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Amélioration de la réglementation des eaux

Il faut élaborer des politiques et des lois et créer des institutions visant à augmenter la productivité de l'eau à différents niveaux. A l'échelle de la consommation individuelle, des politiques encourageant les gens à manger des aliments moins exigeants en eau - par exemple, du blé plutôt que du riz, de la volaille plutôt que du boeuf - pourraient sensiblement augmenter l'efficience d'utilisation de l'eau. A l'échelle locale, une amélioration de la gestion de l'irrigation permettrait d'augmenter considérablement l'efficience: dans ce but, la meilleure solution serait de donner à ceux qui utilisent réellement l'eau d'irrigation la possibilité de planifier et de gérer leurs propres approvisionnements en eau, au moins au niveau local. Il faudrait en outre améliorer la transparence et la responsabilité, et prendre des mesures pour inciter les utilisateurs à économiser l'eau. A l'échelle des bassins fluviaux, l'une des grandes priorités devrait être d'améliorer l'intégration, non seulement entre la planification de l'utilisation des terres et de celle des eaux, mais aussi entre les autres utilisateurs intéressés - les aménagements hydro-électriques, les industries et les populations urbaines, par exemple.

L'importance de l'agriculture urbaine

Jardin urbain à l'extérieur de Bissau, Guinée-Bissau

L'agriculture urbaine est un secteur qui s'accroît rapidement, et pas seulement chez les personnes défavorisées. Selon de récentes estimations, un tiers des habitants des villes seraient engagés dans l'agriculture urbaine dans le monde, et celle-ci satisferait jusqu'à un tiers des besoins alimentaires urbains. Dans de nombreuses zones urbaines, l'agriculture occupe plus d'espace que les bâtiments et la voirie: dans le Grand Bangkok, par exemple, 60 pour cent des terres sont cultivées.

L'agriculture urbaine met souvent à contribution les déchets urbains pour l'eau et les nutriments utilisables qu'ils offrent et cette méthode peut être extrêmement efficace: la production intensive de légumes n'utilise par exemple que 5 à 20 pour cent de l'eau et 8 à 16 pour cent des terres nécessaires à l'agriculture rurale mécanisée. Au Botswana, on pratique une horticulture en conteneurs de haute technologie qui peut produire l'équivalent de 20 tonnes de maïs par hectare.

Dans certains pays qui manquent d'eau, une vision radicalement nouvelle de l'utilisation de l'eau se met en place: l'eau est d'abord distribuée aux zones urbaines, où elle est utilisée puis traitée, après quoi les eaux usées sont mises à la disposition de l'agriculture. Les industries urbaines financent le coût de l'alimentation en eau et du traitement, les eaux traitées étant proposées aux agriculteurs à bas prix.


Amélioration de la gestion à l'échelle locale

Le rôle des utilisateurs

Dans de nombreux pays, les gouvernements centraux se sont dessaisis de la responsabilité de gérer les systèmes d'irrigation pour la laisser à des entreprises privées ou/et à des associations locales d'utilisateurs. On cherche de plus en plus, à divers niveaux de gestion, à faire participer les agriculteurs et les petits exploitants, hommes ou femmes, à la planification et à la gestion des ressources en eau. Par exemple, l'instauration de la loi sur l'eau en Afrique du Sud en 1998 a entraîné la création d'organismes de gestion des bassins auxquels participent des agriculteurs défavorisés. En Turquie, la gestion des systèmes d'irrigation, auparavant aux mains du gouvernement, a presque été entièrement transmise à des associations d'agriculteurs. Au Mexique, la gestion de plus de 85 pour cent des 3,3 millions d'hectares de terres irriguées sous contrôle étatique a été reprise par des associations d'agriculteurs dont la plupart sont maintenant financièrement autonomes. Ce transfert a provoqué une augmentation du prix de l'eau d'irrigation, mais celui-ci est malgré tout resté dans la limite des 3 à 8 pour cent des coûts totaux de production habituellement considérés comme raisonnables.

S'il est souvent indispensable de faire appel à des organisations professionnelles pour gérer les réservoirs et les grands réseaux de canaux d'adduction, les organisations d'utilisateurs sont presque toujours capables de gérer les systèmes de distribution; les organisations de gestion de l'irrigation peuvent souvent réapparaître sous la forme de fournisseurs de services ou d'entreprises de services.

Amélioration de la transparence et de la responsabilité

Dans de nombreux pays, les institutions responsables de la gestion de l'eau ont souvent des antécédents marqués par des problèmes de bureaucratie, de dissimulation et de traitement abusif de la clientèle. Le manque de transparence et de sens de responsabilité a souvent caractérisé le secteur de l'eau. Plus l'eau se raréfie, plus le public exprime le besoin d'être informé sur la manière dont l'eau est utilisée, par qui et en quelles quantités; et de même il exigera de savoir qui pollue et dans quelles proportions. L'accès à l'information par Internet facilitera les efforts de transparence des institutions, mais il ne faut pas oublier que la vraie transparence ne se limite pas à la publication de quelques données soigneusement sélectionnées.

La jurisprudence indique de plus en plus que les institutions de gestion de l'eau, et en particulier celles qui s'intéressent à l'irrigation, doivent justifier leurs décisions et activités auprès des utilisateurs et de la société en général. Lorsque l'on pourra tenir les fabricants de véhicules motorisés responsables de l'élimination finale de leurs produits usagés il est vraisemblable que l'on pourra exiger des institutions de gestion de l'eau qu'elles livrent une marchandise de bonne qualité dans les délais voulus, d'autant plus que des eaux polluées pourraient contaminer les aliments produits et menacer la santé humaine.

Mesures d'incitation

L'une des mesures les plus efficaces d'incitation aux économies en eau est l'adoption d'une politique des prix qui fasse payer très cher le gaspillage de l'eau. La suppression des subventions gouvernementales accordées à l'eau d'irrigation est la première mesure à prendre, en examinant soigneusement ses conséquences sur les agriculteurs défavorisés. Il faut en fait adapter les politiques des prix de manière à ce que les agriculteurs n'aient pas à payer le coût intégral de l'eau qu'ils utilisent, mais qu'ils ne l'obtiennent pas gratuitement non plus. Des systèmes progressifs de tarification peuvent permettre de réaliser des économies en eau considérables: il est par exemple possible de conserver le prix habituel pour une portion de l'eau consommée, par exemple la moitié du volume normalement utilisé, puis d'augmenter le prix pour le prochain quart et de fixer un prix dissuasif pour le dernier quart. Ces systèmes peuvent également être utilisés pour protéger des nappes souterraines surexploitées. Une étude évaluerait le volume de réapprovisionnement naturel de la nappe; ensuite, les droits de prélèvement pour cette quantité pourraient être répartis entre les agriculteurs qui utilisent cette nappe. Ceux qui continueraient à pomper plus que leur part allouée pourraient alors, soit payer un prix beaucoup plus élevé, soit être contraints d'acheter les droits de pompage de ceux qui n'utilisent pas toute leur part dans des conditions de marché libre.

Porter au maximum la productivité de l'eau, ne signifie pas seulement l'optimisation de la production agricole par mètre cube d'eau, mais aussi celle du nombre d'emplois ruraux susceptibles d'être créés avec des ressources en eau limitées. Cela revient à dire que la valeur de l'eau réside à la fois dans les aliments qu'elle permet de produire et dans les revenus qu'elle peut générer. La répartition de l'eau d'irrigation peut constituer un moyen d'améliorer l'emploi si l'eau est distribuée aux familles rurales en fonction de l'endroit où elles vivent plutôt que des terres qu'elles possèdent. Plusieurs projets, dont certains en Inde et en Afrique, ont tenté l'expérience de distribuer suffisamment d'eau pour irriguer une petite parcelle de terrain à chaque exploitation familiale ou à chaque homme et chaque femme d'une zone donnée. Ces projets ont augmenté à la fois les revenus et la production alimentaire. De ce point de vue, il apparaît que le passage de l'agriculture pluviale, qui offre des emplois occasionnels et très saisonniers, à l'agriculture irriguée, qui nécessite souvent l'emploi de main-d'oeuvre à l'année dans les champs et pour faire fonctionner les systèmes de distribution, se traduit souvent par une augmentation des emplois.

Amélioration de la gestion des bassins fluviaux

La finalité de la gestion de l'eau est d'optimiser l'utilisation de l'eau dans l'ensemble d'un bassin fluvial de telle manière que tous les usagers aient accès à l'eau dont ils ont besoin. Par tous les usagers, on n'entend pas seulement les trois principaux secteurs que sont les collectivités urbaines, les industries et l'agriculture. Les autres usagers possibles sont: les services publics d'électricité, qui utilisent l'eau pour les aménagements hydro-électriques et pour refroidir les groupes thermiques des centrales classiques et les réacteurs nucléaires, les autorités portuaires qui ont besoin d'eau pour la navigation, les terres humides indispensables comme filtres naturels et comme aires protégées pour la flore et la faune sauvage, et les pêcheurs de rivière en aval dont la subsistance dépend du débit du cours d'eau.

Amélioration de la gestion dans le bassin du Nil

L'Initiative pour le bassin du Nil a été mise en place en 1998 par le Conseil des ministres chargés du secteur de l'eau de dix pays qui bordent le Nil. La FAO aide les nations à améliorer la gestion du bassin du Nil depuis plus de dix ans. Elle a par exemple contribué à:

  • mettre au point un système de prévision pour le fleuve Nil et un système de contrôle et d'aide à la décision pour la gestion du réservoir du barrage d'Assouan en Egypte;
  • renforcer les capacités techniques dans la région du lac Victoria en matière de surveillance des ressources en eau, de développement des outils de modélisation et d'élaboration d'un système de base de données géoréférencé pour la région;
  • renforcer les capacités de gestion des ressources en eau du bassin du Nil.
  • Le système de développement des ressources en eau du lac Victoria intègre la planification de l'agriculture et de l'énergie hydraulique aux études hydrologiques.

Les priorités seront difficiles à définir au cours des prochaines décennies. Les besoins croissants des populations urbaines constitueront un facteur incontournable. La propriété des droits sur l'eau est un sujet très préoccupant puisque, dans bien des régions du monde, les centres urbains se sont tout simplement appropriés l'eau dans les zones périurbaines et la considèrent comme leur propriété, privant ainsi les agriculteurs locaux de leurs moyens d'existence. Ailleurs des négociations intenses ont lieu entre les autorités municipales, qui disposent de fonds, et les propriétaires des terres rurales, qui détiennent les droits sur l'eau. Rares sont les bassins fluviaux qui ont rationalisé cet ensemble de facteurs selon une logique progressive qui voudrait que l'eau la plus pure soit d'abord destinée à l'usage domestique, puis qu'après traitement les eaux usées soient utilisées pour l'irrigation de cultures comme les céréales, et qu'enfin les eaux de moindre qualité soient employées pour l'irrigation des plantations forestières, des pâturages et des parcs, jardins et pelouses.

L'organisation de la gestion de l'eau à cette échelle est encore plus complexe lorsque les bassins fluviaux sont communs à deux pays ou davantage. Il y a beaucoup de cas de ce genre: à l'échelle mondiale, 47 pour cent des terres font partie de bassins fluviaux internationaux, dont on dénombre plus de 200 exemples. Treize bassins sont partagés par cinq pays ou davantage. Les bassins fluviaux partagés par les pays développés font déjà l'objet de nombreux accords régissant l'utilisation rationnelle de ces ressources en eau; ceux que se partagent les pays en développement sont beaucoup moins réglementés. La FAO s'efforce depuis de nombreuses années d'établir des bases saines pour la mise en place de tels accords.

Vers un avenir meilleur

La FAO croit en un avenir où la subsistance des ruraux comme des citadins serait assurée et où leurs besoins nutritionnels seraient satisfaits. Les agriculteurs géreraient leurs moyens d'existence et les ressources, et produiraient tous les aliments nécessaires pour eux-mêmes et les populations non agricoles, en utilisant leur propre ingéniosité et les ressources physiques dont ils disposent. Les jeunes resteraient dans leurs communautés rurales, aideraient celles-ci à s'occuper des plus âgés et vivraient en sécurité. Les zones rurales, comme les zones urbaines, bénéficieraient de services éducatifs, culturels et sociaux et de possibilités d'emploi réelles.

Toutes les bouches à nourrir dépendent de l'eau utilisée en agriculture qui produit les aliments à consommer et les revenus qui permettent de les acheter...

Tout le monde aurait accès aux aliments produits localement et ailleurs, ainsi qu'aux réseaux de transport et liaisons permettant la communication avec les marchés, les centres administratifs et le système économique en général. Les hommes et les femmes des zones rurales participeraient à l'amélioration mondiale du niveau de vie dont les retombées se manifesteraient en termes de qualité de vie, de santé et de loisirs. L'agriculture et les autres activités seraient pratiquées en harmonie avec l'environnement: les cours d'eau, lacs et nappes souterraines aux eaux propres seraient intégrés aux écosystèmes sains et naturels qui les entourent. L'eau serait gérée de manière efficiente et durable. L'eau et les ressources agricoles seraient équitablement accessibles, dans le cadre d'un environnement économique juste qui donnerait à chacun sa chance.

Un tel avenir ne se mettra pas en place tout seul: il faut que les droits humains, politiques et économiques des personnes soient respectés. La société doit être organisée de manière à ce que tous, même ses membres les plus faibles, aient accès à la nourriture et à l'eau. Chaque génération a l'obligation de préserver l'héritage naturel et agricole qu'elle laissera à ses descendants, de manière à ce que la production d'aujourd'hui ne compromette pas la capacité des générations futures à produire ce qui sera nécessaire à leur vie. Il importe encore davantage que les hommes et les femmes puissent prendre part aux décisions qui les concernent, y compris celles portant sur l'allocation et la gestion de l'eau. L'autorité décisionnelle doit être transmise au plus bas niveau possible et tout le monde doit avoir accès à l'information nécessaire pour prendre ces décisions.

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