres et les bénéfices en séquestration de carbone de ces projets pour les investisseurs potentiels.

Les preneurs de décision doivent être conscients des opportunités qui existent en particulier dans l'agriculture des zones sèches de réduire les émissions et d'accroître le stockage du carbone à la fois dans les sols et la végétation. On doit donc inclure dans les objectifs pilotes, la nécessité d'attirer l'attention à tous les niveaux sur les bénéfices potentiels de la séquestration du carbone aux niveaux local, national, régional, et global.

Dans la nouvelle stratégie, la FAO aura des rôles importants à jouer. D'abord pour la validation et la promotion des concepts, deuxièmement pour aider à mesurer, suivre, modéliser et ensuite organiser des réseaux en vue d'aider les petits agriculteurs à développer et adopter des solutions pratiques.

Les Etats-Unis consacrent des ressources considérables à cette thématique. Des sites ateliers devraient être mis en place dans les régions tropicales en utilisant en particulier les chronoséquences existantes (déforestation, mises en culture), afin d'améliorer les méthodologies et les modèles pour la dynamique du carbone, et mesurer tous les effets.

Tandis que la majorité des projets d'utilisation des terres concernent jusqu'à maintenant le secteur forestier, les projets sur le carbone du sol dans les régions semi-arides et subhumides procurent les opportunités uniques suivantes : la terre a un coût relativement faible par rapport aux zones humides où dans de nombreux cas la mitigation du climat ne sera pas capable d'être compétitive avec la pression qui s'exerce sur les sols. De grandes surfaces de terres dégradées ou désertifiées, sont en quête d'assistance technique ou financière pour restaurer les terres de culture, les prairies et les savanes.

Bien que les chiffres exacts de la désertification soient difficiles à obtenir, les estimations sont entre 3,47 et 3,97 milliard d'hectares de terres désertifiées (Lal et al., 1998 a).

Donc, bien que les tonnes de carbone concernées par hectares (0,2-0,5 t) soient relativement petites en comparaison des forêts (2 à 5 t.), le potentiel total pour la lutte contre le changement climatique est considérable. Les régions arides des tropiques ont de faibles taux d'émissions énergétiques, aussi elles ne présentent pas de grandes opportunités pour des réductions dans le secteur énergétique, ni d'ailleurs dans le secteur forestier. Des projets sur le carbone du sol constituent donc une opportunité pour les zones arides et semi-arides de participer à la lutte contre le changement climatique en améliorant les conditions de vie. Afin de réussir, les projets sur la séquestration du carbone nécessitent une forte composante de développement durable tels que l'amélioration des conditions de vie par l'accroissement de la productivité agricole, la réduction des risques de mauvaises récoltes et l'accès à de meilleures intrants agricoles. Les effets sur la séquestration du carbone sont plus susceptibles de réussir s'ils s'appuient sur des institutions, initiatives ou organisations existantes.

Des opportunités existent pour construire des partenariats avec les institutions des pays industriels pour initier des activités de séquestration du carbone au travers de projets pilotes impliquant les communautés locales, et par l'installation de réseaux venant appuyer les réseaux globaux sur la séquestration du carbone.

Le développement des ressources humaines et la formation des fermiers représentera une composante importante de ces projets.

Le besoin existe d'initier des études pour évaluer l'impact potentiel de quelques projets en cours, tels que les ceintures vertes, les programmes de reforestation ou de revitalisation; de même pour la réhabilitation des terres de parcours afin d'évaluer leur contribution potentielle à la séquestration du carbone. De la même manière, des activités planifiées pour produire des amendements organiques au lieu de les brûler doivent être évaluées en ce qui concerne le carbone. Le développement de sources d'énergie renouvelables telles que les biogaz, l'énergie éolienne et solaire doivent être considérées.

Le changement majeur attendu en agriculture est une vraie révolution verte, certainement plus largement applicable et durable que la précédente. La séquestration du carbone et les changements qui en résultent en agriculture sont un moyen pour concilier les trois grandes conventions sur le changement climatique, la biodiversité et la désertification et éventuellement de réconcilier agriculture et environnement.

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